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La déclaration en ligne d’impôt sur le revenu 2018 sera close le 22 mai, 29 mai ou 5 juin 2019 selon le département de résidence. Mais à quoi sert-elle puisque 2018 est fiscalement une année blanche du fait de l’institution du prélèvement à la source ? Tous les revenus imposables de 2018 sont-ils exonérés ? Quels revenus resteront imposables ?
Depuis le 1er janvier 2019, l’impôt sur le revenu des personnes physiques est prélevé à la source et payé l’année même de perception des revenus concernés. Avant cette date, l’impôt sur les revenus était réglé l’année suivant leur perception.

Dès lors, pour éviter que 2019 soit une année où se cumule le paiement de deux impôts  sur les revenus (2018 et 2019), un crédit d’impôt spécifique a été mis en place, le CIMR (Crédit d’Impôt Modernisation du Recouvrement) venant s’imputer sur l’impôt sur les revenus perçus en 2018.

2018 a pu être qualifiée ainsi d’année fiscale blanche. Attention néanmoins, certains revenus resteront imposables.

L’application du CIMR dépendra en effet de la nature des revenus perçus et de leur montant.

Application du cimr selon la nature des revenus

Les revenus dont l’imposition sera compensée par le cimr

Concernant la nature des revenus, seuls les revenus dits courants, c’est à dire perçus habituellement, et entrant dans le champ du prélèvement à la source, pourront bénéficier du CIMR et ne supporteront donc pas d’imposition au titre de 2018.  Sont ainsi concernés :

Les traitements et salaires & les pensions et rentes

Sont concernées les traitements et salaires (et revenus de remplacement : allocations chômage, indemnités maladie), et des pensions et rentes, sans limitation de montant du moment qu’ils sont courants et correspondent à l’activité habituelle, et ce même en cas d’accroissement de cette activité. Les salaires 2018 peuvent donc être plus importants qu’en 2017 tout en bénéficiant du CIMR (cas des heures supplémentaires, du passage d’une activité à temps partiel à temps plein…).

Les bénéfices professionnels

Il s’agit des bénéfices agricoles, industriels et commerciaux, non commerciaux avec une limitation en montant.

Les revenus fonciers non exceptionnels

C’est-à-dire les loyers et fermages annuels échus et payés en 2018, avec les limitations que nous verrons infra concernant entre autre la déduction des charges.

Direction Générale des Finances Publiques
«  2018 Année Blanche, votre déclaration de revenus expliquée en vidéo »

Salariés

Retraités

Les revenus 2018 restant imposables

Les autres revenus perçus en 2018 resteront imposables. Il s’agit  :

Des revenus ne relevant pas du prélèvement à la source

En effet, ces revenus ne subissent pas de double imposition. il s’agit principalement des revenus de capitaux mobiliers (dividendes, intérêts et part imposable des rachats partiels d’assurance-vie), des plus-values sur cession de valeurs mobilières et des plus-values immobilières, des gains de stock-option et d’attribution d’actions gratuites.

Des revenus dits exceptionnels

Il s’agit de revenus perçus de manière non habituelle :

Les traitements, salaires, pensions et rentes

Les traitements, salaires, pensions et rentes, à caractère exceptionnel sont précisément listés (II C de l’article 60 de la loi n° 2016-1917 modifiée par la loi N°2017-1775 du 28 décembre 2017 mentionnent 15 types de revenus). Il s’agit entre autres des indemnités de rupture du contrat de travail (sauf indemnités compensatrices de congés, de préavis, de fin de CDD), des indemnités de cessation de fonction de mandataires sociaux et dirigeants, des indemnités de clientèle et de cessation d’activités.

Les bénéfices professionnels exceptionnels

Ces bénéfices concernent les produits non récurrents de l’activité telles que les plus-values professionnelles, les subventions d’équipement, les indemnités pour perte de clientèle.

Les revenus fonciers exceptionnels

Il s’agit principalement de ceux n’ayant pas la nature de loyer ni de fermage habituels (indemnités de pas de porte, subventions ou indemnités d’assurance), les revenus payés en 2018 mais dont l’échéance normale est en 2017 ou 2019, les majorations de loyers perçues en 2018 en cas de rupture d’un engagement de dispositif fiscal (Besson, De Robien, Borloo, Cosse).

Application du cimr selon le montant des revenus

Le bénéfice du CIMR sera limité d’autre part à certains montants de revenus, principalement pour les bénéfices professionnels et les revenus fonciers.

Le cimr sur les bénéfices professionnels

Les bénéfices agricoles (BA), bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et bénéfices non commerciaux (BNC) ne seront effacés par le CIMR qu’en fonction du montant du bénéfice imposable le plus élevé des trois dernières années (2015 à 2017).

Si le bénéfice net perçu en 2018 est supérieur au bénéfice imposable le plus élevé de 2015, 2016 ou 2017, la différence entre ces deux bénéfices, c’est à dire le « surplus » de bénéfice de 2018, n’entre pas dans le calcul du CIMR et est donc imposable (cette méthode de calcul ne concerne pas les créations d’activité en 2018 pour lesquelles s’appliquent des règles spécifiques).

Si le bénéfice professionnel 2018 a subi ce plafonnement, il sera alors possible de bénéficier d’un CIMR complémentaire en 2019 sous certaines conditions :

  • si le bénéfice imposable de 2019 est supérieur au bénéfice imposable de 2018, il est alors possible de bénéficier d’un CIMR complémentaire en 2019 égal à la fraction du CIMR dont il n’a pas été possible de bénéficier en 2018 du fait du plafonnement.
  • si le bénéfice imposable de 2019 est inférieur au bénéfice imposable de 2018 mais supérieur au plus élevé des bénéfices imposables de 2015, 2016 ou 2017, le CIMR complémentaire au titre de 2019 est alors égal à la différence entre le CIMR calculé sur le bénéfice imposable de 2019 et le CIMR déjà obtenu en 2018.
  • si le bénéfice imposable de 2019 est inférieur aux bénéfices imposables de 2018 mais aussi au bénéfice imposable le plus élevé de 2015, 2016 ou 2017, aucun CIMR complémentaire n’est accordé, sauf à démontrer par voie de réclamation que la hausse ponctuelle du bénéfice de 2018 est due à un surcroît d’activité régulière.

Ce mécanisme dit « anti-abus » vise à éviter que le bénéfice soit artificiellement accru en 2018, année du bénéfice du CIMR.

Direction Générale des Finances Publiques
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Le cimr sur les revenus fonciers

Les revenus fonciers nets pris en compte dans le calcul du CIMR sont les revenus fonciers récurrents et non exceptionnels.

Ces revenus doivent également faire l’objet d’un retraitement concernant certaines charges déductibles :

  • la partie des provisions pour charges non déductibles, déduites en 2017 et normalement réintégrées en 2018 n’entre pas dans le calcul du CIMR. Il est donc nécessaire de déduire cette réintégration pratiquée sur les revenus fonciers nets pour le calcul du CIMR.
  • certaines charges foncières dites « récurrentes » sont déductibles en 2018 uniquement si leur date d’échéance est en 2018 et non pas en fonction de leurs dates de paiement. Sont concernées les primes d’assurance, les provisions pour charges de copropriété, les taxes foncières et taxes annexes, les intérêts des dettes contractées pour la conservation, l’acquisition, la construction, réparation ou amélioration du bien, les frais d’administration et de gestion.

Les autres charges foncières sont dites « pilotables » car dépendant d’une décision du propriétaire ou copropriétaire. Il s’agit des dépenses pour travaux de réparation, d’entretien, d’amélioration sur les locaux d’habitation (hors travaux pour construction, reconstruction et agrandissement). Ces dépenses réalisées et payées en 2018 restent intégralement déductibles en 2018 et ne subissent donc aucun retraitement à ce titre.

Leur montant conditionne néanmoins la déductibilité de ces mêmes dépenses en 2019 par un mécanisme de lissage dit « anti-abus ».

Les revenus fonciers de 2018 étant en effet peu ou pas imposés grâce au bénéfice du CIMR, il aurait été tentant de reporter en 2019 les dépenses déductibles pour ce type de travaux.

Pour éviter ce phénomène de report, un mécanisme de lissage a été mis en place pour l’imposition des revenus fonciers de 2019 : les dépenses déductibles pour travaux ne sont déductibles en 2019 qu’à hauteur de la moyenne de ces dépenses supportées en 2018 et 2019.

Ne pas avoir réalisé de travaux déductibles en 2018 réduit donc la possibilité de déduire les travaux pratiqués en 2019 à la moitié de leur montant.

A noter néanmoins que les travaux d’urgence pour force majeure, les travaux décidés d’office par le syndic de copropriété et les travaux effectués sur un immeuble acquis en 2019 ou inscrits en 2019 au titre des monuments historiques ne sont pas concernés par ce mécanisme « anti-abus ».

Enfin, lorsque ces dépenses de travaux ont été engagées par la copropriété et payées dans les provisions pour charge, un mécanisme similaire de lissage, tenant compte de la spécificité de déduction de ces charges, est également applicable.

Ainsi, les provisions pour charge au titre de dépenses pour travaux de 2018 donneront droit pour 50 % de leur montant à une déduction sur les revenus fonciers perçus en 2019. Pour l’année suivante, les provisions pour charges de copropriété pour dépenses de travaux de 2019 viendront diminuer pour 50 % de leur montant les provisions pour charges déductibles de 2020.

Le tableau suivant reprend de manière synthétique et non exhaustive les types de revenus entrant dans le calcul du CIMR ou non et leurs limites de montants.

Traitements et salaires, pensions et rentes viagères

Revenus 2018 pris en compte dans le CIMR et dont l’imposition est effacée

Type de revenus
Traitements et salaires (et revenus de remplacement), pensions et rentes viagères, entrant dans le champ du prélèvement à la source et de caractère habituel.

Montant des revenus
Pas de limitation de montant.

Revenus 2018 imposables n’entrant pas dans le calcul du CIMR

Type de revenus
Traitements et salaires, pensions ou rentes viagères à caractère exceptionnel :

15 types de revenus sont listés au II C Art. 60 Loi n°2016-1917 modifiée par Loi N°2017-1775. On peut citer principalement :

  • indemnités de rupture du contrat de travail (sauf indemnités de congés, de préavis, de rupture de CDD et de fin de mission)
  • indemnités de cessation des fonctions de mandataires sociaux et dirigeants
Bénéfices professionnels

Revenus 2018 pris en compte dans le CIMR et dont l’imposition est effacée

Type de revenus
Bénéfices professionnels (BA, BIC, BNC)

Montant des revenus
Dans la limite du bénéfice imposable le plus élevé de 2015, 2016 ou 2017

Revenus 2018 imposables n’entrant pas dans le calcul du CIMR

Type de revenus
La partie du bénéfice professionnel de 2018 excédant le bénéfice imposable le plus élevé de 2015, 2016 ou 2017 reste imposable. Possibilité de bénéficier dans ce cas d’un CIMR complémentaire en 2019 sous conditions.

Les bénéfices exceptionnels par nature telles que les plus-values professionnelles, les subventions d’équipement.

Revenus fonciers

Revenus 2018 pris en compte dans le CIMR et dont l’imposition est effacée

Type de revenus
Revenus fonciers nets non exceptionnels : les loyers et fermages annuels échus et payés en 2018.

Montant des revenus

  • Montant retraité de certaines provisions pour charges et de certaines charges foncières dites « récurrentes ».
  • Charges dites « pilotables » : dépenses pour travaux déductibles, pas de retraitement pour le CIMR 2018 mais impact sur les revenus fonciers 2019 : Mécanisme « anti-abus ».

Revenus 2018 imposables n’entrant pas dans le calcul du CIMR

Type de revenus
Les revenus fonciers perçus en 2018 et considérés comme exceptionnels :

  • revenu n’ayant pas la nature de loyer ou de fermage : indemnité de pas de porte,
  • subventions ou indemnités d’assurance,
  • revenu perçu en 2018 mais dont l’échéance normale est 2017 ou 2019,
  • revenu dont l’échéance est en 2018 mais couvrant une période de location excédant 12 mois,
  • revenu consistant en la remise d’immeuble ou de titre de propriété ou de jouissance
  • majoration de revenus fonciers perçues en 2018 en cas de rupture d’un engagement de dispositif fiscal (Besson, De Robien, Borloo, Cosse).
Autres revenus

Revenus 2018 pris en compte dans le CIMR et dont l’imposition est effacée

Type de revenus
Aucun autre type de revenu.

Revenus 2018 imposables n’entrant pas dans le calcul du CIMR

Type de revenus
Revenus n’entrant pas dans le champ du prélèvement à la source :

  • revenus de capitaux mobiliers : dividendes, intérêts, part imposable des rachats de contrat d’assurance-vie,
  • plus-values de cession de valeurs mobilières,
  • plus-values de cession immobilières,
  • autres revenus hors champs du prélèvement à la source et listés à l’article 204 D du CGI et au BOI-IR-PAS-10-20-20180515.
La déclaration des revenus de 2018 reste ainsi nécessaire pour calculer le montant du CIMR venant en déduction de l’impôt sur le revenu et permettant de l’effacer totalement ou partiellement.

2018 n’est donc pas nécessairement une année fiscale blanche pour tous les contribuables.

Sources :

  • Art. 60 Loi n°2016-1917 modifiée par Loi N°2017-1775
  • BOI-IR-PAS-50 ; BOI-IR-PAS-50-10 et sous-chapitres
  • Article 204 D du CGI et BOI-IR-PAS-10-20-20180515

Auteur
Anne Brouard  

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.