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L’assurance-vie perd-elle de son intérêt patrimonial ?

L’assurance-vie perd-elle de son intérêt patrimonial ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Évolution de la fiscalité en cas de vie, taux d’intérêt décroissant et règlementation plus contraignante. L’assurance vie conserve-t-elle sa place de premier rang dans les stratégies patrimoniales ?

 

 

L’assurance vie est le support d’épargne privilégié des Français, représentant en moyenne plus de 30% de leur épargne financière. Le phénomène est encore plus marqué chez les « hauts patrimoines » (10% des ménages les mieux dotés en patrimoine brut), dont la composante financière est investie à 43% sur des contrats d’assurance vie, comme le note l’INSEE dans son rapport Revenus et patrimoine des ménages en 2021.

Cette situation s’explique d’abord par le statut fiscal de ce type de placement tant en matière d’imposition des gains que de droits de succession. Ce régime fiscal a longtemps été considéré comme privilégié, mais il a récemment fait l’objet d’aménagements.

La sécurité qu’offre le fonds en euros des contrats d’assurance vie constitue un deuxième argument, pour les Français qui sont réputés prudents dans leurs investissements (taux d’épargne parmi les plus élevés d’Europe, faiblesse du poids des investissements en actions). Dans un contexte de baisse régulière et apparemment inexorable des rendements du fonds en euros, cette sécurité peut sembler aujourd’hui chère payée.

Pour les titulaires des patrimoines les plus élevés, la gestion des actifs financiers est souvent déléguée à un ou plusieurs gérants en raison du temps qu’il est nécessaire d’y consacrer et également des compétences requises pour la réaliser efficacement. Toutefois, la règlementation en matière de transparence des frais évolue fortement, ce qui n’est pas sans conséquence sur les modes de gestion et les types d’actifs financiers.

La baisse du rendement des fonds en euros conjuguée à la récente évolution du cadre fiscal de l’assurance vie et à l’évolution du contexte réglementaire sonnent-ils le glas de ce support de capitalisation, les épargnants étant incités à se tourner vers d’autres solutions de placement ?

Les conseillers, qui ont longtemps mis en avant les contrats d’assurance vie pour l’ensemble de leurs avantages, vont sans doute devoir réévaluer la pertinence de leurs recommandations au regard de l’évolution du contexte.

assurance-vie : évolution de la fiscalité sur les revenus

La réforme de la fiscalité des actifs financiers, mise en œuvre en 2018, a plusieurs mérites dont celui d’uniformiser, à quelques nuances près, le traitement fiscal des revenus financiers et plus-values sur valeurs mobilières.

Un taux de Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), appelé communément Flat Tax, de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 % pour former un taux global d’imposition de 30 %, s’applique en effet désormais :

  • aux dividendes d’actions
  • aux revenus de créances (dont font partie les obligations)
  • aux plus-values sur valeurs mobilières
  • ou encore aux gains constatés en cas de retrait entrainant la clôture d’un PEA au cours des cinq premières années suivant son ouverture.
  • mais aussi aux gains constatés lors de retraits effectués sur les contrats d’assurance vie nouvellement souscrits (depuis le 27 septembre 2017) ou sur des contrats plus anciens sur lesquels des versements auraient été réalisés postérieurement au 27 septembre 2017.

La dégressivité de la fiscalité à laquelle nous nous étions habitués lorsque nous options en faveur du prélèvement forfaitaire libératoire, qui avait pour objectif d’inciter les épargnants à investir sur le long terme, n’a donc plus cours pour les nouveaux contrats ou nouveaux versements.

Toutefois, pour continuer à inciter l’épargne longue, le mécanisme d’abattement pour « durée de détention » a été maintenu ainsi que le taux d’imposition de 7,5%, mais seulement pour la part de gains issue de primes inférieures à 150.000 €.

Le mécanisme d’imposition de ces retraits effectués au-delà de 8 ans peut se décomposer ainsi :

  • La part de gains retirée au-delà de 8 ans fait tout d’abord l’objet d’un Prélèvement Forfaitaire non libératoire (PFNL) de 7,5%.
  • Cette part de gains est ensuite soumise, après déduction d’un abattement de 4.600€ pour une personne seule et de 9.200€ pour une personne mariée ou unie par un PACS (Pacte Civil de Solidarité), soit à un taux forfaitaire, soit au barème progressif de l’Impôt sur le Revenu (IR) (sur option globale applicable à l’ensemble des revenus financiers de l’année).
  • En cas d’imposition au taux forfaitaire, celui-ci s’établit à 7,5% pour la part de gains issue de primes inférieures à 150.000 € et à 12,8% pour la part excédentaire.

 

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

A titre de comparaison, rappelons qu’avant 2017 les coupons d’obligations étaient soumis au barème progressif de l’IR. Cela était aussi le cas des dividendes d’actions et des plus-values constatées lors de la cession de valeurs mobilières, sous déduction toutefois d’abattements dans certains cas (abattement fixe de 40% pour les dividendes, abattement dépendant de la durée de détention pour les plus-values portant sur certains actifs financiers tels que les actions).

Il existait alors un écart important de fiscalité entre :

  • les gains procurés par des valeurs mobilières détenues directement (actions, obligations, OPCVM), qu’il s’agisse de revenus et de plus-values, lorsque le contribuable était fiscalisé dans les tranches hautes du barème de l’IR (41% voire 45%).
  • les gains constatés lors d’un retrait réalisé sur un contrat d’assurance vie, surtout si celui intervenait au-delà de 4 ans (15%) et à plus forte raison au-delà de 8 ans (7,5% après déduction d’un abattement).

Nous excluons ici de notre raisonnement la question des prélèvement sociaux qui n’ont pas fait l’objet d’une évolution sur la période récente et sont par ailleurs applicables à l’ensemble des revenus et gains en capital procurés par les actifs financiers.

Rappel : prélèvements sociaux

Les prélèvements sociaux sont calculés au taux de 17,2% et appliqués sur :

  • les gains réalisés annuellement sur le fonds en euros d’un contrat d’assurance vie
  • les gains réalisés sur les unités de compte d’un contrat d’assurance vie, au moment des retraits uniquement et sur la part de gains retirée
  • les dividendes d’actions et coupons d’obligations lors de leur versement
  • les plus-values constatées lors de la cession de valeurs mobilières sous déduction des moins-values. La plus-value nette de l’année est soumise aux prélèvements sociaux l’année suivante.

Même si l’uniformisation des taux d’impôt mise en place à compter de 2017-2018, sous la forme du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), a réduit l’avantage fiscal que confère un contrat d’assurance vie, ce type de contrat n’a pas totalement perdu de son intérêt.

En effet, les arbitrages effectués au sein d’un contrat ne subissent toujours pas de fiscalité, ni impôt sur le revenu, ni prélèvements sociaux.

De même, la méthode de calcul de la part de gains comprise dans un retrait partiel n’a pas évolué et reste favorable au contribuable.

Rappelons ici simplement que la fiscalité en cas de retrait s’applique non pas au montant du retrait, mais simplement à la part du retrait représentative de gains. Cette dernière est strictement proportionnelle à la part de gains que comporte le contrat dans sa globalité.

Enfin, le contrat d’assurance vie conserve toujours un intérêt en termes de transmission de patrimoine. Bien que le législateur ait plusieurs fois réduit l’écart entre fiscalité de droit commun et fiscalité propre à l’assurance vie, il permet de bénéficier d’un traitement juridique et fiscal dérogatoire en cas de décès du souscripteur-assuré.

fonds en euros : taux de rendement décroissant

L’épargne des Français est très largement investie auprès des assureurs, qui gèrent ainsi près de 1900 milliards d’euros, dont environ 80% sur le seul fonds en euros.

Les rendements de ce support n’ont pas cessé de décroitre ces dernières années, s’établissant en moyenne à 1,30% en 2020 et 1,10% en 2021, contre 3,40% en 2010. Face au contexte actuel de taux bas, le gouverneur de la Banque de France a appelé fin 2019 les assureurs à baisser les rendements des fonds en euros pour maintenir la solidité financière des compagnies d’assurance.

La baisse de ces rendements s’explique par la structure d’investissement du fonds composé à 80% en moyenne d’obligations dont les taux ont connu une baisse régulière ces dernières années.

La baisse des rendements du fonds en euros a toutefois été moins forte que celle des rendements des obligations. Cette inertie est liée au stock d’obligations émises dans le passé à des niveaux de taux plus élevés détenues par les assureurs au sein du fonds en euros, servant encore des coupons relativement intéressants. Le contexte actuel de taux bas continue d’exercer une pression baissière sur les rendements des fonds en euros. La remontée récente des taux sur le marché obligataire n’aura un effet sur les rendements des fonds en euros seulement si elle se poursuit dans le temps.

 

 

L’inertie dont les épargnants ont profité lorsque les taux de marché baissaient jouera ainsi dans l’avenir contre eux lorsque les taux reprendront le chemin de la hausse. Les rendements du fonds en euros mettront donc du temps avant de reprendre des couleurs. Ce sujet devient particulièrement d’actualité dans le contexte de montée de l’inflation et de hausse des taux des emprunts d’État que nous connaissons depuis quelques semaines.

Nous risquons donc de devoir vivre avec un rendement réel du fonds en euros (c’est-à-dire corrigé des effets de l’inflation) négatif. Cette situation s’est d’ailleurs déjà rencontrée en 2018 et en 2021 et devrait être encore plus marquée cette année.

Le fonds en euros ne peut plus être considéré comme un actif à la fois sans risque et rémunérateur. Même si certains économistes considèrent l’année 2022 comme transitoire sur le plan de l’inflation, le fonds en euros sera au mieux un actif dit « sans risque » délivrant un rendement réel nul voire légèrement négatif.

Cette hausse des taux longs constatée et attendue sur le marché obligataire risque par ailleurs de fragiliser les assureurs.

En effet une hausse des taux pourrait inciter les épargnants à effectuer des retraits importants de capitaux sur le fonds en euros, pour les investir directement sur le marché obligataire plus rémunérateur. Ces sorties de capitaux contraindraient les assureurs à céder des obligations à des prix dépréciés suite à la hausse des taux, ce qui pourrait les fragiliser. Ce risque est toutefois jugé comme faible, en raison, d’une part, de la solidité des principaux assureurs qui disposent de belles réserves de plus-values et, d’autre part, des dispositions de la loi Sapin 2 (article 49) permettant au Haut Conseil de Stabilité Financière de bloquer les rachats sur fonds en euros dans des situations de crise financière.

Ainsi, la hausse des taux d’intérêts n’aura au mieux qu’un effet positif très lent sur le rendement du fonds en euros, qui risque de perdre pour longtemps son avantage compétitif par rapport à un investissement en obligations.

gestion déléguée en assurance-vie : évolution du contexte règlementaire

Les législations encadrant les mandats de gestion des investissements en assurance-vie et en portefeuille géré ne sont pas parfaitement alignées, créant un avantage compétitif au profit de la seconde solution.

En effet, la règlementation relative au secteur financier a évolué ces dernières années dans le sens d’une amélioration de la protection des investisseurs voulue par le législateur européen (MIFID 2 (Markets in Financial Instruments Directive), IDD (Insurance Distribution Directive) …). Ces textes européens, transposés en droit français, ont pour objectif d’encadrer notamment la conception, la distribution de produits financiers, mais aussi d’améliorer la transparence en matière de frais.

Ces textes interdisent notamment aux établissements financiers, dans le cadre de leur activité de « gestion de portefeuille pour le compte de tiers », de conserver des rétrocessions de frais de gestion qui seraient versés par des OPC (Organismes de Placement Collectif) détenus dans les portefeuilles de leurs clients. Ces établissements ont l’obligation, soit de refuser ces rétrocessions, soit de les reverser intégralement à leurs clients. Ce texte vise exclusivement les mandats de gestion portant sur des portefeuilles et non les mandats portant sur des contrats d’assurance vie.

Les gérants de portefeuille qui, dans le cadre de leur gestion, investissent sur des actions, des obligations, mais aussi des OPC, tiraient jusque-là leurs revenus non seulement des commissions de gestion qu’ils facturaient à leurs clients, mais aussi de rétrocessions de frais gestion des OPC détenus en portefeuille. Cette source de rémunération était importante, voire dans certains cas la plus importante. A titre d’exemple un gérant souscrivant des parts dites « classique » ou « particulier » d’un OPC actions se voyait rétrocéder la moitié des frais de gestion qui s’élèvent en moyenne à 2% sur ce type de part.

Depuis l’entrée en vigueur de cette règlementation, le 3 janvier 2018, ces gérants ne perçoivent plus de rétrocessions et sont donc incités à se tourner vers des parts d’OPC supportant un niveau de frais réduit et améliorant ainsi la performance finale offerte aux clients. Ces parts sont le plus souvent appelées « clean share » ou « privilège ».

En l’absence de rétrocession, les intérêts du gérant et de son client sont dorénavant alignés : obtenir les meilleures performances et donc limiter le niveau des frais de gestion des OPC utilisés.

Or, cette règlementation ne touche pas les mandats de gestion portant sur des contrats d’assurance vie. L’investissement en fonds « clean share » en assurance-vie dépend donc uniquement de la volonté et de la politique de la compagnie d’assurance. Même si l’on note une utilisation un peu plus fréquente des fonds « privilège » en assurance-vie, les gérants ont encore conservé majoritairement l’habitude de souscrire les parts classiques « particulier », créant ainsi une distorsion entre les performances attendues sur des comptes d’instruments financiers par rapport à celles obtenues sur des contrats d’assurance vie à profils équivalents.

La différence entre les frais courants (frais indiqués dans les Documents d’Information Clé pour l’Investisseur (DICI) fournis par les sociétés de gestion) prélevés par les parts « particulier » et les parts « privilège » est significative, atteignant généralement entre 0,4% et 0,6% par an selon les OPC choisis.

A cela s’ajoutent les frais prélevés par les assureurs sur les unités de compte détenues au travers de contrats d’assurance vie qui s’élèvent le plus souvent à 0,8% voire 1% du montant des capitaux en question. Rappelons que ce type de frais n’existe pas dans le cadre de simples portefeuilles qui supportent éventuellement des droits de garde d’un niveau nettement plus faible (0,10% à 0,30%).

Ainsi, à composition équivalente, un compte titres géré dans la cadre d’un mandat supporte des frais minorés de 1% voire 1,50% par an, par rapport à une gestion réalisée au sein d’un contrat d’assurance vie.

 

L’attrait que pouvait présenter l’investissement en assurance vie s’est donc considérablement réduit, en raison de la baisse du rendement du fonds en euros, de son inertie en cas de remontée des taux longs, mais aussi de l’évolution du régime fiscal applicable aux actifs financiers et enfin de la superposition de frais, surtout en l’absence d’utilisation de parts « clean share ».

Prenons l’hypothèse d’un investissement de 1 million d’euros réparti par parts égales entre actions et produits de taux pour en comparer l’évolution sur une durée de 8 ans.

La gestion du portefeuille engendrant annuellement une plus-value imposable, nous avons traité cette hypothèse en tenant compte d’une imposition sur plus-value de gestion maximale, c’est-à-dire portant sur l’intégralité de la plus-value annuelle. Nous avons ainsi considéré que nous procédions chaque année à une cession de l’intégralité des lignes et donc à une imposition annuelle de l’ensemble des gains

En l’absence de retraits réalisés sur le contrat d’assurance vie, l’écart d’épargne obtenu au terme est très faible.

Mais en cas de retrait total, quel que soit l’année de sa réalisation, le portefeuille sort vainqueur de la comparaison.

Illustration

Hypothèses retenues :

 

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

 

Il conviendrait toutefois d’aller plus loin en comparant ces deux modes d’investissement sous l’angle de la transmission (succession ou donation) et d’envisager l’alternative d’une détention d’un portefeuille d’actifs financiers par une société de portefeuille soumise à l’IS qui peut présenter de l’intérêt, aussi bien au regard de la fiscalité appliquée aux gains qu’en termes de préparation de la transmission.

Auteurs

Jean-Marc Aveline     

Directeur de Clientèle Gestion de Fortune, Intervenant-formateur à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 1, spécialisé en gestion de patrimoine).

La fin du Fonds en euros : pourquoi une telle remise en cause ?

La fin du Fonds en euros : pourquoi une telle remise en cause ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Placement favori des épargnants en assurance-vie, le fonds en euros représente encore 80 % des encours investis auprès des compagnies d’assurance, soit un peu plus de 1300 milliards d’euros.

Il faut dire que ces avantages sont nombreux : capital et intérêt garantis par les compagnies, taux minimum garanti annuel, rendement net encore supérieur à ceux des livrets traditionnels et liquidité à tout moment.

Ces atouts sont d’autant plus attirants dans un contexte de risque financier et de taux d’intérêt bas. Mais alors, pourquoi remettre en cause ce support d’investissement ? Pourquoi les compagnies ont-elles pris des mesures récentes pour en restreindre l’accès ? Pourquoi certains vont même jusqu’à parler de fin ou de mort du fonds en euros ?

Retour sur les principes de fonctionnement du fonds en euros pour bien en comprendre les enjeux et les risques.

qu’est-ce qu’un fonds en euros ?

Les contrats d’assurance-vie sont composés de deux types de supports : les fonds en euros et les unités de compte.

  • Le fonds en euros tient son nom du fait qu’il est libellé directement en devise euro. Il est géré spécifiquement par les compagnies d’assurance elles-mêmes.
    Il a pour particularité :

     

    • d’être garanti en capital et en intérêts versés (effet de cliquet) par les compagnies d’assurance gestionnaires du fonds.
    • de présenter en début de chaque année un taux minimum garanti (TMG) de revalorisation du capital pour l’année en cours.
    • de bénéficier d’un rendement supplémentaire au TMG, la participation aux bénéfices (ou PAB) dont le taux pour l’année est connu en début d’année suivante.
  • Les unités de compte, à la différence du fonds en euros, sont libellées en nombre de parts. Ces parts sont représentatives d’OPC (organismes de placement collectif) investis selon leur nature sur les marchés actions, obligations, monétaire ou immobilier (SCPI ou OPCI). En général, ces OPC ne présentent pas de garantie ni en capital ni en rendement.

On comprend que les avantages du fonds en euros ont pendant longtemps supplantés ceux des unités de compte.

Le taux de rendement des fonds en euros (TMG et participation aux bénéfices) subissent néanmoins une baisse significative depuis plusieurs années.

Taux de revalorisation net moyen pondéré par les provisions mathématiques de 2011 à 2018

Source :

Malgré cette baisse, le rendement net (1,83 % en 2018) reste nettement supérieur à ceux des meilleurs livrets traditionnels (0,75 % pour le livret A) et la collecte en assurance-vie est encore en 2018 orientée à 69% vers le fonds en euros (85,7 milliards d’euros en collecte brute sur le fonds en euros contre 37,8 milliards pour les unités de compte ; source ACPR).

On observe néanmoins depuis 2011 un certain regain d’intérêt pour les unités de compte leur part passant de 14 % à un peu moins de 20 % des encours.

Les provisions mathématiques des organismes d’assurance

UC : Unités de compte

Source :

Le fonds en euros subit donc un léger désinvestissement mais il reste largement majoritaire dans les contrats (plus de 80 % des provisions mathématiques, c’est à dire des provisions représentatives des encours) et ceci malgré la baisse significative des taux de rendement.

comment le fonds en euros est-il géré ?

le profil d’investissement du fonds en euros :

Les compagnies d’assurance doivent donc garantir le capital investi, le taux minimum (TMG) et verser annuellement un rendement régulier. Elles investissent pour cela principalement en obligations pour plus de 80% des actifs, ce type de support financier étant le plus proche dans ses caractéristiques des objectifs visés.

Ces obligations sont principalement des obligations d’entreprise pour 52 % et des obligations d’Etat pour 42 %, en privilégiant des ratings AAA, AA ou A pour plus de 75%.

Les compagnies diversifient également la gestion du fonds en euros en support actions cotées (8%), en support immobilier (6%) ou en private equity (actions non cotées), ou encore en créances privées, afin d’en dynamiser la performance, mais dans des proportions nettement moins importantes.

L’allocation d’actifs du fonds en euros est cruciale pour permettre à la compagnie d’assurer ses objectifs de garantie en capital, de liquidité et de rendement et il lui faut en permanence gérer le rapport rendement/risque/liquidité du fonds.

Compte tenu des engagements vis à vis des souscripteurs, la gestion du fonds en euros est également régie par un cadre réglementaire strict, dont la surveillance est assurée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution).

le rendement du fonds en euros :

Le rendement financier du fonds en euros est constitué des coupons obligataires, des plus ou moins-values de gestion obligataires lors des cessions, des dividendes actions et plus ou moins-values actions, des dividendes et plus ou moins-values de private equity, des revenus et plus ou moins-values immobilières.

Une fois ce résultat constaté, chaque compagnie va décider de la part de ce rendement financier qu’elle va distribuer et allouer aux souscripteurs, sachant qu’il lui faudra en distribuer un montant minimal (articles L 331-3, A 331-3 et A 331-4 du Code des Assurances), correspondant à au moins 85 % des bénéfices financiers réalisés.

La part non distribuée reviendra à la compagnie qui pourra l’affecter en fonds propres sous forme de réserves par exemple.

La part distribuée sera attribuée :

 

  • Soit directement au fonds en euros lui-même pour servir tout ou partie du rendement de l’année concernée. Cette participation aux bénéfices directement distribuée vient accroître le Taux Minimum Garanti annuel fixé en début d’année.
  • Soit à la Provision pour Participation aux Bénéfices (PPB, également nommée provision pour participation aux excédents, PPE). Cette réserve devra être redistribuée aux épargnants dans un délai maximal de 8 ans (article A 331-9 du Code des Assurances) et servira à accroître le rendement des années suivantes lorsque celui-ci sera jugé trop faible.

Le taux de rendement annuel brut du fonds en euros est donc égal à la somme :

TMG + Participation aux Bénéfices annuelles + Distribution de provisions pour Participations aux Bénéfices déjà constituées

Ce principe de gestion a un atout certain en période de baisse des taux : il permet d’offrir des rendements annuels supérieurs aux rendements des obligations du marché.

En effet un épargnant qui investit dans le fonds en euros va bénéficier de deux avantages :

  • dès les premières années de son investissement, le rendement qui lui sera servi intégrera les produits des anciennes obligations du fonds en euros offrant un coupon plus élevé que les obligations actuelles du marché dans la mesure où les taux ont baissé.
  • et si les résultats financiers du fonds en euros ne sont pas jugés suffisants par la compagnie, ce même épargnant va pouvoir bénéficier également de la distribution de la provision pour participation aux bénéfices des années précédentes (sauf dans le cas de fonds en euros dits cantonnés).

Outre la garantie en capital et la liquidité de ses avoirs, l’investisseur bénéficie ainsi d’un taux de rendement annuel plus élevé que celui du marché obligataire en période de baisse des taux.

C’est pourquoi le taux de rendement du fonds en euros reste actuellement plus attractif que ceux des livrets.

quels sont les contraintes de marché et les risques actuels ?

Ceci étant, on comprend facilement qu’un support offrant un rendement supérieur au marché obligataire et permettant de bénéficier de la garantie en capital (intérêts compris) ainsi que d’une liquidité permanente comporte nécessairement des risques de gestion.

Si ces risques ne sont pas portés directement par l’épargnant, ils le sont quotidiennement par le gestionnaire du fonds en euros, c’est à dire la compagnie d’assurance.

quels sont précisément ces risques ?

  • Le risque de perte sur les actifs composant le fonds en euros: risque d’insolvabilité de certains émetteurs obligataires ou de moins-values lors de la cession de certains actifs constituant le fonds (actions, private equity, immobilier…). Ce risque de perte est réduit par la diversification de gestion du fonds et le cadre réglementaire qui l’accompagne (constitution de réserves).
  • Le risque de taux qui est de deux sortes :
    • le risque de baisse des taux du marché obligataire :

1) le premier risque à ce sujet concerne le TMG, ce risque est aujourd’hui bien encadré : le Taux Minimum Garanti, annoncé en début d’année pour l’année en cours, est un taux important pour attirer des clients et la compagnie pourrait être tentée de fixer des TMG trop élevés dans un contexte de baisse des taux. Si les taux du marché baissent, le rendement financier annuel de gestion du fonds pourrait ne pas suffire à honorer ce TMG ou cette stratégie de TMG élevé pourrait finir par éroder rapidement les réserves de Provision pour Participations aux Bénéfices (PPB). Cette pratique de TMG élevé était assez courante il y a quelques années mais devant le risque encouru, la fixation des TMG a été réglementée. Les TMG sont encadrés par des limites calculées en pourcentage du TME (Taux moyen des Emprunts d’Etat (Article A 132-1 du Code des Assurances).

Concrètement ce risque est relativement faible à l’heure actuelle, les compagnies ne pouvant plus se concurrencer réellement sur ce point en raison de la réglementation et d’un contexte de taux bas.

2) le deuxième et principal risque pour le fonds en euros dans un marché de baisse des taux provient quelque part de la rançon de son succès :
le rendement du fonds en euros supérieur à celui du marché obligataire et des livrets attire en effet un flux toujours continu et significatif de souscripteurs.
La compagnie est alors obligée d’acquérir de nouvelles obligations sur le marché pour investir les nouveaux fonds entrants. Ces nouvelles obligations présentant un rendement inférieur à ceux des obligations plus anciennes détenues par le fonds, cet afflux de souscription fait baisser mécaniquement le rendement global du fonds en euros.

Mais outre la baisse de rendement, ces achats de nouvelles obligations à faible rendement peuvent déstabiliser fortement la gestion du fonds en euros car elles sont acquises à des cours élevés (taux bas =obligation chère) exposant le fonds à la constatation de moins-value en cas de retrait ou de remontée des taux.

  • le risque de hausse des taux : après une période de baisse des taux, et plus particulièrement si celle-ci a été longue, les fonds en euros détiendront donc une part importante d’obligations à faible rendement et acquises à un cours relativement cher.

Or il est un principe intangible sur les marchés obligataires : si les taux d’intérêt montent, les cours des obligations déjà émises qui ont un rendement plus faible que le nouveau taux du marché baissent, tout simplement parce que ces anciennes obligations sont moins intéressantes pour un investisseur.

De facto, en cas de remontée des taux, les obligations en portefeuille et acquises pendant la période de taux bas vont se retrouver en moins value.

Parallèlement, ces anciennes obligations à taux bas seront nombreuses dans le portefeuille des compagnies et le rendement global du fonds en euros va être à la traîne par rapport aux autres produits de taux et aux obligations du marché.

Si les investisseurs décident alors de sortir du fonds en euros pour investir sur d’autres actifs plus rémunérateurs, les compagnies devront vendre les obligations en moins-values. Et si ces moins-values devenaient trop importantes, les compagnies pourraient alors être en risque sur leur bilan.

Pour éviter ce risque en cas de crise financière grave et systémique, une réglementation spécifique a été mise en place en 2016 par la loi Sapin 2 (Article 49).
Cette loi permet au Haut Comité de Stabilité Financière (HCSF), en cas de crise grave (menaçant la stabilité du système financier), d’interdire l’exécution de tout rachat, arbitrage ou demande d’avances sur les contrats d’assurance-vie pendant une durée de 3 mois renouvelable une fois (soit 6 mois maximum).
De même, les règles de distribution et constitution de la provision pour participation aux bénéfices peuvent être revues par le HCSF de manière à permettre aux compagnies d’accroître leurs réserves de capitalisation.

Parallèlement, l’ACPR a la possibilité de suspendre également les opérations (dont les rachats par les souscripteurs) d’une compagnie d’assurance qui serait jugée en difficulté (article L612-33 du Code Monétaire et Financier).

En savoir plus :

Depuis le 1er janvier 2016, le cadre réglementaire de Solvabilité 2 impose également aux compagnies d’assurance de constituer des fonds propres couvrant les risques d’actifs et de passifs évalués annuellement.

Les risques de gestion du fonds en euros étant nécessairement croissants avec sa taille, tout versement dans le fonds suppose un accroissement des réserves en fonds propres de la compagnie pour respecter les exigences règlementaires.

En savoir plus :

Si le risque systémique n’est actuellement pas craint et si les compagnies sont à même de constituer les réserves en fonds propres imposées par la règlementation, elles ne peuvent pas pour autant continuer à gérer des encours toujours plus importants en fonds en euros dans un univers de taux bas.

En continuant à accueillir de nouveaux encours, elles se contraignent à acheter des obligations à taux bas et donc relativement chères sur le marché obligataire, accroissant le risque de moins-value future.

On comprend donc l’interrogation légitime des compagnies d’assurance et leur souhait de  freiner l’investissement en fonds en euros tant que les taux d’intérêt restent bas.

Plusieurs solutions pour cela :

  • dissuader l’investissement en fonds en euros en imposant des pourcentages maximum sur ce support lors des versements.
  • frais d’entrée plus important sur le fonds en euros
  • proposition de nouveaux supports en alternative au fonds en euros tel que le fonds Eurocroissance garantissant le capital à terme défini et non en permanence, ce qui permet au gérant d’accroître la proportion investie en supports non obligataires (action notamment) ou les fonds en euros immobiliers (détenant majoritairement des supports immobiliers).

Mais dans tous les cas, il s’agit de ne pas laisser l’épargnant investir dans un support certes attractif mais dont la gestion devient difficile dans le contexte de taux actuel et qui finirait par générer un risque à terme.

Les annonces récentes de plusieurs compagnies d’assurance visant à freiner l’investissement en fonds en euros sont ainsi compréhensibles et finalement empreintes de sagesse.

Auteur

Anne Brouard  

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Qu’est-ce qu’une Holding animatrice ? Quels avantages ? Quels risques ?

Qu’est-ce qu’une Holding animatrice ? Quels avantages ? Quels risques ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La Holding animatrice offre de nombreux avantages fiscaux (transmission, IFI, cession …). Mais cette qualification suppose de satisfaire des conditions bien précises, afin d’éviter tout risque fiscal. Explications.

 

En ingénierie financière, les termes anglo-saxons sont fréquents. On désigne ainsi une société mère comme une société holding. Cette dernière permet de détenir des titres d’une ou plusieurs sociétés en bénéficiant de leviers financiers, juridiques et fiscaux.

La holding est fréquemment utilisée dans les groupes de sociétés. Elle permet en effet d’optimiser l’aspect financier grâce au recours à la dette dans des opérations de refinancement de la société d’exploitation. Elle a également l’avantage de donner le contrôle d’une filiale sans en être majoritaire. Il suffit pour cela d’être majoritaire dans la holding.

Dans ces schémas, la holding peut exercer une activité réelle de contrôle et d‘orientation de l’activité des sociétés filiales. Elle sera alors considérée comme animatrice du groupe.

La qualification d’animatrice permet d’assimiler l’activité de la holding à une activité commerciale, si celle-ci remplie les conditions nécessaires. L’impact est important car la société sera alors éligible à des régimes fiscaux favorables. Explications.

qu’est-ce qu’une holding animatrice ?

Plusieurs critères doivent être réunis pour que la holding puisse être qualifiée d’animatrice.

holding animatrice : quel type d’activité ?

La notion de holding animatrice n’est pas clairement définie.

Le BOFiP en avait tracé les contours en matière d’ISF (Impôt sur la Fortune). Par la suite le Code général des Impôts dans son article 966-II en a apporté un éclairage indirect au regard de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) au titre des biens professionnels. La doctrine fiscale mentionne la nature de l’activité :

« la notion de participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales en rendant le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

Néanmoins cette définition ne concerne que le sujet de l’IFI, dans les autres cas c’est à la jurisprudence qu’il convient de se rattacher.

qu’est-ce que le principe d’animation ?

En 2013, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts indiquant que le rôle et notamment le caractère animateur d’une société holding doit être démontrable à l’aide de faisceau d’indices reposant sur des preuves concrètes et réelles.

La Cour avait retenu comme élément de preuve de la participation à la conduite de la politique et contrôle des filiales, les comptes-rendus des conseils d’administration et rapport des commissaires aux comptes de la société holding. Les comptes rendus démontraient non seulement une activité de gestionnaire de portefeuille mais également une activité de services administratifs et financiers. La fréquence des réunions du conseil d’administration de la Holding tous les mois et demi mettait également en avant le rôle essentiel de la société dans l’animation du groupe.

Dans un autre cas, la seule refacturation de frais engagés par la Holding à ses filiales ne permettait pas de caractériser le rôle d’animation et de direction. Les factures produites étaient également insuffisamment détaillées pour justifier de la nature des prestations rendues ni du fait qu’elles aient été acquittées.

La réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du 01/12/2016 est venue conforter le principe de faisceaux d’indices pour caractériser l’animation effective d’un groupe. La holding doit dans les faits assurer de façon concrète la conduite de la politique du groupe. Elle doit conduire la politique générale du groupe et s’assurer de sa mise en œuvre effective.

Cette réponse ministérielle vient également clarifier la charge de la preuve qui incombe au redevable, qui doit être en mesure de démontrer, par tous moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite, la matérialité et l’effectivité du rôle animateur.

A noter néanmoins :

Dans le cadre de l’IFI, depuis le 1er janvier 2018, l’article 966-II du CGI, qui définit de manière indirecte la notion d’holding animatrice, inverse la charge de la preuve lorsque le contribuable remplit les conditions. 

holding animatrice : contrôle sur les filiales et co-animation

La réponse ministérielle de 2016 revient également sur la notion de contrôle de la holding sur ses filiales, lui permettant de conduire la politique du groupe.

Cette notion de contrôle n’est pas précise.  Elle s’apprécie au regard :

  • du pourcentage du capital détenu et des droits de vote
  • et de la structure de l’actionnariat.

Sur ce point, le Conseil d’Etat, dans son arrêt de 2018, détermine le principe de minorité ou majorité selon le poids de la filiale dans l’actif de la Holding. Pour l’évaluation de l’actif, il ne retient pas sa valeur comptable de départ mais la valeur vénale. Il exclut par ailleurs le principe d’approche par les flux, prestations ou dividendes.

Le contrôle des filiales sous-entend qu’il est nécessaire d’être l’associé principal, a  minima majoritaire.
Néanmoins, la possibilité d’une co-animation de filiale entre la holding et son co-associé a pu être admise, notamment lorsque la holding est minoritaire.

Dans son arrêt du 31 janvier 2018, la Cour de cassation s’est positionnée favorablement sur la co-animation d’un groupe détenu par une holding et une personne physique majoritaire. Un pacte d’actionnaire avait été signé entre les actionnaires ayant pour objet les modalités d’organisation de la gestion du groupe. Plusieurs comités stratégiques et de direction avaient été créés, auxquels les co-associés devaient participer, afin de prendre les décisions fondamentales sur les orientations du groupe, budget, distribution des dividendes, investissements, examen des conventions d’assistance et de prestation de services. Chaque co-associé facturait mensuellement des sommes au titre de la participation au comité de direction.

Source : Stéphane Maneau pour l’ESBanque

La mise en place d’une organisation bien précise, permettant une véritable co-animation est recevable mais nécessite d’être encadrée pour être en mesure de le prouver.

Point important dans le principe d’animation d’une holding : les participations minoritaires non animées.

Une société holding peut détenir des participations minoritaires non animées sans remettre en cause son caractère d’animation.

La Cour de cassation dans son arrêt du 19 juin 2019, précise que si la holding a pour activité principale l’animation de filiales, elle peut détenir une part minoritaire de sociétés non animées. Elle se rapproche alors du Conseil d’Etat (CE 13/06/2018) pour qualifier l’animation.

L’objet social de la holding doit clairement indiquer son rôle d’animation du groupe détenu. Il est essentiel que la société ait mis en place des conventions administratives et d’assistance explicitant la gestion active de la holding en ce sens. Le conseil d’Etat souligne l’importance des éléments de preuves, précisant les actions concrètes de la Holding dans des procès-verbaux de conseils d’administration des filiales.

On peut retenir que le principe d’animation sera retenu sous réserve que la holding cumulativement :

  • contrôle ses filiales,
  • participe aux prises de décisions au travers d’un acte
  • et que les filiales animées soient majoritaires dans son actif.

quelle durée de l’animation ?

La jurisprudence rappelle régulièrement la nécessité de pouvoir constater le caractère animateur d’une holding dans la durée.

Dans le cadre du régime de faveur Dutreil transmission (art 787 B du CGI), la Cour d’appel de Riom met en avant la nécessité de démontrer cette effectivité dans le temps.

Dans le même temps, l’administration stipule que les holdings animatrices de leur groupe, considérées comme ayant une activité commerciale, et entrant dans le cadre des réductions d’impôts sur le revenu pour les souscriptions au capital (BOI-IR-RICI-90-10-20-10), doivent être constituées et contrôler une filiale depuis au moins 12 mois.

Un délai de 12 mois d’animation de manière continue est donc nécessaire afin de démontrer le caractère animateur de la holding et bénéficier du régime de faveur précité.

La question s’est néanmoins posée de savoir si une holding nouvellement constituée pouvait être animatrice dès sa création.

Dans le cadre d’une demande d’exonération partielle des droits de mutations des parts d’une holding animatrice au titre du Pacte Dutreil (art 787B du CGI), la Cour de cassation a traité ce sujet dans un arrêt du 18 mars 2020, mais elle s’est positionnée sur la forme et non sur le fond. Il convient donc de rester prudent sur ce point.

Une autre question concernant le régime Dutreil : la holding doit-elle être animatrice pendant toute la durée d’engagement de conservation des parts ?

Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 éclaire de manière nouvelle ce sujet, en revenant au principe de la loi :

Tout dernièrement en effet, la Cour de cassation en statuant sur le fond est venue rappeler les conditions prévues par la loi (Arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022, pourvoi n° 19-25.513).

L’avantage fiscal accordé par L’article 797 B du CGI avait été subordonné au maintien de la qualité d’animation de la Holding pendant le délai conservation des titres. Or ce point n’étant en rien prévu dans la loi, la Cour de cassation est venue remettre en cause les derniers commentaires relatifs à l’exonération Dutreil sur ce sujet. Seul le caractère animateur de la holding au moment du décès doit dès lors être respecté.

holding animatrice : avantages et précautions à prendre

La holding présente de nombreux avantages fiscaux lorsqu’elle peut être qualifiée d’animatrice. Dans tous les cas, la pratique doit s’accompagner de précautions indispensables.

holding animatrice : quel intérêt ?

La qualification de holding animatrice permet de bénéficier de certains régimes favorables comme :

  • la réduction d’impôt sur le revenu lors de la souscription au capital de PME,

Concernant plus particulièrement le Pacte Dutreil, on peut noter que, de manière favorable, la valeur totale de la holding animatrice bénéficie de l’avantage, y compris les actifs non affectés à l’activité d’animation.

Il conviendra néanmoins de s’assurer en amont de certains points :

  • L’engagement collectif de 2 ans pris par le donateur ou défunt personne physique ainsi que l’engagement individuel de 4 ans doivent être pris par les donataires, héritiers, légataires sur les titres de la holding animatrice.
  • L’exercice de l’activité des fonctions de direction doit être faite dans la holding animatrice également.
  • Le principe d’animation doit être bien vérifiable durant toute la durée des engagements individuels et collectifs.
  • Bien qu’aucune durée d’existence minimum de la Holding ne soit requise, il est nécessaire de pouvoir prouver le principe d’animation. Une durée minimale de 12 mois paraît utile pour éviter toute requalification.

Les investissements au capital de PME permettent, sous respect de certaines conditions, une réduction d’impôt sur le revenu. S’agissant d’un investissement dans une holding, on retrouve les critères permettant de qualifier la holding d’animatrice :

  • Les filiales détenues doivent être exclusivement des sociétés opérationnelles éligibles
  • La société doit être créée et avoir le contrôle au moins d’une filiale depuis au moins 12 mois.

Concernant l’exonération d’IFI de biens professionnels, le critère d’exclusivité n’est pas retenu. Une activité prépondérante et suffisante et permet une exonération de la fraction de la valeur des titres représentant les biens affectés à l’activité opérationnelle.

Il en est de même pour l’abattement de 500 000 € sur les plus-values en cas de départ à la retraite. Le critère d’activité exclusive n’est pas nécessaire. L’abattement s’impute sur la valeur totale des titres.

holding animatrice : quels risques ? quelles précautions à prendre ?

Une holding animatrice est une société ayant des activités à prépondérance industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Pour apprécier la nature des activités, il convient de se rapporter au cas de l’exonération des biens professionnels à l’impôt sur la fortune (BOI-PAT-ISF-30-30-10-10).

Certaines sociétés holding peuvent néanmoins avoir pour partie des activités autres que celles-ci, et notamment exercer des activités civiles.
Dans cette situation, les activités permettant de qualifier la holding d’animatrice ne doivent pas être exclusives mais prépondérantes et cela dans le temps.

Bon nombre de dirigeants de groupe détiennent l’immobilier d’exploitation au travers de sociétés civiles, notamment immobilières (SCI, Société Civile Immobilière). Or une holding ne peut être considérée comme animatrice d’une filiale société immobilière, cette activité n’étant pas éligible.
Il est donc impératif de veiller à ce que le poids des participations de SCI dans la société Holding reste minoritaire sous peine de voir requalifié le caractère d’animation de la Holding et par conséquent les avantages liés.

La prépondérance de l’activité se définit par deux critères cumulatifs :

  • le chiffre d’affaires de l’activité doit représenter au moins 50% du chiffre d’affaires total
  • et l’actif brut immobilisé de cette activité au moins 50% du montant total de l’actif.

Néanmoins, le Conseil d’Etat (CE 23 janv.2020) est venu substituer à ces critères le principe de faisceau d’indices. Il reprend le principe de l’article 787 B du code général des impôts pour l’exonération des droits de mutations à titre gratuit de 75% de leur valeur (pacte Dutreil). La prépondérance s’apprécie dans ce cas sur un faisceau d’indices déterminités d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. Dans le cas traité, la faiblesse des immobilisations dans l’actif brut de la société holding ne pouvait pas être repris comme un indice qualifiant une activité plutôt qu’une autre.

Cette position a été reprise dans l’arrêt de Cour de Cassation du 14 octobre 2020. Le critère retenu pour qualifier la prépondérance était exclusivement la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenues rapportée à l’actif total.

Le principe de prépondérance est également valable pour l’animation. La holding doit être constituée à 50% au moins des filiales qu’elle anime (BOI-ENR-DTMG-10-20-40-10).

Certains points d’attention sont importants si on veut se prévaloir des avantages liés au pacte Dutreil.

Une part de trésorerie excessive pourrait remettre en cause le bénéfice du dispositif et ce quelle que soit la forme que prendrait cette trésorerie, liquidités ou placements. On citera notamment les contrats de capitalisation ou SCPI (société civile de placement immobilier).

Une holding qui aurait majoritairement des liquidités avec pour objectif de les réinvestir pourrait se voir retirer le caractère d’animatrice.

La détention et la gestion de biens immobiliers ne permettant pas de qualifier la société d’animatrice, il sera également préférable de détenir les immeubles via des filiales d’exploitation plutôt qu’au bilan de la holding. Il est pourtant courant de voir des holdings détenant directement des immeubles professionnels, voire de rapport.

Enfin il sera nécessaire de maintenir la qualification de holding animatrice pendant toute la durée de l’engagement individuel et collectif.

 

En résumé, nous pourrions reprendre les critères permettant de définir le caractère d’animatrice d’une holding sous la forme d’un schéma.

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

Si le principe d’animation n’est pas clairement défini, la jurisprudence a permis au travers de plusieurs arrêts de s’en rapprocher. Le principe même de faisceau d’indices ouvre la porte à diverses interprétations à partir du moment où ils sont justifiables. Le principe d’animation ne se décrète pas, il doit se prouver par des éléments concrets. Le sujet est mouvant, nous l’avons encore constaté fin 2021 lors des commentaires de l’administration sur le dispositif Dutreil.

Auteurs

Stéphane Maneau      

Directeur Banque privée, Intervenant-formateur à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 1, spécialisé en gestion de patrimoine).

Assurance-Vie : décollecte, rendement, solvabilité des compagnies, où en sommes-nous ?

Assurance-Vie : décollecte, rendement, solvabilité des compagnies, où en sommes-nous ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Quel état de santé de l’assurance-vie en 2021 ? Malgré une forte décollecte, les ratios de solvabilité sont stables mais les contraintes demeurent sur les fonds en euros.

 

La crise sanitaire a eu un impact significatif sur l’assurance-vie en 2020 suscitant une très forte décollecte. De là à dire que l’assurance-vie va mal, l’analyse n’est pas si simple.

Si les fonds en euros sont particulièrement touchés par les retraits, la collecte sur les unités de compte est en croissance significative. Par ailleurs, la solvabilité des compagnies résiste bien.

Reste un défi majeur : la gestion du fonds en euros, encours significatif au bilan des compagnies, alors que l’univers de taux est soumis à de nouvelles contraintes.

une décollecte historique sur l’assurance-vie en 2020 : attention aux conclusions hâtives

L’assurance-vie est-elle toujours le placement favori des épargnants français ?

Face à la décollecte historique de 6,5 milliards d’euros qu’ont subi les compagnies françaises en 2020, comparativement à une collecte nette de près de 22 milliards en 2019, il est permis d’en douter.

Mais méfions-nous des conclusions trop rapides et recherchons les raisons.

une nette baisse des versements en assurance-vie dans une année de crise

Le montant total des versements en assurance-vie en 2020 est de l’ordre de 116 milliards d’euros contre 144 milliards en 2019.

Ce recul significatif tient bien sûr à la crise sanitaire et son impact sur les comportements d’épargne des français.

Dans un environnement incertain, le réflexe est de privilégier des placements d’épargne liquides tels le Livret A et le LDDS qui ont connu une collecte record l’année dernière de plus de 35 milliards d’euros.

L’autre raison de cette chute des versements est le manque d’attrait des rendements des fonds en euros.

La rentabilité des fonds en euros s’érode un peu plus tous les ans. Le mois de février est traditionnellement le mois de publication des rendements de l’année précédente : ceux-ci poursuivent leur baisse dans un contexte de taux bas persistants.

Ainsi le rendement net des fonds en euros en 2020 oscille entre 1% et 2 %, certaines compagnies pouvant reverser un complément de bonus de 0,1 à  0,5%  en fonction de la part investie en unité de compte.

Les fonds en euros à dominante immobilière présentent des rendements légèrement supérieurs à 2% en moyenne. Compte tenu de leur fort succès, les compagnies en ont tout d’abord conditionné l’accès à une part d’investissement à 40% en unité de compte. Les contraintes de gestion devenant plus importantes, certaines compagnies viennent de fermer ces fonds à la commercialisation.

La baisse générale de rendement est directement liée à la composition du fond en euros :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

 

Les fonds en euros sont en effet fortement investis sur le marché obligataire en obligations d’État (notation Standard & Poor’s AAA à AA).  Or, les taux souverains, tel celui de l’OAT 10 ans, sont en territoire négatif depuis plusieurs mois. Les maturités très longues peinent à offrir un rendement positif.

 

Source : Banque de France

 

Du côté des obligations du secteur financier représentant une part non négligeable de 22 % des fonds en euros au 30 juin 2020, les rendements sont à peine plus importants (moins de 1 % pour la dette bancaire senior 3-5 ans notée A fin 2020).

Conséquence de la recherche de liquidité et de ces taux bas, une forte décollecte sur le support fonds en euros de près de 20 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2020 :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

mais des retraits des contrats d’assurance-vie et des sinistres stables en moyenne sur l’année

Cette forte décollecte sur le fonds en euros ne s’est pas traduite pour autant par des retraits massifs de l’assurance-vie ou augmentation des sinistres (dénouement des contrats par décès).

Les rachats et sinistres se sont ainsi élevés à 123 milliards d’euros, relativement stables par rapport à 2019 (119 milliards).

Les retraits ont été plus marqués au premier semestre en pleine crise du coronavirus mais se sont nettement réduits sur le reste de l’année pour revenir sous leur valeur moyenne calculée de 2011 à 2020. Ils restent nettement plus faibles qu’au premier semestre 2017 (vote de la Loi Sapin 2 et élection présidentielle).

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

La forte décollecte sur le fonds en euros s’explique en fait par un très fort mouvement d’arbitrage vers les unités de compte. Ce mouvement confirme la tendance depuis longtemps annoncée de fin du fonds en euros comme support privilégié des épargnants en assurance-vie.

une collecte nettement positive sur les unités de compte des contrats d’assurance-vie

Les unités de compte (UC) ont connu une forte progression avec une collecte de plus de 13 milliards au 30 juin 2020.

La part des UC est ainsi passée de 28 % des encours en 2019 à 34 % en 2020.

La raison principale est le fort arbitrage des épargnants en 2020 du fonds en euros vers les UC :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

Ces arbitrages significatifs s’expliquent par :

  • l’engouement des épargnants pour la bourse en 2020 : cet attrait vers les actions et autres supports boursiers n’a pas concerné que les PEA et les comptes-titres.
    Constatant que l’univers de taux bas est persistant et que le rendement du fonds en euros est insuffisant pour compenser la simple érosion de l’épargne par l’inflation, de plus en plus d’épargnants ont pris conscience de la nécessaire diversification de leur contrat vers les UC. A ce mouvement s’ajoutent des opportunités d’investissement en actions liées à la crise de la Covid-19.
  • L’action des assureurs eux-mêmes : ce changement dans les mœurs de l’épargnant français s’accompagne également de l’action de promotion des UC par les intermédiaires mais aussi de leur rôle pédagogique, visant au respect de la réglementation et de la bonne compréhension des offres.

L’univers d’investissement en UC est en effet devenu au fil des années très large, balayant des univers d’investissement variés (actions, obligations, immobilier, private equity, ISR …) et des horizons géographiques et sectorielles diversifiés.

En parallèle de la gestion libre, les assureurs développent de plus en plus de services de gestion déléguée (mandat d’arbitrage, gestion pilotée, gestion profilée). Ces offres commerciales permettent à l’assuré de s’en remettre à un professionnel des marchés pour la gestion de la partie en UC de son contrat d’assurance vie (sélection des UC, arbitrage).

Les styles de gestion des OPC (Organisme de Placement Collectif) sur lesquels sont basés les UC se sont affinés ces dernières années pour se détacher des gestions purement indicielles. Il est ainsi possible d’investir sur des OPC de style dit Value (valeurs décotées) ou Growth (valeurs de croissance) ou encore de Stock-picking (privilégiant la sélection de titres aux choix sectoriels et géographiques).

En parallèle d’une gestion pure actions, les assureurs intègrent également de plus en plus dans leur univers de placement des fonds dits structurés. Ces produits sont émis par des établissements financiers et offrent un rendement et une protection totale ou partielle du capital à l’échéance, variable selon l’évolution d’un indice. Ces produits connaissent un certain succès depuis la baisse de rendement des fonds en euros.

Compte tenu du risque associé, de la durée de placement longue et de leur manque de liquidité, il est recommandé de limiter l’exposition de l’allocation à ce type de support à 10 % de l’encours placé.

L’intérêt des investisseurs pour l’immobilier patrimonial peut également être satisfait par des unités de compte de type immobilières tels que les SCPI ou les OPCI.

Enfin, pour certains contrats, il sera également possible de loger des titres vifs (titres en direct). Cette faculté peut s’avérer intéressante pour un assuré souhaitant investir à long terme sans recourir à des OPC mais ne convient pas à un épargnant souhaitant s’adonner à une activité de trading. L’enveloppe assurance-vie ne permet pas au souscripteur de passer des ordres instantanés sur les marchés et ne convient donc pas à l’investisseur intraday.

Cette évolution de l’offre financière en assurance vie s’est accompagnée du développement de la gestion digitale des contrats, les compagnies permettant désormais de réaliser de nombreux actes de gestion en ligne.

une reprise de la collecte globale en assurance-vie en fin d’année

Le dernier mois de l’année 2020 marque une reprise de la collecte nette en assurance vie liée à un retour des perspectives positives (vaccinations, reprise économique).

 

Source : Fédération Française de l’Assurance « L’assurance-vie à fin décembre 2020 »

 

L’assurance-vie n’est donc pas délaissée par l’épargnant mais utilisée et investie différemment.

quel impact de la crise sur la solvabilité et la gestion des assureurs ?

S’il ne s’agit pas d’une défiance majeure vis-à-vis de l’assurance-vie, l’année 2020 a néanmoins suscité des mouvements forts sur les contrats et une forte volatilité sur les marchés financiers.

Quel en a été l’impact sur le bilan des compagnies d’assurance et leur solvabilité et quels risques demeurent ?

solvabilité des compagnies d’assurance-vie françaises en 2020

Les ratios de solvabilité et de liquidité, le niveau de valorisation des encours écartent les risques de bilan des compagnies en 2020.

CSR (Capital de Solvabilité Requis) et MCR (Minimum de Capital Requis) : une solvabilité forte

La solidité bilancielle des compagnies françaises est mesurée par deux ratios :

  • Le CSR (Capital de Solvabilité Requis) est un indicateur du montant de fonds propres (évalués selon les modalités spécifiques de Solvabilité 2) dont les assureurs doivent disposer pour couvrir un risque de sinistre exceptionnel.
    Le niveau de risque requis pour ce calcul est celui d’une probabilité de faillite à un an de 0,5 % ou inversement le niveau de risque pour lequel la probabilité de pouvoir faire face aux engagements des clients à un an est de 99,5 %. 

    Le taux de couverture du CSR est le rapport entre les fonds propres éligibles et le niveau de CSR requis. Il doit être supérieur à 100 %.Même si la baisse des taux d’intérêt au premier semestre 2020 a dégradé le taux de couverture du CSR des compagnies d’assurance-vie françaises, celui-ci s’élevant à 225 % au 30 juin contre 256 % en décembre 2019, son niveau reste supérieur au plus bas de septembre 2019 de l’ordre de 220 %. 

    Les bilans des compagnies affichent ainsi une résilience à la crise économique et financière provoquée par la Covid-19.

Taux de couverture moyen des branches vies, mixtes et non vies.
Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

  • Le MCR (Minimum de Capital Requis) est le montant minimum de fonds propres (évalués conformément aux règles de Solvabilité 2) en deçà duquel la compagnie présente un risque de poursuite de son activité. Il est calculé un MCR dit « combiné » devant se situer entre 25 % et 45 % du CSR.Le taux moyen de couverture du MCR subit une dégradation plus importante, passant de 638 % au dernier trimestre 2019 à 559 % au 30 juin 2020. Il reste néanmoins supérieur à son niveau du troisième trimestre 2019 où il avait atteint 500 % avant la crise du coronavirus.

Un ratio de liquidité à court terme (LCR Liquidity Coverage Ratio) stable en 2020 pour les compagnies d’assurance-vie

Il est également important d’apprécier la qualité des actifs des compagnies d’assurance en termes de liquidité.

Les ratios de liquidité à court terme (LCR Liquidity Coverage Ratio) ne reculent pas sur le premier semestre 2020.

La part des actifs liquides reste stable à une moyenne de 50 % du bilan des compagnies.

Les actifs liquides de haute qualité couvrent en moyenne 30 mois de sinistres au 30 juin 2020 contre 28 mois fin 2019.

Un encours peu impacté par la crise en 2020

Malgré la crise, la valeur des encours de placement des assureurs est en légère augmentation de 0,8 % sur un an, s’élevant à 2 666 milliards d’euros au 30 juin 2020.

Les compagnies d’assurance n’ont pas modifié leur allocation d’actifs en 2020 et la part des supports obligataires est toujours de l’ordre de 60 % des encours (avant mise en transparence de la partie OPC représentant 27 % des actifs).

Les investissements se répartissent à 63 % sur la France et 23 % sur la zone euro, les actifs hors union européenne ne représentant que 8 % du total.

Après une nette augmentation des taux au premier semestre en raison de la crise, les niveaux sont revenus à ceux de début d’année. Le marché obligataire n’a pas fortement pâti de la crise sanitaire.

Les encours des assureurs en actions cotées sont moins importants, de l’ordre de 4 % des encours, et n’ont pas significativement soufferts en 2020. La forte baisse des marchés actions au premier trimestre a été compensée par une reprise significative sur le reste de l’année.

les risques qui demeurent pour l’assurance-vie et les fonds en euros : dégradation des signatures obligataires et remontée des taux

La crise économique, induite par le coronavirus, comporte de nouveaux risques pour les assureurs et les épargnants :

  • la dégradation de la note des entreprises (non financières et financières) s’est accélérée. Au niveau des encours des compagnies d’assurance, la part des obligations inférieures à BBB- sont ainsi passées de 0,6 % à 0,9 % au premier semestre 2020.
    Si la santé financière des sociétés continuait à s’affaiblir, la qualité du portefeuille obligataire des assureurs pourrait se détériorer et les risques en capital augmenter.
  • Le risque de remontée des taux en cas de résurgence de l’inflation est également un facteur à prendre en compte. L’augmentation des taux entraîne mécaniquement une baisse de la valeur des obligations déjà émises sur le marché, donc du stock de supports obligataires détenu par les compagnies.

Ces nouveaux risques viennent s’ajouter aux contraintes de gestion que connaissent les assureurs depuis plusieurs années sur le fonds en euros, dans un univers de taux bas.

 

 

Une orientation et une diversification plus significatives des encours des contrats vers les unités de compte restent donc primordiales, afin que les risques sur l’assurance-vie restent maitrisés et que ce placement garde toute sa place dans le patrimoine des épargnants : un outil pertinent d’un point de vue fiscal, mais aussi financier.

 

Auteurs
Anne Brouard et Guillaume Thierry

Anne Brouard est Intervenante-formatrice pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Guillaume Thierry est est conseiller patrimonial, diplômé du CESB-CGP 

Pourquoi faut-il bien rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ?

Pourquoi faut-il bien rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ?

Temps de lecture estimé : 6 min

La souscription d’un contrat d’assurance-vie répond à de nombreux objectifs patrimoniaux, comme la constitution d’un capital ou d’un complément de retraite.

Un de ces objectifs peut être également la transmission d’un patrimoine et la protection d’un proche, notamment le conjoint survivant.

La rédaction de la clause bénéficiaire est pour cela primordiale. Pour qu’elle produise pleinement les effets attendus, elle doit être rédigée avec minutie dans le respect du droit français et ceci d’autant plus que les clauses bénéficiaires se complexifient, telles les clauses bénéficiaires démembrées et demandent alors une très grande attention de rédaction.

Une mauvaise rédaction de la clause bénéficiaire, incomplète, imprécise ou contraire au droit civil, peut entraîner de nombreux risques, dont nous détaillons certains ci-après.

les capitaux-décès pourraient ne pas être distribués par l’assureur comme l’aurait souhaité le souscripteur

Par principe, lorsque le contrat est dénoué, l’assuré, qui est également le plus souvent le souscripteur du contrat et rédacteur de la clause bénéficiaire, est décédé. L’assureur doit donc verser les capitaux-décès aux bénéficiaires désignés par le souscripteur. Si la clause bénéficiaire est imprécise, l’assureur pourrait, par une mauvaise compréhension de la clause bénéficiaire, ne pas respecter la volonté du souscripteur quand à la répartition des capitaux-décès entre les bénéficiaires désignés. Le souscripteur étant décédé, l’assureur n’a aucun moyen d’obtenir des précisions concernant la volonté du souscripteur.

l’assureur pourrait ne pas réussir à identifier le bénéficiaire

Prenons le cas d’une clause bénéficiaire nominative, lorsque le souscripteur désigne un bénéficiaire par son nom et non par sa qualité (conjoint, enfant…). Le bénéficiaire doit être identifiable par l‘assureur, surtout lorsqu’il n’a aucun lien de parenté avec le souscripteur. Il est donc important de désigner le bénéficiaire le plus précisément possible, en indiquant ses nom, prénom, date et lieu de naissance et toute autre information utile à son identification par l’assureur.

En effet, bien que la loi du 17 décembre 2007 oblige les assureurs à rechercher activement les bénéficiaires d’un contrat en cas de décès, si l’assureur ne parvient pas à identifier ou à retrouver le bénéficiaire, les capitaux-décès seront transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations, à l’issue d’un délai de 10 ans à compter de la date de connaissance du décès par l’assureur. Les sommes non réglées seront définitivement acquises à l’État si elles n’ont pas été réclamées depuis au moins 30 ans à compter de la date du décès de l’assuré.

En savoir plus :

la clause bénéficiaire pourrait ne pas avoir l’effet fiscal souhaité

Un autre exemple, si la clause bénéficiaire n’est pas conforme au droit civil ou fiscal, l’assureur ne pourra pas la respecter. Le Ministère de l’Economie et des Finances vient de préciser ainsi qu’il n’est pas possible de désigner des bénéficiaires différents selon la date de versement des primes, pour faire bénéficier certains bénéficiaires d’une fiscalité plus avantageuse (Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée dans le JO Sénat du 08/08/2019 – page 4215).

En savoir plus :

le risque des primes manifestement exagérées

La fiscalité décès très avantageuse de l’assurance-vie et le fait que l’assurance-vie soit traitée hors succession peuvent inciter un souscripteur à placer tout son patrimoine ou une majeure partie de son patrimoine sur un contrat d’assurance-vie.

Par exemple, un souscripteur père d’un fils et d’une fille, avec laquelle il est en froid, peut être tenté de placer tout son patrimoine sur un contrat d’assurance-vie et de désigner comme seul bénéficiaire son fils, avec qui il a de bonnes relations, dans le but de déshériter complètement sa fille.

Sa fille pourra alors invoquer l’article L 132-13 du Code des Assurances. Si le caractère manifestement exagéré des primes eu égard aux facultés du souscripteur était retenu par le juge, les primes versées par le souscripteur sur le contrat seraient intégrées à sa succession et réparties entre les héritiers selon les règles de la dévolution légale. Sa fille pourra donc prétendre à une partie des sommes versées sur le contrat.

La clause bénéficiaire rédigée par le souscripteur ne pourra donc pas s’appliquer.

les risques liés aux clauses complexes

Parmi les clauses bénéficiaires complexes, nous pouvons citer :

  • les clauses à option : elles permettent au bénéficiaire de choisir entre plusieurs modes d’attribution des capitaux-décès. Par exemple, le souscripteur pourra désigner son conjoint comme bénéficiaire et lui laisser le choix entre la totalité des capitaux-décès ou seulement une fraction en fonction de ses besoins, la fraction complémentaire étant attribuée à d’autres bénéficiaires.

 

  • la clause bénéficiaire démembrée : elle permet d’attribuer l’usufruit des capitaux-décès à un bénéficiaire, souvent le conjoint survivant, et la nue-propriété à d’autres bénéficiaires, souvent les enfants. Dans ce cas, il est nécessaire d’indiquer avec précision les modalités d’exercice de l’usufruit, notamment dans le cas d’une famille recomposée où les enfants du défunt ne sont pas ceux du conjoint survivant.

Focus sur la clause bénéficiaire démembrée

 Le démembrement prévu dans la clause bénéficiaire peut être exercé :

  • soit sous forme de quasi-usufruit au profit de l’usufruitier, ce dernier percevant les capitaux décès du contrat et pouvant en disposer comme il l’entend. Le ou les nus-propriétaires disposeront d’une créance de restitution de la valeur de leur droit qu’ils ne pourront faire valoir qu’au décès de l’usufruitier et qui s’imputera sur les actifs successoraux. Il est conseillé de prévoir l’enregistrement de cette créance de restitution lors de la création du démembrement de propriété, c’est à dire au dénouement du contrat d’assurance-vie, pour lui donner date et valeur certaines et également pour prévoir sa valeur à terme, valeur nominale ou valeur indexée.
  •  soit sous forme d’emploi en démembrement de propriété sur un nouvel actif immobilier ou financier (contrat de capitalisation par exemple).

La rédaction de la clause bénéficiaire devra prévoir précisément l’une ou l’autre forme d’exercice du démembrement mais devra aussi préciser l’application de certaines dispositions civiles.

La clause bénéficiaire devra ainsi préciser la dispense ou pas d’obligation d’inventaire pour l’usufruitier (article 600 du code civil), d’obligation de fournir caution (article 601 du code civil) et autres obligations comme l’emploi des sommes (article 602 du code civil et article 1094-3 du code civil).

Enfin, il est nécessaire d’être vigilant aux situations internationales de clause bénéficiaire démembrées dont le traitement juridique et fiscal peut être différente qu’en France.

 

Ces clauses, complexes par définition, doivent être rédigées avec une extrême précision, au risque de créer des discordances dans la famille du défunt.

En savoir plus : la fiscalité de la clause bénéficiaire démembrée

les risques liés au prédécès d’un bénéficiaire

L’article L132-11 du Code des Assurances prévoit qu’en l’absence de bénéficiaire, les capitaux-décès font partie de la succession de l’assuré. Ils sont attribués aux héritiers selon les règles de la dévolution légale et sont soumis à la fiscalité successorale, souvent moins avantageuse que la fiscalité décès de l’assurance-vie.
Il faut donc au minimum désigner des bénéficiaires, ce qui est le plus souvent le cas.

La question se pose davantage en cas de décès d’un des bénéficiaires avant le terme du contrat. Que devient la part qui lui était allouée ? Sa part doit-elle être partagée entre les autres bénéficiaires ? Dans quelles proportions ? Doit-elle être attribuée à d’autres bénéficiaires ?

Dans le cas d’une clause désignant plusieurs bénéficiaires de même rang, il est important de prévoir précisément la répartition des capitaux-décès en cas de décès de l’un d’eux avant le dénouement du contrat.
Seule une rédaction minutieuse de la clause bénéficiaire permettra d’anticiper ces questions.

En savoir plus : L’assurance-vie est-elle toujours « hors succession » ?

les risques liés aux évènements de la vie

La clause bénéficiaire ne doit pas être figée dans le temps. Elle doit évoluer en fonction des évènements qui peuvent survenir dans la vie du souscripteur (divorce, décès d’un bénéficiaire…).

En effet, dans le cas d’une désignation par qualité (par exemple, le conjoint), c’est la personne qui a cette qualité au moment du dénouement du contrat qui reçoit les capitaux-décès.

Si le souscripteur/assuré est en instance de divorce au moment de son décès, c’est son conjoint qui reçoit les capitaux-décès car il a toujours la qualité de conjoint tant que le divorce n’est pas prononcé. Cela peut être contraire à la volonté du souscripteur.

La clause bénéficiaire doit donc être actualisée en fonction des différents évènements qui peuvent avoir lieu dans la vie du souscripteur.

Une rédaction précise de la clause bénéficiaire est donc primordiale pour qu’elle produise les effets souhaités.

Cette tâche est complexe et doit être confiée à un spécialiste du droit patrimonial.

Auteur

Pauline ROSSO  

Formatrice intervenante au CFPB-Ecole supérieure de la banque – Ingénieur Patrimonial au Cabinet Conseil A. YASSONOWSKI.

Assurance-vie, contrat de capitalisation, société de portefeuille : quelle meilleure solution pour transmettre ?

Assurance-vie, contrat de capitalisation, société de portefeuille : quelle meilleure solution pour transmettre ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

En quoi le contrat de capitalisation ou la société de portefeuille peuvent être plus avantageux que l’assurance-vie en termes de transmission successorale ? Explications.

 

Dans un précédent article nous avons nuancé l’intérêt que peut représenter la souscription de contrats d’assurance vie dans le cadre de stratégies patrimoniales en concentrant notre analyse sur la seule période de vie du souscripteur assuré.

Nous avions notamment évoqué l’effort d’uniformisation de la fiscalité appliquée aux gains financiers, avec la mise en place d’une imposition au taux unique de 12,8% applicable aux revenus et plus-values de nombreux actifs financiers, supprimant l’avantage compétitif dont pouvait disposer l’assurance vie dans le cas d’une détention s’inscrivant dans la durée.

Par ailleurs, la récente évolution règlementaire destinée à améliorer la protection des investisseurs interdit dorénavant la rétrocession de frais de gestion portant sur des OPC (Organisme de Placement Collectif) dans le cas d’un mandat de gestion portant sur un compte d’instruments financiers confié à un établissement financier. Cette règlementation a ainsi poussé toutes les sociétés de gestion à utiliser des parts de fonds subissant un niveau de frais réduit (parts dites « clean share ») dans le cadre d’un mandat portant sur un compte-titres. Mais la plupart de ces établissements financiers continuent d’utiliser les parts de fonds les plus « chargées » dans les mandats de gestion portant sur des contrats d’assurance vie.

Enfin, le faible niveau de rendement du fonds en euros comparé aux rendements dorénavant offerts sur le marché obligataire ôte encore un peu plus d’intérêt aux contrats d’assurance vie. La hausse des taux d’intérêts n’aura au mieux qu’un effet positif très lent sur le rendement du fonds en euros, qui risque de perdre pour longtemps son avantage compétitif par rapport à un investissement en obligations.

Malgré cela, l’assurance-vie, du fait de sa fiscalité successorale spécifique, est souvent présentée comme un outil avantageux dans un contexte de transmission. Mais qu’en est-il exactement ?

SOMMAIRE

  • Assurance-vie : quelle fiscalité en cas de décès ?Réincorporation de titre reçus par augmentation de capital réalisées par incorporation de réserves
  • Le contrat de capitalisation : quel avantage pour la succession ?
  • La société de portefeuille : quel intérêt successoral ?

 

Assurance-vie : quelle fiscalité en cas de décès ?

 

Lors du dénouement des contrats d’assurance vie suite au décès de l’assuré les capitaux sont versés aux bénéficiaires désignés :

  • sous déduction des prélèvements sociaux
  • et après fiscalité successorale, dont les conditions dépendent principalement de l’âge de l’assuré au moment du versement des primes.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le décès de l’assuré est devenu un fait générateur de la soumission aux prélèvements sociaux des gains constatés sur les contrats d’assurance vie dénoués par le décès de l’assuré. Ces gains subissent les prélèvements sociaux au taux en vigueur au jour du décès, actuellement 17,2%, calculé sur le montant des gains réalisés depuis la souscription initiale du contrat, mais sous déduction des gains réalisés sur le fonds en euros et déjà soumis « au fil de l’eau » à ces mêmes prélèvements sociaux.

Rappel : prélèvements sociaux appliqués au fonds en euros

Les produits attachés au fonds en euros des contrats d’assurance vie et contrats de capitalisation constatés depuis le 1er juillet 2011 sont imposés aux prélèvements sociaux au moment de leur inscription en compte, c’est-à-dire le plus souvent tous les ans au 31 décembre.

En d’autres termes, sont principalement soumis aux prélèvements sociaux :

  • les gains réalisés sur le fonds en euros antérieurement au 31 juillet 2011
  • et ceux réalisés sur les unités de compte des contrats depuis l’origine.

Exemple :

Souscription d’un contrat d’assurance vie au profit de deux enfants bénéficiaires désignés, comportant fonds en euros et unités de compte.

Ce contrat a été alimenté par le versement de primes de 500.000 €. La valeur de rachat du contrat au moment du décès de l’assuré s’établit à 875.000 €, dont 125.000 € de gains provenant du fonds en euros et ayant déjà supporté les prélèvements sociaux au fil de l’eau.

Les prélèvements sociaux, appliqués aux gains de 250.000 € constatés au jour du décès sur les seules unités de compte ((875.000 € – 500.000 €) – 125.000 €), s’élèvent ainsi à 43.000 € (250.000 € x 17,2 %).

La somme, nette de prélèvements sociaux, de 832.000 € (875.000 € – 43.000 €) sera versée aux bénéficiaires.

En principe, les capitaux versés aux bénéficiaires désignés au contrat lors du décès de l’assuré sont exonérés de droits de succession. Mais ce principe souffre de deux exceptions de taille :

  • Lorsque les primes ont été versées après le 70ième anniversaire de l’assuré sur un contrat souscrit après le 20 novembre 1991, celles-ci subissent des droits de succession après déduction d’un abattement de 30.500 € (un seul abattement par assuré quelques soit le nombre de contrats souscrits et le nombre de bénéficiaires), selon l’article 757 B du CGI.

Cela revient à dire que les gains accumulés sur le contrat sont exonérés de droits de succession et que les primes bénéficient d’une franchise de 30.500 €, seul l’excédent étant imposé.

Reprenons notre exemple :

Si le souscripteur était âgé de plus de 70 ans au moment du versement de toutes les primes et qu’il ne disposait d’aucun autre contrat d’assurance vie, seule la somme de 469.500 € serait soumise aux droits de succession, c’est-à-dire le montant des primes (500.000 €) diminué de la franchise de 30.500 €.

Le surplus, soit 362.500 € serait exonéré de droits de succession (valeur de rachat nette des prélèvements sociaux 832.000 € – la part de primes imposable 469.500 €).

En retenant l’hypothèse d’une imposition dans une tranche de droits de succession à 30%, le montant des droits appliqués à ces capitaux décès s’élèverait à 140.850 €.

  • Si les primes ont été versées avant le 70ième anniversaire de l’assuré, l’article 990 I du CGI dispose, depuis le 13 octobre 1998, que les capitaux décès ne sont plus exonérés de droits de succession mais subissent un prélèvement au-delà de 152.500 € par bénéficiaire. Ce prélèvement comporte depuis 2014 deux tranches :
    • 20% jusqu’à 700.000 € imposable après l’abattement de 152.500 €
    • 31,25% au-delà.

Ce prélèvement est applicable sur la part revenant à chaque bénéficiaire au-delà de 152.500 € et tous contrats d’assurance vie confondus.

Dans notre exemple :

La valeur de rachat nette de prélèvements sociaux étant de 832.000 €, chaque enfant bénéficiaire recevra 416.000 € sous déduction d’un prélèvement de 52.700 €.

Il est intéressant de comparer cette fiscalité aux solutions alternatives à l’assurance-vie dont on peut disposer pour transmettre à terme un capital financier.

 

Le contrat de capitalisation : quel avantage pour la succession ?

 

Très proche sur de nombreux points du contrat d’assurance-vie, il s’en distingue au moment du décès. Le contrat de capitalisation ne comporte pas de désignation de bénéficiaire et suit par conséquent le traitement successoral de droit commun, aussi bien au plan civil que fiscal.

Le contrat de capitalisation est une simple opération d’épargne réalisée par le souscripteur. A son décès le contrat n’est pas dénoué et se retrouve dans l’actif successoral taxable aux droits de succession.

Dans une stratégie de transmission il peut paraître intéressant d’envisager une donation d’un contrat de capitalisation. Alors que la donation en pleine propriété constitue une transmission immédiate, la donation de la seule nue-propriété peut présenter plusieurs avantages dans une optique de préparation de la transmission.

Dans une telle situation, les nus-propriétaires ne deviendront pleinement propriétaires qu’après extinction de l’usufruit, donc au décès du donateur. Cela permet à l’usufruitier de conserver des prérogatives (notamment la faculté de procéder seul à des rachats et à des arbitrages) qui pourront d’ailleurs être utilement définies dans une convention de démembrement.

Au plan fiscal, une telle donation sera soumise aux droits de donation calculés sur la seule valeur de la nue-propriété qui dépend de l’âge de l’usufruitier, c’est-à-dire dans notre cas de l’âge du donateur au moment de la réalisation de la donation.

A la différence de l’assurance-vie ou la fiscalité de transmission est payée au moment du décès du souscripteur, elle est ici payée au moment de la donation.

Reprenons notre exemple en imaginant ici la souscription d’un contrat de capitalisation alimenté par une prime de 500.000 €, le souscripteur étant âgé de 62 ans, suivie de la donation de la nue-propriété à ses deux enfants.

Barème des droits de donation en ligne directe (art 777 du CGI) – Source : Service-Pulbic.fr

Au moment du décès, les enfants seront pleinement propriétaires du contrat de capitalisation sans fiscalité successorale supplémentaire et quelle que soit la valeur du contrat. Si au décès de l’usufruitier, le contrat a la même valeur que le contrat d’assurance-vie de notre exemple précédent, la fiscalité restera de 16.388 € dans le cas du contrat de capitalisation, contre 105.400 € pour l’assurance-vie souscrite avant 70 ans.

Par ailleurs, en l’absence de retraits, les enfants nus-propriétaires n’auront pas à supporter de prélèvements sociaux autres que ceux appliqués « au fil de l’eau » sur les gains annuels générés par le fonds en euros.

Comparativement au contrat d’assurance-vie de notre exemple précédent, au décès de l’usufruiter, le gain est de 43.000 € (prélèvements sociaux sur les plus-values sur unités de compte dont les nus-propriétaires ne sont pas redevables au moment du décès de l’usufruitier dans le cas du contrat de capitalisation).

Mais qu’en est-il en cas de retrait du contrat ? 

La loi de finances pour 2018 a modifié la fiscalité applicable aux retraits réalisés sur des contrats de capitalisation. L’administration fiscale a apporté des commentaires l’année suivante, notamment sur la fiscalité applicable en cas de retrait réalisé après la donation d’un contrat de capitalisation. Toutefois le cas de la donation de la seule nue-propriété n’a pas été abordé.

Dorénavant, la donation de la pleine propriété d’un contrat de capitalisation efface les gains latents sur le contrat. Si le donataire effectue un rachat de ce contrat, il sera ensuite imposé sur la différence entre la valeur de rachat du contrat et sa valeur au jour de la donation, tout en conservant son antériorité fiscale.

Dans le cas d’une donation de la seule nue-propriété, il apparait normal que seule la plus-value portant sur la nue-propriété transmise soit purgée.

Exemple :

Prenons l’hypothèse qu’au moment du décès du souscripteur, la valeur de rachat du contrat de capitalisation s’établit à 875.000 € et que les enfants décident de procéder à un rachat total du contrat suite au décès. Le gain imposable sera calculé par différence entre la valeur de rachat et le prix de revient.

  • La valeur de rachat s’établit à : 875.000 € (nette des prélèvements sociaux au fil de l’eau appliqués au seuls gains réalisés sur le fonds en euros).
  • Pour un prix de revient : 500.000 €
  • Prix de revient de la nue-propriété de : 300.000 €
  • Prix de revient de l’usufruit de : 200.000 €
  • Gain total du contrat : 375.000 € (la donation ayant eu lieu peu de temps après la souscription du contrat, la plus-value « purgée » par la donation sur la valeur de la nue-propriété n’est pas significative dans notre exemple).
  • Imposition lors du retrait : 91.000 €
  • Dont Impôt sur le revenu à 12,8% : 48.000 € (375.000 € x 12,8 %)
  • Dont Prélèvements sociaux de 17,2% appliqués lors du retrait total aux seuls gains réalisés sur les UC de 250.000 € : 43.000 €
  • Rachat net de fiscalité : 784.000 € (875.000 € – 91.000 €)

A la lecture de l’exemple, il apparait que la souscription d’un contrat de capitalisation suivie par la donation de sa seule nue-propriété constitue une alternative sérieuse ou une solution complémentaire, notamment pour les souscripteurs âgés de moins de 70 ans qui peuvent bénéficier :

  • de l’abattement de 152.500 € par bénéficiaire sur les capitaux décès du contrat d’assurance vie 
  • et des abattements de 100.000 € et des tranches basses du barèmes des droits de donation portant sur le contrat de capitalisation.

 

La société de portefeuille : quel intérêt successoral ?

 

La société de portefeuille constitue une autre alternative, moins fréquemment utilisée mais particulièrement pertinente.

Plutôt que de souscrire un contrat d’assurance vie ou de capitalisation, le candidat à la préparation de la transmission constitue une société, la plupart du temps civile, qui optera pour l’impôt sur les sociétés (IS). Cette société sera dotée de liquidités qui seront investies en actifs financiers dans le cadre d’un compte d’instruments financiers. Sa gestion pourra faire l’objet d’une délégation au profit d’un professionnel (banque, société de gestion).

Chaque année le bénéfice imposable est composé des dividendes et coupons encaissés, des plus-values extériorisées à l’occasion des cessions et de l’accroissement de valeur des actifs encore en portefeuille à la clôture de l’exercice (plus-value latente). Ce bénéfice est ensuite soumis à l’impôt sur les sociétés selon le régime de droit commun (15% jusqu’à 38.120 € de bénéfice en 2022, porté à 42.500 € dans le projet de loi de finances pour 2023, puis 25% au-delà).

Comment est déterminé le résultat annuel imposable d’une société de portefeuille soumise à l’IS :

  • Les revenus des actions et obligationsfont partie du bénéfice imposable soumis à l’IS l’année de leur perception.
  • Les plus-values réalisées sur la vente d’actions ou d’obligations font partie du résultat imposable l’année de la cession. Les plus-values latentes en fin d’exercice ne sont pas imposables, mais les moins-values latentes constatées sur les actions font l’objet d’une provision déductible du résultat.
  • Les plus-values latentes constatées en fin d’exercice sur les OPC (SICAV et Fonds Communs de Placement) font partie du résultat fiscal imposable, à l’exception de celles constatées sur des OPC « Actions » (composées constamment à plus de 90% d’actions). L’année de la cession des OPC, la plus-value constatée entre le prix de vente et la valeur liquidative de clôture du précédent exercice (ou le prix d’acquisition en cas de souscription au cours du même exercice que celui de la cession) est imposable à l’IS.

Postérieurement à la création de la société civile, ses parts peuvent faire l’objet d’une donation en pleine propriété, voire en nue-propriété seulement dans l’hypothèse où le donateur souhaiterait conserver certaines prérogatives.

Dans le cas d’un démembrement de propriété portant sur des parts sociales, il est important de connaitre la répartition des droits aux revenus et des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier.

Concernant le droit aux revenus, en cas de distribution totale ou partielle du résultat courant (de l’année ou en report à nouveau) de la société dont le capital est démembré, c’est à l’usufruitier que revient le dividende, puisqu’il a droit aux revenus des biens sur lesquels portent le démembrement.

Il est par ailleurs recommandé d’inclure dans les statuts de la société une clause prévoyant les règles d’attribution des distributions prélevées sur les réserves de la société, à défaut le régime du quasi-usufruit serait automatiquement appliqué (jouissance de la distribution attribuée à l’usufruitier, charge à lui de restituer à son décès la somme perçue au nu-propriétaire).

Le droit de vote est un droit attaché à la qualité d’associé de la société. En cas de donation de parts en pleine propriété, le droit de vote attaché aux parts données est aussi transmis. En cas de donation de la seule nue-propriété, le droit de vote est en principe transmis au nu-propriétaire. L’usufruitier conserve le droit de vote relatif aux décisions portant sur l’affectation du résultat (mise en réserve, distribution). Les statuts de la société peuvent toutefois prévoir une répartition différente des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier.

Au jour du décès du donateur, les enfants deviendront pleinement propriétaires des parts de la société civile et pourront poursuivre sa gestion ou la dissoudre. Les conséquences fiscales de cette dissolution seraient assez proches de celles applicables au rachat total du contrat de capitalisation précédent, à savoir l’application d’une imposition de 30% appliquée au boni de liquidation.

 

Ces trois modes de transmission présentent leurs avantages et limites, mais il apparait clairement que dans le cas d’une transmission préparée , la constitution d’une société civile de portefeuille soumise à l’IS, suivie d’une donation de la nue-propriété des parts sociales, présente de nombreux atouts :

  • du vivant du donataire: imposition à l’IS favorable, frais de gestion plus faible par l’utilisation de parts « clean share » dans la gestion du portefeuille.
  • et à son décès: pas de droits de succession au décès, des droits calculés sur la seule nue-propriété ayant été acquittés au moment de la donation.

 

Illustration :

Prenons cette fois l’exemple d’une personne âgée de 59 ans disposant d’une somme d’un million d’euros et décidée à la transmettre à terme à ses deux enfants. Elle envisage les trois solutions décrites ci-dessus, à savoir :

  • Souscrire un contrat d’assurance vie, investi pour moitié en unités de compte « actions » et pour moitié en fonds en euros, dont ses enfants seraient bénéficiaires en cas de décès par parts égales.
  • Souscrire un contrat de capitalisation, investi de la même manière que le contrat d’assurance vie, dont il donnerait immédiatement la nue-propriété à ses enfants (le montant de la souscription serait de 948.738 €, compte tenu des droits de donation, pris en charge par le donateur, s’établissant à 51.262 € (1.000.000 € – 51.262 €)).
  • Doter une société civile de portefeuille soumise à l’IS de la somme de 948.738 € dont la nue-propriété des parts serait immédiatement donnée aux enfants par parts égales. Ces sommes seraient investies dans le cadre d’un portefeuille-titres géré pour moitié en OPC actions et pour moitié en OPC obligataires. Les droits de donation de 51.262 € sont pris en charge par le donateur.

Nous retenons les hypothèses de rendement et de frais suivantes :

Nous comparons tout d’abord ces trois stratégies en matière d’évolution de la valeur de l’épargne acquise.

Pour compléter cette comparaison nous simulons maintenant un rachat total du contrat d’assurance-vie et du contrat de capitalisation, ou une dissolution de la société, du vivant de la personne ayant souhaité préparer la transmission de ce capital, même si cette hypothèse contredit la stratégie qui avait été envisagée.

Enfin, pour clore cette comparaison, nous simulons le décès de la personne ayant souhaité préparer sa succession, suivi d’une liquidation des investissements réalisés (versement des capitaux décès du contrat d’assurance vie, rachat total du contrat de capitalisation et dissolution de la société).

Nous constatons que le coût que représente le règlement des droits de donation portant sur les parts de la société de portefeuille est rapidement compensé par l’économie de frais de gestion, alors que pour le contrat de capitalisation, ce coût de départ pèse sur la valorisation pendant toute la durée d’épargne.

L’avantage de la société de portefeuille se confirme du vivant de la personne ayant souhaité préparer sa succession, comme en cas de décès et quelque soit le moment ou celui-ci survient.

La solution consistant à investir les capitaux au sein d’une société de portefeuille permet en effet de supporter des frais de gestion réduits (absence de frais d’assurance et accès à des parts de fonds bénéficiant de frais réduits), tout en subissant une pression fiscale sur les gains assez comparable à celle de l’assurance vie (ou des contrats de capitalisation).

Plus la stratégie est mise en place jeune, plus elle présente de l’intérêt par rapport au traditionnel contrat d’assurance-vie. Mais il ne faut toutefois pas perdre de vue que la donation est ici définitive (même si elle ne porte que sur la nue-propriété) alors que dans le cas de l’assurance vie, le souscripteur peut à tout moment décider de modifier sa stratégie en procédant à un rachat de son épargne ou en modifiant sa clause bénéficiaire.

Auteur

Jean-Marc Aveline    

Directeur de Clientèle Gestion de Fortune, Intervenant-formateur en gestion de patrimoine