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Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

En quoi consiste le LBO ? Quels sont les différentes formes de LBO ? Qu’est-ce que l’effet de levier et quels types de dettes sont utilisés ? Explications.

Le LBO (leverage buy out) est un montage financier qui consiste en un rachat d’entreprise ou société par le levier de l’endettement. Le rachat est effectué par une société holding créée à cet effet qui utilise l’endettement pour acquérir les titres d’une société et en prendre le contrôle.

Ce montage fait partie des opérations fréquemment privilégiées lors du rachat d’une société. Le point sur le fonctionnement du LBO, ses différentes formes et le principe de l’effet de levier.

SOMMAIRE

  • Le LBO : principe et effet de levier
  • Les différents types de LBO
  • Le principe du financement par le levier de l’endettement : les différents types de dettes

Le LBO : principe et effet de levier

 

L’investisseur, via le LBO, a deux objectifs : racheter une société cible dont il espère une plus-value à la revente et bénéficier de l’effet de levier de l’endettement.

 

Qu’est-ce que le LBO ?

Comme évoqué il s’agit du principe de rachat d’une société, qui peut être une PME (Petite et Moyenne Entreprise) comme un grand groupe international.

Le LBO permet, avec un apport limité, de prendre le contrôle de 100% du capital d’une société. Le montage repose sur une structuration entre apport en capital et recours à l’endettement.

Les investisseurs, intéressés par une société dont ils espèrent une forte croissance et une plus-value future à la revente, acquièrent la société cible via une holding de reprise.

Ils réalisent pour partie un apport en capital au sein de cette holding mais privilégient surtout l’endettement à taux fixe. La capacité de la société cible à distribuer des dividendes est cruciale. C’est en effet par ce moyen que la holding de reprise des investisseurs remboursera l’endettement. Les investisseurs sont souvent des fonds d’investissement seuls ou accompagnés d’un repreneur personne physique ou société.

Exemple de schéma de structuration de la holding de reprise :

Source : Sabine Petitgirard pour l’ESBanque

Dans cet exemple, les investisseurs en capital apportent 35 pour l’acquisition d’une société cible ayant une valeur de 100. La dette de financement bancaire ou permet le financement complémentaire de 65 pour acquérir la cible. L’acquisition de la société cible se fait donc à la fois par apport en capitaux propres et dettes. Investisseurs et banques de financement analysent la rentabilité de la société cible et sa capacité distributive afin de déterminer le montant maximal de la dette.

 

Qu’est-ce que l’effet de levier ?

L’effet de levier consiste à démultiplier les possibilités d’acquisition en recourant à la dette.

Le remboursement de la dette permet en effet un triple effet de levier :

  • Effet de levier juridique: l’apport en capital peut être plus efficace par l’utilisation d’actions particulières comme les actions dites de préférence Elles permettent aux investisseurs de détenir davantage de droits de vote ou de droits financiers.

 

  • Effet de levier financier: il provient de l’endettement qui finance une partie de l’acquisition. Il est important que la société cible qui sera rachetée soit économiquement rentable de telle sorte que le dividende qu’elle pourra distribuer puisse rembourser la dette constituée. Le principal de la dette sera ainsi remboursé par la cible au regard de sa capacité à générer du bénéfice. L’analyse de la société cible et de son business plan est donc fondamental pour déterminer le montant de l’endettement possible.

L’effet de levier financier repose sur la différence entre le taux de l’endettement, c’est-à-dire le coût du financement externe et la rentabilité de la société cible, c’est-à-dire sa capacité à générer des profits et à les distribuer. Si la rentabilité de la société cible est supérieure au coût de l’endettement, l’effet de levier financier est positif pour l’investisseur.

Parallèlement, l’actionnaire au fur et à mesure que l’endettement diminue, pour autant que la valorisation de la cible ne soit pour le moins identique sinon supérieur, voit la valorisation de son capital augmenter. Ainsi la dette est remboursée progressivement et le groupe de société (holding et société cible) prend de la valeur participant à la plus-value et la rentabilité attendue par les investisseurs (associés personnes physiques et fonds de private equity).

L’effet de levier juridique et financier se combine avec un effet de levier fiscal.

 

  • Effet de levier fiscal :

Il est lié notamment au fait de pouvoir recourir à l’intégration fiscale, conditionné entre autres à ce que la holding détienne au moins 95% du capital de la société cible.

 

Intégration fiscale et régime mère-fille : quelles différences ?

L’intégration fiscale impose de remplir certaines conditions (article 223 A du CGI) :

  • Assujettissement à l’IS pour la société mère et fille
  • Concordance des exercices comptables
  • Au moins 95 % du capital de la filiale doit être détenu directement ou indirectement par la société mère. Cette condition garantit que le groupe a un contrôle substantiel sur sa ou ses filiales.
  • Aucune société domiciliée en France et assujettie à l’IS ne doit détenir plus de 95 % de la société mère.

L’intégration fiscale désigne une société dite mère qui se trouve seule redevable pour elle et sa ou ses filiales de l’impôt sur les sociétés, cette option impose la conclusion d’une convention d’intégration fiscale.

Ce régime fiscal permet de remonter le résultat de la cible dans la holding. Cela permet de consolider les résultats fiscaux au niveau de la holding considérant uniquement une quote-part de frais et charges de 1% (depuis la Loi de Finances rectificative de 2015). La Loi de Finances pour 2024 subordonne le bénéfice en cas d’intégration fiscale au fait que la société distributrice soit membre de ce même groupe depuis plus d’un exercice (filiale française).

Ainsi l’impôt sur les sociétés sera diminué des frais puisque ce résultat sera déterminé au niveau de la holding.

L’intégration fiscale permet ainsi de considérer un résultat à un seul niveau, celui de la holding, permettant par la même de déduire le déficit lié au frais générés par le remboursement de la dette.

A noter que les charges financières nettes déductibles du résultat fiscal de l’entreprise sont soumises à une limite ou plafond (à savoir, dans la limite du plus élevé des deux montants suivants 3 millions d’euros ou 30% de son résultat fiscal avant impôts, intérêts, dépréciations et amortissements (EBITDA fiscal (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization)) applicable notamment en cas d’intégration fiscale (article 223 bis du CGI).

Par comparaison, si la cible est détenue à moins de 95 % par la société mère mais à plus de 5 %, elle peut opter pour le régime mère et filiale. Ce régime permet à la société cible de remonter le résultat en quasi-franchise d’imposition mais elle doit payer l’impôt sur les sociétés. Le régime mère-fille permet d’exonérer d’IS les produits versés par la société fille. Fiscalement, la société mère déduit 100 % des produits reçus puis réintègre une quote-part de 5 % de frais et charges.

L’IS supplémentaire est faible, mais le régime reste moins pertinent que l’intégration fiscale. Les frais financiers relativement lourds de la holding génèrent un déficit, et ce déficit ne peut être transmis à la société fille qui paie toujours l’IS. Aussi, dans le schéma et puisque la holding ne génère pas de résultat ou peu (management fees), les frais financiers ne peuvent être déduits qu’à hauteur de la quote-part remontée. A noter qu’il existe un plafond de déductibilité des frais.

 

Le schéma de LBO recourt donc principalement à l’intégration fiscale.

Schéma avec intégration fiscale :

Source : Sabine Petitgirard pour l’ESBanque

 

Les différents types de LBO

 

Selon la nature de l’acheteur, le LBO aura un nom différent :

  • Lorsque les repreneurs sont des cadres dirigeants de l’entreprise rachetée, on parle de Leveraged Management buy-out (LMBO, RES Rachat d’Entreprise par les salariés en France)
  • Lorsque les repreneurs (investisseurs) proviennent uniquement de l’extérieur, on parle de Leveraged Buy-In (LBI)
  • Lorsque les acheteurs sont à la fois des investisseurs extérieurs et des cadres internes à l’entreprise rachetée, on parle de Buy-In Management Buy-Out (BIMBO)
  • Lorsque les actionnaires veulent à terme fusionner l’entreprise avec une autre, on parle de Leveraged Build-Up (LBU)
  • Lorsque les acheteurs sont des investisseurs extérieurs et qu’ils apportent une nouvelle équipe de management, on parle de Leveraged Management Buy-In (LMBI)
  • Lorsque le propriétaire de la société est lui-même acheteur, on parle de Owner Buy-Out (OBO)

Selon le schéma, la répartition capitalistique peut être différente. Très souvent les fonds d’investissements sont des associés participant à l’apport en capital. On peut ainsi retrouver lors de la structuration des « pools » d’investisseurs.

Par ailleurs pour certaines structurations de capital, il est possible d’intéresser les managers en leur permettant de devenir associé minoritaire, directement dans la holding ou par des holdings intermédiées, communément appelées MANCO (pour « Managers Company ») permettant au cercle managérial de monter au capital. Il y a de forts enjeux sur la nature des actions accordées, comme sur le volume de prise de participation et enfin sur la nature du pouvoir décisionnaire dans le cadre de ces prises de participations. La structuration se fait ainsi par la nature des droits de vote, la quote-part de détention directe ou indirecte, la nature des actions par exemple de préférence, des BSA (Bons de souscription d’Actions) ou autres actions spécifiques.

Les associés de la holding de reprise se répartissent ainsi souvent entre les dirigeants de la cible, éventuellement des cadres (MANCO ou non) pour les intéresser au travers d’une montée au capital et des fonds de private equity ou fonds d’investissements.

Il est fondamental de bien structurer le capital de la holding, tant sur le plan de la prise de pouvoir que sur celle de la valorisation à terme pour l’investisseur. La nature de l’investisseur (fonds, dirigeant ou cadre) est également déterminante.

Souvent, la société holding et la société cible fusionnent à la fin du remboursement de l’emprunt. Il est aussi possible de réaliser cette fusion pendant le remboursement. Cette fusion permet à la société de déduire la charge de l’emprunt de ses résultats sans avoir à faire une distribution de dividendes.

 

Le principe du financement par le levier de l’endettement : les différents types de dettes

 

Les fonds empruntés pour la reprise de la société cible correspondent en moyenne à 70 % de la mise initiale. Ces fonds sont le plus souvent apportés par des banques classiques.

Il existe trois types de dettes, mais on retient principalement la dette senior et la dette mezzanine. L’endettement de la holding d’acquisition prend d’abord la forme d’une dette bancaire senior et d’une dette mezzanine, le remboursement de la seconde dette dépend directement du remboursement de la première.

La dette senior : lors d’une opération de LBO, une dette senior correspond à la dette que l’entreprise contracte auprès des banques. Notons qu’un financement par LBO s’accompagne de clauses contractuelles qui imposent au repreneur des contraintes dans la gestion de l’entreprise. Elle prend la forme d’un prêt moyen terme (entre 5 et 8 ans) et couvre plus de 50% à 55% de l’endettement global du LBO.

La dette mezzanine : elle prend la forme d’un prêt subordonné, c’est-à-dire dépendant du remboursement préalable des prêts bancaires, ou d’une émission obligataire assortie de bons de souscription en action ou convertible en actions.

 

Très souvent, le financement est partagé entre plusieurs banques, il s’agit de «pool bancaire ». Une des banques aura le rôle d’agent arrangeur. C’est elle qui va structurer, négocier et mettre en œuvre un financement en dette sénior.

Notons que les fonds d’investissement, tout comme l’investisseur personne physique, peuvent venir en concours sur la partie dette, puisqu’ils peuvent souscrire des obligations (comportant des primes de non-conversion au capital) finançant le rachat de la société cible.

La dette peut prendre deux formes :

  • amortissable : en général sur 6 ou 7 ans. Elles sont remboursées à hauteur de 1/6 ou 1/7 à chaque date anniversaire de la libération de la dette.
  • in fine: ce type de dette se rembourse intégralement à la maturité finale et est bien sûr plus risqué (le risque de la banque ne baisse pas chaque année) et donc plus cher.

 

Comme on peut le constater, le LBO repose sur plusieurs paramètres : une structuration du rachat constituée par une combinaison de fonds propres et crédit, une structuration juridique de la holding lors de la création et l’analyse du business plan de la société cible.

 

Rappelons que le montage est encadré d’un point de vue juridique par plusieurs textes et notamment par l’article L225-216 du code de commerce : « une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers ». L’enjeux est d’éviter que tout ne repose sur la profitabilité de la cible et donc sur un montage artificiel.

 

Après une forte baisse depuis deux ans, on note une reprise du volume global des LBO. Les opérations de fusions-acquisitions, nommées en anglais « Mergers and Acquisitions (M&A) », désignant plus globalement l’achat d’une ou plusieurs sociétés par une ou plusieurs autres, sont considérées à l’échelle mondiale comme de retour en ce premier trimestre 2024, et notamment dans le domaine de la biotech. Cela laisse présager de beaux jours pour les LBO.

 

Auteur

Sabine Petitgirard  

Juriste Fiscaliste en Banque privée, Intervenante-formatrice à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine).