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Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le cantonnement successoral bénéficie au conjoint survivant et au légataire sous certaines conditions. De quoi s’agit-il ? Quel intérêt patrimonial ? Comment l’appliquer ? Explications.

 

Le cantonnement successoral : quel est cet acte juridique atypique ? Le cantonnement successoral est tout à la fois :

  • acte de disposition, de renonciation et de transmission
  • dépendant de la volonté d’un seul ou de plusieurs successibles
  • et par lequel les intérêts patrimoniaux et familiaux, parfois contradictoires, de deux ou plusieurs personnes sont mis en concurrence.

Le cantonnement successoral est la faculté offerte à un successeur de choisir un ou plusieurs biens et/ou droits dans la succession en renonçant à d’autres biens et/ou droits.

Dans le cadre d’une succession légale, c’est-à-dire sans que le défunt ait pris de dispositions post-mortem (legs, donation au dernier vivant) ou ait aménagé conventionnellement son régime matrimonial (avantages matrimoniaux), les héritiers exercent l’option successorale (C.civ. art. 768) sans pouvoir bénéficier de la faculté de cantonnement.

En effet, cette option leur offre trois possibilités :

  • accepter la succession purement et simplement
  • y renoncer
  • ou accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’ils ont une vocation universelle ou à titre universelle.

L’option est indivisible (C.civ. art.769), le successeur ne peut pas choisir tel droit ou tel bien dans la succession pas plus qu’il ne peut exercer son option pour une quotité différente de celle que la loi lui impose, c’est à prendre, à laisser ou à prendre à charge d’assumer le passif proportionnel à l’actif qu’il recueille.

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que par trois voies :

  • La voie testamentaire ou libérale
  • La voie matrimoniale
  • La voie bénéficiaire

SOMMAIRE

  • Cantonnement par voie testamentaire ou libérale
  • Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput
  • Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie

Cantonnement par voie testamentaire ou libérale 

 

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, à effet le 01/01/2007, a mis fin à l’indivisibilité de l’option successorale en créant la faculté de cantonnement ( C.civ. art. 1002-1 et 1094-1, al. 2).

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que dans le cadre exclusif des successions testamentaires, procédant donc de la volonté du défunt et non de la loi.

Sont concernés les bénéficiaires d’un legs du défunt qu’ils soient héritiers ou non de ce dernier, et le conjoint survivant à la condition qu’il bénéficie également d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

Ils ont donc la possibilité de choisir les droits, biens ou quotité qu’ils souhaitent recueillir dans la succession en renonçant à d’autres droits, biens et/ou quotité.

Ainsi, le légataire de deux immeubles peut n’en recueillir qu’un, le conjoint légataire de l’usufruit universel peut choisir de n’exercer son droit d’usufruit que sur certains biens.

 

Attention :

La faculté de cantonnement ne permet pas de changer la nature des droits reçus, elle ne permet que leur réduction, ainsi :

Un légataire bénéficiant d’un legs en pleine propriété d’un immeuble ne peut pas choisir de recevoir l’usufruit de cet immeuble.

Le conjoint survivant désigné usufruitier universel ne peut transformer son usufruit en pleine propriété.

 

Les conditions de la faculté de cantonnement

Les conditions d’exercice du cantonnement sont différentes selon s’il s’agit d’un légataire ou du conjoint survivant :

Le légataire : L’héritier qui a également la qualité de légataire, le légataire universel, à titre universel ou à titre particulier, peuvent exercer leur faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne les en a pas privé
  • La succession a été acceptée par au moins un héritier

Le conjoint survivant : Le conjoint survivant peut exercer la faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne l’en a pas privé
  • Il bénéficie d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

 

Les effets de la faculté de cantonnement ?

Le cantonnement a pour caractéristique :

La renonciation à certains droits ou biens par le légataire ou le conjoint survivant ne constitue pas une libéralité faite aux autres successibles, cela ne donne lieu ni au rapport ni à réduction.

Cette renonciation abdicative est un abandon pur et simple de certains droits et biens. L’avantage qu’en retirent les autres successibles n’est pas taxable aux droits de donation mais imposable au barème fixé en fonction du lien de parenté avec le défunt, par exemple, au tarif en ligne directe pour les enfants du défunt (CGI, art. 788 bis, BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 20).

  • de ne pas exclure la contribution à la dette:

A l’exception du légataire à titre particulier qui, sauf volonté contraire du testateur, n’est pas tenu des dettes et charges de la succession, les autres successibles contribuent au passif dans la proportion de ce qu’ils prennent ou reçoivent.

Les successibles peuvent néanmoins échapper à l’obligation de payer sur leur patrimoine personnel en acceptant le legs à concurrence de l’actif net.

 

Focus sur la faculté de cantonnement du conjoint survivant ?

Grâce au cantonnement, le conjoint survivant peut choisir ce qu’il désire conserver en fonction de ses objectifs patrimoniaux. Il augmente par sa renonciation la part revenant aux autres héritiers.

Il peut choisir de recueillir des biens en pleine propriété afin d’éviter d’éventuelles indivisions ou des démembrements de propriété ou au contraire, choisir de recevoir l’usufruit de certains biens afin qu’à son décès, le ou les nus-propriétaires recueillent la pleine propriété en franchise d’impôt.

Cette faculté doit être cependant exercée avec discernement notamment en présence d’enfants communs et en fonction de la nature des biens et droits sur lesquels elle s’exerce :

  • En présence d’enfants communs :

Exemple :

Un conjoint successible bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (la quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun, l’actif de succession est composé d’immeubles locatifs d’une valeur de 1.500.000 €.

Cas 1 :

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété car il désire majorer l’émolument de son enfant de 200.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

L’enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété (750.000 € + 200.000 €).

Assiette taxable : 950.000 € – 100.000 € = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 € (950.000 € – 197.962 €).

Cas 2 :

Le conjoint reçoit la moitié des actifs en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.

Il reçoit 750.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession.

L’enfant reçoit 750.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 750.000 € – 100.000 € = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Le conjoint lui donne un bien immobilier d’une valeur de 200.000 €.

Assiette taxable : 200.000 – 100.000 € = 100.000 €

Droits de donation dus : 18.194 €

L’enfant reçoit donc (750.000 + 200.000) – (137.962 + 18.194) = 793.844 €

Compte tenu de la nature des actifs de succession, cet exemple démontre que le cantonnement ici exercé par le conjoint est désavantageux pour l’enfant commun et qu’il est préférable, fiscalement et économiquement, de renoncer à la faculté de cantonnement et de faire une donation bénéficiant de l’abattement en ligne directe de 100.000 €.

 

  • En présence d’enfants non communs

En revanche, et contrairement à l’exemple précédent, en présence d’enfants de lits différents qu’il souhaite avantager, le conjoint peut choisir de cantonner son émolument, afin de permettre à ses beaux-enfants de recueillir une part nette dans la succession plus importante.

Aucun abattement n’est en effet prévu dans le cadre d’une donation à un tiers et les droits de donation s’élèvent à 60 % du montant de la donation.

Exemple :

Le conjoint bénéficie d’une donation au dernier vivant, lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le conjoint est en présence d’un enfant du défunt, il n’y a pas d’enfant commun. L‘actif de succession est d’une valeur de 1.500.000 € et est constitué de biens immobiliers.

Cas 1 :

Le conjoint choisit de cantonner son émolument à 550.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

Le bel-enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 950.000 – 100.000 = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 €

 

Cas 2 :

Le conjoint choisit de recevoir la quotité disponible en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.    

Le conjoint reçoit 750.000 € en franchise de droit de succession.

Le bel-enfant reçoit 750.000 €.

Assiette taxable : 750.000 – 100.000 = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Part nette reçu par le bel-enfant: 750.000 – 137.962 = 612.038

Le conjoint procède à une donation en pleine propriété de 200.000 € à l’enfant de son conjoint.

Droits de donation : 200.000 x 60 % = 120.000 €

Le bel enfant reçoit ainsi (750.000 + 200.000) – (137.962 + 120.000) = 692.028 €

Le cantonnement suivi d’une donation est beaucoup moins avantageux dans le cas d’un enfant non commun.

 

Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput 

Bien avant que la faculté de cantonnement ne soit introduite par la loi du 23 juin 2006, le Code civil, dans son édition princeps de 1804, prévoyait la possibilité pour le survivant des époux d’exercer cette faculté grâce à un avantage matrimonial, la clause de préciput. 

La clause de préciput (C.civ. art. 1515), stipulée dans un contrat de mariage ou conférée par une convention modificative jointe au régime matrimonial, autorise le survivant des époux à « prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée ». 

Cet avantage matrimonial offre une liberté totale au conjoint survivant de cantonner son émolument sur certains droits, biens, et/ou en quotité dès lors que cela a été prévu par le couple lors de la rédaction de la convention matrimoniale. 

 

Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie 

Avec une clause bénéficiaire dite « classique » désignant un bénéficiaire de premier rang en pleine propriété et des bénéficiaires subsidiaires, le bénéficiaire de premier rang peut choisir d’accepter ou de refuser, mais pour le tout. Il ne peut cantonner son bénéfice à une fraction du capital en propriété. 

Dans le cadre d’une clause bénéficiaire à options, le bénéficiaire de premier rang à la faculté de choisir d’accepter totalement ou partiellement le bénéfice du capital en pleine propriété, en usufruit ou encore en pleine propriété et en usufruit, en fonction de ses objectifs patrimoniaux. 

La renonciation totale ou partielle au bénéfice du contrat conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et cette renonciation n’est pas considérée comme une donation indirecte faite au profit du bénéficiaire subsidiaire, ce qu’a confirmé une réponse ministérielle qui précise que  « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026). 

La fiscalité appliquée est celle entre l’assuré et le bénéficiaire subsidiaire et non celle entre le premier bénéficiaire renonçant pour tout ou partiellement et le second bénéficiaire. 

Exemple : 

Le conjoint, âgé de 68 ans, bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit).  

Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun. 

L’actif de succession se compose comme suit : 

  • des immeubles locatifs d’une valeur de 1.300.000 €. 
  • un contrat d’assurance vie d’un montant de 200.000 € souscrit avant 70  ans par le défunt.  

La clause bénéficiaire du contrat permet au conjoint survivant de choisir de recevoir 100 %, 50 %, 25 % ou 0 % des capitaux décès. 

Le second bénéficiaire désigné (en cas de prédécès du conjoint survivant) est l’enfant commun. 

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de la succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété. 

Il choisit par ailleurs de n’accepter que partiellement le capital du contrat d’assurance vie pour un montant de 47.500 €. 

L’enfant reçoit :  

  • 750.000 € en pleine propriété sur l’actif de succession 
  • 152.500 € (200.000 – 47.500) en tant que bénéficiaire subsidiaire du contrat d’assurance vie. 

Assiette taxable de la réserve héréditaire : 

  • 750.000 – 100.000 = 650000 € 
  • Droits de succession : 137.962 € 

Assiette taxable du capital assurance vie (CGI, art. 990 I) : 

  • 152.500 € – 152.500 € (abattement fixe, CGI, art . 990 I, al. I) = néant, aucune taxe due 
  • Part totale nette reçue par l’enfant = (750.000 + 152.500) – 137.962 =  764.538  

 

Tout à la fois acte de disposition, acte de renonciation et acte de transmission, la faculté de cantonnement peut mettre en présence des intérêts différents et parfois contradictoires. Elle nécessite une analyse et un diagnostic successoraux qui prennent en compte la composition de la famille, les biens et droits qui dépendront de la succession, les objectifs du couple et les conséquences fiscales et économiques pour les enfants, afin de concilier les différents intérêts et besoins en présence. 

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Fiscalité successorale : dans l’attente d’une réforme annoncée, quelle optimisation ?

Fiscalité successorale : dans l’attente d’une réforme annoncée, quelle optimisation ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Dans l’attente d’une réforme des droits de succession, comment identifier les situations les plus imposées et quels outils d’optimisation utiliser ?

La France se classe 3e sur le podium des pays taxant le plus les successions et les donations au sein de l’OCDE. Il n’est donc pas étonnant que la réforme des droits de succession ait fait partie des thématiques de campagne des dernières présidentielles.

Si le président Emmanuel Macron a proposé dans son programme un accroissement des abattements successoraux en ligne directe à hauteur de 150.000 € par enfant et 100.000 € pour les autres héritiers (ligne indirecte : petit-enfant, frères et sœurs, neveux et nièces …), à ce jour, aucune disposition concrète ni calendrier ne sont annoncés.

La transmission successorale reste néanmoins un sujet patrimonial clé. Les actifs issus d’un héritage représentaient en moyenne 35 % du patrimoine individuel en 1970 mais 60 % aujourd’hui.

Les valeurs croissantes du patrimoine immobilier accroît celle des patrimoines taxables et rend également les jeunes générations plus demandeuses d’une transmission anticipée. Les situations personnelles et familiales sont moins linéaires, les familles recomposées sont nombreuses et les transmissions à d’autres héritiers que les enfants ne sont plus aussi rares.

Dans quel cas paie-t-on des droits de succession ? Dans quelles situations la fiscalité successorale devient particulièrement onéreuse ? Comment réduire la fiscalité successorale ? Quels outils patrimoniaux utiliser ?

Etat des lieux de la pression fiscale successorale actuelle et des moyens de l’optimiser.

succession sans optimisation : des situations exonérées de droits à celles les plus taxées

Avant de se précipiter dans la recherche de solutions d’optimisation successorale plus ou moins complexes, il est indispensable de bien identifier les situations patrimoniales et de distinguer celles qui vont subir une forte fiscalité successorale, de celles où l’imposition reste faible voire inexistante.

des droits à payer mais pas dans tous les cas

Quand bien même les abattements en ligne directe sont actuellement de 100.000 € par enfant, il serait faux de croire que tout patrimoine excédant ce montant est imposable aux droits de succession.

Les abattements et les barèmes successoraux ne sont pas les seuls facteurs impactant les droits de succession.

Le régime matrimonial est un élément déterminant dans le calcul des droits.

Les régimes de communauté ont tout particulièrement pour effet de réduire de moitié le patrimoine successoral imposable. Or le régime de communauté réduite aux acquêts étant le régime légal depuis 1966, il concerne une grande partie des Français.

Par ailleurs, l’exonération successorale du conjoint survivant et le fait qu’il exerce fréquemment ces droits en usufruit viennent également diminuer la base imposable au premier décès et encore plus significativement au deuxième décès.

Prenons l’exemple d’une situation assez courante :

Un couple marié sous le régime légal, ayant 2 enfants communs et n’ayant pas réalisé de donation au dernier vivant, ni de donation en faveur de leurs enfants.

Le patrimoine commun du couple est évalué à 400.000 €.

Au premier décès, le régime matrimonial est dissous. Le conjoint survivant conserve la moitié du patrimoine commun, l’autre moitié constitue la masse successorale.

Le patrimoine successoral sera donc de 200.000 € (moitié de la communauté) sur lequel le conjoint survivant pourra exercer ses droits : 100 % en usufruit ou ¼ en pleine propriété (article 757 du Code civil).

Dans les cas les plus fréquents, le conjoint survivant opte pour un héritage en usufruit, lui permettant de conserver l’usage et les revenus du patrimoine du défunt. La valeur fiscale de ses droits dépend alors de son âge au jour du décès du conjoint, selon le barème de l’article 669 du CGI.

Ainsi, si le conjoint survivant est âgé de 85 ans au jour du décès, la valeur de ses droits est de 20 % du patrimoine successoral.

Les deux enfants communs sont nus-propriétaires du patrimoine du défunt et la valeur fiscale de leurs droits est de 80 % de la masse successorale.

Fiscalement, la part successorale des enfants s’élève donc à 160.000 € (200.000 € x 80 %), soit 80.000 € par enfant.

Compte tenu des abattements en ligne directe de 100.000 € non utilisés jusqu’ici en l’absence de donation, les enfants ne sont pas imposables sur cette succession.

Au décès du conjoint survivant, les enfants nus-propriétaires de la moitié du patrimoine commun de leurs parents en deviennent pleins propriétaires sans droits de succession supplémentaires à payer (article 1133 du CGI).

Ils héritent par ailleurs de la moitié du patrimoine commun qui revenait à leur parent survivant du fait de la dissolution du régime matrimonial.

Si nous ne tenons pas compte de la revalorisation de ce patrimoine, ils héritent donc de 200.000 € en pleine propriété du parent survivant, soit 100.000 € chacun.

Les abattement s‘appliquant par parent et par enfant, ils bénéficient de l’abattement de 100.000 € chacun et ne sont donc pas imposables non plus sur cette succession.

Dans cette situation, un patrimoine de 400.000 € a été transmis aux deux enfants sans aucun droits de succession.

Il en est différemment d’une personne mariée en séparation de biens qui détient la plus grande partie ou la quasi-totalité du patrimoine. Dans ce cas, seul l’usufruit du conjoint survivant réduit la base imposable.

Si nous reprenons notre exemple précédent, si les conjoints sont mariés en séparation de bien et que seul l’un d’entre eux détient le patrimoine de 400.000 € en biens propres, la valeur fiscale de la part d’héritage en nue-propriété des enfants est de 320.000 € (400.000 € x 80 % si le conjoint survivant a plus de 81 ans), soit 160.000 € par enfant.

Après abattement en ligne directe de 100.000 €, chacun d’eux a alors à payer 10.194 € ((160.000 € – 100.000 €) x 20 % – 1806 € ; barème des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe).

Le conjoint survivant n’ayant pas de patrimoine personnel et ayant exercé ses droits en usufruit sur la masse successorale, les enfants deviennent, à son décès, pleins propriétaires du patrimoine de 400.000 € (en l’absence de revalorisation), sans payer de droits de succession complémentaires (article 1133 du CGI).

Au total, pour ce patrimoine de 400.000 € transmis in fine aux enfants, les droits de succession auront été de 20.388 € (10.194 € x 2) alors que dans la même situation, mais en régime de communauté légale, aucun droit n’est dû.

les situations patrimoniales les plus imposées aux droits de succession

En ligne directe, les situations les plus fortement imposées sont bien évidemment celles où les valeurs patrimoniales sont élevées : le barème en ligne directe atteint ainsi 30 % au-delà de 552.324 € transmis par enfant après abattement. Ce taux passe à 40 % au-delà de 902.838 € et 45 % au-delà de 1.805.677 €.

Bien que la succession ne soit pas imposée totalement à ces taux marginaux compte tenu de la progressivité du barème, les montants à payer peuvent devenir rapidement significatifs et nécessiter de prévoir spécifiquement leur financement.

Ainsi, un enfant qui reçoit de son parent une part d’héritage valorisée fiscalement à 500.000 € paie 78.194 € de droits ((500.000 – 100.000) x 20 % – 1806).

Un enfant qui reçoit un héritage valorisé à 1.000.000 € paie 212.962 € de droits ((1.000.000 – 100.000) x 30 % – 57.038 €).

A l’importance du patrimoine vient aussi se conjuguer le régime matrimonial. Comme nous l’avons vu, le régime de séparation de biens dans lequel l’un des époux détient l’essentiel du patrimoine accroît fortement la fiscalité successorale.

Le régime de la séparation de biens est souvent adopté lorsque l’un des époux est entrepreneur ou indépendant, dans un souci de protection patrimoniale vis-à-vis des créanciers, mais aussi dans les situations fréquentes de remariage.

Bien souvent et de plus en plus avec l’évolution de notre société, de nombreuses transmissions se font hors ligne directe (entre frères et sœurs, vers des neveux et nièces, entre parents jusqu’au 4e degré), ou encore entre concubins non pacsés.

La taxation est alors bien plus élevé et avec peu de progressivité. Vers un neveu ou une nièce, l’abattement est de 7.967€ puis l’imposition passe directement à 55% sans aucune progressivité du barème. Entre concubins non pacsés, la fiscalité est de 60 % après un abattement de 1.594 €.

Ces situations patrimoniales doivent nécessairement être aménagées afin d’optimiser l’imposition successorale.

Source : Capital « Droits de succession : calcul, barème, abattements … »

des outils d’optimisation adaptés à chaque situation et chaque type de biens

Assurance-vie bien sûr, donations mais aussi vente avec réserve d’usufruit ou en viager et aménagement du régime matrimonial, les outils d’optimisation sont propres à chaque situation patrimoniale.

l’assurance-vie : le « couteau suisse » de la transmission successorale

Bien connue des Français, l’assurance-vie présente à ce jour des atouts indéniables pour la transmission du patrimoine.
Elle a pour principal avantage de réduire l’imposition successorale, tout en permettant au souscripteur, contrairement aux donations, de garder la maîtrise de son patrimoine.

On pourra ainsi optimiser la fiscalité successorale en privilégiant l’assurance-vie pour la transmission du patrimoine financier. Cette partie du patrimoine n’entrera pas dans le calcul des droits de succession. Les abattements et barème ne resteront alors applicables que pour le patrimoine immobilier.

La fiscalité successorale de l’assurance-vie est loin d’être uniforme.

Source : Anne Brouard pour l’ESBanque

N.B : dans tous les cas, le conjoint, le partenaire de PACS et les frères et sœurs sous conditions, restent exonérés d’imposition successorale pour les capitaux reçus via l’assurance-vie.

Les plus-values et intérêts des contrats d’assurance-vie sont soumis aux prélèvements sociaux : au taux de l’année de dénouement du contrat (taux de 17,2 % en 2022) pour les plus-values issues des unités de compte du contrat ; prélevés annuellement pour les intérêts du support fonds en euros.

L’optimisation de la fiscalité successorale consiste alors :

  • à dédier le bénéfice des contrats exonérés de fiscalité successorale dont peut disposer le souscripteur aux héritiers qui seraient fortement taxés en cas de succession, tels les membres de la famille hors ligne directe (neveux, nièces / frères et sœurs …) et à ne pas réaliser de retraits sur ces contrats.
  • Depuis le 13/10/1998, à ne pas nécessairement limiter les versements en assurance-vie à l’abattement de 152.500 €. Cette limite peut en effet être optimisée en :
    • augmentant le nombre de bénéficiaires (ex : ajouter des petits enfants sur la clause)
    • ou en optimisant la clause bénéficiaire par un démembrement par exemple ou une clause à option.
    • versant au-delà de l’abattement car le taux de taxation de 20% sur les 700.000 € suivant peut s’avérer plus favorable que les taxations maximales du barème en ligne directe (45%).
  • à ne pas systématiquement éviter les versements après l’âge de 70 ans, pour les contrats souscrits depuis le 20/11/1991. Il faut en effet tenir compte de l’espérance de vie, du rendement potentiel et du fait que les intérêts et plus-values sont exonérés.

Prenons, l’exemple, d’un assuré disposant de 500.000€, célibataire avec un enfant qui a 69 ans et s’interroge sur l’opportunité de verser avant ou après 70 ans :

Hypothèse de survie : 15 ans.
Hypothèse de rendement : 4% l’an.
Droits de succession : atteinte du taux marginal de 20 % du barème

Source : Guillaume Thierry pour l’ESBanque
Bien entendu, il reste financièrement opportun de capitaliser dans l’assurance-vie avant 70 ans. Cet exemple est ici mentionné pour illustrer certains raccourcis rapides concernant les versements après 70 ans. Les souscripteurs ayant dépassé l’âge clé de 70 ans ne doivent pas nécessairement se détourner de l’assurance vie.
Prélèvements sociaux :

Les plus-values et intérêts des contrats d’assurance-vie sont dans tous les cas soumis aux prélèvements sociaux : au taux de l’année de dénouement du contrat (taux de 17,2 % en 2022) pour les plus-values issues des unités de compte du contrat ; prélevés annuellement pour les intérêts du support fonds en euros.

L’assurance-vie offrant un cadre fiscal avantageux pour la transmission de patrimoine, il serait tentant d’y loger la plus grande partie, voire la totalité de son patrimoine.

Et ceci d’autant plus que la clause bénéficiaire de l’assurance-vie n’est pas soumise aux mêmes contraintes que la dévolution successorale civile. Contrairement au Code civil qui impose de respecter une dévolution légale organisée et avec certaines limites (réserve héréditaire), le souscripteur d’assurance vie peut en effet choisir le bénéficiaire de son choix beaucoup plus librement.

Le capital transmis n’est pas soumis aux règles civiles du rapport successoral ou de la réduction (articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances).

Il convient néanmoins d’être prudent. L’avantage civil et fiscal de l’assurance-vie peut être remis en cause dans certaines situations :

  • primes manifestement exagérées : l’article L132-13 du Code des assurances dispensant l’assurance-vie des règles du rapport et de la réduction prévoit néanmoins une exception, lorsque les primes ont été « manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur ». Un ou des enfants qui s’estimeraient léser par le bénéfice d’un important contrat d’assurance-vie de leur parent qui ne leur reviendrait pas pourraient acter en justice sur ce fondement. La notion de primes manifestement exagérées reste néanmoins à l’appréciation des juges du fond sur la base d’éléments de fait (âge du souscripteur, revenus, patrimoine, montant versé mais aussi retraits réalisés …). Si le caractère manifestement exagéré des primes est reconnu, le montant de ses primes excédentaire est ramené à la succession afin de rétablir les droits des héritiers réservataires. De facto, ces primes sont alors imposées aux droits de succession.
  • requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte : ce moyen peut être utilisé par l’administration fiscale si elle estime que la souscription du contrat n’avait pas d’autre utilité pour l’assuré que d’avantager le bénéficiaire et que ce contrat équivaut à une donation.
  • abus de droit : l’administration fiscale pourrait également invoquer l’abus de droit en démontrant que la souscription du contrat a pour objectif exclusif, ou depuis 2020 principal, d’éluder l’impôt.

les donations, outil d’optimisation successorale à privilégier pour le patrimoine immobilier ou professionnel

Les donations permettent de transmettre de son vivant des biens et sont comme les successions assujetties aux droits de mutation à titre gratuit.

Les droits de mutation à titre gratuit (abattement et barème selon le lien de parenté) concernent aussi bien les successions que les donations.

Dès lors, quels sont les avantages de la donation ?

  • faire courir le délai de rappel fiscal des donations et pouvoir le renouveler : la donation en pleine propriété permet de transmettre un bien dès maintenant ce qui permet de faire courir le délai de 15 ans, dit de rappel fiscal, nécessaire à la reconstitution des abattements et des tranches utilisées du barème. Les patrimoines importants ont pour cette raison intérêt à renouveler des opérations de donation tous les 15 ans afin de bénéficier des premières tranches du barème alors que leur patrimoine global atteindrait rapidement les tranches maximales (de 40 % ou 45 %).Le donateur peut par ailleurs disposer du bien immédiatement.

    Attention néanmoins, une fois les donations réalisées, elles ne sont pas oubliées : les donations simples seront en effet revalorisées au jour du décès et ramenées à la masse successorale pour les calculs du rapport et de la réduction. La donation-partage permet de geler les valeurs afin d’éviter cette revalorisation au jour du décès.

  • bénéficier d’une base d’imposition réduite :
    • par la donation en nue-propriété ou avec réserve d’usufruit. Ce type de donation permet au donateur usufruitier de percevoir les revenus du bien ou de l’utiliser, mais réduit également significativement le coût fiscal de la transmission : seule la valeur en nue-propriété est imposable et cette valeur est d’autant plus faible que l’usufruitier est jeune (barème de l’article 669 du CGI). Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans droits de mutation supplémentaire (article 1133 du CGI). Seule la valeur de la nue-propriété au jour de la donation aura donc été imposée.
Attention à la présomption de l’article 751 du CGI :

Cette donation en nue-propriété à un héritier présomptif n’aura d’effet fiscal que si elle est régulière et réalisée plus de 3 mois avant le décès.

  • pour les biens professionnels (sociétés et entreprises individuelles), la base imposable peut être réduite de 75 % si les conditions du pacte Dutreil sont réunis.
  • prise en charge des droits à payer par le donateur sans coût fiscal supplémentaire : le paiement des droits pourra être pris en charge par le donateur sans que cela ne soit considéré par l’administration fiscale comme une nouvelle donation.

Si les donations permettent de réduire l’imposition successorale, elles présentent néanmoins deux inconvénients principaux :

  • l’acte de donation est irrévocable et le donateur se dépossède donc du bien transmis. La donation avec réserve d’usufruit tempère néanmoins cette contrainte puisqu’elle permet de conserver les revenus ou l’usage du bien.
  • Les donations ont un coût fiscal immédiat (droit de mutation à titre gratuit), à la différence de la souscription d’un contrat d’assurance-vie.

Pour ces raisons, les donations sont à privilégier pour :

  • la transmission du patrimoine immobilier détenu en direct ou via une SCI familiale (Société Civile Immobilière), en particulier lorsque la SCI recourt à l’emprunt
  • la transmission du patrimoine professionnel qu’il n’est pas possible de loger dans l’assurance-vie.
  • Lorsque les investissements en assurance-vie son déjà significatifs et que les capitaux décès atteignent déjà les taux maximums de la fiscalité successorale de l’assurance-vie (31,25 %).

Dans tous les cas, pour éviter toute remise en cause de la donation, l’intention libérale du donateur doit être réelle et il ne doit pas conserver la pleine disposition du bien. Ces risques peuvent par exemple apparaître dans le cas de SCI dont les parts sont détenues en usufruit après une donation en nue-propriété, et lorsque l’usufruitier conserve des pouvoirs étendus dans la société en tant que gérant.

les ventes avec réserve d’usufruit ou en viager à un héritier

Il est possible de transmettre un bien, notamment immobilier, sans passer par une mutation dite à titre gratuit (donation ou succession) mais via une vente à un enfant ou un héritier.

L’opération est alors imposable aux droits de mutation à titre onéreux dont la fiscalité est beaucoup moins lourde (taux de l’ordre de 8 %).

Attention néanmoins, la vente suppose le paiement du prix par l’acquéreur qui est ici un héritier. Il convient d’être particulièrement prudent sur la valeur du bien qui doit être celle du marché et sur le paiement réel du prix, afin d’éviter toute faveur requalifiable en donation.

Lorsque l’héritier n’a pas les fonds disponibles pour cette acquisition, il est possible d’envisager :

  • une vente en viager : comme toute vente en viager, l’acquisition aura été plus ou moins coûteuse pour l’héritier selon l’espérance de vie du vendeur. La vente en viager occupée permet par ailleurs au vendeur de conserver l’usage du bien tout en percevant une rente viagère.
  • une vente en nue-propriété : l’acquéreur deviendra plein propriétaire au décès de l’usufruitier. L’héritier acquéreur devra bien sûr disposer du financement de la valeur de la nue-propriété.

Dans les deux cas, ces opérations relèvent des droits de mutation à titre onéreux et non des droits de mutation à titre gratuit.

S’agissant d’un héritier, ces ventes devront néanmoins être pratiquées avec précaution afin d’éviter la présomption de l’article 918 du Code civil et celle de l’article 751 du CGI, qui annihileraient le caractère onéreux de l’opération.

Nous vous renvoyons pour cela à notre précédent article :

aménagement du régime matrimonial : un outil d’optimisation successorale

Comme nous l’avons vu, les droits de succession sont moins élevés voire nuls en régime de communauté, par l’effet de ce régime, couplé à l’exonération de droit du conjoint.

Pour optimiser les droits de succession, il peut être intéressant de modifier le régime matrimonial soit pour adopter un régime communautaire, soit pour créer une masse de biens communs, par l’ajout d’une société d’acquêt par exemple dans un régime de séparation de biens.

Attention néanmoins :

L’adoption d’un régime de communauté universelle assorti d’une clause d’attribution intégrale n’aurait pas les effets escomptés et au contraire les annihilerait. La totalité du patrimoine sera en effet transmis aux enfants au second décès avec une fiscalité alourdie puisque l’héritage ne leur proviendra que d’un seul parent. Les abattements et l’utilisation du barème ne seront utilisables qu’auprès d’un seul des parents.

Ces changements de régime ont néanmoins des effets civils et peuvent créer des situations ne convenant pas aux époux, notamment en cas de divorce. Un changement de régime matrimonial ne doit pas être réalisé uniquement pour des raisons fiscales.

Quel que soit l’outil patrimonial utilisé dans l’objectif d’optimiser la fiscalité successorale, assurance-vie, donation, vente, changement de régime matrimonial, il est indispensable de mesurer en amont les effets civils de telles décisions et de vérifier qu’ils sont conformes aux objectifs patrimoniaux.

Auteurs

Anne Brouard   et Guillaume Thierry    

 Anne Brouard est Intervenante-formatrice pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Guillaume Thierry est est conseiller patrimonial, diplômé du CESB-CGP