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Assurance-vie et clause bénéficiaire : un outil stratégique pour la transmission de patrimoine

Assurance-vie et clause bénéficiaire : un outil stratégique pour la transmission de patrimoine

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Outre ses avantages fiscaux, l’assurance-vie permet également d’optimiser la transmission par les potentialités de sa clause bénéficiaire. Explications.

Souvent plébiscitée pour son régime fiscal en cas de rachats (enveloppe de capitalisation) et pour son fonds en euros, l’assurance vie n’en demeure pas moins, au-delà de son rôle de placement, un réel outil de transmission de patrimoine, venant compléter les stratégies bien connues tels que les donations, legs et démembrement de propriété.

Le régime fiscal de faveur propre à l’assurance vie (Article 757B et 990I du CGI) permet de réduire la fiscalité de transmission du patrimoine financier.

Mais l’efficacité de ce régime repose également sur la rédaction adaptée de la clause bénéficiaire. Souvent retenue par défaut sur le modèle de la clause dite « standard », la clause bénéficiaire peut s’avérer plus pertinente avec une rédaction adaptée au contexte de familial et s’inscrivant dans le contexte de son rédacteur.

La libre rédaction de la clause bénéficiaire permet de prévoir une transmission sur mesure. L’assurance vie et la clause bénéficiaire deviennent alors de véritables alliés pour la transmission du patrimoine. Analysons plus en détail ces mécanismes.

SOMMAIRE

  • La clause bénéficiaire standard du contrat d’assurance-vie et ses limites
  • Clause standard et renonciation au bénéfice de l’assurance vie
  • Clauses bénéficiaires sur mesure et optimisation de la transmission via l’assurance-vie

La clause bénéficiaire standard du contrat d’assurance-vie et ses limites

Le régime fiscal de l’assurance vie est à la fois très avantageux mais aussi complexe, c’est pourquoi un accompagnement sur mesure, adapté aux choix patrimoniaux de chacun, est nécessaire.

Source : Avenue des investisseurs

Le cas particulier du conjoint ou du partenaire de PACS (loi TEPA de 2007) :
Le conjoint et le partenaire pacsé sont exonérés en application de l’article 796 O bis du CGI, tout comme le frère et la sœur, sous certaines conditions en application de l’article 796 O ter du CGI.

La rédaction de la clause nécessite également un conseil personnalisé. Souvent cantonnée à la clause dite « standard » proposée par défaut par l’assureur, la clause bénéficiaire peut alors présenter des lacunes.

Exemple de clause « standard » : : « Mon conjoint non séparé de corps ou la personne avec laquelle j’ai conclu un Pacte civil de solidarité (Pacs) en vigueur à la date du décès, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales, à défaut mes héritiers ».

Premier point d’attention sur ce type de clause, elle peut s’avérer protectrice en cas de changement de partenaire de vie, notamment pour éviter d’avoir nommé personnellement le bénéficiaire au préalable et d’avoir omis de modifier la clause.

Exemple : Marie désigne Baptiste son premier conjoint puis se remarie quelques années plus tard avec Christian. En cas de décès, c’est Baptiste, l’ancien conjoint, qui sera appelé à percevoir le bénéfice de l’assurance-vie de Marie.

Privilégier ainsi la qualité du bénéficiaire à la désignation nominative respecte le choix de protection prioritaire du conjoint ou du partenaire de Pacs.

Le concubin est cependant exclu de toute protection par cette clause bénéficiaire.

La clause standard exclut également les enfants du souscripteur de toute transmission au premier décès, voire peut amoindrir la part des enfants en commun, puisqu’elle engendre une transmission de patrimoine en faveur du conjoint dont l’enfant non commun n’est pas héritier.

Cette clause standard n’est donc pas adaptée pour une stratégie qui viserait à protéger le conjoint survivant tout en allotissant également les enfants.

Clause standard et renonciation au bénéfice de l’assurance vie

La clause standard prive souvent les héritiers du souscripteur des avantages fiscaux de l’assurance-vie, que ce soit dans le cadre du mode d’union (PACS, mariage) ou de la transmission intergénérationnelle.

Par exemple, le conjoint survivant perçoit le capital de son conjoint décédé sans fiscalité successorale (loi TEPA). Il replace ces capitaux sur son propre contrat mais il a alors plus  de 70 ans, les bénéficiaires du conjoint survivant, le plus souvent ses enfants, seront alors imposés selon la fiscalité de l’article 757B du CGI (droits de succession après abattement de 30.500 € par souscripteur, exonération des plus-values), beaucoup moins avantageuse.

Il en est de même pour la transmission vers les enfants et les petits enfants : un contrat intégralement transmis aux enfants viendra augmenter leur propre patrimoine à transmettre, venant ainsi accroître la progressivité du barème successoral et le poids des droits de mutation à titre gratuit (le barème pouvant atteindre 45% en ligne directe).

Alors que faire lorsque le contrat est dénoué au décès du souscripteur avec une clause bénéficiaire standard ?
Un des premières solutions peut consister à la renonciation au bénéfice du contrat d’assurance-vie par le bénéficiaire désigné, c’est alors le bénéficiaire subséquent qui prendra le relais.

Compte tenu des barèmes des droits de succession et de l’assurance vie, cette stratégie s’avère souvent « payante ».

Prenons un exemple chiffré :

Marie 72 ans est veuve, elle a un fils Alexandre âgé de 50 ans lui-même parent de Louis 25 ans.
Marie dispose d’un patrimoine de 3.000.000 € composé d’une assurance vie de 1.000.000€ (500.000€ versés avant 70 ans) dont le bénéficiaire est son fils. En cas de décès, la situation des héritiers de Marie serait la suivante :

Alexandre hérite de 2.000.000 € de patrimoine soumis aux droits de succession en ligne directe :
Patrimoine brut : 2 000 000€
Fiscalité successorale : 617.394€
Détail du calcul des droits hors frais du notaire : (2.000.000 € – 100.000 €) x 45% – 237.606 €
Patrimoine net : 1.383.606€

Alexandre perçoit également le bénéfice de l’assurance-vie de Marie :

Application de l’article 990 I du CGI :

Capitaux nets de prélèvements sociaux : 1.000.000€
Fiscalité : 193.093€
Détail du calcul : 1.000.000 € – 152.500 € = 847.500 € dont : 700 000 x 20% soit 147.000€ et 147.500 € x 31,25% soit 46.093 €

Alexandre perçoit des capitaux nets de : 806.907€

Total du patrimoine net perçu par Alexandre : 2.190.513 €

Au décès d’Alexandre qui n’a pas retenu de stratégie particulière pour sa transmission (pas de donations ni de contrat d’assurance) et partant du postulat qu’il n’a pas de patrimoine hormis la succession de sa mère et que la valeur des capitaux reste constante, le patrimoine brut est 2.190.513 € et la fiscalité successorale est de 703.124 € ((2.190.513 – 100.000) x 45 % – 237.606)).

Total de la fiscalité en cas de transmission sur deux générations : 1.513.611 € (617.394 + 193.093 + 703.124).  

Stratégie de renonciation :

Alexandre fait le choix de renoncer au bénéfice du contrat d’assurance-vie. Louis est le bénéficiaire subséquent.

Louis subit la fiscalité de l’article 990 I pour 193.093 €. Il perçoit le capital net de 806.907 €.

La fiscalité globale se limitera donc à :

  • la fiscalité sur 2.000.000 € de patrimoine hors assurance-vie entre Marie et Alexandre : 617.394 €
  • la fiscalité sur ce patrimoine hors assurance-vie reçu par Alexandre pour son montant net de droits (1.383.606 €)transmis à Louis, soit 366.120 € de droits de succession ((1.383.606 – 100.000) x 40 % – 147.322)

Totalité de la fiscalité sur 2 générations : 1.176.607 €.
(193.093 + 617.394 + 366.120)

La famille économise ainsi 337.000 € par le biais de la renonciation de l’assurance vie de Marie dont Alexandre était le bénéficiaire.

Clauses bénéficiaires sur mesure et optimisation de la transmission via l’assurance-vie

Rédiger une clause bénéficiaire sur mesure permet d’aller encore plus loin dans l’optimisation de la transmission successorale, notamment par deux types de clauses : la clause à option simple et la clause démembrée.

La clause bénéficiaire à option simple

La stratégie de la renonciation, bien que très efficace d’un point de vue fiscal, vient néanmoins amoindrir le patrimoine transmis au bénéficiaire de rang 1 (le partenaire de PACS ou le conjoint par exemple).

Or l’objectif de transmission au sein des familles relève souvent du subtil équilibre entre protection du conjoint et anticipation de la transmission à ses enfants. La stratégie de la renonciation demeure alors un choix assez cornélien, celle du tout ou rien.

Depuis quelques années, sous le jeu de la jurisprudence, un nouveau type de clause dite à option simple se développe.

Elle permet de laisser le choix au bénéficiaire de rang 1 d’accepter le bénéfice du contrat selon plusieurs quotités.

Exemple : « Mon conjoint ou partenaire de PACS qui pourra opter pour 0%, 25%, 50%, 75% ou 100% du bénéfice du contrat. En cas de fraction inférieure à 100%, celle-ci sera attribuée par parts égales à mes enfants ».

Ce type de clause permet ainsi d’actionner un mécanisme de renonciation partielle. Ce mécanisme offre notamment plus de souplesse aux bénéficiaires potentiels de l’assuré tout en contribuant à l’optimisation de la fiscalité successorale.

En reprenant l’exemple de la famille de Marie, une telle clause permettrait à Alexandre de percevoir partiellement le capital décès lui permettant de payer les droits de mutation si les liquidités de la succession étaient insuffisantes, tout en transmettant l’autre part de capital directement à son fils Louis.

La clause bénéficiaire démembrée

Afin de poursuivre la protection du conjoint survivant tout en poursuivant l’objectif de transmission aux enfants, le souscripteur peut également démembrer sa clause bénéficiaire.

Le conjoint survivant est alors nommé usufruitier de la clause bénéficiaire et les enfants nus-propriétaires.

L’usufruit portant sur une somme d’argent constitue un quasi-usufruit selon l’article 587 du Code civil : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. »

Exemple :

M. Martin est marié sous le régime de la séparation de biens. Son épouse a 69 ans. Elle est retraitée. Son patrimoine propre est de 2.000.000 €. Il est opticien en statut libéral. Il a deux enfants. Il a 69 ans et place 1.000.000€ sur son contrat d’assurance-vie, suite à la cession de son fond de commerce. M. Martin décède début 2024 à l’âge de 70 ans.

Hypothèse d’une clause standard :

Mme Martin perçoit 1.000.000 € net de droits hors prélèvements sociaux (loi TEPA).

Mme Martin replace les capitaux en assurance-vie. Etant âgée de plus de 70 ans, la fiscalité successorale sera celle de l’article 757 B. Si elle n’a pas consommé le capital durant sa vie, à son décès, le contrat est toujours d’une valeur de rachat de 1.000.000 €, chaque enfant paie alors des droits de succession de l’ordre de 200.000 € sur les sommes transmises (application du taux de 40 % du barème des droits de succession sans tenir compte de la progressivité du barème pour simplifier le calcul).

Nous partons du postulat que l’abattement de 30.500 € a été consommé pour un autre contrat d’assurance vie dont les enfants étaient nommés bénéficiaires.

Hypothèse d’une clause démembrée :

Mme Martin est âgée de 70 ans, elle est usufruitière. L’application de l’article 669 I du CGI fixe la valeur de son droit en usufruit à 40% de la valeur en pleine propriété soit 400.000 €. Elle ne s’acquittera d’aucune fiscalité (loi TEPA).

Les enfants sont nus-propriétaires de 60% du capital (soit 30 % chacun). La fiscalité de l’article 990 I s’applique mais l’abattement de 152.500€ s’applique par couple d’usufruitier et de nu-propriétaire et se partage proportionnellement à leurs droits. Il est donc limité à 60% pour chaque enfant (valeur de la nue-propriété). Chacun des enfants s’acquittera de 300.000 € – (152.500 € x 60%) x20% soit 41.700 € soit 83.400 € au total.

Au décès de leur mère, les enfants perçoivent le capital sans fiscalité supplémentaire (extinction de l’usufruit, article 1133 du CGI).
Il leur est possible de déduire sur l’actif successoral de leur mère, une créance de restitution égale aux sommes reçues par leur mère au titre du quasi-usufruit (la rédaction d’une convention de quasi-usufruit est pour cela recommandée).

Attention : Loi de Finances 2024 et non déductibilité de la créance de restitution

La Loi de Finances pour 2024 prévoit de mettre fin à la déductibilité de la créance de restitution dans la succession du quasi-usufruiter lors de donation démembrée de somme d’argent. Le cas du quasi-usufruit né d’une clause bénéficiaire démembrée n’est pas spécifiquement visé par la loi qui cible les donations. Il convient néanmoins de rester prudent sur ce point tant qu’aucune précision n’ait donné par la loi et les textes d’application.

Si sur le principe, la clause démembrée semble idéale pour répondre à l’objectif de transmission aux enfants et de protection maximale du conjoint survivant, quelques limites apparaissent :

  • L’abattement de l’article 990 I n’est que partiellement utilisé.
  • Les enfants doivent éventuellement payer une fiscalité au dénouement du contrat sans percevoir de liquidité pour la payer.
  • La succession pour laquelle bien souvent le conjoint est usufruitier génère également des droits de mutation à acquitter par les enfants qui n’ont pas reçu de liquidité de par le contrat d’assurance-vie.

Il est possible alors de prévoir une rédaction plus souple avec par exemple :

  • la prise en charge de la fiscalité des nus-propriétaires sur les capitaux reçus par le conjoint survivant (clause avec charge).
  • un bénéfice partiel en pleine propriété aux enfants pour qu’ils perçoivent des liquidités et pour consommer intégralement l’abattement de l’article 990 I dont ils bénéficient.

Il existe aussi des clauses à option dites mixtes permettant au conjoint survivant de choisir comment lui seront attribués les capitaux (usufruit, pleine propriété et avec possibilité de renonciation partielle en cas de pleine propriété).

Les potentialités de la clause bénéficiaire sont donc tout aussi efficaces que le cadre fiscal avantageux de l’assurance-vie. Le rôle du conseiller en gestion de patrimoine est ici primordial pour optimiser la rédaction de la clause bénéficiaire en l’adaptant aux objectifs successoraux du souscripteur.

Auteur

Guillaume Thierry

spécialiste patrimonial, diplômé du CESB-CGP

Pourquoi faut-il bien rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ?

Pourquoi faut-il bien rédiger la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ?

Temps de lecture estimé : 6 min

La souscription d’un contrat d’assurance-vie répond à de nombreux objectifs patrimoniaux, comme la constitution d’un capital ou d’un complément de retraite.

Un de ces objectifs peut être également la transmission d’un patrimoine et la protection d’un proche, notamment le conjoint survivant.

La rédaction de la clause bénéficiaire est pour cela primordiale. Pour qu’elle produise pleinement les effets attendus, elle doit être rédigée avec minutie dans le respect du droit français et ceci d’autant plus que les clauses bénéficiaires se complexifient, telles les clauses bénéficiaires démembrées et demandent alors une très grande attention de rédaction.

Une mauvaise rédaction de la clause bénéficiaire, incomplète, imprécise ou contraire au droit civil, peut entraîner de nombreux risques, dont nous détaillons certains ci-après.

les capitaux-décès pourraient ne pas être distribués par l’assureur comme l’aurait souhaité le souscripteur

Par principe, lorsque le contrat est dénoué, l’assuré, qui est également le plus souvent le souscripteur du contrat et rédacteur de la clause bénéficiaire, est décédé. L’assureur doit donc verser les capitaux-décès aux bénéficiaires désignés par le souscripteur. Si la clause bénéficiaire est imprécise, l’assureur pourrait, par une mauvaise compréhension de la clause bénéficiaire, ne pas respecter la volonté du souscripteur quand à la répartition des capitaux-décès entre les bénéficiaires désignés. Le souscripteur étant décédé, l’assureur n’a aucun moyen d’obtenir des précisions concernant la volonté du souscripteur.

l’assureur pourrait ne pas réussir à identifier le bénéficiaire

Prenons le cas d’une clause bénéficiaire nominative, lorsque le souscripteur désigne un bénéficiaire par son nom et non par sa qualité (conjoint, enfant…). Le bénéficiaire doit être identifiable par l‘assureur, surtout lorsqu’il n’a aucun lien de parenté avec le souscripteur. Il est donc important de désigner le bénéficiaire le plus précisément possible, en indiquant ses nom, prénom, date et lieu de naissance et toute autre information utile à son identification par l’assureur.

En effet, bien que la loi du 17 décembre 2007 oblige les assureurs à rechercher activement les bénéficiaires d’un contrat en cas de décès, si l’assureur ne parvient pas à identifier ou à retrouver le bénéficiaire, les capitaux-décès seront transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations, à l’issue d’un délai de 10 ans à compter de la date de connaissance du décès par l’assureur. Les sommes non réglées seront définitivement acquises à l’État si elles n’ont pas été réclamées depuis au moins 30 ans à compter de la date du décès de l’assuré.

En savoir plus :

la clause bénéficiaire pourrait ne pas avoir l’effet fiscal souhaité

Un autre exemple, si la clause bénéficiaire n’est pas conforme au droit civil ou fiscal, l’assureur ne pourra pas la respecter. Le Ministère de l’Economie et des Finances vient de préciser ainsi qu’il n’est pas possible de désigner des bénéficiaires différents selon la date de versement des primes, pour faire bénéficier certains bénéficiaires d’une fiscalité plus avantageuse (Réponse du Ministère de l’économie et des finances publiée dans le JO Sénat du 08/08/2019 – page 4215).

En savoir plus :

le risque des primes manifestement exagérées

La fiscalité décès très avantageuse de l’assurance-vie et le fait que l’assurance-vie soit traitée hors succession peuvent inciter un souscripteur à placer tout son patrimoine ou une majeure partie de son patrimoine sur un contrat d’assurance-vie.

Par exemple, un souscripteur père d’un fils et d’une fille, avec laquelle il est en froid, peut être tenté de placer tout son patrimoine sur un contrat d’assurance-vie et de désigner comme seul bénéficiaire son fils, avec qui il a de bonnes relations, dans le but de déshériter complètement sa fille.

Sa fille pourra alors invoquer l’article L 132-13 du Code des Assurances. Si le caractère manifestement exagéré des primes eu égard aux facultés du souscripteur était retenu par le juge, les primes versées par le souscripteur sur le contrat seraient intégrées à sa succession et réparties entre les héritiers selon les règles de la dévolution légale. Sa fille pourra donc prétendre à une partie des sommes versées sur le contrat.

La clause bénéficiaire rédigée par le souscripteur ne pourra donc pas s’appliquer.

les risques liés aux clauses complexes

Parmi les clauses bénéficiaires complexes, nous pouvons citer :

  • les clauses à option : elles permettent au bénéficiaire de choisir entre plusieurs modes d’attribution des capitaux-décès. Par exemple, le souscripteur pourra désigner son conjoint comme bénéficiaire et lui laisser le choix entre la totalité des capitaux-décès ou seulement une fraction en fonction de ses besoins, la fraction complémentaire étant attribuée à d’autres bénéficiaires.

 

  • la clause bénéficiaire démembrée : elle permet d’attribuer l’usufruit des capitaux-décès à un bénéficiaire, souvent le conjoint survivant, et la nue-propriété à d’autres bénéficiaires, souvent les enfants. Dans ce cas, il est nécessaire d’indiquer avec précision les modalités d’exercice de l’usufruit, notamment dans le cas d’une famille recomposée où les enfants du défunt ne sont pas ceux du conjoint survivant.

Focus sur la clause bénéficiaire démembrée

 Le démembrement prévu dans la clause bénéficiaire peut être exercé :

  • soit sous forme de quasi-usufruit au profit de l’usufruitier, ce dernier percevant les capitaux décès du contrat et pouvant en disposer comme il l’entend. Le ou les nus-propriétaires disposeront d’une créance de restitution de la valeur de leur droit qu’ils ne pourront faire valoir qu’au décès de l’usufruitier et qui s’imputera sur les actifs successoraux. Il est conseillé de prévoir l’enregistrement de cette créance de restitution lors de la création du démembrement de propriété, c’est à dire au dénouement du contrat d’assurance-vie, pour lui donner date et valeur certaines et également pour prévoir sa valeur à terme, valeur nominale ou valeur indexée.
  •  soit sous forme d’emploi en démembrement de propriété sur un nouvel actif immobilier ou financier (contrat de capitalisation par exemple).

La rédaction de la clause bénéficiaire devra prévoir précisément l’une ou l’autre forme d’exercice du démembrement mais devra aussi préciser l’application de certaines dispositions civiles.

La clause bénéficiaire devra ainsi préciser la dispense ou pas d’obligation d’inventaire pour l’usufruitier (article 600 du code civil), d’obligation de fournir caution (article 601 du code civil) et autres obligations comme l’emploi des sommes (article 602 du code civil et article 1094-3 du code civil).

Enfin, il est nécessaire d’être vigilant aux situations internationales de clause bénéficiaire démembrées dont le traitement juridique et fiscal peut être différente qu’en France.

 

Ces clauses, complexes par définition, doivent être rédigées avec une extrême précision, au risque de créer des discordances dans la famille du défunt.

En savoir plus : la fiscalité de la clause bénéficiaire démembrée

les risques liés au prédécès d’un bénéficiaire

L’article L132-11 du Code des Assurances prévoit qu’en l’absence de bénéficiaire, les capitaux-décès font partie de la succession de l’assuré. Ils sont attribués aux héritiers selon les règles de la dévolution légale et sont soumis à la fiscalité successorale, souvent moins avantageuse que la fiscalité décès de l’assurance-vie.
Il faut donc au minimum désigner des bénéficiaires, ce qui est le plus souvent le cas.

La question se pose davantage en cas de décès d’un des bénéficiaires avant le terme du contrat. Que devient la part qui lui était allouée ? Sa part doit-elle être partagée entre les autres bénéficiaires ? Dans quelles proportions ? Doit-elle être attribuée à d’autres bénéficiaires ?

Dans le cas d’une clause désignant plusieurs bénéficiaires de même rang, il est important de prévoir précisément la répartition des capitaux-décès en cas de décès de l’un d’eux avant le dénouement du contrat.
Seule une rédaction minutieuse de la clause bénéficiaire permettra d’anticiper ces questions.

En savoir plus : L’assurance-vie est-elle toujours « hors succession » ?

les risques liés aux évènements de la vie

La clause bénéficiaire ne doit pas être figée dans le temps. Elle doit évoluer en fonction des évènements qui peuvent survenir dans la vie du souscripteur (divorce, décès d’un bénéficiaire…).

En effet, dans le cas d’une désignation par qualité (par exemple, le conjoint), c’est la personne qui a cette qualité au moment du dénouement du contrat qui reçoit les capitaux-décès.

Si le souscripteur/assuré est en instance de divorce au moment de son décès, c’est son conjoint qui reçoit les capitaux-décès car il a toujours la qualité de conjoint tant que le divorce n’est pas prononcé. Cela peut être contraire à la volonté du souscripteur.

La clause bénéficiaire doit donc être actualisée en fonction des différents évènements qui peuvent avoir lieu dans la vie du souscripteur.

Une rédaction précise de la clause bénéficiaire est donc primordiale pour qu’elle produise les effets souhaités.

Cette tâche est complexe et doit être confiée à un spécialiste du droit patrimonial.

Auteur

Pauline ROSSO  

Formatrice intervenante au CFPB-Ecole supérieure de la banque – Ingénieur Patrimonial au Cabinet Conseil A. YASSONOWSKI.

L’assurance-vie face à la hausse des taux d’intérêt

L’assurance-vie face à la hausse des taux d’intérêt

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La hausse des taux d’intérêt a des impacts significatifs sur les fonds en euros des compagnies d’assurance et les oblige à modifier fondamentalement leur stratégie de gestion. Explications.

 

Ces dernières années les compagnies d’assurance, qu’elles soient installées en France ou au Luxembourg, avaient adopté une politique de limitation de leur collecte sur le fonds en euros au profit des autres supports financiers, les unités de compte. Trois raisons expliquaient cette politique.

Tout d’abord le niveau extrêmement bas, parfois même négatif des taux d’intérêts constatés sur le marché obligataire. Rappelons que le fonds en euros des compagnies d’assurance est composé pour environ 70% à 80% d’obligations, dont environ la moitié d’emprunts d’états.

Une collecte trop importante aurait contraint les compagnies d’assurance à acheter des obligations délivrant un très faible rendement, pénalisant le rendement du fonds en euros sur le long terme. Le taux des emprunts d’État à 10 ans français a été inférieur à 1% de fin 2014 jusqu’à la fin du 1er trimestre 2022, avec une période de 2 ans (de mi 2019 à mi 2021) de rendement même négatif.

Source : Boursorama.com

 

Ensuite l’investissement en unités de compte est plus rentable que le fonds en euros pour les sociétés d’assurance comme pour les courtiers. Les contrats d’assurance vie supportent en effet une structure de frais de gestion qui peut paraitre parfois complexe :

  • Les frais de gestion de l’assureur appliqués à l’épargne investie: ces frais appliqués à l’épargne investie en fonds en euros et celle libellée en unités de compte sont souvent assez proches, voire identiques (entre 0,5% et 1%).
  • Mais les unités de compte supportent un second niveau de frais. Il s’agit des frais de gestion prélevés par la société de gestion de l’unité de compte en question. Les sociétés de gestion en rétrocèdent souvent une partie non négligeable à l’assureur (près de la moitié).

Nous avions d’ailleurs rappelé dans un précédent article que le niveau de frais était en moyenne le suivant  :

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

Selon le site Good Value for money, les frais moyens des unités de compte s’établit même à 2,13% pour les supports actions et à 1,13% pour les supports obligataires.

Enfin, l’investissement en unités de compte est moins consommateur de fonds propres pour les assureurs que le fonds en euros.

Pour toutes ces raisons, les assureurs ont incité ces dernières années leurs clients à privilégier les investissements en unités de compte.

La tendance s’est néanmoins inversée l’an dernier dans un contexte de hausse des taux d’intérêts qui aurait déjà eu un impact positif sur le niveau des taux servis par les assureurs.

Le rendement moyen du fonds en euros calculé par l’ACPR s’est en effet établi en 2022 à 1,91%, en hausse de 0,63% par rapport à 2021. Cette hausse récente fait suite à une période de baisse continue des rendements de 0,20% par an en moyenne de 2012 à 2020.

Source : Publication ACPR n°150 « Analyses et synthèses »

 

Depuis plus d’un an, nous connaissons un contexte différent de hausse des taux d’intérêts.  Il est alors important d’analyser les conséquences de cette remontée des taux sur la situation du fonds en euros des assureurs.

Afin de limiter l’impact, voire de profiter de ce contexte, les assureurs adaptent leur politique commerciale et sont aussi amenés à prendre des décisions de gestion importantes de leurs actifs.

 

SOMMAIRE

  • Assurance-vie : Quel impact de la remontée des taux sur les plus-values latentes ?
  • Comment et pourquoi les compagnies d’assurance cherchent-elles à attirer de nouveaux versements ?
  • Comment les compagnies d’assurance gèrent-elles leur portefeuille dans le contexte de remontée des taux ?

 

 

Assurance-vie : Quel impact de la remontée des taux sur les plus-values latentes ?

 

Durant la longue période de baisse des taux d’intérêts depuis le milieu des années 80, les compagnies d’assurance ont été habituées à disposer de plus-values latentes sur leur portefeuille obligataire.

Cette tendance s’est inversée mi 2022. A partir de ce moment, toutes les obligations acquises depuis 2014 ont affiché des moins-values latentes, de plus en plus importantes au fur et à mesure que la hausse des taux s’accentuait.

Il n’est pas rare de constater des moins-values latentes de 10, voire de 15 ou 20%, en fonction de la maturité de titres détenus en portefeuille.

 

A noter :

La sensibilité du prix d’une obligation à l’évolution du niveau des taux d’intérêt est notamment liée à sa durée : plus la durée résiduelle d’une obligation est importante, plus sa sensibilité est forte.

 

C’est donc l’intégralité ou la quasi-intégralité du portefeuille obligataire compris dans le fonds en euros qui présente aujourd’hui des moins-values latentes.

Concernant la part du fonds en euros investie en actions, soit environ 10%, l’année 2022 a aussi été difficile avec une baisse de 12% en moyenne pour les actions européennes.

La part investie en immobilier avait assez bien tiré son épingle du jeu jusqu’au milieu de l’an dernier. Dorénavant ce n’est plus le cas, avec une baisse de la valeur des actifs en lien avec la hausse générale du niveau des taux d’intérêts.

Dans ce contexte, fin 2022 aucune compagnie ou presque n’affichait encore de plus-values latentes, certaines présentaient même un niveau de moins-value latente significatif.

Les plus-values latentes constatées sur les fonds en euros des compagnies françaises étaient d’environ 14% fin 2021. Fin 2022, les comptes faisaient apparaitre une moins-value latente de 2% en moyenne.

Cette tendance s’est prolongée en 2023 avec d’une part l’impact sur le portefeuille obligataire de la poursuite du mouvement de hausse des taux (le taux à 10 ans français est passé de 2,95% en fin d’année dernière à 3,10% au 28/11/2023) et d’autre part la baisse déjà constatée ou attendue de la valeur de l’immobilier.

 

Source : France-Inflation.com

 

Les réserves de capitalisation constituées par les assureurs au cours des dernières années seraient utiliser pour éponger les pertes qu’ils pourraient subir s’ils devaient céder des actifs en moins-value.

Mais avec un niveau de réserve de capitalisation fin 2022 compris, chez la plupart des assureurs entre 1% et 3%, cela sera-t-il suffisant en cas de décollecte significative nécessitant des ventes importantes d’obligations ?

Les réserves de plus-values latentes étant maintenant inexistantes, les assureurs n’auront d’autre choix que de :

  • puiser dans leurs Provisions pour Participation aux Bénéfices (PPB), qui s’élevaient en moyenne fin 2022 à 5,4% des provisions mathématiques des assureurs.
  • et de tenter d’attirer de nouveaux versements afin d’accompagner la hausse des taux d’intérêts.

 

 

Comment et pourquoi les compagnies d’assurance cherchent-elles à attirer de nouveaux versements ?

 

La collecte des sociétés d’assurance continue à être dynamique, voire très dynamique avec une collecte brute de plus de 100 milliards d’euros à fin aout 2023, mais le niveau de collecte nette des retraits est très faible avec moins de 2 milliards d’euros depuis le début de l’année et un été marqué par une assez forte décollecte nette.

Ces chiffres cachent aussi des disparités entre l’épargne collectée en unités de compte qui reste positive et la décollecte sur le fonds en euros qui se poursuit et s’accentue depuis 2020. Sur les 8 premiers mois de l’année, la décollecte sur le fonds en euros s’est élevée à plus de 20 Mds d’euros, soit le même volume que sur l’ensemble de l’année 2022.

Plusieurs raisons expliquent cette décollecte :

  • La principale raison de ce mouvement de décollecte, malgré l’amélioration du rendement servi par les assureurs en 2022, première année de hausse depuis plus de 10 ans, est la concurrence de l’épargne bancaire réglementée qui offre un niveau de rendement supérieur (3% depuis le 1er février 2023 en raison de l’indexation du rendement des livrets règlementés sur l’inflation). Fin août, le Livret A et le LDD avaient collecté à eux seuls plus de 40 Mds d’euros, augmentant de 8% le montant cumulé des fonds investis dans ces placements. Cette concurrence est à l’origine de décisions prises par les épargnants de procéder à des rachats sur leurs contrats d’assurance vie, plus précisément sur le fonds en euros, afin de verser ces sommes sur des livrets règlementés.
  • Les compagnies d’assurance font aussi face à des demandes d’arbitrages de leurs clients qui souhaitent réduire leur investissement sur le fonds en euros pour se repositionner sur des unités de compte qu’ils espèrent plus rémunératrices.
  • Enfin, le volume de sorties du fonds en euros en raison des sinistres (décès de l’épargnant) connait une hausse tendancielle en raison du vieillissement de la population.

Source : chiffres clefs de l’assurance en 2022 – ACPR

 

Il est stratégique pour les assureurs de juguler cette décollecte de leurs fonds en euros et renouer avec une phase de collecte nette positive pour :

  • éviter de devoir vendre des obligations en moins-values comme nous venons de le voir.
  • mais également pouvoir disposer de liquidités afin d’acheter des obligations aux conditions de rendement actuel particulièrement attractives, que nous n’avons pas connues depuis plus de dix ans. L’achat de ces nouvelles obligations permettrait d’améliorer dans les années à venir le rendement servi sur le fonds en euros. En l’absence de cette collecte, les compagnies sont condamnées à subir le faible rendement de leur portefeuille d’obligations actuelles.

C’est dans cette optique que les assureurs proposent souvent de bonifier le rendement de leur fonds en euros qui peut porter sur l’épargne déjà investi, pour éviter la décollecte, et le plus souvent sur de nouveaux versements, pour attirer la collecte nouvelle. Ces bonifications sont souvent conditionnées à l’investissement d’une partie plus ou moins importante de l’épargne acquise ou du nouveau versement sur des unités de compte.

Le niveau de rendement du fonds en euros ainsi obtenu peut enfin rivaliser avec celui du Livret A qui, rappelons-le, est net de toute imposition, ce qui n’est pas le cas des gains réalisés sur les contrats d’assurance vie.

Au-delà de ces politiques commerciales destinées à enrayer le mouvement de décollecte voire de renouer avec la collecte, les assureurs doivent adapter leur gestion financière au contexte de remontée des taux.

 

 

Comment les compagnies d’assurance gèrent-elles leur portefeuille dans le contexte de remontée des taux ?

 

Chaque année les assureurs doivent réinvestir des sommes très importantes composées des éléments suivants :

  • le montant des coupons, dividendes et loyers encaissés, soit environ 40 milliards d’euros,
  • la collecte nette sur les supports en euros (collecte négative d’environ 20 milliards en 2022 et atteignant probablement 30 milliards en 2023)
  • les remboursements des obligations venant à échéance.

La duration moyenne des portefeuilles obligataires des compagnies d’assurance se situant autour de 7, chaque année, environ 10% du portefeuille vient à échéance ce qui représente environ 150 milliards d’euros. Selon l’ACPR, c’est même près de 25% des obligations des assureurs qui viendront à échéance dans les deux ans.

La gestion de ces tombées et des remplois est donc au cœur de la stratégie des compagnies pour accompagner la hausse des taux.

L’effet sur le rendement du fonds en euros sera cependant partiellement dilué. En effet, parmi les obligations venant à échéance et pouvant être réinvesties dans les conditions actuelles, près de 40% disposait déjà d’un taux coupon supérieur à 3%.

Les assureurs vont néanmoins au-delà de ces simples réinvestissements, ils n’hésitent pas à céder des obligations (de maturité résiduelle courte) détenues en portefeuille pour réinvestir sur des maturités plus longues afin de « figer » les conditions actuelles de marché. Les moins-values qu’elles peuvent être amenées à constater lors de ces ventes n’obèrent pas le résultat financier de l’année mais s’imputent sur les réserves de capitalisation.

Afin d’accroitre le volume des capitaux mobilisables pour acquérir de nouvelles obligations plus rémunératrices, certains assureurs n’hésitent pas à réduire leur exposition aux autres marchés.

Plusieurs compagnies ont ainsi pris la décision dans le courant du premier semestre de réduire significativement leur investissement en actions, ce qui leur permet de concrétiser des gains qui seront compris dans le résultat financier de l’année, à la différence des plus-values latentes qui n’appartiennent pas au résultat annuel. Les liquidités issues de ces ventes peuvent alors être réinvesties en actifs obligataires.

Il en est de même pour leurs investissement en Private Equity, bien que ne représentant en moyenne que 2 à 3% des actifs. Pour cette catégorie d’investissements, les assureurs avaient anticipé des flux de revenus positifs qui ne sont pas au rendez-vous en raison du ralentissement du rythme des cessions d’entreprises. Pour ces raisons, certains assureurs souhaitent alléger ces investissements et se libérer des engagements qu’ils ont pris pour l’avenir, les contraignant à honorer des appels de fonds qu’ils préfèrent investir sur le marché obligataire.

 

Il faudra attendre 2 ou 3 années avant que l’impact de ces décisions de gestion sur le niveau de rendement des fonds en euros soit significatif. D’ici là, les assureurs seront vraisemblablement amenés à puiser dans leurs Provisions pour Participation aux Bénéfices afin d’afficher un taux cohérent par rapport aux attentes des épargnants.

Ces derniers pourraient continuer à bouder le fonds en euros au profit d’alternatives comme les livrets réglementés ou encore l’investissement en fonds obligataires gérés de manière active ou sous forme « Buy and hold », offrant des perspectives de rentabilité annuelle de l’ordre de 4% sur les 3 à 5 prochaines années.

 

Auteur

Jean-Marc Aveline 

Co-fondateur et Président d’OFILAE PARIS, Intervenant-formateur en gestion de patrimoine

L’assurance-vie perd-elle de son intérêt patrimonial ?

L’assurance-vie perd-elle de son intérêt patrimonial ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Évolution de la fiscalité en cas de vie, taux d’intérêt décroissant et règlementation plus contraignante. L’assurance vie conserve-t-elle sa place de premier rang dans les stratégies patrimoniales ?

 

 

L’assurance vie est le support d’épargne privilégié des Français, représentant en moyenne plus de 30% de leur épargne financière. Le phénomène est encore plus marqué chez les « hauts patrimoines » (10% des ménages les mieux dotés en patrimoine brut), dont la composante financière est investie à 43% sur des contrats d’assurance vie, comme le note l’INSEE dans son rapport Revenus et patrimoine des ménages en 2021.

Cette situation s’explique d’abord par le statut fiscal de ce type de placement tant en matière d’imposition des gains que de droits de succession. Ce régime fiscal a longtemps été considéré comme privilégié, mais il a récemment fait l’objet d’aménagements.

La sécurité qu’offre le fonds en euros des contrats d’assurance vie constitue un deuxième argument, pour les Français qui sont réputés prudents dans leurs investissements (taux d’épargne parmi les plus élevés d’Europe, faiblesse du poids des investissements en actions). Dans un contexte de baisse régulière et apparemment inexorable des rendements du fonds en euros, cette sécurité peut sembler aujourd’hui chère payée.

Pour les titulaires des patrimoines les plus élevés, la gestion des actifs financiers est souvent déléguée à un ou plusieurs gérants en raison du temps qu’il est nécessaire d’y consacrer et également des compétences requises pour la réaliser efficacement. Toutefois, la règlementation en matière de transparence des frais évolue fortement, ce qui n’est pas sans conséquence sur les modes de gestion et les types d’actifs financiers.

La baisse du rendement des fonds en euros conjuguée à la récente évolution du cadre fiscal de l’assurance vie et à l’évolution du contexte réglementaire sonnent-ils le glas de ce support de capitalisation, les épargnants étant incités à se tourner vers d’autres solutions de placement ?

Les conseillers, qui ont longtemps mis en avant les contrats d’assurance vie pour l’ensemble de leurs avantages, vont sans doute devoir réévaluer la pertinence de leurs recommandations au regard de l’évolution du contexte.

assurance-vie : évolution de la fiscalité sur les revenus

La réforme de la fiscalité des actifs financiers, mise en œuvre en 2018, a plusieurs mérites dont celui d’uniformiser, à quelques nuances près, le traitement fiscal des revenus financiers et plus-values sur valeurs mobilières.

Un taux de Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), appelé communément Flat Tax, de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 % pour former un taux global d’imposition de 30 %, s’applique en effet désormais :

  • aux dividendes d’actions
  • aux revenus de créances (dont font partie les obligations)
  • aux plus-values sur valeurs mobilières
  • ou encore aux gains constatés en cas de retrait entrainant la clôture d’un PEA au cours des cinq premières années suivant son ouverture.
  • mais aussi aux gains constatés lors de retraits effectués sur les contrats d’assurance vie nouvellement souscrits (depuis le 27 septembre 2017) ou sur des contrats plus anciens sur lesquels des versements auraient été réalisés postérieurement au 27 septembre 2017.

La dégressivité de la fiscalité à laquelle nous nous étions habitués lorsque nous options en faveur du prélèvement forfaitaire libératoire, qui avait pour objectif d’inciter les épargnants à investir sur le long terme, n’a donc plus cours pour les nouveaux contrats ou nouveaux versements.

Toutefois, pour continuer à inciter l’épargne longue, le mécanisme d’abattement pour « durée de détention » a été maintenu ainsi que le taux d’imposition de 7,5%, mais seulement pour la part de gains issue de primes inférieures à 150.000 €.

Le mécanisme d’imposition de ces retraits effectués au-delà de 8 ans peut se décomposer ainsi :

  • La part de gains retirée au-delà de 8 ans fait tout d’abord l’objet d’un Prélèvement Forfaitaire non libératoire (PFNL) de 7,5%.
  • Cette part de gains est ensuite soumise, après déduction d’un abattement de 4.600€ pour une personne seule et de 9.200€ pour une personne mariée ou unie par un PACS (Pacte Civil de Solidarité), soit à un taux forfaitaire, soit au barème progressif de l’Impôt sur le Revenu (IR) (sur option globale applicable à l’ensemble des revenus financiers de l’année).
  • En cas d’imposition au taux forfaitaire, celui-ci s’établit à 7,5% pour la part de gains issue de primes inférieures à 150.000 € et à 12,8% pour la part excédentaire.

 

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

A titre de comparaison, rappelons qu’avant 2017 les coupons d’obligations étaient soumis au barème progressif de l’IR. Cela était aussi le cas des dividendes d’actions et des plus-values constatées lors de la cession de valeurs mobilières, sous déduction toutefois d’abattements dans certains cas (abattement fixe de 40% pour les dividendes, abattement dépendant de la durée de détention pour les plus-values portant sur certains actifs financiers tels que les actions).

Il existait alors un écart important de fiscalité entre :

  • les gains procurés par des valeurs mobilières détenues directement (actions, obligations, OPCVM), qu’il s’agisse de revenus et de plus-values, lorsque le contribuable était fiscalisé dans les tranches hautes du barème de l’IR (41% voire 45%).
  • les gains constatés lors d’un retrait réalisé sur un contrat d’assurance vie, surtout si celui intervenait au-delà de 4 ans (15%) et à plus forte raison au-delà de 8 ans (7,5% après déduction d’un abattement).

Nous excluons ici de notre raisonnement la question des prélèvement sociaux qui n’ont pas fait l’objet d’une évolution sur la période récente et sont par ailleurs applicables à l’ensemble des revenus et gains en capital procurés par les actifs financiers.

Rappel : prélèvements sociaux

Les prélèvements sociaux sont calculés au taux de 17,2% et appliqués sur :

  • les gains réalisés annuellement sur le fonds en euros d’un contrat d’assurance vie
  • les gains réalisés sur les unités de compte d’un contrat d’assurance vie, au moment des retraits uniquement et sur la part de gains retirée
  • les dividendes d’actions et coupons d’obligations lors de leur versement
  • les plus-values constatées lors de la cession de valeurs mobilières sous déduction des moins-values. La plus-value nette de l’année est soumise aux prélèvements sociaux l’année suivante.

Même si l’uniformisation des taux d’impôt mise en place à compter de 2017-2018, sous la forme du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), a réduit l’avantage fiscal que confère un contrat d’assurance vie, ce type de contrat n’a pas totalement perdu de son intérêt.

En effet, les arbitrages effectués au sein d’un contrat ne subissent toujours pas de fiscalité, ni impôt sur le revenu, ni prélèvements sociaux.

De même, la méthode de calcul de la part de gains comprise dans un retrait partiel n’a pas évolué et reste favorable au contribuable.

Rappelons ici simplement que la fiscalité en cas de retrait s’applique non pas au montant du retrait, mais simplement à la part du retrait représentative de gains. Cette dernière est strictement proportionnelle à la part de gains que comporte le contrat dans sa globalité.

Enfin, le contrat d’assurance vie conserve toujours un intérêt en termes de transmission de patrimoine. Bien que le législateur ait plusieurs fois réduit l’écart entre fiscalité de droit commun et fiscalité propre à l’assurance vie, il permet de bénéficier d’un traitement juridique et fiscal dérogatoire en cas de décès du souscripteur-assuré.

fonds en euros : taux de rendement décroissant

L’épargne des Français est très largement investie auprès des assureurs, qui gèrent ainsi près de 1900 milliards d’euros, dont environ 80% sur le seul fonds en euros.

Les rendements de ce support n’ont pas cessé de décroitre ces dernières années, s’établissant en moyenne à 1,30% en 2020 et 1,10% en 2021, contre 3,40% en 2010. Face au contexte actuel de taux bas, le gouverneur de la Banque de France a appelé fin 2019 les assureurs à baisser les rendements des fonds en euros pour maintenir la solidité financière des compagnies d’assurance.

La baisse de ces rendements s’explique par la structure d’investissement du fonds composé à 80% en moyenne d’obligations dont les taux ont connu une baisse régulière ces dernières années.

La baisse des rendements du fonds en euros a toutefois été moins forte que celle des rendements des obligations. Cette inertie est liée au stock d’obligations émises dans le passé à des niveaux de taux plus élevés détenues par les assureurs au sein du fonds en euros, servant encore des coupons relativement intéressants. Le contexte actuel de taux bas continue d’exercer une pression baissière sur les rendements des fonds en euros. La remontée récente des taux sur le marché obligataire n’aura un effet sur les rendements des fonds en euros seulement si elle se poursuit dans le temps.

 

 

L’inertie dont les épargnants ont profité lorsque les taux de marché baissaient jouera ainsi dans l’avenir contre eux lorsque les taux reprendront le chemin de la hausse. Les rendements du fonds en euros mettront donc du temps avant de reprendre des couleurs. Ce sujet devient particulièrement d’actualité dans le contexte de montée de l’inflation et de hausse des taux des emprunts d’État que nous connaissons depuis quelques semaines.

Nous risquons donc de devoir vivre avec un rendement réel du fonds en euros (c’est-à-dire corrigé des effets de l’inflation) négatif. Cette situation s’est d’ailleurs déjà rencontrée en 2018 et en 2021 et devrait être encore plus marquée cette année.

Le fonds en euros ne peut plus être considéré comme un actif à la fois sans risque et rémunérateur. Même si certains économistes considèrent l’année 2022 comme transitoire sur le plan de l’inflation, le fonds en euros sera au mieux un actif dit « sans risque » délivrant un rendement réel nul voire légèrement négatif.

Cette hausse des taux longs constatée et attendue sur le marché obligataire risque par ailleurs de fragiliser les assureurs.

En effet une hausse des taux pourrait inciter les épargnants à effectuer des retraits importants de capitaux sur le fonds en euros, pour les investir directement sur le marché obligataire plus rémunérateur. Ces sorties de capitaux contraindraient les assureurs à céder des obligations à des prix dépréciés suite à la hausse des taux, ce qui pourrait les fragiliser. Ce risque est toutefois jugé comme faible, en raison, d’une part, de la solidité des principaux assureurs qui disposent de belles réserves de plus-values et, d’autre part, des dispositions de la loi Sapin 2 (article 49) permettant au Haut Conseil de Stabilité Financière de bloquer les rachats sur fonds en euros dans des situations de crise financière.

Ainsi, la hausse des taux d’intérêts n’aura au mieux qu’un effet positif très lent sur le rendement du fonds en euros, qui risque de perdre pour longtemps son avantage compétitif par rapport à un investissement en obligations.

gestion déléguée en assurance-vie : évolution du contexte règlementaire

Les législations encadrant les mandats de gestion des investissements en assurance-vie et en portefeuille géré ne sont pas parfaitement alignées, créant un avantage compétitif au profit de la seconde solution.

En effet, la règlementation relative au secteur financier a évolué ces dernières années dans le sens d’une amélioration de la protection des investisseurs voulue par le législateur européen (MIFID 2 (Markets in Financial Instruments Directive), IDD (Insurance Distribution Directive) …). Ces textes européens, transposés en droit français, ont pour objectif d’encadrer notamment la conception, la distribution de produits financiers, mais aussi d’améliorer la transparence en matière de frais.

Ces textes interdisent notamment aux établissements financiers, dans le cadre de leur activité de « gestion de portefeuille pour le compte de tiers », de conserver des rétrocessions de frais de gestion qui seraient versés par des OPC (Organismes de Placement Collectif) détenus dans les portefeuilles de leurs clients. Ces établissements ont l’obligation, soit de refuser ces rétrocessions, soit de les reverser intégralement à leurs clients. Ce texte vise exclusivement les mandats de gestion portant sur des portefeuilles et non les mandats portant sur des contrats d’assurance vie.

Les gérants de portefeuille qui, dans le cadre de leur gestion, investissent sur des actions, des obligations, mais aussi des OPC, tiraient jusque-là leurs revenus non seulement des commissions de gestion qu’ils facturaient à leurs clients, mais aussi de rétrocessions de frais gestion des OPC détenus en portefeuille. Cette source de rémunération était importante, voire dans certains cas la plus importante. A titre d’exemple un gérant souscrivant des parts dites « classique » ou « particulier » d’un OPC actions se voyait rétrocéder la moitié des frais de gestion qui s’élèvent en moyenne à 2% sur ce type de part.

Depuis l’entrée en vigueur de cette règlementation, le 3 janvier 2018, ces gérants ne perçoivent plus de rétrocessions et sont donc incités à se tourner vers des parts d’OPC supportant un niveau de frais réduit et améliorant ainsi la performance finale offerte aux clients. Ces parts sont le plus souvent appelées « clean share » ou « privilège ».

En l’absence de rétrocession, les intérêts du gérant et de son client sont dorénavant alignés : obtenir les meilleures performances et donc limiter le niveau des frais de gestion des OPC utilisés.

Or, cette règlementation ne touche pas les mandats de gestion portant sur des contrats d’assurance vie. L’investissement en fonds « clean share » en assurance-vie dépend donc uniquement de la volonté et de la politique de la compagnie d’assurance. Même si l’on note une utilisation un peu plus fréquente des fonds « privilège » en assurance-vie, les gérants ont encore conservé majoritairement l’habitude de souscrire les parts classiques « particulier », créant ainsi une distorsion entre les performances attendues sur des comptes d’instruments financiers par rapport à celles obtenues sur des contrats d’assurance vie à profils équivalents.

La différence entre les frais courants (frais indiqués dans les Documents d’Information Clé pour l’Investisseur (DICI) fournis par les sociétés de gestion) prélevés par les parts « particulier » et les parts « privilège » est significative, atteignant généralement entre 0,4% et 0,6% par an selon les OPC choisis.

A cela s’ajoutent les frais prélevés par les assureurs sur les unités de compte détenues au travers de contrats d’assurance vie qui s’élèvent le plus souvent à 0,8% voire 1% du montant des capitaux en question. Rappelons que ce type de frais n’existe pas dans le cadre de simples portefeuilles qui supportent éventuellement des droits de garde d’un niveau nettement plus faible (0,10% à 0,30%).

Ainsi, à composition équivalente, un compte titres géré dans la cadre d’un mandat supporte des frais minorés de 1% voire 1,50% par an, par rapport à une gestion réalisée au sein d’un contrat d’assurance vie.

 

L’attrait que pouvait présenter l’investissement en assurance vie s’est donc considérablement réduit, en raison de la baisse du rendement du fonds en euros, de son inertie en cas de remontée des taux longs, mais aussi de l’évolution du régime fiscal applicable aux actifs financiers et enfin de la superposition de frais, surtout en l’absence d’utilisation de parts « clean share ».

Prenons l’hypothèse d’un investissement de 1 million d’euros réparti par parts égales entre actions et produits de taux pour en comparer l’évolution sur une durée de 8 ans.

La gestion du portefeuille engendrant annuellement une plus-value imposable, nous avons traité cette hypothèse en tenant compte d’une imposition sur plus-value de gestion maximale, c’est-à-dire portant sur l’intégralité de la plus-value annuelle. Nous avons ainsi considéré que nous procédions chaque année à une cession de l’intégralité des lignes et donc à une imposition annuelle de l’ensemble des gains

En l’absence de retraits réalisés sur le contrat d’assurance vie, l’écart d’épargne obtenu au terme est très faible.

Mais en cas de retrait total, quel que soit l’année de sa réalisation, le portefeuille sort vainqueur de la comparaison.

Illustration

Hypothèses retenues :

 

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

 

Il conviendrait toutefois d’aller plus loin en comparant ces deux modes d’investissement sous l’angle de la transmission (succession ou donation) et d’envisager l’alternative d’une détention d’un portefeuille d’actifs financiers par une société de portefeuille soumise à l’IS qui peut présenter de l’intérêt, aussi bien au regard de la fiscalité appliquée aux gains qu’en termes de préparation de la transmission.

Auteurs

Jean-Marc Aveline     

Directeur de Clientèle Gestion de Fortune, Intervenant-formateur à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 1, spécialisé en gestion de patrimoine).

La fin du Fonds en euros : pourquoi une telle remise en cause ?

La fin du Fonds en euros : pourquoi une telle remise en cause ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Placement favori des épargnants en assurance-vie, le fonds en euros représente encore 80 % des encours investis auprès des compagnies d’assurance, soit un peu plus de 1300 milliards d’euros.

Il faut dire que ces avantages sont nombreux : capital et intérêt garantis par les compagnies, taux minimum garanti annuel, rendement net encore supérieur à ceux des livrets traditionnels et liquidité à tout moment.

Ces atouts sont d’autant plus attirants dans un contexte de risque financier et de taux d’intérêt bas. Mais alors, pourquoi remettre en cause ce support d’investissement ? Pourquoi les compagnies ont-elles pris des mesures récentes pour en restreindre l’accès ? Pourquoi certains vont même jusqu’à parler de fin ou de mort du fonds en euros ?

Retour sur les principes de fonctionnement du fonds en euros pour bien en comprendre les enjeux et les risques.

qu’est-ce qu’un fonds en euros ?

Les contrats d’assurance-vie sont composés de deux types de supports : les fonds en euros et les unités de compte.

  • Le fonds en euros tient son nom du fait qu’il est libellé directement en devise euro. Il est géré spécifiquement par les compagnies d’assurance elles-mêmes.
    Il a pour particularité :

     

    • d’être garanti en capital et en intérêts versés (effet de cliquet) par les compagnies d’assurance gestionnaires du fonds.
    • de présenter en début de chaque année un taux minimum garanti (TMG) de revalorisation du capital pour l’année en cours.
    • de bénéficier d’un rendement supplémentaire au TMG, la participation aux bénéfices (ou PAB) dont le taux pour l’année est connu en début d’année suivante.
  • Les unités de compte, à la différence du fonds en euros, sont libellées en nombre de parts. Ces parts sont représentatives d’OPC (organismes de placement collectif) investis selon leur nature sur les marchés actions, obligations, monétaire ou immobilier (SCPI ou OPCI). En général, ces OPC ne présentent pas de garantie ni en capital ni en rendement.

On comprend que les avantages du fonds en euros ont pendant longtemps supplantés ceux des unités de compte.

Le taux de rendement des fonds en euros (TMG et participation aux bénéfices) subissent néanmoins une baisse significative depuis plusieurs années.

Taux de revalorisation net moyen pondéré par les provisions mathématiques de 2011 à 2018

Source :

Malgré cette baisse, le rendement net (1,83 % en 2018) reste nettement supérieur à ceux des meilleurs livrets traditionnels (0,75 % pour le livret A) et la collecte en assurance-vie est encore en 2018 orientée à 69% vers le fonds en euros (85,7 milliards d’euros en collecte brute sur le fonds en euros contre 37,8 milliards pour les unités de compte ; source ACPR).

On observe néanmoins depuis 2011 un certain regain d’intérêt pour les unités de compte leur part passant de 14 % à un peu moins de 20 % des encours.

Les provisions mathématiques des organismes d’assurance

UC : Unités de compte

Source :

Le fonds en euros subit donc un léger désinvestissement mais il reste largement majoritaire dans les contrats (plus de 80 % des provisions mathématiques, c’est à dire des provisions représentatives des encours) et ceci malgré la baisse significative des taux de rendement.

comment le fonds en euros est-il géré ?

le profil d’investissement du fonds en euros :

Les compagnies d’assurance doivent donc garantir le capital investi, le taux minimum (TMG) et verser annuellement un rendement régulier. Elles investissent pour cela principalement en obligations pour plus de 80% des actifs, ce type de support financier étant le plus proche dans ses caractéristiques des objectifs visés.

Ces obligations sont principalement des obligations d’entreprise pour 52 % et des obligations d’Etat pour 42 %, en privilégiant des ratings AAA, AA ou A pour plus de 75%.

Les compagnies diversifient également la gestion du fonds en euros en support actions cotées (8%), en support immobilier (6%) ou en private equity (actions non cotées), ou encore en créances privées, afin d’en dynamiser la performance, mais dans des proportions nettement moins importantes.

L’allocation d’actifs du fonds en euros est cruciale pour permettre à la compagnie d’assurer ses objectifs de garantie en capital, de liquidité et de rendement et il lui faut en permanence gérer le rapport rendement/risque/liquidité du fonds.

Compte tenu des engagements vis à vis des souscripteurs, la gestion du fonds en euros est également régie par un cadre réglementaire strict, dont la surveillance est assurée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution).

le rendement du fonds en euros :

Le rendement financier du fonds en euros est constitué des coupons obligataires, des plus ou moins-values de gestion obligataires lors des cessions, des dividendes actions et plus ou moins-values actions, des dividendes et plus ou moins-values de private equity, des revenus et plus ou moins-values immobilières.

Une fois ce résultat constaté, chaque compagnie va décider de la part de ce rendement financier qu’elle va distribuer et allouer aux souscripteurs, sachant qu’il lui faudra en distribuer un montant minimal (articles L 331-3, A 331-3 et A 331-4 du Code des Assurances), correspondant à au moins 85 % des bénéfices financiers réalisés.

La part non distribuée reviendra à la compagnie qui pourra l’affecter en fonds propres sous forme de réserves par exemple.

La part distribuée sera attribuée :

 

  • Soit directement au fonds en euros lui-même pour servir tout ou partie du rendement de l’année concernée. Cette participation aux bénéfices directement distribuée vient accroître le Taux Minimum Garanti annuel fixé en début d’année.
  • Soit à la Provision pour Participation aux Bénéfices (PPB, également nommée provision pour participation aux excédents, PPE). Cette réserve devra être redistribuée aux épargnants dans un délai maximal de 8 ans (article A 331-9 du Code des Assurances) et servira à accroître le rendement des années suivantes lorsque celui-ci sera jugé trop faible.

Le taux de rendement annuel brut du fonds en euros est donc égal à la somme :

TMG + Participation aux Bénéfices annuelles + Distribution de provisions pour Participations aux Bénéfices déjà constituées

Ce principe de gestion a un atout certain en période de baisse des taux : il permet d’offrir des rendements annuels supérieurs aux rendements des obligations du marché.

En effet un épargnant qui investit dans le fonds en euros va bénéficier de deux avantages :

  • dès les premières années de son investissement, le rendement qui lui sera servi intégrera les produits des anciennes obligations du fonds en euros offrant un coupon plus élevé que les obligations actuelles du marché dans la mesure où les taux ont baissé.
  • et si les résultats financiers du fonds en euros ne sont pas jugés suffisants par la compagnie, ce même épargnant va pouvoir bénéficier également de la distribution de la provision pour participation aux bénéfices des années précédentes (sauf dans le cas de fonds en euros dits cantonnés).

Outre la garantie en capital et la liquidité de ses avoirs, l’investisseur bénéficie ainsi d’un taux de rendement annuel plus élevé que celui du marché obligataire en période de baisse des taux.

C’est pourquoi le taux de rendement du fonds en euros reste actuellement plus attractif que ceux des livrets.

quels sont les contraintes de marché et les risques actuels ?

Ceci étant, on comprend facilement qu’un support offrant un rendement supérieur au marché obligataire et permettant de bénéficier de la garantie en capital (intérêts compris) ainsi que d’une liquidité permanente comporte nécessairement des risques de gestion.

Si ces risques ne sont pas portés directement par l’épargnant, ils le sont quotidiennement par le gestionnaire du fonds en euros, c’est à dire la compagnie d’assurance.

quels sont précisément ces risques ?

  • Le risque de perte sur les actifs composant le fonds en euros: risque d’insolvabilité de certains émetteurs obligataires ou de moins-values lors de la cession de certains actifs constituant le fonds (actions, private equity, immobilier…). Ce risque de perte est réduit par la diversification de gestion du fonds et le cadre réglementaire qui l’accompagne (constitution de réserves).
  • Le risque de taux qui est de deux sortes :
    • le risque de baisse des taux du marché obligataire :

1) le premier risque à ce sujet concerne le TMG, ce risque est aujourd’hui bien encadré : le Taux Minimum Garanti, annoncé en début d’année pour l’année en cours, est un taux important pour attirer des clients et la compagnie pourrait être tentée de fixer des TMG trop élevés dans un contexte de baisse des taux. Si les taux du marché baissent, le rendement financier annuel de gestion du fonds pourrait ne pas suffire à honorer ce TMG ou cette stratégie de TMG élevé pourrait finir par éroder rapidement les réserves de Provision pour Participations aux Bénéfices (PPB). Cette pratique de TMG élevé était assez courante il y a quelques années mais devant le risque encouru, la fixation des TMG a été réglementée. Les TMG sont encadrés par des limites calculées en pourcentage du TME (Taux moyen des Emprunts d’Etat (Article A 132-1 du Code des Assurances).

Concrètement ce risque est relativement faible à l’heure actuelle, les compagnies ne pouvant plus se concurrencer réellement sur ce point en raison de la réglementation et d’un contexte de taux bas.

2) le deuxième et principal risque pour le fonds en euros dans un marché de baisse des taux provient quelque part de la rançon de son succès :
le rendement du fonds en euros supérieur à celui du marché obligataire et des livrets attire en effet un flux toujours continu et significatif de souscripteurs.
La compagnie est alors obligée d’acquérir de nouvelles obligations sur le marché pour investir les nouveaux fonds entrants. Ces nouvelles obligations présentant un rendement inférieur à ceux des obligations plus anciennes détenues par le fonds, cet afflux de souscription fait baisser mécaniquement le rendement global du fonds en euros.

Mais outre la baisse de rendement, ces achats de nouvelles obligations à faible rendement peuvent déstabiliser fortement la gestion du fonds en euros car elles sont acquises à des cours élevés (taux bas =obligation chère) exposant le fonds à la constatation de moins-value en cas de retrait ou de remontée des taux.

  • le risque de hausse des taux : après une période de baisse des taux, et plus particulièrement si celle-ci a été longue, les fonds en euros détiendront donc une part importante d’obligations à faible rendement et acquises à un cours relativement cher.

Or il est un principe intangible sur les marchés obligataires : si les taux d’intérêt montent, les cours des obligations déjà émises qui ont un rendement plus faible que le nouveau taux du marché baissent, tout simplement parce que ces anciennes obligations sont moins intéressantes pour un investisseur.

De facto, en cas de remontée des taux, les obligations en portefeuille et acquises pendant la période de taux bas vont se retrouver en moins value.

Parallèlement, ces anciennes obligations à taux bas seront nombreuses dans le portefeuille des compagnies et le rendement global du fonds en euros va être à la traîne par rapport aux autres produits de taux et aux obligations du marché.

Si les investisseurs décident alors de sortir du fonds en euros pour investir sur d’autres actifs plus rémunérateurs, les compagnies devront vendre les obligations en moins-values. Et si ces moins-values devenaient trop importantes, les compagnies pourraient alors être en risque sur leur bilan.

Pour éviter ce risque en cas de crise financière grave et systémique, une réglementation spécifique a été mise en place en 2016 par la loi Sapin 2 (Article 49).
Cette loi permet au Haut Comité de Stabilité Financière (HCSF), en cas de crise grave (menaçant la stabilité du système financier), d’interdire l’exécution de tout rachat, arbitrage ou demande d’avances sur les contrats d’assurance-vie pendant une durée de 3 mois renouvelable une fois (soit 6 mois maximum).
De même, les règles de distribution et constitution de la provision pour participation aux bénéfices peuvent être revues par le HCSF de manière à permettre aux compagnies d’accroître leurs réserves de capitalisation.

Parallèlement, l’ACPR a la possibilité de suspendre également les opérations (dont les rachats par les souscripteurs) d’une compagnie d’assurance qui serait jugée en difficulté (article L612-33 du Code Monétaire et Financier).

En savoir plus :

Depuis le 1er janvier 2016, le cadre réglementaire de Solvabilité 2 impose également aux compagnies d’assurance de constituer des fonds propres couvrant les risques d’actifs et de passifs évalués annuellement.

Les risques de gestion du fonds en euros étant nécessairement croissants avec sa taille, tout versement dans le fonds suppose un accroissement des réserves en fonds propres de la compagnie pour respecter les exigences règlementaires.

En savoir plus :

Si le risque systémique n’est actuellement pas craint et si les compagnies sont à même de constituer les réserves en fonds propres imposées par la règlementation, elles ne peuvent pas pour autant continuer à gérer des encours toujours plus importants en fonds en euros dans un univers de taux bas.

En continuant à accueillir de nouveaux encours, elles se contraignent à acheter des obligations à taux bas et donc relativement chères sur le marché obligataire, accroissant le risque de moins-value future.

On comprend donc l’interrogation légitime des compagnies d’assurance et leur souhait de  freiner l’investissement en fonds en euros tant que les taux d’intérêt restent bas.

Plusieurs solutions pour cela :

  • dissuader l’investissement en fonds en euros en imposant des pourcentages maximum sur ce support lors des versements.
  • frais d’entrée plus important sur le fonds en euros
  • proposition de nouveaux supports en alternative au fonds en euros tel que le fonds Eurocroissance garantissant le capital à terme défini et non en permanence, ce qui permet au gérant d’accroître la proportion investie en supports non obligataires (action notamment) ou les fonds en euros immobiliers (détenant majoritairement des supports immobiliers).

Mais dans tous les cas, il s’agit de ne pas laisser l’épargnant investir dans un support certes attractif mais dont la gestion devient difficile dans le contexte de taux actuel et qui finirait par générer un risque à terme.

Les annonces récentes de plusieurs compagnies d’assurance visant à freiner l’investissement en fonds en euros sont ainsi compréhensibles et finalement empreintes de sagesse.

Auteur

Anne Brouard  

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Qu’est-ce qu’une Holding animatrice ? Quels avantages ? Quels risques ?

Qu’est-ce qu’une Holding animatrice ? Quels avantages ? Quels risques ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La Holding animatrice offre de nombreux avantages fiscaux (transmission, IFI, cession …). Mais cette qualification suppose de satisfaire des conditions bien précises, afin d’éviter tout risque fiscal. Explications.

 

En ingénierie financière, les termes anglo-saxons sont fréquents. On désigne ainsi une société mère comme une société holding. Cette dernière permet de détenir des titres d’une ou plusieurs sociétés en bénéficiant de leviers financiers, juridiques et fiscaux.

La holding est fréquemment utilisée dans les groupes de sociétés. Elle permet en effet d’optimiser l’aspect financier grâce au recours à la dette dans des opérations de refinancement de la société d’exploitation. Elle a également l’avantage de donner le contrôle d’une filiale sans en être majoritaire. Il suffit pour cela d’être majoritaire dans la holding.

Dans ces schémas, la holding peut exercer une activité réelle de contrôle et d‘orientation de l’activité des sociétés filiales. Elle sera alors considérée comme animatrice du groupe.

La qualification d’animatrice permet d’assimiler l’activité de la holding à une activité commerciale, si celle-ci remplie les conditions nécessaires. L’impact est important car la société sera alors éligible à des régimes fiscaux favorables. Explications.

qu’est-ce qu’une holding animatrice ?

Plusieurs critères doivent être réunis pour que la holding puisse être qualifiée d’animatrice.

holding animatrice : quel type d’activité ?

La notion de holding animatrice n’est pas clairement définie.

Le BOFiP en avait tracé les contours en matière d’ISF (Impôt sur la Fortune). Par la suite le Code général des Impôts dans son article 966-II en a apporté un éclairage indirect au regard de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) au titre des biens professionnels. La doctrine fiscale mentionne la nature de l’activité :

« la notion de participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales en rendant le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

Néanmoins cette définition ne concerne que le sujet de l’IFI, dans les autres cas c’est à la jurisprudence qu’il convient de se rattacher.

qu’est-ce que le principe d’animation ?

En 2013, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts indiquant que le rôle et notamment le caractère animateur d’une société holding doit être démontrable à l’aide de faisceau d’indices reposant sur des preuves concrètes et réelles.

La Cour avait retenu comme élément de preuve de la participation à la conduite de la politique et contrôle des filiales, les comptes-rendus des conseils d’administration et rapport des commissaires aux comptes de la société holding. Les comptes rendus démontraient non seulement une activité de gestionnaire de portefeuille mais également une activité de services administratifs et financiers. La fréquence des réunions du conseil d’administration de la Holding tous les mois et demi mettait également en avant le rôle essentiel de la société dans l’animation du groupe.

Dans un autre cas, la seule refacturation de frais engagés par la Holding à ses filiales ne permettait pas de caractériser le rôle d’animation et de direction. Les factures produites étaient également insuffisamment détaillées pour justifier de la nature des prestations rendues ni du fait qu’elles aient été acquittées.

La réponse ministérielle publiée au Journal Officiel du 01/12/2016 est venue conforter le principe de faisceaux d’indices pour caractériser l’animation effective d’un groupe. La holding doit dans les faits assurer de façon concrète la conduite de la politique du groupe. Elle doit conduire la politique générale du groupe et s’assurer de sa mise en œuvre effective.

Cette réponse ministérielle vient également clarifier la charge de la preuve qui incombe au redevable, qui doit être en mesure de démontrer, par tous moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite, la matérialité et l’effectivité du rôle animateur.

A noter néanmoins :

Dans le cadre de l’IFI, depuis le 1er janvier 2018, l’article 966-II du CGI, qui définit de manière indirecte la notion d’holding animatrice, inverse la charge de la preuve lorsque le contribuable remplit les conditions. 

holding animatrice : contrôle sur les filiales et co-animation

La réponse ministérielle de 2016 revient également sur la notion de contrôle de la holding sur ses filiales, lui permettant de conduire la politique du groupe.

Cette notion de contrôle n’est pas précise.  Elle s’apprécie au regard :

  • du pourcentage du capital détenu et des droits de vote
  • et de la structure de l’actionnariat.

Sur ce point, le Conseil d’Etat, dans son arrêt de 2018, détermine le principe de minorité ou majorité selon le poids de la filiale dans l’actif de la Holding. Pour l’évaluation de l’actif, il ne retient pas sa valeur comptable de départ mais la valeur vénale. Il exclut par ailleurs le principe d’approche par les flux, prestations ou dividendes.

Le contrôle des filiales sous-entend qu’il est nécessaire d’être l’associé principal, a  minima majoritaire.
Néanmoins, la possibilité d’une co-animation de filiale entre la holding et son co-associé a pu être admise, notamment lorsque la holding est minoritaire.

Dans son arrêt du 31 janvier 2018, la Cour de cassation s’est positionnée favorablement sur la co-animation d’un groupe détenu par une holding et une personne physique majoritaire. Un pacte d’actionnaire avait été signé entre les actionnaires ayant pour objet les modalités d’organisation de la gestion du groupe. Plusieurs comités stratégiques et de direction avaient été créés, auxquels les co-associés devaient participer, afin de prendre les décisions fondamentales sur les orientations du groupe, budget, distribution des dividendes, investissements, examen des conventions d’assistance et de prestation de services. Chaque co-associé facturait mensuellement des sommes au titre de la participation au comité de direction.

Source : Stéphane Maneau pour l’ESBanque

La mise en place d’une organisation bien précise, permettant une véritable co-animation est recevable mais nécessite d’être encadrée pour être en mesure de le prouver.

Point important dans le principe d’animation d’une holding : les participations minoritaires non animées.

Une société holding peut détenir des participations minoritaires non animées sans remettre en cause son caractère d’animation.

La Cour de cassation dans son arrêt du 19 juin 2019, précise que si la holding a pour activité principale l’animation de filiales, elle peut détenir une part minoritaire de sociétés non animées. Elle se rapproche alors du Conseil d’Etat (CE 13/06/2018) pour qualifier l’animation.

L’objet social de la holding doit clairement indiquer son rôle d’animation du groupe détenu. Il est essentiel que la société ait mis en place des conventions administratives et d’assistance explicitant la gestion active de la holding en ce sens. Le conseil d’Etat souligne l’importance des éléments de preuves, précisant les actions concrètes de la Holding dans des procès-verbaux de conseils d’administration des filiales.

On peut retenir que le principe d’animation sera retenu sous réserve que la holding cumulativement :

  • contrôle ses filiales,
  • participe aux prises de décisions au travers d’un acte
  • et que les filiales animées soient majoritaires dans son actif.

quelle durée de l’animation ?

La jurisprudence rappelle régulièrement la nécessité de pouvoir constater le caractère animateur d’une holding dans la durée.

Dans le cadre du régime de faveur Dutreil transmission (art 787 B du CGI), la Cour d’appel de Riom met en avant la nécessité de démontrer cette effectivité dans le temps.

Dans le même temps, l’administration stipule que les holdings animatrices de leur groupe, considérées comme ayant une activité commerciale, et entrant dans le cadre des réductions d’impôts sur le revenu pour les souscriptions au capital (BOI-IR-RICI-90-10-20-10), doivent être constituées et contrôler une filiale depuis au moins 12 mois.

Un délai de 12 mois d’animation de manière continue est donc nécessaire afin de démontrer le caractère animateur de la holding et bénéficier du régime de faveur précité.

La question s’est néanmoins posée de savoir si une holding nouvellement constituée pouvait être animatrice dès sa création.

Dans le cadre d’une demande d’exonération partielle des droits de mutations des parts d’une holding animatrice au titre du Pacte Dutreil (art 787B du CGI), la Cour de cassation a traité ce sujet dans un arrêt du 18 mars 2020, mais elle s’est positionnée sur la forme et non sur le fond. Il convient donc de rester prudent sur ce point.

Une autre question concernant le régime Dutreil : la holding doit-elle être animatrice pendant toute la durée d’engagement de conservation des parts ?

Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 éclaire de manière nouvelle ce sujet, en revenant au principe de la loi :

Tout dernièrement en effet, la Cour de cassation en statuant sur le fond est venue rappeler les conditions prévues par la loi (Arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022, pourvoi n° 19-25.513).

L’avantage fiscal accordé par L’article 797 B du CGI avait été subordonné au maintien de la qualité d’animation de la Holding pendant le délai conservation des titres. Or ce point n’étant en rien prévu dans la loi, la Cour de cassation est venue remettre en cause les derniers commentaires relatifs à l’exonération Dutreil sur ce sujet. Seul le caractère animateur de la holding au moment du décès doit dès lors être respecté.

holding animatrice : avantages et précautions à prendre

La holding présente de nombreux avantages fiscaux lorsqu’elle peut être qualifiée d’animatrice. Dans tous les cas, la pratique doit s’accompagner de précautions indispensables.

holding animatrice : quel intérêt ?

La qualification de holding animatrice permet de bénéficier de certains régimes favorables comme :

  • la réduction d’impôt sur le revenu lors de la souscription au capital de PME,

Concernant plus particulièrement le Pacte Dutreil, on peut noter que, de manière favorable, la valeur totale de la holding animatrice bénéficie de l’avantage, y compris les actifs non affectés à l’activité d’animation.

Il conviendra néanmoins de s’assurer en amont de certains points :

  • L’engagement collectif de 2 ans pris par le donateur ou défunt personne physique ainsi que l’engagement individuel de 4 ans doivent être pris par les donataires, héritiers, légataires sur les titres de la holding animatrice.
  • L’exercice de l’activité des fonctions de direction doit être faite dans la holding animatrice également.
  • Le principe d’animation doit être bien vérifiable durant toute la durée des engagements individuels et collectifs.
  • Bien qu’aucune durée d’existence minimum de la Holding ne soit requise, il est nécessaire de pouvoir prouver le principe d’animation. Une durée minimale de 12 mois paraît utile pour éviter toute requalification.

Les investissements au capital de PME permettent, sous respect de certaines conditions, une réduction d’impôt sur le revenu. S’agissant d’un investissement dans une holding, on retrouve les critères permettant de qualifier la holding d’animatrice :

  • Les filiales détenues doivent être exclusivement des sociétés opérationnelles éligibles
  • La société doit être créée et avoir le contrôle au moins d’une filiale depuis au moins 12 mois.

Concernant l’exonération d’IFI de biens professionnels, le critère d’exclusivité n’est pas retenu. Une activité prépondérante et suffisante et permet une exonération de la fraction de la valeur des titres représentant les biens affectés à l’activité opérationnelle.

Il en est de même pour l’abattement de 500 000 € sur les plus-values en cas de départ à la retraite. Le critère d’activité exclusive n’est pas nécessaire. L’abattement s’impute sur la valeur totale des titres.

holding animatrice : quels risques ? quelles précautions à prendre ?

Une holding animatrice est une société ayant des activités à prépondérance industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Pour apprécier la nature des activités, il convient de se rapporter au cas de l’exonération des biens professionnels à l’impôt sur la fortune (BOI-PAT-ISF-30-30-10-10).

Certaines sociétés holding peuvent néanmoins avoir pour partie des activités autres que celles-ci, et notamment exercer des activités civiles.
Dans cette situation, les activités permettant de qualifier la holding d’animatrice ne doivent pas être exclusives mais prépondérantes et cela dans le temps.

Bon nombre de dirigeants de groupe détiennent l’immobilier d’exploitation au travers de sociétés civiles, notamment immobilières (SCI, Société Civile Immobilière). Or une holding ne peut être considérée comme animatrice d’une filiale société immobilière, cette activité n’étant pas éligible.
Il est donc impératif de veiller à ce que le poids des participations de SCI dans la société Holding reste minoritaire sous peine de voir requalifié le caractère d’animation de la Holding et par conséquent les avantages liés.

La prépondérance de l’activité se définit par deux critères cumulatifs :

  • le chiffre d’affaires de l’activité doit représenter au moins 50% du chiffre d’affaires total
  • et l’actif brut immobilisé de cette activité au moins 50% du montant total de l’actif.

Néanmoins, le Conseil d’Etat (CE 23 janv.2020) est venu substituer à ces critères le principe de faisceau d’indices. Il reprend le principe de l’article 787 B du code général des impôts pour l’exonération des droits de mutations à titre gratuit de 75% de leur valeur (pacte Dutreil). La prépondérance s’apprécie dans ce cas sur un faisceau d’indices déterminités d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice. Dans le cas traité, la faiblesse des immobilisations dans l’actif brut de la société holding ne pouvait pas être repris comme un indice qualifiant une activité plutôt qu’une autre.

Cette position a été reprise dans l’arrêt de Cour de Cassation du 14 octobre 2020. Le critère retenu pour qualifier la prépondérance était exclusivement la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenues rapportée à l’actif total.

Le principe de prépondérance est également valable pour l’animation. La holding doit être constituée à 50% au moins des filiales qu’elle anime (BOI-ENR-DTMG-10-20-40-10).

Certains points d’attention sont importants si on veut se prévaloir des avantages liés au pacte Dutreil.

Une part de trésorerie excessive pourrait remettre en cause le bénéfice du dispositif et ce quelle que soit la forme que prendrait cette trésorerie, liquidités ou placements. On citera notamment les contrats de capitalisation ou SCPI (société civile de placement immobilier).

Une holding qui aurait majoritairement des liquidités avec pour objectif de les réinvestir pourrait se voir retirer le caractère d’animatrice.

La détention et la gestion de biens immobiliers ne permettant pas de qualifier la société d’animatrice, il sera également préférable de détenir les immeubles via des filiales d’exploitation plutôt qu’au bilan de la holding. Il est pourtant courant de voir des holdings détenant directement des immeubles professionnels, voire de rapport.

Enfin il sera nécessaire de maintenir la qualification de holding animatrice pendant toute la durée de l’engagement individuel et collectif.

 

En résumé, nous pourrions reprendre les critères permettant de définir le caractère d’animatrice d’une holding sous la forme d’un schéma.

Source : Jean-Marc Aveline pour l’ESBanque

 

Si le principe d’animation n’est pas clairement défini, la jurisprudence a permis au travers de plusieurs arrêts de s’en rapprocher. Le principe même de faisceau d’indices ouvre la porte à diverses interprétations à partir du moment où ils sont justifiables. Le principe d’animation ne se décrète pas, il doit se prouver par des éléments concrets. Le sujet est mouvant, nous l’avons encore constaté fin 2021 lors des commentaires de l’administration sur le dispositif Dutreil.

Auteurs

Stéphane Maneau      

Directeur Banque privée, Intervenant-formateur à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 1, spécialisé en gestion de patrimoine).