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Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Les stratégies obligataires « buy and hold » sont revenus au goût du jour avec l’augmentation des taux d’intérêt.
De quoi s’agit-il ? Quels sont les principes et les risques ?

 

Dans un environnement de taux bas et même négatifs à court terme depuis 2014 en zone euro, les stratégies obligataires ont été quelque peu délaissées au profit des investissement en actions.

Le rendement des obligations est en effet dépendant du niveau global des taux d’intérêt du marché et donc des taux directeurs des banques centrales.

Toute la période de baisse des taux entamée depuis le début des années 1980 et accentuée à partir de 2014 a pu être intéressante d’un point de vue obligataire compte tenu de la hausse des cours. En effet, si les taux d’intérêt baissent, mécaniquement les cours montent.

 

 

Mais une fois cette baisse des taux achevée, le maintien de leur niveau relativement bas est devenu beaucoup moins propice à l’investissement obligataire.

Ces taux bas ont permis aux agents économiques (ménage, entreprises, Etats) de se financer à des coûts relativement faibles.

Parallèlement, les prêteurs, banques mais aussi émetteurs obligataires, étaient peu rémunérés. L’investisseur en obligations achetant le titre obligataire à l’émission ou en cours de vie recevait en tant que prêteur une maigre rémunération, compte tenu du faible niveau des taux d’intérêt (Taux à 10 ans (OAT Obligation Assimilable du Trésor) en France à 0 % au 30 novembre 2021).

A l’inverse, le marché actions a bénéficié de ces taux d’intérêt relativement bas et il a été privilégiés par les sociétés de gestion, fonds d’investissement et particuliers. Même les investisseurs institutionnels se sont quelque peu détournés du marché obligataire et ont recherché à indexer leurs actifs sur le marché actions en se protégeant de la volatilité soit par des supports dits structurés ou via le Private Equity.

La hausse des taux d’intérêt que nous connaissons depuis janvier 2022 commence à changer la donne et à redonner un nouvel intérêt aux obligations.

Les taux à 10 ans en France sont en effet passés de 0 % fin 2021 à 3 % en janvier 2023 et les rendements des obligations d’entreprises les mieux notées dites Investment Grade (notations Standard & Poor’s entre AAA et BBB-) sont en moyenne de 4 % dans la zone euro début janvier, commençant à offrir des rémunérations plus intéressantes.

Les investisseurs deviennent ainsi plus sensibles au rendement du marché obligataire, puisque celui-ci est plus rémunérateur qu’auparavant.

Pressentant ce nouvel intérêt, de nombreuses sociétés de gestion ont saisi les opportunités de hausse de taux pour créer des fonds d’investissement obligataire dits « Buy and Hold ».

De quoi s’agit-il et quels sont les effets de la hausse des taux sur cette stratégie d’investissement ?

 

SOMMAIRE

  • Buy and hold : une stratégie d’investissement dite passive
  • La stratégie Buy and Hold dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt

 

Buy and hold : une stratégie d’investissement dite passive

 

L’investissement « buy and hold » peut sembler une stratégie de conservation passive. Il nécessite pour autant une sélection obligataire rigoureuse et un suivi permanent.

 

 

Buy and hold : le principe

 

La gestion « buy and hold », littéralement « acheter et garder », consiste à acheter des titres obligataires dans l’objectif de les conserver jusqu’à leur échéance. On parle aussi de fonds obligataire à échéance ou fonds obligataire daté.

Cette stratégie permet :

  • de percevoir les coupons obligataires pendant la période d’investissement dite de portage.
  • de réaliser éventuellement une plus-value si l’obligation a pu être achetée à un cours plus bas que celui de son émission et donc de son échéance, la plupart des obligations étant remboursées à leurs prix d’émission. Il est possible de bénéficier également d’une prime de remboursement si celle-ci est prévue au contrat obligataire (remboursement à un prix plus élevé que celui de l’émission).

Ce type de gestion est à différencier des stratégies dites actives qui vont régulièrement acheter et vendre des obligations à la recherche de rendement et de plus-values, se basant sur des perspectives d’évolution des taux par durée ou sur l’amélioration de la situation financière des émetteurs.

 

 
Rendement et risques des obligations :

 

Le rendement d’une obligation se mesure de manière la plus simple par le rendement courant égal au rapport entre le coupon et le cours de l’obligation. Le rendement évolue donc dans le temps avec le cours de l’obligation.

De manière plus complexe et plus précise, on calcule également le rendement actuariel à l’échéance (yield to maturity) prenant en compte les coupons, la durée jusqu’au terme mais aussi le réinvestissement des coupons pendant la période d’investissement.

Les obligations sont soumises à plusieurs types de risques :

  • Le risque de défaut en cas de faillite de l’émetteur. Les agences de notation (Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch) attribuent une cotation différente à chaque titre obligataire qu’elles analysent (de AAA pour les meilleures notations à D pour les plus mauvaises chez Standard & poor’s par exemple) et font référence dans le classement de solvabilité des émetteurs.
  • Le risque de variation des taux d’intérêt: si les taux du marché augmentent, les cours des obligations déjà émises baissent et inversement.
    On mesure ce risque par le taux de sensibilité de l’obligation (variation du cours de l’obligation pour la variation d’un point de base de taux d’intérêt) mais aussi par la duration (durée nécessaire pour que la rentabilité de l’obligation grâce aux coupons perçus et réinvestis au taux du marché ne soit plus affectée par une variation des taux d’intérêt). Une obligation zéro coupon qui ne distribue aucun intérêt pendant l’investissement a une duration égale à sa maturité (durée de vie). Une obligation qui distribue des coupons aura une duration d’autant plus grande que l’échéance est lointaine et que ses coupons sont faibles.
  • Le risque de liquidité: certains titres obligataires peuvent ne pas trouver acheteur en cas de vente, en raison d’un marché peu liquide.
  • Le risque de change: si l’obligation est émise dans une autre devise que celle de l’investisseur.

 

La stratégie « Buy and Hold » permet d’éviter le risque de variation des taux d’intérêt si les investissements sont conservés jusqu’à l’échéance mais les risques de défaut, de liquidité et de change, demeurent.

 

Buy and hold : l’importance de la sélection et de son suivi

 

La réussite des stratégies « Buy and Hold » reposent principalement sur leur sélection de titres obligataires.

Cette sélection est différente selon le type d’investisseur concerné :

  • les investisseurs institutionnels privilégient les obligations les moins risquées : obligations souveraines (d’État) les mieux notées ou obligations sécurisées.
  • les investisseurs privés recherchent un rendement plus élevé : les gérants « Buy and Hold » sélectionnent alors des obligations d’entreprises dites Investment Grade (IG) pour les obligations privées les moins risquées (notées AAA à BBB- par Standard & Poor’s) ou High Yield (HY) pour les plus risquées (notées BB+ à D).

Le rendement moyen des obligations Investment Grade en Europe est passé de 0,62 % en décembre 2021 à 3,81 % en novembre 2022. Cette augmentation de taux explique le renouveau d’intérêt que peut connaître cette classe d’actifs.

Les obligations High Yield affichent un rendement de 9 % au niveau mondial en janvier 2023. Elles présentent un rendement plus élevé mais un risque de défaut plus important. Elles sont donc recherchées dans les périodes de bonne santé économique pendant lesquels les taux de défaut moyens du marché sont relativement bas. Leur rendement mais aussi leur niveau de risque augmentent en période de récession.

Le niveau de taux de défaut du marché obligataire et les perspectives d’évolution de ces taux sont donc des éléments clés dans la sélection des stratégies « Buy and Hold ».

Le taux de défaut du marché Investment Grade est évalué à 0,14 % par Moody’s fin 2021. Sur le High Yield, Moody’s prévoit fin novembre 2022 un taux de défaut de 4,5 % sur 12 mois.

Ces taux de défaut sont également différents selon les zones géographiques. Le marché obligataire High Yield européen, composé essentiellement d’obligations notées BB, présente un taux de défaut plus faible que celui du marché américain.

 

La sélection de départ ne suffit pas toujours et il peut être nécessaire de vendre une obligation dont la qualité de l’émetteur se détériore afin de ne pas risquer un défaut de remboursement à terme.

Certaines stratégies, dites « Buy and Maintain », privilégient cette souplesse de gestion pendant la période d’investissement et ne vont pas hésiter à vendre certains titres obligataires avant l’échéance si elles anticipent un risque particulier. Ceci suppose d’acheter également de nouvelles obligations en remplacement, en conservant la durée d’échéance prévue pour la stratégie d’investissement.

 

 

La stratégie Buy and Hold dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt

 

La gestion obligataire « Buy and Hold » permet de bénéficier d’un rendement obligataire plus rémunérateur que par le passé du fait de la hausse des taux d’intérêt. Si cette hausse se poursuit, les stratégies « Buy and Hold » déjà investies peuvent néanmoins subir des baisses de valeur pendant la période de portage.

 

Buy and hold : un moyen de bénéficier d’un contexte de taux plus élevés

 

Les gestions obligataires « Buy and Hold » étaient quelque peu délaissées dans un univers de taux bas. L’augmentation des taux d’intérêt depuis début 2022 permet de constituer des portefeuilles obligataires de portage avec des rendements plus attractifs. Les fonds lancés récemment peuvent présenter ainsi un rendement brut annualisé à maturité de 8 % en investissant sur des obligations High Yield.

Ces stratégies peuvent ainsi devenir des concurrentes de la gestion actions dans le contexte actuel de hausse de la volatilité. Les rendements des obligations High Yield peuvent être proches de celui du marché actions tout en affichant une volatilité historique inférieure.

 

Source : AXA-IM

 

Comme pour tout rendement, il reste nécessaire de comparer les performances au taux d’inflation. Les taux d’inflation sont globalement plus élevés que les taux d’intérêt à ce jour et le rendement réel (rendement brut – taux d’inflation) des stratégies « Buy and Hold », notamment des plus prudentes, peut être négatif. Ces taux de rendement obligataires permettent néanmoins à l’investisseur de compenser une partie de l’inflation et le rendement réel peut par ailleurs augmenter si le taux d’inflation reflue avant l’arrivée du terme du portage.

 

Buy and hold : risque d’une forte augmentation des taux

 

Si les gestions obligataires « buy and hold » permettent de fixer un rendement de portefeuille à maturité, elles restent néanmoins sensibles à la hausse des taux d’intérêt pendant la durée du portage.

Si les taux continuent à augmenter alors que le portefeuille est constitué, la valeur du portefeuille baisse, l’augmentation des taux faisant mécaniquement baisser le cours des obligations déjà émises.

La conservation des obligations en portefeuille jusqu’à leur échéance permet néanmoins de percevoir le rendement escompté, en l’absence de défaut d’émetteur. En ce sens, le portage jusqu’au terme permet de ne pas subir la hausse des taux pendant la période d’investissement.

La stratégie « Buy and Hold » permet en quelques sortes d’affranchir le portefeuille des conséquences de la volatilité du marché à court terme.

Néanmoins, il serait faux de penser que la gestion « Buy and Hold » ne comporte pas ou peu de risque, à part celui de solvabilité des émetteurs.

Le risque de taux existe en cours de vie du portefeuille, comme nous l’avons vu, en cas de cession avant l’échéance. Il est difficile de s’engager sur une stratégie d’investissement à cinq ans ou plus en étant certain de ne pas avoir besoin de liquidité avant.

Aussi, de nombreux fonds « Buy and Hold » répondent à ce besoin de liquidité soit :

  • en le rendant possible : ceci suppose de conserver une poche de liquidité (pesant donc sur la performance et devant être suffisante) ou de couvrir le risque d’augmentation des taux (ce qui a également un coût réduisant le rendement).
  • en freinant les possibilités de rachat : par des frais de sortie dissuasifs avant l’échéance.

 

Il existe également un risque d’opportunité. Si les taux augmentent, il est possible de constituer de nouvelles stratégies « Buy and Hold » présentant des taux plus attractifs que les précédentes. L’investisseur peut avoir intérêt à étaler ses placements dans la durée si on anticipe une période relativement longue de hausse des taux.

Enfin, s’il est difficile d’anticiper le marché à court terme, souvent qualifié de pure spéculation, il est aussi moins aisé d’évaluer les risques à long terme dans un environnement changeant. Une augmentation des risques de défaut des émetteurs doit être prises en compte en cas de très forte récession.

 

 

La stratégie « Buy and Hold » doit, dans tous les cas, correspondre à un profil d’investissement spécifique.

Il est indispensable d’avoir le même horizon d’investissement que la durée de la stratégie « Buy and Hold ». L’investisseur ne doit pas y placer les sommes dont il pourrait avoir besoin avant l’échéance, même si le fonds reste ouvert au rachat, car le risque de taux reste présent en cours d’investissement.

Enfin, le portefeuille obligataire doit être suffisamment diversifié et privilégier la qualité des émetteurs.

Le rôle du conseil en investissement est central pour accompagner son client dans ces stratégies d’investissement.

 

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7