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Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le cantonnement successoral bénéficie au conjoint survivant et au légataire sous certaines conditions. De quoi s’agit-il ? Quel intérêt patrimonial ? Comment l’appliquer ? Explications.

 

Le cantonnement successoral : quel est cet acte juridique atypique ? Le cantonnement successoral est tout à la fois :

  • acte de disposition, de renonciation et de transmission
  • dépendant de la volonté d’un seul ou de plusieurs successibles
  • et par lequel les intérêts patrimoniaux et familiaux, parfois contradictoires, de deux ou plusieurs personnes sont mis en concurrence.

Le cantonnement successoral est la faculté offerte à un successeur de choisir un ou plusieurs biens et/ou droits dans la succession en renonçant à d’autres biens et/ou droits.

Dans le cadre d’une succession légale, c’est-à-dire sans que le défunt ait pris de dispositions post-mortem (legs, donation au dernier vivant) ou ait aménagé conventionnellement son régime matrimonial (avantages matrimoniaux), les héritiers exercent l’option successorale (C.civ. art. 768) sans pouvoir bénéficier de la faculté de cantonnement.

En effet, cette option leur offre trois possibilités :

  • accepter la succession purement et simplement
  • y renoncer
  • ou accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’ils ont une vocation universelle ou à titre universelle.

L’option est indivisible (C.civ. art.769), le successeur ne peut pas choisir tel droit ou tel bien dans la succession pas plus qu’il ne peut exercer son option pour une quotité différente de celle que la loi lui impose, c’est à prendre, à laisser ou à prendre à charge d’assumer le passif proportionnel à l’actif qu’il recueille.

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que par trois voies :

  • La voie testamentaire ou libérale
  • La voie matrimoniale
  • La voie bénéficiaire

SOMMAIRE

  • Cantonnement par voie testamentaire ou libérale
  • Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput
  • Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie

Cantonnement par voie testamentaire ou libérale 

 

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, à effet le 01/01/2007, a mis fin à l’indivisibilité de l’option successorale en créant la faculté de cantonnement ( C.civ. art. 1002-1 et 1094-1, al. 2).

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que dans le cadre exclusif des successions testamentaires, procédant donc de la volonté du défunt et non de la loi.

Sont concernés les bénéficiaires d’un legs du défunt qu’ils soient héritiers ou non de ce dernier, et le conjoint survivant à la condition qu’il bénéficie également d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

Ils ont donc la possibilité de choisir les droits, biens ou quotité qu’ils souhaitent recueillir dans la succession en renonçant à d’autres droits, biens et/ou quotité.

Ainsi, le légataire de deux immeubles peut n’en recueillir qu’un, le conjoint légataire de l’usufruit universel peut choisir de n’exercer son droit d’usufruit que sur certains biens.

 

Attention :

La faculté de cantonnement ne permet pas de changer la nature des droits reçus, elle ne permet que leur réduction, ainsi :

Un légataire bénéficiant d’un legs en pleine propriété d’un immeuble ne peut pas choisir de recevoir l’usufruit de cet immeuble.

Le conjoint survivant désigné usufruitier universel ne peut transformer son usufruit en pleine propriété.

 

Les conditions de la faculté de cantonnement

Les conditions d’exercice du cantonnement sont différentes selon s’il s’agit d’un légataire ou du conjoint survivant :

Le légataire : L’héritier qui a également la qualité de légataire, le légataire universel, à titre universel ou à titre particulier, peuvent exercer leur faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne les en a pas privé
  • La succession a été acceptée par au moins un héritier

Le conjoint survivant : Le conjoint survivant peut exercer la faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne l’en a pas privé
  • Il bénéficie d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

 

Les effets de la faculté de cantonnement ?

Le cantonnement a pour caractéristique :

La renonciation à certains droits ou biens par le légataire ou le conjoint survivant ne constitue pas une libéralité faite aux autres successibles, cela ne donne lieu ni au rapport ni à réduction.

Cette renonciation abdicative est un abandon pur et simple de certains droits et biens. L’avantage qu’en retirent les autres successibles n’est pas taxable aux droits de donation mais imposable au barème fixé en fonction du lien de parenté avec le défunt, par exemple, au tarif en ligne directe pour les enfants du défunt (CGI, art. 788 bis, BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 20).

  • de ne pas exclure la contribution à la dette:

A l’exception du légataire à titre particulier qui, sauf volonté contraire du testateur, n’est pas tenu des dettes et charges de la succession, les autres successibles contribuent au passif dans la proportion de ce qu’ils prennent ou reçoivent.

Les successibles peuvent néanmoins échapper à l’obligation de payer sur leur patrimoine personnel en acceptant le legs à concurrence de l’actif net.

 

Focus sur la faculté de cantonnement du conjoint survivant ?

Grâce au cantonnement, le conjoint survivant peut choisir ce qu’il désire conserver en fonction de ses objectifs patrimoniaux. Il augmente par sa renonciation la part revenant aux autres héritiers.

Il peut choisir de recueillir des biens en pleine propriété afin d’éviter d’éventuelles indivisions ou des démembrements de propriété ou au contraire, choisir de recevoir l’usufruit de certains biens afin qu’à son décès, le ou les nus-propriétaires recueillent la pleine propriété en franchise d’impôt.

Cette faculté doit être cependant exercée avec discernement notamment en présence d’enfants communs et en fonction de la nature des biens et droits sur lesquels elle s’exerce :

  • En présence d’enfants communs :

Exemple :

Un conjoint successible bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (la quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun, l’actif de succession est composé d’immeubles locatifs d’une valeur de 1.500.000 €.

Cas 1 :

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété car il désire majorer l’émolument de son enfant de 200.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

L’enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété (750.000 € + 200.000 €).

Assiette taxable : 950.000 € – 100.000 € = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 € (950.000 € – 197.962 €).

Cas 2 :

Le conjoint reçoit la moitié des actifs en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.

Il reçoit 750.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession.

L’enfant reçoit 750.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 750.000 € – 100.000 € = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Le conjoint lui donne un bien immobilier d’une valeur de 200.000 €.

Assiette taxable : 200.000 – 100.000 € = 100.000 €

Droits de donation dus : 18.194 €

L’enfant reçoit donc (750.000 + 200.000) – (137.962 + 18.194) = 793.844 €

Compte tenu de la nature des actifs de succession, cet exemple démontre que le cantonnement ici exercé par le conjoint est désavantageux pour l’enfant commun et qu’il est préférable, fiscalement et économiquement, de renoncer à la faculté de cantonnement et de faire une donation bénéficiant de l’abattement en ligne directe de 100.000 €.

 

  • En présence d’enfants non communs

En revanche, et contrairement à l’exemple précédent, en présence d’enfants de lits différents qu’il souhaite avantager, le conjoint peut choisir de cantonner son émolument, afin de permettre à ses beaux-enfants de recueillir une part nette dans la succession plus importante.

Aucun abattement n’est en effet prévu dans le cadre d’une donation à un tiers et les droits de donation s’élèvent à 60 % du montant de la donation.

Exemple :

Le conjoint bénéficie d’une donation au dernier vivant, lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le conjoint est en présence d’un enfant du défunt, il n’y a pas d’enfant commun. L‘actif de succession est d’une valeur de 1.500.000 € et est constitué de biens immobiliers.

Cas 1 :

Le conjoint choisit de cantonner son émolument à 550.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

Le bel-enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 950.000 – 100.000 = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 €

 

Cas 2 :

Le conjoint choisit de recevoir la quotité disponible en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.    

Le conjoint reçoit 750.000 € en franchise de droit de succession.

Le bel-enfant reçoit 750.000 €.

Assiette taxable : 750.000 – 100.000 = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Part nette reçu par le bel-enfant: 750.000 – 137.962 = 612.038

Le conjoint procède à une donation en pleine propriété de 200.000 € à l’enfant de son conjoint.

Droits de donation : 200.000 x 60 % = 120.000 €

Le bel enfant reçoit ainsi (750.000 + 200.000) – (137.962 + 120.000) = 692.028 €

Le cantonnement suivi d’une donation est beaucoup moins avantageux dans le cas d’un enfant non commun.

 

Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput 

Bien avant que la faculté de cantonnement ne soit introduite par la loi du 23 juin 2006, le Code civil, dans son édition princeps de 1804, prévoyait la possibilité pour le survivant des époux d’exercer cette faculté grâce à un avantage matrimonial, la clause de préciput. 

La clause de préciput (C.civ. art. 1515), stipulée dans un contrat de mariage ou conférée par une convention modificative jointe au régime matrimonial, autorise le survivant des époux à « prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée ». 

Cet avantage matrimonial offre une liberté totale au conjoint survivant de cantonner son émolument sur certains droits, biens, et/ou en quotité dès lors que cela a été prévu par le couple lors de la rédaction de la convention matrimoniale. 

 

Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie 

Avec une clause bénéficiaire dite « classique » désignant un bénéficiaire de premier rang en pleine propriété et des bénéficiaires subsidiaires, le bénéficiaire de premier rang peut choisir d’accepter ou de refuser, mais pour le tout. Il ne peut cantonner son bénéfice à une fraction du capital en propriété. 

Dans le cadre d’une clause bénéficiaire à options, le bénéficiaire de premier rang à la faculté de choisir d’accepter totalement ou partiellement le bénéfice du capital en pleine propriété, en usufruit ou encore en pleine propriété et en usufruit, en fonction de ses objectifs patrimoniaux. 

La renonciation totale ou partielle au bénéfice du contrat conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et cette renonciation n’est pas considérée comme une donation indirecte faite au profit du bénéficiaire subsidiaire, ce qu’a confirmé une réponse ministérielle qui précise que  « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026). 

La fiscalité appliquée est celle entre l’assuré et le bénéficiaire subsidiaire et non celle entre le premier bénéficiaire renonçant pour tout ou partiellement et le second bénéficiaire. 

Exemple : 

Le conjoint, âgé de 68 ans, bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit).  

Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun. 

L’actif de succession se compose comme suit : 

  • des immeubles locatifs d’une valeur de 1.300.000 €. 
  • un contrat d’assurance vie d’un montant de 200.000 € souscrit avant 70  ans par le défunt.  

La clause bénéficiaire du contrat permet au conjoint survivant de choisir de recevoir 100 %, 50 %, 25 % ou 0 % des capitaux décès. 

Le second bénéficiaire désigné (en cas de prédécès du conjoint survivant) est l’enfant commun. 

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de la succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété. 

Il choisit par ailleurs de n’accepter que partiellement le capital du contrat d’assurance vie pour un montant de 47.500 €. 

L’enfant reçoit :  

  • 750.000 € en pleine propriété sur l’actif de succession 
  • 152.500 € (200.000 – 47.500) en tant que bénéficiaire subsidiaire du contrat d’assurance vie. 

Assiette taxable de la réserve héréditaire : 

  • 750.000 – 100.000 = 650000 € 
  • Droits de succession : 137.962 € 

Assiette taxable du capital assurance vie (CGI, art. 990 I) : 

  • 152.500 € – 152.500 € (abattement fixe, CGI, art . 990 I, al. I) = néant, aucune taxe due 
  • Part totale nette reçue par l’enfant = (750.000 + 152.500) – 137.962 =  764.538  

 

Tout à la fois acte de disposition, acte de renonciation et acte de transmission, la faculté de cantonnement peut mettre en présence des intérêts différents et parfois contradictoires. Elle nécessite une analyse et un diagnostic successoraux qui prennent en compte la composition de la famille, les biens et droits qui dépendront de la succession, les objectifs du couple et les conséquences fiscales et économiques pour les enfants, afin de concilier les différents intérêts et besoins en présence. 

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Bénéficiant de nouveaux abattements, les donations permettent de conjuguer transmission de patrimoine, aide familiale et optimisation successorale. Explications.

Les donations s’entendent généralement comme une aide aux jeunes générations. Il s’agit de transmettre son patrimoine assez tôt, afin de tenir compte de l’allongement de la durée de la vie qui repousse d’autant la transmission du patrimoine par décès

Les jeunes générations peuvent avoir besoin d’aide financière pour mener à bien leurs investissements. L’impact des donations est également favorable pour l’économie. A la différence de l’assurance-vie, elle permet de transmettre de son vivant. Les bénéficiaires perçoivent immédiatement les biens ou les sommes données.

Les donations sont également un moyen de préparer sa succession et d’en réduire la fiscalité.

comment bien utiliser la donation ?

La donation est l’outil juridique permettant de transmettre de son vivant une partie de son patrimoine (un bien ou un droit) à titre gratuit à une autre personne.

Une donation doit être consentie de manière particulièrement réfléchie car le donateur ne pourra récupérer le bien transmis que dans des cas limitatifs et exceptionnels en pratique (révocation pour inexécution des charges, révocation pour cause d’ingratitude et révocation pour survenance d’enfant pour un donateur non parent).

Article 894 C. civ. : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ».
Les donations sont à distinguer des présents d’usage qui constituent des cadeaux modestes au regard du patrimoine de celui qui transmet, cadeaux transmis exclusivement lors d’un événement particulier (anniversaire, mariage…). Contrairement aux donations, les présents d’usage ne sont pas pris en compte dans la succession de celui qui fait le cadeau et ne sont pas sujets à fiscalité.

Article 852 alinéa 2 C. civ. : « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant »

Les donations sont également à différencier du prêt familial qui est réalisé à titre onéreux et nécessite une restitution ou un remboursement.

On distingue plusieurs types de donation.

les donations simples

Tout acte constituant une donation entre vifs est obligatoirement notarié, sous peine de nullité (article 931 C. civ.).

Les donations sont juridiquement considérées comme des actes « graves » dans la mesure où le donateur transfert à autrui irrévocablement une partie de son patrimoine sans aucune contrepartie (sauf en cas de donation avec charges). Le recours à l’acte authentique permet de garantir le bon consentement et l’acceptation de toutes les parties.

Si la donation porte sur le logement familial du donateur marié, son conjoint doit participer à l’acte et accepter la donation.

L’acte pourra contenir des clauses sur mesure telles qu’une obligation d’emploi des fonds dans l’acquisition d’une résidence principale, ou dans un placement financier particulier, ou contenir une réserve d’usufruit au profit du donateur.

La donation simple est opportune pour aider dans son projet ponctuellement l’un des enfants, ou des petits-enfants ou pour délibérément avantager un enfant en la consentant hors part successorale comme nous allons le voir.

les donations d’argent et dons manuels

Le don manuel, non envisagé par le Code civil et contraire au formalisme imposé par son article 931, a toujours été validé par la jurisprudence et la doctrine.

Le don manuel se caractérise par la remise matérielle (ce qu’on appelle juridiquement « la tradition ») sans contrepartie du bien au donataire. Le don manuel ne peut donc porter que sur des biens qualifiés juridiquement de « meubles » (liquidités, titres, objets).

L’avantage du don manuel est sa simplicité apparente en raison de son absence de formalisme.

Corrélativement, la preuve de l’existence du don manuel est une réelle difficulté. La charge de la preuve incombe en principe à celui qui se prévaut de son existence.

Comment faire une donation d’argent ?

Il est courant de donner une somme d’argent pour aider un proche. Cette donation est un don manuel ne nécessitant donc pas d’acte notarié. Il est néanmoins nécessaire de procéder à sa déclaration fiscale.

En outre, le don manuel doit impérativement être déclaré par le donataire à l’administration fiscale vial’imprimé CERFA n°2735. A défaut, le don manuel pourrait être taxé au titre du rappel fiscal, lors d’une donation notariée postérieure ou lors du décès du donateur. Afin d’optimiser l’utilisation des abattements, il est judicieux de déclarer le don immédiatement.

Le don manuel doit être utilisé en bonne intelligence, afin de ne pas créer de déséquilibre entre les enfants, et d’éviter de futurs contentieux successoraux.

les donations-partages et donations transgénérationnelles

La particularité de la donation-partage est de réaliser un partage anticipé de la succession du donateur en sus de la donation (article 1075 C. civ.

Les donations-partages doivent exclusivement être consentis aux héritiers présomptifs, sous réserve des exceptions limitatives ci-dessous :

Les donations-partages ont un avantage significatif : elles sont dites non rapportables à la succession du donateur et la valeur des biens transmis est figée au jour de la donation-partage. Ainsi les plus-values ou les moins-values réalisées par les donataires ne sont pas prises en compte dans les calculs de partages successoraux, comme nous allons le voir en suivant.

En principe, tous les enfants du donateur doivent intervenir à l’acte de donation-partage et recevoir un lot. Toutefois, il ne s’agit pas d’une condition de validité de l’acte. Ainsi en présence d’une situation familiale conflictuelle, un enfant pourrait refuser d’intervenir à la donation. La donation-partage serait alors valable mais les effets juridiques intéressants de la donation-partage, notamment le gel des valeurs au jour de la donation, seraient inapplicables.

Il convient donc d’obtenir l’intervention de toutes les parties, afin d’assurer la pleine efficacité juridique de l’acte.

En associant tous les enfants dans la réflexion du partage anticipé de la succession future, la donation-partage permet donc une transmission anticipée sereine d’une partie de son patrimoine avec une répartition de biens par enfants.

Les donations avec réserve d’usufruit :

La donation d’un bien avec réserve d’usufruit au profit du donateur permet à celui-ci d’en garder la jouissance (occuper le bien, percevoir les loyers par exemple dans le cas d’un bien immobilier). En contrepartie, il devra en assumer les charges.

L’usufruit réservé par le donateur est valorisé par le Code général des impôts (art.669 CGI) en fonction de l’âge de l’usufruitier au jour de la donation. Cette valorisation dépend de la durée de vie estimée de l’usufruitier : plus l’usufruitier est âgé, moins son usufruit a de la valeur.

Le calcul des droits de donation ne se fera pas sur la valeur de la pleine propriété mais sur la valeur de la nue-propriété (c’est à dire la valeur de la pleine propriété décotée de la valeur de l’usufruit).

En outre, au décès du donateur usufruitier, le donataire devient plein propriétaire. L’extinction de l’usufruit ne donne lieu à aucune imposition (article 1133 CGI).

Exemple

Monsieur Marin âgé de 56 ans a un fils unique. Il souhaite lui transmettre un appartement au bord de mer qui lui sert de résidence secondaire. Cet appartement est valorisé 200.000 €.

En lui donnant seulement la nue-propriété, Monsieur Marin peut continuer à utiliser l’appartement. Au décès de Monsieur Marin son fils deviendra plein propriétaire. Il pourra occuper l’appartement ou décider de le louer ou de le vendre.

Compte tenu de l’âge de Monsieur Marin au jour de la donation, la valeur de son usufruit est de 50%, donc la valeur de la nue-propriété de 50%, soit 100.000€.

En application de l’abattement de droit commun, aucun droit de donation ne sera du comme nous le verrons plus loin.

La valeur de l’usufruit réservé par Monsieur Marin ne sera jamais fiscalisée.

Si le bien donné est amené à être vendu, la réserve d’usufruit porte alors sur une somme d’argent. L’usufruitier détient alors un quasi-usufruit sur le prix de cession sauf à ce que celui-ci soit réemployé dans un nouveau bien démembré.

la particularité d’une donation à un héritier

Lorsque l’on donne à une personne qui est également son héritier, la donation peut être soumise à deux traitements spécifiques :

le rapport civil à la succession : l’égalité entre héritiers

Par principe, une donation en faveur d’un héritier est dite sur part successorale.

Ainsi la donation dont a bénéficié l’héritier ne vient pas en plus de sa part sur la succession mais est comprise dans cette part.

Il en est ainsi des donations simples et des dons manuels lorsqu’ils sont consentis à des héritiers présomptifs, sauf clause contraire.

Pour s’assurer de l’équité entre héritiers, on rajoute comptablement les donations réalisées à la masse successorale lors du décès du donateur. On parle de rapport à la succession.

Les biens donnés sont rapportés pour leur valeur au jour du partage de la succession (et non de la donation) et selon l’état du bien au jour de la donation (Art. 860 Code civ.). En ce sens, il faut tenir compte des moins ou plus-values éventuelles (sauf celles qui seraient dues à l’action du donataire : travaux d’amélioration…).

Pour les donations de sommes d’argent (Art. 860-1 Code civ.), on tient compte de la valeur donnée sans revalorisation. Si cette somme a été réinvestie dans un bien, on retient la valeur de ce bien au jour du partage successoral.

Il est possible d’avantager un héritier en spécifiant que la donation est faite hors part successorale ou avec dispense de rapport (dans la limite de la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires comme nous allons le voir).

Dans ce cas, cette donation vient en plus de sa part successorale. Elle n’est pas rapportée à la succession.

Le don manuel, normalement rapportable, peut être réalisé hors part successorale. Dans ce cas, il est accompagné d’une convention sous seing privé (pacte adjoint) contenant une clause relative à l’absence de rapport du don dans la succession du donateur.

Cet écrit permet également de prouver l’existence du don manuel. En revanche, il est important d’être vigilent sur la rédaction de ce texte. Effectivement, la convention ne doit pas réaliser en elle-même la donation, au risque que le don soit annulé pour vice de forme (article 931 C. civ.).

La donation-partage est par principe considérée comme non-rapportable. De plus, elle fige les valeurs données au jour de la donation permettant de maintenir une égalité entre les héritiers par rapport aux valeurs futurs des biens donnés.

Exemple

Monsieur Marin consent une donation de sommes d’argent de 100.000 € à chacun de ses deux enfants Alain et Marie.

Au décès de Monsieur Marin, son patrimoine n’est composé que de sa résidence principale de 200.000 €. Ses seuls héritiers sont ses deux enfants.

On s’interroge concernant le traitement des sommes transmises par donation aux enfants :

  • Alain a dépensé progressivement l’intégralité de la somme au casino
  • Marie a acheté un appartement dont la valeur au jour du décès a doublé (200.000 €). Marie a donc réalisé une plus-value de 100.000€.

Si Monsieur Marin a consenti deux donations simples ou deux dons manuels déclarés, ils sont rapportables à la masse successorale à son décès pour leur valeur au jour du partage de la succession.

Ainsi, on rajoute à la masse successorale une valeur de 200.000 € pour la donation faite à Marie (valeur de l’appartement au jour du décès) et 100.000 € pour celle faite à Alain (pour une somme d’argent sans réinvestissement, valorisation au jour de la donation). La masse successorale globale est de 500.000 € (200.000 € de bien existant dans le patrimoine de Monsieur Marin, 200.000 € pour la donation de Marie et 100.000 € pour la donation d’Alain).

Les enfants ont droit à la moitié chacun soit 250.000 €.

On impute sur la part successorale de chacun la donation réalisée en leur faveur puisqu’elle a été faite sur part successorale.

Part de Marie : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 200.000 €
Part d’héritage de Marie sur les biens existants à la succession : 50.000 €

Part d’Alain : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 100.000 €
Part d’héritage d’Alain sur les biens existants à la succession : 150.000 €

L’équité entre héritier est respectée sur la masse successorale globale de 500.000 € mais Alain profite du bon investissement de Marie puisqu’il perçoit 100.000 € de plus que sa sœur sur la valeur des biens de la succession.

Si Monsieur Marin avait consenti une donation-partage à ses deux enfants, la situation serait totalement différente. La donation-partage n’est pas rapportable à la succession et fige les valeurs au jour de la donation.

La masse successorale globale est alors de 200.000 € que les deux enfants se partagent par moitié soit 100.000 € chacun.

Ils ont par ailleurs reçu 100.000 € chacun lors de la donation-partage. Cette donation-partage n’est pas rapportée à la succession pour le calcul de la masse successorale et les valeurs sont dans tous les cas figés à celles de la donation, soit 100.000 € chacun.

le risque de réduction : quelles sont les limites à la liberté de transmission ?

Certains héritiers ont droit à une part minimale du patrimoine du défunt : les enfants et le conjoint en l’absence d’enfant. Ils sont dits héritiers réservataires.

La part incompressible à laquelle ont droit ces héritiers est nommée réserve héréditaire.

Le reste du patrimoine est la quotité disponible. Le donateur est libre d’en disposer comme il le souhaite. Il peut donner l’équivalent de la quotité disponible à un non-héritier, à un héritier non réservataire, ou à un héritier réservataire pour l’avantager au-delà de sa part réservataire par une donation hors part successorale.

En présence d’enfant, les parts réservataires et la quotité disponible sont les suivantes :

En présence de :Réserve héréditaireQuotité disponible ordinaire
1 enfant1/21/2
2 enfants2/3 (soit 1/3 par enfant)1/3
3 enfants et plus3/4 (que se partage les enfants)1/4
En l’absence d’enfant, le conjoint est réservataire pour ¼ du patrimoine.

Pour calculer la valeur de la part réservataire, on tient compte de la masse des biens au jour du décès mais également des donations que le donateur a pu réaliser de son vivant, de manière à reconstituer le patrimoine global du défunt.

La valeur des biens pris en compte est celle du jour de la succession d’après leur état au jour de la donation (art. 922 Code civ.).

Si le patrimoine existant au décès est insuffisant pour assurer la réserve héréditaire, les différentes dispositions à titre gratuit qu’a pu réaliser le défunt peuvent être réduites à la demande des héritiers réservataires. On parle d’action en réduction.

Les legs (dispositions à cause de mort, testament) sont réduits en premier puis les donations des plus récentes aux plus anciennes.

comment transmettre son patrimoine à moindres frais ?

Tous les dons et donations sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Les droits sont calculés sur la valeur des biens reçus pour chaque donataire par chaque donateur.

La donation-partage est également soumise aux droits de donation, et le droit de partage (2,5%) ne s’applique pas (le droit de partage s’appliquerait éventuellement, si le partage avait lieu ultérieurement dans un acte séparé).

Il est néanmoins possible d’optimiser la fiscalité des donations.

quel montant peut-on donner sans imposition ?

Les donations consenties à hauteur de l’abattement applicable s’effectuent en franchise d’impôts.

Donation au profit des enfants

 

Donner le plus tôt possible pour renouveler l’exonération à hauteur des abattements :

L’abattement de droit commun d’un montant de 100.000€ par parent par enfant est renouvelable tous les 15 ans.

Cet abattement est le même que celui pour les transmissions par succession.

Ainsi si l’abattement a été intégralement utilisé au cours d’une donation et si le donateur décède moins de 15 ans après la donation, le patrimoine transmis par succession au donataire ne pourra pas bénéficier de l’abattement de droit commun (qui sera complètement épuisé).

Une bonne stratégie patrimoniale passera donc par une bonne anticipation.

Éviter de donner après 80 ans :

L’abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par parent et par enfant, est renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un parent de moins de 80 ans au profit d’un enfant majeur.

Un nouvel abattement jusqu’au 30 juin 2021 :

Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par parent (quel que soit le nombre de donataires), non renouvelable :

Il s’applique sur les donations de sommes d’argent en pleine propriété consenties entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 (Article 19 de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020).

Afin de bénéficier de cet abattement, le donataire doit utiliser les fonds pour financer :

  • la construction de sa résidence principale (et non l’acquisition de sa résidence principale).
  • des travaux énergétiques concernant sa résidence principale éligibles à la prime de transition énergétique.
  • la création ou le développement d’une petite entreprise (via la souscription au capital initial ou les  augmentations de capital). L’entreprise doit avoir moins de 50 salariés, ne doit pas avoir distribué de bénéfices et avoir un bilan inférieur à 10 millions d’euros. La direction de l’entreprise doit être exercée pendant trois ans par le donataire.

Ces investissements ne doivent pas avoir bénéficié d’autres avantages fiscaux.

La somme d’argent donnée doit être utilisée dans un délai de trois mois à compter du versement.

Donations au profit des petits-enfants :

  • Abattement de droit commun d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sans condition.
  • Abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un grand-parent de moins de 80 ans au profit d’un petit-enfant majeur.
  • Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par donateur (quel que soit le nombre de donataires) et non renouvelable consentis en pleine propriété entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, sous les mêmes conditions ci-dessus détaillées pour les enfants.

Les donations aux petits-enfants sont fiscalement opportunes dans la mesure où il n’existe aucun abattement applicable aux transmissions par succession au profit des petits-enfants venant de leur propre chef, à l’exclusion de l’abattement par défaut d’un montant de 1.594 € par bénéficiaire.

En outre, un abattement spécifique et personnel pour les donataires en situation de handicap peut également s’ajouter (d’un montant de 159.325 €, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions).

le barème progressif applicable au-delà de l’abattement

Lorsque le montant transmis par donateur pour chaque donataire dépasse l’abattement, un barème progressif s’applique.

Ce barème dépend du lien de parenté entre donateur et donataire.

En ligne directe (enfants et petits-enfants), le barème est le suivant :

Part taxable après abattement Taux d'imposition
Moins de 8.072 €5%
Entre 8.072 € et 12.109 €10%
Entre 12.109 € et 15.932 €15%
Entre 15.932 € et 552.324 €20%
Entre 552.324 € et 902.838 €30%
Entre 902.838 € et 1.805.677 €40%
Supérieure à 1.805.677 €45%

Comme les abattements, les tranches se renouvellent actuellement tous les 15 ans.

Ainsi, concernant les donations aux enfants, plus la première transmission par donation a été consentie tôt, plus les abattements et les tranches du barème pourront se reconstituer pour une nouvelle donation ou pour la transmission par succession du donateur.

La donation avec réserve d’usufruit permet également de réduire l’imposition globale puisque seule la nue-propriété est imposée comme nous l’avons vu.
Les donations participent ainsi à l’optimisation fiscale de la succession tout en permettant d’aider ses proches de son vivant. Comparativement, l’assurance-vie, souvent utilisée pour réduire les droits de succession, ne permet pas de transmettre de son vivant et ne constitue pas une aide familiale immédiate. Les donations sont des techniques complémentaires qui gagneraient à être davantage employées.

 

Les donations sont un outil patrimonial pertinent pour anticiper sa transmission, en réduire le coût fiscal, mais également dans un objectif d’aide familiale et intergénérationnelle. Il reste néanmoins nécessaire de bien choisir le type de donation que l’on réalise afin que ses effets économiques et civils correspondent aux objectifs souhaités. Le rôle du conseiller patrimonial est ici essentiel.

Auteur
Charlotte MÂLON

Notaire collaborateur et formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Qu’est-ce qu’une donation indirecte, une donation déguisée ? Quelles sont les situations concernées et les risques ?   Paradoxalement, les donations déguisées et indirectes procèdent d’actes juridiques qui ne revêtent pas, à l’origine, la forme d’une donation. Il s’agit par exemple d’un acte de vente immobilière, d’un contrat de prêt ou d’une stipulation pour autrui, qui, sous certaines conditions, peuvent être considérés comme une donation par l’administration fiscale et la jurisprudence. Les donations indirectes et les donations déguisées ont des particularités communes en termes :

  • De forme :

Elles échappent en effet à la règle de forme prévue à l’article 931 du Code civil qui dicte que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats… » mais sont pourtant validées par la jurisprudence et l’administration fiscale (Cass. Req. 2-4-1823, Cass. Req., 1er juin 1932, Cass. Civ. 1e, 26-4-1984, Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553).

  • De fond :

Bien qu’elles procèdent d’un acte réel dans lequel la volonté de donner n’est pas exprimée, elles ont cependant toutes les caractéristiques des libéralités (C. civ. Art. 893, 894) :

  1. un appauvrissement du donateur
  2. un enrichissement du donataire
  3. une intention libérale.

Leur objectif commun est donc de procurer un avantage patrimonial, qui se traduit par une économie d’impôt et/ou un enrichissement profitant à l’une des parties au contrat ou aux deux simultanément.

Elles obéissent toutes deux aux règles de fond qui régissent les libéralités, elles sont donc présumées rapportables (C.civ. art.843 ss) et réductibles (C.civ. art.921 ss), la preuve pouvant être apportée par tous moyens par les co-héritiers qui veulent en obtenir le rapport et/ou la réduction.

Fiscalement, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit (CGI art. 777 ss), au même titre que toutes les donations.

Elles sont irrévocables sauf les exceptions prévues par la loi :

  • inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites,
  • ingratitude du donataire,
  • survenance d’enfants chez le donateur (C.civ. art 953 ss), sauf les donations de biens présents entre époux (C.civ. 1096, al.3).

Mais les similitudes s’arrêtent là. Bien qu’en pratique, ces deux types de donation peuvent paraître proches, elles sont bien distinctes et ne doivent pas être confondues.

En effet, si la donation indirecte « est enveloppée d’un persistant mystère » ( R. Libchaber, Pour une redéfinition de la donation indirecte, 30.12.2000, Ed. Defrénois), la donation déguisée est plus facilement identifiable en ce qu’elle masque sous un acte apparent la véritable intention de donner du disposant.

qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Citée aux articles 911 ou 1832-1 du Code civil, la donation déguisée est constamment validée par la jurisprudence, qui précise : « les libéralités faites sous couvert d’actes à titre onéreux sont valables si elles réunissent les conditions de forme des actes dont elles empruntent l’apparence et si les règles de fond auxquelles elles sont assujetties sont propres aux actes à titre gratuit » (Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63).

le régime juridique des donation déguisées

La donation déguisée prend la forme d’un acte à titre onéreux mais cache en réalité une libéralité, c’est-à-dire un acte à titre gratuit. La donation déguisée a donc pour particularité de respecter à la fois :

  • les conditions de forme propres à l’acte à titre onéreux qui masque en réalité la libéralité.
  • les conditions de fond propres aux donations entre vifs, comme nous l’avons précédemment indiqué.

L’acte ne révèle aucune intention de donner mais satisfait néanmoins à toutes les conditions de fond pour être considéré comme une donation. Exemple de donation déguisée la plus courante : Une personne vend un bien à une autre, laquelle ne paiera jamais le prix, soit parce qu’il n’est jamais versé par l’acheteur, soit parce qu’il est secrètement remboursé à ce dernier (Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701).   Les deux fondements d’une donation déguisée sont donc :

Par exemple, une reconnaissance de dette qui stipule bien que la dette existe mais qui dissimule en réalité une donation.

  • l’intention libérale d’une des parties.

Ces preuves de validité, déguisement de l’acte et intention libérale, doivent être établies par celui qui les allègue et dépendront de l’appréciation des juges du fonds. Les motifs d’une donation déguisée peuvent être d’ordre :

  • successoral : avantager ou léser un futur héritier ou un futur légataire
  • ou fiscal : échapper aux droits de mutation à titre gratuit plus élevés que ceux auxquels l’acte de vente apparent serait soumis.

Exemples :

Une tante, âgée de 90 ans, vend à son neveu qui est son légataire universel, sa résidence principale avec une réserve d’habitation viagère pour le prix de 121.959 € converti en rente viagère d’un montant annuel de 25.611 €. Elle décède deux mois plus tard. L’administration fiscale a requalifié l’acte de vente en donation déguisée et exigé le paiement des droits de donation ainsi qu’une pénalité de 80 % sur le montant des droits dus.

En effet, le neveu avait vocation à recevoir la maison moyennant le paiement de droits de succession de 55 % et les trois premiers chèques correspondant à la rente n’ont été présentés qu’après le décès de cette dernière (Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345).

Vente fictive d’un bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant, l’enfant ne payant jamais le prix convenu dans l’acte de vente. Les frais d’acte sont d’environ 36.300 €.

La donation du même bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant entraînerait des droits de mutation à titre gratuit de 78.194 € (en tenant compte de l’abattement de droit commun en ligne directe de 100.000 €).

Le régime fiscal des donation déguisées

Si la donation déguisée est avérée, l’imposition aux droits de donation n’est pas systématique. L’acte est d’abord imposé conformément à sa nature, selon le régime fiscal dit de l’acte apparent (vente, prêt …).

Si les montants concernés sont significatifs, l’administration fiscale peut également imposer l’opération au régime fiscal des donations.

La donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droit par simulation (LPF, art. L 64).

Cette procédure est mise en œuvre à l’initiative de l’administration.

L’article L 64 du Livre des procédures fiscales vise les actes constitutifs d’un abus de droit que sont notamment les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation).

L’acte rend donc exigible les droits de mutation à titre gratuit et l’intérêt de retard de 0,20 % (CGI, art. 777, 1727).

Outre les droits de mutation à titre gratuit, la donation déguisée peut également être  sanctionnée au titre de l’abus de droit par une pénalité égale à 80 % des droits rappelés et ramenée à 40 % s’il « n’est pas établi que le  contribuable est l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit.»( CGI, art. 1729,  BOI-CF-INF-10-20-20 , n° 80).

Ces risques de requalification sont par ailleurs accrus par la mise en place de la nouvelle notion d’abus de droit de l’article L64 A du LPF, concernant les actes réalisés depuis le 1er janvier 2020 dans un but principalement fiscal et non « exclusivement ».

Si l’administration et le contribuable sont en désaccord sur les rectifications, le litige est soumis au comité de l’abus de droit fiscal (CADF). Quel que soit l’avis rendu par le CADF, la charge de la preuve incombe à l’administration depuis le 1er janvier 2019 (LPF, art. L 192). Pour les rectifications opérées avant le 1er janvier 2019, c’est le contribuable qui supporte la charge de la preuve.

En dernier ressort et en cas de refus par le contribuable d’accepter les rectifications proposées par l’administration, ce sont les tribunaux judiciaires qui tranchent le litige.

qu’est-ce qu’une donation indirecte ?

Le Code civil fait référence à la donation indirecte dans plusieurs articles sans pour autant la définir (C.civ. art. 843, 853, 920,1099).

Si la donation déguisée repose sur un mensonge (Cass. 1e civ., 26-4-1984, n° 82-16.933), la donation indirecte repose sur un acte réel et sincère autre qu’une donation, lequel acte ne cache pas l’avantage patrimonial consenti dans une intention libérale par l’une des parties au profit de l’autre partie au contrat.

La seule cause de validité d’une donation indirecte est donc « une intention de donner, matérialisée autrement que par les formes répertoriées des donations non solennelles, qu’elles soient déguisées ou manuelles » (R. Libchaber, op. cit. supra).

La donation indirecte n’est donc ni un don manuel en ce qu’elle ne se réalise pas par une donation (directe) de la main à la main par simple tradition réelle d’une chose mobilière, ni une donation déguisée en ce qu’elle ne masque pas derrière un acte en apparence onéreux, un acte volontairement gratuit.

A noter : contrairement à la donation déguisée, une donation indirecte peut être consentie à une personne incapable (C.civ. art.911).

Il est donc beaucoup plus complexe de définir ce type de donation et certainement plus parlant de l’appréhender en fonction des actes les plus caractéristiques qu’elle peut revêtir.

acte à titre onéreux déséquilibré et donation indirecte

Ce sont des actes dans lesquels la prestation est volontairement déséquilibrée afin qu’un avantage patrimonial profite à l’un des parties au contrat. Ainsi, dans le cas d’une vente :

  • le prix de vente est majoré afin que la libéralité profite au vendeur.
  • le prix de vente est minoré afin que la libéralité profite à l’acheteur.

Exemple : Une vente dont le prix stipulé dans l’acte est inférieur à la valeur réelle des biens : Deux époux vendent à l’une de leurs deux filles et au mari de celle-ci leur propriété agricole et des terres, à des prix sous-évalués. Au décès du père, la fille lésée demande le rapport à la succession de cette donation indirecte correspondant à la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur réelle (Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926).

paiement pour autrui et donation indirecte

Il s’agit ici de payer à la place d’autrui sans qu’une créance ne soit constatée ni remboursée.

Exemple :

Un époux marié sous le régime de la séparation de biens paie les dettes de son épouse et l’acquisition de trois biens immobiliers au nom de cette dernière. Après le décès de son époux, la veuve ne peut justifier de son engagement à rembourser les sommes en cause, se comporte en propriétaire et aucune créance à son encontre ne figure dans l’actif successoral du défunt (CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87).

En revanche, dans une situation d’acquisition indivise d’immeubles par des époux séparés de biens, grâce aux deniers personnels du mari, il a été considéré que ce financement ne constituait pas une donation indirecte en faveur de l’épouse, faute d’intention libérale, mais une donation rémunératoire non taxable. Les versements faits par l’époux sont considérés comme contrepartie des services rendus par sa femme qui a abandonné sa carrière professionnelle pour s’occuper de son enfant issu d’un premier lit (TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e ch. : RJF 11/06 n° 1472).

Les juges estiment qu’une donation présente un caractère rémunératoire en l’absence d’intention libérale du disposant et consiste donc en la rémunération, par exemple, de la collaboration bénévole au travail du conjoint (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282), de sa contribution aux travaux domestiques si celle-ci a excédé sa part normale aux charges du ménage (Cass. 1e civ. 4-3-1980), des sacrifices professionnels de l’épouse pour soutenir la carrière de son mari (Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD).

remise de dette et donation indirecte

La remise de dette emporte renonciation par le créancier en faveur du débiteur au droit d’exiger en tout ou partie le paiement de la dette. Si elle résulte d’une intention libérale, elle donne ouverture aux droits de mutation à titre gratuit quand elle est acceptée par le débiteur (BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110).

Il en est ainsi par exemple de la remise de dette accordée par un créancier à son débiteur où le donateur accepte de renoncer à ses droits. Le créancier renonçant s’appauvrit dans le même temps que son débiteur s’enrichit par la disparition d’un élément de passif (CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990).

La remise de dette constitue l’extinction d’un droit et non sa transmission actuelle et irrévocable. Pour autant, elle peut être constitutive d’une donation indirecte.

La jurisprudence précise ainsi que la remise de dette, même à titre gratuit, « repose sur l’extinction d’un droit et non sur la transmission actuelle de biens, avec dessaisissement qui constitue la donation entre vifs proprement dite » (Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454).

renonciation à un droit et donation indirecte

Il existe deux catégories de renonciation :

  • La renonciation abdicative

C’est la renonciation à un droit faite sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit.

Elle ne constitue pas une donation (Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149).

  • La renonciation translative

Cette renonciation est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne.

Elle est constitutive d’une donation indirecte.

Exemples :

Renonciation à un usufruit :

Des parents donnent la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants. Dix-huit mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit de sorte que les enfants, devenus pleins propriétaires, perçoivent les loyers. Les juges ont estimé que cette renonciation à usufruit procédant d’une intention libérale, était un acte translatif de l’usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation (Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729).

En revanche, l’usufruitier qui renoncerait à son droit d’usufruit parce que celui-ci est grevé de charges et ne lui apporte aucun gain tangible, ne réaliserait pas une libéralité (R. Libchaber, op.cit. supra).

Renonciation à un legs :

Une personne renonce au legs que lui a consenti sa sœur défunte au profit de sa seconde sœur dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu par le legs fait en sa faveur. « Ainsi, c’est bien en se fondant sur l’intention libérale de l’auteur de l’acte que la cour d’appel lui a attribué le caractère d’une libéralité.» (Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554).

Renonciation au bénéfice d’une succession :

En principe, la renonciation à succession ne peut être qualifiée de donation indirecte sauf à prouver l’intention libérale du renonçant (C.civ., art. 804 ss, Cass. 1e civ. 16-3-1999).

Mais la jurisprudence peut requalifier une renonciation à succession en donation indirecte.

Exemple :

Une personne décède, laissant pour cohéritiers, sa sœur et ses neveux. La sœur de la défunte renonce à la succession, substantielle, au profit de ses neveux avant de décéder elle-même. Cette intention libérale exorbitante au profit de ses neveux s’expliquant par « la mésintelligence qui, depuis de nombreuses années, régnait entre sa fille et elle, la cour a ainsi caractérisé l’existence d’une donation indirecte. » (Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier).

La renonciation à un droit a pour particularité de ne pas transmettre ce droit lui-même puisqu’il est éteint par la renonciation elle-même. Mais cette opération peut néanmoins relever d’une intention libérale.

Il faut donc systématiquement apporter la preuve qu’il y a bien eu volonté de donner, une renonciation n’étant jamais explicite quant aux intentions dont elle procède.

En effet, l’existence d’une donation indirecte implique que les conditions définies à l’article 894 du Code civil soient réunies (intention de donner, dessaisissement irrévocable du donateur et acceptation du donataire).

Il suffit que la preuve de l’une de ces conditions ne soit pas rapportée pour que la qualification de donation indirecte soit écartée. 

donation indirecte et stipulation pour autrui

Les risques de donation indirecte dans le cas de stipulation pour autrui concernent principalement l’assurance-vie et les contrats de fiducie.

Assurance vie et donation indirecte

En principe, la souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat exclut qu’il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l’article 894 du code civil.

Mais un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation indirecte s’il est prouvé que le souscripteur souhaitait se dépouiller de manière irrévocable au profit du bénéficiaire.

Une telle requalification implique d’établir :

  • un défaut d’aléa dans les rapports entre le souscripteur et le bénéficiaire au moment de la rédaction de la clause bénéficiaire, le décès de l’assuré étant la seule cause possible du dénouement du contrat
  • que les éléments constitutifs d’une donation (intention libérale, dépouillement irrévocable du souscripteur et acceptation du bénéficiaire) sont réunis (Memento Francis Lefebvre, successions et libéralités, 2021, Ed. Francis Lefebvre, n° 45315).

Ces risques peuvent survenir entre autres dans les situations suivantes :

Requalification en donation indirecte de contrats co-souscrits par des époux avec des fonds communs et non dénoués au premier décès :

Depuis le 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des deniers communs et non dénoué au décès du premier époux, n’est pas intégrée, au plan fiscal, à l’actif de la communauté (RM CIOT, n° 78192, 23-2-16, BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380).

Cependant, sur un plan civil, la moitié de la valeur de rachat du contrat doit être rapportée à la succession (Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383).

Si le partage successoral n’est pas fait, un risque de requalification en donation indirecte au profit du survivant des époux est encouru.

Requalification en donation indirecte de contrats non acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Les juges ont constaté ici une « absence d’aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat », l’imminence du décès du souscripteur, et la volonté de ce dernier de transmettre irrévocablement et immédiatement le capital du contrat à sa légataire.

  • Une personne âgée de 102 ans, effectue deux versements de 750.000 € quelques mois avant son décès. La cour d’appel de Versailles a constaté le « caractère illusoire ou purement théorique de la faculté de rachat et la volonté de se dépouiller irrévocablement» (CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376).

L’acceptation postérieure au décès ne fait pas obstacle à la requalification du contrat en donation indirecte et à son imposition aux droits de mutation à titre gratuit (CGI, art 784).

Requalification en donation indirecte de contrats acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Le contrat d’assurance vie peut être également requalifié en donation indirecte si le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat en donnant simultanément son accord à l’acceptation du bénéficiaire.

Il est ici important de tenir compte de la date d’acceptation du bénéfice du contrat :

  • Le bénéfice du contrat a été accepté avant le 18 décembre 2007:

Dans ce cas, le souscripteur conserve son droit de rachat sauf à avoir renoncé expressément à ce droit (Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934). Il ne se dessaisit pas alors irrévocablement des actifs du contrat même après l’acceptation du bénéficiaire.

Exemple :

Un époux souscrit des contrats d’assurance vie dont la bénéficiaire est sa maîtresse qui accepte le bénéfice du contrat. Par écrit, il consent dans le même temps à l’acceptation par la bénéficiaire. Au décès de celui-ci, son épouse demande la requalification des contrats d’assurance vie en donation indirecte. La Cour de cassation casse l’arrêt qui requalifie les contrats d’assurance en donation indirecte car, même si le bénéfice avait été accepté, le souscripteur conservait son droit de rachat et ne se dépouillait donc pas de manière irrévocable (Cass.1e civ. 20-11-2019, N° 16-15.867).

  • Le bénéfice du contrat a été accepté depuis le 18 décembre 2007:

Le souscripteur perd sa faculté de rachat s’il a donné son accord à l’acceptation du bénéficiaire (Code des assurances art L 132-9,I-al.1, loi 2007-1775 du 17-12-2007).

Ainsi, si le souscripteur donne son accord à l’acceptation du bénéficiaire, il renonce à son droit de rachat ce qui permet de requalifier plus facilement un contrat d’assurance vie en donation indirecte.

Renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance vie par le bénéficiaire après le décès du souscripteur :

La renonciation au bénéfice du contrat doit nécessairement être expresse. Elle conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et est totalement indépendante de la renonciation à la succession du défunt. En principe, elle ne constitue pas une donation.

Une réponse ministérielle précise ainsi que « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026).

La renonciation au bénéfice du contrat doit pour cela être pure et simple : « Je renonce au bénéfice du contrat… ».

L’expression « Je renonce au profit de… »  constituerait une renonciation translative témoignant de la volonté de donner du bénéficiaire renonçant et conduirait à une requalification fiscale en donation indirecte.

  • Fiducie et donation indirecte

« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. » (C.civ. art. 2011)

Le contrat de fiducie permet donc à une personne, dite constituant, de transférer une partie de son patrimoine à une personne physique ou morale, dit fiduciaire. Ce dernier est en charge de gérer ces actifs au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

Reconnue en France depuis 2007, la fiducie permet de gérer un patrimoine en faveur d’un bénéficiaire, comme un enfant handicapé par exemple, ou est utilisée pour garantir un créancier. A la différence des pays anglo-saxons, elle ne peut pas être utilisée en France dans un objectif de transmission.

Ainsi, « le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public. » (C.civ. art. 2013)

Dans les cas où l’intention libérale est prouvée, les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent sur la valeur des biens, droits ou fruits ainsi transférés, appréciée à la date de ce transfert. Ils sont liquidés selon le tarif applicable entre personnes non parentes mentionné au tableau III de l’article 777 du CGI (article 792 bis du CGI).

Si la donation déguisée repose sur un acte sciemment mensonger, son auteur étant  supposé en connaître les risques et les conséquences tant juridiques que fiscaux, la donation indirecte peut s’accomplir sans que ne soit « préméditée » par son protagoniste une intention libérale ou une fraude à la loi.

La donation indirecte peut en effet résulter d’un acte tout aussi anodin qu’ambivalent que la renonciation à un droit ou la stipulation pour autrui. Ces actes neutres par excellence, ni onéreux, ni gratuits, peuvent donc constituer ou non le vecteur d’une volonté libérale, sans que le renonçant ou le stipulant ait eu une quelconque intention de donner.

Le rôle du conseil patrimonial est donc d’analyser en amont l’acte envisagé par son client, ses motivations et objectifs, d’en déduire un constat, et enfin de le conseiller afin de prévenir tout risque de requalification par l’administration et/ou les tribunaux.

Auteur

Jean-Guy Pécresse    

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Sources :

Code des assurances

  • Art. L 132-9

Code civil

  • Art. 804 ss
  • Art. 843
  • Art. 853
  • Art. 893
  • Art. 894
  • Art. 911
  • Art. 931
  • Art. 1044
  • Art. 1096
  • Art. 1099
  • Art. 1205
  • Art. 2011
  • Art. 2013

Code général des impôts

  • Art. 792 bis
  • Art.  1727
  • Art. 1729

Livre des procédures fiscales

  • Art. L 64
  • Art. L 64 A
  • Art. L 192

Jurisprudence

  • Cass. Req. 2-4-1823
  • Cass. Req., 1er juin 1932
  • Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553
  • Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63
  • Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701
  • Cass. 1e civ. 26 avril 1984, n° 82-16.933
  • Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345
  • Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926
  • Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282
  • Cass. 1e civ. 4-3-1980
  • Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD
  • Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149
  • Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729
  • Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999
  • Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier
  • Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383
  • Cass. ch. mixte, 21-12-2007, n° 06-12.769
  • Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934
  • CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87
  • CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990
  • CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376
  • TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e Ch. : RJF 11/06 n° 147
  • BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110
  • BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380
  • RM CIOT, n° 78192, 23-2-16
  • Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026
Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le dernier Congrès des Notaires a ouvert une voie vers une rédaction électronique du testament et vers une digitalisation. Le point sur ces évolutions.

 

A l’heure où les supports électroniques se généralisent, où la crise sanitaire a accéléré le recours au distanciel et au digital, pourquoi ne pas réaliser des actes patrimoniaux par voie numérique ou électronique ? Ce sujet a été particulièrement travaillé lors du 117ème Congrès des notaires de septembre dernier.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-on exprimer ses dernières volontés via un support numérique, un mail ou un SMS ? Peut-on signer un testament électroniquement ? Peut-on rédiger son testament à distance avec son notaire ? Le testament peut-il être digitalisé ?

Autant de questions qui nous amènent à faire le point sur les procédures testamentaires actuelles et sur leurs possibles évolutions.

testament : un support électronique est-il possible ?

Pour être valable, un testament doit suivre une procédure réglementée.

Légalement il peut prendre 3 formes et, à ce jour, une seule d’entre elles, le testament authentique passé devant notaire, peut être réalisée sur support électronique.

Les autres types de testament, olographe et mystique, nécessitent un support matériel, une écriture et une signature manuelles.

Les 3 formes légales de testament

Testament authentique :

Il est reçu devant notaire, plus exactement par deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins (article 971 du Code civil). Ce formalisme en fait un acte authentique.
Le testateur dicte ses dernières volontés et le notaire les consigne par un écrit. Nous allons voir que cet écrit peut être réalisé sur un support électronique.
Le notaire relit le testament au disposant avant signature. Le testateur, le notaire et les deux témoins doivent signer l’acte.
Le testament authentique a pour avantage de bénéficier du conseil du notaire, d’avoir date certaine, force probante et force exécutoire, ainsi que d’être conservé au rang des minutes du notaire.

Il évite également la formalité de l’envoi en possession qui peut être encore nécessaire pour les testaments olographes ou mystiques dans certaines conditions, en cas d’opposition d’un tiers aux droits d’un légataire universel.

Testament olographe :

A la différence du testament authentique qui est un acte notarié, le testament olographe est un acte sous-seing privé. Il doit néanmoins satisfaire des conditions spécifiques : être manuscrit dans sa totalité et écrit de la main du testateur, daté et signé par le testateur (article 970 du Code civil). Il ne peut donc être dicté par le testateur à une personne qui l’écrirait.
Seule la production du testament original permettra l’exécution des dernières volontés du testateur. La question de sa conservation est donc cruciale. Le testament olographe peut être déposé chez un notaire pour plus de sécurité.
Ce type de testament a l’avantage d’être plus souple à réaliser, la présence d’un autre notaire ou de deux témoins n’étant pas nécessaire. Il comporte néanmoins davantage de risque de perte, de destruction (s’il n’est pas déposé auprès d’un notaire) ou de falsification et de contestation que le testament authentique.

Testament mystique :

Comme le testament olographe, le testament mystique est un acte sous-seing privé mais il est remis cacheté par le testateur à un notaire en présence de deux témoins (article 976 et suivants du Code civil). Le notaire dresse un acte dit de « suscription » attestant de cette remise, qu’il signe ainsi que le testateur et les témoins. Cet acte de suscription a la force probante d’un acte authentique.
Il n’est pas nécessairement écrit à la main et par le testateur. Il doit néanmoins le signer manuellement (article 976 al.2 du Code civil).
Cette forme de testament est aujourd’hui peu employée. Elle est utilisée par les personnes ne sachant pas écrire et/ou ne souhaitant pas dicter leurs dernières volontés devant notaire et témoins, comme cela est exigé dans le testament authentique.

testament authentique : le support électronique existe

Le testament authentique, autrement dit par acte public, est établi par un notaire devant deux témoins ou un autre notaire.

En contrepartie de cette procédure, relativement lourde, ce type de testament a l’avantage de revêtir la forme de l’acte authentique, ce qui lui donne date certaine, force probante et force exécutoire.

Qu’est-ce qu’un acte authentique ?

A la différence d’un acte sous-seing privé, l’acte authentique est reçu par un officier public dont font partie les notaires. L’officier public, délégataire de la puissance publique, donne à l’acte son caractère authentique, c’est à dire :

  • date certaine : il fait foi de la date et de l’existence de l’acte
  • force probante : il garantit son contenu. Pour prouver le contraire de ce qui est dit dans l’acte, une procédure spécifique pour inscription de faux est nécessaire.
  • force exécutoire : il équivaut à une décision de justice et les parties concernées doivent exécuter l’acte.

Certains actes patrimoniaux doivent nécessairement être réalisés sous la forme authentique, tels les contrats de mariage s’il ne s’agit pas du régime légal, les donations, les ventes immobilières, les partages de succession, pactes successoraux.

Concernant les testaments, seul le testament authentique requiert, comme son nom l’indique le formalisme de l’acte authentique.

Depuis une dizaine d’années, les notaires peuvent réaliser un acte authentique, dont un testament, sur un support électronique.

L’acte authentique sur support électronique (AASE) a été introduit par la loi du 13/03/2000 modifiant l’article 1316 du Code civil et précisant que “l’écrit électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier.”

La force probante est donc la même.

En pratique, l’AASE est utilisé depuis 2008 et se déroule selon les étapes suivantes :

  1. le notaire rédige l’acte sur un logiciel informatique et y ajoute les pièces complémentaires nécessaires, sous forme de scans.
  2.  

  3. lors du rendez-vous de régularisation et de signature de l’acte, celui-ci apparaît sur écran permettant au client de le lire également en temps réel.
  4.  

  5. Après modifications éventuelles, lorsque le client est d’accord sur la rédaction de l’ace, le notaire valide électroniquement le contenu de l’acte et ses pièces jointes. Il utilise pour cela une clé informatique dite « Real » (clé cryptée attestant de l’identité et de la signature du notaire).
  6.  

  7. Une fois la validation réalisée par le notaire, le ou les clients peuvent alors signer l’acte de manière électronique, directement sur une tablette au moyen d’un stylet.
  8.  

  9. Puis le notaire va lui-même signé l‘acte via sa clé « Real ».
  10.  

  11. L’acte a alors la forme authentique et électronique. Il est envoyé automatiquement et immédiatement au Minutier central électronique des notaires (MICEN). Seul le notaire signataire y a accès. Il est conservé pour une durée de 75 ans dans ce coffre-fort électronique puis transférer aux archives départementales.
  12.  

  13. Le client peut en recevoir une copie par mail.

Plus de 90 % des actes authentiques sont aujourd’hui réalisés électroniquement.

Source : Conseil Supérieur du Notariat – 03/11/2021

 

Le testament authentique peut donc être élaboré sur un support électronique et par une signature, elle aussi électronique.

Il nécessite néanmoins de se rendre chez un notaire, le distanciel n’étant pas possible à ce jour pour la rédaction ou l’enregistrement d’un testament, comme nous allons le voir.

Il nécessite également une procédure contraignante : il doit d’être reçu devant deux notaires ou un notaire et deux témoins.

Les personnes souhaitant réaliser un testament authentique doivent le plus souvent s’enquérir de trouver ces deux personnes témoins qui l’accompagneront à la signature de l’acte, même si celle-ci est réalisée de manière électronique.

Ces témoins ne peuvent être des clercs de notaire, ni des légataires ni leurs parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclus (article 975 du Code civil).

Le dernier Congrès des notaires propose d’alléger cette procédure du testament authentique en supprimant l’obligation de présence de 2 témoins ou d’un autre notaire.

Ceci permettrait de recourir plus facilement à cet acte testamentaire, davantage sécurisé que les autres types de testament. L’absence d’autres personnes que le notaire assurerait également une plus grande confidentialité des dernières volontés du testateur.

Quid de la notion de e-testament proposée sur internet ?

Certains sites proposent un service de « e-testament » : il s’agit en fait d’une aide à la rédaction d’un testament dont la proposition finalisée est envoyée par voie électronique au client demandeur. Celui-ci devra formaliser ensuite son testament selon l’une des 3 formes légales.

testament olographe : nécessité d’un support matériel et d’une écriture manuelle

Le testament olographe est établi par le testateur seul, sans l’intervention d’un notaire, si ce n’est pour son dépôt qui reste non obligatoire.

Légalement, il est nécessaire de pouvoir prouver que c’est bien le testateur qui l’a écrit.

Pourquoi la nécessité d’un écrit de la main du testateur ?

  • l’écriture de la main du disposant, ainsi que sa signature permettent de prouver l’identité du testateur. Bien que des contestations ou falsifications restent possibles, elles sont jugées moins risquées à ce jour qu’une écriture par voie électronique, mail ou sms.
  • l’écriture manuscrite donne également davantage le temps de la réflexion.

Le Code civil n’impose aucune contrainte en termes de langues (mais le testateur doit être en mesure de comprendre cette langue) ni de caractères employés, ni d’outil utilisé pour l’écriture, ni de support servant à cet écrit.

Ainsi un testament olographe écrit de la main du testateur sur un meuble par exemple a été reconnu comme valide.

Alors pourquoi ne pas reconnaitre la conformité d’un testament olographe écrit de la main du testateur sur un support électronique puisqu’il existe aujourd’hui des supports numériques permettant d’écrire manuellement ?

La réponse réside bien sûr dans la sécurité du support recevant l’écrit. Une lettre, un testament papier, même un testament écrit sous un meuble, sont considérés à ce jour comme moins sujets à falsifications qu’un support électronique ayant enregistré une écriture manuelle et qui pourrait être manipulé par la suite.

Les progrès de la sécurité et de la certification électroniques permettront peut-être dans le futur de revoir cette appréciation.

Ces mêmes progrès, s’ils permettaient de certifier de manière certaine et sans risque de falsification ultérieure l’identité d’une personne sur une vidéo, ouvriraient peut-être la voie à un testament via un support audio-visuel. Mais nous n’en sommes absolument pas là. L’instantanéité de ce type de support reste par ailleurs peu appropriée à la réflexion nécessaire à l’élaboration de dispositions testamentaires.

testament mystique : nécessité d’un support papier et d’une signature manuelle

Le Code civil exige que le testament mystique soit remis cacheté par le testateur au notaire en présence de deux témoins.

Son support est nécessairement papier, le terme « papier » étant lui-même précisé à l’article 976 alinéa 2 du Code civil.

Il laisse la liberté de le rédiger mécaniquement ou par une autre personne que le testateur, du moment que ce dernier le signe manuellement.

Mais en aucun cas, il ne laisse de possibilité à une rédaction sur un support électronique ou numérique.

A ce jour donc, seul le testament authentique peut être rédigé sur support électronique. Les testaments sous forme d’acte sous-seing privé (testament olographe et mystique) ne peuvent pas être rédigés sur un support électronique.

Le dernier Congrès des notaires apporte néanmoins des ouvertures dans ce sens.

une évolution vers un testament privé électronique et vers un testament distanciel

Deux propositions importantes du 117ème Congrés des notaires tendent vers un élargissement du testament numérique :  la possibilité de le rédiger seul et directement sur support électronique dans des situations exceptionnelles et la généralisation du distanciel à tous les actes authentiques.

vers un testament privé électronique en cas de circonstances exceptionnelles

A ce jour, il n’est pas possible comme nous l’avons vu de rédiger seul son testament sous forme olographe ou mystique sur un support électronique (mail, SMS, fichier informatique…).

Or la question se pose dans des circonstances graves où il peut être nécessaire de consigner et communiquer rapidement ses dernières volontés : catastrophe naturelle mais aussi attentat. La situation des victimes des attentats du 13 novembre 2015 qui ont envoyé leur testament à leur famille par SMS a rouvert le sujet.

Le dernier Congrès des Notaires propose pour cela d’assouplir les exigences de forme du testament dans ces situations exceptionnelles.

En cela un article 1001 du Code civil pourrait être ainsi rédigé :

« Le testament pourra être fait par tout moyen d’expression, y compris numérique, en cas de circonstances exceptionnelles empêchant de tester en les formes ordinaires de l’article 969 du Code civil ».

un testament distanciel : vers un acte authentique par comparution à distance (AAECD) ?

L’acte authentique sur support électronique (AASE) permet la numérisation du testament authentique mais la présence physique du disposant à l’étude notariale reste nécessaire.

La possibilité de distanciel a été introduite en 2005 mais uniquement entre notaires représentant respectivement leur client lors d’une vente immobilière par exemple (décret n°2005-973 du 10 août 2005). Le testament n’est donc pas concerné.

Pendant la période de crise sanitaire et de confinement, un acte authentique électronique par comparution à distance (AAECD) a été mis en place mais a pris fin le 10/08/2020. Pendant cette période, les actes authentiques, dont le testament, pouvaient être réalisés à la fois électroniquement et à distance, le client et le notaire échangeant par visio-conférence.

Pour l’instant, il n’est pas envisagé de pérenniser et de généraliser cette possibilité (Rép. min. n°31130, JOAN du 03/11/2020). Un certain recul sur les conséquences juridiques de cette méthode est jugé nécessaire, notamment pour les actes successoraux ou matrimoniaux.

Quand l’une des parties à l’acte réside à l’étranger, l’AAECD reste néanmoins possible, à titre exceptionnel, pour une période de 5 ans à compter du 19/05/2020.

Fin 2020, la procuration notariée électronique par comparution à distance a pourtant été mise en place. Depuis le Décret du 20/11/2020, les notaires peuvent établir des procurations authentiques sur un support électronique et la faire signer à distance par leur client.

Cette possibilité existait mais nécessitait que le signataire ayant reçu la procuration fasse légaliser sa signature par un officier d’État civil.

Désormais, sauf à ce que la procuration nécessite une partie d’écriture manuscrite du signataire, cet acte peut se signer électroniquement et à distance, via un processus de signature qualifiée.

Le système de communication et d’échange d’informations, agréé par le Conseil supérieur du notariat (CSN), doit garantir l’identification des parties à l’acte, le contenu et sa confidentialité.

Le notaire de son côté doit s’assurer du consentement libre et éclairé du signataire et de sa bonne compréhension de l’acte.

Mais, s’il s’agit d’une avancée notable, le distanciel ne concerne ici que la procuration mais pas l’acte visé. Cette procuration, une fois réalisée à distance, permet ensuite la signature de l’acte authentique sans la présence du signataire. Si cette solution est intéressante et souvent utilisée pour les ventes immobilières par exemple, elle n’est pas envisageable pour les testaments.

Il n’est pas possible en effet de donner procuration pour certains actes authentiques dont les testaments (mais aussi la RAAR, Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction).

Le dernier Congrès des notaires propose d’étendre le principe de la comparution à distance à tous les actes authentiques et de modifier le Décret du 20/11/2020 de la sorte :

« Le notaire instrumentaire peut établir à distance tout acte sur support électronique, lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées physiquement. »

Les propositions du Congrès des notaires vont plus loin et visent à intégrer la notion de distanciel dans le Code civil. L’article 1369 serait alors modifié en ce sens :
« L’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être reçu à distance et être dressé sur un support électronique, s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

un testament numérique via les « smart contracts » et une blockchain ?

Une blockchain est un système permettant d’accélérer, simplifier et sécuriser la réalisation de contrats, dits « smart contracts ». Certains contrats d’assurance revêtent cette forme et utilisent déjà une blockchain.

Pourquoi ne pas faire appel à cet outil pour les actes notariés ? Ceci suppose au préalable de définir et de reconnaître juridiquement la notion de « smart contract ».

Or, le dernier Congrès des notaires fait un premier pas dans ce sens en proposant de modifier l’article 1342 du Code civil, important dans le droit des contrats puisqu’il concerne l’exécution et le paiement de la dette. Un nouvel alinéa 3 serait ainsi rajouté :
« Le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il peut être automatisé par un protocole informatique.
Il libère le débiteur à l’égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier. »

Si cette proposition ne concerne pas directement la réalisation du testament, elle témoigne de la volonté de reconnaître l’utilisation d’une « blockchain » dans le domaine juridique.

Cette évolution vers les « smart contracts » constitue une ouverture et une avancée importantes car au-delà du testament, elle est à même de concerner tous les types d’actes notariés et patrimoniaux.

Auteurs
Anne Brouard 

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine,, diplôme RNCP Niveau 7