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Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

En quoi consiste la tontine ? Quels sont les principes de ce placement, sa fiscalité et son intérêt ? Le point sur cet outil patrimonial ancien mais qui n’a rien perdu de sa pertinence.

 

Dans un monde où la nouveauté se veut trop souvent la réponse à des problématiques complexes, en matière patrimoniale comme dans d’autres contextes, la tontine financière permet de donner de la valeur au temps et peut constituer une réponse pertinente à un environnement financier et patrimonial structurellement instable.

Il faut remonter à 1653 pour trouver les origines de la tontine. C’est en effet sous le règne du jeune roi Louis XIV que Lorenzo Tonti propose une solution originale pour faire face aux difficultés financières que traversait le Royaume de France. Lorenzo Tonti s’inspire alors de l’assurance dotale, qui permettait de financer les dotes de mariage au 15ème et au 16ème siècle en Italie.

Le principe de la tontine était né et la 1ère tontine fut lancée en 1689. Au 19 siècle, en 1841 et 1846, 22 sociétés d’assurance sur la vie à forme tontinière furent créées. Aujourd’hui, elles sont plus rares et on compte en France principalement un groupe spécialisé, Le Conservateur, fondé en 1844.

La tontine repose sur un principe juridique particulier, l’aléa viager et sur une gestion financière spécifique. Par ses caractéristiques, elle constitue un outil patrimonial pertinent dans de nombreuses situations patrimoniales. Explications !

SOMMAIRE

  • Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité
  • Gestion financière de la Tontine
  • Quelques applications patrimoniales de la tontine

 

Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité

La tontine est une association collective d’épargne basée sur l’aléa viager. Sa fiscalité est différente pour les sorties en cas de vie ou en cas de décès.

 

Qu’est-ce que la tontine ?

Juridiquement, La tontine est une association collective d’épargne viagère et est encadrée par les articles R322-139 et suivants du code des assurances.

Dans la pratique la tontine réunit des épargnants qui investissent des fonds en commun pour une durée de 10 à 25 ans. En effet la durée minimale d’adhésion à une tontine est de 10 ans et la durée maximale est de 25 ans.

Un épargnant peut ainsi :

  • adhérer à une tontine l’année de sa création et pour une durée de 25 ans
  • ou bien adhérer à une tontine préexistante et cela pour une durée minimale de 10 ans.

Les fonds placés en tontine sont indisponibles jusqu’à la date de terme choisie librement par l’adhérent.

Au terme de la tontine, les fonds investis augmentés des produits, bénéfices et intérêts sont répartis entre les bénéficiaires des assurés survivants. On retrouve donc dans cet aléa viager le principe originel de la tontine lié à la clause d’accroissement et qui avait porté le concept de l’assurance dotale.

Dans la plupart des cas, l’aléa viager lié à la mécanique même de la tontine est corrigé par l’adhésion facultative à un contrat d’assurance décès qui, en cas de décès (ou d’invalidité), permet de verser le capital assuré aux bénéficiaires désignés au contrat.

Ainsi il est courant de voir deux opérations concomitantes :

  • l’opération d’épargne liée à proprement parler à l’adhésion à la tontine (opération en cas de vie)
  • et une seconde opération facultative, celle de prévoyance par couverture décès (opération en cas de décès).

 

Principe en cas de vie au terme :

 

Principe en cas de décès durant l’adhésion :

Source : Le Conservateur

Dans un schéma de tontine avec assurance décès associée, il est important de souligner qu’il existe plusieurs personnes parties prenantes dans l’opération :

  • L’adhérent : le payeur de la prime d’épargne versée à la tontine
  • L’assuré : la personne physique sur laquelle porte l’aléa de décès
  • Le bénéficiaire en cas de vie : usuellement il s’agit de l’adhérent (devenu sociétaire) afin d’éviter toute libéralité
  • Le/les bénéficiaire(s) en cas de décès : le ou les bénéficiaires des capitaux assurés en cas de décès de l’assuré.

Contrairement à la plupart des opérations d’épargne financière et en particulier à l’assurance-vie, il est possible de dissocier l’adhérent et l’assuré. Cette faculté de dissociation permet d’augmenter considérablement les potentialités de structuration juridique des stratégies patrimoniales.

 

Quelle est la fiscalité de la tontine ?

Du point de vue fiscal, la tontine est régie par les règles de l’article 125-0 A du CGI (fiscalité des enveloppes de capitalisation).

Elle bénéficie donc du même traitement fiscal en cas de vie que l’assurance-vie sur les produits générés c’est-à-dire la fiscalité de la Flat Tax :

  • 12,8% après abattement de 4600 € pour un célibataire ou de 9200 € pour un couple au titre de l’IR (la durée minimale de la tontine étant de 10 ans)
  • et 17,2 % pour les prélèvements sociaux. Les prélèvements sociaux sont prélevés au terme faisant ainsi de la tontine une opération d’épargne neutre fiscalement pendant sa durée.

Au titre de la fiscalité du patrimoine, la tontine était exonérée d’ISF et demeure exonérée d’IFI en raison de la nature des actifs dans lesquels elle investit, exempts d’IFI.

Concernant la fiscalité en cas de décès, les éventuels capitaux transmis en cas de décès de l’assuré dans le cadre du contrat de prévoyance décès/PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) sont exonérés sous réserve du montant de la dernière prime versée au titre de l’assurance décès, taxable dans le cadre de l’article 990 I du CGI (hors cas de dissociation adhérent / assuré et pour un assuré âgé de moins de 70 ans).

 

Autres caractéristiques juridiques importantes de la tontine :

La tontine est insaisissable. Vis-à-vis des créanciers du sociétaire, tant que la tontine n’est pas arrivée à son terme, la condition de survie inhérente à la tontine fait obstacle à toute saisie, selon la Cour de cassation (arrêt du 18 novembre 1997).

La tontine est hors du champ d’application de la loi Sapin 2, qui prévoit la possibilité de gel des rachats sur assurance-vie, sous conditions notamment de contexte économique. La Tontine permet ainsi de planifier à des termes fixes un retour à liquidité de son épargne indépendamment de l’aléa que pourrait constituer la loi Sapin 2.

 

Gestion financière de la Tontine

La gestion financière de la tontine repose sur deux principes permettant son optimisation :

  • Une gestion à horizon déterminée: chaque tontine dispose d’une date de terme connue et certaine. Cette date de terme permet aux gestionnaires d’adapter la structure et la nature des placements en fonction de la durée de vie résiduelle de chacune des tontines (25 tontines différentes par exemple au Conservateur). Ainsi une tontine peut être gérée de manière dynamique en privilégiant les actifs les plus rémunérateurs sur longue période (actions, private equity, immobilier, obligations d’entreprises…) au début de l’investissement. Les actifs dynamiques sont progressivement arbitrés vers des placements plus prudents à l’approche du terme afin de sécuriser la performance acquise et ainsi d’éviter les incidents financiers de fin de période.

 

Principe de gestion financière à horizon de la tontine :

Source : Le Conservateur

 

  • Une gestion sans option de liquidité: l’absence de capacité de rachat sur la tontine évite aux gestionnaires de gérer l’option de liquidité et donc de maintenir des liquidités non-investies ou investies à court terme. Cette absence de liquidité intercalaire permet également d’investir avec sérénité dans des actifs de long terme comme le private equity par exemple et permet d’adopter une approche contracyclique des marchés financiers et cela particulièrement lors des périodes de stress.

Ces deux atouts permettent à la tontine d’afficher à la fois une grande régularité dans ses performances mais également un couple rendement / risque qualitatif et cela sur longue période. La tontine est classée dans la catégorie des placements prudents (SRRI (Synthetic Risk and Reward Indicator) 2/7 ou 3/7). Les performances historiques de la tontine affichent ainsi un gain annuel par rapport à l’inflation (taux réel) de l’ordre de +2% à +4%, y compris pour les tontines ayant connu les derniers chocs inflationnistes des années 70/80. Ces rendements ne préjugent bien sûr pas des performances futures.

Source : Le Conservateur

 

 

Quelques applications patrimoniales de la tontine

La tontine se positionne tout d’abord comme un excellent support de diversification tout en bénéficiant d’un couple rendement/risque favorable comme nous l’avons vu.

Cette opération d’épargne constitue une des réponses aux objectifs patrimoniaux datés de manière précise et de long terme. Elle est également une solution lorsque l’absence de liquidité est assumée, voire recherchée.

 

La tontine : une réponse à la préparation de la retraite ou au financement de la dépendance

Face à l’allongement de la durée de vie nécessitant de se constituer une épargne, tant pour la retraite que pour le financement de l’autonomie et la dépendance, les réflexes de gestion de patrimoine doivent évoluer.

Selon l’INSEE, un couple de 50 ans a plus de 50% de probabilité de voir le dernier vivant dépasser les 100 ans.  Ces éléments poussent logiquement les épargnants ainsi que le législateur (ce fut le cas lors de la création du PER (Plan d’Épargne retraite)) à favoriser les dispositifs d’épargne de long terme.

Dans ce cadre, la tontine répond à un double besoin :

  • planifier des flux futurs à termes connus
  • tout en libérant l’épargnant de la gestion des sommes grâce à une gestion déléguée (en prévision notamment de la possibilité d’une dégradation des capacités cognitives).

Avec un capital constitué, lié par exemple à un arbitrage patrimonial (cession immobilière, vente d’actifs professionnels…), il est possible de décomposer les sommes que l’on souhaite affecter à une stratégie retraite ou dépendance sur différentes tontines, à échéances successives dites « en cascade » (sur 15 ans dans notre exemple).

Les 150 000 € de notre illustration sont ainsi investis par tranche de 10 000 € dans 15 tontines différentes, la première arrivant à échéance dans 10 ans, la plus lointaine dans 25 ans. A compter de la 10ème année, il y aura un retour progressif à la liquidité de l’épargne investie, les plus-values sur les différentes tontines bénéficiant chacune des abattements de 4600€/9200€ (selon les règles fiscales en vigueur).

 

Placement en tontines sur des échéances successives dites « en cascade » :

Source : Le Conservateur

 

 

Au-delà de la création de revenus complémentaires, il est également possible d’adapter, dans un souhait de préparation de la transmission, des clauses bénéficiaires différentes en cas de décès pour chacun des couples tontine/assurance décès.

 

La tontine : un outil pour maîtriser la transmission de patrimoine de son vivant

La transmission du vivant par la mécanique des donations est un thème autour duquel les économistes et le législateur travaillent régulièrement (rapport Tirole-Blanchard par exemple). Mais l’objectif du rajeunissement de la détention du patrimoine se heurte régulièrement à des freins comportementaux de la part des épargnants.

A titre d’illustration, chaque grand-parent peut donner à chaque petit-enfant 31 865€ en toute franchise de droits et cela tous les 15 ans. Mais bien souvent les grands-parents craignent que les sommes qu’ils pourraient transmettre à leurs petits-enfants ne soient dépensées de manière inopportune, dès que le petit-enfant sera majeur.

S’ajoute également le risque qu’en cas de divorce des parents du petit-enfant, l’ex-conjoint ne gère de manière inadaptée les sommes données.

La tontine peut permettre de sécuriser l’acte de donation du vivant du fait de l’indisponibilité, ici recherchée, des sommes données.

Au-delà de ses vertus financières, la tontine, associée à une donation, est un formidable outil permettant de transmettre des capitaux à ses enfants ou à ses petits-enfants, parfois mineurs, tout en planifiant dans le temps la disponibilité des sommes.

Cette stratégie consiste en un don manuel avec la charge pour le donataire d’investir en tontine sur une durée déterminée.

Complémentaire à l’assurance vie, qui demeure un excellent vecteur de transmission au décès de celui qui transmet, cette solution a de nombreux atouts :

  • sur le plan fiscal, les sommes sont souvent données en franchise de droits de donation car dans la limite des abattements légaux applicables (100 000 € parent/enfant et 31 825 € grand-parent/petit-enfant auxquels peuvent s’ajouter, sous condition d’achat, les dons spécifiques de sommes d’argent) qui pourront se reconstituer pour permettre de transmettre à nouveau sans droits (Pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, les abattements se renouvellent tous 15 ans, selon la réglementation actuelle).
  • sur le plan financier, cette période d’indisponibilité est une opportunité pour que les sommes se valorisent dans le temps, dans le cadre de la tontine
  • enfin, le donateur choisit la durée de placement pour la faire correspondre avec l’âge jugé approprié pour que le donataire ait la pleine disponibilité des sommes. En pratique, cela peut correspondre à la majorité de l’enfant, la fin de ses études, l’acquisition d’une résidence principale … Il est possible de prévoir également des flux annuels réguliers de revenus pour l’enfant, grâce à la tontine à échéances en cascade.

 

Donation et transmission contrôlée grâce à la tontine :

Source : Le Conservateur

 

 

La tontine : un support de diversification des placements des sociétés patrimoniales

La détention d’entreprise se fait de plus en plus souvent par le biais de sociétés holding. Les stratégies dites « d’encapsulement » conduisent également assez souvent à conserver une part importante des liquidités au sein de sociétés holding, que ce soit pendant la phase de détention de la société fille (distribution de dividendes) ou dans le cadre d’une cession.

Au-delà des solutions traditionnelles de placement de trésorerie pour les sociétés (sicav monétaire, dépôts à terme, compte-titres…), la tontine est également une réponse qui peut être adaptée à l’horizon long terme des investissements d’une société holding patrimoniale.

Dans ce cas, c’est bien la personne morale qui est l’adhérent de la tontine. De la même manière, c’est bien la personne morale qui en sera bénéficiaire à son échéance.

En revanche, une personne morale ne pouvant être assurée dans le cadre d’une opération sur la vie, il faut obligatoirement que l’aléa viager propre à la tontine repose sur une personne physique. Dans ce cas, l’assuré sera le chef d’entreprise ou un membre de son cercle familial proche.  

Dernière spécificité liée à l’adhésion à une tontine par une personne morale, l’assurance décès devient obligatoire afin d’éviter tout acte anormal de gestion en cas de décès de l’assuré. En cas de vie ou en cas de décès, à minima les capitaux assurés réintègreront les disponibilités de la personne morale.

 

 

Forte de ses particularités, la tontine se révèle être un outil patrimonial original et complémentaire aux solutions d’investissement plus traditionnelles.

Alliée à l’assurance-vie et au PER au sein d’une stratégie retraite, dans le cadre de donations pour une préparation de la transmission, ou encore en diversification pour la gestion de la trésorerie de société patrimoniale, la tontine intègre à sa juste place l’ensemble des stratégies patrimoniales.

 

Auteur

Hélène Collomb

Hélène Collomb est Ingénieur patrimonial, Groupe Le Conservateur, intervenante pour l’ESBanque