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Divorce du chef d’Entreprise et patrimoine professionnel : comment procéder ?

Divorce du chef d’Entreprise et patrimoine professionnel : comment procéder ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Valorisation, partage, désintéressement mais aussi organisation de la gouvernance et sortie du capital, le divorce du chef d’entreprise a des conséquences significatives sur le patrimoine professionnel, qu’il y ait accord des époux pour se séparer ou désaccords.

 

Le divorce nécessite un processus de maturation personnelle et familiale souvent long et douloureux.

Dès lors que l’entreprise constitue un élément significatif du patrimoine familial, les équilibres financiers de la rupture sont d’autant plus délicats à définir entre les époux qui ont pourtant objectivement un intérêt économique à gagner leur indépendance patrimoniale :

  • l’entrepreneur, pour capter seul le fruit de son travail,
  • le conjoint, pour ne plus subir l’aléa inhérent à l’entreprise et réaliser ses propres investissements.

Certaines séparations conduiront à une situation d’indivision sur l’entreprise, plus ou moins longue, par exemple en raison d’un désaccord persistant entre les époux ou parce que le désintéressement du conjoint n’est pas finançable.

Comment anticiper et gérer ces situations afin de préserver l’entreprise ?

en cas d’accord des époux, comment valoriser l’entreprise et indemniser le conjoint ?

Permettre la sortie du conjoint d de l’outil professionnel est toujours délicat, peu importe le régime matrimonial du chef d’entreprise.

En présence d’époux communs en biens, toute acquisition réalisée à titre onéreux en cours d’union confère en principe un caractère commun au bien ainsi acquis, en vertu de l’article 1401 du Code civil.

Ainsi, un époux qui créé sa société pendant le mariage, voit celle-ci entrer, au moins en valeur, dans l’actif de communauté (à moins d’avoir souscrit au capital à l’aide de fonds propres et d’avoir procédé à une déclaration de remploi (article 1434 du Code civil)).

Le conjoint commun en biens peut avoir renoncé à prendre la qualité d’associé (article 1832-2 du Code civil) mais ne se verrait pas pour autant privé de la moitié de la valeur des parts. C’est la fameuse distinction entre le titre et la finance.

En présence d’époux séparés de biens ou d’entreprise qualifiée de bien propre sous un régime communautaire, les parts sociales restent la propriété personnelle de l’entrepreneur mais la valeur de l’entreprise est néanmoins bien souvent au centre des discussions pour déterminer le montant de la prestation compensatoire due par l’entrepreneur.

Les sujets de valorisation de l’entreprise et de désintéressement du conjoint devront donc être systématiquement abordés lors d’un divorce, sur un terrain émotionnel des époux compliqué et avec toujours en toile de fond le sujet de la pérennité de l’entreprise.

comment valoriser l’entreprise lors du divorce ?

Dans le cadre d’une procédure de divorce, la valorisation financière de la société peut susciter de vifs débats entre les époux, leurs intérêts économiques étant objectivement divergents.

En général, l’entrepreneur accepte difficilement de devoir des comptes à son conjoint et de partager, même en valeur, le fruit de son travail. Il peut avoir tendance à mettre en avant les difficultés d’exploitation rencontrées et avoir la tentation de ne pas révéler tout le potentiel de l’entreprise.

L’époux non entrepreneur, quant à lui, a tendance à surévaluer l’entreprise, parfois par ignorance, ou au regard de son activité passée et de ses projections positives futures, manière peut-être de saluer les performances entrepreneuriales de son conjoint.

La transmission de l’entreprise en nue-propriété aux enfants peut parfois constituer un moyen de contournement des difficultés entre les époux et d’apaiser les tensions à ce titre. Les époux s’inscrivent alors dans une dynamique commune de gratification de leurs enfants.

Dans tous les cas, la valorisation de l’entreprise doit être basée sur une étude objective, ce qui requiert une phase d’analyse économique mais également des états financiers historiques de la société sur trois ou quatre exercices, suivant des méthodes d’évaluation spécifiques.

Les différentes méthodes d’évaluation de l’entreprise

Les professionnels du chiffre recourent à plusieurs méthodes d’évaluation :

  • Approche patrimoniale: il est retenu l’actif net (total de l’actif moins les dettes), le cas échéant réévalué,
  • Approche dite des « Discounted Cash Flows ou DCF »: il s’agit de déterminer les flux de trésorerie futurs de l’activité et de les actualiser. Cela nécessite de prendre en compte un plan d’affaires prévisionnel et des flux de trésorerie mais également un taux d’actualisation qui détermine grandement la valorisation,
  • Approche dite des « comparables transactionnels »: on retient les multiples de valorisation de certains ratios tels l’excédent brut d’exploitation, le résultat d’exploitation et le résultat net, au regard des transactions avérées d’entreprises situées dans le même secteur économique, de même taille et de mêmes lieux géographiques d’activité.

Cet exercice permet de déterminer la valeur des titres de l’entreprise mais elle ne constitue pas nécessairement un prix. Le prix est pour l’essentiel fonction de l’intérêt des parties et sera fixé à l’aboutissement d’une transaction.

Problème particulier des comptes courants

La question du remboursement des comptes courants d’associés peut poser difficulté. L’entrepreneur pourrait devoir prélever, au moment de la liquidation du régime matrimonial, dans la trésorerie de son entreprise la moitié de la valeur desdits comptes pour dédommager son conjoint.

Ce remboursement peut mettre à mal les équilibres financiers de l’entreprise et partant la santé de l’outil professionnel.

A supposer que l’apport en compte courant n’ait pas été conclu en fraude de ses droits, le conjoint de l’entrepreneur se retrouvera en grande difficulté pour appréhender ces sommes pourtant communes.

Quelle est la date d’évaluation retenue : dissolution du mariage, jouissance divise, date du partage ?

Si c’est à la date de dissolution du régime matrimonial que la consistance des patrimoines propres et commun des époux doit être déterminée, c’est à la date de jouissance divise que ceux-ci doivent être évalués.

Cette date doit être fixée à la date la plus proche du partage en vue d’éviter des iniquités entre les époux.

La valorisation peut-elle être remise en cause ?

Dans le cas d’un divorce par consentement mutuel, en l’absence de contrôle opéré par le juge sur la convention de divorce, celle-ci est soumise au droit commun des contrats.

En conséquence les époux peuvent engager une action en nullité relative à l’encontre de la convention pour vice de consentement (erreur, dol…) dans un délai de cinq ans (article 2224 du Code civil).

Par ailleurs, en cas de sous-valorisation, une action en complément de part pourrait être initiée par l’ex-époux lésé de plus d’un quart. L’article 889 du Code civil dispose en effet : « Lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature. Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage. L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage ».

En vue de sécuriser l’opération, le recours à des avis de valeur rendus par des professionnels du chiffre s’avère ainsi opportun.  Cette expertise peut être de surcroît produite à l’administration fiscale en cas de redressement pour insuffisance de valorisation.

comment désintéresser le conjoint ?

Le partage entre les ex-époux est générateur d’un droit de partage de 1,8 % (passant à 1,3 % à compter du 1er janvier 2022). Cette imposition freine souvent la réalisation de l’opération et conduit de facto au maintien d’une indivision.

Le droit de partage étant un droit d’acte, il n’est dû que lorsque le partage et ses modalités sont précisés par écrit, quelle que soit la forme et la nature de l’acte concerné.

En présence de titres sociaux non négociables (parts sociales), il semble difficile, sous réserve des particularités propres à chaque situation, d’éviter un tel partage et l’acquittement du droit corrélatif si les deux époux souhaitent prendre leur indépendance. En effet, la mise à jour des statuts auprès du greffe du Tribunal de commerce compétent exige la formalisation d’un écrit et sa publication : procès-verbal d’assemblée générale, acte de partage …

En présence de titres sociaux négociables en revanche (actions), un partage verbal pourra parfois être envisagé entre les ex-époux, sous réserve naturellement d’une excellente entente et de liens de confiance entre les ex-conjoints. La mise à jour du registre des titres et des fiches d’actionnaires résultera alors d’un simple ordre de virement pris par le dirigeant et non signé par les deux ex-époux, en principe non générateur du droit de partage.

Le partage est-il nécessairement conforme aux droits théoriques des époux ?

Dans l’hypothèse d’estimations plus ou moins fantaisistes occultant un partage inégal, l’époux désavantagé pourrait se retourner plus tard contre le rédacteur de la convention, en sus de tenter une remise en cause de celle-ci.

Aussi, un partage causé entre les époux, même inégal, est sans nul doute préférable à un partage égalitaire de façade, établi lors du divorce sur la base de valeurs contestables. De la même manière, l’égalité à tout prix conduisant les époux à convenir artificiellement d’une prestation compensatoire est à proscrire.

Expliquer dans l’état liquidatif les raisons qui ont conduit à diminuer la soulte de partage participera à éviter le risque de requalification en libéralité, tant du point de vue civil que fiscal. Ainsi, préciser que le patrimoine commun n’a été constitué qu’au moyen de la seule activité professionnelle de l’époux entrepreneur serait de nature à justifier qu’une partie plus importante de la communauté revienne à celui-ci, en diminuant le montant de la soulte de partage dû à son conjoint. Permettre l’allocation d’actifs sécurisés au conjoint versus des actifs risqués à l’entrepreneur pourrait, également et au nom de l’équité, participer à justifier d’allocations inégales entre les époux.

Une fois le quantum défini, reste à étudier les moyens de dédommagement du conjoint de l’entrepreneur.

Les moyens de dédommager financièrement le conjoint

En vue de désintéresser son conjoint, l’entrepreneur peut procéder à une sortie de trésorerie existante de la société (financement interne) ou encore se tourner vers un établissement prêteur (financement externe).

Recours à un financement interne : distribution de dividendes ou réduction de capital

L’entrepreneur peut rendre une partie de son patrimoine professionnel liquide en vue de désintéresser son conjoint, en décidant d’une distribution de dividendes.

Les distributions de dividendes font l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique ou « flat tax » de 30 % composé de :

  • 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu,
  • 17,20 % au titre des prélèvements sociaux.

Les associés peuvent cependant opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, les dividendes sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et s’ajoutent aux autres revenus de son foyer fiscal.

Le revenu net à déclarer doit alors être calculé de la façon suivante :

  • application d’un abattement de 40 % sur le montant des dividendes bruts (et autres distributions), sous certaines conditions (distribution décidée en assemblée générale, société française ou ayant son siège social en Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France un accord en vue d’éviter les doubles impositions)
  • déduction de la CSG à hauteur de 6,8 % sur les revenus imposables de l’année suivante

L’entrepreneur peut également procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes par annulation de certains de ses titres en vue de recueillir leur contre-valeur.

De la même manière que pour une distribution de dividendes, le régime fiscal est celui de la « flat tax », avec possibilité d’opter pour le régime réel.

Une différence se situe néanmoins au niveau de l’assiette de l’impôt. Contrairement aux dividendes où l’assiette de taxation portera sur le montant des dividendes distribués, l’assiette en matière de réduction de capital correspond à la plus-value (prix de cession déduction faite du prix d’acquisition). Le prix d’acquisition s’entend du prix pour lequel les titres sont entrés dans le patrimoine du cédant, diminué de certaines charges et majoré des frais d’acquisition.

Dans certains cas, l’opération de réduction de capital peut s’avérer plus vertueuse fiscalement qu’une simple distribution de dividendes.  Néanmoins, en présence d’autres associés, cette opération pourrait réduire la participation au capital de l’entrepreneur et avoir un effet de dilution non souhaité. La réduction de capital pourrait de surcroit, et dans certaines circonstances, être qualifiée d’abusive.

En vue d’éviter ce risque, l’entrepreneur devra prendre soin de justifier ce choix d’opération pour des raisons autres que fiscales, et ceci d’autant plus depuis l’entrée en vigueur de la notion de nouvel abus de droit fiscal (article L64 A LPF).  Il devra veiller également à ne pas la renouveler trop souvent.

La sortie de trésorerie a des conséquences économiques pour l’entreprise, jusqu’à risquer de remettre en cause dans certains cas sa bonne santé. Aussi, l’entrepreneur peut n’avoir alors d’autres choix que de se tourner vers un financement externe.

Recours à un financement externe : emprunt bancaire de l’entreprise ou via un LBO (Leverage Buy Out)

En vue de dégager les liquidités nécessaires, l’entrepreneur peut se tourner vers ses partenaires bancaires, soit en souscrivant un prêt en direct, soit en faisant emprunter une société constituée ad hoc à laquelle serait vendue l’entreprise.

Financement bancaire par l’entrepreneur

L’entrepreneur peut souscrire un prêt à titre personnel auprès d’un établissement bancaire de son choix en vue de financer les sommes dues à son conjoint au titre de la liquidation et du partage du régime matrimonial.

L’offre de prêt émise pourrait l’être sous condition du prononcé du divorce. Une fois le divorce prononcé, la date de consistance tant active que passive serait arrêtée à la date de dissolution du régime matrimonial, laquelle serait antérieure à la date de souscription dudit prêt.

Le conjoint de l’entrepreneur ne serait ainsi de son côté aucunement engagé par la dette ainsi souscrite.

Reste que la banque pourrait, en fonction des circonstances, ne pas souhaiter apporter son concours à l’entrepreneur, préférant prêter à une société plutôt qu’à une personne physique, ou l’entrepreneur pourrait avoir lui-même intérêt à emprunter via une société.

Restructuration du groupe en vue de la souscription d’un prêt par la société cessionnaire de l’entreprise

Le patrimoine acquis peut être un outil de financement dans le cadre d’un LBO (Leveraged buy-out).

En effet, le LBO permet à l’entrepreneur d’obtenir des liquidités en vendant son entreprise à une société qu’il aura lui-même constituée, à une date postérieure à la date de dissolution convenue par les époux. Le LBO permettrait donc d’externaliser les sommes dues au conjoint en le faisant supporter par une personne morale distincte.

Toutefois, la banque qui finance l’opération ne consentira vraisemblablement un prêt que si l’entreprise acquise par la société produit des revenus, ou si le vendeur obtient le concours de plusieurs associés pour renforcer la capacité de remboursement de la société ainsi constituée.

Comme toute vente, le LBO impose au vendeur diverses charges qu’il devra intégrer dans sa simulation pour déterminer le bénéfice réel de l’opération, notamment le cout de l’impôt sur les plus-values générée par la cession.

De son côté, la société qui acquiert le bien doit payer les frais de vente, les droits d’enregistrement et les couts de constitution des garanties demandées par la banque. Le montant cumulé de ces dépenses doit être pris en compte pour calculer la rentabilité et l’intérêt global de l’opération.

Si la faisabilité économique de l’opération est écartée par l’entrepreneur, restera à ce dernier la nécessité de devoir composer avec son conjoint au sein de l’entreprise.

en cas de désaccord des époux, comment assurer la gestion et la pérennité de l’entreprise ?

Quelle que soit la raison de l’indivision persistante sur l’entreprise, il est indispensable de sécuriser l’entrepreneur, ses associés et ses partenaires sur la gestion de l’entreprise tant que le partage entre époux n’est pas intervenu.

Il n’est pas inutile non plus de tenter de trouver des voies de sortie du conjoint pour faire cesser l’indivision, si les relations entre ex-époux sont trop difficiles.

sécurisation de la gouvernance en cas de divorce

D’un point de vue de la gouvernance, on ne saurait trop conseiller à l’entrepreneur qui sent son couple vaciller de se tourner très rapidement vers ses conseils afin d’envisager :

  • une révision des statuts visant à sécuriser notamment son poste de dirigeant (et sa rémunération…), l’entrée éventuelle de tiers dans l’entreprise (clauses d’agrément, préemption…), les conditions de prise de décisions en assemblée générale (majorité, minorité de blocage…)
  • la signature d’un pacte d’actionnaires afin d’acter par exemple les conditions de sortie des associés en cas de séparation (formule de calcul permettant de déterminer la valeur des titres)
  • la dilution du conjoint par la réalisation d’une augmentation de capital permettant à l’entrepreneur d’être majoritaire et de continuer à pouvoir ainsi piloter l’entreprise pour la préserver d’éventuels conflits à venir.

En tout état de cause, la situation reste particulièrement délicate si les époux sont mariés sous un régime de communauté. Ils demeurent communs en biens tant que le divorce n’est pas prononcé et se trouvent en indivision dès le prononcé du divorce.

Deux questions se posent pendant la période d’indivision : celle de la gouvernance en cas de défaillance de l’entrepreneur et celle de l’organisation des relations entre les ex-époux au sein de l’entreprise pendant l’indivision.

Sécurisation de la gouvernance en cas de défaillance de l’entrepreneur

Il n’est pas inutile de prévoir la sécurisation de la gouvernance de l’entreprise en cas d’incapacité ou de décès prématuré de l’entrepreneur dès que la décision de divorce est actée, particulièrement s’il s’annonce houleux.

Ceci peut être le moment pour l’entrepreneur de revoir ses dispositions testamentaires afin notamment de supprimer s’il l’estime opportun :

  • toute transmission successorale au profit de son conjoint tant que le divorce n’est pas prononcé,
  • le droit à la jouissance légale de l’autre parent sur les biens des enfants mineurs avant les 16 ans de ces derniers,
  • la possibilité pour l’autre parent d’administrer les biens de ses enfants mineurs.

Il est également opportun pour l’entrepreneur de réfléchir à la conclusion de mandats de protection future (cas de son incapacité) et à effet posthume (cas de son décès prématuré), a minima sur les titres de son entreprise.

Par ces mandats, il peut confier à des tiers de confiance la mission d’administrer ses titres (voter en assemblées générales) s’il n’était plus en état de le faire.

En cas de mandat notarié, l’entrepreneur peut confier à ce ou ces tiers de confiance le pouvoir de disposer de ses titres (les apporter à une holding ou les vendre notamment) pour le cas de son incapacité.

Ces mandats permettent notamment aux tiers de confiance en cas de défaillance de l’entrepreneur (incapacité ou décès) :

  • de réunir immédiatement une assemblée générale pour nommer un nouveau dirigeant
  • de procéder à des distributions de dividendes si nécessaire (financement du train de vie du dirigeant ou acquittement de droits de succession notamment)
  • et d’éviter en tout état de cause la désignation d’un tuteur, notamment du conjoint (cas de l’incapacité de l’entrepreneur) ou une gestion de l’entreprise par l’indivision des héritiers (cas du décès de l’entrepreneur).

A tout le moins, ces mandats permettent d’éviter, en cas d’incapacité de l’entrepreneur, toute tentative du conjoint de se voir autorisé par le juge à voter à sa place en assemblée générale sur le fondement des articles 217 et 219 du Code civil. Ces votes pourraient en effet avoir pour objet de se faire nommer nouveau dirigeant ou de procéder à des distributions de dividendes intempestives.

Gestion des titres au cours de l’indivision post-conjugale

Si les titres étaient communs et en l’absence de partage entre les ex-époux, ces derniers se trouvent alors en indivision sur chaque titre. Une distinction doit être ici opérée entre les titres sociaux négociables (actions) et non négociables (parts sociales).

Pour les actions, l’accord des deux ex-conjoints sera requis en cas de cession et le droit de vote s’exercera d’un commun accord entre eux, par application des règles de l’indivision (articles 815-3 et suivants du Code civil). La cession des actions par l’un des indivisaires serait alors inopposable à l’autre.

La perception de dividendes est source de difficultés dans la mesure où il existe une incertitude sur le fait de savoir si une telle opération nécessite un vote des deux indivisaires (ce qui paraît être le cas en présence d’une participation majoritaire) ou si un tel formalisme n’est pas nécessaire (ce qui semble être le cas pour une participation minoritaire qui subirait une décision des majoritaires).

En présence de relations conflictuelles entre les ex-conjoints, il sera opportun de recueillir l’accord des deux pour déterminer le sens du vote à retenir.

En pratique, les statuts prévoient quasi-systématiquement la désignation d’un mandataire commun des indivisaires (choisi parmi eux ou en dehors) pour éviter autant que faire se peut à la société de subir la mésentente entre associés.

La signature d’une convention d’indivision entre les ex-conjoints pourrait avoir du sens. En cas de désaccord persistant, c’est un mandataire judiciaire qui doit être nommé.

Pour les parts sociales, la situation de l’entrepreneur est plus confortable pendant l’indivision post-communautaire puisqu’il a le droit de disposer seul des titres indivis, grâce à la distinction opérée entre le titre et la finance (Cour de cassation, 7 octobre 2015, n°14-22.224).

C’est ici la valeur des parts sociales qui est commune, tandis que la qualité d’associé appartient à un seul conjoint (sous réserve naturellement que l’autre n’ait pas revendiqué la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales souscrites par son conjoint au moyen de biens communs au cours de l’union).

C’est en outre l’époux qui a la qualité d’associé qui peut prétendre aux dividendes, le paiement réalisé au profit du conjoint n’étant pas libératoire pour la société.

organisation de la sortie du conjoint après le divorce

En l’absence d’accord entre les ex-époux, la sortie forcée du conjoint peut être organisée, à l’initiative de l’un ou de l’autre des ex-époux.

Le choix des conditions de sortie forcée dépend naturellement de la situation particulière de l’entreprise et des ex-conjoints, mais il est possible de présenter ici plusieurs pistes de réflexion d’ordre général.

Un mécanisme d’isolement du conjoint des actifs de l’entreprise

La sauvegarde de l’entreprise peut dans certains cas être organisée grâce à l’interposition sociétaire :

  • une holding a été préalablement constituée afin de préserver la gestion opérationnelle de l’entreprise de la mésentente entre associés de la holding
  • ou la holding est créée post-divorce par apport de titres de l’entrepreneur.

Cette dernière hypothèse suppose naturellement que :

  • les titres apportés appartiennent en biens propres ou personnels à l’entrepreneur
  • le conjoint soit également titulaire de titres de la société concernée
  • l’entrepreneur dispose dans la société au sein de laquelle il est associé avec son conjoint d’une majorité suffisamment large.

L’apport par l’entrepreneur de ses titres à une société holding lui permet à moyen ou long terme, par réduction de capital de la filiale, d’appréhender des actifs dans sa holding et d’isoler le conjoint dans la filiale.

Le retrait du conjoint par recours à la voie judiciaire

Si les tentatives d’organisation des relations des ex-conjoints n’ont pas fonctionné, il reste possible de recourir à la voie judiciaire pour forcer la sortie du conjoint.

Il est important de rappeler que le conjoint a un réel intérêt personnel et financier à voir acter sa sortie de l’entreprise. L’objectif n’est donc pas ici de flouer ses droits mais de protéger l’entreprise de la mésentente persistante de ses associés.

Bien que cette option relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, la mésentente entre associés est justement un cas possible de dissolution de l’entreprise (article 1844-7 du Code civil). Cette possibilité ne sera naturellement pas satisfaisante pour le dirigeant, mais peut offrir une piste de sortie au conjoint.

Le retrait pour juste motifs pourra constituer une piste à explorer également si l’entrepreneur rechigne à acter la sortie du conjoint. Il convient toutefois, pour que cette voie puisse être menée à son terme, que la mésentente entre associés, si c’est là le cas évoqué pour justifier du retrait, paralyse réellement le bon fonctionnement de la société.

La Cour de cassation (Cass. Civ. 3, 11 février 2014, 13-11.197) a par ailleurs admis le retrait forcé d’un associé en raison de la disparition entre les ex-époux de tout affectio societatis, suite à leur divorce et à une mésentente persistante entre eux. Il est important de préciser que cette décision a été rendue à propos d’une société civile propriétaire d’un bien immobilier qui ne générait aucun revenu, ce bien étant occupé par l’un des ex-époux.

Si les tentatives de séparation, de désintéressement du conjoint ou de coexistence pacifique au sein de l’entreprise s’avèrent infructueuses, la plus sage option pour repartir de l’avant consiste peut-être in fine à la vente.

Il convient alors de tenter de trouver un chemin de cohésion entre les ex-époux, au moins pendant les négociations avec l’acquéreur. A défaut, les cédants seront à la merci d’un acquéreur habile à détecter leurs désaccords pour négocier le prix.

 

 

 

Si le souhait de l’entrepreneur est de pérenniser son activité, il aura donc tout intérêt à anticiper les risques de séparation de son couple au plus tôt, et même dès son mariage, l’engagement amoureux ne s’affranchissant pas de toute réflexion patrimoniale. Confronté à son divorce, il réalise parfois trop tard l’importance de son régime matrimonial.

Le chef d’entreprise devra en tout état de cause s’entourer de professionnels qualifiés qui sauront le conseiller pendant cette période de rupture pour préserver son patrimoine et ses actifs professionnels.

 

Auteurs
Cécile Peyroux et Christel Tessier

Notaires

Cécile Peyroux est intervenant formateur à L’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine

LBO ou Leverage Buy Out : principes, types de montages et effet de levier

LBO ou Leverage Buy Out : principes, types de montages et effet de levier

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

En quoi consiste le LBO ? Quels sont les différentes formes de LBO ? Qu’est-ce que l’effet de levier et quels types de dettes sont utilisés ? Explications.

Le LBO (leverage buy out) est un montage financier qui consiste en un rachat d’entreprise ou société par le levier de l’endettement. Le rachat est effectué par une société holding créée à cet effet qui utilise l’endettement pour acquérir les titres d’une société et en prendre le contrôle.

Ce montage fait partie des opérations fréquemment privilégiées lors du rachat d’une société. Le point sur le fonctionnement du LBO, ses différentes formes et le principe de l’effet de levier.

SOMMAIRE

  • Le LBO : principe et effet de levier
  • Les différents types de LBO
  • Le principe du financement par le levier de l’endettement : les différents types de dettes

Le LBO : principe et effet de levier

 

L’investisseur, via le LBO, a deux objectifs : racheter une société cible dont il espère une plus-value à la revente et bénéficier de l’effet de levier de l’endettement.

 

Qu’est-ce que le LBO ?

Comme évoqué il s’agit du principe de rachat d’une société, qui peut être une PME (Petite et Moyenne Entreprise) comme un grand groupe international.

Le LBO permet, avec un apport limité, de prendre le contrôle de 100% du capital d’une société. Le montage repose sur une structuration entre apport en capital et recours à l’endettement.

Les investisseurs, intéressés par une société dont ils espèrent une forte croissance et une plus-value future à la revente, acquièrent la société cible via une holding de reprise.

Ils réalisent pour partie un apport en capital au sein de cette holding mais privilégient surtout l’endettement à taux fixe. La capacité de la société cible à distribuer des dividendes est cruciale. C’est en effet par ce moyen que la holding de reprise des investisseurs remboursera l’endettement. Les investisseurs sont souvent des fonds d’investissement seuls ou accompagnés d’un repreneur personne physique ou société.

Exemple de schéma de structuration de la holding de reprise :

Source : Sabine Petitgirard pour l’ESBanque

Dans cet exemple, les investisseurs en capital apportent 35 pour l’acquisition d’une société cible ayant une valeur de 100. La dette de financement bancaire ou permet le financement complémentaire de 65 pour acquérir la cible. L’acquisition de la société cible se fait donc à la fois par apport en capitaux propres et dettes. Investisseurs et banques de financement analysent la rentabilité de la société cible et sa capacité distributive afin de déterminer le montant maximal de la dette.

 

Qu’est-ce que l’effet de levier ?

L’effet de levier consiste à démultiplier les possibilités d’acquisition en recourant à la dette.

Le remboursement de la dette permet en effet un triple effet de levier :

  • Effet de levier juridique: l’apport en capital peut être plus efficace par l’utilisation d’actions particulières comme les actions dites de préférence Elles permettent aux investisseurs de détenir davantage de droits de vote ou de droits financiers.

 

  • Effet de levier financier: il provient de l’endettement qui finance une partie de l’acquisition. Il est important que la société cible qui sera rachetée soit économiquement rentable de telle sorte que le dividende qu’elle pourra distribuer puisse rembourser la dette constituée. Le principal de la dette sera ainsi remboursé par la cible au regard de sa capacité à générer du bénéfice. L’analyse de la société cible et de son business plan est donc fondamental pour déterminer le montant de l’endettement possible.

L’effet de levier financier repose sur la différence entre le taux de l’endettement, c’est-à-dire le coût du financement externe et la rentabilité de la société cible, c’est-à-dire sa capacité à générer des profits et à les distribuer. Si la rentabilité de la société cible est supérieure au coût de l’endettement, l’effet de levier financier est positif pour l’investisseur.

Parallèlement, l’actionnaire au fur et à mesure que l’endettement diminue, pour autant que la valorisation de la cible ne soit pour le moins identique sinon supérieur, voit la valorisation de son capital augmenter. Ainsi la dette est remboursée progressivement et le groupe de société (holding et société cible) prend de la valeur participant à la plus-value et la rentabilité attendue par les investisseurs (associés personnes physiques et fonds de private equity).

L’effet de levier juridique et financier se combine avec un effet de levier fiscal.

 

  • Effet de levier fiscal :

Il est lié notamment au fait de pouvoir recourir à l’intégration fiscale, conditionné entre autres à ce que la holding détienne au moins 95% du capital de la société cible.

 

Intégration fiscale et régime mère-fille : quelles différences ?

L’intégration fiscale impose de remplir certaines conditions (article 223 A du CGI) :

  • Assujettissement à l’IS pour la société mère et fille
  • Concordance des exercices comptables
  • Au moins 95 % du capital de la filiale doit être détenu directement ou indirectement par la société mère. Cette condition garantit que le groupe a un contrôle substantiel sur sa ou ses filiales.
  • Aucune société domiciliée en France et assujettie à l’IS ne doit détenir plus de 95 % de la société mère.

L’intégration fiscale désigne une société dite mère qui se trouve seule redevable pour elle et sa ou ses filiales de l’impôt sur les sociétés, cette option impose la conclusion d’une convention d’intégration fiscale.

Ce régime fiscal permet de remonter le résultat de la cible dans la holding. Cela permet de consolider les résultats fiscaux au niveau de la holding considérant uniquement une quote-part de frais et charges de 1% (depuis la Loi de Finances rectificative de 2015). La Loi de Finances pour 2024 subordonne le bénéfice en cas d’intégration fiscale au fait que la société distributrice soit membre de ce même groupe depuis plus d’un exercice (filiale française).

Ainsi l’impôt sur les sociétés sera diminué des frais puisque ce résultat sera déterminé au niveau de la holding.

L’intégration fiscale permet ainsi de considérer un résultat à un seul niveau, celui de la holding, permettant par la même de déduire le déficit lié au frais générés par le remboursement de la dette.

A noter que les charges financières nettes déductibles du résultat fiscal de l’entreprise sont soumises à une limite ou plafond (à savoir, dans la limite du plus élevé des deux montants suivants 3 millions d’euros ou 30% de son résultat fiscal avant impôts, intérêts, dépréciations et amortissements (EBITDA fiscal (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization)) applicable notamment en cas d’intégration fiscale (article 223 bis du CGI).

Par comparaison, si la cible est détenue à moins de 95 % par la société mère mais à plus de 5 %, elle peut opter pour le régime mère et filiale. Ce régime permet à la société cible de remonter le résultat en quasi-franchise d’imposition mais elle doit payer l’impôt sur les sociétés. Le régime mère-fille permet d’exonérer d’IS les produits versés par la société fille. Fiscalement, la société mère déduit 100 % des produits reçus puis réintègre une quote-part de 5 % de frais et charges.

L’IS supplémentaire est faible, mais le régime reste moins pertinent que l’intégration fiscale. Les frais financiers relativement lourds de la holding génèrent un déficit, et ce déficit ne peut être transmis à la société fille qui paie toujours l’IS. Aussi, dans le schéma et puisque la holding ne génère pas de résultat ou peu (management fees), les frais financiers ne peuvent être déduits qu’à hauteur de la quote-part remontée. A noter qu’il existe un plafond de déductibilité des frais.

 

Le schéma de LBO recourt donc principalement à l’intégration fiscale.

Schéma avec intégration fiscale :

Source : Sabine Petitgirard pour l’ESBanque

 

Les différents types de LBO

 

Selon la nature de l’acheteur, le LBO aura un nom différent :

  • Lorsque les repreneurs sont des cadres dirigeants de l’entreprise rachetée, on parle de Leveraged Management buy-out (LMBO, RES Rachat d’Entreprise par les salariés en France)
  • Lorsque les repreneurs (investisseurs) proviennent uniquement de l’extérieur, on parle de Leveraged Buy-In (LBI)
  • Lorsque les acheteurs sont à la fois des investisseurs extérieurs et des cadres internes à l’entreprise rachetée, on parle de Buy-In Management Buy-Out (BIMBO)
  • Lorsque les actionnaires veulent à terme fusionner l’entreprise avec une autre, on parle de Leveraged Build-Up (LBU)
  • Lorsque les acheteurs sont des investisseurs extérieurs et qu’ils apportent une nouvelle équipe de management, on parle de Leveraged Management Buy-In (LMBI)
  • Lorsque le propriétaire de la société est lui-même acheteur, on parle de Owner Buy-Out (OBO)

Selon le schéma, la répartition capitalistique peut être différente. Très souvent les fonds d’investissements sont des associés participant à l’apport en capital. On peut ainsi retrouver lors de la structuration des « pools » d’investisseurs.

Par ailleurs pour certaines structurations de capital, il est possible d’intéresser les managers en leur permettant de devenir associé minoritaire, directement dans la holding ou par des holdings intermédiées, communément appelées MANCO (pour « Managers Company ») permettant au cercle managérial de monter au capital. Il y a de forts enjeux sur la nature des actions accordées, comme sur le volume de prise de participation et enfin sur la nature du pouvoir décisionnaire dans le cadre de ces prises de participations. La structuration se fait ainsi par la nature des droits de vote, la quote-part de détention directe ou indirecte, la nature des actions par exemple de préférence, des BSA (Bons de souscription d’Actions) ou autres actions spécifiques.

Les associés de la holding de reprise se répartissent ainsi souvent entre les dirigeants de la cible, éventuellement des cadres (MANCO ou non) pour les intéresser au travers d’une montée au capital et des fonds de private equity ou fonds d’investissements.

Il est fondamental de bien structurer le capital de la holding, tant sur le plan de la prise de pouvoir que sur celle de la valorisation à terme pour l’investisseur. La nature de l’investisseur (fonds, dirigeant ou cadre) est également déterminante.

Souvent, la société holding et la société cible fusionnent à la fin du remboursement de l’emprunt. Il est aussi possible de réaliser cette fusion pendant le remboursement. Cette fusion permet à la société de déduire la charge de l’emprunt de ses résultats sans avoir à faire une distribution de dividendes.

 

Le principe du financement par le levier de l’endettement : les différents types de dettes

 

Les fonds empruntés pour la reprise de la société cible correspondent en moyenne à 70 % de la mise initiale. Ces fonds sont le plus souvent apportés par des banques classiques.

Il existe trois types de dettes, mais on retient principalement la dette senior et la dette mezzanine. L’endettement de la holding d’acquisition prend d’abord la forme d’une dette bancaire senior et d’une dette mezzanine, le remboursement de la seconde dette dépend directement du remboursement de la première.

La dette senior : lors d’une opération de LBO, une dette senior correspond à la dette que l’entreprise contracte auprès des banques. Notons qu’un financement par LBO s’accompagne de clauses contractuelles qui imposent au repreneur des contraintes dans la gestion de l’entreprise. Elle prend la forme d’un prêt moyen terme (entre 5 et 8 ans) et couvre plus de 50% à 55% de l’endettement global du LBO.

La dette mezzanine : elle prend la forme d’un prêt subordonné, c’est-à-dire dépendant du remboursement préalable des prêts bancaires, ou d’une émission obligataire assortie de bons de souscription en action ou convertible en actions.

 

Très souvent, le financement est partagé entre plusieurs banques, il s’agit de «pool bancaire ». Une des banques aura le rôle d’agent arrangeur. C’est elle qui va structurer, négocier et mettre en œuvre un financement en dette sénior.

Notons que les fonds d’investissement, tout comme l’investisseur personne physique, peuvent venir en concours sur la partie dette, puisqu’ils peuvent souscrire des obligations (comportant des primes de non-conversion au capital) finançant le rachat de la société cible.

La dette peut prendre deux formes :

  • amortissable : en général sur 6 ou 7 ans. Elles sont remboursées à hauteur de 1/6 ou 1/7 à chaque date anniversaire de la libération de la dette.
  • in fine: ce type de dette se rembourse intégralement à la maturité finale et est bien sûr plus risqué (le risque de la banque ne baisse pas chaque année) et donc plus cher.

 

Comme on peut le constater, le LBO repose sur plusieurs paramètres : une structuration du rachat constituée par une combinaison de fonds propres et crédit, une structuration juridique de la holding lors de la création et l’analyse du business plan de la société cible.

 

Rappelons que le montage est encadré d’un point de vue juridique par plusieurs textes et notamment par l’article L225-216 du code de commerce : « une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers ». L’enjeux est d’éviter que tout ne repose sur la profitabilité de la cible et donc sur un montage artificiel.

 

Après une forte baisse depuis deux ans, on note une reprise du volume global des LBO. Les opérations de fusions-acquisitions, nommées en anglais « Mergers and Acquisitions (M&A) », désignant plus globalement l’achat d’une ou plusieurs sociétés par une ou plusieurs autres, sont considérées à l’échelle mondiale comme de retour en ce premier trimestre 2024, et notamment dans le domaine de la biotech. Cela laisse présager de beaux jours pour les LBO.

 

Auteur

Sabine Petitgirard  

Juriste Fiscaliste en Banque privée, Intervenante-formatrice à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine).

Quel régime matrimonial pour le chef d’entreprise ?

Quel régime matrimonial pour le chef d’entreprise ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Régime matrimonial du chef d’entreprise par excellence, le régime de séparation de biens est-il toujours le plus adapté ? Quels aménagements, quels autres régimes sont possibles ?

 

« On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char. » (Winston Churchill).

Si le dirigeant ou dirigeante se consacre à son travail et à son entreprise, il n’en demeure pas moins également devoir organiser la protection de ses proches et la sienne. Cette protection passe notamment du point de vue matrimonial par le choix du bon statut pour la protection de son conjoint. Ainsi, il ou elle peut s’avérer tirer le char de la famille. De ce point de vue, devons-nous considérer, comme il a été coutume il y a déjà 20 ans, de préconiser en cas de mariage un régime séparatiste, partant du postulat que celui-ci était le plus protecteur ?

L’évolution des techniques des régimes matrimoniaux eux-mêmes, comme des lois protégeant la résidence principale des créanciers, ou encore l’évolution des besoins patrimoniaux dans le temps, peuvent donner lieu à une approche plus fine des régimes et techniques juridiques adaptés au chef d’entreprise.

Quels sont les avantages du régime séparatiste pour le chef d’entreprise ? D’autres régimes ne seraient-ils pas adaptés ? Comment faire évoluer le régime matrimonial au fil de la vie professionnelle du chef d’entreprise ? Explications.

Avant tout un bref rappel sur les régimes matrimoniaux. En droit français quel que soit la diversité des régimes matrimoniaux, les époux sont soumis à un statut fondamental dit « régime primaire », d’ordre public, soucieux d’une certaine indépendance des époux et d’un minimum de solidarité. Il est rappelé que chaque époux peut faire un acte d’administration, de jouissance ou de disposition, sur un bien meuble qu’il détient individuellement (article 222 du Code civil). Il est réputé avoir le pouvoir de le faire seul (exception principale faite du logement de la famille, article 215 du Code civil). Dans ce cadre, il peut consentir toute aliénation à titre gratuit (donation) ou à titre onéreux (vente). A ce titre rappelons que les parts de société sont considérées comme des biens meubles.

En régime de communauté, cette présomption de libre disposition ne joue pas pour les meubles corporels soumis à publicité, tels que les bateaux et les avions, non plus que pour un fonds de commerce. En régime de communauté également, les biens financés par les revenus des époux sont présumés être communs. Seuls les biens acquis par donation ou succession restent propres. Si l’acquisition de l’entreprise est financée par des revenus professionnels, cette présomption de communauté rend les parts sociales communes.

A lire ces premiers éléments, le régime qui permet le plus de liberté au chef d’entreprise s’apparente à un régime qui considère le détenteur des fonds comme le propriétaire du bien servant à l’acquérir, donc à un régime séparatiste. C’est aussi celui qui permet une certaine protection du patrimoine familial non professionnel.

Depuis le 1er février 1966, le régime matrimonial par défaut, celui qui s’applique sans contrat de mariage, est celui de la communauté réduite aux acquêts (encore appelé communauté d’acquêts). Aussi, pour que les époux puissent se marier sous le régime dit séparatiste, il est nécessaire d’établir un contrat de mariage. Le dit-contrat s’établit selon les régimes matrimoniaux autorisés par le Code civil. Ainsi le chef d’entreprise s’est souvent vu proposé, à l’aube du mariage, un contrat de mariage pour un régime séparatiste.

S’agissant de régime matrimonial, nous abordons dans nos développements la situation du chef d’entreprise marié et non celle du concubin ou du partenaire de Pacs. Nous porterons notre analyse dans un cadre franco-français. Par entreprise, on parlera principalement d’un cadre sociétaire, SARL (Société à responsabilité Limitée), SAS (Société par Action Simplifiée), SCA (Société en Commandite par Action), SNC (Société en Nom Collectif), SCP (Société Civile Professionnelle).

SOMMAIRE

  • Chef d’entreprise et régime séparatiste: une double protection
  • Existent-ils d’autres régimes adaptés au chef d’entreprise ?
  • Le régime matrimonial du chef d’entreprise à l’épreuve du temps

Chef d’entreprise et régime séparatiste: une double protection

Le régime de la séparation de biens constitue la pierre angulaire du régime considéré comme protecteur pour le chef d’entreprise. En effet, du point de vue de sa responsabilité patrimoniale, l’époux engage ses revenus et ses biens personnels. Il s’agit d’un régime qui par nature attribue à celui qui acquiert la propriété individuelle du bien. Aussi, si les patrimoines sont par essence individualisés, le chef d’entreprise voit tout à la fois son patrimoine augmenter, et le gage des créanciers ne porter que sur ses biens personnels mais pas ceux de son conjoint.

Bien qu’en régime de communauté légale, le conjoint ne puisse engager au titre d’un crédit que ses biens propres et les revenus afférents, la majorité de son patrimoine étant souvent constitué de biens communs, les créanciers solliciteront a minima le consentement du conjoint pour engager les biens propres de l’emprunteur et les biens communs. Et puisque la philosophie du régime communautaire est celle de considérer communes les acquisitions par gains et salaires et revenus de biens propres, le patrimoine commun à vocation à constituer la majeure partie du patrimoine du couple.

On retiendra une différence entre la finance qui est commune concernant les parts sociales ou actions acquises avec des fonds communs et la qualité d’associé qui peut rester personnelle. En cas d’acquisition de parts non négociables (SARL, SNC, société civile), le chef d’entreprise doit par ailleurs obligatoirement en informer le conjoint, à la différence des parts négociables (SA, SAS).

Si l’époux cède des parts non négociables, il doit également avoir l’accord du conjoint (même si ce dernier n’est pas associé). Bien que le régime communautaire permette avec des notions de récompenses et de reprises de tenir compte des flux entre les fonds propres et communs lors de la dissolution du régime matrimonial, ces calculs peuvent rendre la liquidation compliquée (article 1469 du Code civil).

Enfin dans le régime de communauté, le patrimoine professionnel du chef d’entreprise qui représente souvent l’essentiel de son patrimoine a vocation, lorsqu’il est créé post mariage, à être commun. Ainsi le ou la chef d’entreprise devra dédommager l’autre époux pour moitié de la valeur de l’entreprise en cas de divorce.   Le régime séparatiste permet d’éviter ces situations. Il maintient les patrimoines séparés sur le principe (article 1538 du Code civil). Il présente, pour le chef d’entreprise, une double protection :

  • Il est protecteur du conjoint en termes d’engagements, limitant ceux si sur les biens personnels plus importants par nature du chef d’entreprise (sauf à ce que les créanciers sollicitent une caution personnelle et solidaire du conjoint).
  • Il est également protecteur du chef (e ) d’entreprise dans le cas d’un éventuel divorce ou de succession et de famille recomposée.

Il est ainsi fréquent pour les chefs d’entreprise de recourir au régime séparatiste. Et ceci d’autant plus pour les chefs d’entreprises organisés en entreprise individuelle ou les professions libérales, ces professions étant exercées directement sans recours à une société limitant la responsabilité aux apports. Le régime de séparation de biens a néanmoins comme corollaire de ne pas faire profiter le conjoint de l’accroissement de la valeur du patrimoine du couple via l’entreprise, celle-ci étant un bien propre de l’entrepreneur.

Il est possible de corriger ce déséquilibre et d’accroître la protection du conjoint en complétant ce régime par d’autres mesures telles que :

  • la donation de biens présents entre époux : d’un point de vue fiscal un époux peut donner jusqu’à 80 724 € (article 790 E du CGI) à son autre époux. En pratique le don manuel sera souvent utilisé (complété d’une déclaration fiscale a postériori au travers du formulaire cerfa 2735).
  • une donation au dernier vivant qui offrira au conjoint un choix de droits plus large au décès et un montant quantitatif plus important également. La donation au dernier vivant (article 1094 -1 du Code civil), exception au pacte sur succession future, permet au conjoint à la succession du défunt de choisir entre:
    • la quotité disponible ordinaire
    • ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit
    • la totalité de la masse successorale en usufruit

Mais le chef d’entreprise ne pourrait-il pas adopter un autre régime que la séparation de biens ?

Existent-ils d’autres régimes adaptés au chef d’entreprise ?

Deux autres types de contrat de mariage peuvent convenir au chef d’entreprise : le régime de la participation aux acquêts et un aménagement du régime séparatiste.

 

Le régime séparatiste aménagé : la société d’acquêts

Le régime séparatiste est souvent choisi par les chefs d’entreprises et les professions libérales qui y voient une façon de circonscrire le passif lié à leur profession, mais, comme nous l’avons vu, il crée un déséquilibre de patrimoine et peut poser des difficultés si le conjoint est sans ressources.

Les biens à l’actif sont les biens personnels de chacun des époux, et en pratique on constate souvent l’existence de biens indivis (biens acquis en indivision par les époux ou biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive). Afin de mieux gérer cette indivision, il peut être proposé d’intégrer au régime de séparation une clause de société d’acquêts.

Cette clause permet de créer une communauté pour certains biens. Le contenu doit être défini de façon précise, avec une fixation des règles de gestion. Les biens doivent être déterminés ou déterminables.

On peut y intégrer par exemple les contrats d’assurance-vie, la résidence principale ou encore les biens immobiliers à acquérir. Attention dans ce dernier cas de bien déterminer l’origine des fonds pour l’acquisition. On pourra aussi supprimer le principe des reprises et récompenses (principe inscrit dans le Code civil pour le régime de communauté auquel il est possible de déroger conventionnellement).

En général, l’outil de travail et les biens et droits affectés pour la profession ne sont pas intégrés à la société d’acquêts afin de conserver les effets protecteurs du régime de séparation de biens.

Cette clause permet ainsi de créer un espace de biens dits « communs », donc appartenant pour moitié à chaque époux, associant ainsi le conjoint à la constitution d’un patrimoine. C’est également un aménagement préconisé au chef d’entreprise dans le cas de familles recomposées.

 

Attention néanmoins en cas de présence d’enfant d’un premier mariage :

Les « garde-fous » de l’action en retranchement trouvent à s’appliquer en cas d’avantages matrimonial, tel que l’apport de biens personnels en société d’acquêts.

 

Pour la création d’une société d’acquêt, il est nécessaire d’aménager le régime matrimonial (procédure civile, hors cas exceptionnel), par passation devant notaire.   Autre aménagement possible dans le contrat de mariage : prévoir une faculté d’attribution ou d’acquisition. Il s’agit de la faculté pour l’époux survivant d’acquérir ou de se faire attribuer certains biens personnels du prémourant, notamment les meubles meublants et les objets du domicile, et/ou l’habitation principale.

 

L’intérêt du régime de participation aux acquêts pour le chef d’entreprise

Le régime de participation aux acquêts (articles 1569 à 1581 du Code civil) peut être qualifié de régime hybride, entre le régime de séparation de bien et le régime de communauté.

Pendant le mariage, ce régime fonctionne comme un régime de séparation de biens et à la dissolution du lien, par décès ou par divorce, comme une communauté d’acquêts mais en valeur seulement. Ce régime présente donc les avantages de la séparation de bien pendant sa durée et ceux de la communauté lors de sa dissolution. Il est ainsi souvent conseillé aux couples dont l’un au moins exerce une profession libérale, indépendante ou comportant des risques professionnels. Pendant le régime, il existe uniquement deux masses de biens personnels.

Chacun est réputé propriétaire des biens à son nom, comme en matière de régime séparatiste. Les dettes attachées aux biens personnels restent personnelles au propriétaire du bien. Parfois on insère une clause prévoyant la faculté de conserver certains biens du prémourant.

Les règles de l’administration sont celles du régime de la séparation de biens. Chacun des époux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun des époux reste tenu de ses dettes personnelles sur son patrimoine personnel (sauf exception du régime primaire impératif).

A la dissolution de régime, l’époux qui n’a pas travaillé ou a cessé son activité bénéficie d’une partie de l’accroissement du patrimoine réalisé par l’activité de son conjoint. Lors de la liquidation, on calcule la différence entre le patrimoine final de chacun des époux et son patrimoine originaire.

Le patrimoine originaire (PO) comprend les biens qui appartenaient à l’époux au jour du mariage et ceux reçus par succession ou donation, sauf ceux dont il a disposé par donation entre vifs pendant le mariage (article 1570 du Code civil). Le patrimoine final (PF) comporte tous les biens appartenant aux époux lors de la dissolution (même ceux dont il a disposé à cause de mort). Il faut y ajouter ceux donnés entre vifs par un époux sans le consentement de son conjoint et ceux aliénés frauduleusement.

L’évaluation de la créance s’opère de la façon suivante :

  • Pour les biens du PO: selon l’état au jour de l’acquisition ou du mariage et leur valeur au jour de la liquidation (on déduit les dettes dont il a la charge personnelle).
  • Pour les biens du PF: d’après leur état au jour de la dissolution et leur valeur au jour de la liquidation. Il faut déduire toutes les dettes non encore acquittées.

Chaque époux participe pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre. On opère une compensation entre l’excédent et seul l’excédent se partage.  L’époux dont le gain a été le moindre, devient créancier de son conjoint pour la moitié de l’excédent. Il s’agit alors de la créance de participation définitive qui se définit comme : (PF – PO) /2

Ce régime a donc l’avantage d’assurer un équilibre en termes de partage de richesse, tout en étant protecteur du chef d’entreprise. Son utilisation est néanmoins freinée par la complexité du calcul de liquidation lors de la dissolution.

Il est possible d’aménager ce régime par une clause de partage inégal ou stipulant que le conjoint survivant aura droit à la totalité des acquêts.

 

Attention aux clauses d’exclusion des biens professionnels :

Certains aménagements relatifs à une clause d’exclusion des biens professionnels de la créance de participation ont cependant récemment été censurés par la Cour de Cassation dans un arrêt du 31 mars 2021 (Cassation civile 1ere chambre, 31 mars 2021 numéro 19-25.903 F-D). Les époux avaient prévu un régime de participation aux acquêts avec une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, sauf dissolution par décès. Cette clause excluait donc les biens professionnels de la créance de participation en cas de divorce.

La clause a été jugée comme constituant un avantage matrimonial, confirmant ainsi une jurisprudence de 2019. Or un avantage matrimonial est révocable de plein droit en cas de divorce, en vertu des règles gouvernant les régimes matrimoniaux. Cette clause ne pouvait donc être effective en cas de divorce.

 

La technicité et la souplesse des régimes matrimoniaux permettent ainsi d’envisager d’autres solutions pour le chef d’entreprise que le seul régime séparatiste.

La question se pose également d’adapter le régime matrimonial de l’entrepreneur selon les moments de sa vie.

Le chef d’entreprise connaît en effet des besoins patrimoniaux différents, selon qu’il s’installe, développe son entreprise ou souhaite la transmettre. Le régime matrimonial initialement conseillé peut ne plus répondre aux besoins de protection de la famille et de l’époux. Ainsi en phase de cession ou postérieurement, il est souvent préconisé un changement de régime matrimonial pour un régime communautaire.

 

Le régime matrimonial du chef d’entreprise à l’épreuve du temps

Il est fréquent que le chef d’entreprise, en milieu ou fin de carrière, en passe de vendre son entreprise et ayant remboursé ses créanciers, souhaite prioritairement protéger son époux. Un changement de régime matrimonial pour un régime communautaire peut alors s’avérer opportun.

 

Rappelons que la procédure de changement de régime a évolué pour se simplifier. Elle se réalise le plus souvent devant notaire (ce n’est qu’en cas d’opposition des enfants ou de créanciers que le juge sera saisi).

 

Si le patrimoine est déjà largement constitué, ce changement de régime sera souvent combiné avec un apport de biens propres à la communauté. On peut ainsi apporter l’ensemble ou une partie des parts sociales ou actions de la société à la communauté. Il conviendra de prendre en compte le coût que constitue cet apport, mais celui-ci n’est pas analysé par la doctrine comme constitutif d’un acte translatif de propriété.

Dans une réponse ministérielle du 29 septembre 2020, le ministère de l’économie et des finances a affirmé le caractère purement intercalaire du transfert de titres bénéficiant d’un sursis ou d’un report d’imposition, du patrimoine propre de l’un des époux au bénéfice de la communauté créée dans le cadre d’un changement de régime matrimonial : «  le simple fait de conférer aux biens propres de l’un des époux le statut de biens communs et d’attribuer à l’autre époux des droits sur ces biens dont il se trouvait initialement dépourvu ne saurait mettre fin au différé d’imposition dès lors qu’il ne constitue, ni une cession à titre onéreux, ni l’un des évènements, limitativement énumérés par la loi, mettant fin au différé d’imposition. »  (Réponse ministérielle Olivier Dassault, 29 septembre 2020 numéro 4438).

Lors du changement de régime matrimonial pour un régime communautaire, il peut aussi être adjoint, en complément des clauses d’apport à communauté, une clause préférentielle d’attribution ou encore une clause de suppression de récompenses et reprises (qui n’est néanmoins pas d’ordre public et sous la réserve du sujet des familles recomposées). Ces clauses permettent d’accroître les droits du conjoint sur la masse commune lors de la liquidation.

L’entrepreneur peut également avoir pour objectif de combiner l’apport à communauté pour protéger le conjoint et le souhait de préserver la transmission en faveur des enfants communs. Le choix des biens apportés à la communauté dans une logique de protection du conjoint et des biens conservés en propre pour une transmission directe en faveur des enfants doit se faire dans le respect des règles civiles gouvernant les régimes matrimoniaux. L’approche fiscale de ces opérations devra également être réfléchie. Celles-ci ne doivent pas avoir été initiées dans un but exclusivement ou principalement fiscal. La prudence sera alors de mise et les conseils juridiques et fiscaux de professionnels sont indispensables pour la mise en place de ces stratégies.

Enfin, notons que la transmission de l’entreprise à titre gratuit notamment au profit des enfants présente un attrait fiscal incomparable lorsque le Pacte Dutreil (articles 787 B et 787 C du CGI) peut être appliqué. Le régime Dutreil permet en effet un abattement d’assiette de 75%, là où l’apport à la communauté permet seulement un doublement des abattements en ligne directe et une optimisation de la progressivité du barème de donation parent-enfant (article 777 du CGI tableau I). Ne nous y trompons pas, compte tenu de l’effet fiscal du régime de faveur Dutreil, c’est principalement la possibilité de l’appliquer qui décidera de la transmission à titre gratuit de l’entreprise, plus que le caractère commun ou propre des parts sociales ou actions.

Le choix du régime matrimonial le plus adapté au chef d’entreprise dépend donc de plusieurs facteurs tels que le patrimoine préconstitué, le type de société choisie, le moment de vie du chef d’entreprise, sa cellule familiale ou encore sa volonté de transmission. Si le régime matrimonial semble la pierre angulaire de la stratégie, c’est bien une approche combinée tout à la fois des modifications des régimes existants au travers de clauses ou de changements, et des mesures favorables en termes de transmission qui permettront de répondre aux mieux à ses besoins.

Si le régime séparatiste reste le plus utilisé, les étapes de la vie peuvent nécessiter des aménagements ou le choix d’un autre régime, afin de répondre au plus près aux besoins personnels et familiaux de l’entrepreneur. Le conseil en gestion de patrimoine doit s’adapter continuellement à la vie du chef d’entreprise afin de l’accompagner dans le temps .

Auteur

Sabine Petitgirard    

Juriste Fiscaliste en Banque privée, Intervenante-formatrice à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine).

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit,  l’IFI et le pacte Dutreil

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit, l’IFI et le pacte Dutreil

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024 comporte des conséquences patrimoniales importantes : la modification du régime micro-BIC de la location meublée, les restrictions des effets fiscaux des donations de sommes d’argent démembrée, la déduction de certaines dettes à l’IFI, et des précisions sur les activités éligibles au dispositif Dutreil. Explications.

 

Parmi les mesures habituelles d’actualisation du barème de l’IR et de modifications de certains crédits d’impôt, plusieurs décisions de la Loi de finances 2024 ont des impacts nouveaux et conséquents sur les stratégies patrimoniales.

Elles concernent le régime fiscal de la location meublée et plus particulièrement du régime micro-BIC, le traitement fiscal de la créance de restitution suite à une donation de sommes d’argent avec réserve d’usufruit, la déduction de certaines dettes à l’IFI et des précisions attendues sur l’éligibilité de certaines activités au pacte Dutreil.

SOMMAIRE

  • Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur
  • La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution
  • IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société
  • Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur

Fortement remis en cause, le régime fiscal de la location meublée est finalement revu sur son seul dispositif micro-BIC. Celui-ci est néanmoins fortement restreint et par erreur de rédaction de la loi.

 

 

Location meublée : un régime fiscal fortement discuté

Le régime fiscal de la location meublée a été largement discuté en préparation de la Loi de finances, l’attractivité fiscale de ce dispositif étant considéré comme favorisant les locations saisonnières de type « AirBnB » au détriment des locations d’habitation longue durée.

Les amendements proposés visaient à réduire les avantages du régime micro-BIC de la location meublée de courte durée et à l’aligner sur celui du régime micro-foncier de la location nue.

Certains amendements allaient plus loin et proposaient de réduire les avantages d’imposition de la plus-value de cession pour les loueurs en LMNP (Location Meublée Non Professionnelle). Sous ce statut en effet, la plus-value lors de la cession du bien relève du régime de la plus-value immobilière des particuliers (prix de revient majoré des frais d’acquisition et travaux non déduits (ou forfait sous conditions) et abattement pour durée de détention exonérant définitivement la plus-value au terme de 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux).

Un amendement proposait d’aligner le régime des plus-values de cession en LMNP avec celui de la LMP (Location Meublée Professionnelle), c’est-à-dire avec le régime des plus-values professionnelles. Dans ce régime, le prix de revient n’est pas majoré et est au contraire minoré des amortissements pratiqués, ce qui augmente la plus-value imposable dite à court terme.

Cette proposition de modification du calcul des plus-values de cession en LMNP n’a finalement pas été retenue et seules les modifications du régime micro-BIC ont été votées.

Ces modifications ont-elles-mêmes donné lieu à de nombreuses discussions sur le type de location meublée concernée, les plafonds et les taux d’abattement retenus.

Fin décembre, dans le cadre de la navette parlementaire, le Sénat a revu la proposition adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, en réduisant significativement les avantages du micro-BIC.

Bien que le gouvernement ne soutenait pas l’amendement du Sénat, cette proposition a néanmoins été incluse dans le projet définitif de Loi de Finances pour 2024. Il s’agit selon le gouvernement d’une « erreur » et des mesures devraient être prises d’ici la déclaration d’IR (Impôt sur le Revenu) 2024 pour rectifier ces règles.

Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, la loi étant promulguée, c’est ce nouveau régime micro-Bic particulièrement défavorable qui s’applique et ceci sur les revenus déjà réalisés en 2023 puisque la Loi de finances est rétroactive.

 

 

Un nouveau régime micro-BIC pour la location meublée applicable dès 2023

Quelle est la teneur de ce nouveau régime micro-BIC ?

Jusqu’en 2022, les revenus des activités de location meublée, qu’il s’agisse de LMP ou de LMNP, pouvaient relever du régime micro-BIC sous certaines conditions de seuil de chiffre d’affaires. Les locations meublées de courte durée classées bénéficiaient également d’un abattement majoré de 71 %. Les principes peuvent être résumés dans le tableau suivant :

Régime micro-BIC de la location meublée avant la Loi de finances pour 2024 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée d’habitation ou de courte durée non classée CA < 77.700 € 50 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 188.700 € 71 %

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024, tel que le prévoit son texte à ce jour, réduit le seuil de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-BIC à 15.000 €, ceci pour les locations meublées de courte durée, c’est-à-dire les locations saisonnières à la journée, à la semaine ou au mois (avec un maximum de 6 mois), autrement nommée location de tourisme. Concernant ce seuil, le texte ne précise pas quel type de location meublée de courte durée est concernée, classée ou non classée.

Parallèlement, le taux d’abattement est réduit à 30 % s’alignant ainsi sur le régime micro-foncier de la location nue.

Les meublés de tourisme classés peuvent bénéficier d’un taux d’abattement de 51 %, au lieu de 71 % auparavant, sous deux conditions cumulatives :

  • Le bien n’est pas situé dans une zone de déséquilibre d’offres et de demandes de logements. Il doit donc se situer dans les zones non tendues.
  • Le chiffre d’affaires HT de l’année précédente doit être inférieur à 15.000 €

Dans tous les cas, les locations meublées d’habitation de longue durée (bail étudiant, bail mobilité, bail meublé d’habitation) ne sont pas concernées et continuent donc de bénéficier des règles du micro BIC telles que définies antérieurement.

Régime micro BIC de la location meublée de courte durée depuis la Loi de Finances 2024, rétroactive aux revenus de 2023 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée de courte durée non classée CA < 15.000 € 30 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 15.000 €

51 %

Sous condition de situation en zone non tendue.

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

Pour préciser la formule définitive du régime micro-BIC des locations meublées saisonnières et procéder à la « correction » du texte de loi, une instruction fiscale devrait être publiée au BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) avant avril-mai 2024 et le dépôt des déclarations sur les revenus 2023.

Dans l’état actuel du texte de la Loi de finances 2024,  applicable aux revenus perçus en 2023, un grand nombre de contribuables risquent d’avoir dépassé le seuil de CA de 15.000 € en 2023 et de basculer au régime réel.

Ce passage au régime réel est-il nécessairement un inconvénient ?

Le passage au régime réel suppose une comptabilité et des déclarations fiscales plus lourdes, et donc en général le recours à un expert-comptable. Ce régime permet néanmoins d’amortir le bien et les meubles, de déduire davantage de charges et de réduire significativement le bénéfice net imposable, voire de l’annuler ou créer un déficit (les charges d’amortissements ne peuvent pas cependant contribuer au déficit).

En cas de cession sous le statut LMP au régime réel, la plus-value relève du régime des plus-values professionnelles plus lourdes que celles des particuliers dont relève les LMNP à ce jour, mais pouvant bénéficier d’exonérations sous conditions au titre de l’IR (pas d’exonération néanmoins au titre des cotisations sociales).

 

La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution

Il est possible de donner une somme d’argent, non pas en pleine propriété mais en nue-propriété. Le donateur conserve alors l’usufruit. S’agissant d’une somme d’argent, cet usufruit est en fait un quasi-usufruit.

Le donateur quasi-usufruitier garde la libre disposition de ces fonds et doit en restituer l’équivalent au terme de l’usufruit, c’est-à-dire à son décès.

Au décès de l’usufruitier, son patrimoine successoral comprend alors une dette dite de restitution correspondant à la valeur en pleine propriété de la somme d’argent initialement donnée en faveur du ou des nus-propriétaires. Ce ou ces derniers détiennent une créance sur la succession de l’usufruitier défunt, dite créance de restitution.

Jusqu’à la Loi de finances pour 2024, la dette de restitution était fiscalement déductible du patrimoine successoral de l’usufruitier décédé.

La Loi de finances met fin à cette déductibilité fiscale par un nouvel article 774 bis du CGI.

L’objet de cet article est de mettre fin à une pratique qui serait principalement menée dans un objectif d’optimisation fiscale :

  • Lors de la donation de la somme d’argent avec réserve d’usufruit, les droits de donation ne portent que sur la valeur en nue-propriété.
  • Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de la somme d’argent sans payer de droits de succession (article 1133 du CGI) et la valeur en pleine propriété de cette somme d’argent est également déduite du patrimoine successoral imposable.

Pour les successions ouvertes à partir du 01/01/2024, la dette de restitution n’est donc plus déductible dans le cas d’une donation en nue-propriété d’une somme d’argent.

Ceci suppose que le nu-propriétaire héritier paie des droits de succession sur la valeur de la créance de restitution. Il lui est néanmoins possible de déduire de ces droits de succession les droits payés sur la nue-propriété lors de la donation initiale, sans que cela puisse donner lieu à restitution.

Il est à noter que :

  • Le quasi-usufruit légal, notamment celui du conjoint survivant usufruitier légal de la succession (article 757 du Code civil), n’est pas concerné par cette non-déductibilité fiscale de la dette de restitution en faveur des nus-propriétaires
  • De même, le quasi-usufruit provenant d’une donation au dernier vivant (article 1094-1 du Code civil).
  • Les quasi-usufruits provenant de la cession d’un bien préalablement démembré entre usufruitier et nu-propriétaire n’entre pas dans ces nouvelles dispositions, à condition que la dette de restitution ne participe pas à la poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • Concernant le quasi-usufruit né d’une clause bénéficiaire démembrée, le principe de l’assurance-vie étant distinct de celui de la donation, cette situation ne devrait pas être concernée. Mais la loi ne précise rien sur ce point et il convient donc de rester prudent sur ce point.

 

 

IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société

Les biens immobiliers détenus en société sont imposables à l’IFI (sauf situations spécifiques comme les biens affectés à l’activité professionnelle).

Dans le cas d’une détention en société, ce sont les parts sociales qui sont imposables pour leur valeur représentative des actifs immobiliers en déduisant le passif de la société.

Pour éviter les situations d’abus consistant à loger les biens immobiliers dans des sociétés fortement endettées, la Loi de finances 2024 instaure une nouvelle règle de déductibilité du passif social de la valeur imposable des parts à l’IFI.

Seules les dettes afférentes à l’actif imposable, c’est-à-dire aux biens immobiliers, sont déductibles.

Pour éviter que la valeur imposable ainsi calculée devienne supérieure à la valeur réelle des parts, le texte de loi instaure un dispositif de plafonnement de la valeur imposable à la valeur vénale des parts.

 

Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

La Loi de finances 2024 vient préciser l’éligibilité du pacte Dutreil à certaines activités, confortant la position de la doctrine administrative et contredisant les récents arrêts de jurisprudence sur ce sujet.

La loi prévoit ainsi que :

  • Les activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier ne sont pas considérées comme des activités commerciales au regard du pacte Dutreil et ne sont donc pas éligibles. La location meublée ou les locations de biens commerciaux ou industriels équipés ne peuvent donc pas bénéficier du régime Dutreil.
  • En cas d’activité mixte, le pacte Dutreil n’est applicable que si l’activité opérationnelle est prépondérante.
  • Les sociétés Holding animatrices de groupe exercent bien une activité opérationnelle et sont donc clairement éligible au pacte Dutreil.

Ces nouvelles dispositions Dutreil sont applicables aux transmissions intervenues à partir du 17/10/2023.

Auteur 

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Trésorerie d’entreprise : quelles stratégies patrimoniales adopter ?

Trésorerie d’entreprise : quelles stratégies patrimoniales adopter ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La gestion de la trésorerie d’entreprise est un sujet complexe et central pour tout associé-dirigeant.

La question se pose tout d’abord au titre de l’activité : quelle trésorerie minimum pour assurer son besoin en fonds de roulement (BFR), pour préparer les prochains investissements, pour rassurer les partenaires financiers ?

Mais la trésorerie d’entreprise comporte également une dimension patrimoniale :

  • Comment gérer cette trésorerie ?
  • Quelles sont les solutions de placement possibles au regard des objectifs ?
  • Cette trésorerie doit-elle être conservée dans la société ou être sortie ?
  • Quelles options juridiques et quelle fiscalité pour appréhender cette trésorerie à titre personnel ?

Nous nous attacherons ici à traiter de la partie patrimoniale et nous nous intéresserons à la trésorerie dite stable, c’est-à-dire la trésorerie, placée ou non, non essentielle aux besoins courants de l’entreprise, présente de manière stable sur plusieurs exercices.

Ces dernières années, la trésorerie logée et conservée au sein des sociétés n’a cessé de croître. En cause, des raisons fiscales notamment avec des tendances inversées des fiscalités des personnes physiques et des sociétés.

Alors que depuis une dizaine d’années, la fiscalité à titre personnel s’est fortement alourdie (augmentation des prélèvements sociaux, création de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), tranche marginale de l’impôt sur le revenu à 45 %), le taux d’imposition des bénéfices des entreprises (IS, Impôt sur les sociétés) a suivi une trajectoire descendante, passant en quelques années de 33 1/3 à 25 % (en notant également une imposition à 15 % pour les 42.500 premiers euros de bénéfices, sous conditions ; article 219 I du CGI).

Ce contexte fiscal a conduit les associés-dirigeants à « encapsuler » leurs revenus et à se structurer, le plus souvent via une société holding.

Depuis 2018, la flat tax ou Prélèvement forfaitaire unique à 30 % (prélèvements sociaux inclus), applicable à tous les revenus et plus-values financiers, est venue « rebattre les cartes » de ces stratégies fiscales et conduit dans un premier temps à s’interroger : est-il plus intéressant de conserver la trésorerie dans la société ou de la distribuer ? Au-delà des calculs purement fiscaux, ce choix dépend surtout des objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur et de ses souhaits de placements.

 

SOMMAIRE

  • Trésorerie : distribution ou conservation dans la société ?
  • Sortir la trésorerie, quel intérêt patrimonial ?
  • Quelles solutions financières pour la gestion de la trésorerie ?

 

Trésorerie : distribution ou conservation dans la société ?

 

La question du devenir de la trésorerie doit s’analyser forcément sous un angle fiscal mais pas uniquement et pas en première approche. En premier lieu, naturellement, se pose la question des objectifs et projets personnels.

 

 

Existe-t-il un besoin de trésorerie à titre personnel ?

 

L’accompagnement d’un conseiller patrimonial est souvent pour cela essentiel. En effet, nous pouvons à ce stade distinguer :

  • Les projets identifiés, c’est-à-dire perçus immédiatement par l’associé-dirigeant : la conservation de la trésorerie dans l’entreprise s’impose si un projet d’investissement est prévu. La distribution peut être quant à elle nécessaire pour financer une dépense personnelle.
  • Les projets identifiables qui sont quant à eux des objectifs à plus long terme, qu’il peut être utile de travailler dans le cadre d’un bilan patrimonial, telles que la préparation de la retraite ou encore l’anticipation de la transmission.

Il peut être également opportun de rééquilibrer les patrimoines personnels et professionnels afin, notamment, de protéger l’épargne acquise en cas de difficultés ultérieures de l’entreprise ou encore afin d’alléger la structure d’une trésorerie excédentaire afin de faciliter la cession.

Lorsque la sortie de la trésorerie de la société est nécessaire et décidée, reste la question de savoir sous quelle forme et selon quelle fiscalité.

 

 

Comment sortir la trésorerie de l’entreprise et à quel coût, pour l’entreprise et pour le dirigeant ?

 

On peut distinguer trois modes de sortie de trésorerie différents : revenus professionnels, distribution de dividendes ou réduction de capital.

 

Sortie de trésorerie via le revenu professionnel

Le premier vecteur de perception à titre personnel des fonds de l’entreprise est naturellement le revenu professionnel : salaire, rémunération de gérance et autres avantages, tels que les actions gratuites, bons de souscription …

Sous la double réserve de la présence d’un mandat social dans l’entreprise (cela peut ne pas être le cas en présence d’une holding par exemple) ou d’un contrat de travail et du versement d’une rémunération « normale » au regard des prestations fournies, un accroissement ponctuel, sous forme de prime par exemple, peut être envisagé.

Cette solution a l’avantage d’être une charge d’exploitation venant minorer l’impôt sur les sociétés (IS).

Dans ce cas, le dirigeant supporte une fiscalité et des cotisations sociales liées à la forme de la société et à son statut. Le dirigeant d’une SARL, gérant majoritaire, voit ses revenus soumis à des charges sociales plus faibles et donc à un coût global pour l’entreprise plus réduit, que le dirigeant d’une SAS, Président ou Directeur Général, qui est assimilé salarié au regard des cotisations sociales.

Le montant net perçu sera quant à lui imposé au barème de l’impôt sur le revenu après un abattement de 10 % (pour frais professionnels et sous conditions de plafond).

 

Sortie de trésorerie via la distribution de dividendes

Plus classiquement, en présence d’un associé-dirigeant, la sortie de trésorerie s’effectue via une distribution de dividendes.

Sauf rédaction spécifique des statuts ou décision contraire des associés, la distribution se réalise au prorata des parts détenues. Il est donc nécessaire de faire attention à l’efficacité finale de la distribution en cas de présence d’autres associés.

La fiscalité sur les dividendes a longtemps été assez lourde, puisque soumis au barème de l’impôt sur le revenu (néanmoins après un abattement de 40 % , article 158 3 – 2° du CGI) visant à compenser l’impôt sur les sociétés payé par l’entreprise distributrice) et assujettis aux prélèvements sociaux.

Depuis 2018, les dividendes sont imposés par principe à la flat tax au taux global de 30 %, à savoir 12,8 % d’impôt, et 17,2 % de prélèvements sociaux (et/ou charges sociales au-delà d’un seuil selon la forme de la société et le statut de l’associé).

Les distributions sont ainsi plus attractives pour les contribuables imposés aux tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu.

 

Sortie de trésorerie via la réduction de capital

Il peut également être intéressant de recourir à la réduction de capital, si la situation s’y prête d’un point de vue économique et financier.

Une société peut procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes. Concrètement, la société rachète ses propres titres à un ou plusieurs associés et vient corrélativement réduire son capital par annulation desdits titres.

Fiscalement, cette opération est considérée comme une cession au profit de l’associé : il sera donc taxable selon le régime des plus-values mobilières.

Celle-ci sont, depuis 2018, soumises à la flat tax par principe et sur option au barème de l’impôt sur le revenu. Cette dernière option peut s’avérer intéressante lorsque les titres sont acquis avant le 01/01/2018, la plus-value imposable pouvant alors faire l’objet d’un abattement pour durée de détention au taux normal ou majoré sous certaines conditions (article 150-0 D 1 Ter A du CGI) (notamment société créée depuis moins de 10 ans lors de la souscription des titres). Un abattement en cas de départ à la retraite (article 150-0 D Ter I-1 et 2 du CGI) est également applicable sous certaines conditions et pour les deux options (flat tax ou barème de l’IR).

Néanmoins, cette réduction de capital doit être envisagée avec précaution afin de ne pas être considérée fiscalement comme une distribution déguisée et risquer une requalification. Il est important pour cela de s’entourer de conseils professionnels.

 

Source : Ingénierie Patrimoniale Le Conservateur

 

Sortir la trésorerie, quel intérêt patrimonial ?

 

Comme nous l’avons évoqué ci-avant, le rééquilibrage entre le patrimoine privé et professionnel peut être guidé par des considérations liées à l’entreprise ou à sa situation personnelle.

 

Sortir la trésorerie : quel intérêt pour l’entreprise ?

 

Pour l’entreprise, la sortie de trésorerie présente deux avantages principaux :

  • sécuriser les gains réalisés en cas de retournement de conjoncture économique ou de difficultés futures de l’entreprise.
  • préparer la cession et/ou la transmission en allégeant la valeur de l’entreprise.

La cession serait en effet plus lourde pour un potentiel repreneur si la société conserve en son sein une trésorerie abondante excédant son BFR et viendrait ainsi limiter le nombre de candidats.

 

A noter :

Nous pouvons avoir le même raisonnement pour les locaux professionnels qui sont parfois inscrits au bilan de l’entreprise et pour lesquels une étude doit être menée dans le cadre du projet de cession.

 

La transmission d’entreprise à un enfant repreneur bénéficie d’un régime fiscal de faveur, avec le possible Pacte Dutreil (article 787 B du CGI), permettant, sous conditions, un abattement de 75 % sur la valeur de l’entreprise transmise pour le calcul des droits de donation. Néanmoins, la trésorerie pour sa part considérée comme excédentaire ne peut pas bénéficier de cet avantage (sauf exceptions en présence d’une holding animatrice).

 

Sortie de trésorerie : quel avantage à titre personnel ?

 

La gestion patrimoniale personnelle du dirigeant d’entreprise est souvent négligée, avec une attention tournée bien naturellement vers le développement de l’entreprise.

Un projet de cession est souvent l’occasion de se poser des questions : comment préparer au mieux la retraite, ou encore la transmission du patrimoine ?

L’établissement d’un bilan patrimonial permet d’appréhender les grands équilibres du patrimoine et de vérifier si sa constitution actuelle est conforme aux objectifs. Des arbitrages peuvent ainsi être proposés, ainsi que des solutions juridiques (donations par exemple) et enfin des préconisations en termes de placements financiers, telle l’assurance-vie permettant d’optimiser la gestion du patrimoine personnel :

  • financièrement : de nombreux supports financiers sont accessibles, du risque le plus faible au plus élevé. La gestion financière peut être extrêmement fine.
  • fiscalement, ses atouts sont nombreux, autant dans le cadre d’un besoin de revenus que de transmission : la capitalisation des revenus et plus-value et le mécanisme du rachat, conduisent à une fiscalité relativement faible en assurance-vie, comparée à celle d’autres investissements qu’ils soient immobiliers ou financiers. Et les capitaux non consommés seront transmis, en cas de décès, aux bénéficiaires désignés, sans taxes jusqu’à 152 500 € chacun (pour les versements avant les 70 ans du souscripteur, article 990 I du CGI).

Cette stratégie personnelle peut être complétée par d’autres supports financiers, tels que le Plan Épargne Retraite (PER) ou encore la tontine.

 

Sorties de trésorerie et stratégies patrimoniales spécifiques

 

La question de la distribution de la trésorerie peut aussi permettre de mettre en place des stratégies juridiques intéressantes et extrêmement efficaces. Citons deux exemples :

  • Pour un couple marié en communauté, lorsque l’entreprise est un bien propre (créée avant le mariage par l’un des époux par exemple, ou acquise par donation) : les dividendes distribués sont des biens communs permettant ainsi de rééquilibrer le patrimoine entre les deux époux. A contrario, le maintien de la trésorerie dans l’entreprise permet à ces fonds de rester en propre à l’époux associé, dans une logique de transmission familiale par exemple.
  • Dans le cadre d’une société détenue en démembrement entre les parents et les enfants (hypothèse d’une donation avec réserve d’usufruit réalisée par les parents associés, schéma courant de préparation de la transmission pour les sociétés patrimoniales) : les dividendes distribués appartiennent à l’usufruitier, sauf stipulation contraire des statuts. Dans notre hypothèse, ils peuvent ainsi être utilisés en guise de revenus complémentaire pour les parents.

Les réserves appartiennent néanmoins au nu-propriétaire : la mise en réserve des résultats en lieu et place de leur distribution permet ainsi d’accroitre la valeur du bien transmis aux enfants.

Il reste néanmoins conseiller de poursuivre une distribution minimale régulière en faveur de l’usufruitier afin de justifier de la réalité du droit d’usufruit et d’éviter une requalification en abus de droit.

Une vision globale de l’ensemble de la situation et des objectifs de l’entrepreneur se révèle donc essentielle afin d’opter pour les choix les plus efficients.

 

Quelles solutions financières pour la gestion de la trésorerie ?

 

Dans le cas où les besoins à titre personnel sont satisfaits, il est inutile de subir une pression fiscale sur une distribution. Mieux vaut alors gérer ses fonds au sein de la société dans le cadre d’une stratégie de capitalisation.

On constate en effet qu’en cas de distribution, il faudra un gain de 43 % pour rattraper le capital initial.  Le report d’imposition peut alors être véritablement générateur de richesse.

Comparaison : capitalisation au sein de la société / distribution et placement en assurance-vie pour un capital de départ de 500.000 € 

 

(hypothèses : Taux de rendement global net de frais/ an : 2,9%)
Source : Ingénierie Patrimoniale Le Conservateur

 

Dès lors, la gestion des fonds au sein de la société va dépendre en premier lieu de la nature et de l’activité de la société : est-ce une société d’exploitation, une holding, une société patrimoniale ?

Les solutions d’investissement peuvent en effet différer selon que la société est une structure d’exploitation (société opérationnelle) ou une structure de détention « passive » (holding, société patrimoniale familiale).

Conservation de la trésorerie dans l’entreprise : exemples de possibilités de placements

Source : Ingénierie Patrimoniale Le Conservateur

 

Très faiblement ou non rémunérée lorsqu’elle est laissée sur les comptes de l’entreprise, la trésorerie peut être optimisée à travers la souscription d’instruments financiers.

 

Quelle solution financière pour toute société ?

 

Au-delà de la solution du dépôt à terme (DAT), toute société (sous réserve d’une conformité à ses statuts) a accès à des placements financiers détenus en direct ou via un compte de titres.

Cela peut être, classiquement, des actions, des obligations, des OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières), ou encore des produits structurés pouvant répondre à des attentes précises (en termes de disponibilité des revenus, de rendement, de garantie) selon des conditions prédéfinies.

Il est ainsi possible de définir une stratégie d’investissement correspondant aux attentes du dirigeant et à son profil d’investisseur, avec plus ou moins de risque et plus ou moins de rendement.

 

Quelles solutions financières pour les sociétés patrimoniales et les holdings ?

 

Les sociétés patrimoniales se voient ouvrir d’autres options. Si la souscription d’un contrat d’assurance-vie est impossible pour une personne morale, le contrat de capitalisation peut s’avérer particulièrement adapté dans le respect des recommandations « France Assureurs » qui limitent son accès aux sociétés patrimoniales, sans activité commerciale ou moindre.

Le contrat de capitalisation permet dès lors aux holdings, sociétés patrimoniales (SCI par exemple), associations ou autres personne morales, d’avoir accès à de nombreux supports : parmi eux, le fonds euros qui offre une garantie de la compagnie sur le capital versé. Il est possible d’avoir accès également, selon les contrats, à des supports spécifiques, que ce soit en immobilier, produits structurés …

Enfin, la tontine peut être également pour ces structures, une solution d’investissement répondant à un double objectif de valorisation à long terme et de rentabilité en conservant un profil prudent.

 

Gestion de trésorerie au sein de société à l’IS : quelle fiscalité ?

 

Contrairement au compte-titres, où les revenus et plus-values s’ajoutent chaque année au bénéfice imposable à l’IS (15 % jusqu’à 42.500 € de bénéfices sous conditions, 25 % au-delà), la fiscalité du contrat de capitalisation et de la tontine est spécifique.

Les gains sur un contrat de capitalisation et sur la tontine, souscrit par une société imposée à l’IS, relèvent en principe de la fiscalité des primes de remboursement. L’imposition intervient annuellement selon des intérêts évalués forfaitairement (à 105 % du Taux moyen des Emprunts d’État (TME) connu au jour de la souscription). A l’échéance du contrat de capitalisation ou de la tontine, la base taxable sera constituée des gains sous déduction de ceux qui auront été taxés au fil de l’eau.

 

Quelle allocation et quelle répartition ?

 

Ensuite, naturellement, les diverses allocations d’actifs proposées tiendront compte des objectifs et du profil d’investisseur du dirigeant, et notamment :

  • la société a-t-elle vocation à être transmise aux enfants ? Auquel cas une gestion long terme est à privilégier.
  • des revenus seront-ils à percevoir à terme ? Auquel cas l’allocation sera déterminée en lien direct avec l’horizon d’investissement.

Un audit des objectifs mené avec un conseiller patrimonial s’avère utile pour répondre au mieux à la situation patrimoniale de l’entrepreneur.

 

Comme pour tout sujet patrimonial, la martingale n’existe pas. Il s’agit de rechercher des solutions adaptées à la situation et aux projets à court, moyen et long terme. Les conseils de l’entrepreneur (expert-comptable, avocat, notaire, conseiller patrimonial) sont les interlocuteurs privilégiés pour optimiser la stratégie patrimoniale et aider à faire les meilleurs choix.

 

Auteur

Hélène Collomb    et Maxime Roussel

Hélène Collomb est Ingénieur patrimonial
Maxime Roussel est Conseiller en gestion de patrimoine, Délégué régional, chargé d’enseignement à l’ESBanque

Incapacité ou décès du dirigeant : les solutions civiles de protection du patrimoine professionnel

Incapacité ou décès du dirigeant : les solutions civiles de protection du patrimoine professionnel

Temps de lecture estimé : 13 min

La défaillance du dirigeant peut avoir des conséquences dramatiques pour l’entreprise si ce dernier est également actionnaire. Il existe pourtant des mécanismes civils simples, peu couteux et facilement réversibles pour se prémunir contre un tel risque.

On parle souvent de la protection du patrimoine personnel du chef d’entreprise mais assez peu de la préservation de son patrimoine professionnel en cas d’invalidité ou de décès. Or, le dirigeant étant central dans la conduite de l’entreprise, qui plus est lorsqu’il est associé, les risques de défaillance doivent absolument être analysés et couverts au mieux.

Les méthodes assurantielles sont souvent utilisées, tels que les contrats dits « homme-clé », alors que les solutions offertes par le droit civil sont souvent mal connues et pourtant très efficaces.

comment faire face à l’incapacité temporaire ou prolongée du dirigeant ?

Un accident, une maladie peuvent rendre le dirigeant inapte à assumer ses fonctions de direction.

Lorsque cette situation est réversible et de très courte durée, des solutions peuvent être trouvées au sein de la société, sous réserve naturellement d’avoir été anticipées. La mise en place de délégations et d’organigrammes clairs de responsabilité et de prise de décisions permettent de poursuivre à court terme l’activité de l’entreprise.

Mais lorsque le niveau d’incapacité du dirigeant, même temporaire, est élevé, des mesures de protection juridique sont nécessairement mises en place pour permettre la représentation et le fonctionnement de la société.

Ces dispositifs de protection légale ont pour objectif de pallier une situation de crise et d’organiser juridiquement la représentation nécessaire du dirigeant. Mais pour que l’activité se poursuive au mieux, le dirigeant doit anticiper cette situation et l’organiser. Des solutions civiles, tel le mandat de protection future, ont été créées principalement pour cela.

que se passe-t-il en cas de placement du dirigeant sous un régime légal de protection ?

En cas d’incapacité et si aucune précaution n’a été prise, le dirigeant devra être placé sous un régime légal de protection de type sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle.

Depuis 2015, un dispositif plus « allégé » dit d’habilitation familiale permet une représentation sur autorisation du juge des tutelles.

Ces mesures ont pour objet d’organiser la gestion de la situation d’incapacité une fois celle-ci malheureusement survenue. Mais elles ne permettent pas de l’anticiper pour gérer ce risque de manière optimale et tel que le dirigeant le souhaiterait.

Les régimes de protection légale : curatelle et tutelle

Ces dispositifs de protection légale supposent une décision du juge des tutelles et un délai de traitement des dossiers de l’ordre de 6 mois à 1 an pour l’ouverture de la mesure.

Le dirigeant étant incapable, aucune assemblée générale ne peut intervenir si le chef d’entreprise est également associé.

Il n’est donc pas possible de nommer un nouveau dirigeant, ni de distribuer des dividendes.
Or, ceci peut s’avérer indispensable pour financer le train de vie du dirigeant et de son conjoint et le coût de la dépendance, dans la mesure où l’incapacité du dirigeant l’empêche d’exercer ses fonctions et, donc, de percevoir son salaire.

C’est ensuite le juge qui décide de la personne chargée de protéger le dirigeant. En cas de doute sur la capacité de ses proches à gérer l’entreprise, ou en cas de risque de conflit d’intérêt, le juge peut nommer une association tutélaire en qualité de curateur ou de tuteur.

Enfin, en cas de projet de vente de l’entreprise ou s’il est nécessaire de réaliser des opérations capitalistiques (création d’une société holding par apport des titres de la société opérationnelle, augmentation ou réduction de capital social…) ou de donner les titres en nantissement, une autorisation spéciale du juge des Tutelles sera nécessaire car il s’agit d’actes de disposition.

Un Décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 établit la liste des actes d’administration (gestion) et de disposition et offre ainsi une indication sur le périmètre des opérations qui nécessitent l’intervention ponctuelle du juge des tutelles.

L’habilitation familiale

Depuis 2015, il est possible d’éviter la mise sous un régime de protection en sollicitant de manière ponctuelle une habilitation familiale (articles 494-1 et suivants du Code civil).

Il s’agit d’une autorisation temporaire donnée par le juge des tutelles à un membre de la famille (ascendant, descendant, frère ou sœur, époux, partenaire pacsé ou concubin) de représenter une personne incapable pour certains actes déterminés ou d’une manière plus générale.

Néanmoins, cette mesure ne répond pas à l’exigence principale en cas d’incapacité du dirigeant : la célérité. Une habilitation familiale implique un recours au juge des tutelles et, donc, de supporter les délais de traitement du dossier au tribunal judiciaire.

Rien ne permet en outre d’affirmer que le juge des tutelles considère que la mesure puisse être suffisante pour protéger le dirigeant et son entreprise. Par ailleurs, la personne désignée par le juge pour représenter le dirigeant n’est pas nécessairement la personne que ce dernier aurait choisie.

Représentation par le conjoint

Si le dirigeant est marié, le juge des tutelles peut autoriser son conjoint à le représenter pour des actes ponctuels (article 217 du Code civil) ou de manière plus générale (article 219 du Code civil).

Or le conjoint ne connaît pas nécessairement l’activité et le fonctionnement de l’entreprise pour en assumer seul la poursuite.

Le droit civil permet de pallier ces inconvénients en offrant au dirigeant des solutions spécifiques et anticipées de protection de l’entreprise en cas d’incapacité.

le mandat de protection future pour anticiper le risque d’incapacité du dirigeant

Le législateur a créé en 2007 un outil permettant d’éviter un placement en tutelle qui s’adapte parfaitement aux besoins du dirigeant et de l’entreprise : le mandat de protection future (articles 477 à 488 du Code civil).

Il s’agit d’un acte par lequel il est possible de choisir par anticipation les mandataires chargées de protéger sa personne et/ou tout ou partie de son patrimoine en cas d’incapacité.

Le mandat peut être large et comprendre la protection de la personne (prise de décisions médicales, consultation du dossier médical, échanges avec les médecins, choix de protocoles thérapeutiques…) et la gestion du patrimoine. Il peut être limité à la protection d’une partie du patrimoine et notamment de l’entreprise.

Si le mandat est conclu sous seing privé (Formulaire Cerfa n°13592*04 et sa notice explicative n°51226#05), le ou les mandataires ne peuvent se voir confier que des pouvoirs de gestion.

Si le mandat est conclu par acte notarié, le ou les mandataires peuvent se voir autorisés à accomplir certains actes de disposition à titre onéreux (vente notamment ou apport en société, augmentation ou réduction de capital…). En cas d’incapacité temporaire ou prolongée du dirigeant intervenant au cours d’un processus de vente par exemple, les mandataires auront donc le pouvoir de mener l’opération à son terme.

Le mandant choisit seul la ou les personnes qui seront chargées de le protéger, à titre personnel et pour son entreprise. Il peut ainsi nommer :

  • un mandataire principal, chargé notamment de procéder à des distributions de dividendes. Le cas échéant le dirigeant peut prévoir dans le mandat un encadrement de ces distributions, soit en termes de montant, soit en précisant que les distributions devront avoir pour objet de permettre au dirigeant de se maintenir dans son cadre de vie et de financer son train de vie.
  • Un collège de mandataires, pouvant prendre les décisions les plus importantes (notamment les actes de disposition à titre onéreux et la désignation d’un nouveau dirigeant). Idéalement, le dirigeant évitera une unanimité dans la prise de décisions entre les mandataires afin d’éviter des blocages préjudiciables à l’entreprise.

Qui nommer en qualité de mandataires chargés de protéger l’entreprise ?

Il peut être opportun de penser aux personnes les plus aptes à protéger le mandant mais aussi à assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise. Il peut s’agir :

  • des proches (conjoint, enfants, frère ou sœur) qui défendront l’intérêt du mandant
  • mais aussi de tiers de confiance qui connaissent le monde de l’entreprise et sauront alerter les proches sur les risques et difficultés éventuellement constatés.

Attention : être mandataire ne signifie pas devenir le nouveau dirigeant.

Le mandataire n’a pas tous les pouvoirs pour gérer l’entreprise. Son rôle est de participer et voter en assemblée générale pour notamment décider :

  • de l’identité du ou des nouveaux dirigeants
  • des distributions de dividendes
  • de restructurations
  • de céder l’entreprise si l’incapacité du dirigeant se prolonge et que la survie de l’activité en dépend ou qu’un processus de cession avait été engagé par le dirigeant avant son incapacité.

En cas de difficulté d’exécution de leur mission, les mandataires peuvent toujours solliciter le juge des tutelles pour les guider.

Le mandat de protection future présente de nombreux avantages parmi lesquels :

  • une totale réversibilité : tant qu’il est capable, le dirigeant peut modifier ce mandat (dans son périmètre ou dans le choix de ses mandataires) ou le supprimer à sa convenance.
  • l’absence de recours au juge pour la mise en œuvre du mandat : en cas d’incapacité médicalement constatée du mandant, il convient de se rendre au greffe civil du tribunal judiciaire (service des tutelles) muni du certificat médical et du mandat (et accompagné si possible du mandant).
    Il n’est pas nécessaire d’obtenir une audience auprès du juge des tutelles. Le temps de latence entre l’incapacité du dirigeant et la prise de fonctions des mandataires est donc réduite à quelques jours.
  • la certitude pour le mandant de l’identité des personnes chargées de le protéger et de la meilleure protection de ses intérêts. Notons qu’en cours de mandat et lorsque celui-ci est notarié, le notaire est tenu d’un contrôle annuel des comptes du mandant et d’une obligation d’alerte au juge s’il lui semble que les mandataires sont négligents.
  • un coût limité : un mandat sous formulaire Cerfa s’enregistre au coût de 125 €. Un mandat notarié (qui permet de conférer davantage de pouvoirs aux mandataires) s’enregistre au même prix auquel il convient d’ajouter les émoluments du notaire (arrêté du 26 février 2016, modifiés par les arrêtés du 27 février 2018 et du 28 février 2020), la taxe sur la valeur ajoutée et le coût des formalités, pour un total de l’ordre de 350 €.

MANDAT DE PROTECTION FUTURE (risque incapacité)
Exemple de répartition des missions entre les mandataires

Mandataires Désignés

Périmètre du Mandat

Nature des opérations

Décisions Concernées

Conditions de la prise de décisions

Si empêchement, renonciation ou décès du mandataire désigné

Conjoint

Protection de la personne du Mandant

Décisions médicales


Décisions médicales

Conjoint seul

Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants


Protection du patrimoine personnel

Actes d'administration

Gestion courante des biens personnels

Conjoint seul

Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants


Protection du patrimoine personnel

Actes de disposition

Mutation à titre onéreux
(Vente, apport en société notamment)

Collège de Mandataires
suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants
Tiers de confiance (connaissant la famille et le monde de l’entreprise)


Protection du patrimoine professionnel

Actes d’administration

Vote en AGO


Conjoint seul
(financement de son train de vie, le cas échéant avec précision d’un montant maximal annuel à distribuer)


Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants
Tiers de confiance (connaissant la famille et le monde de l’entreprise)



Protection du patrimoine professionnel

Actes d’administration

AGE

Collège de Mandataires
suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)


Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants
Tiers de confiance (connaissant la famille et le monde de l’entreprise)


Protection du patrimoine professionnel

Actes de disposition
(si mandat notarié)


Mutation à titre onéreux
(Vente, apport en société notamment)


Collège de Mandataires
suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)


Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

la protection du patrimoine professionnel en cas de décès du dirigeant-associé

Lorsque le dirigeant est également associé, son décès, s’il n’a pas été anticipé, est un bouleversement total pour l’entreprise, en termes de gérance mais également en termes de gouvernance, puisque la détention du capital ou des actifs professionnels change de mains et revient à ses héritiers.

Ces derniers ont plus ou moins les aptitudes et la volonté de rester actionnaire ou poursuivre l’activité. Leur mésentente est aussi un risque pour la survie de l’entreprise.

Là encore, des dispositions civiles permettent d’anticiper cette situation pour la gérer au mieux.

conséquences du décès prématuré du dirigeant et associé

Le décès du dirigeant associé peut placer l’entreprise dans une situation très difficile, en raison de l’éclatement du capital entre les héritiers et de l’entrée possible d’enfants mineurs.

La situation familiale et matrimoniale du dirigeant et l’existence ou non de dispositions testamentaires déterminent l’identité de ses héritiers.

L’une des hypothèses les plus fréquentes est celui du dirigeant marié ayant des enfants issus ou non de son union et n’ayant pas pris de dispositions testamentaires.

Le code civil a anticipé la protection du conjoint survivant en lui octroyant des droits en usufruit et/ou en pleine propriété selon le cas (existence ou non d’une donation au dernier vivant). Ceci signifie que même en l’absence de testament ou de donation entre époux, le conjoint survivant aura des droits sur l’entreprise comme sur tout le reste du patrimoine.

De même, le partenaire pacsé est souvent protégé par un testament, indispensable pour lui allouer des droits sur la succession puisqu’il n’est pas légalement héritier. Ces droits, s’ils sont étendus, comme la totalité en usufruit de la succession du dirigeant par exemple, vont également s’exercer sur l’entreprise.

Quelle que soit la situation, il est important de garder à l’esprit le fait que la protection des proches du dirigeant, telle qu’organisée par défaut par le code civil ou prévue par testament suivant un périmètre le plus large possible au profit du conjoint ou partenaire, n’est pas toujours adaptée à l’entreprise.

L’application des droits légaux du conjoint survivant ou la protection testamentaire du partenaire de pacs peut en effet avoir pour conséquence une interdépendance entre ce conjoint ou partenaire et les enfants du dirigeant et aboutir à un démembrement de propriété (choix du conjoint survivant pour des droits en usufruit), ou à une indivision (attribution de droits en pleine propriété).

Appliqué à l’entreprise, le démembrement de propriété implique un consensus entre un usufruitier qui a un intérêt à réaliser des distributions de dividendes pour financer son train de vie et des nus- propriétaires qui préfèrent conserver la trésorerie dans la société jusqu’à l’extinction de l’usufruit du conjoint ou concubin.
La vente de l’entreprise implique un accord de toutes les parties. Or la répartition des prérogatives politiques et financières entre l’usufruitier et les nus-propriétaires résulte des statuts ou, à défaut, du code civil.

L’indivision (articles 815 et suivant du Code civil) n’est pas un système plus sécurisant pour l’entreprise, notamment en terme de gouvernance.

De plus, l’indivision successorale porte, à défaut de précision contraire par testament, sur chaque action ou chaque part sociale composant le capital et non sur une quote-part du capital. Le partage des titres entre les héritiers génère en principe l’acquittement du droit de partage au taux actuel de 2,5%.

La situation se complique en présence d’enfants mineurs. Le conjoint survivant, qu’il agisse en cette qualité ou en tant que représentant des enfants mineurs, peut se trouver en situation de conflit d’intérêt. Pour les actes les plus graves, notamment la vente de l’entreprise, il doit solliciter l’autorisation préalable du juge des tutelles.

La situation des enfants du dirigeant peut également poser une difficulté s’ils sont jeunes majeurs au moment du décès de leur père ou mère et que l’entreprise est vendue.

Un jeune de 18 ans est-il apte à gérer un patrimoine important ? Ne sera-t-il pas au contraire déstabilisé, tant par le décès de son parent que par l’arrivée soudaine d’un capital sur son compte bancaire ?

Sans entrer ici dans le détail de chaque situation et de la multiplicité des difficultés rencontrées, il ne peut qu’être conseillé au dirigeant de solliciter un audit successoral et matrimonial auprès de ses conseillers habituels (avocat, notaire, ingénieur patrimonial, conseiller en gestion de patrimoine, Family Office) afin de réaliser un point de sa situation. Ceci lui permet d’appréhender précisément la répartition de ses biens en cas de décès et d’évaluer la protection de son entreprise.

Enfin un dernier point, et qui n’est pas des moindres, une bonne entente familiale ne peut constituer une garantie suffisante pour une entreprise, ses équipes, ses partenaires, ses clients. Un consensus entre les héritiers ne signifie pas que ces derniers ont la capacité à reprendre la tête de l’entreprise dans cette période de fragilité extrême que constitue le décès de son homme-clé.

Si les règles de protection prévues par défaut dans le code civil semblent mal adaptées à la protection de l’entreprise, il est heureusement possible d’y remédier par quelques dispositions simples, peu coûteuses et facilement réversibles.

comment anticiper le risque de décès du dirigeant ?

La protection de l’entreprise en cas de décès prématurée du dirigeant s’organise en deux volets : par l’organisation de la répartition de ses biens et par l’anticipation de la gestion de l’entreprise.

Organiser par anticipation la répartition de ses biens en cas de décès

L’anticipation de la répartition de ses biens par le dirigeant lui permet notamment de réfléchir à celui ou ceux de ses héritiers qui se verront transmettre l’entreprise.

La liberté n’est pas totale en la matière. Les enfants sont en effet héritiers réservataires et ont un droit incompressible sur la succession de leur parent (à concurrence de moitié en présence d’un enfant, des deux tiers en présence de deux enfants et des trois quarts de la succession à partir de 3 enfants).

Il n’en reste pas moins qu’il est possible d’organiser la protection du conjoint survivant non pas simplement dans son périmètre légal que prévoit par défaut le code civil, mais en lui attribuant spécifiquement les biens qui permettent sa protection « qualitative » et « quantitative », notamment le maintien dans son cadre de vie et la perception des revenus nécessaires au financement de son train de vie.

Il est possible d’aménager les droits des héritiers sur l’entreprise et le patrimoine professionnel.

Cette organisation passe principalement par deux voies :

  • l’adaptation du régime matrimonial du chef d’entreprise : Le dirigeant peut ainsi mettre en commun les biens nécessaires à la protection de son conjoint. Mais il peut limiter cette « communautarisation », qu’il s’agisse d’une société d’acquêt en séparation de biens ou d’une communauté, en incluant ou pas l’entreprise.
    Il est à noter que l’adaptation du régime matrimonial implique l’accord des deux époux et offre aux enfants majeurs et aux créanciers un droit d’opposition (article 1397 du Code civil), outre la nécessité de liquider le cas échéant le régime matrimonial du dirigeant.
  • la prise de dispositions testamentaires : la répartition de ses biens par le dirigeant peut intervenir par simples dispositions testamentaires, confidentielles, réversibles par le seul testateur et peu coûteuses.
    La rédaction d’un testament permet notamment de protéger le conjoint par l’attribution de droits en pleine propriété ou en usufruit sur le cœur du patrimoine et d’éviter autant que faire se peut une indivision entre les héritiers, notamment sur l’entreprise.

Organiser par anticipation la gestion de l’entreprise

Comme en matière d’incapacité (mandat de protection future), le dirigeant a la possibilité de confier dans un mandat à effet posthume (articles 812 à 812-7 du Code civil) la gestion de son entreprise à des proches et tiers de confiance en cas de décès.

Ces deux mandats fonctionnement suivant le même mode et avec la même souplesse. Seules quelques différences les séparent :

  •  le mandat à effet posthume vise à protéger non plus le dirigeant (qui est décédé) mais ses héritiers. Les mandataires doivent donc agir ici dans l’intérêts des héritiers désignés dans le mandat (le mandat peut d’ailleurs ne viser que certains héritiers le cas échéant).
  • les mandataires ne peuvent se voir confier que des pouvoirs de gestion et non de disposition. Ils ne peuvent ainsi pas vendre l’entreprise, qui appartient aux héritiers.
  • le mandat peut être conclu pour une période maximale de 5 ans à compter du décès du dirigeant. Passé ce délai, il convient de solliciter l’autorisation du juge pour le renouveler si nécessaire.
  •  le mandat est ici nécessairement conclu devant notaire.
  • le notaire n’est pas soumis à une obligation de contrôle de la bonne exécution par les mandataires de leur mission.

Comme pour le mandat de protection future, les mandataires ont pour mission de gérer les titres de l’entreprise et donc de participer et voter en assemblée générale. Ils peuvent ainsi choisir le nouveau dirigeant et décider des distributions de dividendes.

Leur mission consiste notamment à rassurer les partenaires et les clients de l’entreprise en offrant une stabilité dans une période difficile.

MANDAT A EFFET POSTHUME (risque décès)
Exemple de répartition des missions entre les mandataires

Mandataires Désignés

Périmètre du Mandat

Nature des opérations

Décisions Concernées

Conditions de la prise de décisions

Si empêchement, renonciation ou décès du mandataire

Conjoint

Protection du patrimoine personnel

Actes d’administration

Gestion courante des biens personnels

Conjoint seul

Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Conjoint

Protection du patrimoine personnel

Actes de disposition

Mutation à titre onéreux
(Vente, apport en société notamment)


Juge des tutelles impérativement

Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de Mandataires :
Conjoint
Enfants
Tiers de confiance (connaissant la famille et le monde de l’entreprise)


Protection du patrimoine professionnel

Actes d’administration

Vote en AGO
(notamment pour les distributions de dividendes)


Conjoint seul
(financement de son train de vie, le cas échéant avec précision d’un montant maximal annuel à distribuer)


Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Collège de mandataire :
Conjoint
Enfants
Tiers de confiance (connaissant la famille et le monde de l’entreprise)


Protection du patrimoine professionnel

AGE

Excepté les actes de disposition qui impliquent l'accord du juge des tutelles

Collège de Mandataires
suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)


Mandataires encore en exercice suivant une règle de majorité à définir en fonction du nombre de mandataires restant (éviter l’unanimité)

Cette protection offerte par le mandat à effet posthume n’est pas la seule qui puisse s’envisager pour protéger l’entreprise et les héritiers. Il est également possible de réfléchir à une adaptation des statuts de la société concernée, à la désignation de dirigeants successifs, ou encore à la constitution d’une société holding.

Ces mesures n’offrent toutefois pas la même discrétion que le mandat à effet posthume (qui contrairement aux statuts n’a pas à être publié), ni la même réversibilité quasi-immédiate, ni le même coût limité.

Outre cette protection civile, des solutions fiscales peuvent aussi être aménagées. La valorisation du patrimoine professionnel est souvent conséquente et les droits de succession en cas de décès du chef d’entreprise le sont alors corrélativement. La protection civile du patrimoine professionnel s’accompagnera idéalement d’une optimisation fiscale, grâce notamment au dispositif Dutreil.

 

Il est ainsi indispensable pour le chef d’entreprise d’anticiper les risques d’invalidité ou de décès et de mettre en place les solutions de préservation de son patrimoine professionnel. Ses conseils patrimoniaux ont ici un rôle clé. Ils lui permettront d’effectuer un audit de sa situation et d’organiser si nécessaire une protection ciblée de son entreprise.

Auteur
 Cécile PEYROUX 

Notaire, intervenant formateur à L’ESBanque pour le CESB CGP