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Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit,  l’IFI et le pacte Dutreil

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit, l’IFI et le pacte Dutreil

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024 comporte des conséquences patrimoniales importantes : la modification du régime micro-BIC de la location meublée, les restrictions des effets fiscaux des donations de sommes d’argent démembrée, la déduction de certaines dettes à l’IFI, et des précisions sur les activités éligibles au dispositif Dutreil. Explications.

 

Parmi les mesures habituelles d’actualisation du barème de l’IR et de modifications de certains crédits d’impôt, plusieurs décisions de la Loi de finances 2024 ont des impacts nouveaux et conséquents sur les stratégies patrimoniales.

Elles concernent le régime fiscal de la location meublée et plus particulièrement du régime micro-BIC, le traitement fiscal de la créance de restitution suite à une donation de sommes d’argent avec réserve d’usufruit, la déduction de certaines dettes à l’IFI et des précisions attendues sur l’éligibilité de certaines activités au pacte Dutreil.

SOMMAIRE

  • Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur
  • La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution
  • IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société
  • Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur

Fortement remis en cause, le régime fiscal de la location meublée est finalement revu sur son seul dispositif micro-BIC. Celui-ci est néanmoins fortement restreint et par erreur de rédaction de la loi.

 

 

Location meublée : un régime fiscal fortement discuté

Le régime fiscal de la location meublée a été largement discuté en préparation de la Loi de finances, l’attractivité fiscale de ce dispositif étant considéré comme favorisant les locations saisonnières de type « AirBnB » au détriment des locations d’habitation longue durée.

Les amendements proposés visaient à réduire les avantages du régime micro-BIC de la location meublée de courte durée et à l’aligner sur celui du régime micro-foncier de la location nue.

Certains amendements allaient plus loin et proposaient de réduire les avantages d’imposition de la plus-value de cession pour les loueurs en LMNP (Location Meublée Non Professionnelle). Sous ce statut en effet, la plus-value lors de la cession du bien relève du régime de la plus-value immobilière des particuliers (prix de revient majoré des frais d’acquisition et travaux non déduits (ou forfait sous conditions) et abattement pour durée de détention exonérant définitivement la plus-value au terme de 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux).

Un amendement proposait d’aligner le régime des plus-values de cession en LMNP avec celui de la LMP (Location Meublée Professionnelle), c’est-à-dire avec le régime des plus-values professionnelles. Dans ce régime, le prix de revient n’est pas majoré et est au contraire minoré des amortissements pratiqués, ce qui augmente la plus-value imposable dite à court terme.

Cette proposition de modification du calcul des plus-values de cession en LMNP n’a finalement pas été retenue et seules les modifications du régime micro-BIC ont été votées.

Ces modifications ont-elles-mêmes donné lieu à de nombreuses discussions sur le type de location meublée concernée, les plafonds et les taux d’abattement retenus.

Fin décembre, dans le cadre de la navette parlementaire, le Sénat a revu la proposition adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, en réduisant significativement les avantages du micro-BIC.

Bien que le gouvernement ne soutenait pas l’amendement du Sénat, cette proposition a néanmoins été incluse dans le projet définitif de Loi de Finances pour 2024. Il s’agit selon le gouvernement d’une « erreur » et des mesures devraient être prises d’ici la déclaration d’IR (Impôt sur le Revenu) 2024 pour rectifier ces règles.

Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, la loi étant promulguée, c’est ce nouveau régime micro-Bic particulièrement défavorable qui s’applique et ceci sur les revenus déjà réalisés en 2023 puisque la Loi de finances est rétroactive.

 

 

Un nouveau régime micro-BIC pour la location meublée applicable dès 2023

Quelle est la teneur de ce nouveau régime micro-BIC ?

Jusqu’en 2022, les revenus des activités de location meublée, qu’il s’agisse de LMP ou de LMNP, pouvaient relever du régime micro-BIC sous certaines conditions de seuil de chiffre d’affaires. Les locations meublées de courte durée classées bénéficiaient également d’un abattement majoré de 71 %. Les principes peuvent être résumés dans le tableau suivant :

Régime micro-BIC de la location meublée avant la Loi de finances pour 2024 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée d’habitation ou de courte durée non classée CA < 77.700 € 50 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 188.700 € 71 %

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024, tel que le prévoit son texte à ce jour, réduit le seuil de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-BIC à 15.000 €, ceci pour les locations meublées de courte durée, c’est-à-dire les locations saisonnières à la journée, à la semaine ou au mois (avec un maximum de 6 mois), autrement nommée location de tourisme. Concernant ce seuil, le texte ne précise pas quel type de location meublée de courte durée est concernée, classée ou non classée.

Parallèlement, le taux d’abattement est réduit à 30 % s’alignant ainsi sur le régime micro-foncier de la location nue.

Les meublés de tourisme classés peuvent bénéficier d’un taux d’abattement de 51 %, au lieu de 71 % auparavant, sous deux conditions cumulatives :

  • Le bien n’est pas situé dans une zone de déséquilibre d’offres et de demandes de logements. Il doit donc se situer dans les zones non tendues.
  • Le chiffre d’affaires HT de l’année précédente doit être inférieur à 15.000 €

Dans tous les cas, les locations meublées d’habitation de longue durée (bail étudiant, bail mobilité, bail meublé d’habitation) ne sont pas concernées et continuent donc de bénéficier des règles du micro BIC telles que définies antérieurement.

Régime micro BIC de la location meublée de courte durée depuis la Loi de Finances 2024, rétroactive aux revenus de 2023 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée de courte durée non classée CA < 15.000 € 30 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 15.000 €

51 %

Sous condition de situation en zone non tendue.

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

Pour préciser la formule définitive du régime micro-BIC des locations meublées saisonnières et procéder à la « correction » du texte de loi, une instruction fiscale devrait être publiée au BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) avant avril-mai 2024 et le dépôt des déclarations sur les revenus 2023.

Dans l’état actuel du texte de la Loi de finances 2024,  applicable aux revenus perçus en 2023, un grand nombre de contribuables risquent d’avoir dépassé le seuil de CA de 15.000 € en 2023 et de basculer au régime réel.

Ce passage au régime réel est-il nécessairement un inconvénient ?

Le passage au régime réel suppose une comptabilité et des déclarations fiscales plus lourdes, et donc en général le recours à un expert-comptable. Ce régime permet néanmoins d’amortir le bien et les meubles, de déduire davantage de charges et de réduire significativement le bénéfice net imposable, voire de l’annuler ou créer un déficit (les charges d’amortissements ne peuvent pas cependant contribuer au déficit).

En cas de cession sous le statut LMP au régime réel, la plus-value relève du régime des plus-values professionnelles plus lourdes que celles des particuliers dont relève les LMNP à ce jour, mais pouvant bénéficier d’exonérations sous conditions au titre de l’IR (pas d’exonération néanmoins au titre des cotisations sociales).

 

La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution

Il est possible de donner une somme d’argent, non pas en pleine propriété mais en nue-propriété. Le donateur conserve alors l’usufruit. S’agissant d’une somme d’argent, cet usufruit est en fait un quasi-usufruit.

Le donateur quasi-usufruitier garde la libre disposition de ces fonds et doit en restituer l’équivalent au terme de l’usufruit, c’est-à-dire à son décès.

Au décès de l’usufruitier, son patrimoine successoral comprend alors une dette dite de restitution correspondant à la valeur en pleine propriété de la somme d’argent initialement donnée en faveur du ou des nus-propriétaires. Ce ou ces derniers détiennent une créance sur la succession de l’usufruitier défunt, dite créance de restitution.

Jusqu’à la Loi de finances pour 2024, la dette de restitution était fiscalement déductible du patrimoine successoral de l’usufruitier décédé.

La Loi de finances met fin à cette déductibilité fiscale par un nouvel article 774 bis du CGI.

L’objet de cet article est de mettre fin à une pratique qui serait principalement menée dans un objectif d’optimisation fiscale :

  • Lors de la donation de la somme d’argent avec réserve d’usufruit, les droits de donation ne portent que sur la valeur en nue-propriété.
  • Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de la somme d’argent sans payer de droits de succession (article 1133 du CGI) et la valeur en pleine propriété de cette somme d’argent est également déduite du patrimoine successoral imposable.

Pour les successions ouvertes à partir du 01/01/2024, la dette de restitution n’est donc plus déductible dans le cas d’une donation en nue-propriété d’une somme d’argent.

Ceci suppose que le nu-propriétaire héritier paie des droits de succession sur la valeur de la créance de restitution. Il lui est néanmoins possible de déduire de ces droits de succession les droits payés sur la nue-propriété lors de la donation initiale, sans que cela puisse donner lieu à restitution.

Il est à noter que :

  • Le quasi-usufruit légal, notamment celui du conjoint survivant usufruitier légal de la succession (article 757 du Code civil), n’est pas concerné par cette non-déductibilité fiscale de la dette de restitution en faveur des nus-propriétaires
  • De même, le quasi-usufruit provenant d’une donation au dernier vivant (article 1094-1 du Code civil).
  • Les quasi-usufruits provenant de la cession d’un bien préalablement démembré entre usufruitier et nu-propriétaire n’entre pas dans ces nouvelles dispositions, à condition que la dette de restitution ne participe pas à la poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • Concernant le quasi-usufruit né d’une clause bénéficiaire démembrée, le principe de l’assurance-vie étant distinct de celui de la donation, cette situation ne devrait pas être concernée. Mais la loi ne précise rien sur ce point et il convient donc de rester prudent sur ce point.

 

 

IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société

Les biens immobiliers détenus en société sont imposables à l’IFI (sauf situations spécifiques comme les biens affectés à l’activité professionnelle).

Dans le cas d’une détention en société, ce sont les parts sociales qui sont imposables pour leur valeur représentative des actifs immobiliers en déduisant le passif de la société.

Pour éviter les situations d’abus consistant à loger les biens immobiliers dans des sociétés fortement endettées, la Loi de finances 2024 instaure une nouvelle règle de déductibilité du passif social de la valeur imposable des parts à l’IFI.

Seules les dettes afférentes à l’actif imposable, c’est-à-dire aux biens immobiliers, sont déductibles.

Pour éviter que la valeur imposable ainsi calculée devienne supérieure à la valeur réelle des parts, le texte de loi instaure un dispositif de plafonnement de la valeur imposable à la valeur vénale des parts.

 

Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

La Loi de finances 2024 vient préciser l’éligibilité du pacte Dutreil à certaines activités, confortant la position de la doctrine administrative et contredisant les récents arrêts de jurisprudence sur ce sujet.

La loi prévoit ainsi que :

  • Les activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier ne sont pas considérées comme des activités commerciales au regard du pacte Dutreil et ne sont donc pas éligibles. La location meublée ou les locations de biens commerciaux ou industriels équipés ne peuvent donc pas bénéficier du régime Dutreil.
  • En cas d’activité mixte, le pacte Dutreil n’est applicable que si l’activité opérationnelle est prépondérante.
  • Les sociétés Holding animatrices de groupe exercent bien une activité opérationnelle et sont donc clairement éligible au pacte Dutreil.

Ces nouvelles dispositions Dutreil sont applicables aux transmissions intervenues à partir du 17/10/2023.

Auteur 

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le cantonnement successoral bénéficie au conjoint survivant et au légataire sous certaines conditions. De quoi s’agit-il ? Quel intérêt patrimonial ? Comment l’appliquer ? Explications.

 

Le cantonnement successoral : quel est cet acte juridique atypique ? Le cantonnement successoral est tout à la fois :

  • acte de disposition, de renonciation et de transmission
  • dépendant de la volonté d’un seul ou de plusieurs successibles
  • et par lequel les intérêts patrimoniaux et familiaux, parfois contradictoires, de deux ou plusieurs personnes sont mis en concurrence.

Le cantonnement successoral est la faculté offerte à un successeur de choisir un ou plusieurs biens et/ou droits dans la succession en renonçant à d’autres biens et/ou droits.

Dans le cadre d’une succession légale, c’est-à-dire sans que le défunt ait pris de dispositions post-mortem (legs, donation au dernier vivant) ou ait aménagé conventionnellement son régime matrimonial (avantages matrimoniaux), les héritiers exercent l’option successorale (C.civ. art. 768) sans pouvoir bénéficier de la faculté de cantonnement.

En effet, cette option leur offre trois possibilités :

  • accepter la succession purement et simplement
  • y renoncer
  • ou accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’ils ont une vocation universelle ou à titre universelle.

L’option est indivisible (C.civ. art.769), le successeur ne peut pas choisir tel droit ou tel bien dans la succession pas plus qu’il ne peut exercer son option pour une quotité différente de celle que la loi lui impose, c’est à prendre, à laisser ou à prendre à charge d’assumer le passif proportionnel à l’actif qu’il recueille.

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que par trois voies :

  • La voie testamentaire ou libérale
  • La voie matrimoniale
  • La voie bénéficiaire

SOMMAIRE

  • Cantonnement par voie testamentaire ou libérale
  • Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput
  • Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie

Cantonnement par voie testamentaire ou libérale 

 

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, à effet le 01/01/2007, a mis fin à l’indivisibilité de l’option successorale en créant la faculté de cantonnement ( C.civ. art. 1002-1 et 1094-1, al. 2).

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que dans le cadre exclusif des successions testamentaires, procédant donc de la volonté du défunt et non de la loi.

Sont concernés les bénéficiaires d’un legs du défunt qu’ils soient héritiers ou non de ce dernier, et le conjoint survivant à la condition qu’il bénéficie également d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

Ils ont donc la possibilité de choisir les droits, biens ou quotité qu’ils souhaitent recueillir dans la succession en renonçant à d’autres droits, biens et/ou quotité.

Ainsi, le légataire de deux immeubles peut n’en recueillir qu’un, le conjoint légataire de l’usufruit universel peut choisir de n’exercer son droit d’usufruit que sur certains biens.

 

Attention :

La faculté de cantonnement ne permet pas de changer la nature des droits reçus, elle ne permet que leur réduction, ainsi :

Un légataire bénéficiant d’un legs en pleine propriété d’un immeuble ne peut pas choisir de recevoir l’usufruit de cet immeuble.

Le conjoint survivant désigné usufruitier universel ne peut transformer son usufruit en pleine propriété.

 

Les conditions de la faculté de cantonnement

Les conditions d’exercice du cantonnement sont différentes selon s’il s’agit d’un légataire ou du conjoint survivant :

Le légataire : L’héritier qui a également la qualité de légataire, le légataire universel, à titre universel ou à titre particulier, peuvent exercer leur faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne les en a pas privé
  • La succession a été acceptée par au moins un héritier

Le conjoint survivant : Le conjoint survivant peut exercer la faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne l’en a pas privé
  • Il bénéficie d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

 

Les effets de la faculté de cantonnement ?

Le cantonnement a pour caractéristique :

La renonciation à certains droits ou biens par le légataire ou le conjoint survivant ne constitue pas une libéralité faite aux autres successibles, cela ne donne lieu ni au rapport ni à réduction.

Cette renonciation abdicative est un abandon pur et simple de certains droits et biens. L’avantage qu’en retirent les autres successibles n’est pas taxable aux droits de donation mais imposable au barème fixé en fonction du lien de parenté avec le défunt, par exemple, au tarif en ligne directe pour les enfants du défunt (CGI, art. 788 bis, BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 20).

  • de ne pas exclure la contribution à la dette:

A l’exception du légataire à titre particulier qui, sauf volonté contraire du testateur, n’est pas tenu des dettes et charges de la succession, les autres successibles contribuent au passif dans la proportion de ce qu’ils prennent ou reçoivent.

Les successibles peuvent néanmoins échapper à l’obligation de payer sur leur patrimoine personnel en acceptant le legs à concurrence de l’actif net.

 

Focus sur la faculté de cantonnement du conjoint survivant ?

Grâce au cantonnement, le conjoint survivant peut choisir ce qu’il désire conserver en fonction de ses objectifs patrimoniaux. Il augmente par sa renonciation la part revenant aux autres héritiers.

Il peut choisir de recueillir des biens en pleine propriété afin d’éviter d’éventuelles indivisions ou des démembrements de propriété ou au contraire, choisir de recevoir l’usufruit de certains biens afin qu’à son décès, le ou les nus-propriétaires recueillent la pleine propriété en franchise d’impôt.

Cette faculté doit être cependant exercée avec discernement notamment en présence d’enfants communs et en fonction de la nature des biens et droits sur lesquels elle s’exerce :

  • En présence d’enfants communs :

Exemple :

Un conjoint successible bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (la quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun, l’actif de succession est composé d’immeubles locatifs d’une valeur de 1.500.000 €.

Cas 1 :

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété car il désire majorer l’émolument de son enfant de 200.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

L’enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété (750.000 € + 200.000 €).

Assiette taxable : 950.000 € – 100.000 € = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 € (950.000 € – 197.962 €).

Cas 2 :

Le conjoint reçoit la moitié des actifs en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.

Il reçoit 750.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession.

L’enfant reçoit 750.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 750.000 € – 100.000 € = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Le conjoint lui donne un bien immobilier d’une valeur de 200.000 €.

Assiette taxable : 200.000 – 100.000 € = 100.000 €

Droits de donation dus : 18.194 €

L’enfant reçoit donc (750.000 + 200.000) – (137.962 + 18.194) = 793.844 €

Compte tenu de la nature des actifs de succession, cet exemple démontre que le cantonnement ici exercé par le conjoint est désavantageux pour l’enfant commun et qu’il est préférable, fiscalement et économiquement, de renoncer à la faculté de cantonnement et de faire une donation bénéficiant de l’abattement en ligne directe de 100.000 €.

 

  • En présence d’enfants non communs

En revanche, et contrairement à l’exemple précédent, en présence d’enfants de lits différents qu’il souhaite avantager, le conjoint peut choisir de cantonner son émolument, afin de permettre à ses beaux-enfants de recueillir une part nette dans la succession plus importante.

Aucun abattement n’est en effet prévu dans le cadre d’une donation à un tiers et les droits de donation s’élèvent à 60 % du montant de la donation.

Exemple :

Le conjoint bénéficie d’une donation au dernier vivant, lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le conjoint est en présence d’un enfant du défunt, il n’y a pas d’enfant commun. L‘actif de succession est d’une valeur de 1.500.000 € et est constitué de biens immobiliers.

Cas 1 :

Le conjoint choisit de cantonner son émolument à 550.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

Le bel-enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 950.000 – 100.000 = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 €

 

Cas 2 :

Le conjoint choisit de recevoir la quotité disponible en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.    

Le conjoint reçoit 750.000 € en franchise de droit de succession.

Le bel-enfant reçoit 750.000 €.

Assiette taxable : 750.000 – 100.000 = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Part nette reçu par le bel-enfant: 750.000 – 137.962 = 612.038

Le conjoint procède à une donation en pleine propriété de 200.000 € à l’enfant de son conjoint.

Droits de donation : 200.000 x 60 % = 120.000 €

Le bel enfant reçoit ainsi (750.000 + 200.000) – (137.962 + 120.000) = 692.028 €

Le cantonnement suivi d’une donation est beaucoup moins avantageux dans le cas d’un enfant non commun.

 

Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput 

Bien avant que la faculté de cantonnement ne soit introduite par la loi du 23 juin 2006, le Code civil, dans son édition princeps de 1804, prévoyait la possibilité pour le survivant des époux d’exercer cette faculté grâce à un avantage matrimonial, la clause de préciput. 

La clause de préciput (C.civ. art. 1515), stipulée dans un contrat de mariage ou conférée par une convention modificative jointe au régime matrimonial, autorise le survivant des époux à « prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée ». 

Cet avantage matrimonial offre une liberté totale au conjoint survivant de cantonner son émolument sur certains droits, biens, et/ou en quotité dès lors que cela a été prévu par le couple lors de la rédaction de la convention matrimoniale. 

 

Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie 

Avec une clause bénéficiaire dite « classique » désignant un bénéficiaire de premier rang en pleine propriété et des bénéficiaires subsidiaires, le bénéficiaire de premier rang peut choisir d’accepter ou de refuser, mais pour le tout. Il ne peut cantonner son bénéfice à une fraction du capital en propriété. 

Dans le cadre d’une clause bénéficiaire à options, le bénéficiaire de premier rang à la faculté de choisir d’accepter totalement ou partiellement le bénéfice du capital en pleine propriété, en usufruit ou encore en pleine propriété et en usufruit, en fonction de ses objectifs patrimoniaux. 

La renonciation totale ou partielle au bénéfice du contrat conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et cette renonciation n’est pas considérée comme une donation indirecte faite au profit du bénéficiaire subsidiaire, ce qu’a confirmé une réponse ministérielle qui précise que  « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026). 

La fiscalité appliquée est celle entre l’assuré et le bénéficiaire subsidiaire et non celle entre le premier bénéficiaire renonçant pour tout ou partiellement et le second bénéficiaire. 

Exemple : 

Le conjoint, âgé de 68 ans, bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit).  

Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun. 

L’actif de succession se compose comme suit : 

  • des immeubles locatifs d’une valeur de 1.300.000 €. 
  • un contrat d’assurance vie d’un montant de 200.000 € souscrit avant 70  ans par le défunt.  

La clause bénéficiaire du contrat permet au conjoint survivant de choisir de recevoir 100 %, 50 %, 25 % ou 0 % des capitaux décès. 

Le second bénéficiaire désigné (en cas de prédécès du conjoint survivant) est l’enfant commun. 

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de la succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété. 

Il choisit par ailleurs de n’accepter que partiellement le capital du contrat d’assurance vie pour un montant de 47.500 €. 

L’enfant reçoit :  

  • 750.000 € en pleine propriété sur l’actif de succession 
  • 152.500 € (200.000 – 47.500) en tant que bénéficiaire subsidiaire du contrat d’assurance vie. 

Assiette taxable de la réserve héréditaire : 

  • 750.000 – 100.000 = 650000 € 
  • Droits de succession : 137.962 € 

Assiette taxable du capital assurance vie (CGI, art. 990 I) : 

  • 152.500 € – 152.500 € (abattement fixe, CGI, art . 990 I, al. I) = néant, aucune taxe due 
  • Part totale nette reçue par l’enfant = (750.000 + 152.500) – 137.962 =  764.538  

 

Tout à la fois acte de disposition, acte de renonciation et acte de transmission, la faculté de cantonnement peut mettre en présence des intérêts différents et parfois contradictoires. Elle nécessite une analyse et un diagnostic successoraux qui prennent en compte la composition de la famille, les biens et droits qui dépendront de la succession, les objectifs du couple et les conséquences fiscales et économiques pour les enfants, afin de concilier les différents intérêts et besoins en présence. 

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Patrimoine artistique : pourquoi et comment anticiper sa transmission ?

Patrimoine artistique : pourquoi et comment anticiper sa transmission ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

L’art fait partie intégrante du patrimoine. Anticiper sa transmission à titre gratuit est crucial pour éviter tout risque civil et/ou fiscal.

 

Bien que l’intérêt de la détention et de la transmission d’un patrimoine artistique ne date pas des dernières années, ce dernier est sujet à renouveau. Force est de constater que les enjeux financiers liés à la détention du patrimoine artistique et la place des œuvres d’art dans le patrimoine des clients ne cesse de croître. Aujourd’hui encore, en période inflationniste, l’art apparaît comme une valeur refuge.

Il apparaît à ce jour indispensable de prendre en compte cet actif dans la stratégie patrimoniale de nos clients afin d’assurer la sécurité juridique, financière et économique de cet investissement.

La question de sa transmission est primordiale. Ne pas l’anticiper peut engendrer des risques civils et fiscaux. Assurer la transmission anticipée de l’œuvre d’art nécessite de prendre certaines précautions juridiques, financières et fiscales, tenant notamment à sa singularité.

SOMMAIRE

  • Transmission d’œuvre d’art : quels risques en cas d’absence d’anticipation ?
  • Transmission sécurisée de l’œuvre d’art : quel est l’outil le plus adapté ?

 

Transmission d’œuvre d’art : quels risques en cas d’absence d’anticipation ?

 

L’absence d’anticipation expose à des risques civils et fiscaux.

 

Les risques civils liés à l’absence d’anticipation

Pour bien appréhender ces risques, il est nécessaire de comprendre quelle serait la dévolution successorale du patrimoine artistique en cas de décès de son détenteur et quels seraient les pouvoirs respectifs des héritiers.

Quelle transmission du patrimoine artistique en cas de décès ?

Prenons l’hypothèse du décès d’un collectionneur laissant pour lui succéder un conjoint et deux enfants communs.

L’actif successoral (hors assurance-vie) se compose des biens personnels du défunt et donc notamment, de ses œuvres d’art.

Sur ce patrimoine successoral, le conjoint survivant recueille, en présence d’enfants communs, selon son choix exclusif :

  • la totalité en usufruit de l’actif successoral,
  • ou un quart (1/4) en pleine propriété de l’actif successoral.

En présence d’enfants non communs, le conjoint survivant se verrait attribuer uniquement le quart (1/4) en pleine propriété de l’actif successoral.

En réalité, peu importe les droits recueillis par le conjoint survivant, l’ouverture de la succession crée nécessairement une situation de dépendance entre lui et les enfants, soit sous forme de démembrement, soit sous forme d’indivision.

Aussi, cela provoquera un éclatement de la propriété du patrimoine artistique entre le conjoint et les enfants, de façon totalement indifférenciée, les œuvres d’art n’étant pas réparties entre eux de façon individualisée, à savoir :

  • En cas d’option pour l’usufruit, les enfants seraient en indivision sur la nue-propriété restante.

En cas d’option pour le quart en pleine propriété, les enfants seraient en indivision sur la pleine propriété des 75% restants.

Quels pouvoirs sur les œuvres d’art en cas d’indivision ou de démembrement ?

Prenons l’hypothèse du décès d’un collectionneur laissant pour lui succéder un conjoint et deux enfants communs.

L’actif successoral (hors assurance-vie) se compose des biens personnels du défunt et donc notamment, de ses œuvres d’art.

Sur ce patrimoine successoral, le conjoint survivant recueille, en présence d’enfants communs, selon son choix exclusif :

  • la totalité en usufruit de l’actif successoral,
  • ou un quart (1/4) en pleine propriété de l’actif successoral.

En présence d’enfants non communs, le conjoint survivant se verrait attribuer uniquement le quart (1/4) en pleine propriété de l’actif successoral.

En réalité, peu importe les droits recueillis par le conjoint survivant, l’ouverture de la succession crée nécessairement une situation de dépendance entre lui et les enfants, soit sous forme de démembrement, soit sous forme d’indivision.

Aussi, cela provoquera un éclatement de la propriété du patrimoine artistique entre le conjoint et les enfants, de façon totalement indifférenciée, les œuvres d’art n’étant pas réparties entre eux de façon individualisée, à savoir :

  • En cas d’option pour l’usufruit, les enfants seraient en indivision sur la nue-propriété restante.

En cas d’option pour le quart en pleine propriété, les enfants seraient en indivision sur la pleine propriété des 75% restants.

Œuvre d’art et indivision

 L’indivision successorale est très fréquente et représente une situation peu confortable. Incluant ou non le conjoint survivant, les héritiers ne sont pas tous dans la même situation et gérer une indivision ensemble peut créer beaucoup de désaccords entre eux.

En effet, les décisions les plus importantes (notamment la mise en vente de l’œuvre) nécessitent soit l’unanimité, soit une majorité des deux tiers. Seuls les actes conservatoires (par exemple la restauration de l’œuvre), peuvent être décidés par un seul indivisaire.

Par ailleurs, l’indivision est marquée par sa précarité, un indivisaire pouvant seul décider de provoquer le partage afin de sortir de l’indivision (article 815 du Code civil).

Œuvre d’art et démembrement de propriété

En cas d’option pour l’usufruit, les conditions de vie du conjoint survivant sont inchangées car il continue à user et jouir des œuvres d’art. En contrepartie de cette jouissance, il doit acquitter les frais, notamment en cas de travaux de réparation et rénovation.

Mais ce mode de détention est également générateur de conflits. En effet, le conjoint survivant et les enfants ne peuvent pas aliéner les œuvres d’art, sans l’autorisation des uns et des autres (article 621 alinéa 1 du Code civil).

De plus, un risque de blocage par les nus-propriétaires existe : demande de mesures conservatoires, demande d’un inventaire ou demande de caution si l’usufruitier n’en n’a pas été dispensé.

Cette situation de co-détention est génératrice de conflits, le conjoint survivant et les enfants n’ayant pas forcément les mêmes souhaits à l’égard des œuvres d’art : Vendre ? Conserver ? Exposer ? Prêter ? Les intentions divergentes de chacun des héritiers peuvent donc engendrer des situations de blocage et risquent de mettre à mal la collection.

Ces risques découlant d’une situation de co-détention pourraient justement être évités par une anticipation de la transmission de son patrimoine artistique.

 

Les risques fiscaux liés à l’absence d’anticipation

Les risques fiscaux portent sur deux aspects : la qualification et la valorisation du patrimoine artistique.

Fiscalement, quelle qualification retenir : meuble meublant ou œuvre d’art ?

L’enjeu principal est celui de la qualification juridique d’une œuvre : s’agit-il d’un meuble meublant au sens de l’article 534 du Code civil ou d’une œuvre d’art ? De cette qualification dépendra la valorisation de l’œuvre.

La distinction à faire ne peut résulter que des circonstances de fait. Il est impossible de poser une règle générale permettant d’établir à quel moment un objet cesse d’être un meuble meublant pour devenir un objet d’art. Ni la valeur, ni l’utilisation ne sont pleinement déterminantes.

Meubles meublant ou œuvre d’art : critères distinctifs

Source : Alice Guittet et Myleen Heudre pour l’ESBanque

 

Œuvre d’art : quelle valorisation fiscale retenir ?

L’article 764 du Code Général des Impôts détermine le mode d’évaluation à retenir, par ordre de préférence, en fonction de la catégorie dont relèvent les biens à qualifier.

Valorisation selon la distinction : meuble meublant ou œuvre d’art

Source : Alice Guittet et Myleen Heudre pour l’ESBanque

 

Une incertitude réside donc au décès du collectionneur sur la qualification de l’œuvre d’art et les modalités d’évaluation qui en découleront.

L’anticipation de la transmission des œuvres d’art permet de contourner cette incertitude lors de l’ouverture de la succession. En effet, l’œuvre ayant été transmise de manière anticipée, elle ne se retrouvera pas dans la succession du défunt, échappant ainsi à toute question relative à la qualification et à la valorisation de cet actif.

 

Transmission sécurisée de l’œuvre d’art : quel est l’outil le plus adapté ?

 

Certains outils de transmission s’avèrent plus efficaces que d’autres pour la transmission d’œuvre d’art.

 

Présent d’usage et don manuel : des outils insatisfaisants pour la transmission du patrimoine artistique

Présent d’usage et transmission d’œuvre d’art

Les collectionneurs pourraient transmettre leurs œuvres d’art par le biais de présents d’usage, à savoir de cadeaux remis à l’occasion d’un événement particulier (naissance, mariage …).

Cet outil présente l’avantage de permettre une transmission d’un bien meuble corporel :

  • sans être soumis au rapport successoral ni à réduction
  • sans que les cadeaux transmis ne soient intégrés à la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible
  • sans aucune fiscalité.

Toutefois, une incertitude pèse sur les parties jusqu’au décès du collectionneur, dès lors qu’il peut y avoir un risque de requalification en don manuel (CA de Lyon, 23 octobre 2012, n° 11-03538), avec toutes les conséquences qui s’en suivent comme nous allons le voir.

Don manuel et transmission d’œuvre d’art

En présence d’un bien meuble corporel, le don manuel pourrait apparaître comme l’outil de transmission le plus simple. En effet, il suffit, pour le donateur, de remplir le formulaire Cerfa, puis remettre entre les mains du donataire, l’œuvre d’art, avec l’intention de la lui transmettre.

Toutefois, le don manuel reste à éviter. En effet, il peut présenter de nombreux dangers pour les donataires au moment de l’ouverture de la succession du donateur, notamment en cas de don manuel non révélé à l’administration fiscale, pour les raisons suivantes :

  • Le don manuel est soumis au rapport et à la réduction avec une réévaluation au jour du décès, source de difficultés en raison de la volatilité du marché de l’art.
  • Il ne permet pas de stipuler des charges et conditions.
  • La date du fait générateur de l’impôt est la date de révélation du don à l’administration fiscale, et non la date du don (Décision 2021-926 QPC, 9 décembre 2022).

La donation-partage : un outil sécurisant pour la transmission d’œuvre d’art

La donation-partage offre de nombreux avantages particulièrement adaptés à la transmission d’œuvre d’art.

Les atouts de la donation-partage pour la transmission du patrimoine artistique

Cet outil de transmission présente de nombreux avantages, contrairement aux autres modes de transmission. En effet, la donation-partage permet de :

  • réaliser une donation et un partage : elle favorise ainsi la constitution de lots en équité entre chacun des présomptifs héritiers puisqu’en plus de transmettre, l’ascendant réalise un véritable partage.

Elle permet ainsi au collectionneur de transmettre et de répartir son patrimoine artistique de son vivant, comme bon lui semble, soit en pleine propriété soit en nue-propriété avec réserve d’usufruit.

  • assurer la preuve de la propriété du bien : Cet acte notarié permet ainsi d’éviter toute revendication ultérieure de la part des cohéritiers. En effet, l’acte devra établir l’origine de propriété de l’œuvre qui aura été vérifiée par le notaire en vertu des règles applicables en la matière et constituera le titre de propriété du donataire.
  • permettre le gel des valeurs et éviter le rapport : la donation-partage permet de figer la valeur des actifs transmis au jour de la donation et de se soustraire aux règles du rapport civil quelle que soit l’évolution ultérieure de la valorisation des biens donnés (article 1078 du Code civil). Il en résulte qu’à l’ouverture de la succession, les donataires-copartagés ne seront pas tenus de réunir à la masse à partager les biens qu’ils avaient reçus du défunt.

Ainsi, chacun des donataires sera libre du sort à réserver à l’œuvre reçue sauf dispositions conventionnelles contraires prévues à l’acte par le donateur.

L’exclusion des règles du rapport et la dérogation aux règles de réévaluation sont deux atouts incontestables de la donation-partage qui permettent d’éviter les situations conflictuelles lors de l’ouverture de la succession du donateur, notamment face à la volatilité du marché de l’art révélant parfois des variations très fortes et rapides de la cote de certains artistes.

  • inclure des charges et conditions: les charges et conditions de la donation d’œuvre d’art constituent très certainement l’un des éléments le plus important de la libéralité, et le plus souvent, négligé.

Le donateur pourrait ainsi encadrer la transmission des œuvres d’art en y insérant des charges, comme celles par exemple de l’interdiction d’aliéner l’œuvre sans l’autorisation du donateur, conserver l’œuvre dans un endroit précis, d’éditer un catalogue, d’organiser des prêts ou de l’exposer largement au public.

La donation-partage sur plusieurs générations de l’œuvre d’art

Réaliser la donation-partage sur plusieurs générations est une stratégie particulièrement adaptée à la transmission d’œuvre d’art. Il peut s’agir :

  • d’une donation transgénérationnelle : le donateur peut s’assurer de la présence pérenne de l’œuvre ou de la collection dans le patrimoine familial sur plusieurs générations via une transmission aux enfants et aux petits-enfants.
  • d’une donation graduelle : elle oblige le premier gratifié à conserver l’œuvre sa vie durant à charge de la transmettre à son propre décès au second gratifié. Cette clause est peu pratiquée, en raison de l’impact qu’elle représente pour le donataire. Elle impose en effet au premier donataire, le grevé, la double charge de conserver les biens donnés et de les transmettre à son décès au second donataire, l’appelé. Les biens donnés deviennent par conséquent indisponibles entre les mains du premier gratifié, lequel ne peut en disposer ni entre vifs, ni à cause de mort.

Toutefois, dans le domaine de l’art, marqué par une volonté de conservation de la collection au sein du cercle familial, cette donation peut présenter au contraire un grand intérêt.

  • d’une donation résiduelle : cette libéralité n’oblige pas le premier gratifié à conserver les biens reçus mais à transmettre les biens subsistants. Le premier donataire ne peut en revanche disposer des biens donnés à cause de mort, faute de quoi la donation résiduelle serait vidée de toute substance.

Pour veiller à l’efficacité de ces charges, il est prudent d’assortir la donation d’une action révocatoire. Si les conditions et charges ne sont pas respectées, la donation pourrait être remise en cause. Toutefois, si la charge prévue vient à nuire à la conservation ou à la restauration de l’œuvre elle-même, elle pourra être remise en cause par le juge. L’ensemble de ces contraintes ne peut toutefois pas nuire à la réserve héréditaire.

 

La donation-partage permet donc au donateur d’encadrer la transmission anticipée de son patrimoine et d’assurer la pérennité de l’entente familiale lors de l’ouverture de la succession, les charges et conditions étant arrêtées au moment de la transmission. Ceci en fait un outil particulièrement adapté à la transmission d’œuvre d’art.

 

Auteur

Alice Guittet et Myleen Heudre 

Notaires

La transmission patrimoniale au sein des familles recomposées

La transmission patrimoniale au sein des familles recomposées

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La transmission successorale dans les familles recomposées nécessite une organisation et des outils spécifiques. Quels sont-ils ? Quel schéma patrimonial adopter ?

La famille recomposée recouvre plusieurs situations familiales bien différentes : des couples âgés veufs ou divorcés ayant des enfants de précédentes unions et des patrimoines importants, des couples jeunes ayant vécu une première séparation, des couples avec ou sans enfants communs.

La transmission patrimoniale au sein des familles recomposées nécessite de trouver des compromis entre plusieurs objectifs qui sont spécifiques à chaque famille, et qui, dans certains cas, peuvent paraître contradictoires.

Il convient d’assurer la protection du conjoint survivant sans léser les enfants issus d’une ou plusieurs union(s) précédente(s), ou en avantageant un enfant non commun, tout en anticipant la transmission aux enfants communs.

Cette anticipation est essentielle car elle permettra de limiter les risques de conflits entre les différents héritiers lors de l’ouverture de la succession.

Il existe pour cela plusieurs outils juridiques complémentaires.

SOMMAIRE

  • Famille recomposée : l’impact du statut matrimonial
  • La protection du conjoint survivant dans les familles recomposées
  • Famille recomposée : anticipation de la transmission aux enfants non communs

 

Famille recomposée : l’impact du statut matrimonial

 

Dans le cadre des familles recomposées, le choix du statut matrimonial aura des conséquences importantes.

Effectivement, le mariage est le meilleur outil juridique pour protéger son conjoint en cas de décès. L’époux survivant bénéficie d’un statut particulier très protecteur, notamment via la donation au dernier vivant et la quotité disponible spéciale entre époux.

En pratique, l’époux survivant est le seul à pouvoir bénéficier de l’usufruit de toute la succession, sans encourir de réduction pour atteinte à la réserve héréditaire.

Dans le choix des régimes matrimoniaux, les régimes communautaires sont les plus favorables au conjoint. Le régime de base, la communauté légale permet de protéger le conjoint dont les revenus seraient plus faibles, par la mise en communauté de tous les revenus du couple.

Le régime de séparation de biens est moins protecteur pour le conjoint et plus favorable aux enfants.

Contrairement au conjoint, le concubin et le partenaire de PACS (Pacte Civile de Solidarité) ne sont pas des héritiers légaux. Dans cette hypothèse, le patrimoine successoral pourrait être réparti exclusivement entre les enfants. Lorsque le concubin ou le partenaire de PACS est bénéficiaire de libéralités, celles-ci sont susceptibles de réduction si elles dépassent la quotité disponible ordinaire.

Fiscalement, le conjoint survivant est exonéré de droits de succession. Il en est de même pour le partenaire de PACS désigné légataire par testament.

Le concubin désigné par testament subit une fiscalité très lourde : abattement de 1594 € puis taxation au taux de 60%.

Dans certains cas, l’objectif de protection des enfants issus d’une précédente union sera prioritaire par rapport à la protection du compagnon et le mariage ne sera alors pas adapté.

 

La protection du conjoint survivant dans les familles recomposées

 

Précisons à nouveau que le statut de conjoint survivant ne vise que l’hypothèse des couples mariés.

Les droits successoraux légaux du conjoint peuvent être insuffisants pour assurer son train de vie et sa protection. D’autres outils peuvent alors permettre d’accroître la protection du conjoint.

 

Avantage matrimonial et familles recomposées

L’avantage matrimonial permet d’accroître les droits du conjoint survivant. Il suppose d’adapter le régime matrimonial et de définir un régime sur mesure.

L’avantage matrimonial est alors la différence entre ce que reçoit le conjoint compte tenu du régime matrimonial adopté, et ce qu’il aurait dû recevoir s’il avait été marié sous le régime légal.

Les clauses d’avantage matrimonial ne peuvent se prévoir que dans les régimes communautaires (attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant, partage inégal, préciput …) ou dans le cas de sociétés d’acquêts dans le régime de séparation de biens.

Des époux séparés de biens peuvent en effet décider au moment de la conclusion de leur contrat de mariage, ou par le biais d’un acte de changement de régime matrimonial, d’ajouter une société d’acquêts comportant notamment la résidence principale et/ou secondaire. Une clause de préciput permettra alors au conjoint de prélever sans indemnité le bien en pleine propriété ou en usufruit (en fonction des conditions prévues dans l’acte) au décès de son époux. Ce prélèvement s’opère avant tout partage de la succession.

Rappelons que le changement de régime matrimonial entraîne une notification à tous les enfants majeurs du couple qui ont un droit d’opposition dans un délai de trois mois.

La protection opérée par un avantage matrimonial est pérenne, dans la mesure où un changement de protection nécessite l’accord des deux époux.

Le risque que présente les avantages matrimoniaux est de protéger le conjoint survivant au détriment des enfants de la précédente union. Effectivement, les enfants de la précédente union n’ont pas vocation à hériter au décès du conjoint. Les biens transmis par la clause d’avantage matrimonial ne reviendront pas aux enfants non communs du parent défunt.

Pour éviter ce risque, et bien que les avantages matrimoniaux ne soient pas qualifiés de donation (art. 1527 C. civ.), ils restent soumis à la réduction en valeur (art. 924 C. civ.) en présence d’enfants non communs. Ces derniers peuvent exercer l’action en retranchement.

Action en retranchement :

L’action en retranchement des enfants non communs permet de limiter l’avantage matrimonial à la quotité disponible spécial entre époux (art. 1527 C. civ.). Comme l’action en réduction, elle n’est pas automatique mais doit être demandée. Seuls les enfants non communs peuvent exiger le retranchement de l’avantage matrimonial excessif. Les enfants issus des deux époux peuvent néanmoins par la suite demander à bénéficier de l’action en retranchement exercée par les enfants non communs.

L’avantage matrimonial s’impute à la date du contrat de mariage ou du changement de régime matrimonial contenant cet avantage. Dans le cadre du changement de régime matrimonial, l’absence d’opposition des enfants non communs ne les privent pas de l’action en retranchement.

Fiscalement, l’indemnité de retranchement due par le conjoint et perçue par les enfants sera imposée aux droits de succession.

Dans le cas où les enfants non communs sont favorables à l’avantage matrimonial du conjoint survivant, il leur est possible de renoncer par avance, c’est à dire avant le décès de leur parent, à l’action en retranchement.

Renonciation anticipée à l’action en retranchement :

Les enfants non communs peuvent ainsi renoncer par anticipation à exercer l’action en retranchement  (art. 1527 al. 3 C. civ.). Il s’agit d’une forme particulière de l’action en réduction. Par cet acte, un enfant d’une précédente union peut consentir par anticipation à l’exécution d’un avantage matrimonial bénéficiant au conjoint de son parent, même s’il dépassait la quotité disponible spécial entre époux.

Cette renonciation est provisoire, car l’action en réduction est retardée au jour du décès du conjoint survivant. L’action en réduction s’exerce donc contre les héritiers du conjoint.

Néanmoins, cette renonciation anticipée à l’action en retranchement provisoire n’est pas exclusive d’une renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) définitive (art. 929 C. civ.). Les enfants de la précédente union du conjoint prédécédé pourront alors utiliser la RAAR, s’ils ne souhaitent pas s’opposer à ce que l’avantage matrimonial transmis au conjoint survivant ne revienne aux héritiers de ce dernier.

 

Protéger le conjoint survivant dans les familles recomposées : la donation au dernier vivant ou le testament

En présence d’enfants non communs, à défaut de disposition particulière, la loi prévoit que le conjoint survivant recueille un quart de la succession (art. 757 C. civ.). Ce quart ne correspond pas toujours au quart du patrimoine successoral et les droits effectifs du conjoint peuvent être très restreints dans certains cas. La détermination des droits effectifs du conjoint nécessite de définir une masse de calcul et une masse d’exercice de ses droits (art. 758-5 C. civ.). La masse d’exercice tient compte des libéralités consenties par le défunt. Ainsi si des libéralités ont épuisé la quotité disponible ordinaire en pleine propriété, la vocation légale du conjoint sera réduite à néant.

Le reliquat est partagé entre tous les enfants. Cette disposition légale peut être inadaptée aux objectifs du couple.

En outre, il convient de garder à l’esprit que les libéralités consentis en pleine propriété au conjoint survivant sont désavantageuses pour les enfants issus de l’union précédente par rapport aux enfants communs qui ont vocation à hériter des deux époux.

Une donation au dernier vivant (art. 1094-1 C. civ.) permet d’accroître les droits du conjoint survivant qui peut bénéficier de trois options (la quotité disponible en pleine propriété ; ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit ; 100% en usufruit).

La donation au dernier vivant permet également au conjoint qui n’a pas besoin d’une protection aussi étendue d’utiliser la faculté de cantonnement.

Dans certains cas, il pourrait être intéressant de léguer, c’est-à-dire transmettre par testament, l’usufruit de l’ensemble du patrimoine au conjoint, afin que les enfants non issus de ce conjoint récupèrent bien la pleine propriété des biens au second décès.

A l’extinction de l’usufruit par décès, les enfants nus-propriétaires récupèrent la pleine propriété sans fiscalité complémentaire (art. 1133 CGI). Cette stratégie ne serait pas conseillée, dans une situation familiale où le conjoint a un âge proche de l’aîné des enfants non communs. Le risque est dans ce cas que l’enfant n’ait jamais le temps de récupérer la pleine propriété des biens.

Concernant le conjoint, une libéralité de l’usufruit du tout lui permet d’avoir la jouissance de tout le patrimoine successoral, y compris sur la réserve héréditaire globale et donc même en présence de libéralités ayant épuisées la quotité disponible.

Contrairement à l’avantage matrimonial, une donation entre époux ou un testament est librement révocable unilatéralement.

 

Libéralités graduelles et résiduelles dans les familles recomposées

En présence d’enfants issus d’une précédente union, il peut être opportun de prévoir des libéralités graduelles ou résiduelles. Ces libéralités peuvent être une option intéressante face à l’attribution de l’usufruit universel du conjoint survivant qui peut être source de conflit avec les enfants non communs.

L’époux en qualité de premier bénéficiaire dispose de pouvoirs plus étendus qu’un usufruitier sur les biens, mais il est tenu de conserver les biens et de les transmettre à son décès aux enfants désignés seconds bénéficiaires.

Les biens doivent être identifiés et identifiables à l’ouverture de la succession et se retrouver en nature dans la succession du conjoint. Par conséquent, le conjoint ne peut ni vendre ni donner les biens.

Les enfants sont présumés tenir leurs droits directement de leur parent (art. 1051 C. civ.). Fiscalement, la libéralité qui s’ouvre au décès du conjoint donne application de la fiscalité en ligne directe entre les enfants et leur parent (donateur ou testateur). La fiscalité est due sur la valeur en pleine propriété du bien au jour du décès du conjoint. En outre, comme le conjoint survivant est exonéré de droits de succession, l’imputation dont peut se prévaloir le second gratifié est sans objet. Dans cette situation, la transmission par une libéralité graduelle est donc moins intéressante fiscalement qu’une libéralité en démembrement.

Attention :

Une libéralité graduelle ne doit pas porter atteinte à la réserve héréditaire des enfants.

Contrairement à la libéralité graduelle, la libéralité résiduelle impose au premier gratifié de transmettre ce qui subsiste du bien transmis.

 

Famille recomposée : anticipation de la transmission aux enfants non communs

Plusieurs outils permettent de prévoir ou de favoriser la transmission successorale en faveur du ou des enfants non communs.

 

La donation-partage conjonctive

La donation-partage conjonctive au profit d’enfants communs et de lits différents contenant une réversion d’usufruit au profit du conjoint permet d’assurer une transmission équilibrée entre tous les enfants tout en protégeant le conjoint (art. 1076-1 C. civ.). Cet outil est applicable en présence de deux enfants communs minimum. Elle comporte deux donations et un partage unique.

Des époux communs en biens peuvent consentir une donation-partage conjonctive en faveur d’enfants de lits différents. Dans ce cas, les enfants non communs ne peuvent recevoir des biens propres que de leur parent, et le conjoint ne peut pas être co-donateur des biens communs qu’ils recevraient. En outre, si des enfants non communs reçoivent des biens communs, une récompense sera due à la communauté lors de la liquidation du régime matrimonial.

Fiscalement, l’enfant non commun qui reçoit un bien commun est imposé sur la totalité du bien au tarif en ligne directe avec son auteur.

Une éventuelle action en réduction ne peut être introduite qu’après le décès du dernier des époux. Toutefois, pour les enfants non communs, l’action en réduction peut être introduite dès le décès de leur auteur.

Par ailleurs, si l’objectif du couple est d’avantager les enfants communs, les conjoints peuvent également procéder à une donation simple consentie hors part successorale.

 

L’adoption simple de l’enfant du conjoint

Le statut matrimonial choisi ne crée aucun lien juridique entre les enfants non communs et le conjoint de leur parent. Les enfants issus du conjoint n’ont donc pas la qualité d’héritier de l’époux de leur parent.

Afin de les gratifier, il est possible de les désigner par testament ou de les avantager du vivant par donation. Toutefois, la fiscalité applicable dans ces situations est dissuasive (60%).

Par ailleurs, civilement, ces donations s’imputent nécessairement sur la quotité disponible et sont potentiellement réductibles.

L’adoption de l’enfant du conjoint permet d’anticiper la transmission dans des conditions juridiques et fiscales avantageuses.

Si un époux souhaite que tous les enfants soient égalitaires dans sa succession y compris les enfants de son conjoint, il peut décider d’adopter ses derniers sous forme d’adoption simple. L’enfant adopté a les mêmes droits successoraux que les enfants « par le sang ». Il devient donc un héritier réservataire de l’adoptant.

En revanche, l’adopté simple n’a pas la qualité d’héritier réservataire dans la succession des ascendants de l’adoptant. Par ailleurs, il ne perd pas ses droits notamment successoraux dans sa famille d’origine.

Fiscalement, l’adoption simple ne permet pas l’application de la fiscalité en ligne directe sauf exception, ce qui est notamment le cas lorsque l’adopté est l’enfant du conjoint.

L’enfant du conjoint qui a été adopté ne peut plus bénéficier de l’action en retranchement des avantages matrimoniaux excessifs.

 

 

Protéger le conjoint ou favoriser les enfants non-communs et/ou communs ne requièrent pas les mêmes stratégies patrimoniales ni outils juridiques. Dans les deux cas, la transmission dans les familles recomposées doit être anticipée. Ces situations nécessitent un conseil patrimonial spécifique, adapté aux objectifs du couple.

 

Auteur

Charlotte MÂLON  

Notaire collaborateur et formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP

Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Bénéficiant de nouveaux abattements, les donations permettent de conjuguer transmission de patrimoine, aide familiale et optimisation successorale. Explications.

Les donations s’entendent généralement comme une aide aux jeunes générations. Il s’agit de transmettre son patrimoine assez tôt, afin de tenir compte de l’allongement de la durée de la vie qui repousse d’autant la transmission du patrimoine par décès

Les jeunes générations peuvent avoir besoin d’aide financière pour mener à bien leurs investissements. L’impact des donations est également favorable pour l’économie. A la différence de l’assurance-vie, elle permet de transmettre de son vivant. Les bénéficiaires perçoivent immédiatement les biens ou les sommes données.

Les donations sont également un moyen de préparer sa succession et d’en réduire la fiscalité.

comment bien utiliser la donation ?

La donation est l’outil juridique permettant de transmettre de son vivant une partie de son patrimoine (un bien ou un droit) à titre gratuit à une autre personne.

Une donation doit être consentie de manière particulièrement réfléchie car le donateur ne pourra récupérer le bien transmis que dans des cas limitatifs et exceptionnels en pratique (révocation pour inexécution des charges, révocation pour cause d’ingratitude et révocation pour survenance d’enfant pour un donateur non parent).

Article 894 C. civ. : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ».
Les donations sont à distinguer des présents d’usage qui constituent des cadeaux modestes au regard du patrimoine de celui qui transmet, cadeaux transmis exclusivement lors d’un événement particulier (anniversaire, mariage…). Contrairement aux donations, les présents d’usage ne sont pas pris en compte dans la succession de celui qui fait le cadeau et ne sont pas sujets à fiscalité.

Article 852 alinéa 2 C. civ. : « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant »

Les donations sont également à différencier du prêt familial qui est réalisé à titre onéreux et nécessite une restitution ou un remboursement.

On distingue plusieurs types de donation.

les donations simples

Tout acte constituant une donation entre vifs est obligatoirement notarié, sous peine de nullité (article 931 C. civ.).

Les donations sont juridiquement considérées comme des actes « graves » dans la mesure où le donateur transfert à autrui irrévocablement une partie de son patrimoine sans aucune contrepartie (sauf en cas de donation avec charges). Le recours à l’acte authentique permet de garantir le bon consentement et l’acceptation de toutes les parties.

Si la donation porte sur le logement familial du donateur marié, son conjoint doit participer à l’acte et accepter la donation.

L’acte pourra contenir des clauses sur mesure telles qu’une obligation d’emploi des fonds dans l’acquisition d’une résidence principale, ou dans un placement financier particulier, ou contenir une réserve d’usufruit au profit du donateur.

La donation simple est opportune pour aider dans son projet ponctuellement l’un des enfants, ou des petits-enfants ou pour délibérément avantager un enfant en la consentant hors part successorale comme nous allons le voir.

les donations d’argent et dons manuels

Le don manuel, non envisagé par le Code civil et contraire au formalisme imposé par son article 931, a toujours été validé par la jurisprudence et la doctrine.

Le don manuel se caractérise par la remise matérielle (ce qu’on appelle juridiquement « la tradition ») sans contrepartie du bien au donataire. Le don manuel ne peut donc porter que sur des biens qualifiés juridiquement de « meubles » (liquidités, titres, objets).

L’avantage du don manuel est sa simplicité apparente en raison de son absence de formalisme.

Corrélativement, la preuve de l’existence du don manuel est une réelle difficulté. La charge de la preuve incombe en principe à celui qui se prévaut de son existence.

Comment faire une donation d’argent ?

Il est courant de donner une somme d’argent pour aider un proche. Cette donation est un don manuel ne nécessitant donc pas d’acte notarié. Il est néanmoins nécessaire de procéder à sa déclaration fiscale.

En outre, le don manuel doit impérativement être déclaré par le donataire à l’administration fiscale vial’imprimé CERFA n°2735. A défaut, le don manuel pourrait être taxé au titre du rappel fiscal, lors d’une donation notariée postérieure ou lors du décès du donateur. Afin d’optimiser l’utilisation des abattements, il est judicieux de déclarer le don immédiatement.

Le don manuel doit être utilisé en bonne intelligence, afin de ne pas créer de déséquilibre entre les enfants, et d’éviter de futurs contentieux successoraux.

les donations-partages et donations transgénérationnelles

La particularité de la donation-partage est de réaliser un partage anticipé de la succession du donateur en sus de la donation (article 1075 C. civ.

Les donations-partages doivent exclusivement être consentis aux héritiers présomptifs, sous réserve des exceptions limitatives ci-dessous :

Les donations-partages ont un avantage significatif : elles sont dites non rapportables à la succession du donateur et la valeur des biens transmis est figée au jour de la donation-partage. Ainsi les plus-values ou les moins-values réalisées par les donataires ne sont pas prises en compte dans les calculs de partages successoraux, comme nous allons le voir en suivant.

En principe, tous les enfants du donateur doivent intervenir à l’acte de donation-partage et recevoir un lot. Toutefois, il ne s’agit pas d’une condition de validité de l’acte. Ainsi en présence d’une situation familiale conflictuelle, un enfant pourrait refuser d’intervenir à la donation. La donation-partage serait alors valable mais les effets juridiques intéressants de la donation-partage, notamment le gel des valeurs au jour de la donation, seraient inapplicables.

Il convient donc d’obtenir l’intervention de toutes les parties, afin d’assurer la pleine efficacité juridique de l’acte.

En associant tous les enfants dans la réflexion du partage anticipé de la succession future, la donation-partage permet donc une transmission anticipée sereine d’une partie de son patrimoine avec une répartition de biens par enfants.

Les donations avec réserve d’usufruit :

La donation d’un bien avec réserve d’usufruit au profit du donateur permet à celui-ci d’en garder la jouissance (occuper le bien, percevoir les loyers par exemple dans le cas d’un bien immobilier). En contrepartie, il devra en assumer les charges.

L’usufruit réservé par le donateur est valorisé par le Code général des impôts (art.669 CGI) en fonction de l’âge de l’usufruitier au jour de la donation. Cette valorisation dépend de la durée de vie estimée de l’usufruitier : plus l’usufruitier est âgé, moins son usufruit a de la valeur.

Le calcul des droits de donation ne se fera pas sur la valeur de la pleine propriété mais sur la valeur de la nue-propriété (c’est à dire la valeur de la pleine propriété décotée de la valeur de l’usufruit).

En outre, au décès du donateur usufruitier, le donataire devient plein propriétaire. L’extinction de l’usufruit ne donne lieu à aucune imposition (article 1133 CGI).

Exemple

Monsieur Marin âgé de 56 ans a un fils unique. Il souhaite lui transmettre un appartement au bord de mer qui lui sert de résidence secondaire. Cet appartement est valorisé 200.000 €.

En lui donnant seulement la nue-propriété, Monsieur Marin peut continuer à utiliser l’appartement. Au décès de Monsieur Marin son fils deviendra plein propriétaire. Il pourra occuper l’appartement ou décider de le louer ou de le vendre.

Compte tenu de l’âge de Monsieur Marin au jour de la donation, la valeur de son usufruit est de 50%, donc la valeur de la nue-propriété de 50%, soit 100.000€.

En application de l’abattement de droit commun, aucun droit de donation ne sera du comme nous le verrons plus loin.

La valeur de l’usufruit réservé par Monsieur Marin ne sera jamais fiscalisée.

Si le bien donné est amené à être vendu, la réserve d’usufruit porte alors sur une somme d’argent. L’usufruitier détient alors un quasi-usufruit sur le prix de cession sauf à ce que celui-ci soit réemployé dans un nouveau bien démembré.

la particularité d’une donation à un héritier

Lorsque l’on donne à une personne qui est également son héritier, la donation peut être soumise à deux traitements spécifiques :

le rapport civil à la succession : l’égalité entre héritiers

Par principe, une donation en faveur d’un héritier est dite sur part successorale.

Ainsi la donation dont a bénéficié l’héritier ne vient pas en plus de sa part sur la succession mais est comprise dans cette part.

Il en est ainsi des donations simples et des dons manuels lorsqu’ils sont consentis à des héritiers présomptifs, sauf clause contraire.

Pour s’assurer de l’équité entre héritiers, on rajoute comptablement les donations réalisées à la masse successorale lors du décès du donateur. On parle de rapport à la succession.

Les biens donnés sont rapportés pour leur valeur au jour du partage de la succession (et non de la donation) et selon l’état du bien au jour de la donation (Art. 860 Code civ.). En ce sens, il faut tenir compte des moins ou plus-values éventuelles (sauf celles qui seraient dues à l’action du donataire : travaux d’amélioration…).

Pour les donations de sommes d’argent (Art. 860-1 Code civ.), on tient compte de la valeur donnée sans revalorisation. Si cette somme a été réinvestie dans un bien, on retient la valeur de ce bien au jour du partage successoral.

Il est possible d’avantager un héritier en spécifiant que la donation est faite hors part successorale ou avec dispense de rapport (dans la limite de la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires comme nous allons le voir).

Dans ce cas, cette donation vient en plus de sa part successorale. Elle n’est pas rapportée à la succession.

Le don manuel, normalement rapportable, peut être réalisé hors part successorale. Dans ce cas, il est accompagné d’une convention sous seing privé (pacte adjoint) contenant une clause relative à l’absence de rapport du don dans la succession du donateur.

Cet écrit permet également de prouver l’existence du don manuel. En revanche, il est important d’être vigilent sur la rédaction de ce texte. Effectivement, la convention ne doit pas réaliser en elle-même la donation, au risque que le don soit annulé pour vice de forme (article 931 C. civ.).

La donation-partage est par principe considérée comme non-rapportable. De plus, elle fige les valeurs données au jour de la donation permettant de maintenir une égalité entre les héritiers par rapport aux valeurs futurs des biens donnés.

Exemple

Monsieur Marin consent une donation de sommes d’argent de 100.000 € à chacun de ses deux enfants Alain et Marie.

Au décès de Monsieur Marin, son patrimoine n’est composé que de sa résidence principale de 200.000 €. Ses seuls héritiers sont ses deux enfants.

On s’interroge concernant le traitement des sommes transmises par donation aux enfants :

  • Alain a dépensé progressivement l’intégralité de la somme au casino
  • Marie a acheté un appartement dont la valeur au jour du décès a doublé (200.000 €). Marie a donc réalisé une plus-value de 100.000€.

Si Monsieur Marin a consenti deux donations simples ou deux dons manuels déclarés, ils sont rapportables à la masse successorale à son décès pour leur valeur au jour du partage de la succession.

Ainsi, on rajoute à la masse successorale une valeur de 200.000 € pour la donation faite à Marie (valeur de l’appartement au jour du décès) et 100.000 € pour celle faite à Alain (pour une somme d’argent sans réinvestissement, valorisation au jour de la donation). La masse successorale globale est de 500.000 € (200.000 € de bien existant dans le patrimoine de Monsieur Marin, 200.000 € pour la donation de Marie et 100.000 € pour la donation d’Alain).

Les enfants ont droit à la moitié chacun soit 250.000 €.

On impute sur la part successorale de chacun la donation réalisée en leur faveur puisqu’elle a été faite sur part successorale.

Part de Marie : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 200.000 €
Part d’héritage de Marie sur les biens existants à la succession : 50.000 €

Part d’Alain : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 100.000 €
Part d’héritage d’Alain sur les biens existants à la succession : 150.000 €

L’équité entre héritier est respectée sur la masse successorale globale de 500.000 € mais Alain profite du bon investissement de Marie puisqu’il perçoit 100.000 € de plus que sa sœur sur la valeur des biens de la succession.

Si Monsieur Marin avait consenti une donation-partage à ses deux enfants, la situation serait totalement différente. La donation-partage n’est pas rapportable à la succession et fige les valeurs au jour de la donation.

La masse successorale globale est alors de 200.000 € que les deux enfants se partagent par moitié soit 100.000 € chacun.

Ils ont par ailleurs reçu 100.000 € chacun lors de la donation-partage. Cette donation-partage n’est pas rapportée à la succession pour le calcul de la masse successorale et les valeurs sont dans tous les cas figés à celles de la donation, soit 100.000 € chacun.

le risque de réduction : quelles sont les limites à la liberté de transmission ?

Certains héritiers ont droit à une part minimale du patrimoine du défunt : les enfants et le conjoint en l’absence d’enfant. Ils sont dits héritiers réservataires.

La part incompressible à laquelle ont droit ces héritiers est nommée réserve héréditaire.

Le reste du patrimoine est la quotité disponible. Le donateur est libre d’en disposer comme il le souhaite. Il peut donner l’équivalent de la quotité disponible à un non-héritier, à un héritier non réservataire, ou à un héritier réservataire pour l’avantager au-delà de sa part réservataire par une donation hors part successorale.

En présence d’enfant, les parts réservataires et la quotité disponible sont les suivantes :

En présence de :Réserve héréditaireQuotité disponible ordinaire
1 enfant1/21/2
2 enfants2/3 (soit 1/3 par enfant)1/3
3 enfants et plus3/4 (que se partage les enfants)1/4
En l’absence d’enfant, le conjoint est réservataire pour ¼ du patrimoine.

Pour calculer la valeur de la part réservataire, on tient compte de la masse des biens au jour du décès mais également des donations que le donateur a pu réaliser de son vivant, de manière à reconstituer le patrimoine global du défunt.

La valeur des biens pris en compte est celle du jour de la succession d’après leur état au jour de la donation (art. 922 Code civ.).

Si le patrimoine existant au décès est insuffisant pour assurer la réserve héréditaire, les différentes dispositions à titre gratuit qu’a pu réaliser le défunt peuvent être réduites à la demande des héritiers réservataires. On parle d’action en réduction.

Les legs (dispositions à cause de mort, testament) sont réduits en premier puis les donations des plus récentes aux plus anciennes.

comment transmettre son patrimoine à moindres frais ?

Tous les dons et donations sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Les droits sont calculés sur la valeur des biens reçus pour chaque donataire par chaque donateur.

La donation-partage est également soumise aux droits de donation, et le droit de partage (2,5%) ne s’applique pas (le droit de partage s’appliquerait éventuellement, si le partage avait lieu ultérieurement dans un acte séparé).

Il est néanmoins possible d’optimiser la fiscalité des donations.

quel montant peut-on donner sans imposition ?

Les donations consenties à hauteur de l’abattement applicable s’effectuent en franchise d’impôts.

Donation au profit des enfants

 

Donner le plus tôt possible pour renouveler l’exonération à hauteur des abattements :

L’abattement de droit commun d’un montant de 100.000€ par parent par enfant est renouvelable tous les 15 ans.

Cet abattement est le même que celui pour les transmissions par succession.

Ainsi si l’abattement a été intégralement utilisé au cours d’une donation et si le donateur décède moins de 15 ans après la donation, le patrimoine transmis par succession au donataire ne pourra pas bénéficier de l’abattement de droit commun (qui sera complètement épuisé).

Une bonne stratégie patrimoniale passera donc par une bonne anticipation.

Éviter de donner après 80 ans :

L’abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par parent et par enfant, est renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un parent de moins de 80 ans au profit d’un enfant majeur.

Un nouvel abattement jusqu’au 30 juin 2021 :

Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par parent (quel que soit le nombre de donataires), non renouvelable :

Il s’applique sur les donations de sommes d’argent en pleine propriété consenties entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 (Article 19 de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020).

Afin de bénéficier de cet abattement, le donataire doit utiliser les fonds pour financer :

  • la construction de sa résidence principale (et non l’acquisition de sa résidence principale).
  • des travaux énergétiques concernant sa résidence principale éligibles à la prime de transition énergétique.
  • la création ou le développement d’une petite entreprise (via la souscription au capital initial ou les  augmentations de capital). L’entreprise doit avoir moins de 50 salariés, ne doit pas avoir distribué de bénéfices et avoir un bilan inférieur à 10 millions d’euros. La direction de l’entreprise doit être exercée pendant trois ans par le donataire.

Ces investissements ne doivent pas avoir bénéficié d’autres avantages fiscaux.

La somme d’argent donnée doit être utilisée dans un délai de trois mois à compter du versement.

Donations au profit des petits-enfants :

  • Abattement de droit commun d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sans condition.
  • Abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un grand-parent de moins de 80 ans au profit d’un petit-enfant majeur.
  • Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par donateur (quel que soit le nombre de donataires) et non renouvelable consentis en pleine propriété entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, sous les mêmes conditions ci-dessus détaillées pour les enfants.

Les donations aux petits-enfants sont fiscalement opportunes dans la mesure où il n’existe aucun abattement applicable aux transmissions par succession au profit des petits-enfants venant de leur propre chef, à l’exclusion de l’abattement par défaut d’un montant de 1.594 € par bénéficiaire.

En outre, un abattement spécifique et personnel pour les donataires en situation de handicap peut également s’ajouter (d’un montant de 159.325 €, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions).

le barème progressif applicable au-delà de l’abattement

Lorsque le montant transmis par donateur pour chaque donataire dépasse l’abattement, un barème progressif s’applique.

Ce barème dépend du lien de parenté entre donateur et donataire.

En ligne directe (enfants et petits-enfants), le barème est le suivant :

Part taxable après abattement Taux d'imposition
Moins de 8.072 €5%
Entre 8.072 € et 12.109 €10%
Entre 12.109 € et 15.932 €15%
Entre 15.932 € et 552.324 €20%
Entre 552.324 € et 902.838 €30%
Entre 902.838 € et 1.805.677 €40%
Supérieure à 1.805.677 €45%

Comme les abattements, les tranches se renouvellent actuellement tous les 15 ans.

Ainsi, concernant les donations aux enfants, plus la première transmission par donation a été consentie tôt, plus les abattements et les tranches du barème pourront se reconstituer pour une nouvelle donation ou pour la transmission par succession du donateur.

La donation avec réserve d’usufruit permet également de réduire l’imposition globale puisque seule la nue-propriété est imposée comme nous l’avons vu.
Les donations participent ainsi à l’optimisation fiscale de la succession tout en permettant d’aider ses proches de son vivant. Comparativement, l’assurance-vie, souvent utilisée pour réduire les droits de succession, ne permet pas de transmettre de son vivant et ne constitue pas une aide familiale immédiate. Les donations sont des techniques complémentaires qui gagneraient à être davantage employées.

 

Les donations sont un outil patrimonial pertinent pour anticiper sa transmission, en réduire le coût fiscal, mais également dans un objectif d’aide familiale et intergénérationnelle. Il reste néanmoins nécessaire de bien choisir le type de donation que l’on réalise afin que ses effets économiques et civils correspondent aux objectifs souhaités. Le rôle du conseiller patrimonial est ici essentiel.

Auteur
Charlotte MÂLON

Notaire collaborateur et formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Qu’est-ce qu’une donation indirecte, une donation déguisée ? Quelles sont les situations concernées et les risques ?   Paradoxalement, les donations déguisées et indirectes procèdent d’actes juridiques qui ne revêtent pas, à l’origine, la forme d’une donation. Il s’agit par exemple d’un acte de vente immobilière, d’un contrat de prêt ou d’une stipulation pour autrui, qui, sous certaines conditions, peuvent être considérés comme une donation par l’administration fiscale et la jurisprudence. Les donations indirectes et les donations déguisées ont des particularités communes en termes :

  • De forme :

Elles échappent en effet à la règle de forme prévue à l’article 931 du Code civil qui dicte que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats… » mais sont pourtant validées par la jurisprudence et l’administration fiscale (Cass. Req. 2-4-1823, Cass. Req., 1er juin 1932, Cass. Civ. 1e, 26-4-1984, Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553).

  • De fond :

Bien qu’elles procèdent d’un acte réel dans lequel la volonté de donner n’est pas exprimée, elles ont cependant toutes les caractéristiques des libéralités (C. civ. Art. 893, 894) :

  1. un appauvrissement du donateur
  2. un enrichissement du donataire
  3. une intention libérale.

Leur objectif commun est donc de procurer un avantage patrimonial, qui se traduit par une économie d’impôt et/ou un enrichissement profitant à l’une des parties au contrat ou aux deux simultanément.

Elles obéissent toutes deux aux règles de fond qui régissent les libéralités, elles sont donc présumées rapportables (C.civ. art.843 ss) et réductibles (C.civ. art.921 ss), la preuve pouvant être apportée par tous moyens par les co-héritiers qui veulent en obtenir le rapport et/ou la réduction.

Fiscalement, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit (CGI art. 777 ss), au même titre que toutes les donations.

Elles sont irrévocables sauf les exceptions prévues par la loi :

  • inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites,
  • ingratitude du donataire,
  • survenance d’enfants chez le donateur (C.civ. art 953 ss), sauf les donations de biens présents entre époux (C.civ. 1096, al.3).

Mais les similitudes s’arrêtent là. Bien qu’en pratique, ces deux types de donation peuvent paraître proches, elles sont bien distinctes et ne doivent pas être confondues.

En effet, si la donation indirecte « est enveloppée d’un persistant mystère » ( R. Libchaber, Pour une redéfinition de la donation indirecte, 30.12.2000, Ed. Defrénois), la donation déguisée est plus facilement identifiable en ce qu’elle masque sous un acte apparent la véritable intention de donner du disposant.

qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Citée aux articles 911 ou 1832-1 du Code civil, la donation déguisée est constamment validée par la jurisprudence, qui précise : « les libéralités faites sous couvert d’actes à titre onéreux sont valables si elles réunissent les conditions de forme des actes dont elles empruntent l’apparence et si les règles de fond auxquelles elles sont assujetties sont propres aux actes à titre gratuit » (Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63).

le régime juridique des donation déguisées

La donation déguisée prend la forme d’un acte à titre onéreux mais cache en réalité une libéralité, c’est-à-dire un acte à titre gratuit. La donation déguisée a donc pour particularité de respecter à la fois :

  • les conditions de forme propres à l’acte à titre onéreux qui masque en réalité la libéralité.
  • les conditions de fond propres aux donations entre vifs, comme nous l’avons précédemment indiqué.

L’acte ne révèle aucune intention de donner mais satisfait néanmoins à toutes les conditions de fond pour être considéré comme une donation. Exemple de donation déguisée la plus courante : Une personne vend un bien à une autre, laquelle ne paiera jamais le prix, soit parce qu’il n’est jamais versé par l’acheteur, soit parce qu’il est secrètement remboursé à ce dernier (Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701).   Les deux fondements d’une donation déguisée sont donc :

Par exemple, une reconnaissance de dette qui stipule bien que la dette existe mais qui dissimule en réalité une donation.

  • l’intention libérale d’une des parties.

Ces preuves de validité, déguisement de l’acte et intention libérale, doivent être établies par celui qui les allègue et dépendront de l’appréciation des juges du fonds. Les motifs d’une donation déguisée peuvent être d’ordre :

  • successoral : avantager ou léser un futur héritier ou un futur légataire
  • ou fiscal : échapper aux droits de mutation à titre gratuit plus élevés que ceux auxquels l’acte de vente apparent serait soumis.

Exemples :

Une tante, âgée de 90 ans, vend à son neveu qui est son légataire universel, sa résidence principale avec une réserve d’habitation viagère pour le prix de 121.959 € converti en rente viagère d’un montant annuel de 25.611 €. Elle décède deux mois plus tard. L’administration fiscale a requalifié l’acte de vente en donation déguisée et exigé le paiement des droits de donation ainsi qu’une pénalité de 80 % sur le montant des droits dus.

En effet, le neveu avait vocation à recevoir la maison moyennant le paiement de droits de succession de 55 % et les trois premiers chèques correspondant à la rente n’ont été présentés qu’après le décès de cette dernière (Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345).

Vente fictive d’un bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant, l’enfant ne payant jamais le prix convenu dans l’acte de vente. Les frais d’acte sont d’environ 36.300 €.

La donation du même bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant entraînerait des droits de mutation à titre gratuit de 78.194 € (en tenant compte de l’abattement de droit commun en ligne directe de 100.000 €).

Le régime fiscal des donation déguisées

Si la donation déguisée est avérée, l’imposition aux droits de donation n’est pas systématique. L’acte est d’abord imposé conformément à sa nature, selon le régime fiscal dit de l’acte apparent (vente, prêt …).

Si les montants concernés sont significatifs, l’administration fiscale peut également imposer l’opération au régime fiscal des donations.

La donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droit par simulation (LPF, art. L 64).

Cette procédure est mise en œuvre à l’initiative de l’administration.

L’article L 64 du Livre des procédures fiscales vise les actes constitutifs d’un abus de droit que sont notamment les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation).

L’acte rend donc exigible les droits de mutation à titre gratuit et l’intérêt de retard de 0,20 % (CGI, art. 777, 1727).

Outre les droits de mutation à titre gratuit, la donation déguisée peut également être  sanctionnée au titre de l’abus de droit par une pénalité égale à 80 % des droits rappelés et ramenée à 40 % s’il « n’est pas établi que le  contribuable est l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit.»( CGI, art. 1729,  BOI-CF-INF-10-20-20 , n° 80).

Ces risques de requalification sont par ailleurs accrus par la mise en place de la nouvelle notion d’abus de droit de l’article L64 A du LPF, concernant les actes réalisés depuis le 1er janvier 2020 dans un but principalement fiscal et non « exclusivement ».

Si l’administration et le contribuable sont en désaccord sur les rectifications, le litige est soumis au comité de l’abus de droit fiscal (CADF). Quel que soit l’avis rendu par le CADF, la charge de la preuve incombe à l’administration depuis le 1er janvier 2019 (LPF, art. L 192). Pour les rectifications opérées avant le 1er janvier 2019, c’est le contribuable qui supporte la charge de la preuve.

En dernier ressort et en cas de refus par le contribuable d’accepter les rectifications proposées par l’administration, ce sont les tribunaux judiciaires qui tranchent le litige.

qu’est-ce qu’une donation indirecte ?

Le Code civil fait référence à la donation indirecte dans plusieurs articles sans pour autant la définir (C.civ. art. 843, 853, 920,1099).

Si la donation déguisée repose sur un mensonge (Cass. 1e civ., 26-4-1984, n° 82-16.933), la donation indirecte repose sur un acte réel et sincère autre qu’une donation, lequel acte ne cache pas l’avantage patrimonial consenti dans une intention libérale par l’une des parties au profit de l’autre partie au contrat.

La seule cause de validité d’une donation indirecte est donc « une intention de donner, matérialisée autrement que par les formes répertoriées des donations non solennelles, qu’elles soient déguisées ou manuelles » (R. Libchaber, op. cit. supra).

La donation indirecte n’est donc ni un don manuel en ce qu’elle ne se réalise pas par une donation (directe) de la main à la main par simple tradition réelle d’une chose mobilière, ni une donation déguisée en ce qu’elle ne masque pas derrière un acte en apparence onéreux, un acte volontairement gratuit.

A noter : contrairement à la donation déguisée, une donation indirecte peut être consentie à une personne incapable (C.civ. art.911).

Il est donc beaucoup plus complexe de définir ce type de donation et certainement plus parlant de l’appréhender en fonction des actes les plus caractéristiques qu’elle peut revêtir.

acte à titre onéreux déséquilibré et donation indirecte

Ce sont des actes dans lesquels la prestation est volontairement déséquilibrée afin qu’un avantage patrimonial profite à l’un des parties au contrat. Ainsi, dans le cas d’une vente :

  • le prix de vente est majoré afin que la libéralité profite au vendeur.
  • le prix de vente est minoré afin que la libéralité profite à l’acheteur.

Exemple : Une vente dont le prix stipulé dans l’acte est inférieur à la valeur réelle des biens : Deux époux vendent à l’une de leurs deux filles et au mari de celle-ci leur propriété agricole et des terres, à des prix sous-évalués. Au décès du père, la fille lésée demande le rapport à la succession de cette donation indirecte correspondant à la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur réelle (Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926).

paiement pour autrui et donation indirecte

Il s’agit ici de payer à la place d’autrui sans qu’une créance ne soit constatée ni remboursée.

Exemple :

Un époux marié sous le régime de la séparation de biens paie les dettes de son épouse et l’acquisition de trois biens immobiliers au nom de cette dernière. Après le décès de son époux, la veuve ne peut justifier de son engagement à rembourser les sommes en cause, se comporte en propriétaire et aucune créance à son encontre ne figure dans l’actif successoral du défunt (CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87).

En revanche, dans une situation d’acquisition indivise d’immeubles par des époux séparés de biens, grâce aux deniers personnels du mari, il a été considéré que ce financement ne constituait pas une donation indirecte en faveur de l’épouse, faute d’intention libérale, mais une donation rémunératoire non taxable. Les versements faits par l’époux sont considérés comme contrepartie des services rendus par sa femme qui a abandonné sa carrière professionnelle pour s’occuper de son enfant issu d’un premier lit (TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e ch. : RJF 11/06 n° 1472).

Les juges estiment qu’une donation présente un caractère rémunératoire en l’absence d’intention libérale du disposant et consiste donc en la rémunération, par exemple, de la collaboration bénévole au travail du conjoint (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282), de sa contribution aux travaux domestiques si celle-ci a excédé sa part normale aux charges du ménage (Cass. 1e civ. 4-3-1980), des sacrifices professionnels de l’épouse pour soutenir la carrière de son mari (Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD).

remise de dette et donation indirecte

La remise de dette emporte renonciation par le créancier en faveur du débiteur au droit d’exiger en tout ou partie le paiement de la dette. Si elle résulte d’une intention libérale, elle donne ouverture aux droits de mutation à titre gratuit quand elle est acceptée par le débiteur (BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110).

Il en est ainsi par exemple de la remise de dette accordée par un créancier à son débiteur où le donateur accepte de renoncer à ses droits. Le créancier renonçant s’appauvrit dans le même temps que son débiteur s’enrichit par la disparition d’un élément de passif (CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990).

La remise de dette constitue l’extinction d’un droit et non sa transmission actuelle et irrévocable. Pour autant, elle peut être constitutive d’une donation indirecte.

La jurisprudence précise ainsi que la remise de dette, même à titre gratuit, « repose sur l’extinction d’un droit et non sur la transmission actuelle de biens, avec dessaisissement qui constitue la donation entre vifs proprement dite » (Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454).

renonciation à un droit et donation indirecte

Il existe deux catégories de renonciation :

  • La renonciation abdicative

C’est la renonciation à un droit faite sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit.

Elle ne constitue pas une donation (Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149).

  • La renonciation translative

Cette renonciation est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne.

Elle est constitutive d’une donation indirecte.

Exemples :

Renonciation à un usufruit :

Des parents donnent la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants. Dix-huit mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit de sorte que les enfants, devenus pleins propriétaires, perçoivent les loyers. Les juges ont estimé que cette renonciation à usufruit procédant d’une intention libérale, était un acte translatif de l’usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation (Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729).

En revanche, l’usufruitier qui renoncerait à son droit d’usufruit parce que celui-ci est grevé de charges et ne lui apporte aucun gain tangible, ne réaliserait pas une libéralité (R. Libchaber, op.cit. supra).

Renonciation à un legs :

Une personne renonce au legs que lui a consenti sa sœur défunte au profit de sa seconde sœur dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu par le legs fait en sa faveur. « Ainsi, c’est bien en se fondant sur l’intention libérale de l’auteur de l’acte que la cour d’appel lui a attribué le caractère d’une libéralité.» (Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554).

Renonciation au bénéfice d’une succession :

En principe, la renonciation à succession ne peut être qualifiée de donation indirecte sauf à prouver l’intention libérale du renonçant (C.civ., art. 804 ss, Cass. 1e civ. 16-3-1999).

Mais la jurisprudence peut requalifier une renonciation à succession en donation indirecte.

Exemple :

Une personne décède, laissant pour cohéritiers, sa sœur et ses neveux. La sœur de la défunte renonce à la succession, substantielle, au profit de ses neveux avant de décéder elle-même. Cette intention libérale exorbitante au profit de ses neveux s’expliquant par « la mésintelligence qui, depuis de nombreuses années, régnait entre sa fille et elle, la cour a ainsi caractérisé l’existence d’une donation indirecte. » (Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier).

La renonciation à un droit a pour particularité de ne pas transmettre ce droit lui-même puisqu’il est éteint par la renonciation elle-même. Mais cette opération peut néanmoins relever d’une intention libérale.

Il faut donc systématiquement apporter la preuve qu’il y a bien eu volonté de donner, une renonciation n’étant jamais explicite quant aux intentions dont elle procède.

En effet, l’existence d’une donation indirecte implique que les conditions définies à l’article 894 du Code civil soient réunies (intention de donner, dessaisissement irrévocable du donateur et acceptation du donataire).

Il suffit que la preuve de l’une de ces conditions ne soit pas rapportée pour que la qualification de donation indirecte soit écartée. 

donation indirecte et stipulation pour autrui

Les risques de donation indirecte dans le cas de stipulation pour autrui concernent principalement l’assurance-vie et les contrats de fiducie.

Assurance vie et donation indirecte

En principe, la souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat exclut qu’il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l’article 894 du code civil.

Mais un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation indirecte s’il est prouvé que le souscripteur souhaitait se dépouiller de manière irrévocable au profit du bénéficiaire.

Une telle requalification implique d’établir :

  • un défaut d’aléa dans les rapports entre le souscripteur et le bénéficiaire au moment de la rédaction de la clause bénéficiaire, le décès de l’assuré étant la seule cause possible du dénouement du contrat
  • que les éléments constitutifs d’une donation (intention libérale, dépouillement irrévocable du souscripteur et acceptation du bénéficiaire) sont réunis (Memento Francis Lefebvre, successions et libéralités, 2021, Ed. Francis Lefebvre, n° 45315).

Ces risques peuvent survenir entre autres dans les situations suivantes :

Requalification en donation indirecte de contrats co-souscrits par des époux avec des fonds communs et non dénoués au premier décès :

Depuis le 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des deniers communs et non dénoué au décès du premier époux, n’est pas intégrée, au plan fiscal, à l’actif de la communauté (RM CIOT, n° 78192, 23-2-16, BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380).

Cependant, sur un plan civil, la moitié de la valeur de rachat du contrat doit être rapportée à la succession (Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383).

Si le partage successoral n’est pas fait, un risque de requalification en donation indirecte au profit du survivant des époux est encouru.

Requalification en donation indirecte de contrats non acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Les juges ont constaté ici une « absence d’aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat », l’imminence du décès du souscripteur, et la volonté de ce dernier de transmettre irrévocablement et immédiatement le capital du contrat à sa légataire.

  • Une personne âgée de 102 ans, effectue deux versements de 750.000 € quelques mois avant son décès. La cour d’appel de Versailles a constaté le « caractère illusoire ou purement théorique de la faculté de rachat et la volonté de se dépouiller irrévocablement» (CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376).

L’acceptation postérieure au décès ne fait pas obstacle à la requalification du contrat en donation indirecte et à son imposition aux droits de mutation à titre gratuit (CGI, art 784).

Requalification en donation indirecte de contrats acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Le contrat d’assurance vie peut être également requalifié en donation indirecte si le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat en donnant simultanément son accord à l’acceptation du bénéficiaire.

Il est ici important de tenir compte de la date d’acceptation du bénéfice du contrat :

  • Le bénéfice du contrat a été accepté avant le 18 décembre 2007:

Dans ce cas, le souscripteur conserve son droit de rachat sauf à avoir renoncé expressément à ce droit (Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934). Il ne se dessaisit pas alors irrévocablement des actifs du contrat même après l’acceptation du bénéficiaire.

Exemple :

Un époux souscrit des contrats d’assurance vie dont la bénéficiaire est sa maîtresse qui accepte le bénéfice du contrat. Par écrit, il consent dans le même temps à l’acceptation par la bénéficiaire. Au décès de celui-ci, son épouse demande la requalification des contrats d’assurance vie en donation indirecte. La Cour de cassation casse l’arrêt qui requalifie les contrats d’assurance en donation indirecte car, même si le bénéfice avait été accepté, le souscripteur conservait son droit de rachat et ne se dépouillait donc pas de manière irrévocable (Cass.1e civ. 20-11-2019, N° 16-15.867).

  • Le bénéfice du contrat a été accepté depuis le 18 décembre 2007:

Le souscripteur perd sa faculté de rachat s’il a donné son accord à l’acceptation du bénéficiaire (Code des assurances art L 132-9,I-al.1, loi 2007-1775 du 17-12-2007).

Ainsi, si le souscripteur donne son accord à l’acceptation du bénéficiaire, il renonce à son droit de rachat ce qui permet de requalifier plus facilement un contrat d’assurance vie en donation indirecte.

Renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance vie par le bénéficiaire après le décès du souscripteur :

La renonciation au bénéfice du contrat doit nécessairement être expresse. Elle conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et est totalement indépendante de la renonciation à la succession du défunt. En principe, elle ne constitue pas une donation.

Une réponse ministérielle précise ainsi que « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026).

La renonciation au bénéfice du contrat doit pour cela être pure et simple : « Je renonce au bénéfice du contrat… ».

L’expression « Je renonce au profit de… »  constituerait une renonciation translative témoignant de la volonté de donner du bénéficiaire renonçant et conduirait à une requalification fiscale en donation indirecte.

  • Fiducie et donation indirecte

« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. » (C.civ. art. 2011)

Le contrat de fiducie permet donc à une personne, dite constituant, de transférer une partie de son patrimoine à une personne physique ou morale, dit fiduciaire. Ce dernier est en charge de gérer ces actifs au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

Reconnue en France depuis 2007, la fiducie permet de gérer un patrimoine en faveur d’un bénéficiaire, comme un enfant handicapé par exemple, ou est utilisée pour garantir un créancier. A la différence des pays anglo-saxons, elle ne peut pas être utilisée en France dans un objectif de transmission.

Ainsi, « le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public. » (C.civ. art. 2013)

Dans les cas où l’intention libérale est prouvée, les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent sur la valeur des biens, droits ou fruits ainsi transférés, appréciée à la date de ce transfert. Ils sont liquidés selon le tarif applicable entre personnes non parentes mentionné au tableau III de l’article 777 du CGI (article 792 bis du CGI).

Si la donation déguisée repose sur un acte sciemment mensonger, son auteur étant  supposé en connaître les risques et les conséquences tant juridiques que fiscaux, la donation indirecte peut s’accomplir sans que ne soit « préméditée » par son protagoniste une intention libérale ou une fraude à la loi.

La donation indirecte peut en effet résulter d’un acte tout aussi anodin qu’ambivalent que la renonciation à un droit ou la stipulation pour autrui. Ces actes neutres par excellence, ni onéreux, ni gratuits, peuvent donc constituer ou non le vecteur d’une volonté libérale, sans que le renonçant ou le stipulant ait eu une quelconque intention de donner.

Le rôle du conseil patrimonial est donc d’analyser en amont l’acte envisagé par son client, ses motivations et objectifs, d’en déduire un constat, et enfin de le conseiller afin de prévenir tout risque de requalification par l’administration et/ou les tribunaux.

Auteur

Jean-Guy Pécresse    

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Sources :

Code des assurances

  • Art. L 132-9

Code civil

  • Art. 804 ss
  • Art. 843
  • Art. 853
  • Art. 893
  • Art. 894
  • Art. 911
  • Art. 931
  • Art. 1044
  • Art. 1096
  • Art. 1099
  • Art. 1205
  • Art. 2011
  • Art. 2013

Code général des impôts

  • Art. 792 bis
  • Art.  1727
  • Art. 1729

Livre des procédures fiscales

  • Art. L 64
  • Art. L 64 A
  • Art. L 192

Jurisprudence

  • Cass. Req. 2-4-1823
  • Cass. Req., 1er juin 1932
  • Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553
  • Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63
  • Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701
  • Cass. 1e civ. 26 avril 1984, n° 82-16.933
  • Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345
  • Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926
  • Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282
  • Cass. 1e civ. 4-3-1980
  • Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD
  • Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149
  • Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729
  • Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999
  • Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier
  • Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383
  • Cass. ch. mixte, 21-12-2007, n° 06-12.769
  • Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934
  • CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87
  • CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990
  • CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376
  • TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e Ch. : RJF 11/06 n° 147
  • BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110
  • BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380
  • RM CIOT, n° 78192, 23-2-16
  • Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026