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La tontine : un principe ancien mais un outil patrimonial d’actualité

La tontine : un principe ancien mais un outil patrimonial d’actualité

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

En quoi consiste la tontine ? Quels sont les principes de ce placement, sa fiscalité et son intérêt ? Le point sur cet outil patrimonial ancien mais qui n’a rien perdu de sa pertinence.

 

Dans un monde où la nouveauté se veut trop souvent la réponse à des problématiques complexes, en matière patrimoniale comme dans d’autres contextes, la tontine financière permet de donner de la valeur au temps et peut constituer une réponse pertinente à un environnement financier et patrimonial structurellement instable.

Il faut remonter à 1653 pour trouver les origines de la tontine. C’est en effet sous le règne du jeune roi Louis XIV que Lorenzo Tonti propose une solution originale pour faire face aux difficultés financières que traversait le Royaume de France. Lorenzo Tonti s’inspire alors de l’assurance dotale, qui permettait de financer les dotes de mariage au 15ème et au 16ème siècle en Italie.

Le principe de la tontine était né et la 1ère tontine fut lancée en 1689. Au 19 siècle, en 1841 et 1846, 22 sociétés d’assurance sur la vie à forme tontinière furent créées. Aujourd’hui, elles sont plus rares et on compte en France principalement un groupe spécialisé, Le Conservateur, fondé en 1844.

La tontine repose sur un principe juridique particulier, l’aléa viager et sur une gestion financière spécifique. Par ses caractéristiques, elle constitue un outil patrimonial pertinent dans de nombreuses situations patrimoniales. Explications !

SOMMAIRE

  • Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité
  • Gestion financière de la Tontine
  • Quelques applications patrimoniales de la tontine

 

Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité

La tontine est une association collective d’épargne basée sur l’aléa viager. Sa fiscalité est différente pour les sorties en cas de vie ou en cas de décès.

 

Qu’est-ce que la tontine ?

Juridiquement, La tontine est une association collective d’épargne viagère et est encadrée par les articles R322-139 et suivants du code des assurances.

Dans la pratique la tontine réunit des épargnants qui investissent des fonds en commun pour une durée de 10 à 25 ans. En effet la durée minimale d’adhésion à une tontine est de 10 ans et la durée maximale est de 25 ans.

Un épargnant peut ainsi :

  • adhérer à une tontine l’année de sa création et pour une durée de 25 ans
  • ou bien adhérer à une tontine préexistante et cela pour une durée minimale de 10 ans.

Les fonds placés en tontine sont indisponibles jusqu’à la date de terme choisie librement par l’adhérent.

Au terme de la tontine, les fonds investis augmentés des produits, bénéfices et intérêts sont répartis entre les bénéficiaires des assurés survivants. On retrouve donc dans cet aléa viager le principe originel de la tontine lié à la clause d’accroissement et qui avait porté le concept de l’assurance dotale.

Dans la plupart des cas, l’aléa viager lié à la mécanique même de la tontine est corrigé par l’adhésion facultative à un contrat d’assurance décès qui, en cas de décès (ou d’invalidité), permet de verser le capital assuré aux bénéficiaires désignés au contrat.

Ainsi il est courant de voir deux opérations concomitantes :

  • l’opération d’épargne liée à proprement parler à l’adhésion à la tontine (opération en cas de vie)
  • et une seconde opération facultative, celle de prévoyance par couverture décès (opération en cas de décès).

 

Principe en cas de vie au terme :

 

Principe en cas de décès durant l’adhésion :

Source : Le Conservateur

Dans un schéma de tontine avec assurance décès associée, il est important de souligner qu’il existe plusieurs personnes parties prenantes dans l’opération :

  • L’adhérent : le payeur de la prime d’épargne versée à la tontine
  • L’assuré : la personne physique sur laquelle porte l’aléa de décès
  • Le bénéficiaire en cas de vie : usuellement il s’agit de l’adhérent (devenu sociétaire) afin d’éviter toute libéralité
  • Le/les bénéficiaire(s) en cas de décès : le ou les bénéficiaires des capitaux assurés en cas de décès de l’assuré.

Contrairement à la plupart des opérations d’épargne financière et en particulier à l’assurance-vie, il est possible de dissocier l’adhérent et l’assuré. Cette faculté de dissociation permet d’augmenter considérablement les potentialités de structuration juridique des stratégies patrimoniales.

 

Quelle est la fiscalité de la tontine ?

Du point de vue fiscal, la tontine est régie par les règles de l’article 125-0 A du CGI (fiscalité des enveloppes de capitalisation).

Elle bénéficie donc du même traitement fiscal en cas de vie que l’assurance-vie sur les produits générés c’est-à-dire la fiscalité de la Flat Tax :

  • 12,8% après abattement de 4600 € pour un célibataire ou de 9200 € pour un couple au titre de l’IR (la durée minimale de la tontine étant de 10 ans)
  • et 17,2 % pour les prélèvements sociaux. Les prélèvements sociaux sont prélevés au terme faisant ainsi de la tontine une opération d’épargne neutre fiscalement pendant sa durée.

Au titre de la fiscalité du patrimoine, la tontine était exonérée d’ISF et demeure exonérée d’IFI en raison de la nature des actifs dans lesquels elle investit, exempts d’IFI.

Concernant la fiscalité en cas de décès, les éventuels capitaux transmis en cas de décès de l’assuré dans le cadre du contrat de prévoyance décès/PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) sont exonérés sous réserve du montant de la dernière prime versée au titre de l’assurance décès, taxable dans le cadre de l’article 990 I du CGI (hors cas de dissociation adhérent / assuré et pour un assuré âgé de moins de 70 ans).

 

Autres caractéristiques juridiques importantes de la tontine :

La tontine est insaisissable. Vis-à-vis des créanciers du sociétaire, tant que la tontine n’est pas arrivée à son terme, la condition de survie inhérente à la tontine fait obstacle à toute saisie, selon la Cour de cassation (arrêt du 18 novembre 1997).

La tontine est hors du champ d’application de la loi Sapin 2, qui prévoit la possibilité de gel des rachats sur assurance-vie, sous conditions notamment de contexte économique. La Tontine permet ainsi de planifier à des termes fixes un retour à liquidité de son épargne indépendamment de l’aléa que pourrait constituer la loi Sapin 2.

 

Gestion financière de la Tontine

La gestion financière de la tontine repose sur deux principes permettant son optimisation :

  • Une gestion à horizon déterminée: chaque tontine dispose d’une date de terme connue et certaine. Cette date de terme permet aux gestionnaires d’adapter la structure et la nature des placements en fonction de la durée de vie résiduelle de chacune des tontines (25 tontines différentes par exemple au Conservateur). Ainsi une tontine peut être gérée de manière dynamique en privilégiant les actifs les plus rémunérateurs sur longue période (actions, private equity, immobilier, obligations d’entreprises…) au début de l’investissement. Les actifs dynamiques sont progressivement arbitrés vers des placements plus prudents à l’approche du terme afin de sécuriser la performance acquise et ainsi d’éviter les incidents financiers de fin de période.

 

Principe de gestion financière à horizon de la tontine :

Source : Le Conservateur

 

  • Une gestion sans option de liquidité: l’absence de capacité de rachat sur la tontine évite aux gestionnaires de gérer l’option de liquidité et donc de maintenir des liquidités non-investies ou investies à court terme. Cette absence de liquidité intercalaire permet également d’investir avec sérénité dans des actifs de long terme comme le private equity par exemple et permet d’adopter une approche contracyclique des marchés financiers et cela particulièrement lors des périodes de stress.

Ces deux atouts permettent à la tontine d’afficher à la fois une grande régularité dans ses performances mais également un couple rendement / risque qualitatif et cela sur longue période. La tontine est classée dans la catégorie des placements prudents (SRRI (Synthetic Risk and Reward Indicator) 2/7 ou 3/7). Les performances historiques de la tontine affichent ainsi un gain annuel par rapport à l’inflation (taux réel) de l’ordre de +2% à +4%, y compris pour les tontines ayant connu les derniers chocs inflationnistes des années 70/80. Ces rendements ne préjugent bien sûr pas des performances futures.

Source : Le Conservateur

 

 

Quelques applications patrimoniales de la tontine

La tontine se positionne tout d’abord comme un excellent support de diversification tout en bénéficiant d’un couple rendement/risque favorable comme nous l’avons vu.

Cette opération d’épargne constitue une des réponses aux objectifs patrimoniaux datés de manière précise et de long terme. Elle est également une solution lorsque l’absence de liquidité est assumée, voire recherchée.

 

La tontine : une réponse à la préparation de la retraite ou au financement de la dépendance

Face à l’allongement de la durée de vie nécessitant de se constituer une épargne, tant pour la retraite que pour le financement de l’autonomie et la dépendance, les réflexes de gestion de patrimoine doivent évoluer.

Selon l’INSEE, un couple de 50 ans a plus de 50% de probabilité de voir le dernier vivant dépasser les 100 ans.  Ces éléments poussent logiquement les épargnants ainsi que le législateur (ce fut le cas lors de la création du PER (Plan d’Épargne retraite)) à favoriser les dispositifs d’épargne de long terme.

Dans ce cadre, la tontine répond à un double besoin :

  • planifier des flux futurs à termes connus
  • tout en libérant l’épargnant de la gestion des sommes grâce à une gestion déléguée (en prévision notamment de la possibilité d’une dégradation des capacités cognitives).

Avec un capital constitué, lié par exemple à un arbitrage patrimonial (cession immobilière, vente d’actifs professionnels…), il est possible de décomposer les sommes que l’on souhaite affecter à une stratégie retraite ou dépendance sur différentes tontines, à échéances successives dites « en cascade » (sur 15 ans dans notre exemple).

Les 150 000 € de notre illustration sont ainsi investis par tranche de 10 000 € dans 15 tontines différentes, la première arrivant à échéance dans 10 ans, la plus lointaine dans 25 ans. A compter de la 10ème année, il y aura un retour progressif à la liquidité de l’épargne investie, les plus-values sur les différentes tontines bénéficiant chacune des abattements de 4600€/9200€ (selon les règles fiscales en vigueur).

 

Placement en tontines sur des échéances successives dites « en cascade » :

Source : Le Conservateur

 

 

Au-delà de la création de revenus complémentaires, il est également possible d’adapter, dans un souhait de préparation de la transmission, des clauses bénéficiaires différentes en cas de décès pour chacun des couples tontine/assurance décès.

 

La tontine : un outil pour maîtriser la transmission de patrimoine de son vivant

La transmission du vivant par la mécanique des donations est un thème autour duquel les économistes et le législateur travaillent régulièrement (rapport Tirole-Blanchard par exemple). Mais l’objectif du rajeunissement de la détention du patrimoine se heurte régulièrement à des freins comportementaux de la part des épargnants.

A titre d’illustration, chaque grand-parent peut donner à chaque petit-enfant 31 865€ en toute franchise de droits et cela tous les 15 ans. Mais bien souvent les grands-parents craignent que les sommes qu’ils pourraient transmettre à leurs petits-enfants ne soient dépensées de manière inopportune, dès que le petit-enfant sera majeur.

S’ajoute également le risque qu’en cas de divorce des parents du petit-enfant, l’ex-conjoint ne gère de manière inadaptée les sommes données.

La tontine peut permettre de sécuriser l’acte de donation du vivant du fait de l’indisponibilité, ici recherchée, des sommes données.

Au-delà de ses vertus financières, la tontine, associée à une donation, est un formidable outil permettant de transmettre des capitaux à ses enfants ou à ses petits-enfants, parfois mineurs, tout en planifiant dans le temps la disponibilité des sommes.

Cette stratégie consiste en un don manuel avec la charge pour le donataire d’investir en tontine sur une durée déterminée.

Complémentaire à l’assurance vie, qui demeure un excellent vecteur de transmission au décès de celui qui transmet, cette solution a de nombreux atouts :

  • sur le plan fiscal, les sommes sont souvent données en franchise de droits de donation car dans la limite des abattements légaux applicables (100 000 € parent/enfant et 31 825 € grand-parent/petit-enfant auxquels peuvent s’ajouter, sous condition d’achat, les dons spécifiques de sommes d’argent) qui pourront se reconstituer pour permettre de transmettre à nouveau sans droits (Pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, les abattements se renouvellent tous 15 ans, selon la réglementation actuelle).
  • sur le plan financier, cette période d’indisponibilité est une opportunité pour que les sommes se valorisent dans le temps, dans le cadre de la tontine
  • enfin, le donateur choisit la durée de placement pour la faire correspondre avec l’âge jugé approprié pour que le donataire ait la pleine disponibilité des sommes. En pratique, cela peut correspondre à la majorité de l’enfant, la fin de ses études, l’acquisition d’une résidence principale … Il est possible de prévoir également des flux annuels réguliers de revenus pour l’enfant, grâce à la tontine à échéances en cascade.

 

Donation et transmission contrôlée grâce à la tontine :

Source : Le Conservateur

 

 

La tontine : un support de diversification des placements des sociétés patrimoniales

La détention d’entreprise se fait de plus en plus souvent par le biais de sociétés holding. Les stratégies dites « d’encapsulement » conduisent également assez souvent à conserver une part importante des liquidités au sein de sociétés holding, que ce soit pendant la phase de détention de la société fille (distribution de dividendes) ou dans le cadre d’une cession.

Au-delà des solutions traditionnelles de placement de trésorerie pour les sociétés (sicav monétaire, dépôts à terme, compte-titres…), la tontine est également une réponse qui peut être adaptée à l’horizon long terme des investissements d’une société holding patrimoniale.

Dans ce cas, c’est bien la personne morale qui est l’adhérent de la tontine. De la même manière, c’est bien la personne morale qui en sera bénéficiaire à son échéance.

En revanche, une personne morale ne pouvant être assurée dans le cadre d’une opération sur la vie, il faut obligatoirement que l’aléa viager propre à la tontine repose sur une personne physique. Dans ce cas, l’assuré sera le chef d’entreprise ou un membre de son cercle familial proche.  

Dernière spécificité liée à l’adhésion à une tontine par une personne morale, l’assurance décès devient obligatoire afin d’éviter tout acte anormal de gestion en cas de décès de l’assuré. En cas de vie ou en cas de décès, à minima les capitaux assurés réintègreront les disponibilités de la personne morale.

 

 

Forte de ses particularités, la tontine se révèle être un outil patrimonial original et complémentaire aux solutions d’investissement plus traditionnelles.

Alliée à l’assurance-vie et au PER au sein d’une stratégie retraite, dans le cadre de donations pour une préparation de la transmission, ou encore en diversification pour la gestion de la trésorerie de société patrimoniale, la tontine intègre à sa juste place l’ensemble des stratégies patrimoniales.

 

Auteur

Hélène Collomb

Hélène Collomb est Ingénieur patrimonial, Groupe Le Conservateur, intervenante pour l’ESBanque

Gestion des valeurs mobilières de placement (VMP) : détention directe ou choix d’une structure impôt sur les sociétés (IS)

Gestion des valeurs mobilières de placement (VMP) : détention directe ou choix d’une structure impôt sur les sociétés (IS)

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Vaut-il mieux gérer un portefeuille de valeurs mobilières à  l’IR (Impôt sur le Revenu) ou dans une structure à l’IS (Impôt sur les Sociétés) ? Le point sur les solutions les plus appropriées suivant les objectifs patrimoniaux recherchés.

Optimiser fiscalement le patrimoine financier consiste à réaliser les arbitrages de gestion, le financement du train de vie ainsi que la transmission in fine du patrimoine dans le cadre fiscal le moins onéreux, tout en respectant les objectifs patrimoniaux et familiaux.

S’agissant d’un portefeuille de valeurs mobilières, la fiscalité se trouve le plus souvent être celle de l’impôt sur le revenu (IR) dans la rubrique des plus-values mobilières et/ou des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que celle de l’impôt sur la fortune (IFI) du point de vue du plafonnement de cet impôt.

Néanmoins, un autre cadre fiscal peut également être envisagé : celui de l’IS (Impôt sur les Sociétés). Quelle solution est-alors la plus opportune ? Explications.

 

SOMMAIRE

  • Les hypothèses à considérer
  • In or out : quelles opportunités pour les liquidités surabondantes détenues par une structure holding ?
  • Les différentes observations
  • Conclusion

 

Les hypothèses à considérer

On retiendra, à titre de postulat général, que si l’option à retenir se définit a priori très simplement pour des capitaux liquides détenus en direct, il n’en est pas de même si la trésorerie à investir se trouve d’ores et déjà à l’actif du bilan d’une structure soumise à l’IS.

 

Hypothèse 1 : investissement de liquidités détenues directement par un particulier.

Cette configuration amène le plus souvent à exclure le recours à une structure IS.

En effet, la gestion des actifs financiers subit annuellement l’IS au taux normal soit 25 % à ce jour (15 % sur la fraction du bénéfice inférieure à 38 120 € pour les PME dont le chiffres d’affaires est inférieur à 7,63 M €).

Le financement du train de vie par distribution de dividendes suppose, par ailleurs, une taxation de l’intégralité des flux perçus, à l’impôt sur le revenu soit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 12,8% soit, sur option (annuelle et globale), au barème progressif de l’IR sur une assiette réduite de 40%. L’assujettissement aux PS (17,2 %) est à prévoir dans l’une et l’autre des deux situations. La CEHR (3 ou 4 %) peut aussi trouver à s’appliquer.

Sur un autre registre, il peut enfin entraîner, dans certains cas, le « déplafonnement » de l’IFI. Cette situation serait synonyme d’une fiscalité globale pouvant atteindre 75 % des revenus perçus.

Ces contraintes militent pour que soient retenues, dans cette configuration, l’acquisition et la gestion des valeurs mobilières de placement au sein d’enveloppes juridiques spécifiques tels ceux du PEA et/ou des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation.

La tendance sera donc de délaisser le compte titres dit « ordinaire » victime de son incapacité à véritablement capitaliser ses revenus et ses produits constatés lors des arbitrages dans le cadre de la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières de placement.

 

Hypothèse 2 : investissement des liquidités figurant à l’actif du bilan d’une société soumise à l’IS

Cette configuration est notamment rencontrée lorsqu’une holding cède une ou plusieurs de ses filiales. On parle alors d’une cession « par le bas ».

Le traitement fiscal propre à une telle opération dépend du fait de savoir si les droits sociaux représentatifs du capital de la filiale répondent ou non à la qualification comptable et fiscale de titres de participation et s’ils sont détenus depuis au moins deux ans.

 

Les titres de participation sont, au sein du bilan d’une structure, des immobilisations financières. Elles représentent des actifs à vocation de détention durable par opposition aux valeurs mobilières de placement acquises dans la perspective d’une conservation plutôt courte. Cette qualification suppose par ailleurs une comptabilisation au sein d’un compte spécifique.

 

Si ces deux conditions sont réunies, les gains générés sont en principe en majeure partie exonérés d’IS.

En effet, en situation de cession de titres de participation, seule une quote-part de frais et charges doit être réintégrée dans le résultat imposable du holding cédant.

Elle est fixée à 12 % du montant brut de la plus-value réalisée, ce qui limite à 3,72% maximum le frottement fiscal pour une cession opérée en 2019.

C’est donc d’un capital in fine peu impacté par la fiscalité dont il va falloir flécher la destination. A cet égard, deux options existent :

  • maintenir les liquidités au sein de la structure ou inversement
  • externaliser les capitaux

 

In or out : quelles opportunités pour les liquidités surabondantes détenues par une structure holding ?

L’exercice à mener sur cette base s’avère ambitieux et en réalité des plus complexe. Il suppose, en effet, de trancher entre les deux options suivantes :

  • conservation des liquidités au sein de la holding laquelle devient purement patrimoniale et gère ses actifs sous IS.
  • externalisation de tout ou partie de sa trésorerie au profit de ses actionnaires afin qu’ils l’investissent à titre direct et personnel.

Répondre à cette interrogation stratégique « in or out » n’est pas simple et trois critères principaux sont à prendre en considération :

  • La taxation cumulée à prendre en compte : de la perception du prix de cession, en passant par son éventuelle extériorisation au bénéfice du détenteur du capital, à la transmission par décès [IS + DMTG (Droits de mutation à titre gratuit ou droits de succession) versus IR, PS, CEHR + 990 I du CGI (fiscalité spécifique du dénouement par décès de l’assurance-vie)].
  • L’espérance de vie de l’associé.
  • La rentabilité espérée des supports retenus pour l’investissement des liquidités en dedans et en dehors de la holding.

Replaçons successivement ces critères dans chacune des situations. Arrêtons-nous tout d’abord sur l’option suivante : conservation du prix de cession net de fiscalité au sein de la holding.

Si l’on retient l’hypothèse de l’investissement des liquidités en VMP, la performance de celles-ci, si elle est positive, sera au titre de chaque exercice, amputée du taux normal de l’IS, pénalisant de fait significativement l’effet de capitalisation.

Ce frottement fiscal n’est malheureusement pas le seul à prendre en compte dans le scénario envisagé. En effet, en cas de décès de l’actionnaire du holding, la valeur de cette dernière sera comprise dans l’actif successoral et donc soumise aux droits de succession à un taux pouvant marginalement atteindre 45%.

Le cumul de ces deux fiscalités acquittées, l’une au fil du temps (IS) et l’autre à terme (droits de succession), représente une imposition globale des plus significatives mais permet aux héritiers ou légataires, s’ils devaient décider la dissolution de la holding immédiatement après la cession, de percevoir un boni de liquidation ne supposant aucun frottement supplémentaire en termes d’IR, de PS, ou de CEHR.

La seconde approche possible consiste à organiser la récupération du prix de cession net d’IS capté par le holding entre les mains du détenteur du capital de la structure.

Cette modalité pourra emprunter différentes formes : une distribution de dividendes, une réduction de capital ou encore une dissolution pure et simple.

La fiscalité propre à ces différents modes opératoires consistera dans de nombreux cas en un frottement global de 30 % (celui du PFU majoré des PS), éventuellement complété de 3 ou 4 % de CEHR. Il pourrait porter, pour peu que les capitaux propres investis initialement aient été modestes, sur des montants semblables dans les trois hypothèses visées.

Dans le cas d’un placement en VMP opéré par l’investisseur via la souscription d’un contrat d’assurance-vie, la performance de celles-ci sera, dans l’hypothèse d’un dénouement du contrat par décès, fiscalisée au taux de 17,2% au seul titre des PS (à l’exception de ceux prélevés au fil de l’eau sur la partie placée en fonds en euros).

Le capital net transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) par le souscripteur s’effectuera moyennant une imposition maximum de 31,25% s’agissant des capitaux versés avant les 70 ans du souscripteur.

Le choix de la pondération à retenir entre ces deux schémas d’investissement relève de paramètres multiples et nécessairement variables d’une situation à une autre. Il peut être facilité par le recours à des modélisations. Ces dernières reposent sur différents postulats lesquels devront parfois être simplifiés.

On se limitera ainsi, dans une première approche, à l’idée d’un investisseur unique transmettant son patrimoine, quelle que soit la forme empruntée par la transmission (succession ou bénéfice d’un contrat d’assurance-vie) à destinataire unique.

Ci-après figure un exemple d’une telle simulation reposant sur les scenarii suivants :

  • Trésorerie disponible dans la société IS : 1 000 000€.
  • Trésorerie externalisée (via une distribution ou une réduction de capital) : 660 000€ (PFU de 12,8% + PS de 17,2% + CEHR au taux de 4 %).
  • Hypothèses de rendement des supports d’investissement :
    • H1 : 3 %,
    • H2 : 6 %,
    • H3 : 9 %.
  • Fiscalité durant la détention :
    • Taux de l’IS : 25%,
    • PS prélevés lors du dénouement du contrat au taux global de 17,2%.
  • Fiscalité de la transmission :
    • Droits de succession : TMI de 45 %,
    • Fiscalité de l’assurance-vie (CGI, art. 990 I) : TMI de 31,25 %.

Remarque :

  • Les taux d’imposition sont retenus pour leur valeur marginale et constante dans le temps

Les graphiques ci-après permettent de visualiser l’impact des données retenues ci-dessus sur l’évolution comparée des deux hypothèses de travail. En abscisse figure le temps qui passe et en ordonnée la valeur des capitaux nets transmis.

 

Hypothèses de rendement :

 

Comme nous pouvons le constater, l’option d’externaliser les fonds de la structure IS pour les investir en assurance-vie s’avère plus pertinente au-delà d’une durée d’investissement de :

  • 45 ans dans l’hypothèse d’un taux de rendement annuel moyen de 3%,
  • 24 ans si ce même taux est de 6%,
  • 16 ans s’il est de 9%.

 

Les différentes observations

  • La solution d’externaliser les capitaux de la holding accuse dans un premier temps un retard significatif par rapport à celle du maintien de cette trésorerie à l’actif de la société.
  • La mise à disposition de revenus complémentaires (via des rachats opérés sur des contrats d’assurance-vie ou via une distribution de dividende initiée à partir d’une structure soumise à l’IS) est un facteur pouvant influer sur le résultat de l’approche modélisée.
  • Les caractéristiques propres à la fiscalité de l’assurance-vie permettent de réduire progressivement le retard lié à la sortir précoce de la trésorerie de la structure holding.
  • L’importance du rendement net de fiscalité avant transmission du placement renforce cette analyse : plus la rentabilité nette est forte, plus le point de convergence des courbes interviendra tôt.
  • La fiscalité relative à la transmission par décès des capitaux placés en assurance-vie joue aussi un rôle. Sous réserve d’avoir investi son épargne avant l’âge de 70 ans, le taux marginal de fiscalité prévu par l’article 990 I du CGI (soit 31,25 %) sera moins élevé dans le contexte de l’assurance-vie que dans le cadre des droits de succession (DMTG au taux marginal de (45 %).
  • L’investissement financier réalisé dans chacun des scénarios étudiés prenant fin, dans notre hypothèse de travail, au décès de l’investisseur, l’espérance de vie de ce dernier est, de fait, un paramètre important de la modélisation.
  • En fonction de la durée de vie moyenne indiquée par les tables de mortalité, le croisement des deux courbes peut donc, en toute probabilité, ne pas avoir lieu du vivant de l’investisseur. Ces dernières sont, par exemple, sensées se rejoindre en N + 45 pour une rentabilité moyenne de 3%, alors que l’espérance de vie, selon l’INSEE d’une personne de 69 ans se limite à 19 ans et 8 mois pour une femme et 16 ans et 2 mois pour un homme.

 

Conclusion

Ces constats nous orientent vers les éléments de conclusion suivants :

  • Eu égard à la volatilité des marchés financiers, il peut parfois s’avérer déraisonnable d’escompter un taux de rendement moyen conséquent sur le long terme.
  • S’agissant d’une personne âgée de moins de 70 ans, l’opportunité d’une sortie des capitaux et un investissement en assurance-vie sera d’autant plus à privilégier que son espérance de vie statistique est longue.

Toutefois, compte tenu de l’instabilité de notre droit fiscal, cette appréciation doit être tempérée.

Il semble en effet clair que la possibilité d’aménagements et autres changements de cap pouvant intervenir sur la période considérée doivent nous inciter à pondérer les conclusions mathématiques obtenues par les simulations.

Ainsi l’idée est ainsi de suivre pour l’essentiel la conclusion démontrée par le calcul. La solution globale devra sans doute, à titre de diversification, laisser une place à la piste alternative étudiée.

 

Auteur

Pascal PREVOT

Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale de Natixis Wealth Management – Intervenant à l’ESBanque lors des sessions de Travaux collaboratifs et Président de jury du Grand Oral

L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal

L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal

Temps de lecture estimé : 11 min

Le schéma d’apport-cession est régulièrement utilisé par les dirigeants d’entreprise préalablement à une opération de cession des titres, ou parts sociales, de l’entreprise ou d’une opération capitalistique touchant au « haut du bilan » de la société pour en réduire l’impact fiscal.
Le chef d’entreprise souhaitant céder ou transmettre sa société peut ainsi réinvestir tout ou partie de ses titres en bénéficiant, sous conditions, d’un report de la plus-value voire d’une exonération en cas de donation.
Il n’en demeure pas moins que cette stratégie mérite une approche globale et circonstanciée et que son intérêt et ses conséquences patrimoniales doivent être clairement identifiées. Explications.

L’opération d’apport-cession présente de nombreux atouts fiscaux pour les détenteurs de titres de sociétés désireux d’investir dans de nouveaux projets et/ou d’organiser la transmission d’une partie de leur patrimoine.  Ce dispositif doit néanmoins faire l’objet d’une véritable stratégie patrimoniale. Les conditions relatives aux modalités de détention, à la gouvernance, à la gestion financière et fiscale du patrimoine après cession et à sa transmission sont tout aussi importantes à analyser que l’optimisation fiscale à laquelle ouvre droit ce dispositif.

L’une des préoccupations essentielles qui va guider la mise en œuvre de cette stratégie réside dans la détermination du juste équilibre entre la perception de capitaux dans le patrimoine privé et le paiement d’une fiscalité sur les plus-values allégée dans une structure à l’IS.

en quoi consiste ce dispositif ?

Le régime de faveur de l’apport-cession répond principalement à une logique de redéploiement professionnel dans un cadre fiscal avantageux : le chef d’entreprise peut ainsi réinvestir dans une ou plusieurs activités économiques un produit de cession plus conséquent, puisque non constitutif du paiement d’un impôt de plus-value (lorsque l’opération d’apport est concomitante à la cession des titres).

Le dispositif de l’apport-cession est codifié à l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération consiste pour le dirigeant détenteur des titres à apporter préalablement à la cession tout ou partie de ses titres à une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés généralement constituée à cet effet.

La cession des titres apportés est alors réalisée dans un second temps par la société holding détentrice des droits sociaux reçus lors de l’apport.

L’apport de titres doit être réalisé en France (ou un État membre de l’Union européenne, ou ayant signé avec la France une convention fiscale de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale).

En cas de paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, celle-ci ne doit pas excéder 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange afin de pouvoir bénéficier du régime de report.

le contrôle de la société bénéficiaire de l’apport des titres

La loi prévoit la mise en report de la plus-value réalisée sur les titres apportés lorsque l’apporteur contrôle la société bénéficiaire de l’apport. L’apporteur est considéré comme contrôlant la société si :

  • Il détient, directement ou indirectement, avec son conjoint, leurs ascendants, descendants, frères et sœurs, la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux,
  • Lorsqu’un accord conclu avec d’autres associés lui permet de disposer de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux,
  • Il exerce en fait le pouvoir de décision.

Pour l’appréciation de cette dernière condition, on présume l’exercice du contrôle de la société bénéficiaire de l’apport lorsque le contribuable détient, directement ou indirectement, une part des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’il n’existe aucune autre participation d’un associé supérieure à la sienne (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10-20191220).

le mécanisme du report d’imposition

L’apport des titres déclenche, par principe, la taxation de la plus-value latente constatée sur les titres apportés. Toutefois, lorsque la société holding est contrôlée par l’apporteur, ce dernier bénéficie automatiquement d’un report d’imposition de la plus-value d’apport (article 150-0 B ter du CGI).

Le report d’imposition

Le report d’imposition consécutif à un apport de titres est constitutif d’un évènement de plus-value et engendre la déclaration d’une plus-value à la date de l’apport (appelée « plus-value d’apport ») mais avec une imposition différée dans le temps.
L’assiette de plus-value et les conditions d’imposition de la plus-value d’apport sont constatées et cristallisées en application des règles en vigueur au jour de l’opération d’apport, seul son paiement étant différé dans le temps.

Le report d’imposition (en faveur du dirigeant de l’entreprise) permet donc d’éviter un paiement immédiat d’un impôt de plus-value, en l’absence de perception d’un produit de cession.

 

les conditions du maintien du report d’imposition

Les évènements susceptibles de mettre fin au régime du report

  • La cession à titre onéreux, le rachat, ou l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport (titres de la holding bénéficiaire de l’apport)
  • La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des parts, ou droits, dans les sociétés interposées
  • Le transfert du domicile fiscal hors de France
  • La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres apportés, si cet évènement intervient dans un délai de 3 ans à compter de l’apport des titres et si moins de 60% du produit sont réinvestis dans une activité économique dans un délai de 2 ans

Précisions concernant les modalités de remploi du produit de cession

Dans l’hypothèse où la cession des titres apportés a lieu dans les 3 ans à compter de l’apport, le report d’imposition est maintenu à condition que la société holding réinvestisse, dans un délai de 2 ans, au moins 60% du produit reçu en contrepartie dans une activité économique éligible qui peut être :

  • le réinvestissement dans le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière,
  • le réinvestissement dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une activité économique éligible et qui a pour effet de conférer à la société holding le contrôle de la société émettrice,
  • le réinvestissement dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés,
  • et/ou la souscription de parts de certains fonds de capital investissement ayant vocation à investir dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FPCI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque), SLP (Société de Libre Partenariat) ainsi que leurs équivalents européens).

Les fonds de capital investissement dans le cadre d’un apportcession

Les fonds de capital investissement tels que les FCPR, FCPI, SCR, SLP et leurs équivalents européens sont éligibles aux activités économiques ne remettant pas en cause l’apport-cession à condition que leur actif soit constitué à hauteur de 75 % par des parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions en numéraire au capital initial, ou à l’augmentation de capital, de sociétés opérationnelles ou par des parts ou actions émises par de telles sociétés lorsque leur acquisition en confère le contrôle à hauteur de 50 % (2/3 des 75 %) des titres de sociétés non cotées. Ces quotas doivent être atteints à l’expiration d’un délai de 5 ans suivant la souscription.

La loi de Finances pour 2020 a récemment aménagé ce dispositif concernant les fonds de réinvestissement en rendant plus flexible les conditions de libération des fonds. L’objectif est de tenir compte de la pratique des fonds d’investissements qui appellent progressivement les sommes que les investisseurs se sont engagés à libérer.

En effet, pour les cessions de titres apportés réalisées à compter du 1er janvier 2020, seule la souscription du support est prise en compte et doit intervenir dans les 2 ans de la cession, quelles que soient les dates de libération successives des fonds, à condition qu’elles interviennent dans un délai de 5 ans suivant la souscription.

En synthèse

Deux délais sont donc à respecter par les fonds :

  • Investir dans des activités éligibles dans un délai de 5 ans suivant la souscription.
  • Appeler les sommes auprès des souscripteurs et libérer ainsi le capital investi dans un délai de 5 ans suivant la souscription.

Pour l’investisseur, seule la date de souscription au fonds compte et doit donc intervenir dans les 2 ans suivant la cession des titres apportés. Le délai de libération des fonds étant de 5 ans, l’investisseur dispose donc d’un délai global de 7 ans entre la cession des titres apportés et la dernière opération de libération des fonds pour réinvestissement.

Cette évolution du régime met en adéquation le dispositif d’apport-cession au fonctionnement réel de l’activité du capital-investissement. Cela permet de renforcer l’attractivité et l’intérêt du mécanisme.

Cet élargissement du régime permet au dirigeant d’entreprise qui souhaite remployer le produit de cession dans un fonds, de déléguer le choix des investissements à un ou des gestionnaire(s) professionnel(s) diversifiant les secteurs d’investissement potentiels (hôtellerie, immobilier, capital développement, etc).
De cette manière, le dirigeant peut diluer son risque d’investisseur.

Ces fonds peuvent avoir un double objectif :

  • Capitaliser les gains et les plus-values
  • Percevoir des revenus sous forme de dividendes générés par ces placements.

illustrations du schema d’apport de titres

  • Schéma d’apport puis cession des titres dans les 3 ans à compter de l’apport
  • Schéma d’apport puis cession des titres plus de 3 ans à compter de l’apport

combinaison avec la transmission à titre gratuit

intérêt de la donation des titres reçus en échange de l’apport

La transmission à titre gratuit des titres de la holding reçus en échange de l’apport ne remet pas en cause le régime d’apportcession et n’emporte pas sa déchéance sous le respect de certaines conditions. Cette transmission a également pour effet de « purger » définitivement la plus-value des titres apportées mise en report.

Pour cela, le ou les donataire(s) doivent conserver les titres reçus pendant 5 ans, pour les donations réalisées à compter du 1er janvier 2020 (Loi 2019-1479 du 28-12-2019 art. 106).
Pour les transmissions réalisées avant cette date, le délai de conservation des titres par le donataire est fixé à 18 mois.

A contrario, en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation des titres reçus par le donataire dans ce délai de 5 ans à compter de leur acquisition à titre gratuit, la plus-value en report sera imposée au nom du donataire dans les conditions prévues à l’article 150-0 A du CGI (sauf en cas de licenciement, d’invalidité ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire de Pacs soumis à une imposition commune ).

Attention : ce délai de conservation est porté à 10 ans lorsque les titres apportés ont été cédés par la société bénéficiaire et font l’objet d’un réinvestissement indirect (pour mémoire des parts de FCPR, FPCI, etc…).

intérêt des techniques d’optimisation de la donation

L’intérêt de la transmission à titre gratuit des titres de la holding est également accru par les techniques d’optimisation patrimoniale utilisées en terme de donation : la mise en commun des titres de la société holding (via la création d’une société d’acquêts par exemple), et/ou encore la donation-partage des parts avec réserve d’usufruit (avec réversibilité de celui-ci au profit du conjoint survivant) aux enfants.

Il sera possible également de recourir, sous conditions, au régime du pacte Dutreil afin de réduire de 75 % la base imposable des titres donnés.

Combinaison du dispositif avec la mise en place d’un pacte Dutreil

Sous réserve de l’application de conditions d’engagement de conservation et d’exercice d’une fonction de direction, les titres d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, agricole, artisanale ou libérale, peut être exonérée de droits de mutation en cas de transmission à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur.

Pour rappel, l’exonération s’applique également dans le cas des sociétés dites interposées et jusqu’à un double degré d’interposition, c’est à dire lorsque la société détenue directement par le dirigeant (holding) possède une participation dans une société qui détient elle-même les titres de la société faisant l’objet de l’engagement de conservation et ayant donc l’activité éligible (Article 787 b 3 alinéa du CGI).

La situation de remploi du régime apport-cession dans laquelle la société holding détient une participation dans une société ayant une activité opérationnelle entre donc dans ce dispositif.

Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenue par le dirigeant, « dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet d’un engagement de conservation ».

Cette stratégie peut se révéler particulièrement efficace en cas de donation des droits sociaux de la société holding à la suite du remploi au sein d’une activité économique éligible.

La combinaison de différents mécanismes civils propres aux donations comme le démembrement de propriété et à la holding (statuts aménageant les pouvoirs, pacte d’associé) permettra également d’anticiper et d’organiser la transmission du patrimoine du dirigeant tout en continuant à conserver la maitrise sur la gestion du patrimoine familial.

Il faudra néanmoins rester prudent en conservant l’intention libérale nécessaire à l’acte de donation et en recherchant en priorité un objectif patrimonial à ces opérations afin d’éviter tout risque de requalification de l’opération et d’abus de droit.

Sur le long terme, cette détention autorisera :

  • la conservation d’une stratégie unifiée pour l’ensemble de la famille,
  • la maîtrise des investissements (dossiers de private-equity …) dans des projets professionnels aux côtés des enfants
  • la capacité d’associer les enfants et pour eux l’avantage de bénéficier de l’accompagnement et de l’expérience de leurs parents en matière de gestion du groupe familial, tout en conservant l’esprit fondateur souhaité par les parent

quelles dimensions stratégiques du dispositif dans la vie patrimoniale du dirigeant d’entreprise

La mise en place du schéma de ce dispositif d’apport-cession de titres préalablement à leur cession induit une organisation patrimoniale spécifique pour le dirigeant et sa famille.

Une fois réalisées ces opérations, le patrimoine sera détenu :

  • En direct pour les titres conservés à titre personnel et cédés directement à l’acquéreur.Cette partie du patrimoine après cession pourra être investie librement et relèvera du régime d’imposition des personnes physiques (IR ou PFU (Prélèvement Fiscal Unique) sur les revenus et plus-values de cession mobilière, CSG, CRDS et prélèvements sociaux et éventuellement contribution sur les hauts revenus (CEHR).

    Il sera possible d’utiliser pour cette partie du patrimoine détenue en direct des enveloppes de capitalisation telles l’assurance-vie, les contrats de capitalisation, le PEA et PEA-PME pour réduire l’imposition sur les plus-values et les revenus.
    L’assurance-vie permettra également de réduire l’imposition successorale.

  • Au sein d’une société holding à l’IS au sein de laquelle les règles d’investissement sont plus contraignantes du fait des conditions de réinvestissement du régime d’apport-cession et relevant du régime de l’IS.

    En cas de perception de revenus de la holding, la fiscalité de la perception des dividendes (IR ou PFU) sera également due, ce qui amène souvent à ne pas envisager de distribution et à privilégier une stratégie de capitalisation pour la holding.

    La holding à l’IS permet néanmoins de bénéficier, sous conditions, du régime mère-fille pour la perception de dividendes des filiales (remontée des dividendes à la holding en franchise d’impôt sur les sociétés à l’exception d’une quote-part pour frais et charges de 5 % du montant brut des dividendes).
    La holding à l’IS permet également de bénéficier en cas de cession de filiale, et sous conditions, du régime des plus-values à long terme de titres de participation (plus-value exonérée à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 12 %.

En savoir plus :

Avant de décider d’une telle organisation patrimoniale, de nombreuses questions méritent d’être investiguées par le dirigeant préalablement à la création de la société holding soumise à l’IS :

  • Quels sont les projets professionnels et privés à l’issue de l’opération de cession des titres ?
  • Quelle volumétrie de titres est-il opportun d’apporter à la société holding et/ou de conserver en direct ?
  • A quel moment doit-il réaliser cet apport ? Concomitamment à la cession ou par anticipation afin d’échapper à l’obligation de remploi dans une activité économique éligible (c’est-à-dire au-delà d’un délai de 3 ans à compte de la date d’apport).
  • Comment aménager les revenus futurs (les flux) et la transmission des actifs (le stock) ?

Globalement, le dirigeant se doit de modéliser l’organisation de son patrimoine pour les années futures et arbitrer entre :

  • la liberté d’investissement et la perception de revenus plus faiblement imposés au sein de la sphère du patrimoine privé
  • des investissements économiques et la capitalisation des gains et plus-values au sein de la société holding

Cette organisation patrimoniale présente néanmoins de nombreux atouts :

  • Anticiper la transmission des actifs professionnels et la cession progressive des actions
  • Créer un véhicule d’investissement familial sous forme sociétaire permettant par une rédaction des statuts adaptée de définir les conditions juridiques de la vie sociale (règles de gouvernance, clauses relatives à l’entrée au capital, etc…)
  • Diversifier les vecteurs d’investissement : accessibilité à l’ensemble des classes d’actifs
  • Organiser et planifier la transmission des parts de la société holding en dissociant l’avoir du pouvoir : donation titres / démembrement de propriété
  • Réduire l’imposition liée à la cession des actions

Nous le constatons, ce modèle de détention et de gouvernance du patrimoine global nécessite avant tout d’être anticipé par le dirigeant.

Les conséquences de sa mise en œuvre vont en effet bien au-delà d’une simple optimisation fiscale liée à la cession des titres de l’entreprise. La combinaison du schéma avec une ingénierie juridique et des régimes fiscaux de faveur permettra d’aboutir à une organisation financière et familiale harmonisées. Le rôle et l’accompagnement du conseil patrimonial sont ici essentiels.

 

Auteur
Nicolas BERARD
Intervenant-Formateur au CESB-CGP – Ingénieur Patrimonial Banque Privée Caisse d’Epargne Ile-de-France

Apport-donation de titres : quelle stratégie en 2020 ?

Apport-donation de titres : quelle stratégie en 2020 ?

Temps de lecture estimé : 9 min

La Loi de Finances 2020 modifie les conditions d’apport-donation de titres à une holding. Cette opération s’inscrit dorénavant dans une stratégie plus longue, dédiée à une véritable transmission familiale de l’entreprise. Explications.

L’apport de titres à une holding patrimoniale, suivi de la donation des titres reçus en échange, est un schéma fréquemment utilisé pour optimiser la transmission d’entreprise. On dit communément qu’il permet de « purger » la plus-value en report.

Jusqu’en 2020, les donataires contrôlant la holding devaient respecter un délai de 18 mois après la donation s’ils souhaitaient céder les titres reçus, pour ne pas remettre en cause la plus-value en report et l’exonérer définitivement.

La Loi de Finances 2020 rallonge ce délai à 5 ans, voire 10 ans dans certains cas, modifiant les perspectives d’utilisation de cette stratégie.

qu’est-ce que l’apport-donation de titres ?

Cette opération se réalise en deux étapes.

 

Apport-cession :

Si le donataire contrôle la Holding

Le report de plus-value est transféré sur sa tête.

Plus-value d’apport exonérée en cas de cession ou rachat si les délais de détention (18 mois pour les donations avant le 01/01/2020 et 5 ans ou 10 ans (*) pour les donations depuis le 01/01/2020) sont respectés.

Si le donataire ne contrôle pas la Holding

La plus-value d’apport est exonérée.

(*) Délai de 10 ans en cas de réinvestissement de la holding dans des parts de fonds commun de placements à risque (de capital-risque …. voir Article 150-O B Ter I 2 d du CGI) suite à une cession des titres apportés.

l’apport de titres de la société d’exploitation à une holding et la mise en report de la plus-value

Lorsque l’on apporte les titres d’une société d’exploitation à une société holding, la plus-value sur les titres apportés devrait en toute logique être imposable, l’apport étant considéré comme une mutation à titre onéreux.

Afin de favoriser la constitution de groupes de sociétés et leur gestion, le législateur a depuis longtemps permis un report ou un sursis, selon le cas, d’imposition de cette plus-value.

Le régime en vigueur depuis le 14 novembre 2012 (article 150-O B Ter CGI) prévoit un report d’imposition de la plus-value si l’apporteur des parts contrôle la holding bénéficiaire de l’apport.

L’apport déclenche le calcul de l’imposition due sur la plus-value mais son paiement sera exigible ultérieurement :

  • Lors de la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des parts de la holding reçues en échange de l’apport.
  • Lors de la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres apportés à la holding si cette opération intervient moins de 3 ans après l’apport.

    Le report n’est cependant pas remis en cause si la holding réinvestit au moins 60 % du prix de cession des titres dans un délai de 2 ans dans le financement d’activités opérationnelles (industrielles, commerciales, artisanales, libérales, agricoles), dans l’acquisition ou la souscription au capital de sociétés opérationnelles et contrôlées ou dans des parts de fonds commun de placement à risque (FCFR), de fonds professionnels de capital-investissement, sociétés de libre participation ou sociétés de capital-risque.

    Les investissements devront être conservés 1 an pour les participations en sociétés et 5 ans pour les parts de fonds.

Nous détaillons ce dispositif dans un précédent article du Blog intitulé « L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal ».

la donation des titres de la holding

Dans le processus d’apport-donation, l’entrepreneur va, après l’apport, donner les titres de la holding reçus en échange, en général à ses enfants ou héritiers.

On lit souvent que la donation des titres de la Holding permet alors de purger la plus-value en report qui n’est plus exigible. Cette affirmation est souvent un raccourci qui peut induire en erreur. La plus-value en report ne disparait pas aussi facilement …

Il faut distinguer deux cas (article 150-O B ter II CGI ) :

La Holding n’est pas contrôlée par le donataire :

Le contrôle de la Holding s’apprécie en tenant compte de la participation du donataire au capital après la donation.

Si le donataire ne contrôle pas la holding, la donation des titres a pour effet d’exonérer définitivement le donateur du paiement de l’imposition sur plus-value en report (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 n° 620).

Le donataire aura de son côté à payer les droits de donation sauf prise en charge par le donateur.

Il est à noter qu’il en est de même en cas de décès de l’apporteur des titres. La plus-value d’apport en report est exonérée.

La Holding est contrôlée par le donataire :

Si le donataire contrôle la holding, le report de plus-value ne disparaît pas.

Il n’est plus exigible auprès du donateur mais il est transféré sur la tête du donataire qui doit mentionner ce report dans sa déclaration annuelle d’impôt sur le revenu.

C’est également au donataire de respecter les conditions fiscales pour ne pas remettre en cause ce report (absence de cession dans les 3 ans de l’apport, le cas échéant réinvestissement à 60 % minimum dans des participations éligibles et respect des durées de conservation).

Il est par ailleurs redevable des droits de donation, sauf prise en charge par le donateur.

En cas de donation avec réserve d’usufruit, seule la nue-propriété des parts de la holding est transmise au donataire.
Si ce dernier contrôle la holding, le report d’imposition sur la fraction de la plus-value correspondant à la nue-propriété des titres transmis lui est transféré. Le donateur ne reste redevable que du report de plus-value sur l’usufruit qu’il conserve sur les titres.

Le transfert du report de la plus-value sur la tête du donataire a fait l’objet en 2019 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ce mécanisme pouvant être considéré comme ne respectant pas l’égalité des contribuables devant l’impôt. Les enfants donataires se retrouvent effectivement redevables d’un impôt sur plus-value (en report certes) alors qu’ils ne sont pas à l’origine du fait générateur (l’opération d’apport) et qu’ils n’ont pas eux-mêmes constaté de plus-value d’apport.

Le Conseil Constitutionnel a jugé ce dispositif constitutionnel par sa décision du 12/04/2019 (n° 2019-775 QPC).

Si le donataire venait à céder ou se faire rembourser les titres de la holding reçus, le report d’imposition tombe et la plus-value d’apport devient exigible sur sa tête puisqu’elle lui a été fiscalement transférée lors de la donation.

Ce dispositif vise à éviter qu’une opération de donation suivie d’une cession permette d’effacer la plus-value en report.

Le législateur a néanmoins prévu un assouplissement : si un certain délai est respecté entre la donation et l’opération de cession, de remboursement ou d’apport des titres de la holding, la plus-value en report n’est pas exigible et définitivement exonérée.

Cette durée minimale de détention entre la donation et la cession était fixée jusqu’alors à 18 mois.

Nouveauté pour les donations réalisées à partir du 1er janvier 2020 : la Loi de Finances 2020 porte ce délai à 5 ans et à 10 ans en cas de réinvestissement de la holding dans des parts de fonds (FCPR…) (article 106 loi n°2019-1479 du 28/12/2019 de Finances pour 2020).

Les commentaires de l’administration fiscale à ce sujet ont été déposés le 18 août dernier dans la base BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques).

En quoi l’allongement de ce délai peut modifier l’application de ce procédé ? Dans quel objectif utiliser l’apport-donation ?

quelle stratégie patrimoniale pour l’apport-donation ?

Fréquemment utilisé pour optimiser la cession d’entreprise, cet allongement des délais de détention inscrit davantage l’apport-donation dans un objectif de transmission familiale.

d’une optimisation de la cession d’entreprise

L’apport-donation est souvent utilisé comme l’aboutissement d’un schéma plus complexe visant à optimiser fiscalement la cession de l’entreprise.

Il ne s’agit alors pas exactement d’un apport-donation mais d’un apport-cession suivi d’une donation des titres de la holding.

Exemple

Monsieur D, entrepreneur, apporte 20 % des titres de sa société d’exploitation E, soumise à l’IS, à une société Holding H à l’IS également, qu’il détient à 100 %.

La plus-value d’apport est mise en report (article 150-O B ter du CGI).

Monsieur D procède à la cession de la société E à un acquéreur qui lui rachète 80 % des titres de E détenus en direct et 20 % des titres de E détenus par la Holding.

Pour ne pas remettre en cause le report de plus-value, la holding procède à des réinvestissements du prix de cession qu’elle a perçu dans des réinvestissements éligibles à hauteur de 60 % minimum et les conserve sur la durée requise.

Cette opération est qualifiée d’apport-cession.

Monsieur D procède ensuite à une donation de ses parts dans la holding à son fils qui la contrôle.

Monsieur D réalise ici un apport-donation. La plus-value d’apport en report est transférée sur son fils car il contrôle la holding.

Le fils de Monsieur D souhaite céder ou se faire rembourser tout ou partie des titres de H.

Il devra attendre la fin du délai de détention requis après la donation (5 ou 10 ans depuis le 01/01/2020) et respecter dans certains cas les délais de conservation des réinvestissements de la holding afin de ne pas remettre en cause le report et purger définitivement la plus-value d’apport.

La donation est dans ce schéma l’ultime opération d’optimisation permettant de « purger » définitivement la plus-value en report, à condition que le donataire contrôlant la holding conserve les titres donnés pendant le délai imparti.

Ce délai relativement court avant la Loi de Finances 2020 (18 mois) permettait aux enfants de céder ou se faire rembourser les titres reçus assez rapidement et ne pas rester très longtemps actionnaires de la holding. Cette opération participe donc à l’optimisation de la cession de l’entreprise.

Attention néanmoins à l’articulation entre la date de l’apport, la date de cession des titres apportés, et la date de la donation :

Dans certains cas, le donataire peut être imposable sur la plus-value d’apport même s’il a respecté le délai de détention après la donation :

  • si la cession des titres apportés à la holding a eu lieu dans les 3 ans de l’apport et avant la donation.
  • si la cession des titres par la holding a eu lieu dans les 3 ans de l’apport et après la donation mais dans le délai de détention requis (18 mois avant le 01/01 2020), 5 ans ou 10 ans pour les donations réalisées depuis le 01/01/2020).
  • Et que dans ces deux cas, les réinvestissements permettant de maintenir le report (article 150-O B ter CGI) ne sont pas réalisés dans les conditions et délais impartis, même si les engagements sont souscrits.

Le donataire pouvait donc avoir à attendre plus de 18 mois avant de procéder à la cession des titres.

Dans les autres cas (cession des titres apportés intervenant dans les 3 ans de l’apport mais après le délai de détention requis pour le donataire ou cession plus de 3 ans après l’apport), le report de plus-value n’est pas remis en cause si le donataire respecte le délai de détention des titres reçus.

Dans ces schémas, l’objectif de l’apport-donation reste la cession de l’entreprise. La donation ne vient que parfaire l’optimisation fiscale de la cession.

vers un véritable objectif de transmission familiale

Si l’objectif est de transmettre des liquidités aux enfants contrôlant la holding, ils ne peuvent plus les obtenir à court terme (18 mois) par une cession ou un rachat de leurs parts, pour les donations réalisées depuis le 1er janvier 2020.

Ils doivent désormais attendre un délai nettement plus long (5 ans ou 10 ans) afin de ne pas remettre en cause le report et d’exonérer définitivement la plus-value d’apport.

La Commission du Sénat explique l’allongement de cette durée comme un moyen d’aligner le délai de détention des titres par le donataire au délai maximal de conservation des réinvestissements nécessaires dans les cas d’apport-cession dans les 3 ans de l’apport.

Mais d’un point de vue pratique, cet allongement du délai de détention fait des enfants donataires de véritables porteurs des titres de la Holding et actionnaires dans la durée. Ils devront nécessairement prendre part à la gestion de la Holding et au suivi de ses investissements qui vont conditionner la valeur de leur part au terme de 5 ou 10 ans s’ils souhaitent vendre.

La Holding devient une véritable holding patrimoniale familiale.

Et si l’apport-donation était utilisé sans aucun objectif de cession mais dans un seul but de transmission familiale de l’entreprise ?

Ainsi, un entrepreneur ayant apporté tout ou partie de ses parts à une Holding dans l’unique dessein de constituer un groupe de sociétés et d’en faciliter la gestion, pourra procéder à une donation du capital de cette holding majoritairement à son fils repreneur de l’entreprise, en transférant le report d’imposition de plus-value d’apport sur sa tête, voire en l’exonérant si son fils respecte le délai de détention de 5 ans.

Le respect de ce délai de détention est ici beaucoup moins contraignant. L’objectif de transmission familiale de l’entreprise s’inscrit à moyen ou long terme et les enfants donataires ont vocation à rester au capital sur une plus longue durée.

Cumul apport-donation et pacte Dutreil

Cet objectif de transmission familiale de l’entreprise peut permettre d’envisager un pacte Dutreil lors de la donation des titres de la Holding. Ce pacte permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur des parts soumises aux droits de donation, une économie significative, sous condition de conservation des titres de 4 ans par les donataires à compter de la fin d’un engagement collectif de 2 ans.

Le cumul apport-donation et pacte Dutreil doit être néanmoins manier avec précaution. Il est nécessaire que l’ensemble des conditions du régime Dutreil puisse être rempli au niveau de la Holding.

Les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2020 ne nous rappelleraient-elles pas tout simplement que l’objectif de l’apport-donation est de favoriser la transmission à titre gratuit de l’entreprise ?

Le rôle du conseiller patrimonial est ici essentiel afin que les schémas appliqués correspondent aux véritables objectifs patrimoniaux recherchés et permettent de les atteindre.

Auteur
Anne Brouard

Formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Vente de la société à l’IS : quelle imposition sur plus-value ?

Vente de la société à l’IS : quelle imposition sur plus-value ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Comment est imposée la vente d’une SA, SAS, SARL ou autre société à l’IS ? Explications.

 

Qu’elles soient des PME, des ETI ou des grandes entreprises, les sociétés de capitaux à l’IS relèvent d’un fonctionnement et d’un régime bien différent de celui des sociétés de personnes à l’IR ou de l’entreprise individuelle.

Aussi la fiscalité de la cession de la société à l’IS (SARL, SA, SAS …) est totalement distincte de celle de la transmission de l’entreprise individuelle ou de la société à l’IR.

La plus-value peut être imposée au choix au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) ou au barème de l’IR, avec dans ce dernier cas le bénéfice éventuel d’abattement pour durée de détention. Un autre dispositif d’abattement pour dirigeant partant à la retraite peut également être applicable.

Quels sont ces différents régimes et lequel choisir ?

SOMMAIRE

  • Cession de titres de société à l’IS : PFU ou barème de l’IR sur option
  • Barème de l’IR : les régimes d’abattement pour durée de détention
  • Abattement pour dirigeant partant à la retraite : un régime commun au PFU et au barème de l’IR

 

 

Cession de titres de société à l’IS : PFU ou barème de l’IR sur option

 

La loi de finance de 2018 a introduit un nouveau principe d’imposition pour les cessions de titres de société à l’IS.

La plus-value de cession de titres de société à l’IS peut être imposée à un taux fixe (Prélèvement forfaitaire unique) ou sur option au barème de l’IR. Plusieurs types d’abattements sont également applicables.

Depuis le 01/01/2028, les plus-values sont soumises de plein droit au Prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % correspondant à un taux forfaitaire d’imposition sur le revenu de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (PS) de 17,2%.

A cette imposition peut s’ajouter la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) au taux de 3 % si le revenu fiscal de référence du foyer fiscal est compris entre 250.000 € et 500.000 € pour un célibataire, veuf ou divorcé (respectivement 500.000 € et 1.000.000 € pour un couple marié ou pacsé) et à un taux de 4 % au-delà de 500.000 € pour une personne seule (1.000.000 € pour des contribuables mariés ou pacsés).

Le taux global d’imposition peut donc atteindre 34% du montant de la plus-value.

Si le PFU est l’imposition de droit, il est néanmoins possible d’opter pour l’imposition de la plus-value au barème de l’IR. La plus-value est alors imposée au taux progressif de 11 % à 45 % (au-delà de 168.994 € de revenu par part de quotient familial pour 2023).

 

Attention :

L’option pour le barème de l’IR est globale et entraîne l’imposition au barème également de l’ensemble des autres revenus de capitaux mobiliers (dividendes, coupons …).

 

Les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % sont également dus. Néanmoins, dans le cas de l’option pour le barème de l’IR, un taux de CSG de 6,8 % est déductible des revenus imposables de l’année du paiement des PS. Cette déduction de CSG n’est pas applicable si la plus-value est imposée au PFU.

La CEHR au taux de 3 % ou 4 % reste également due en cas d’option pour le barème de l’IR.

 

A noter :

Dans tous les cas (PFU ou choix du barème de l’IR), l’impôt sur plus-value est payé l’année suivant la cession, après établissement de la déclaration d’impôt sur le revenu de l’année de cession.

Il n’y a pas de prélèvement libératoire de l’imposition sur plus-value comme cela est le cas pour l’imposition des dividendes.

 

La première question qui se pose pour le cédant est donc le choix entre le PFU et le barème de l’IR.

La réponse peut paraître assez évidente et repose sur la comparaison entre le taux forfaitaire d’imposition de 12,8 % et la tranche marginale atteinte par le cédant dans le barème de l’IR.

En cas de cession de société à l’IS, les montants de plus-values concernées ainsi que les autres revenus du foyer fiscal atteignent le plus souvent des valeurs supérieures à la première tranche du barème de l’IR (taux de 11 % jusqu’à 27.478 € de revenu imposable par part) et sont rapidement imposés au taux 41 % ou 45 %. Le choix du PFU est alors préférable.

Pour être juste, la comparaison doit néanmoins tenir compte de la CSG déductible en cas d’option pour le barème de l’IR. Si le cédant dispose de revenus imposables suffisants en année N+1 (N étant l’année de la cession), il peut effacer l’imposition de tout ou partie de ces revenus grâce à la déduction de la CSG au taux de 6,8 %. Il est nécessaire de tenir compte de cette économie d’imposition.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

Ainsi, dès que la tranche marginale d’imposition (TMI) atteint 30 %, le choix du PFU reste préférable malgré la possibilité de déduction de CSG au barème de l’IR.

Ce choix se complique néanmoins lors de la cession de titres de société à l’IS acquis avant le 01/01/2018. Il est en effet possible dans ce cas de bénéficier d’abattement pour durée de détention en cas d’option pour le barème de l’IR.

 

 

Barème de l’IR : les régimes d’abattement pour durée de détention

 

Lorsque les titres ont été souscrits ou acquis avant le 01/01/2018, il est possible de bénéficier, au titre de l’IR, de deux types d’abattement pour durée de détention dans le cas d’une option d’imposition au barème de l’IR.

 

Les abattements pour durée de détention de droit commun

 

L’abattement s’applique, après compensation avec les moins-values, à partir d’une durée de détention minimale de 2 ans, décomptés de date à date, à partir de la date de souscription ou d’acquisition des titres cédés.

Les taux d’abattement sont de :

  • 50 % du montant de la plus-value réalisée lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession
  • 65 % du montant de la plus-value réalisée lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans à la date de la cession.

 

Application des abattements pour durée de détention et imputation des moins-values :

En cas de réalisation de plus-values sur certains titres et de moins-values sur d’autres, depuis la décision du Conseil d’État de 2015 (CE 12-11-2015 n° 390265), il y a lieu de calculer la plus-value nette (plus-value – moins-value) et d’appliquer l’abattement sur le montant de ce gain net. La durée de détention est calculée à partir de la date de souscription ou d’acquisition des titres ayant généré la plus-value.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas d’abattement pour durée de détention de 50 % et de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

On constate que même avec le bénéfice de l’abattement pour durée de détention de 50 %, le choix du PFU reste préférable dès lors que la TMI atteint 30 %.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas d’abattement pour durée de détention de 65 % et de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

Dans le cas d’un abattement de 65 % (titres acquis depuis plus de 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG au taux de 6,8 % en N+1, l’option pour le barème de l’IR est préférable quel que soit le taux d’imposition à l’IR.

 

Les abattements pour durée de détention renforcés

 

Sous certaines conditions, les abattements pour durée de détention peuvent être majorés. Ils sont alors de :

  • 50 % pour les titres détenus depuis au moins 1 an et moins de 4 ans ;
  • 65 % pour les titres détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans ;
  • 85 % au-delà.

Pour cela, il est nécessaire que la société dont les titres sont cédés :

  • soit considérée comme une PME au sens communautaire (c’est-à-dire réaliser moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou avoir un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros, avoir un effectif de moins de 250 salariés, exerçant une activité commerciale, artisanale, industrielle, libérale, agricole ou financière et dont le capital n’est pas détenu à plus de 25 % par une ou plusieurs sociétés ne répondant pas aux critères précédents, de manière continue durant le dernier exercice).
  • soit créée depuis moins de 10 ans à la date de souscription ou d’acquisition des titres
  • soit nouvelle, c’est-à-dire non issue d’une restructuration ou d’une reprise d’activité préexistante
  • soit imposée à l’IS
  • ait son siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
  • n’ait pas pour objet la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.
  • et n’accorde aucune garantie en capital à ses actionnaires ou associés en contrepartie de leurs souscriptions.

En cas de possibilité d’application de l’abattement renforcé (et de possibilité de déduction de la CSG au taux de 6,8 % en N+1), l’option pour le barème de l’IR devient opportune dès lors que les titres sont acquis ou souscrits depuis plus de 4 ans (abattement de 65 % ou de 85 % au-delà de 8 ans).

Entre 2 et 4 ans (abattement de 50 %), le PFU reste préférable, dès lors que la TMI dépasse 30 % comme nous l’avons vu précédemment.

 

Attention :

Les abattements pour durée de détention ne s’appliquent pas au calcul des prélèvements sociaux, ni de la CEHR.

 

 

Abattement pour dirigeant partant à la retraite : un régime commun au PFU et au barème de l’IR

 

Les dirigeants partant à la retraite peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un abattement spécifique de 500.000 € sur le montant de la plus-value de cession de leurs titres de société à l’IS (article 150-0 D ter du CGI).

Cet abattement est applicable jusqu’au 31/12/2024 (prorogation par la loi de finances 2022) et s’applique quel que soit le choix d’imposition de la plus-value, PFU ou option pour le barème de l’IR.

En cas d’option pour le barème de l’IR, l’application de l’abattement fixe de 500.000 € pour dirigeant partant à la retraite, fait perdre le bénéfice des abattements pour durée de détention. Il n’est donc pas possible de cumuler les deux types d’abattement.

Cet abattement fixe de 500.000 € est réservé :

  • aux sociétés répondant aux critères de la PME communautaires (que nous avons vu précédemment).
  • aux dirigeants :
    • ayant exercé leur fonction de manière continue pendant les 5 ans précédents la cession à des conditions normales de rémunération
    • détenant les titres cédés depuis au moins 1 an
    • et cédant l’intégralité de leurs titres dans la société à l’IS ou plus de 50 % s’il détient plus de 50 % des droits de vote ou droits aux bénéfices
    • ne détenant pas de titres dans la société acquéreuse
    • cessant toutes ses fonctions dans la société concernée
    • et faisant valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui suivent ou précèdent la cession (La loi de Finances pour 2022 a allongé ce délai de 24 mois avant ou après la cession à 36 mois pour les dirigeants de PME faisant valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021, sous réserve que le départ en retraite et la cessation des fonctions de direction ait eu lieu avant la cession).

 

Le choix du régime d’imposition de la plus-value lors de la cession de titres de société à l’IS requiert donc une analyse fiscale préalable.

Il est également possible de rechercher à optimiser l’impôt sur plus-value de cession par des schémas patrimoniaux spécifiques. Il conviendra néanmoins que les opérations envisagées correspondent aux objectifs patrimoniaux de l’actionnaire cédant et de rester vigilants aux risques d’abus de droit. Nous aborderons ce sujet dans un prochain article.

 

Auteurs

Anne Brouard    et  Sébastien Bucher 

Anne Brouard est Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7
Sébastien Bucher est Directeur de succursale Entreprise et Banque privé, diplômé du CESB-CGP

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Deux principaux schémas patrimoniaux permettent d’optimiser la plus-value de cession de titres de société à l’IS mais ne sont pas sans risques fiscaux et patrimoniaux. Explications !

 

Nous avons présenté dans notre précédent article les régimes d’imposition de la plus-value de cession de titres de société à l’IS. Ces régimes concernent les titres de sociétés cotées, détenus en portefeuille-titres, mais également la cession d’actions ou de parts sociales du chef d’entreprise.

Dans certains cas, et principalement lorsque les titres ont été acquis avant la 01/01/2018, il est possible de bénéficier d’abattement pour durée de détention lorsque l’on opte pour l’imposition de la plus-value de cession au barème de l’IR. Comme nous l’avons vu, ces abattements sont plus intéressants que le choix de l’imposition au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) en cas de durée de détention longue (supérieure à 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG l’année suivant la cession.

Est-il possible d’aller plus loin afin de réduire l’imposition sur plus-value de cession de titres de société à l’IS ?

Les régimes d’imposition n’offrent pas plus de possibilité mais des schémas patrimoniaux de cession permettent d’optimiser cette imposition. Il s’agit principalement de l’apport-cession de titres à une holding à l’IS et de la donation avant cession.

Ces opérations ne sont pas sans risque et peuvent être requalifiées en abus de droit s’il était démontré qu’elles ont été réalisées dans un objectif exclusivement ou principalement fiscal.

Au-delà de ce risque fiscal, ces schémas doivent dans tous les cas correspondre à des objectifs patrimoniaux précis. Ils supposent en effet des contraintes significatives et les mettre en place pour des raisons uniquement fiscales serait une grave erreur patrimoniale. Le point sur ces méthodes d’optimisation de l’imposition sur plus-value.

 

SOMMAIRE

  • L’apport-cession et impôt sur plus-value
  • Donation avant cession de la société à l’IS

 

L’apport-cession et impôt sur plus-value

 

L’apport-cession est un schéma souvent proposé pour réduire l’imposition sur plus-value de cession.

Il est néanmoins important de rappeler que tout schéma d’optimisation fiscale doit répondre à un objectif patrimonial précis, pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit si l’opération était considérée comme poursuivant un objectif exclusivement fiscal et depuis 2021 celui dit du « mini-abus de droit » en cas de poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • permettre la réalisation des objectifs personnels de l’entrepreneur après cession. Créer une nouvelle holding pour des raisons uniquement fiscales peut être une erreur si elle ne correspond pas aux objectifs de vie de l’entrepreneur après cession, voire pire si elle empêche de les accomplir.

L’apport-cession consiste à apporter les titres de la société à l’IS à une société holding à l’IS, souvent créée à cet effet, puis à ce que cette holding vende les titres ainsi reçus. L’apport ne générera pas d’imposition immédiate car il sera placé soit sous :

  • le régime du sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI) si l’apporteur ne contrôle pas la société qui reçoit les titres
  • le régime du report d’imposition si l’apporteur contrôle cette société holding bénéficiaire de l’apport (article 150-0 B ter du CGI).

A noter que s’il y a paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, elle ne doit pas dépasser 10 % de la valeur nominale des titres de la holding reçus en échange.

 

 

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, compte tenu de l’importance de la valeur d’apport, il est difficile d’apporter les titres à une société que l’on ne contrôlerait pas après apport.

Les opérations d’apport-cession se font donc en général dans le cadre du régime du report d’imposition, de l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération de cession des titres reçus par la holding à l’IS ne génère logiquement pas de plus-value imposable au niveau de cette holding, le prix de cession étant proche du prix d’apport.

Cette cession des titres par la holding peut néanmoins remettre en cause la plus-value d’apport jusqu’ici en report d’imposition, sauf si certaines conditions bien précises sont respectées.

Depuis 2012, le régime de l’article 150-0 B ter prévoit en effet qu’en cas de cession des titres apportés, le régime de report tombe et l’imposition sur plus-value devient imposable sauf dans certaines situations :

  • si la cession des titres apportés a lieu plus de trois ans après l’apport à la holding, le report ne tombe pas et cette cession n’entraîne pas l’imposition de la plus-value en report. Ceci nécessite néanmoins d’attendre ce délai. Il est dans ce cas nécessaire d’anticiper l’opération de cession par la création de la holding et l’apport à cette holding au moins trois avant.

Par ailleurs, en trois ans, les titres apportés peuvent prendre de la valeur, auquel cas la holding dégagera une plus-value sur ces titres lors de leur cession. Si les titres apportés peuvent être considérés comme des titres de participation (inscrits comme tel à l’actif, représentant au moins 10 % de la société apportée et détenus dans un objectif durable par la holding qui exerce une influence sur la société filiale), leur cession après 2 ans de détention par la holding relève du régime des plus-values à long terme. La plus-value n’est pas imposable mais une quote-part de 12 % de cette plus-value brute est réintégrée dans le bénéfice imposable. Si les titres apportés étaient qualifiés de titres de placement, la plus-value est alors intégralement imposable à l’IS.

  • Si les titres apportés sont cédés moins de trois ans après l’apport, la plus-value en report devient imposable sauf à ce que la holding réinvestisse au moins 60 % du prix de cession dans des activités économiques éligibles et ce dans un délai de 2 ans. Il peut s’agir :
    • d’investir dans une activité commerciale, industrielle, agricole, libérale ou financière et dans les actifs et moyens de production nécessaires.
    • d’acquérir une fraction du capital d’une société exerçant ce type d’activité économique et d’en détenir par là le contrôle.
    • de souscrire en numéraire au capital initial ou à l’augmentation du capital d’une société ayant une activité économique.
    • de souscrire à des parts de fonds de capital investissement investissant dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FCPI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque) …). Depuis le 01/01/2020, seule la date de souscription aux fonds de réinvestissement est prise en compte, quelles que soient les dates de libération successives de capital des fonds (celles-ci devant néanmoins intervenir dans un délai maximal de 5 ans). Il est donc nécessaire de souscrire aux parts de ces fonds dans un délai de 2 ans après la cession des titres apportés pour ne pas remettre en cause le report de plus-value.

Avant 2012, ces conditions de réinvestissement n’existaient pas pour les apports-cessions. Il était donc possible que la holding cède les titres apportés sans remettre en cause le report d’imposition. La holding avait alors toute latitude pour réinvestir librement les fonds, y compris dans une gestion patrimoniale (placement immobilier ou financier).

Dans tous les cas et même si les titres apportés ont été cédés dans les conditions permettant de ne pas rendre imposable la plus-value en report, celle-ci existe toujours et n’est pas purgée. La plus-value d’apport sera imposable notamment en cas de cession des titres de la holding (mais aussi en cas de rachat, d’annulation ou de remboursement de ces titres).

La plus-value d’apport en report peut néanmoins être purgée, sous conditions, en cas de donation des titres de la holding reçus en rémunération de l’apport. Le report de plus-value est transféré au bénéficiaire de la donation. Si ce donataire vend les titres de la holding au-delà d’un délai de 5 ans après la donation (ou 10 ans si la holding avait réinvesti dans des parts de fonds (FCPR …)), la plus-value en report est purgée et n’est pas due. Avant 2020, ce délai était de 18 mois.

 

 

Depuis 2012, et la nouvelle version de l’article 150-0 B ter du CGI, l’apport-cession a perdu de son pur intérêt fiscal. Il doit correspondre à un projet patrimonial précis de l’entrepreneur, celui de poursuivre des investissements dans des sociétés à l’IS relevant d’une activité économique.

Cette nécessité de réinvestissement dans les activités économiques permet néanmoins d’appliquer l’apport-cession dans les véritables situations patrimoniales où il a lieu d’être, c’est-à-dire lorsque l’entrepreneur a cet objectif personnel de réinvestissement.

Ceci évite également les situations inadaptées qui ont pu se présenter avant 2012 dans lesquelles le produit de la cession des titres était in fine détenu dans une holding à l’IS n’ayant pas vocation à réinvestir dans l’économie et devenant un outil patrimonial mal adapté (surcoût de la distribution pour percevoir des revenus, investissements patrimoniaux (immobilier par exemple) dans un régime, celui de l’IS, pas nécessairement adéquat).

 

Donation avant cession de la société à l’IS

 

Une deuxième stratégie d’optimisation de l’imposition sur plus-value consiste à donner les titres de la société avant leur cession.

La donation est imposée aux droits de mutation à titre gratuit mais ce coût fiscal permet d’anticiper la transmission successorale.

Les enfants donataires cèdent ensuite les titres de la société reçus par donation. Si le prix de cession est proche de celui de la donation, la plus-value imposable n’est pas significative.

Là encore, ces opérations doivent correspondre aux objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit et depuis 2021 le risque de « mini-abus de droit » comme nous l’avons mentionné précédemment. A ce sujet, si l’administration fiscale est venue préciser que la donation avec réserve d’usufruit ne serait pas considérée comme un objectif principalement fiscal, elle ne s‘est pas prononcée sur les opérations de donation avant cession. Il conviendra également d’être vigilant sur l’échéancier des opérations. Une donation réalisée alors que la cession est engagée (proposition d’achat des titres reçue avant la donation par exemple) pourrait relever d’une procédure d’abus de droit.

 

  • être certain de vouloir se dessaisir de la valeur des titres donnés avant leur cession: donner c’est donner. Si l’entrepreneur garde la pleine disposition du prix de cession des titres donnés, il en reprend la propriété et remet en cause la donation. Il est nécessaire également d’être vigilant sur ce point pour les donations de la seule nue-propriété. La cession des titres démembrés peut ensuite donner lieu à :
    • un remploi dans de nouveaux actifs démembrés. Dans ce cas, le prix de cession de ces titres démembrés doit être géré par l’usufruitier et le nu-propriétaire dans le cadre du démembrement. L’usufruiter ne doit pas se comporter comme un plein propriétaire.
    • un quasi-usufruit. Dans cette situation, l’entrepreneur cédant quasi-usufruiter dispose librement du prix de cession mais est redevable lors de sa succession d’une dette de restitution aux donataires nus-propriétaires. L’utilisation du quasi-usufruit dans le cadre des opérations de donation avant cession pourrait être néanmoins plus susceptible de requalification pour abus de droit, l’objectif patrimonial de pure transmission pouvant être fragilisé par la pleine disposition du prix de cession par l’usufruitier, quand bien même le nu-propriétaire dispose d’une créance de restitution. A moins d’être sécurisée (obligation de garantie), cette créance peut ne pas être remboursée si les actifs successoraux de l’usufruiter sont insuffisants.

Par ailleurs, l’imposition sur plus-value est spécifique pour les titres démembrés comme nous avons pu l’étudier dans un précédent article.

 

Dans tous les cas, il est important d’intégrer les enjeux de la cession le plus en amont possible. Les stratégies de ventes nécessitent d’être extrêmement bien préparées pour des raisons fiscales bien sûr mais également organisationnelles financières et patrimoniales.

L’optimisation fiscale de la cession, souvent recherchée, dépend avant tout des objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur après cession. Cette optimisation doit par ailleurs être menée avec précaution pour éviter toute requalification en abus de droit.

Le choix de la stratégie de cession doit absolument être étudié avec les conseillers fiscaux et patrimoniaux de l’entrepreneur.

 

Auteurs

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7