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Fiscalité successorale : dans l’attente d’une réforme annoncée, quelle optimisation ?

Fiscalité successorale : dans l’attente d’une réforme annoncée, quelle optimisation ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Dans l’attente d’une réforme des droits de succession, comment identifier les situations les plus imposées et quels outils d’optimisation utiliser ?

La France se classe 3e sur le podium des pays taxant le plus les successions et les donations au sein de l’OCDE. Il n’est donc pas étonnant que la réforme des droits de succession ait fait partie des thématiques de campagne des dernières présidentielles.

Si le président Emmanuel Macron a proposé dans son programme un accroissement des abattements successoraux en ligne directe à hauteur de 150.000 € par enfant et 100.000 € pour les autres héritiers (ligne indirecte : petit-enfant, frères et sœurs, neveux et nièces …), à ce jour, aucune disposition concrète ni calendrier ne sont annoncés.

La transmission successorale reste néanmoins un sujet patrimonial clé. Les actifs issus d’un héritage représentaient en moyenne 35 % du patrimoine individuel en 1970 mais 60 % aujourd’hui.

Les valeurs croissantes du patrimoine immobilier accroît celle des patrimoines taxables et rend également les jeunes générations plus demandeuses d’une transmission anticipée. Les situations personnelles et familiales sont moins linéaires, les familles recomposées sont nombreuses et les transmissions à d’autres héritiers que les enfants ne sont plus aussi rares.

Dans quel cas paie-t-on des droits de succession ? Dans quelles situations la fiscalité successorale devient particulièrement onéreuse ? Comment réduire la fiscalité successorale ? Quels outils patrimoniaux utiliser ?

Etat des lieux de la pression fiscale successorale actuelle et des moyens de l’optimiser.

succession sans optimisation : des situations exonérées de droits à celles les plus taxées

Avant de se précipiter dans la recherche de solutions d’optimisation successorale plus ou moins complexes, il est indispensable de bien identifier les situations patrimoniales et de distinguer celles qui vont subir une forte fiscalité successorale, de celles où l’imposition reste faible voire inexistante.

des droits à payer mais pas dans tous les cas

Quand bien même les abattements en ligne directe sont actuellement de 100.000 € par enfant, il serait faux de croire que tout patrimoine excédant ce montant est imposable aux droits de succession.

Les abattements et les barèmes successoraux ne sont pas les seuls facteurs impactant les droits de succession.

Le régime matrimonial est un élément déterminant dans le calcul des droits.

Les régimes de communauté ont tout particulièrement pour effet de réduire de moitié le patrimoine successoral imposable. Or le régime de communauté réduite aux acquêts étant le régime légal depuis 1966, il concerne une grande partie des Français.

Par ailleurs, l’exonération successorale du conjoint survivant et le fait qu’il exerce fréquemment ces droits en usufruit viennent également diminuer la base imposable au premier décès et encore plus significativement au deuxième décès.

Prenons l’exemple d’une situation assez courante :

Un couple marié sous le régime légal, ayant 2 enfants communs et n’ayant pas réalisé de donation au dernier vivant, ni de donation en faveur de leurs enfants.

Le patrimoine commun du couple est évalué à 400.000 €.

Au premier décès, le régime matrimonial est dissous. Le conjoint survivant conserve la moitié du patrimoine commun, l’autre moitié constitue la masse successorale.

Le patrimoine successoral sera donc de 200.000 € (moitié de la communauté) sur lequel le conjoint survivant pourra exercer ses droits : 100 % en usufruit ou ¼ en pleine propriété (article 757 du Code civil).

Dans les cas les plus fréquents, le conjoint survivant opte pour un héritage en usufruit, lui permettant de conserver l’usage et les revenus du patrimoine du défunt. La valeur fiscale de ses droits dépend alors de son âge au jour du décès du conjoint, selon le barème de l’article 669 du CGI.

Ainsi, si le conjoint survivant est âgé de 85 ans au jour du décès, la valeur de ses droits est de 20 % du patrimoine successoral.

Les deux enfants communs sont nus-propriétaires du patrimoine du défunt et la valeur fiscale de leurs droits est de 80 % de la masse successorale.

Fiscalement, la part successorale des enfants s’élève donc à 160.000 € (200.000 € x 80 %), soit 80.000 € par enfant.

Compte tenu des abattements en ligne directe de 100.000 € non utilisés jusqu’ici en l’absence de donation, les enfants ne sont pas imposables sur cette succession.

Au décès du conjoint survivant, les enfants nus-propriétaires de la moitié du patrimoine commun de leurs parents en deviennent pleins propriétaires sans droits de succession supplémentaires à payer (article 1133 du CGI).

Ils héritent par ailleurs de la moitié du patrimoine commun qui revenait à leur parent survivant du fait de la dissolution du régime matrimonial.

Si nous ne tenons pas compte de la revalorisation de ce patrimoine, ils héritent donc de 200.000 € en pleine propriété du parent survivant, soit 100.000 € chacun.

Les abattement s‘appliquant par parent et par enfant, ils bénéficient de l’abattement de 100.000 € chacun et ne sont donc pas imposables non plus sur cette succession.

Dans cette situation, un patrimoine de 400.000 € a été transmis aux deux enfants sans aucun droits de succession.

Il en est différemment d’une personne mariée en séparation de biens qui détient la plus grande partie ou la quasi-totalité du patrimoine. Dans ce cas, seul l’usufruit du conjoint survivant réduit la base imposable.

Si nous reprenons notre exemple précédent, si les conjoints sont mariés en séparation de bien et que seul l’un d’entre eux détient le patrimoine de 400.000 € en biens propres, la valeur fiscale de la part d’héritage en nue-propriété des enfants est de 320.000 € (400.000 € x 80 % si le conjoint survivant a plus de 81 ans), soit 160.000 € par enfant.

Après abattement en ligne directe de 100.000 €, chacun d’eux a alors à payer 10.194 € ((160.000 € – 100.000 €) x 20 % – 1806 € ; barème des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe).

Le conjoint survivant n’ayant pas de patrimoine personnel et ayant exercé ses droits en usufruit sur la masse successorale, les enfants deviennent, à son décès, pleins propriétaires du patrimoine de 400.000 € (en l’absence de revalorisation), sans payer de droits de succession complémentaires (article 1133 du CGI).

Au total, pour ce patrimoine de 400.000 € transmis in fine aux enfants, les droits de succession auront été de 20.388 € (10.194 € x 2) alors que dans la même situation, mais en régime de communauté légale, aucun droit n’est dû.

les situations patrimoniales les plus imposées aux droits de succession

En ligne directe, les situations les plus fortement imposées sont bien évidemment celles où les valeurs patrimoniales sont élevées : le barème en ligne directe atteint ainsi 30 % au-delà de 552.324 € transmis par enfant après abattement. Ce taux passe à 40 % au-delà de 902.838 € et 45 % au-delà de 1.805.677 €.

Bien que la succession ne soit pas imposée totalement à ces taux marginaux compte tenu de la progressivité du barème, les montants à payer peuvent devenir rapidement significatifs et nécessiter de prévoir spécifiquement leur financement.

Ainsi, un enfant qui reçoit de son parent une part d’héritage valorisée fiscalement à 500.000 € paie 78.194 € de droits ((500.000 – 100.000) x 20 % – 1806).

Un enfant qui reçoit un héritage valorisé à 1.000.000 € paie 212.962 € de droits ((1.000.000 – 100.000) x 30 % – 57.038 €).

A l’importance du patrimoine vient aussi se conjuguer le régime matrimonial. Comme nous l’avons vu, le régime de séparation de biens dans lequel l’un des époux détient l’essentiel du patrimoine accroît fortement la fiscalité successorale.

Le régime de la séparation de biens est souvent adopté lorsque l’un des époux est entrepreneur ou indépendant, dans un souci de protection patrimoniale vis-à-vis des créanciers, mais aussi dans les situations fréquentes de remariage.

Bien souvent et de plus en plus avec l’évolution de notre société, de nombreuses transmissions se font hors ligne directe (entre frères et sœurs, vers des neveux et nièces, entre parents jusqu’au 4e degré), ou encore entre concubins non pacsés.

La taxation est alors bien plus élevé et avec peu de progressivité. Vers un neveu ou une nièce, l’abattement est de 7.967€ puis l’imposition passe directement à 55% sans aucune progressivité du barème. Entre concubins non pacsés, la fiscalité est de 60 % après un abattement de 1.594 €.

Ces situations patrimoniales doivent nécessairement être aménagées afin d’optimiser l’imposition successorale.

Source : Capital « Droits de succession : calcul, barème, abattements … »

des outils d’optimisation adaptés à chaque situation et chaque type de biens

Assurance-vie bien sûr, donations mais aussi vente avec réserve d’usufruit ou en viager et aménagement du régime matrimonial, les outils d’optimisation sont propres à chaque situation patrimoniale.

l’assurance-vie : le « couteau suisse » de la transmission successorale

Bien connue des Français, l’assurance-vie présente à ce jour des atouts indéniables pour la transmission du patrimoine.
Elle a pour principal avantage de réduire l’imposition successorale, tout en permettant au souscripteur, contrairement aux donations, de garder la maîtrise de son patrimoine.

On pourra ainsi optimiser la fiscalité successorale en privilégiant l’assurance-vie pour la transmission du patrimoine financier. Cette partie du patrimoine n’entrera pas dans le calcul des droits de succession. Les abattements et barème ne resteront alors applicables que pour le patrimoine immobilier.

La fiscalité successorale de l’assurance-vie est loin d’être uniforme.

Source : Anne Brouard pour l’ESBanque

N.B : dans tous les cas, le conjoint, le partenaire de PACS et les frères et sœurs sous conditions, restent exonérés d’imposition successorale pour les capitaux reçus via l’assurance-vie.

Les plus-values et intérêts des contrats d’assurance-vie sont soumis aux prélèvements sociaux : au taux de l’année de dénouement du contrat (taux de 17,2 % en 2022) pour les plus-values issues des unités de compte du contrat ; prélevés annuellement pour les intérêts du support fonds en euros.

L’optimisation de la fiscalité successorale consiste alors :

  • à dédier le bénéfice des contrats exonérés de fiscalité successorale dont peut disposer le souscripteur aux héritiers qui seraient fortement taxés en cas de succession, tels les membres de la famille hors ligne directe (neveux, nièces / frères et sœurs …) et à ne pas réaliser de retraits sur ces contrats.
  • Depuis le 13/10/1998, à ne pas nécessairement limiter les versements en assurance-vie à l’abattement de 152.500 €. Cette limite peut en effet être optimisée en :
    • augmentant le nombre de bénéficiaires (ex : ajouter des petits enfants sur la clause)
    • ou en optimisant la clause bénéficiaire par un démembrement par exemple ou une clause à option.
    • versant au-delà de l’abattement car le taux de taxation de 20% sur les 700.000 € suivant peut s’avérer plus favorable que les taxations maximales du barème en ligne directe (45%).
  • à ne pas systématiquement éviter les versements après l’âge de 70 ans, pour les contrats souscrits depuis le 20/11/1991. Il faut en effet tenir compte de l’espérance de vie, du rendement potentiel et du fait que les intérêts et plus-values sont exonérés.

Prenons, l’exemple, d’un assuré disposant de 500.000€, célibataire avec un enfant qui a 69 ans et s’interroge sur l’opportunité de verser avant ou après 70 ans :

Hypothèse de survie : 15 ans.
Hypothèse de rendement : 4% l’an.
Droits de succession : atteinte du taux marginal de 20 % du barème

Source : Guillaume Thierry pour l’ESBanque
Bien entendu, il reste financièrement opportun de capitaliser dans l’assurance-vie avant 70 ans. Cet exemple est ici mentionné pour illustrer certains raccourcis rapides concernant les versements après 70 ans. Les souscripteurs ayant dépassé l’âge clé de 70 ans ne doivent pas nécessairement se détourner de l’assurance vie.
Prélèvements sociaux :

Les plus-values et intérêts des contrats d’assurance-vie sont dans tous les cas soumis aux prélèvements sociaux : au taux de l’année de dénouement du contrat (taux de 17,2 % en 2022) pour les plus-values issues des unités de compte du contrat ; prélevés annuellement pour les intérêts du support fonds en euros.

L’assurance-vie offrant un cadre fiscal avantageux pour la transmission de patrimoine, il serait tentant d’y loger la plus grande partie, voire la totalité de son patrimoine.

Et ceci d’autant plus que la clause bénéficiaire de l’assurance-vie n’est pas soumise aux mêmes contraintes que la dévolution successorale civile. Contrairement au Code civil qui impose de respecter une dévolution légale organisée et avec certaines limites (réserve héréditaire), le souscripteur d’assurance vie peut en effet choisir le bénéficiaire de son choix beaucoup plus librement.

Le capital transmis n’est pas soumis aux règles civiles du rapport successoral ou de la réduction (articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances).

Il convient néanmoins d’être prudent. L’avantage civil et fiscal de l’assurance-vie peut être remis en cause dans certaines situations :

  • primes manifestement exagérées : l’article L132-13 du Code des assurances dispensant l’assurance-vie des règles du rapport et de la réduction prévoit néanmoins une exception, lorsque les primes ont été « manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur ». Un ou des enfants qui s’estimeraient léser par le bénéfice d’un important contrat d’assurance-vie de leur parent qui ne leur reviendrait pas pourraient acter en justice sur ce fondement. La notion de primes manifestement exagérées reste néanmoins à l’appréciation des juges du fond sur la base d’éléments de fait (âge du souscripteur, revenus, patrimoine, montant versé mais aussi retraits réalisés …). Si le caractère manifestement exagéré des primes est reconnu, le montant de ses primes excédentaire est ramené à la succession afin de rétablir les droits des héritiers réservataires. De facto, ces primes sont alors imposées aux droits de succession.
  • requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte : ce moyen peut être utilisé par l’administration fiscale si elle estime que la souscription du contrat n’avait pas d’autre utilité pour l’assuré que d’avantager le bénéficiaire et que ce contrat équivaut à une donation.
  • abus de droit : l’administration fiscale pourrait également invoquer l’abus de droit en démontrant que la souscription du contrat a pour objectif exclusif, ou depuis 2020 principal, d’éluder l’impôt.

les donations, outil d’optimisation successorale à privilégier pour le patrimoine immobilier ou professionnel

Les donations permettent de transmettre de son vivant des biens et sont comme les successions assujetties aux droits de mutation à titre gratuit.

Les droits de mutation à titre gratuit (abattement et barème selon le lien de parenté) concernent aussi bien les successions que les donations.

Dès lors, quels sont les avantages de la donation ?

  • faire courir le délai de rappel fiscal des donations et pouvoir le renouveler : la donation en pleine propriété permet de transmettre un bien dès maintenant ce qui permet de faire courir le délai de 15 ans, dit de rappel fiscal, nécessaire à la reconstitution des abattements et des tranches utilisées du barème. Les patrimoines importants ont pour cette raison intérêt à renouveler des opérations de donation tous les 15 ans afin de bénéficier des premières tranches du barème alors que leur patrimoine global atteindrait rapidement les tranches maximales (de 40 % ou 45 %).Le donateur peut par ailleurs disposer du bien immédiatement.

    Attention néanmoins, une fois les donations réalisées, elles ne sont pas oubliées : les donations simples seront en effet revalorisées au jour du décès et ramenées à la masse successorale pour les calculs du rapport et de la réduction. La donation-partage permet de geler les valeurs afin d’éviter cette revalorisation au jour du décès.

  • bénéficier d’une base d’imposition réduite :
    • par la donation en nue-propriété ou avec réserve d’usufruit. Ce type de donation permet au donateur usufruitier de percevoir les revenus du bien ou de l’utiliser, mais réduit également significativement le coût fiscal de la transmission : seule la valeur en nue-propriété est imposable et cette valeur est d’autant plus faible que l’usufruitier est jeune (barème de l’article 669 du CGI). Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans droits de mutation supplémentaire (article 1133 du CGI). Seule la valeur de la nue-propriété au jour de la donation aura donc été imposée.
Attention à la présomption de l’article 751 du CGI :

Cette donation en nue-propriété à un héritier présomptif n’aura d’effet fiscal que si elle est régulière et réalisée plus de 3 mois avant le décès.

  • pour les biens professionnels (sociétés et entreprises individuelles), la base imposable peut être réduite de 75 % si les conditions du pacte Dutreil sont réunis.
  • prise en charge des droits à payer par le donateur sans coût fiscal supplémentaire : le paiement des droits pourra être pris en charge par le donateur sans que cela ne soit considéré par l’administration fiscale comme une nouvelle donation.

Si les donations permettent de réduire l’imposition successorale, elles présentent néanmoins deux inconvénients principaux :

  • l’acte de donation est irrévocable et le donateur se dépossède donc du bien transmis. La donation avec réserve d’usufruit tempère néanmoins cette contrainte puisqu’elle permet de conserver les revenus ou l’usage du bien.
  • Les donations ont un coût fiscal immédiat (droit de mutation à titre gratuit), à la différence de la souscription d’un contrat d’assurance-vie.

Pour ces raisons, les donations sont à privilégier pour :

  • la transmission du patrimoine immobilier détenu en direct ou via une SCI familiale (Société Civile Immobilière), en particulier lorsque la SCI recourt à l’emprunt
  • la transmission du patrimoine professionnel qu’il n’est pas possible de loger dans l’assurance-vie.
  • Lorsque les investissements en assurance-vie son déjà significatifs et que les capitaux décès atteignent déjà les taux maximums de la fiscalité successorale de l’assurance-vie (31,25 %).

Dans tous les cas, pour éviter toute remise en cause de la donation, l’intention libérale du donateur doit être réelle et il ne doit pas conserver la pleine disposition du bien. Ces risques peuvent par exemple apparaître dans le cas de SCI dont les parts sont détenues en usufruit après une donation en nue-propriété, et lorsque l’usufruitier conserve des pouvoirs étendus dans la société en tant que gérant.

les ventes avec réserve d’usufruit ou en viager à un héritier

Il est possible de transmettre un bien, notamment immobilier, sans passer par une mutation dite à titre gratuit (donation ou succession) mais via une vente à un enfant ou un héritier.

L’opération est alors imposable aux droits de mutation à titre onéreux dont la fiscalité est beaucoup moins lourde (taux de l’ordre de 8 %).

Attention néanmoins, la vente suppose le paiement du prix par l’acquéreur qui est ici un héritier. Il convient d’être particulièrement prudent sur la valeur du bien qui doit être celle du marché et sur le paiement réel du prix, afin d’éviter toute faveur requalifiable en donation.

Lorsque l’héritier n’a pas les fonds disponibles pour cette acquisition, il est possible d’envisager :

  • une vente en viager : comme toute vente en viager, l’acquisition aura été plus ou moins coûteuse pour l’héritier selon l’espérance de vie du vendeur. La vente en viager occupée permet par ailleurs au vendeur de conserver l’usage du bien tout en percevant une rente viagère.
  • une vente en nue-propriété : l’acquéreur deviendra plein propriétaire au décès de l’usufruitier. L’héritier acquéreur devra bien sûr disposer du financement de la valeur de la nue-propriété.

Dans les deux cas, ces opérations relèvent des droits de mutation à titre onéreux et non des droits de mutation à titre gratuit.

S’agissant d’un héritier, ces ventes devront néanmoins être pratiquées avec précaution afin d’éviter la présomption de l’article 918 du Code civil et celle de l’article 751 du CGI, qui annihileraient le caractère onéreux de l’opération.

Nous vous renvoyons pour cela à notre précédent article :

aménagement du régime matrimonial : un outil d’optimisation successorale

Comme nous l’avons vu, les droits de succession sont moins élevés voire nuls en régime de communauté, par l’effet de ce régime, couplé à l’exonération de droit du conjoint.

Pour optimiser les droits de succession, il peut être intéressant de modifier le régime matrimonial soit pour adopter un régime communautaire, soit pour créer une masse de biens communs, par l’ajout d’une société d’acquêt par exemple dans un régime de séparation de biens.

Attention néanmoins :

L’adoption d’un régime de communauté universelle assorti d’une clause d’attribution intégrale n’aurait pas les effets escomptés et au contraire les annihilerait. La totalité du patrimoine sera en effet transmis aux enfants au second décès avec une fiscalité alourdie puisque l’héritage ne leur proviendra que d’un seul parent. Les abattements et l’utilisation du barème ne seront utilisables qu’auprès d’un seul des parents.

Ces changements de régime ont néanmoins des effets civils et peuvent créer des situations ne convenant pas aux époux, notamment en cas de divorce. Un changement de régime matrimonial ne doit pas être réalisé uniquement pour des raisons fiscales.

Quel que soit l’outil patrimonial utilisé dans l’objectif d’optimiser la fiscalité successorale, assurance-vie, donation, vente, changement de régime matrimonial, il est indispensable de mesurer en amont les effets civils de telles décisions et de vérifier qu’ils sont conformes aux objectifs patrimoniaux.

Auteurs

Anne Brouard   et Guillaume Thierry    

 Anne Brouard est Intervenante-formatrice pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Guillaume Thierry est est conseiller patrimonial, diplômé du CESB-CGP

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Qu’est-ce qu’une donation indirecte, une donation déguisée ? Quelles sont les situations concernées et les risques ?   Paradoxalement, les donations déguisées et indirectes procèdent d’actes juridiques qui ne revêtent pas, à l’origine, la forme d’une donation. Il s’agit par exemple d’un acte de vente immobilière, d’un contrat de prêt ou d’une stipulation pour autrui, qui, sous certaines conditions, peuvent être considérés comme une donation par l’administration fiscale et la jurisprudence. Les donations indirectes et les donations déguisées ont des particularités communes en termes :

  • De forme :

Elles échappent en effet à la règle de forme prévue à l’article 931 du Code civil qui dicte que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats… » mais sont pourtant validées par la jurisprudence et l’administration fiscale (Cass. Req. 2-4-1823, Cass. Req., 1er juin 1932, Cass. Civ. 1e, 26-4-1984, Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553).

  • De fond :

Bien qu’elles procèdent d’un acte réel dans lequel la volonté de donner n’est pas exprimée, elles ont cependant toutes les caractéristiques des libéralités (C. civ. Art. 893, 894) :

  1. un appauvrissement du donateur
  2. un enrichissement du donataire
  3. une intention libérale.

Leur objectif commun est donc de procurer un avantage patrimonial, qui se traduit par une économie d’impôt et/ou un enrichissement profitant à l’une des parties au contrat ou aux deux simultanément.

Elles obéissent toutes deux aux règles de fond qui régissent les libéralités, elles sont donc présumées rapportables (C.civ. art.843 ss) et réductibles (C.civ. art.921 ss), la preuve pouvant être apportée par tous moyens par les co-héritiers qui veulent en obtenir le rapport et/ou la réduction.

Fiscalement, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit (CGI art. 777 ss), au même titre que toutes les donations.

Elles sont irrévocables sauf les exceptions prévues par la loi :

  • inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites,
  • ingratitude du donataire,
  • survenance d’enfants chez le donateur (C.civ. art 953 ss), sauf les donations de biens présents entre époux (C.civ. 1096, al.3).

Mais les similitudes s’arrêtent là. Bien qu’en pratique, ces deux types de donation peuvent paraître proches, elles sont bien distinctes et ne doivent pas être confondues.

En effet, si la donation indirecte « est enveloppée d’un persistant mystère » ( R. Libchaber, Pour une redéfinition de la donation indirecte, 30.12.2000, Ed. Defrénois), la donation déguisée est plus facilement identifiable en ce qu’elle masque sous un acte apparent la véritable intention de donner du disposant.

qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Citée aux articles 911 ou 1832-1 du Code civil, la donation déguisée est constamment validée par la jurisprudence, qui précise : « les libéralités faites sous couvert d’actes à titre onéreux sont valables si elles réunissent les conditions de forme des actes dont elles empruntent l’apparence et si les règles de fond auxquelles elles sont assujetties sont propres aux actes à titre gratuit » (Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63).

le régime juridique des donation déguisées

La donation déguisée prend la forme d’un acte à titre onéreux mais cache en réalité une libéralité, c’est-à-dire un acte à titre gratuit. La donation déguisée a donc pour particularité de respecter à la fois :

  • les conditions de forme propres à l’acte à titre onéreux qui masque en réalité la libéralité.
  • les conditions de fond propres aux donations entre vifs, comme nous l’avons précédemment indiqué.

L’acte ne révèle aucune intention de donner mais satisfait néanmoins à toutes les conditions de fond pour être considéré comme une donation. Exemple de donation déguisée la plus courante : Une personne vend un bien à une autre, laquelle ne paiera jamais le prix, soit parce qu’il n’est jamais versé par l’acheteur, soit parce qu’il est secrètement remboursé à ce dernier (Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701).   Les deux fondements d’une donation déguisée sont donc :

Par exemple, une reconnaissance de dette qui stipule bien que la dette existe mais qui dissimule en réalité une donation.

  • l’intention libérale d’une des parties.

Ces preuves de validité, déguisement de l’acte et intention libérale, doivent être établies par celui qui les allègue et dépendront de l’appréciation des juges du fonds. Les motifs d’une donation déguisée peuvent être d’ordre :

  • successoral : avantager ou léser un futur héritier ou un futur légataire
  • ou fiscal : échapper aux droits de mutation à titre gratuit plus élevés que ceux auxquels l’acte de vente apparent serait soumis.

Exemples :

Une tante, âgée de 90 ans, vend à son neveu qui est son légataire universel, sa résidence principale avec une réserve d’habitation viagère pour le prix de 121.959 € converti en rente viagère d’un montant annuel de 25.611 €. Elle décède deux mois plus tard. L’administration fiscale a requalifié l’acte de vente en donation déguisée et exigé le paiement des droits de donation ainsi qu’une pénalité de 80 % sur le montant des droits dus.

En effet, le neveu avait vocation à recevoir la maison moyennant le paiement de droits de succession de 55 % et les trois premiers chèques correspondant à la rente n’ont été présentés qu’après le décès de cette dernière (Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345).

Vente fictive d’un bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant, l’enfant ne payant jamais le prix convenu dans l’acte de vente. Les frais d’acte sont d’environ 36.300 €.

La donation du même bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant entraînerait des droits de mutation à titre gratuit de 78.194 € (en tenant compte de l’abattement de droit commun en ligne directe de 100.000 €).

Le régime fiscal des donation déguisées

Si la donation déguisée est avérée, l’imposition aux droits de donation n’est pas systématique. L’acte est d’abord imposé conformément à sa nature, selon le régime fiscal dit de l’acte apparent (vente, prêt …).

Si les montants concernés sont significatifs, l’administration fiscale peut également imposer l’opération au régime fiscal des donations.

La donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droit par simulation (LPF, art. L 64).

Cette procédure est mise en œuvre à l’initiative de l’administration.

L’article L 64 du Livre des procédures fiscales vise les actes constitutifs d’un abus de droit que sont notamment les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation).

L’acte rend donc exigible les droits de mutation à titre gratuit et l’intérêt de retard de 0,20 % (CGI, art. 777, 1727).

Outre les droits de mutation à titre gratuit, la donation déguisée peut également être  sanctionnée au titre de l’abus de droit par une pénalité égale à 80 % des droits rappelés et ramenée à 40 % s’il « n’est pas établi que le  contribuable est l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit.»( CGI, art. 1729,  BOI-CF-INF-10-20-20 , n° 80).

Ces risques de requalification sont par ailleurs accrus par la mise en place de la nouvelle notion d’abus de droit de l’article L64 A du LPF, concernant les actes réalisés depuis le 1er janvier 2020 dans un but principalement fiscal et non « exclusivement ».

Si l’administration et le contribuable sont en désaccord sur les rectifications, le litige est soumis au comité de l’abus de droit fiscal (CADF). Quel que soit l’avis rendu par le CADF, la charge de la preuve incombe à l’administration depuis le 1er janvier 2019 (LPF, art. L 192). Pour les rectifications opérées avant le 1er janvier 2019, c’est le contribuable qui supporte la charge de la preuve.

En dernier ressort et en cas de refus par le contribuable d’accepter les rectifications proposées par l’administration, ce sont les tribunaux judiciaires qui tranchent le litige.

qu’est-ce qu’une donation indirecte ?

Le Code civil fait référence à la donation indirecte dans plusieurs articles sans pour autant la définir (C.civ. art. 843, 853, 920,1099).

Si la donation déguisée repose sur un mensonge (Cass. 1e civ., 26-4-1984, n° 82-16.933), la donation indirecte repose sur un acte réel et sincère autre qu’une donation, lequel acte ne cache pas l’avantage patrimonial consenti dans une intention libérale par l’une des parties au profit de l’autre partie au contrat.

La seule cause de validité d’une donation indirecte est donc « une intention de donner, matérialisée autrement que par les formes répertoriées des donations non solennelles, qu’elles soient déguisées ou manuelles » (R. Libchaber, op. cit. supra).

La donation indirecte n’est donc ni un don manuel en ce qu’elle ne se réalise pas par une donation (directe) de la main à la main par simple tradition réelle d’une chose mobilière, ni une donation déguisée en ce qu’elle ne masque pas derrière un acte en apparence onéreux, un acte volontairement gratuit.

A noter : contrairement à la donation déguisée, une donation indirecte peut être consentie à une personne incapable (C.civ. art.911).

Il est donc beaucoup plus complexe de définir ce type de donation et certainement plus parlant de l’appréhender en fonction des actes les plus caractéristiques qu’elle peut revêtir.

acte à titre onéreux déséquilibré et donation indirecte

Ce sont des actes dans lesquels la prestation est volontairement déséquilibrée afin qu’un avantage patrimonial profite à l’un des parties au contrat. Ainsi, dans le cas d’une vente :

  • le prix de vente est majoré afin que la libéralité profite au vendeur.
  • le prix de vente est minoré afin que la libéralité profite à l’acheteur.

Exemple : Une vente dont le prix stipulé dans l’acte est inférieur à la valeur réelle des biens : Deux époux vendent à l’une de leurs deux filles et au mari de celle-ci leur propriété agricole et des terres, à des prix sous-évalués. Au décès du père, la fille lésée demande le rapport à la succession de cette donation indirecte correspondant à la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur réelle (Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926).

paiement pour autrui et donation indirecte

Il s’agit ici de payer à la place d’autrui sans qu’une créance ne soit constatée ni remboursée.

Exemple :

Un époux marié sous le régime de la séparation de biens paie les dettes de son épouse et l’acquisition de trois biens immobiliers au nom de cette dernière. Après le décès de son époux, la veuve ne peut justifier de son engagement à rembourser les sommes en cause, se comporte en propriétaire et aucune créance à son encontre ne figure dans l’actif successoral du défunt (CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87).

En revanche, dans une situation d’acquisition indivise d’immeubles par des époux séparés de biens, grâce aux deniers personnels du mari, il a été considéré que ce financement ne constituait pas une donation indirecte en faveur de l’épouse, faute d’intention libérale, mais une donation rémunératoire non taxable. Les versements faits par l’époux sont considérés comme contrepartie des services rendus par sa femme qui a abandonné sa carrière professionnelle pour s’occuper de son enfant issu d’un premier lit (TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e ch. : RJF 11/06 n° 1472).

Les juges estiment qu’une donation présente un caractère rémunératoire en l’absence d’intention libérale du disposant et consiste donc en la rémunération, par exemple, de la collaboration bénévole au travail du conjoint (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282), de sa contribution aux travaux domestiques si celle-ci a excédé sa part normale aux charges du ménage (Cass. 1e civ. 4-3-1980), des sacrifices professionnels de l’épouse pour soutenir la carrière de son mari (Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD).

remise de dette et donation indirecte

La remise de dette emporte renonciation par le créancier en faveur du débiteur au droit d’exiger en tout ou partie le paiement de la dette. Si elle résulte d’une intention libérale, elle donne ouverture aux droits de mutation à titre gratuit quand elle est acceptée par le débiteur (BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110).

Il en est ainsi par exemple de la remise de dette accordée par un créancier à son débiteur où le donateur accepte de renoncer à ses droits. Le créancier renonçant s’appauvrit dans le même temps que son débiteur s’enrichit par la disparition d’un élément de passif (CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990).

La remise de dette constitue l’extinction d’un droit et non sa transmission actuelle et irrévocable. Pour autant, elle peut être constitutive d’une donation indirecte.

La jurisprudence précise ainsi que la remise de dette, même à titre gratuit, « repose sur l’extinction d’un droit et non sur la transmission actuelle de biens, avec dessaisissement qui constitue la donation entre vifs proprement dite » (Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454).

renonciation à un droit et donation indirecte

Il existe deux catégories de renonciation :

  • La renonciation abdicative

C’est la renonciation à un droit faite sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit.

Elle ne constitue pas une donation (Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149).

  • La renonciation translative

Cette renonciation est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne.

Elle est constitutive d’une donation indirecte.

Exemples :

Renonciation à un usufruit :

Des parents donnent la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants. Dix-huit mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit de sorte que les enfants, devenus pleins propriétaires, perçoivent les loyers. Les juges ont estimé que cette renonciation à usufruit procédant d’une intention libérale, était un acte translatif de l’usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation (Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729).

En revanche, l’usufruitier qui renoncerait à son droit d’usufruit parce que celui-ci est grevé de charges et ne lui apporte aucun gain tangible, ne réaliserait pas une libéralité (R. Libchaber, op.cit. supra).

Renonciation à un legs :

Une personne renonce au legs que lui a consenti sa sœur défunte au profit de sa seconde sœur dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu par le legs fait en sa faveur. « Ainsi, c’est bien en se fondant sur l’intention libérale de l’auteur de l’acte que la cour d’appel lui a attribué le caractère d’une libéralité.» (Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554).

Renonciation au bénéfice d’une succession :

En principe, la renonciation à succession ne peut être qualifiée de donation indirecte sauf à prouver l’intention libérale du renonçant (C.civ., art. 804 ss, Cass. 1e civ. 16-3-1999).

Mais la jurisprudence peut requalifier une renonciation à succession en donation indirecte.

Exemple :

Une personne décède, laissant pour cohéritiers, sa sœur et ses neveux. La sœur de la défunte renonce à la succession, substantielle, au profit de ses neveux avant de décéder elle-même. Cette intention libérale exorbitante au profit de ses neveux s’expliquant par « la mésintelligence qui, depuis de nombreuses années, régnait entre sa fille et elle, la cour a ainsi caractérisé l’existence d’une donation indirecte. » (Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier).

La renonciation à un droit a pour particularité de ne pas transmettre ce droit lui-même puisqu’il est éteint par la renonciation elle-même. Mais cette opération peut néanmoins relever d’une intention libérale.

Il faut donc systématiquement apporter la preuve qu’il y a bien eu volonté de donner, une renonciation n’étant jamais explicite quant aux intentions dont elle procède.

En effet, l’existence d’une donation indirecte implique que les conditions définies à l’article 894 du Code civil soient réunies (intention de donner, dessaisissement irrévocable du donateur et acceptation du donataire).

Il suffit que la preuve de l’une de ces conditions ne soit pas rapportée pour que la qualification de donation indirecte soit écartée. 

donation indirecte et stipulation pour autrui

Les risques de donation indirecte dans le cas de stipulation pour autrui concernent principalement l’assurance-vie et les contrats de fiducie.

Assurance vie et donation indirecte

En principe, la souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat exclut qu’il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l’article 894 du code civil.

Mais un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation indirecte s’il est prouvé que le souscripteur souhaitait se dépouiller de manière irrévocable au profit du bénéficiaire.

Une telle requalification implique d’établir :

  • un défaut d’aléa dans les rapports entre le souscripteur et le bénéficiaire au moment de la rédaction de la clause bénéficiaire, le décès de l’assuré étant la seule cause possible du dénouement du contrat
  • que les éléments constitutifs d’une donation (intention libérale, dépouillement irrévocable du souscripteur et acceptation du bénéficiaire) sont réunis (Memento Francis Lefebvre, successions et libéralités, 2021, Ed. Francis Lefebvre, n° 45315).

Ces risques peuvent survenir entre autres dans les situations suivantes :

Requalification en donation indirecte de contrats co-souscrits par des époux avec des fonds communs et non dénoués au premier décès :

Depuis le 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des deniers communs et non dénoué au décès du premier époux, n’est pas intégrée, au plan fiscal, à l’actif de la communauté (RM CIOT, n° 78192, 23-2-16, BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380).

Cependant, sur un plan civil, la moitié de la valeur de rachat du contrat doit être rapportée à la succession (Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383).

Si le partage successoral n’est pas fait, un risque de requalification en donation indirecte au profit du survivant des époux est encouru.

Requalification en donation indirecte de contrats non acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Les juges ont constaté ici une « absence d’aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat », l’imminence du décès du souscripteur, et la volonté de ce dernier de transmettre irrévocablement et immédiatement le capital du contrat à sa légataire.

  • Une personne âgée de 102 ans, effectue deux versements de 750.000 € quelques mois avant son décès. La cour d’appel de Versailles a constaté le « caractère illusoire ou purement théorique de la faculté de rachat et la volonté de se dépouiller irrévocablement» (CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376).

L’acceptation postérieure au décès ne fait pas obstacle à la requalification du contrat en donation indirecte et à son imposition aux droits de mutation à titre gratuit (CGI, art 784).

Requalification en donation indirecte de contrats acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Le contrat d’assurance vie peut être également requalifié en donation indirecte si le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat en donnant simultanément son accord à l’acceptation du bénéficiaire.

Il est ici important de tenir compte de la date d’acceptation du bénéfice du contrat :

  • Le bénéfice du contrat a été accepté avant le 18 décembre 2007:

Dans ce cas, le souscripteur conserve son droit de rachat sauf à avoir renoncé expressément à ce droit (Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934). Il ne se dessaisit pas alors irrévocablement des actifs du contrat même après l’acceptation du bénéficiaire.

Exemple :

Un époux souscrit des contrats d’assurance vie dont la bénéficiaire est sa maîtresse qui accepte le bénéfice du contrat. Par écrit, il consent dans le même temps à l’acceptation par la bénéficiaire. Au décès de celui-ci, son épouse demande la requalification des contrats d’assurance vie en donation indirecte. La Cour de cassation casse l’arrêt qui requalifie les contrats d’assurance en donation indirecte car, même si le bénéfice avait été accepté, le souscripteur conservait son droit de rachat et ne se dépouillait donc pas de manière irrévocable (Cass.1e civ. 20-11-2019, N° 16-15.867).

  • Le bénéfice du contrat a été accepté depuis le 18 décembre 2007:

Le souscripteur perd sa faculté de rachat s’il a donné son accord à l’acceptation du bénéficiaire (Code des assurances art L 132-9,I-al.1, loi 2007-1775 du 17-12-2007).

Ainsi, si le souscripteur donne son accord à l’acceptation du bénéficiaire, il renonce à son droit de rachat ce qui permet de requalifier plus facilement un contrat d’assurance vie en donation indirecte.

Renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance vie par le bénéficiaire après le décès du souscripteur :

La renonciation au bénéfice du contrat doit nécessairement être expresse. Elle conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et est totalement indépendante de la renonciation à la succession du défunt. En principe, elle ne constitue pas une donation.

Une réponse ministérielle précise ainsi que « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026).

La renonciation au bénéfice du contrat doit pour cela être pure et simple : « Je renonce au bénéfice du contrat… ».

L’expression « Je renonce au profit de… »  constituerait une renonciation translative témoignant de la volonté de donner du bénéficiaire renonçant et conduirait à une requalification fiscale en donation indirecte.

  • Fiducie et donation indirecte

« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. » (C.civ. art. 2011)

Le contrat de fiducie permet donc à une personne, dite constituant, de transférer une partie de son patrimoine à une personne physique ou morale, dit fiduciaire. Ce dernier est en charge de gérer ces actifs au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

Reconnue en France depuis 2007, la fiducie permet de gérer un patrimoine en faveur d’un bénéficiaire, comme un enfant handicapé par exemple, ou est utilisée pour garantir un créancier. A la différence des pays anglo-saxons, elle ne peut pas être utilisée en France dans un objectif de transmission.

Ainsi, « le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public. » (C.civ. art. 2013)

Dans les cas où l’intention libérale est prouvée, les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent sur la valeur des biens, droits ou fruits ainsi transférés, appréciée à la date de ce transfert. Ils sont liquidés selon le tarif applicable entre personnes non parentes mentionné au tableau III de l’article 777 du CGI (article 792 bis du CGI).

Si la donation déguisée repose sur un acte sciemment mensonger, son auteur étant  supposé en connaître les risques et les conséquences tant juridiques que fiscaux, la donation indirecte peut s’accomplir sans que ne soit « préméditée » par son protagoniste une intention libérale ou une fraude à la loi.

La donation indirecte peut en effet résulter d’un acte tout aussi anodin qu’ambivalent que la renonciation à un droit ou la stipulation pour autrui. Ces actes neutres par excellence, ni onéreux, ni gratuits, peuvent donc constituer ou non le vecteur d’une volonté libérale, sans que le renonçant ou le stipulant ait eu une quelconque intention de donner.

Le rôle du conseil patrimonial est donc d’analyser en amont l’acte envisagé par son client, ses motivations et objectifs, d’en déduire un constat, et enfin de le conseiller afin de prévenir tout risque de requalification par l’administration et/ou les tribunaux.

Auteur

Jean-Guy Pécresse    

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Sources :

Code des assurances

  • Art. L 132-9

Code civil

  • Art. 804 ss
  • Art. 843
  • Art. 853
  • Art. 893
  • Art. 894
  • Art. 911
  • Art. 931
  • Art. 1044
  • Art. 1096
  • Art. 1099
  • Art. 1205
  • Art. 2011
  • Art. 2013

Code général des impôts

  • Art. 792 bis
  • Art.  1727
  • Art. 1729

Livre des procédures fiscales

  • Art. L 64
  • Art. L 64 A
  • Art. L 192

Jurisprudence

  • Cass. Req. 2-4-1823
  • Cass. Req., 1er juin 1932
  • Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553
  • Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63
  • Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701
  • Cass. 1e civ. 26 avril 1984, n° 82-16.933
  • Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345
  • Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926
  • Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282
  • Cass. 1e civ. 4-3-1980
  • Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD
  • Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149
  • Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729
  • Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999
  • Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier
  • Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383
  • Cass. ch. mixte, 21-12-2007, n° 06-12.769
  • Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934
  • CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87
  • CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990
  • CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376
  • TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e Ch. : RJF 11/06 n° 147
  • BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110
  • BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380
  • RM CIOT, n° 78192, 23-2-16
  • Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026
« Principalement » et non plus « exclusivement » fiscal : le nouvel abus de droit et ses risques

« Principalement » et non plus « exclusivement » fiscal : le nouvel abus de droit et ses risques

Temps de lecture estimé : 8 min
Une nouvelle notion de « l’abus de droit », dit « mini-abus de droit », entre en vigueur au 1er janvier 2020 et fait planer un nouveau risque de redressement fiscal sur certains actes patrimoniaux. L’administration fiscale pourra requalifier sur la base du nouvel article L64 A du LPF (Livre des Procédures Fiscales) les opérations patrimoniales considérées comme à but « principalement » fiscal et non plus « exclusivement » fiscal, comme le voulait jusqu’ici l’usage de l’abus de droit. Quelles conséquences ?

La Loi de Finances pour 2019 (Loi n°2018-1317, 28 décembre 2018, article 109), en élargissant la définition de l’abus de droit,  a mis les conseils vent debout et fragilisé le socle de sécurité juridique encadrant les opérations que le fisc pouvait remettre en question sur ce terrain.

qu’est ce que l’abus de droit ?

Évoquons tout d’abord un bref rappel de la notion d’abus de droit et de sa perception par le législateur et l’administration fiscale.

La procédure d’abus de droit codifiée jusqu’à présent par l’article L64 du Livre des procédures fiscales, permet à l’administration d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, afin d’en restituer le véritable caractère.

L’abus de droit, tel qu’il était défini, renvoyait  à deux types d’actes :

  • les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation)
  • les actes constitutifs de fraude à la loi.

Le premier, la fictivité, s’établit selon un examen des faits. Comme le précise l’administration fiscale : « en pratique la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre l’apparence juridique crée par l’acte en cause et la réalité, en particulier économique sous-jacente à cet acte. » (BOFIP : BOI-CF-IOR-30-20190802)

 Le second, la fraude à la loi, nécessite la réunion de deux conditions :

  • que le contribuable ait cherché le bénéfice d’une application littérale des textes (la loi et les textes réglementaires  tels que les décrets pris en Conseil d’Etat, décret simple ou arrêté) ou  des décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par les auteurs.
  • et que l’acte n’ait pu être inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités, si ces actes n’avaient pas été passés. D’où la qualification d’opération à but « exclusivement » fiscal.

Apportons quelques précisions sur le sujet :

L’exercice d’une option permise par le législateur n’est pas en soi constitutive d’un abus de droit mais les conditions qui ont permis de se trouver en situation d’exercer cette option peuvent l’être et fonder un redressement sur cet article (CE arrêt du 3 Février 1984, n°38320).

Notons qu’un redressement de l’administration fiscale sur le fondement de l’abus de droit peut concerner tout type d’impôts, exception faite de l’impôt sur les sociétés  dont le but principalement fiscal est codifié par un autre article (voir encadré infra).

En outre, c’est bien à l’administration fiscale de rapporter la preuve que les conditions concourant à l’abus de droit sont réunies.

Concernant les sanctions, outre le fait que l’acte soit déclaré non opposable à l’administration fiscale et entraine le paiement de l’impôt éludé, ainsi que des intérêts de retard, si l’opération est qualifiée d’abus de droit au sens de l’article L64 du LPF par l’administration fiscale, le contribuable se voit également appliquer des majorations :

  • de 80 % du montant de l’impôt éludé lorsqu’il est établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs d’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.
  • Si tel n’est pas le cas, la majoration est ramenée à 40%.

Ces pénalités sont prévues à l’article 1729 du code général des impôts et applicables d’office. 

qu’est ce que le nouvel abus de droit, dit « mini-abus de droit » ?

Dans le cadre du nouvel abus de droit prévu par la Loi de Finances 2019, l’article L64 du Livre des Procédures Fiscales a été complété d’un article L64 A qui permet de fonder un redressement lorsqu’un acte est réalisé dans un but principalement fiscal.

Cet article fait suite à une première tentative du législateur invalidée par le Conseil Constitutionnel fin 2013 (1). Dans cette nouvelle version (précisons que le Conseil Constitutionnel n’a pas été cette fois saisi), il est indiqué un motif « principalement fiscal ».

Les termes choisis pour la rédaction de ce dispositif appelé « mini abus de droit » appellent plusieurs remarques :

  • Les termes « principalement fiscal » renvoient à une notion relativement large et imprécise, rendant les cas de requalifications incertains.
  • La charge de la preuve n’a pas été inversée par le nouvel article de loi. C’est toujours l’administration fiscale qui doit rapporter la preuve que l’opération est constitutive d’un abus de droit à but principalement fiscal.
  • La nouvelle définition de l’abus de droit n’est assortie d’aucune pénalité automatique. Cependant, l’administration a la possibilité d’appliquer les pénalités de droit commun, notamment dans le cadre de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré.
  • L’article L. 64 A s’applique aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 (conformément à l’article 109 II A de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018).

Les deux types d’abus de droit concernant les contribuables (personnes physiques)

Articles de loi Mise en application Fondement Sanctions
L64 LPFPour les actes en vigueur, notification de redressement actuelle.- Fictivité
- Fraude à la loi
Impôt éludé, intérêt de retard.
Majorations automatiques 40% ou 80% selon les conditions
L64 A LPF « mini abus de droit »Pour les actes passés à compter du 1er janvier 2020, rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021- Fraude à la loiImpôt éludé, intérêt de retard.
Possible pénalité de droit commun à justifier (40% ou 80%)

Que pouvons-nous craindre ?

L’inquiétude majeure vient du motif « principalement » fiscal. Ce terme renferme en lui-même une notion imprécise, qui laisse à l’administration fiscale une latitude contraire au principe de sécurité juridique du contribuable.  La boîte de «  Pandore » semble ouverte …

Sur le fond, la Doctrine, incarnée notamment par Frédérique Douet ou encore l’éminent Olivier Fouquet, a multiplié les allocutions écrites et orales s’inquiétant de l’imprécision dans  l’écriture du texte. Olivier Fouquet, membre du Conseil d’Etat, déclare ainsi dans un article du 31 janvier 2019 que « cet accroissement considérable de l’insécurité juridique résultant d’une interprétation extensive de l’abus de droit est préoccupante (…). ».

Que mettre sous le vocable « principalement », puisque la plupart des opérations sont, au moins pour partie, motivées par des raisons fiscales ?

En début d’année beaucoup de conseils se sont émus au sujet de la donation de la nue-propriété de biens immobiliers, laquelle permet de réduire l’assiette fiscale de la donation (droits calculés sur la seule valeur de la nue-propriété définie selon l’article 669 du CGI) et d’économiser par la suite de l’impôt de succession (au décès de l’usufruitier, la pleine propriété se reconstitue dans les mains du nu-propriétaire sans supplément d’imposition, article 1133 du CGI).

Compte tenu de la nouvelle rédaction de l’abus de droit et du nouveau dispositif applicable en 2020, doit-on considérer ce but comme principalement fiscal ?

Le discours de la DGFIP (ministère de l’Action et des Comptes publics), dans son communiqué de presse du 19 janvier dernier, s’est voulu rassurant. Néanmoins un communiqué de presse n’a pas en soi de valeur juridique.

La réponse ministérielle du 13 juin dernier posée par Catherine Procaccia (question numéro 09965) serait néanmoins de nature à rassurer puisqu’elle précise :

 « l’intention du législateur n’est pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d’autres dispositions fiscales. À cet égard, il peut être constaté notamment que les articles 669 et 1133 du code général des impôts (CGI) (…) n’ont pas été modifiés. Ainsi, la nouvelle définition de l’abus de droit telle que prévue à l’article L. 64 A du LPF n’est pas de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives. »

La DGFIP a promis des éclaircissements que les conseils attendent et appellent de leurs vœux.

Pour autant, on peut d’ores et déjà rappeler que les schémas de cessions à soi-même de biens immobiliers détenus en direct et vendus à une structure sociétaire (SCI IR ou IS par exemple), détenue principalement ou totalement par les vendeurs semblent faire partie des schémas possiblement remis en cause, tant il peut sembler visible dans beaucoup de structurations que le but pourrait être principalement fiscal.

On a donc vu beaucoup de conseils valider des opérations de cessions de biens immobiliers à soi-même pour une passation des opérations et d’acquisition auprès du notaire avant la fin de l’année 2019. L’acte étant passé avant l’année 2020, le redressement ne pourra être fondé sur le motif « principalement » fiscal. Dans l’attente des précisions et commentaires de l’administration, l’année 2020 devrait appeler les conseils à la prudence sur ce type de dispositifs.

Les schémas de donation avant cession, bien connus et, jusqu’à présent, validés en jurisprudence font aussi partie des schémas qui pourraient tomber sous les feux de l’administration. On pourrait encore citer l’apport de biens à communauté puis la donation aux enfants de ces derniers.

En pratique, pour les opérations à venir, les conseils seraient amenés à préciser l’objectif de l’acte dans une clause de déclaration d’intention et motiver ce dernier par d’autres finalités que des considérations fiscales.

Mais finalement, le but inavoué de l’Etat ne serait-il pas de favoriser le recours au rescrit fiscal lui permettant de se prononcer en amont sur les opérations envisagées par le contribuable ou de favoriser la saisine du comité de l’abus de droit ? Autant d’orientations sibyllines au nom de la lutte contre la fraude fiscale.

à noter : une troisième définition de l’abus de droit concernant l’impôt sur les sociétés

La Loi de Finances pour 2019 a insérée une troisième définition de l’abus de droit à l’article 205-A du Code général des impôts  en matière d’impôt sur les sociétés uniquement.

En transposant la Directive européenne « ATAD (2), l’article 205-A du CGI vient étendre cette notion à l’ensemble de l’impôt sur les sociétés alors qu’elle ne concernait en droit français que le régime des sociétés mères. Il institue ainsi une clause « anti-abus » générale en matière d’impôt sur les sociétés.

La notion d’abus de droit semble donc s’inscrire partout.

Les nouveaux élargissements de la notion d’abus de droit sont compris par les professionnels du droit comme une potentielle source d’insécurité juridique. Aussi, certains conseils n’excluent pas une action en justice quant à la constitutionnalité du dispositif  du «mini abus de droit ».

L’Etat de droit nous semble appeler une clarification qui serait bienvenue tant pour les conseils que pour le contribuable. Gageons que l’administration fiscale va préciser assez rapidement les contours du terme « principalement fiscal » pour circonscrire au mieux les opérations à venir et garantir aux contribuables, comme aux professionnels du droit, un environnement fiscal plus serein.

Auteur
Sabine Petitgirard 

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 1, juriste fiscaliste patrimonial private banking, spécialisé en gestion de patrimoine.

Loi Pacte : principales mesures concernant le patrimoine des particuliers

Loi Pacte : principales mesures concernant le patrimoine des particuliers

Temps de lecture estimé : 7 min
Au terme d’un long travail parlementaire (plus de 12 mois de débats), la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a été publiée au Journal Officiel de la République Française le 23 mai 2019. Cette loi contient notamment de nombreuses évolutions en faveur de la modernisation des outils de gestion de patrimoine des français et de nombreuses mesures de soutien aux PME-ETI.

Nous vous présentons une synthèse de ces principales mesures en abordant dans un premier temps les dispositions concernant les supports de gestion du patrimoine privé.

Mesures en faveur de l’assurance vie

Mise en place d’une mesure de transférabilité partielle

La loi PACTE instaure un principe de transférabilité des contrats d’assurance vie ou de capitalisation au sein du même assureur, sans perte d’antériorité fiscale.

  • En pratique, le souscripteur d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation a désormais la possibilité de transférer un ancien contrat vers un nouveau au sein de la même compagnie d’assurance, sous réserve que ce nouveau contrat soit en tout ou partie investi en unités de comptes ou en fonds Euro croissance. Cette transformation, qui peut se réaliser soit par voie d’avenant, soit dans le cadre d’une nouvelle souscription, n’emporte pas les conséquences fiscales d’un dénouement.
  • A la différence de l’ancien dispositif « Fourgous » (qui permettait la transformation d’un contrat mono support en un contrat multi support sans perte d’antériorité fiscale), cette transformation n’est pas subordonnée au respect d’un pourcentage minimum d’unités de comptes au sein du nouveau contrat.

Le transfert d’un contrat vers un autre assureur demeure une opération assimilée à un rachat taxable, entraînant le dénouement du contrat suivi d’une nouvelle souscription.

A ce stade, nous ne connaissons pas encore les modalités pratiques que vont adopter les assureurs dans le cadre de ces nouvelles dispositions.

Ouverture des contrats de droit français à certains fonds professionnels de Private Equity

Les unités de comptes éligibles aux contrats d’assurance vie de droit français pourront être constituées de certains fonds de Private Equity ouverts à des investisseurs professionnels.

  • Ces fonds s’entendent notamment des FPCI (fonds professionnels de capital investissement), des SLP (sociétés de libre partenariat) ou des OPPCI (organismes professionnels de placements collectifs immobiliers).
  • Un décret, non paru à ce jour, doit notamment fixer les conditions à remplir pour pouvoir souscrire ces nouveaux supports (conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière du détenteur du contrat).

Pour favoriser la souscription de fonds de “Private Equity” par les investisseurs éligibles et ainsi lever la contrainte de liquidité reposant sur l’assureur, la loi PACTE assouplie également les conditions de délivrance en nature.

  • Dorénavant, lorsque le souscripteur d’un contrat d’assurance opte irrévocablement pour la remise de titres éligibles en cas de rachat (sous réserve de l’accord de l’assureur), cette option sera réputée s’appliquer au bénéficiaire du contrat, sauf mention expresse contraire.
  • Le règlement du contrat par la remise de titres reste subordonné au respect de nombreuses conditions.

Mesures diverses

Les versements sur un contrat d’assurance vie par un résident de France devront désormais obligatoirement être réalisés en numéraire, y compris pour des contrats de droit luxembourgeois.

Un abattement temporaire de 9 200 € (contribuable soumis à imposition commune) ou de 4 600 € (contribuable seul) est instauré sur les gains réalisés en cas de rachat total ou partiel d’un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans en vue d’alimenter un Plan d’Epargne Retraite (PER, cf. infra)

  • Ces rachats doivent être réalisés avant le 1er janvier 2023 par un souscripteur à plus de 5 ans de l’âge de l’ouverture de ses droits à retraite, et les sommes reçues au titre de ce rachat devront être intégralement versées sur un PER avant le 31 décembre de l’année du rachat.
  • Cet abattement est fonction de la situation familiale du souscripteur et sera cumulable avec l’abattement de droit commun du même montant déjà applicable en cas de rachat sur un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans.

Les compagnies d’assurance seront soumises à de nouvelles obligations de transparence s’agissant notamment des participations aux bénéfices (PAB) attribuées ou des frais appliqués sur les unités de comptes proposées.

A compter du 1er janvier 2020, les assureurs auront l’obligation de proposer pour les contrats conclus à compter de cette même date des unités de compte socialement responsables. A compter de 2022, cette obligation s’étendra aux unités de compte vertes et solidaires.

assouplissement des règles de fonctionnement du pea et du pea-pme

Fusion des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME

Depuis le 24 mai 2019, les plafonds des versements sur un PEA et un PEA-PME sont fusionnés en un plafond commun, fixé à 225 000 €. Mais pour favoriser le PEA-PME, le plafond individuel du PEA demeure fixé à 150 000 €.

En pratique, les versements non utilisés sur un PEA peuvent être utilisés sur un PEA-PME, mais l’inverse n’est pas possible.

  • Par exemple, un contribuable titulaire d’un PEA sur lequel il a versé 10.000 € peut abonder un PEA-PME jusqu’à 215.000 €.
  • En revanche, un investisseur titulaire d’un PEA-PME alimenté avec 10.000 € ne pourra verser sur son PEA que 150.000 € (il lui restera alors un reliquat de versements de 65.000 € qu’il ne pourra placer que sur son PEA-PME).

Le titulaire d’un PEA ou d’un PEA-PME qui aurait sciemment dépassé ces seuils de versements est passible d’une amende fiscale égale à 2% du montant des versements surnuméraires (outre les autres sanctions, notamment la clôture des plans).

Création d’un pea « jeune majeur »

Depuis le 24 mai 2019, un jeune de 18 à 25 ans rattaché au foyer fiscal de ses parents peut ouvrir un PEA dont le plafond de versement est fixé à 20.000 € jusqu’à la fin de son rattachement (les versements effectués par ce majeur rattaché ne s’imputent pas sur le plafond de versement du ou des PEA de ses parents).

Un majeur rattaché au foyer fiscal de ses parents ne peut pas ouvrir un PEA-PME.

Le titulaire d’un PEA « jeune majeur » qui aurait sciemment dépassé le seuil de 20.000 € est passible d’une amende fiscale égale à 2% du montant des versements surnuméraires.

Assouplissements des règles de retrait partiel

A compter du 24 mai 2019, un retrait partiel sur un PEA ou sur un PEA-PME de plus de 5 ans n’entraîne ni la clôture du plan, ni le blocage de nouveaux versements.

  • Pour rappel, jusqu’au 23 mai 2019, un retrait partiel opéré sur un PEA de plus de 5 ans et de moins de 8 ans entraînait la clôture du plan, tandis qu’un retrait réalisé sur un plan de plus de 8 ans empêchait d’effectuer de nouveaux versements.

Compte tenu des modifications apportées par la loi PACTE, et des assouplissements apportés par la loi de finances pour 2019, le régime applicable en cas de retraits partiels est le suivant :

Elargissement des instruments éligibles au pea-pme

Depuis le 24 mai 2019, l’univers d’investissement du PEA-PME est élargi aux :

  • Minibons
  • Titres participatifs
  • Obligations à taux fixe émises par des PME-ETI dans le cadre d’une offre de financement participatif
  • Obligations remboursables en actions (ORA) non cotées, émises par des PME-ETI.
    • Auparavant, seules les OCA (obligations convertibles) ou les ORA cotées émises par des PME-ETI étaient éligibles au PEA-PME
    • Les OCA non cotées demeurent exclus du PEA-PME.

Par ailleurs, est instauré un complexe dispositif d’imposition partielle des produits procurés par des placements effectués en ORA non cotées sur un PEA-PME (coupons et plus-values générées par la cession de l’ORA ou de l’action reçue lors du remboursement de l’obligation).

création du « plan d’épargne retraite » (per)

La loi PACTE instaure un « Plan d’Epargne Retraite » (PER), dont l’objet est de permettre à son titulaire le paiement de rentes viagères ou le versement d’un capital à compter de sa retraite.

Ce PER sera composé de trois compartiments distincts :

  • un compartiment individuel, qui sera alimenté avec les versements volontaires du titulaire (venant se substituer aux dispositifs PERP et Madelin) – 1er compartiment
  • un compartiment collectif facultatif (équivalent au PERCO), qui sera alimenté avec les sommes versées au titre de l’épargne salariale (intéressement et participation), la monétisation de certains jours de CET et les versements volontaires – 2e compartiment
  • un compartiment collectif obligatoire (équivalent aux actuels dispositifs articles 39 et 83) qui sera notamment alimenté avec les cotisations obligatoires salariées et employeurs au titre des plans d’épargne retraite d’entreprise (PERE) – 3e compartiment

Avant la retraite du titulaire, les sommes logées sur un PER seront bloquées.

  • Elles pourront toutefois être débloquées par anticipation en capital dans certaines situations (décès du conjoint ou partenaire de PACS du titulaire, invalidité, surendettement, acquisition de la résidence principale [uniquement pour les sommes logées sur le 1er et le 2e compartiment], …)
  • Le décès du titulaire entraîne la clôture du PER

Au jour de la liquidation des droits à la retraite, les droits correspondants aux 1er et 2e compartiments pourront en principe être délivrés, au choix du titulaire, sous la forme d’un capital ou sous la forme de rentes viagères (le cas échéant réversibles). Les droits correspondants au 3e compartiment ne pourront être délivrés que sous forme de rentes viagères.

Le PER doit entrer en vigueur à une date fixée par décret (non paru à ce jour) et au plus tard le 1er janvier 2020. Par ailleurs, certaines mesures d’application doivent être prises par ordonnances dans les 12 mois de la publication de la loi PACTE. Ces ordonnances devront notamment prévoir le régime fiscal applicable au PER : il s’agira de définir les modalités de déductibilités des versements volontaires et obligatoires et les modalités d’imposition des rentes viagères ou des prestations en capital (en cas de déblocages anticipés ou à l’occasion de la retraite) qui demeurent, à ce stade, inconnues. Devront aussi être précisées les règles d’articulation du PER avec les dispositifs existants (PERP, PERCO,…).

En conclusion

La loi Pacte modifie donc significativement les principaux supports de gestion de patrimoine des français : l’assurance-vie, le PEA et les supports d’épargne retraite. Elle apporte des assouplissements importants pour favoriser leur développement. Les décrets à paraître restent néanmoins très attendus pour connaître les détails d’application et d’imposition de ces nouvelles mesures.

Auteur
François Soubiran 

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

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La déclaration d’impôt sur les revenus 2020 en 7 points

La déclaration d’impôt sur les revenus 2020 en 7 points

Temps de lecture estimé : 6 min

Grande nouveauté : la déclaration d’impôt 2020 devient automatique pour un grand nombre de contribuables aux revenus récurrents et pré-déclarés. En ligne depuis le 20 avril, la déclaration sur les revenus 2020 n’en demeure pas moins complexe. Elle permet la première régularisation du prélèvement à la source institué en 2019 et reste impactée par les mesures dites « anti-optimisation » prises dans le cadre de l’année blanche.

Tour d’horizon en 7 points.

Entre limitation de certaines déductions pour travaux fonciers ou épargne-retraite, particularités de certains crédits d’impôt comme le CITE (Crédit d’Impôt Transition Energétique), régularisations de réduction d’impôt pour certaines dépenses ou dons, la déclaration fiscale est loin d’être simplifiée.

Avant d’établir la déclaration d’impôt 2020, 7 points spécifiques sont à connaître.

1- la déclaration automatique de revenus

Comme tous les ans, la déclaration est pré-remplie. Une nouveauté importante est apportée cette année : lorsqu’il n’est pas nécessaire de la modifier, la déclaration de revenus est automatique sans avoir à la signer ni à la transmettre.

2- première année de régularisation pour le prélèvement à la source (pas)

L’impôt a été payé pour la première fois à la source sur les revenus de 2019, l’année même de leur perception. Le prélèvement à la source est calculé sur la base d’un taux moyen d’imposition tenant compte des revenus de 2018. Il ne prend pas en compte les gains réels perçus en 2019 et leurs variations annuelles (cas par exemple des loyers, des bénéfices professionnels, des plus-values exceptionnelles). La déclaration des revenus réellement perçus reste indispensable pour le calcul de l’impôt dû.

L’année 2020 est la première année de cette régularisation :

  • si l’impôt définitif est supérieur aux prélèvements à la source de 2019 : le solde est à régler en septembre 2020.
  • si l’impôt définitif est inférieur aux prélèvements à la source 2019 : le solde est restitué.

3- immobilier

déduction des travaux limitée en 2019

Attention aux travaux de réparation, d’entretien et d’amélioration réalisés en 2019 et à leur déduction.

Du fait de l’année blanche sur l’impôt sur le revenu en 2018, ces travaux normalement déductibles font l’objet d’une mesure dite « anti-optimisation ».

Seule la moyenne des travaux réalisés en 2018 et en 2019 est déductible des revenus fonciers 2019. Cela revient à dire que seuls 50 % des travaux réalisés en 2018 et 50 % des travaux réalisés en 2019 sont déductibles des loyers perçus en 2019.

A noter 

Les contribuables qui ont souhaité maintenir des travaux en 2018 ont pu les déduire des revenus fonciers 2018, même si l’effet de cette déduction a été limité par l’année blanche. Un déficit a pu être créé au titre de 2018 et utilisable sur les dix années suivantes.
Ces travaux déduits à 100 % sur les revenus fonciers de 2018 sont également déductibles à 50 % sur les revenus fonciers de 2019, soit une déduction de 150 %.

Si ces travaux ont été réalisés sur des immeubles acquis en 2019 ou s’il s’agit de travaux d’urgence ou de force majeure, ils restent totalement déductibles en 2019.

un nouveau régime de défiscalisation denormandie

Une nouvelle déduction immobilière a vu le jour en 2019 : le dispositif Denormandie. Ce régime s’applique aux rénovations immobilières dont les travaux de type énergétique (les travaux éligibles sont élargis à partir de 2020) représentent au moins 25 % du montant total de l’investissement.
L’immeuble doit être situé dans une zone spécifique (liste établie par décret de 245 communes dit « Action cœur de ville » ou sous-convention d’opération de revitalisation du territoire (ORT)).

L’investissement est limité à un plafond global de 300.000 € et de 5.500 €/m2. La réduction d’impôt est de 12 %, 18 % ou 21 %, selon la durée d’engagement de location du bien à titre de résidence principale sur 6, 9 ou 12 ans. Des conditions de loyers et de ressources des locataires sont également à respecter.

4- épargne-retraite : perp et article 83

A la suite de l’année blanche sur les revenus 2018, les versements réalisés en 2019 sur les supports d’épargne-retraite PERP (Plan d’épargne-retraite populaire) et contrat « article 83 » font l’objet d’une mesure « anti-optimisation ».

Si ces versements ont été réduits en 2018 comparativement à 2017 et 2019, la déduction des versements réalisés en 2019 est limitée à la moyenne des versements réalisés en 2018 et 2019.

Si aucun versement n’a été réalisé en 2018 mais que ces supports ont été alimentés en 2017, les versements réalisés en 2019 sont alors déductibles à 50 % seulement de leur montant.

Dans les autres cas (pas de versement en 2018 ni en 2017 ou versements en 2018 supérieurs à ceux de 2017 ou pour les contrats ouverts en 2019), les versements de 2019 sont déductibles dans leur totalité.

5- cimr 2020 (crédit d’impôt modernisation du recouvrement)

Le Crédit d’Impôt Modernisation du Recouvrement (CIMR) accordé en 2019 dans le cadre de l’année blanche efface l’impôt sur les revenus récurrents et non exceptionnels de 2018.

Les indépendants ou entrepreneurs individuels peuvent bénéficier d’un complément de CIMR en 2020 lorsque leurs bénéfices professionnels réalisés en 2019 (BA Bénéfices Agricoles, BIC Bénéfices Industriels et Commerciaux et BNC Bénéfices Non Commerciaux) sont supérieurs à ceux de 2018 ou aux bénéfices les plus élevés de 2015, 2016 ou 2017.

En savoir plus : Bofip.impots.gouv.fr « IR- Prélèvement à la source – Mesures transitoires – CIMR »

6- réductions et crédits d’impôt

régularisation des avances de janvier 2020

Afin de ne pas attendre le mois de septembre de chaque année pour bénéficier des réductions et crédits d’impôt liés à certaines dépenses ou certains dons, une avance est versée en janvier. Cette avance est égale à 60 % des réductions et crédits d’impôt déclarés l’année précédente.

La déclaration d’impôt permet de connaître le montant des dépenses et des dons réellement effectués au titre de l’année précédente et de calculer le complément de réduction d’impôt à percevoir ou à restituer :

  • Si les réductions et crédits d’impôt au titre des dépenses et dons réalisés en 2019 sont supérieurs ou égaux à ceux effectués en 2018, le complément est perçu en fin juillet ou début août 2020.
  • Dans le cas inverse, une restitution est exigée et rajoutée à l’impôt à payer en septembre 2020 au titre des revenus 2019.

dernière année pour le cite (crédit d’impôt transition energétique)

2019 est la dernière année avant la limitation du CITE et sa transformation en prime forfaitaire.

Les investissements énergétiques réalisés sur la résidence principale, construite depuis plus de 2 ans, ouvrent droit à une réduction d’impôt de 15 % à 30 % suivant la nature des travaux. La base de dépenses déductible est limitée à 8.000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, et 16.000 € pour un couple marié ou pacsé sur une durée de 5 ans.

De nouvelles dépenses sont éligibles en 2019 (chaudière à très haute performance énergétique hors fioul, remplacement de fenêtres, équipements de chauffage à source d’énergie renouvelable, dépose d’une cuve à fioul) et surtout ces dépenses sont prises en compte sans conditions de ressources.

A partir du 1er janvier 2020, le CITE sera progressivement transformé en prime forfaitaire allouée sous conditions de revenus.

7- plus-values sur valeurs mobilières

pea et pea-pme

Les PEA et PEA-PME ont été profondément remaniés dans leur fonctionnement par la loi Pacte et également dans leur fiscalité.

Depuis le 1er janvier 2019, les retraits réalisés sur un plan de moins de 5 ans sont imposés au taux fixe de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu (sauf option pour le barème progressif). A ce taux s’ajoutent les contributions et prélèvements sociaux de 17,2 %.

plus-value de cession d’actifs numériques

Autre nouveauté en 2019 : les plus-values sur actifs numériques (crypto monnaie) réalisées par des personnes physiques à titre occasionnel et non professionnel sont imposées au PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique) de 30 %, composé du taux d’impôt de 12,8 % et des contributions et prélèvements sociaux de 17,2 %.

Lorsque les cessions annuelles de ces actifs numériques restent inférieures à 305 €, les plus-values sont exonérées.

 

En résumé

La déclaration d’impôt sur les revenus 2020 est simplifiée pour un grand nombre de contribuables. Les personnes percevant des revenus réguliers et connus de l’administration fiscale disposent cette année d’une déclaration en ligne non seulement pré-remplie mais également automatique.

2020 est aussi la première année de régularisation du prélèvement à la source. Les déclarations de revenus professionnels, de revenus fonciers, de plus-values sur valeurs mobilières mais également des dépenses ouvrant droit à réduction d’impôt nécessitent toujours et d’autant plus une attention et un conseil avisé.

 

Auteurs
Anne Brouard

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

IFI : le point sur l’immobilier professionnel

IFI : le point sur l’immobilier professionnel

Temps de lecture estimé : 8 min

Depuis l’instauration de l’IFI, Impôt sur la Fortune Immobilière, succédant à l’ISF au 1er janvier 2018, le champ de l’imposition sur la fortune est réduit aux biens immobiliers détenus directement ou par l’intermédiaire de société.

Qu’en est-il de l’immobilier d’entreprise ? Les règles d’imposition de ces biens immobiliers professionnels diffèrent-elles de celles de l’ISF ? Sont-ils imposables ou s’agit-il d’actif professionnel exonéré et dans quels cas ?

Au 1er janvier 2018, l’ISF a été remplacé par l’IFI, Impôt sur la Fortune Immobilière. Comme son nom l’indique, le champ d’application de cette nouvelle imposition est limité aux biens et titres immobiliers.

Est ainsi imposable, tout contribuable, résidant fiscal en France (à raison de ses biens immobiliers situés en France et hors de France), ou non résident (à raison de la valeur de ses biens et droits immobiliers situés en France), qui seul ou avec son foyer fiscal (conjoint, partenaire de Pacs, concubin notoire, enfants mineurs) détient un patrimoine immobilier net supérieur à 1 300 000 €.

Les actifs immobiliers pris en compte sont ceux détenus directement par les membres du foyer fiscal mais également ceux détenus indirectement au sein de sociétés dont le contribuable ou un membre de son foyer fiscal est associé ou par l’intermédiaire de fonds de placement (SCPI, OPCI).

Les biens immobiliers de jouissance (résidence principale – celle-ci bénéficiant d’un abattement – résidence secondaire) sont imposables mais aussi les biens immobiliers de rapport (immeubles locatifs) détenus directement ou indirectement, leur gestion relevant d’une activité civile.

Qu’en est-il des biens immobiliers professionnels ?

Avant 2018, l’ISF prévoyait un régime spécifique pour l’exonération des actifs professionnels. L’IFI a repris ce principe mais de manière différente.

Dans le cadre de l’ISF, les critères d’exonération concernaient principalement la situation professionnelle du contribuable (entrepreneur individuel, conditions spécifiques pour les actionnaires de sociétés à l’IR et de sociétés à l’IS).

L’IFI prévoit deux régimes distincts concernant les biens immobiliers professionnels :

  • le premier concerne le bien lui-même et ses conditions pour être hors champ de l’IFI et donc non imposable (article 965 du CGI).
  • le deuxième concerne le contribuable au regard de l’exercice de son activité professionnelle (entrepreneur individuel, société à l’IR ou à l’IS) et prévoit la situation où le bien immobilier est détenu hors société (article 975 du CGI).

Ces deux régimes s’appliquent indépendamment.

La non-imposition des biens immobiliers professionnels détenus en sociétés et hors champ de l’ifi : article 965 du cgi

Le nouvel article 965 du CGI (créé par la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017) définit l’assiette imposable de l’IFI.

Dans le cas où les biens immobiliers sont détenus en société dont le redevable est associé, la valeur imposable à l’IFI est celle des parts de la société pour leur fraction représentative des biens immobiliers détenus directement ou indirectement.

Pour calculer cette fraction, on applique à la valeur des parts un coefficient correspondant au rapport entre la valeur vénale des biens immobiliers imposables détenus directement ou indirectement  par la société et la valeur vénale de l’actif total de la société.

Ce même article prévoit néanmoins deux situations dans lesquelles les biens immobiliers n’entrent pas dans le calcul de ce coefficient et donc de la fraction des parts sociales imposables à l’IFI.

Ces cas de non-imposition concernent donc uniquement des biens immobiliers détenus en société.

Biens immobiliers détenus dans une société ayant une activité économique et dont le redevable détient moins de 10 % du capital

Lorsque le bien immobilier est détenu dans une société ayant une activité économique (industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale) dont le redevable détient directement ou indirectement, seul ou avec son foyer fiscal, moins de 10 % du capital et des droits de vote, sa valeur est exclue du champ imposable de l’IFI pour ce redevable.

Si la société n’a pas d’activité économique opérationnelle, le contribuable est alors imposable sur la valeur immobilière des parts sociales sauf s’il peut démontrer qu’il ne dispose pas des informations nécessaires à l’estimation de la fraction imposable de ses parts et à condition qu’il ne contrôle pas la société et qu’il détienne directement ou indirectement, seul ou avec son foyer fiscal, moins de 10 % du capital et des droits de vote de la société détenant les biens immobiliers concernés.

Biens immobiliers détenus dans une société et affectés à l’activité économique de cette société ou d’une société du groupe

Cas d’une seule société :

Les biens immobiliers détenus directement par une société dont le redevable est associé ou actionnaire n’entrent pas dans le calcul de la fraction imposable des parts de cette société à l’IFI si ces biens sont affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette même société.

Le contribuable doit simplement être associé de la société mais aucune condition de détention minimale de capital n’est exigée. Cette « non-imposition » à l’IFI tient donc principalement à la détention du bien en société et à l’affectation du bien à l’activité économique de cette même société.

Cas des groupes de sociétés :

Dans les groupes de sociétés, les biens immobiliers peuvent être détenus à plusieurs niveaux (holding, filiales). Les biens immobiliers ne sont alors hors champ de l’IFI que dans les situations suivantes :

  • lorsque le bien immobilier est détenu par une filiale détenue directement ou indirectement par la société dans laquelle le redevable détient ses parts et que ce bien est affecté à l’activité économique de cette filiale (CGI art. 965, 2°-a) ;
  • lorsque le bien immobilier est détenu par une société du groupe mais affecté à l’activité économique d’une autre société du même groupe (CGI art. 965,2°-b), les possibilités de non-imposition sont alors limitées aux seuls cas où le bien immobilier est affecté :
    • à l’exploitation de la société du groupe qui exerce l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et dans laquelle le redevable détient sa participation directement ou indirectement ;
    • à l’activité économique de la société même qui détient le bien ;
    • à l’activité économique d’une société du groupe contrôlée par la société qui exerce l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dont le redevable est directement ou indirectement associé. Ce contrôle se caractérise par la détention, directement ou par personne interposée, de la majorité des droits de vote ou du pouvoir de décision.

Dans l’organigramme ci-dessus, si le bien professionnel détenu par la société B est affecté à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société C, il est exclu du champ de l’IFI pour le calcul de la valeur imposable des parts sociales de A à l’IFI car la société C est contrôlée par la société A.

Si le bien professionnel détenu par la société B est affecté à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société D, il reste imposable car la société D n’est pas contrôlée par la société A.

En savoir plus
Legifrance.gouv.fr – Article 965 du CGI

L’exonération des biens immobiliers pour caractère professionnel : article 975 du cgi

Un autre régime d’exonération des biens à caractère professionnel existant du temps de l’ISF et codifié à l’article 975 du CGI a également été maintenu dans le cadre de l’IFI et actualisé en conséquence. Il concerne :

  • les biens immobiliers ou les parts de société telles que définies dans l’article 965 du CGI, lorsque ces biens sont affectés à l’activité principale industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale du redevable.

Cette situation concerne principalement l’entrepreneur individuel détenant en direct un bien immobilier et affectant exclusivement ce bien à son activité professionnelle principale. Ce bien est alors exonéré au titre des biens professionnels. Le régime de l’article 965 du CGI n’aurait pas permis d’exclure ce bien de l’IFI puisque les cas de non-imposition qu’il prévoit ne visent que les biens détenus en société.

  • les biens immobiliers ou les parts de société telles que définies dans l’article 965 du CGI et affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale d’une société de personnes soumise à l’IR (sociétés de l’article 8 et 8 ter du CGI) et dans laquelle le redevable exerce son activité professionnelle principale.

Un bien immobilier affecté exclusivement à l’activité économique d’une SNC dans laquelle le contribuable exerce son activité principale est donc exonéré d’IFI.

  • Les biens immobiliers ou les parts de société telles que définies dans l’article 965 du CGI et affectés à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale d’une société de personnes soumise à l’IS à condition que :
    • le redevable exerce dans cette société une fonction de direction (gérant nommé dans les statuts pour une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions ou associé en nom d’une société de personnes ou président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions) ;
    • cette fonction de direction doit être effectivement exercée et donner lieu à une rémunération dite normale au regard des rémunérations de même type. Cette rémunération doit également représenter plus de la moitié des revenus professionnels du contribuable ;
    • le redevable doit détenir plus de 25 % des droits de vote au capital de la société, seul ou par l’intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants, descendants ou de leurs frères et sœurs, directement ou indirectement dans la limite d’un seul niveau d’interposition. Cette condition de détention de 25 % du capital n’est pas exigée pour les gérants majoritaires de SARL, pour les associés de sociétés de personne ou sociétés civiles soumises à l’IS, pour les gérants de société en commandite par actions ;
    • si la détention de 25 % du capital n’est pas réalisée, l’exonération est également accordée si le redevable exerce bien une fonction de direction et lorsque la valeur des titres de la société qu’il détient représente plus de 50 % de la valeur brute de son patrimoine total.

Enfin, l’article 975 du CGI prévoit le cas important, car fréquent, où le bien immobilier n’est pas détenu par la société professionnelle du contribuable mais affecté à l’activité économique de cette société.

Dans la situation ci-dessus, le bien immobilier est détenu directement par le redevable qui satisfait aux conditions précédentes de l’article 975 du CGI. Ce bien est affecté à l’activité économique de la société. Il bénéficie de l’exonération au titre des biens professionnels à hauteur de la participation du redevable au capital de la société A.

Ce dernier point prévu par l’article 975 du CGI est d’application importante puisqu’il concerne les cas fréquents de détention de l’immobilier professionnel hors société. Son usage est d’autant plus important que l’article 965 du CGI ne prévoit pas cette situation et ne vise, pour les cas de non-imposition, que les biens immobiliers détenus en société.

En savoir plus
Legifrance.gouv.fr – Article 975 du CGI

En conclusion, il existe deux régimes distincts (article 965 du CGI et article 975 du CGI) permettant d’exclure du champ imposable de l’IFI les biens immobiliers à usage professionnel.

Certains contribuables peuvent être non imposables sur leur bien immobilier professionnel au titre des deux régimes.

D’autres contribuables qui n’étaient pas exonérés dans le cadre de l’ISF peuvent le devenir dans celui de l’IFI, principalement par l’application de l’article 965 du CGI.

Ceci peut être le cas d’une société à l’IS ayant une activité économique et détenant un bien immobilier affecté à cette activité. Si l’associé ne détient pas 25 % du capital et n’exerce pas de fonction de direction dans cette société, il ne peut être exonéré d’IFI au titre de l’article 975 du CGI mais, par application de l’article 965 du CGI, ce bien n’entrera pas dans le calcul de la fraction imposable à l’IFI de ses parts de société.

Sources

  • Code Général des Impôts
    • Article 964
    • Article 965
    • Article 975
  • Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, art. 31
  • BOI-PAT-IFI
    • BOI-PAT-IFI-10
    • BOI-PAT-IFI-20-20 et sous-chapitres
    • BOI-PAT-IFI-30 et sous-chapitres

Auteur
Anne Brouard  

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.