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Les NFT : de nouveaux actifs patrimoniaux ?

Les NFT : de nouveaux actifs patrimoniaux ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Les NFT (Non Fungible Tokens), nouveaux crypto-actifs, font l’objet d’un fort engouement. Ont-ils une place dans une allocation patrimoniale et laquelle ? Décryptage

Les NFT font actuellement l’objet d’une véritable ferveur et leur prix ont dans certains cas atteint des sommets.

Ces supports numériques entrent dans la famille des crypto-actifs, au même titre que le fameux bitcoin. Ils sont créés et vendus via un système décentralisé de blockchain.

A la différence des autres « tokens » existant sur les blockchains tels les crypto-monnaies, et la plus célèbre d’entre elles le bitcoin, les NFT ont pour grande différence de représenter un droit de propriété unique sur un actif. Pour cette raison, ils ne sont pas interchangeables et sont par nature non fongibles d’où leur nom « Non Fungible Token » ou jeton non fongible.

Ils attestent de la propriété unique d’un actif grâce à une blockchain. Leur application s’est donc développée naturellement dans le monde de l’art, pour lequel le titre de propriété et le certificat d’originalité de l’œuvre sont essentiels.

Les NFT permettent aujourd’hui d’être propriétaire d’une œuvre d’art physique ou virtuelle mais également d’objets de collection ou de luxe, via une blockchain. Leurs prix connaissent une forte croissance attirant les investisseurs aguerris, ou pas, en crypto-actifs.

Devant cet engouement croissant, il est indispensable de comprendre et d’analyser ces nouveaux actifs d’investissement et de mesurer quelle place ils peuvent avoir dans une diversification patrimoniale.

les nft : de nouveaux actifs numériques

Les NFT (Non Fongible Tokens) sont des actifs numériques représentatifs d’un droit de propriété sur un actif réél ou virtuel, validés sans intermédiation par une blockchain.

qu’est-ce qu’un nft ?

Les NFT ont vu le jour en 2014 et bouleversent le monde des crypto-actifs depuis quelques mois.

Les NFT sont des actifs numériques appelés « token », ou jeton, créés et échangés via un système de blockchain.

Techniquement, il existe deux types de token :

  • les token fongibles représentant des unités d’actifs numériques et qui sont par nature interchangeables. Il s’agit principalement des crypto-monnaies tels le bitcoin. 
  • les token non fongibles (ou NFT) représentant une unité unique d’actif numérique ne pouvant être similaire à aucune autre, ni reproduite. Dès lors, détenir ce type de token non fongible constitue, sur une blockchain, le titre de propriété d’un actif identifié ou d’une partie de cet actif. Ce token permet également de certifier l’originalité et l’unicité de cet actif. 

Légalement, les jetons numériques sont définis à l’article L 552-2 du Code Monétaire et Financier (CMF) comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ». Cette catégorie vise néanmoins les offres de jetons publiques (Initial Coin Offerings) représentant des valeurs mobilières (actions et obligations) par nature échangeables et pas nécessairement les jetons non fongibles. 

En l’absence de nouvelle législation, les NFT entreraient alors dans la catégorie « biens divers » définie à l’article L 551-1 du Code Monétaire et Financier. 

Un amendement du projet de Loi de Finances pour 2021 propose la définition légale suivante pour les NFT : « Un jeton non-fongible est considéré comme tout bien incorporel et non fongible représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. ». Cette définition proche au premier abord de celle des jetons numériques de l’article L552-2 du Code Monétaire et Financier, en diffère totalement par l’ajout de la mention « et non fongible », permettant d’identifier légalement les NFT.

Toute personne peut ainsi créer un NFT sur une blockchain et le vendre ou l’acheter librement. Le paiement se fait en général par crypto-monnaies (Bitcoin, Ether…). Mais les NFT sont aujourd’hui principalement créés et échangés sur la blockchain Ethereum et concernent essentiellement le domaine de l’art. 

Les NFT sont librement visualisables et même téléchargeables sur un ordinateur et copiables en tant qu’images mais : 

  • ils conservent dans tous les cas leur originalité : le NFT original reste unique et ne peut être répliqué en tant que tel. 
  • ils n’appartiennent qu’à une seule personne à la fois, identifiée par la possession du NFT comme propriétaire personnel et exclusif. Cette personne peut bien sûr le revendre par la suite. 

Le détenteur de NFT possède un mot de passe unique et une clé privée lui permettant d’accéder au portefeuille virtuel de la blockchain où sont stockés ses NFT. 

Les NFT investissent également le secteur des jeux vidéospermettant d’être propriétaire totalement, ou pour partie, d’un objet ou de personnages de ces jeux. Mais ils entrent également dans de nombreux autres domaines tels le sport ou le luxe. 

Certains NFT se sont échangés à des prix astronomiques. L’œuvre « Everydays : The First 5000 Days » de l’artiste américain Beeple serait le NFT le plus cher à ce jour, vendu par Christie’s plus de 69 millions de dollars. 

Les ventes de NFT s’élèveraient à 2 milliards de dollars au premier semestre 2021. 

les différentes formes de nft

Les NFT en tant que titre de propriété sur une blockchain peut porter naturellement sur des actifs virtuels mais également sur des actifs physiques. 

 Les NFT : outil de « titrisation » d’actifs réels

Il est possible de créer et échanger sur une blockchain des NFT représentant une part de propriété d’un actif réel. 

Cette opération permet de devenir propriétaire d’une part plus ou moins importante de cet actif et donc d’y avoir accès plus facilement, pour des montants d’investissement plus faibles.

Comme nous l’avions abordé dans notre article précédent sur les blockchains, les jetons ou tokens permettent de diviser la propriété d’un actif physique et peuvent en cela bouleverser de nombreux marchés, tel celui de l’immobilier.  

Il sera peut-être un jour plus intéressant et plus facile d’être propriétaire d’une part d’un ensemble immobilier, par la détention de token via une blockchain, que par la souscription de parts de fonds immobiliers, tels les SCPI par exemple.

Les NFT permettent alors de diviser la propriété d’un actif réel par l’émission de titres de propriété sur des unités de cet actif. Il s’agit alors d’un processus similaire à celui de la titrisation.

Lorsqu’ils portent sur des actifs réels, les NFT permettent de faciliter l’accès aux investisseurs et de rendre ces actifs plus liquides.

En juillet dernier, une banque suisse a ainsi mis à la vente un tableau réel de Picasso intitulé « La femme au béret » sous forme de tokens sur une blockchain. Le prix de vente total du tableau a été estimé à 4 millions de francs suisses, mais tout investisseur peut en acquérir des parts, sous forme de token, pour un prix minimum de 5.000 francs suisses.   

Les NFT support de détention d’actifs virtuels

A l’heure actuelle, la ferveur des investisseurs porte avant tout sur des actifs virtuels, souvent des œuvres d’art virtuelles, dites crypto-arts ou des images. 

Leur fonction est alors différente. Les NFT permettent ici de rendre l’actif virtuel unique et détenu par un seul propriétaire grâce à une blockchain. Le NFT donne ainsi son caractère d’œuvre , ou d’objet, unique à cet actif numérique. 

Toute personne peut ainsi créer une image ou œuvre visuelle virtuelle et l’identifier comme tel par un NFT sur une plateforme de blockchain. Elle peut ensuite être vendue et c’est alors qu’il est possible, ou pas, d’en dégager une éventuelle plus-value. 

le nft: un nouveau type d’investissement patrimonial ? 

Au-delà de l’engouement actuel qu’ils suscitent, il est important avant toute décision ou conseil patrimonial d’analyser et de comprendre la natureles caractéristiques, la formation de valeur mais aussi la volatilité et les risques de ces investissements en NFT. 

a quel type d’actif patrimonial rattacher les nft ?

Dans un premier temps, il est nécessaire d’analyser les NFT au regard des critères habituellement utilisés pour définir la nature de tout actif d’investissement  : 

  • s’agit-il tout d’abord d’un actif réel, d’un actif dématérialisé ou d’un actif numérique  ? 
  • s’agit-il ensuite d’un actif produisant par lui-même un revenu économique ou tirant sa valeur uniquement d’un marché  ? 
  • quel est son degré de liquidité : s’agit-il d’un actif liquide ou peu liquide  ? 

Attention à ne pas confondre facilité et rapidité de transaction sur une blockchain avec la notion de liquidité  : 

La liquidité est assurée en premier lieu par l’existence d’un nombre suffisant d’acquéreurs et de vendeurs susceptibles de se mettre d’accord sur un prix de transaction. Le système de transaction lui-même traitant l’opération une fois les acteurs d’accord n’est qu’un second critère de liquidité. Il réduit la durée de la réalisation de la transaction une fois celle-ci décidée.

A ce jour, certains NFT représentatifs d’œuvre virtuelles se sont vendus rapidement et très chers mais d’autres peuvent aussi rester dans le portefeuille de leur détenteur sans trouver preneur. Même si le nombre d’intervenants est beaucoup plus important du fait de leur prix unitaire, de la rapidité de la création d’œuvre et de leur variété, le marché des crypto-arts présent des caractéristiques similaires à celles du marché de l’art. 

La liquidité d’une œuvre dépend de l’intérêt qu’elle suscite et également d’un environnement propice à cela, d’une tendance. Si l’œuvre n’est pas recherchée, il n’y a pas d’acquéreurs ni de liquidité.

Sur la base de ces critères, il est possible de comparer et situer les NFT parmi les actifs d’investissement jusqu’ici pratiqués.       

Actif économique

Actif produisant une valeur économique par eux-mêmes

Actif de marché

Actif ne produisant pas de valeur par eux-mêmes mais par l’évolution de leur marché

Degré de liquidité
Actifs RéelsImmobilier
Forêt
Terres agricoles
Or, métaux précieux
Œuvres d’art (tableaux, sculptures...)
Objets de collection (véhicules...).
De moyennement (immobilier) à peu liquide (Forêts, terrains...) selon la profondeur du marché et son éventuel déséquilibre offre/demande
Actifs dématérialisés représentant un titre de propriété ou de créanceAction d’entreprise
Obligation d’entreprise
Obligation d’État
TCN (Titres de créances négociables)

SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobiliers)

Titrisation de dettes ou de crédits (ABS (Asset Backed Securities), MBS (Mortgage Backed Securities), CDO (Collateralised Bond Obligation)...) par des sociétés spécialisées (SPV : Special Purpose Vehicule)
ETF sur l’or, les métaux précieux ...De très liquide (actions cotées, TCN...) du fait de l’organisation dématérialisée, informatisée et réglementée des marchés
à moyennement ou peu liquides (SCPI) selon la profondeur et l’équilibre de marché.
Actif numérique ou crypto-actif correspondant à une unité fongible ou non fongible d’un actif virtuel ou réelNon Fongible Token (NFT) sur l’immobilier par exemple, quasiment inexistant à ce jourNon Fongible Token (NFT) sur œuvre d’art physique ou virtuelle

Token fongibles : crypto-monnaires tels le bitcoin
Liquidité très variable dépendant de la profondeur et de l’équilibre de marché

La question est de savoir si avec le développement des blockchains, les actifs jusqu’ici dématérialisés ne vont pas basculer dans le monde numérique : les transactions boursières pourraient se gérer par une blockchain et les actions être représentées par des tokens. 

De même les actifs réels pourraient ne s’échanger que via une blockchain sous forme de token. 

On assisterait alors à un glissement vers les actifs numériques.

Dans tous les cas, l’investisseur qui s’intéresse au NFT et au crypto-actif devra toujours mener son analyse à trois niveaux  :  

  • quel type d’actif est représenté par la jeton ou token : un actif réel ? un actif virtuel  ?  
  • quel est ce type d’actif représenté par le token : un actif ayant un rendement  économique ou un pur actif de marché ? 
  • quel est la liquidité de cet actif et la profondeur de son marché ? 

Un token non fongible représentant un titre de propriété d’un actif immobilier par exemple, même s’il est quasiment inexistant à ce jour, ne constitue pas du tout le même type d’investissement qu’un NFT sur un crypto-art, tel qu’il est répandu aujourd’hui. 

Une fois la nature et les caractéristiques du NFT identifiées, comment définir sa valeur et l’évolution de cette valeur ?  

 qu’est-ce qui fait la valeur d’un nft ?

La valeur d’un NFT dépend de plusieurs facteurs. 

La valeur de l’actif sous-jacent 

Un NFT représentant un titre d’identification et de propriété exclusive d’un actif, sa valeur dépend nécessairement de cet actif lui-même. 

On comprend aisément qu’un NFT représentatif d’un titre de propriété sur une œuvre artistique célèbre telle une peinture de Picasso puisse être valorisée sur la base du prix de ce tableau au jour de l’émission des tokens. Logiquement, la valeur du token doit ensuite suivre celle de l’œuvre physique elle-même. 

Dans ce cas, ce type de NFT est directement corrélé à l’évolution de valeur de l’actif réel qu’il représente et dans cet exemple, au marché de l’art. 

Mais qu’en est-il lorsque l’actif sous-jacent est virtuel, ce qui est le cas du plus grand nombre de NFT représentatifs de crypto-arts en circulation sur les blockchains aujourd’hui  ? 

Là encore, la valeur du token est bien sûr directement liée à celle de cet actif virtuel mais celle-ci est beaucoup plus difficile à déterminer: pas de cote officielle, pas de marché préexistant.  

Certains actifs virtuels représentent des images ou des marques connues, tels les NFT « Hello Kitty » par exemple, dits CryptoKitties, lancés en 2017. Certains de ces NFT sont accessibles pour quelques dollars, d’autres ont pu être vendus à plusieurs centaines de milliers de dollars comme le Nyan Cat acquis pour près de 500.000 $. 

Certaines images de sportifs ou des clips vidéo de match sportif font également l’objet d’une « tokenisation » et leur NFT peut atteindre plus de 100.000 $, telle la vidéo d’un match de LeBron James. Les NFT de replays de match de la NBA auraient représenté l’année dernière un marché de 205 millions d’euros. 

Certains acteurs vendent également leur image sous forme de NFT.   

La valeur du NFT est ici fonction de la « célébrité » de son sous-jacent. 

Mais force est de constater que des actifs purement virtuels, jusqu’ici inexistants et rattachés à aucune célébrité ou marque connue, sont créés spécifiquement et uniquement sous forme de NFT et prennent de la valeur. 

Les NFT sont alors eux-mêmes sources de création de nouveaux actifs virtuels, particulièrement dans le domaine de l’art. 

L’œuvre de l’artiste américain Beeple a ainsi été créée spécifiquement sous forme numérique et de NFT et a été vendue par Christie’s 58 millions d’euros en mars dernier. Les NFT sur cette œuvre avait été initialement mis aux enchères à 100 $ …

Mais là encore, la valeur était indirectement liée à l’actif sous-jacent : même si l’œuvre n’existait pas auparavant, et a été créée spécialement en NFT, l’artiste est célèbre et a déjà une cote importante aux Etats-Unis. 

Tous les NFT sur crypto-art ne connaissent pas la même évolution mais certains engouements peuvent apparaître, y compris sur des actifs ou artistes moins connus, la « commercialisation » sous forme de NFT créant à la fois un effet « rareté » et « collection » et un marché plus accessible. 

NFT : un effet « rareté » combiné à un effet « diffusion » 

Comme nous l’avons vu, si l’image du crypto-art peut être diffusée, le NFT sur cet actif virtuel est quant à lui unique. Il permet d’identifier l’originalité de l’œuvre et son propriétaire exclusif.  

En acquérant le NFT, on devient le seul et unique propriétaire de l’actif, ou d’une part de cet actif.  

En cela, le NFT lui-même peut être recherchéIl combine l’effet « rareté »et « exclusivité de détention » à une diffusion libre et des plus étendues, puisqu’il suffit d’un écran et d’une connexion internet pour la visualiser. Comme s’il était possible d’acheter facilement une œuvre d’art, de la montrer au plus grand nombre, de la faire circuler, tout en en restant le seul propriétaire.  

Pour les artistes, les NFT et les blockchains deviennent un formidable outil pour commercialiser leur œuvre, en assurant son originalité et son exclusivité de détention, tout en se faisant largement connaître et sans faire appel aux structures de diffusion habituelle de l’art (galeries…), système souvent lourd et difficile à pénétrer. 

Parallèlementartistes et acquéreurs se retrouvent seuls sur ce marché qui va dépendre de la plateforme utilisée et du nombre de ses acteurs, mais aussi de l’animation qui sera faite autour de l’artiste et de l’œuvre. Les réseaux sociaux jouent ici un rôle central. 

NFT : un effet « collection »

Certains crypto-arts déclinent des images dans l’idée de créer une collection.  

La valeur des NFT sur ce type d’actif virtuel est alors directement liée au marché des collectionneurs et à l’intérêt suscité par le type de collection.  

Dans cette catégorie, les NFT suscitant le plus d’intérêt dernièrement sont des images ou clips vidéo de grands sportifs tels de célèbres footballeurs. On retrouve l’idée des collections des anciennes cartes « Panini » mais des NFT et une blockchain peut rendre ces marchés beaucoup plus larges et susciter dans certains cas une ferveur propre à valoriser ces actifs.    

NFT : effet « démocratisation et accessibilité »

Les NFT constituent une véritable nouveauté technologique permettant de vendre des parts ou unités d’actifs de forte valeur, jusqu’ici accessibles à des prix très élevés, tel ce tableau de Picasso. 

Cette « titrisation » ou « tokenisation » crée par elle-même une valeur supplémentaire à celle de l’actif sous-jacent, du fait de la liquidité générée sur cet actif et de l’arrivée sur le marché de nouveaux investisseurs qui jusqu’ici ne pouvaient pas y accéder. 

C’est un peu le même phénomène de la vente par lots d’un bien immobilier, créant plus de valeur que la vente unique de l’ensemble de l’immeuble.  

La profondeur possible du marché et son accessibilité permettent aussi à des actifs virtuels, jusqu’alors inconnus, ou créés spécialement en NFT, de prendre de la valeur par le simple effet de l’offre unique sur cet objet et d’une demande qui peut être abondante car accessible 

Mais il ne faut pas confondre technique de marché et marché lui-même. Les NFT et une blockchain offrent l’environnement propice à cette prise de valeur par l’accessibilité créée, encore faut-il bien entendu qu’un certain engouement naisse sur les réseaux sociaux et les plateformes d’échange pour le NFT en question. 

NFT, virtualisation et métaverse 

Les NFT en tant que titre d’identification et de propriété d’objet virtuel entre nécessairement dans le développement des processus de virtualisation du réel. 

 Beaucoup d’acteurs économiques s’intéressent aujourd’hui à la virtualisation de leurs structures, expériences, magasins, jusqu’aux produits eux-mêmes. Une marque de luxe a ainsi vendu plus cher un sac virtuel sous forme de NFT qu’un sac à main réel. Cet objet virtuel était recherché pour habiller un avatar … 

Cette tendance naissante mais touchant tous les secteurs est portée plus largement par des sociétés développant le concept de métaverse, dont on parle beaucoup dernièrement. Marc Zuckerberg, fondateur de Facebook, est l’un des premiers investisseurs dans ce mouvement, faisant du métaverse le nouvel axe stratégique de sa société au point de rebaptiser son groupe « Meta ».   

Le métaverse vise à créer un monde numérique en 3D reliant le monde virtuel et le monde réel. Il ne s’agira pas d’entrer dans un jeu vidéo avec un casque de visualisation 3D mais de « vivre » véritablement des expériences dans ce monde, par l’intermédiaire d’un avatar, en y trouvant des services et des produits. Le métaverse développe alors sa propre économie. Dans le métaverse, il deviendra peut-être intéressant d’acheter un NFT de vêtement de marque pour habiller son avatar pour une réunion ou soirée virtuelle … 

Dans ce monde virtualisé, les NFT occuperaient alors une place centrale puisqu’ils permettent de prouver l’originalité et la détention d’objet virtuel. 

Fiscalité des NFT   

Avant la Loi de Finances pour 2019, les plus-values sur actifs numériques réalisées par les particuliers étaient considérées comme des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) si elles étaient réalisées à titre occasionnel. 

S’il s’agissait d’une activité habituelle, l’imposition relevait alors des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). 

Depuis la Loi de Finances pour 2019, les plus-values réalisées sur des actifs numériques, à titre non professionnel, par les particuliers domiciliés en France relèvent du régime des plus-values sur biens meubles et sont imposables au PFU (taux global de 30 %) ou au barème de l’IR (plus CSG, CRDS et prélèvements sociaux). S’il est considéré du fait du nombre et de la fréquence des opérations qu’il s’agit fiscalement d’une activité professionnelle, la plus-value relève alors des BIC. 

Cette législation concerne néanmoins les jetons fongibles telles les crypto-monnaies et les ICO (Initial Coin Offerings).  Mais la nature non fongible des NFT est toute autre. Il paraît donc nécessaire de les définir légalement et fiscalement. 

En avril dernier, un sénateur a ainsi interpellé le gouvernement en ce sens. 

A ce jour, un amendement du projet de Loi de Finances pour 2021 propose une imposition des plus-values des NFT selon la nature de l’actif sous-jacent mais n’a pas encore été adopté.

les risques d’investissement en nft

Les risques d’investissement en NFT sont d’abord ceux de l’actif sous-jacent. Les NFT sont aujourd’hui basés principalement sur des œuvres ou objets d’art, images ou vidéos. Il s’agit donc d’actifs ne produisant pas de valeur par eux-mêmes, comme nous l’avons vu, mais dépendant de l’offre et de la demande du marché.

Le risque est alors principalement celui de l’évolution du marché et de sa volatilité.

Lorsqu’on souligne le fort engouement actuel pour les NFT en crypto-art, il serait faux de croire que tout ce marché évolue fortement à la hausse. Un grand nombre de ces actifs numériques n’ont pas pris beaucoup de valeur après leur création ou en ont perdu.

Ce marché connaît certes un fort intérêt actuel en raison de sa nouveauté, son accessibilité et son côté ludique également. Mais de fortes pertes ne sont pas exclues. Elles pourraient surprendre certains investisseurs et leur faire perdre leur ferveur. Par ailleurs, il s’agit d’un marché nouveau, peu mature et sur lequel les investisseurs ont peu d’expérience et de recul.

Même si la loi Pacte de 2019 instaure un cadre de règlementation des crypto-monnaies et que des visas AMF sont nécessaires pour les prestataires de service sur actif numérique (PSAN), ce marché est encore loin d’être un marché réglementé et peut être l’objet de manipulation de cours telles les techniques de «  wash trading » consistant à créer un NFT sur un crypto-art et de l’acheter par ailleurs via un autre compte pour créer la demande et en accroître faussement la valeur.

Certaines œuvres d’art virtuel peuvent également faire l’objet de la création d’un NFT par une personne autre que son auteur initial. Le NFT prouve la propriété de l’actif virtuel de la première personne qui crée le NFT sur cet actif. L’artiste à l’origine de l’œuvre devra alors agir juridiquement contre la personne ayant créé un NFT sur son œuvre.

Malgré la preuve de détention du fichier original constituée par les NFT, les crypto-art peuvent être plagiés, telle la copie d’une œuvre d’art et la circulation de faux. Les règles juridiques de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur ne sont pas encore adaptées à ce type d’actifs.

La règlementation des crypto-actifs en termes de conformité, notamment dans un objectif LCB-FT (Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme) vient d’être renforcée par l’ordonnance du 9 décembre 2020. La règlementation croissante sécurise ce marché mais peut avoir dans un premier temps un effet déstabilisant.

La technologie même de ces actifs numériques, malgré la sécurité que peut présenter une blockchain contre la cybercriminalité du fait de sa décentralisation, comporte un risque d’immatérialité. Que deviennent ces actifs si la plateforme sur laquelle ils sont stockés ne fonctionnait plus, disparaissait, ou faisait l’objet d’une cyber-attaque comme cela est déjà arrivé pour le bitcoin. A ce risque, s’ajoute celui d’une attaque sur l’ordinateur personnel d’un détenteur d’un portefeuille numérique.

Enfin, le marché des NFT peut être victime d’une survalorisation sous-tendue par l’excès de liquidité en circulation, comme pour beaucoup d’actifs aujourd’hui.

Lors du dégonflement inéluctable de ces « bulles » de valorisation, les NFT peuvent être également touchés.  A quel degré, plus ou moins fortement comparativement aux autres marchés ? Il est difficile d’y répondre mais l’évolution de la virtualisation sera un facteur important. Si le métaverse connaît un fort développement et devient massivement utilisé, les NFT pourraient être fondamentalement recherchés. Encore faut-il savoir lesquels et ne pas se tromper dans les choix d’investissement. Si ce monde est long à arriver ou n’a pas le succès escompté, il y aura nettement moins de soutien à la valeur des NFT.

 

 

Les NFT tels qu’ils sont proposés aujourd’hui représentant des œuvres d’art physiques ou virtuelles sont donc des actifs spéculatifs. Ils sont soumis à la forte volatilité du marché de l’art, mais également au risque de la virtualisation, ainsi que de l’usage et du devenir encore incertain de ces objets virtuels.

Ils sont donc loin à ce jour de constituer un véritable support d’investissement patrimonial pouvant former une base significative d’allocation. Il s’agit plutôt d’actif de diversification et de spéculation dont la part doit rester mesurée dans un patrimoine personnel.

Demain, l’évolution possible de la technologie NFT sur d’autres types d’actifs, tel l’immobilier par exemple, pourrait faire prendre plus d’ampleur à ces supports dans la gestion de patrimoine.

Auteur
Anne Brouard
Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7 

Sources :

(suite…)

Gestion des valeurs mobilières de placement (VMP) : détention directe ou choix d’une structure impôt sur les sociétés (IS)

Gestion des valeurs mobilières de placement (VMP) : détention directe ou choix d’une structure impôt sur les sociétés (IS)

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Vaut-il mieux gérer un portefeuille de valeurs mobilières à  l’IR (Impôt sur le Revenu) ou dans une structure à l’IS (Impôt sur les Sociétés) ? Le point sur les solutions les plus appropriées suivant les objectifs patrimoniaux recherchés.

Optimiser fiscalement le patrimoine financier consiste à réaliser les arbitrages de gestion, le financement du train de vie ainsi que la transmission in fine du patrimoine dans le cadre fiscal le moins onéreux, tout en respectant les objectifs patrimoniaux et familiaux.

S’agissant d’un portefeuille de valeurs mobilières, la fiscalité se trouve le plus souvent être celle de l’impôt sur le revenu (IR) dans la rubrique des plus-values mobilières et/ou des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que celle de l’impôt sur la fortune (IFI) du point de vue du plafonnement de cet impôt.

Néanmoins, un autre cadre fiscal peut également être envisagé : celui de l’IS (Impôt sur les Sociétés). Quelle solution est-alors la plus opportune ? Explications.

 

SOMMAIRE

  • Les hypothèses à considérer
  • In or out : quelles opportunités pour les liquidités surabondantes détenues par une structure holding ?
  • Les différentes observations
  • Conclusion

 

Les hypothèses à considérer

On retiendra, à titre de postulat général, que si l’option à retenir se définit a priori très simplement pour des capitaux liquides détenus en direct, il n’en est pas de même si la trésorerie à investir se trouve d’ores et déjà à l’actif du bilan d’une structure soumise à l’IS.

 

Hypothèse 1 : investissement de liquidités détenues directement par un particulier.

Cette configuration amène le plus souvent à exclure le recours à une structure IS.

En effet, la gestion des actifs financiers subit annuellement l’IS au taux normal soit 25 % à ce jour (15 % sur la fraction du bénéfice inférieure à 38 120 € pour les PME dont le chiffres d’affaires est inférieur à 7,63 M €).

Le financement du train de vie par distribution de dividendes suppose, par ailleurs, une taxation de l’intégralité des flux perçus, à l’impôt sur le revenu soit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 12,8% soit, sur option (annuelle et globale), au barème progressif de l’IR sur une assiette réduite de 40%. L’assujettissement aux PS (17,2 %) est à prévoir dans l’une et l’autre des deux situations. La CEHR (3 ou 4 %) peut aussi trouver à s’appliquer.

Sur un autre registre, il peut enfin entraîner, dans certains cas, le « déplafonnement » de l’IFI. Cette situation serait synonyme d’une fiscalité globale pouvant atteindre 75 % des revenus perçus.

Ces contraintes militent pour que soient retenues, dans cette configuration, l’acquisition et la gestion des valeurs mobilières de placement au sein d’enveloppes juridiques spécifiques tels ceux du PEA et/ou des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation.

La tendance sera donc de délaisser le compte titres dit « ordinaire » victime de son incapacité à véritablement capitaliser ses revenus et ses produits constatés lors des arbitrages dans le cadre de la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières de placement.

 

Hypothèse 2 : investissement des liquidités figurant à l’actif du bilan d’une société soumise à l’IS

Cette configuration est notamment rencontrée lorsqu’une holding cède une ou plusieurs de ses filiales. On parle alors d’une cession « par le bas ».

Le traitement fiscal propre à une telle opération dépend du fait de savoir si les droits sociaux représentatifs du capital de la filiale répondent ou non à la qualification comptable et fiscale de titres de participation et s’ils sont détenus depuis au moins deux ans.

 

Les titres de participation sont, au sein du bilan d’une structure, des immobilisations financières. Elles représentent des actifs à vocation de détention durable par opposition aux valeurs mobilières de placement acquises dans la perspective d’une conservation plutôt courte. Cette qualification suppose par ailleurs une comptabilisation au sein d’un compte spécifique.

 

Si ces deux conditions sont réunies, les gains générés sont en principe en majeure partie exonérés d’IS.

En effet, en situation de cession de titres de participation, seule une quote-part de frais et charges doit être réintégrée dans le résultat imposable du holding cédant.

Elle est fixée à 12 % du montant brut de la plus-value réalisée, ce qui limite à 3,72% maximum le frottement fiscal pour une cession opérée en 2019.

C’est donc d’un capital in fine peu impacté par la fiscalité dont il va falloir flécher la destination. A cet égard, deux options existent :

  • maintenir les liquidités au sein de la structure ou inversement
  • externaliser les capitaux

 

In or out : quelles opportunités pour les liquidités surabondantes détenues par une structure holding ?

L’exercice à mener sur cette base s’avère ambitieux et en réalité des plus complexe. Il suppose, en effet, de trancher entre les deux options suivantes :

  • conservation des liquidités au sein de la holding laquelle devient purement patrimoniale et gère ses actifs sous IS.
  • externalisation de tout ou partie de sa trésorerie au profit de ses actionnaires afin qu’ils l’investissent à titre direct et personnel.

Répondre à cette interrogation stratégique « in or out » n’est pas simple et trois critères principaux sont à prendre en considération :

  • La taxation cumulée à prendre en compte : de la perception du prix de cession, en passant par son éventuelle extériorisation au bénéfice du détenteur du capital, à la transmission par décès [IS + DMTG (Droits de mutation à titre gratuit ou droits de succession) versus IR, PS, CEHR + 990 I du CGI (fiscalité spécifique du dénouement par décès de l’assurance-vie)].
  • L’espérance de vie de l’associé.
  • La rentabilité espérée des supports retenus pour l’investissement des liquidités en dedans et en dehors de la holding.

Replaçons successivement ces critères dans chacune des situations. Arrêtons-nous tout d’abord sur l’option suivante : conservation du prix de cession net de fiscalité au sein de la holding.

Si l’on retient l’hypothèse de l’investissement des liquidités en VMP, la performance de celles-ci, si elle est positive, sera au titre de chaque exercice, amputée du taux normal de l’IS, pénalisant de fait significativement l’effet de capitalisation.

Ce frottement fiscal n’est malheureusement pas le seul à prendre en compte dans le scénario envisagé. En effet, en cas de décès de l’actionnaire du holding, la valeur de cette dernière sera comprise dans l’actif successoral et donc soumise aux droits de succession à un taux pouvant marginalement atteindre 45%.

Le cumul de ces deux fiscalités acquittées, l’une au fil du temps (IS) et l’autre à terme (droits de succession), représente une imposition globale des plus significatives mais permet aux héritiers ou légataires, s’ils devaient décider la dissolution de la holding immédiatement après la cession, de percevoir un boni de liquidation ne supposant aucun frottement supplémentaire en termes d’IR, de PS, ou de CEHR.

La seconde approche possible consiste à organiser la récupération du prix de cession net d’IS capté par le holding entre les mains du détenteur du capital de la structure.

Cette modalité pourra emprunter différentes formes : une distribution de dividendes, une réduction de capital ou encore une dissolution pure et simple.

La fiscalité propre à ces différents modes opératoires consistera dans de nombreux cas en un frottement global de 30 % (celui du PFU majoré des PS), éventuellement complété de 3 ou 4 % de CEHR. Il pourrait porter, pour peu que les capitaux propres investis initialement aient été modestes, sur des montants semblables dans les trois hypothèses visées.

Dans le cas d’un placement en VMP opéré par l’investisseur via la souscription d’un contrat d’assurance-vie, la performance de celles-ci sera, dans l’hypothèse d’un dénouement du contrat par décès, fiscalisée au taux de 17,2% au seul titre des PS (à l’exception de ceux prélevés au fil de l’eau sur la partie placée en fonds en euros).

Le capital net transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) par le souscripteur s’effectuera moyennant une imposition maximum de 31,25% s’agissant des capitaux versés avant les 70 ans du souscripteur.

Le choix de la pondération à retenir entre ces deux schémas d’investissement relève de paramètres multiples et nécessairement variables d’une situation à une autre. Il peut être facilité par le recours à des modélisations. Ces dernières reposent sur différents postulats lesquels devront parfois être simplifiés.

On se limitera ainsi, dans une première approche, à l’idée d’un investisseur unique transmettant son patrimoine, quelle que soit la forme empruntée par la transmission (succession ou bénéfice d’un contrat d’assurance-vie) à destinataire unique.

Ci-après figure un exemple d’une telle simulation reposant sur les scenarii suivants :

  • Trésorerie disponible dans la société IS : 1 000 000€.
  • Trésorerie externalisée (via une distribution ou une réduction de capital) : 660 000€ (PFU de 12,8% + PS de 17,2% + CEHR au taux de 4 %).
  • Hypothèses de rendement des supports d’investissement :
    • H1 : 3 %,
    • H2 : 6 %,
    • H3 : 9 %.
  • Fiscalité durant la détention :
    • Taux de l’IS : 25%,
    • PS prélevés lors du dénouement du contrat au taux global de 17,2%.
  • Fiscalité de la transmission :
    • Droits de succession : TMI de 45 %,
    • Fiscalité de l’assurance-vie (CGI, art. 990 I) : TMI de 31,25 %.

Remarque :

  • Les taux d’imposition sont retenus pour leur valeur marginale et constante dans le temps

Les graphiques ci-après permettent de visualiser l’impact des données retenues ci-dessus sur l’évolution comparée des deux hypothèses de travail. En abscisse figure le temps qui passe et en ordonnée la valeur des capitaux nets transmis.

 

Hypothèses de rendement :

 

Comme nous pouvons le constater, l’option d’externaliser les fonds de la structure IS pour les investir en assurance-vie s’avère plus pertinente au-delà d’une durée d’investissement de :

  • 45 ans dans l’hypothèse d’un taux de rendement annuel moyen de 3%,
  • 24 ans si ce même taux est de 6%,
  • 16 ans s’il est de 9%.

 

Les différentes observations

  • La solution d’externaliser les capitaux de la holding accuse dans un premier temps un retard significatif par rapport à celle du maintien de cette trésorerie à l’actif de la société.
  • La mise à disposition de revenus complémentaires (via des rachats opérés sur des contrats d’assurance-vie ou via une distribution de dividende initiée à partir d’une structure soumise à l’IS) est un facteur pouvant influer sur le résultat de l’approche modélisée.
  • Les caractéristiques propres à la fiscalité de l’assurance-vie permettent de réduire progressivement le retard lié à la sortir précoce de la trésorerie de la structure holding.
  • L’importance du rendement net de fiscalité avant transmission du placement renforce cette analyse : plus la rentabilité nette est forte, plus le point de convergence des courbes interviendra tôt.
  • La fiscalité relative à la transmission par décès des capitaux placés en assurance-vie joue aussi un rôle. Sous réserve d’avoir investi son épargne avant l’âge de 70 ans, le taux marginal de fiscalité prévu par l’article 990 I du CGI (soit 31,25 %) sera moins élevé dans le contexte de l’assurance-vie que dans le cadre des droits de succession (DMTG au taux marginal de (45 %).
  • L’investissement financier réalisé dans chacun des scénarios étudiés prenant fin, dans notre hypothèse de travail, au décès de l’investisseur, l’espérance de vie de ce dernier est, de fait, un paramètre important de la modélisation.
  • En fonction de la durée de vie moyenne indiquée par les tables de mortalité, le croisement des deux courbes peut donc, en toute probabilité, ne pas avoir lieu du vivant de l’investisseur. Ces dernières sont, par exemple, sensées se rejoindre en N + 45 pour une rentabilité moyenne de 3%, alors que l’espérance de vie, selon l’INSEE d’une personne de 69 ans se limite à 19 ans et 8 mois pour une femme et 16 ans et 2 mois pour un homme.

 

Conclusion

Ces constats nous orientent vers les éléments de conclusion suivants :

  • Eu égard à la volatilité des marchés financiers, il peut parfois s’avérer déraisonnable d’escompter un taux de rendement moyen conséquent sur le long terme.
  • S’agissant d’une personne âgée de moins de 70 ans, l’opportunité d’une sortie des capitaux et un investissement en assurance-vie sera d’autant plus à privilégier que son espérance de vie statistique est longue.

Toutefois, compte tenu de l’instabilité de notre droit fiscal, cette appréciation doit être tempérée.

Il semble en effet clair que la possibilité d’aménagements et autres changements de cap pouvant intervenir sur la période considérée doivent nous inciter à pondérer les conclusions mathématiques obtenues par les simulations.

Ainsi l’idée est ainsi de suivre pour l’essentiel la conclusion démontrée par le calcul. La solution globale devra sans doute, à titre de diversification, laisser une place à la piste alternative étudiée.

 

Auteur

Pascal PREVOT

Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale de Natixis Wealth Management – Intervenant à l’ESBanque lors des sessions de Travaux collaboratifs et Président de jury du Grand Oral

Distribution de dividendes et détention du capital : est-il possible de favoriser un ou des associés ?

Distribution de dividendes et détention du capital : est-il possible de favoriser un ou des associés ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Doit-on nécessairement répartir la distribution de dividendes entre associés proportionnellement à leur participation au capital ? Est-il possible de procéder différemment ?

 

Le principe de la répartition du dividende proportionnellement au pourcentage détenu au capital par chaque associé est souvent pensé par le néophyte comme normal et d’usage, et d’autant plus pour les sociétés patrimoniales.

Il peut être néanmoins intéressant, notamment dans les sociétés familiales, de répartir la distribution de dividendes différemment et de distribuer à un ou des associés une part de dividendes supérieures à son pourcentage de détention au capital.

Dans une SCI familiale par exemple, au capital de laquelle les parents seraient minoritaires et les enfants majoritaires dans une perspective de transmission, les associés peuvent souhaiter que l’essentiel des dividendes reviennent aux parents afin de leur constituer un complément de leur retraite.

La même question se pose concernant la contribution aux pertes. Lorsque la société dégage un résultat négatif, les associés peuvent préférer affecter cette perte à certains associés uniquement qui peuvent en avoir besoin fiscalement pour effacer un bénéfice de même nature.

Le Code civil établissant le principe de proportionnalité par rapport aux apports donc à la détention de capital (article 1844-1), est-il possible de déroger à cette règle et de répartir les bénéfices distribués ou les pertes différemment ?

Quelle liberté de répartition des dividendes est-elle autorisée par le droit des contrats ?

SOMMAIRE

  • Répartition des dividendes : quelles limites à la liberté contractuelle ?
  • La loi française et les cas de répartition de dividende non proportionnelle au capital social détenu
  • La structuration du patrimoine personnel pour maîtriser la répartition du dividende

Répartition des dividendes : quelles limites à la liberté contractuelle ?

 

Rappelons quelques éléments :

  • Le dividende s’entend une fois le bénéfice net de la société calculé et suite à une décision des associés (en principe par une assemblée générale) statuant sur la distribution de ce bénéfice.
  • L’assemblée générale ordinaire décide de l’usage du bénéfice distribuable, qui peut être réparti entre les réserves facultatives, les dividendes et le report à nouveau.

Le droit des contrats permet une certaine liberté dans l’organisation des statuts et donc dans la répartition du bénéfice. Pour autant cette dernière trouve sa limite dans un article du Code civil qui sanctionne un déséquilibre trop profond.

En effet, l’article 1844-1 du Code civil pose le principe des clauses dites léonines. Il s’agit d’une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les parties permettant à l’une d’entre elles de s’attribuer « la part du lion ». Concrètement il s’agit d’une clause qui procure un avantage disproportionné au profit d’un ou de certains associés au détriment des autres associés.

En effet l’article dispose : « La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire. Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites. »

L’article inscrit donc un principe de proportionnalité pour la rédaction des statuts et y voit une limite dans les clauses léonines. Depuis 1978, définir dans les statuts ou par pacte d’associé des stipulations qui peuvent être léonines aurait comme sanction de rendre la clause en question non écrite. Rappelons qu’avant cette réforme la société était déclarée nulle.

La question s’est posée récemment dans le cas de dispositions prises en assemblée générale de  mettre à la charge des associés minoritaires la totalité des pertes dans une société dite semi-transparente (société à l’impôt sur le revenu, relevant de l’article 8 du CGI).

De jurisprudence constante, les droits dans la société sont ceux qui résultent des statuts, sauf dans le cas où un acte ou une convention passée avant la clôture de l’exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les résultats sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application des statuts.

Dans le cas d’espèce, le capital social d’une SCI familiale est détenu par les parents à hauteur de 0,5% chacun, les 99% restants étant répartis entre les trois enfants. La SCI a réalisé des pertes importantes au cours des exercices précédents. Au travers de trois assemblées générales tenues avant le 31 décembre de chacune de ces années, les associés ont décidé d’attribuer la totalité des pertes de l’exercice aux parents, qui ont donc déduit les déficits fonciers correspondants (les associés personnes physiques étant imposés au titre de leurs revenus).

Le Conseil d’Etat (8ème – 3ème chambres réunies, 18/10/2022, 462497), confirmant l’arrêt de la Cour administrative d’appel, a jugé que des assemblées générales ne constituaient pas des clauses léonines, car elle ne dérogeait que de manière ponctuelle au pacte social. Voici ainsi déroulé une approche assez souple de la notion de clauses léonines.

Cette décision, si elle peut se comprendre sous l’angle de l’aspect ponctuel et sur une approche contractuelle, peut étonner par l’optimisation fiscale qu’elle peut conférer. Il n’est pas évident qu’actuellement cette même affaire n’aurait pas pu relever d’une qualification d’abus de droit à but principalement fiscal pour l’administration (dispositif qui n’existe que depuis 2019 pour les actes à compter de 1er janvier 2020).

Porté par le sujet principal de la liberté contractuelle dans le droit des contrats, c’est le trop fort déséquilibre, la protection des parties et l’éthique du droit des contrats qui semble avoir guidé l’article et sa réforme.

La haute juridiction a ainsi conforté une possibilité de répartition du dividende ponctuellement très déséquilibrée. Cette situation ne serait pas en conflit avec la précision de l’alinéa 2 de ce même article 1844-1 du Code civil, qui qualifie de clause léonine le fait de mettre à la charge d’un associé l’ensemble des pertes, dans la mesure où cette répartition déséquilibrée n’est pas inscrite de manière pérenne dans les statuts mais provient d’un acte ou d’une décision ponctuelle.

La jurisprudence ouvre ainsi une possibilité de répartition du dividende non proportionnelle à la détention capitalistique. La modulation de la répartition des dividendes peut également trouver sa source dans la loi ou dans le recours à une structuration spécifique du mode de détention.

 

La loi française et les cas de répartition de dividende non proportionnelle au capital social détenu

 

La loi française envisage spécifiquement les situations dans lesquelles la répartition du dividende n’est pas nécessairement proportionnelle à la participation au capital. Il s’agit :

  • des cas de dissociation de la pleine propriété lorsque les parts ou actions sont en démembrement par exemple (article 578 du Code civil).
  • de certaines catégories de titres, selon le type de sociétés, offrant à leur détenteur des avantages particuliers (telles que les actions de préférence par exemple). Le Code de commerce (L228-11 et suivants) prévoit les actions de préférence dans le cadre des sociétés par actions (SA (Société Anonyme), SAS (Société par Actions Simplifiée, SCA (Société en Commandite par Actions)). Une action de préférence est une action octroyant un avantage particulier ou des privilèges particuliers à son détenteur vis-à-vis d’une action ordinaire. Elle peut comporter par exemple un double droit de vote, ou des droits financiers multiples.

 

La structuration du patrimoine personnel pour maîtriser la répartition du dividende.

 

Comme nous l’avons vu précédemment, sauf clause contraire des statuts, chaque titre de société donne droit à une part proportionnelle de dividende. L’assemblée ne peut donc pas prévoir de façon pérenne une répartition différente. Elle ne pourrait décider ainsi de manière permanente la distribution de dividendes qu’au profit de certains associés et pas d’autres. La jurisprudence du Conseil d’État vu supra ne l’a en effet autorisé qu’au regard d’un caractère ponctuel.

Afin de pouvoir donner plus de souplesse à la répartition du dividende, il est possible de recourir à une structuration sociétaire par l’intermédiaire de société holding.

Certains  associés peuvent ainsi constituer une structure personnelle, dite holding, détenant tout ou partie de leur participation au capital de la société distributrice.

Depuis la possibilité de constitution de SPFPL (Société de Participation Financière de Professions Libérales) par la loi MURCEF de 2001, ce type de structuration s’est notamment développé auprès des professions libérales, pour de multiples raisons mais qui peuvent tenir à la question de la distribution.

 

Exemple de schéma de structuration sociétaire :

Le principe est le suivant :

Chaque associé détient sa participation dans la société distributrice par l’intermédiaire d’une société Holding personnelle.

La société filiale par décision d’assemblée générale distribue à chaque associé, donc à chaque holding. C’est alors au niveau du ou des associés de la holding que le choix de la distribution ou de la conservation dans la structure peut s’opérer.

D’un point de vue pratique, les sociétés holdings sont souvent unipersonnelles et chaque associé personne physique des holdings peut ainsi, au niveau de sa propre structure, maitriser son imposition en décidant ou non la distribution, sous les réserves légales et fiscales.

Dans ce cadre, au niveau de la société distributrice, la notion de répartition du dividende s’effectue bien de manière proportionnelle à la détention de son capital. On ne s’inscrit donc pas dans une répartition inégale.

C’est alors le mode de détention par une personne morale, c’est-à-dire par chaque société holding,  qui confère une souplesse dans la répartition finale de la distribution au profit de la personne physique.

Chaque associé peut décider seul si sa société Holding personnelle lui distribue des dividendes ou au contraire les conserve. Sa stratégie de distribution peut alors être menée librement et indépendamment des autres associés, sous condition bien entendu que la société distributrice ait décidé en assemblée générale de la distribution de tout ou partie de ses bénéfices.

 

Attention :

Ces structurations de patrimoine dans un cadre sociétaire et de détentions multiples de société devront être analysées aux regards :

 

L’accompagnement d’un conseil qualifié (avocat notaire ou expert-comptable) est indispensable à l’étude et la mise en place de ces stratégies.

Dans cet esprit, rappelons que le Conseil d’État a notamment considéré en 2020 que des objectifs de gouvernance et de préservation d’indépendance pouvaient justifier la création de la société holding, et que l’administration fiscale ne pouvait exiger la justification que la constitution de la société holding aurait, seule, permis d’atteindre l’objectif économique recherché (arrêts n°4184521 et 4293931 CE du 19 juin 2020).

 

 

Les nombreuses possibilités, tant quant à la nature des droits, qu’aux avantages particuliers de certains titres, laissent de beaux jours à la liberté contractuelle dans l’organisation de la distribution des dividendes.

La répartition de la distribution des dividendes et son organisation constituent ainsi de véritables outils patrimoniaux. Cette réflexion doit alors faire partie d’une véritable stratégie patrimoniale, notamment lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre familial. Le recours aux professionnels du conseil reste ici indispensable afin d’éviter toute prise de risque juridique ou fiscal dans l’élaboration de ces stratégies.

 

Auteur

Sabine Petitgirard

Juriste Fiscaliste en Banque privée, Intervenante-formatrice à l’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine (diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine).

La tontine : un principe ancien mais un outil patrimonial d’actualité

La tontine : un principe ancien mais un outil patrimonial d’actualité

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

En quoi consiste la tontine ? Quels sont les principes de ce placement, sa fiscalité et son intérêt ? Le point sur cet outil patrimonial ancien mais qui n’a rien perdu de sa pertinence.

 

Dans un monde où la nouveauté se veut trop souvent la réponse à des problématiques complexes, en matière patrimoniale comme dans d’autres contextes, la tontine financière permet de donner de la valeur au temps et peut constituer une réponse pertinente à un environnement financier et patrimonial structurellement instable.

Il faut remonter à 1653 pour trouver les origines de la tontine. C’est en effet sous le règne du jeune roi Louis XIV que Lorenzo Tonti propose une solution originale pour faire face aux difficultés financières que traversait le Royaume de France. Lorenzo Tonti s’inspire alors de l’assurance dotale, qui permettait de financer les dotes de mariage au 15ème et au 16ème siècle en Italie.

Le principe de la tontine était né et la 1ère tontine fut lancée en 1689. Au 19 siècle, en 1841 et 1846, 22 sociétés d’assurance sur la vie à forme tontinière furent créées. Aujourd’hui, elles sont plus rares et on compte en France principalement un groupe spécialisé, Le Conservateur, fondé en 1844.

La tontine repose sur un principe juridique particulier, l’aléa viager et sur une gestion financière spécifique. Par ses caractéristiques, elle constitue un outil patrimonial pertinent dans de nombreuses situations patrimoniales. Explications !

SOMMAIRE

  • Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité
  • Gestion financière de la Tontine
  • Quelques applications patrimoniales de la tontine

 

Tontine : fonctionnement juridique et fiscalité

La tontine est une association collective d’épargne basée sur l’aléa viager. Sa fiscalité est différente pour les sorties en cas de vie ou en cas de décès.

 

Qu’est-ce que la tontine ?

Juridiquement, La tontine est une association collective d’épargne viagère et est encadrée par les articles R322-139 et suivants du code des assurances.

Dans la pratique la tontine réunit des épargnants qui investissent des fonds en commun pour une durée de 10 à 25 ans. En effet la durée minimale d’adhésion à une tontine est de 10 ans et la durée maximale est de 25 ans.

Un épargnant peut ainsi :

  • adhérer à une tontine l’année de sa création et pour une durée de 25 ans
  • ou bien adhérer à une tontine préexistante et cela pour une durée minimale de 10 ans.

Les fonds placés en tontine sont indisponibles jusqu’à la date de terme choisie librement par l’adhérent.

Au terme de la tontine, les fonds investis augmentés des produits, bénéfices et intérêts sont répartis entre les bénéficiaires des assurés survivants. On retrouve donc dans cet aléa viager le principe originel de la tontine lié à la clause d’accroissement et qui avait porté le concept de l’assurance dotale.

Dans la plupart des cas, l’aléa viager lié à la mécanique même de la tontine est corrigé par l’adhésion facultative à un contrat d’assurance décès qui, en cas de décès (ou d’invalidité), permet de verser le capital assuré aux bénéficiaires désignés au contrat.

Ainsi il est courant de voir deux opérations concomitantes :

  • l’opération d’épargne liée à proprement parler à l’adhésion à la tontine (opération en cas de vie)
  • et une seconde opération facultative, celle de prévoyance par couverture décès (opération en cas de décès).

 

Principe en cas de vie au terme :

 

Principe en cas de décès durant l’adhésion :

Source : Le Conservateur

Dans un schéma de tontine avec assurance décès associée, il est important de souligner qu’il existe plusieurs personnes parties prenantes dans l’opération :

  • L’adhérent : le payeur de la prime d’épargne versée à la tontine
  • L’assuré : la personne physique sur laquelle porte l’aléa de décès
  • Le bénéficiaire en cas de vie : usuellement il s’agit de l’adhérent (devenu sociétaire) afin d’éviter toute libéralité
  • Le/les bénéficiaire(s) en cas de décès : le ou les bénéficiaires des capitaux assurés en cas de décès de l’assuré.

Contrairement à la plupart des opérations d’épargne financière et en particulier à l’assurance-vie, il est possible de dissocier l’adhérent et l’assuré. Cette faculté de dissociation permet d’augmenter considérablement les potentialités de structuration juridique des stratégies patrimoniales.

 

Quelle est la fiscalité de la tontine ?

Du point de vue fiscal, la tontine est régie par les règles de l’article 125-0 A du CGI (fiscalité des enveloppes de capitalisation).

Elle bénéficie donc du même traitement fiscal en cas de vie que l’assurance-vie sur les produits générés c’est-à-dire la fiscalité de la Flat Tax :

  • 12,8% après abattement de 4600 € pour un célibataire ou de 9200 € pour un couple au titre de l’IR (la durée minimale de la tontine étant de 10 ans)
  • et 17,2 % pour les prélèvements sociaux. Les prélèvements sociaux sont prélevés au terme faisant ainsi de la tontine une opération d’épargne neutre fiscalement pendant sa durée.

Au titre de la fiscalité du patrimoine, la tontine était exonérée d’ISF et demeure exonérée d’IFI en raison de la nature des actifs dans lesquels elle investit, exempts d’IFI.

Concernant la fiscalité en cas de décès, les éventuels capitaux transmis en cas de décès de l’assuré dans le cadre du contrat de prévoyance décès/PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) sont exonérés sous réserve du montant de la dernière prime versée au titre de l’assurance décès, taxable dans le cadre de l’article 990 I du CGI (hors cas de dissociation adhérent / assuré et pour un assuré âgé de moins de 70 ans).

 

Autres caractéristiques juridiques importantes de la tontine :

La tontine est insaisissable. Vis-à-vis des créanciers du sociétaire, tant que la tontine n’est pas arrivée à son terme, la condition de survie inhérente à la tontine fait obstacle à toute saisie, selon la Cour de cassation (arrêt du 18 novembre 1997).

La tontine est hors du champ d’application de la loi Sapin 2, qui prévoit la possibilité de gel des rachats sur assurance-vie, sous conditions notamment de contexte économique. La Tontine permet ainsi de planifier à des termes fixes un retour à liquidité de son épargne indépendamment de l’aléa que pourrait constituer la loi Sapin 2.

 

Gestion financière de la Tontine

La gestion financière de la tontine repose sur deux principes permettant son optimisation :

  • Une gestion à horizon déterminée: chaque tontine dispose d’une date de terme connue et certaine. Cette date de terme permet aux gestionnaires d’adapter la structure et la nature des placements en fonction de la durée de vie résiduelle de chacune des tontines (25 tontines différentes par exemple au Conservateur). Ainsi une tontine peut être gérée de manière dynamique en privilégiant les actifs les plus rémunérateurs sur longue période (actions, private equity, immobilier, obligations d’entreprises…) au début de l’investissement. Les actifs dynamiques sont progressivement arbitrés vers des placements plus prudents à l’approche du terme afin de sécuriser la performance acquise et ainsi d’éviter les incidents financiers de fin de période.

 

Principe de gestion financière à horizon de la tontine :

Source : Le Conservateur

 

  • Une gestion sans option de liquidité: l’absence de capacité de rachat sur la tontine évite aux gestionnaires de gérer l’option de liquidité et donc de maintenir des liquidités non-investies ou investies à court terme. Cette absence de liquidité intercalaire permet également d’investir avec sérénité dans des actifs de long terme comme le private equity par exemple et permet d’adopter une approche contracyclique des marchés financiers et cela particulièrement lors des périodes de stress.

Ces deux atouts permettent à la tontine d’afficher à la fois une grande régularité dans ses performances mais également un couple rendement / risque qualitatif et cela sur longue période. La tontine est classée dans la catégorie des placements prudents (SRRI (Synthetic Risk and Reward Indicator) 2/7 ou 3/7). Les performances historiques de la tontine affichent ainsi un gain annuel par rapport à l’inflation (taux réel) de l’ordre de +2% à +4%, y compris pour les tontines ayant connu les derniers chocs inflationnistes des années 70/80. Ces rendements ne préjugent bien sûr pas des performances futures.

Source : Le Conservateur

 

 

Quelques applications patrimoniales de la tontine

La tontine se positionne tout d’abord comme un excellent support de diversification tout en bénéficiant d’un couple rendement/risque favorable comme nous l’avons vu.

Cette opération d’épargne constitue une des réponses aux objectifs patrimoniaux datés de manière précise et de long terme. Elle est également une solution lorsque l’absence de liquidité est assumée, voire recherchée.

 

La tontine : une réponse à la préparation de la retraite ou au financement de la dépendance

Face à l’allongement de la durée de vie nécessitant de se constituer une épargne, tant pour la retraite que pour le financement de l’autonomie et la dépendance, les réflexes de gestion de patrimoine doivent évoluer.

Selon l’INSEE, un couple de 50 ans a plus de 50% de probabilité de voir le dernier vivant dépasser les 100 ans.  Ces éléments poussent logiquement les épargnants ainsi que le législateur (ce fut le cas lors de la création du PER (Plan d’Épargne retraite)) à favoriser les dispositifs d’épargne de long terme.

Dans ce cadre, la tontine répond à un double besoin :

  • planifier des flux futurs à termes connus
  • tout en libérant l’épargnant de la gestion des sommes grâce à une gestion déléguée (en prévision notamment de la possibilité d’une dégradation des capacités cognitives).

Avec un capital constitué, lié par exemple à un arbitrage patrimonial (cession immobilière, vente d’actifs professionnels…), il est possible de décomposer les sommes que l’on souhaite affecter à une stratégie retraite ou dépendance sur différentes tontines, à échéances successives dites « en cascade » (sur 15 ans dans notre exemple).

Les 150 000 € de notre illustration sont ainsi investis par tranche de 10 000 € dans 15 tontines différentes, la première arrivant à échéance dans 10 ans, la plus lointaine dans 25 ans. A compter de la 10ème année, il y aura un retour progressif à la liquidité de l’épargne investie, les plus-values sur les différentes tontines bénéficiant chacune des abattements de 4600€/9200€ (selon les règles fiscales en vigueur).

 

Placement en tontines sur des échéances successives dites « en cascade » :

Source : Le Conservateur

 

 

Au-delà de la création de revenus complémentaires, il est également possible d’adapter, dans un souhait de préparation de la transmission, des clauses bénéficiaires différentes en cas de décès pour chacun des couples tontine/assurance décès.

 

La tontine : un outil pour maîtriser la transmission de patrimoine de son vivant

La transmission du vivant par la mécanique des donations est un thème autour duquel les économistes et le législateur travaillent régulièrement (rapport Tirole-Blanchard par exemple). Mais l’objectif du rajeunissement de la détention du patrimoine se heurte régulièrement à des freins comportementaux de la part des épargnants.

A titre d’illustration, chaque grand-parent peut donner à chaque petit-enfant 31 865€ en toute franchise de droits et cela tous les 15 ans. Mais bien souvent les grands-parents craignent que les sommes qu’ils pourraient transmettre à leurs petits-enfants ne soient dépensées de manière inopportune, dès que le petit-enfant sera majeur.

S’ajoute également le risque qu’en cas de divorce des parents du petit-enfant, l’ex-conjoint ne gère de manière inadaptée les sommes données.

La tontine peut permettre de sécuriser l’acte de donation du vivant du fait de l’indisponibilité, ici recherchée, des sommes données.

Au-delà de ses vertus financières, la tontine, associée à une donation, est un formidable outil permettant de transmettre des capitaux à ses enfants ou à ses petits-enfants, parfois mineurs, tout en planifiant dans le temps la disponibilité des sommes.

Cette stratégie consiste en un don manuel avec la charge pour le donataire d’investir en tontine sur une durée déterminée.

Complémentaire à l’assurance vie, qui demeure un excellent vecteur de transmission au décès de celui qui transmet, cette solution a de nombreux atouts :

  • sur le plan fiscal, les sommes sont souvent données en franchise de droits de donation car dans la limite des abattements légaux applicables (100 000 € parent/enfant et 31 825 € grand-parent/petit-enfant auxquels peuvent s’ajouter, sous condition d’achat, les dons spécifiques de sommes d’argent) qui pourront se reconstituer pour permettre de transmettre à nouveau sans droits (Pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, les abattements se renouvellent tous 15 ans, selon la réglementation actuelle).
  • sur le plan financier, cette période d’indisponibilité est une opportunité pour que les sommes se valorisent dans le temps, dans le cadre de la tontine
  • enfin, le donateur choisit la durée de placement pour la faire correspondre avec l’âge jugé approprié pour que le donataire ait la pleine disponibilité des sommes. En pratique, cela peut correspondre à la majorité de l’enfant, la fin de ses études, l’acquisition d’une résidence principale … Il est possible de prévoir également des flux annuels réguliers de revenus pour l’enfant, grâce à la tontine à échéances en cascade.

 

Donation et transmission contrôlée grâce à la tontine :

Source : Le Conservateur

 

 

La tontine : un support de diversification des placements des sociétés patrimoniales

La détention d’entreprise se fait de plus en plus souvent par le biais de sociétés holding. Les stratégies dites « d’encapsulement » conduisent également assez souvent à conserver une part importante des liquidités au sein de sociétés holding, que ce soit pendant la phase de détention de la société fille (distribution de dividendes) ou dans le cadre d’une cession.

Au-delà des solutions traditionnelles de placement de trésorerie pour les sociétés (sicav monétaire, dépôts à terme, compte-titres…), la tontine est également une réponse qui peut être adaptée à l’horizon long terme des investissements d’une société holding patrimoniale.

Dans ce cas, c’est bien la personne morale qui est l’adhérent de la tontine. De la même manière, c’est bien la personne morale qui en sera bénéficiaire à son échéance.

En revanche, une personne morale ne pouvant être assurée dans le cadre d’une opération sur la vie, il faut obligatoirement que l’aléa viager propre à la tontine repose sur une personne physique. Dans ce cas, l’assuré sera le chef d’entreprise ou un membre de son cercle familial proche.  

Dernière spécificité liée à l’adhésion à une tontine par une personne morale, l’assurance décès devient obligatoire afin d’éviter tout acte anormal de gestion en cas de décès de l’assuré. En cas de vie ou en cas de décès, à minima les capitaux assurés réintègreront les disponibilités de la personne morale.

 

 

Forte de ses particularités, la tontine se révèle être un outil patrimonial original et complémentaire aux solutions d’investissement plus traditionnelles.

Alliée à l’assurance-vie et au PER au sein d’une stratégie retraite, dans le cadre de donations pour une préparation de la transmission, ou encore en diversification pour la gestion de la trésorerie de société patrimoniale, la tontine intègre à sa juste place l’ensemble des stratégies patrimoniales.

 

Auteur

Hélène Collomb

Hélène Collomb est Ingénieur patrimonial, Groupe Le Conservateur, intervenante pour l’ESBanque

L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal

L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal

Temps de lecture estimé : 11 min

Le schéma d’apport-cession est régulièrement utilisé par les dirigeants d’entreprise préalablement à une opération de cession des titres, ou parts sociales, de l’entreprise ou d’une opération capitalistique touchant au « haut du bilan » de la société pour en réduire l’impact fiscal.
Le chef d’entreprise souhaitant céder ou transmettre sa société peut ainsi réinvestir tout ou partie de ses titres en bénéficiant, sous conditions, d’un report de la plus-value voire d’une exonération en cas de donation.
Il n’en demeure pas moins que cette stratégie mérite une approche globale et circonstanciée et que son intérêt et ses conséquences patrimoniales doivent être clairement identifiées. Explications.

L’opération d’apport-cession présente de nombreux atouts fiscaux pour les détenteurs de titres de sociétés désireux d’investir dans de nouveaux projets et/ou d’organiser la transmission d’une partie de leur patrimoine.  Ce dispositif doit néanmoins faire l’objet d’une véritable stratégie patrimoniale. Les conditions relatives aux modalités de détention, à la gouvernance, à la gestion financière et fiscale du patrimoine après cession et à sa transmission sont tout aussi importantes à analyser que l’optimisation fiscale à laquelle ouvre droit ce dispositif.

L’une des préoccupations essentielles qui va guider la mise en œuvre de cette stratégie réside dans la détermination du juste équilibre entre la perception de capitaux dans le patrimoine privé et le paiement d’une fiscalité sur les plus-values allégée dans une structure à l’IS.

en quoi consiste ce dispositif ?

Le régime de faveur de l’apport-cession répond principalement à une logique de redéploiement professionnel dans un cadre fiscal avantageux : le chef d’entreprise peut ainsi réinvestir dans une ou plusieurs activités économiques un produit de cession plus conséquent, puisque non constitutif du paiement d’un impôt de plus-value (lorsque l’opération d’apport est concomitante à la cession des titres).

Le dispositif de l’apport-cession est codifié à l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération consiste pour le dirigeant détenteur des titres à apporter préalablement à la cession tout ou partie de ses titres à une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés généralement constituée à cet effet.

La cession des titres apportés est alors réalisée dans un second temps par la société holding détentrice des droits sociaux reçus lors de l’apport.

L’apport de titres doit être réalisé en France (ou un État membre de l’Union européenne, ou ayant signé avec la France une convention fiscale de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale).

En cas de paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, celle-ci ne doit pas excéder 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange afin de pouvoir bénéficier du régime de report.

le contrôle de la société bénéficiaire de l’apport des titres

La loi prévoit la mise en report de la plus-value réalisée sur les titres apportés lorsque l’apporteur contrôle la société bénéficiaire de l’apport. L’apporteur est considéré comme contrôlant la société si :

  • Il détient, directement ou indirectement, avec son conjoint, leurs ascendants, descendants, frères et sœurs, la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux,
  • Lorsqu’un accord conclu avec d’autres associés lui permet de disposer de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux,
  • Il exerce en fait le pouvoir de décision.

Pour l’appréciation de cette dernière condition, on présume l’exercice du contrôle de la société bénéficiaire de l’apport lorsque le contribuable détient, directement ou indirectement, une part des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’il n’existe aucune autre participation d’un associé supérieure à la sienne (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10-20191220).

le mécanisme du report d’imposition

L’apport des titres déclenche, par principe, la taxation de la plus-value latente constatée sur les titres apportés. Toutefois, lorsque la société holding est contrôlée par l’apporteur, ce dernier bénéficie automatiquement d’un report d’imposition de la plus-value d’apport (article 150-0 B ter du CGI).

Le report d’imposition

Le report d’imposition consécutif à un apport de titres est constitutif d’un évènement de plus-value et engendre la déclaration d’une plus-value à la date de l’apport (appelée « plus-value d’apport ») mais avec une imposition différée dans le temps.
L’assiette de plus-value et les conditions d’imposition de la plus-value d’apport sont constatées et cristallisées en application des règles en vigueur au jour de l’opération d’apport, seul son paiement étant différé dans le temps.

Le report d’imposition (en faveur du dirigeant de l’entreprise) permet donc d’éviter un paiement immédiat d’un impôt de plus-value, en l’absence de perception d’un produit de cession.

 

les conditions du maintien du report d’imposition

Les évènements susceptibles de mettre fin au régime du report

  • La cession à titre onéreux, le rachat, ou l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport (titres de la holding bénéficiaire de l’apport)
  • La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des parts, ou droits, dans les sociétés interposées
  • Le transfert du domicile fiscal hors de France
  • La cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres apportés, si cet évènement intervient dans un délai de 3 ans à compter de l’apport des titres et si moins de 60% du produit sont réinvestis dans une activité économique dans un délai de 2 ans

Précisions concernant les modalités de remploi du produit de cession

Dans l’hypothèse où la cession des titres apportés a lieu dans les 3 ans à compter de l’apport, le report d’imposition est maintenu à condition que la société holding réinvestisse, dans un délai de 2 ans, au moins 60% du produit reçu en contrepartie dans une activité économique éligible qui peut être :

  • le réinvestissement dans le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière,
  • le réinvestissement dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une société exerçant une activité économique éligible et qui a pour effet de conférer à la société holding le contrôle de la société émettrice,
  • le réinvestissement dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés,
  • et/ou la souscription de parts de certains fonds de capital investissement ayant vocation à investir dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FPCI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque), SLP (Société de Libre Partenariat) ainsi que leurs équivalents européens).

Les fonds de capital investissement dans le cadre d’un apportcession

Les fonds de capital investissement tels que les FCPR, FCPI, SCR, SLP et leurs équivalents européens sont éligibles aux activités économiques ne remettant pas en cause l’apport-cession à condition que leur actif soit constitué à hauteur de 75 % par des parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions en numéraire au capital initial, ou à l’augmentation de capital, de sociétés opérationnelles ou par des parts ou actions émises par de telles sociétés lorsque leur acquisition en confère le contrôle à hauteur de 50 % (2/3 des 75 %) des titres de sociétés non cotées. Ces quotas doivent être atteints à l’expiration d’un délai de 5 ans suivant la souscription.

La loi de Finances pour 2020 a récemment aménagé ce dispositif concernant les fonds de réinvestissement en rendant plus flexible les conditions de libération des fonds. L’objectif est de tenir compte de la pratique des fonds d’investissements qui appellent progressivement les sommes que les investisseurs se sont engagés à libérer.

En effet, pour les cessions de titres apportés réalisées à compter du 1er janvier 2020, seule la souscription du support est prise en compte et doit intervenir dans les 2 ans de la cession, quelles que soient les dates de libération successives des fonds, à condition qu’elles interviennent dans un délai de 5 ans suivant la souscription.

En synthèse

Deux délais sont donc à respecter par les fonds :

  • Investir dans des activités éligibles dans un délai de 5 ans suivant la souscription.
  • Appeler les sommes auprès des souscripteurs et libérer ainsi le capital investi dans un délai de 5 ans suivant la souscription.

Pour l’investisseur, seule la date de souscription au fonds compte et doit donc intervenir dans les 2 ans suivant la cession des titres apportés. Le délai de libération des fonds étant de 5 ans, l’investisseur dispose donc d’un délai global de 7 ans entre la cession des titres apportés et la dernière opération de libération des fonds pour réinvestissement.

Cette évolution du régime met en adéquation le dispositif d’apport-cession au fonctionnement réel de l’activité du capital-investissement. Cela permet de renforcer l’attractivité et l’intérêt du mécanisme.

Cet élargissement du régime permet au dirigeant d’entreprise qui souhaite remployer le produit de cession dans un fonds, de déléguer le choix des investissements à un ou des gestionnaire(s) professionnel(s) diversifiant les secteurs d’investissement potentiels (hôtellerie, immobilier, capital développement, etc).
De cette manière, le dirigeant peut diluer son risque d’investisseur.

Ces fonds peuvent avoir un double objectif :

  • Capitaliser les gains et les plus-values
  • Percevoir des revenus sous forme de dividendes générés par ces placements.

illustrations du schema d’apport de titres

  • Schéma d’apport puis cession des titres dans les 3 ans à compter de l’apport
  • Schéma d’apport puis cession des titres plus de 3 ans à compter de l’apport

combinaison avec la transmission à titre gratuit

intérêt de la donation des titres reçus en échange de l’apport

La transmission à titre gratuit des titres de la holding reçus en échange de l’apport ne remet pas en cause le régime d’apportcession et n’emporte pas sa déchéance sous le respect de certaines conditions. Cette transmission a également pour effet de « purger » définitivement la plus-value des titres apportées mise en report.

Pour cela, le ou les donataire(s) doivent conserver les titres reçus pendant 5 ans, pour les donations réalisées à compter du 1er janvier 2020 (Loi 2019-1479 du 28-12-2019 art. 106).
Pour les transmissions réalisées avant cette date, le délai de conservation des titres par le donataire est fixé à 18 mois.

A contrario, en cas de cession, d’apport, de remboursement ou d’annulation des titres reçus par le donataire dans ce délai de 5 ans à compter de leur acquisition à titre gratuit, la plus-value en report sera imposée au nom du donataire dans les conditions prévues à l’article 150-0 A du CGI (sauf en cas de licenciement, d’invalidité ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire de Pacs soumis à une imposition commune ).

Attention : ce délai de conservation est porté à 10 ans lorsque les titres apportés ont été cédés par la société bénéficiaire et font l’objet d’un réinvestissement indirect (pour mémoire des parts de FCPR, FPCI, etc…).

intérêt des techniques d’optimisation de la donation

L’intérêt de la transmission à titre gratuit des titres de la holding est également accru par les techniques d’optimisation patrimoniale utilisées en terme de donation : la mise en commun des titres de la société holding (via la création d’une société d’acquêts par exemple), et/ou encore la donation-partage des parts avec réserve d’usufruit (avec réversibilité de celui-ci au profit du conjoint survivant) aux enfants.

Il sera possible également de recourir, sous conditions, au régime du pacte Dutreil afin de réduire de 75 % la base imposable des titres donnés.

Combinaison du dispositif avec la mise en place d’un pacte Dutreil

Sous réserve de l’application de conditions d’engagement de conservation et d’exercice d’une fonction de direction, les titres d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, agricole, artisanale ou libérale, peut être exonérée de droits de mutation en cas de transmission à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur.

Pour rappel, l’exonération s’applique également dans le cas des sociétés dites interposées et jusqu’à un double degré d’interposition, c’est à dire lorsque la société détenue directement par le dirigeant (holding) possède une participation dans une société qui détient elle-même les titres de la société faisant l’objet de l’engagement de conservation et ayant donc l’activité éligible (Article 787 b 3 alinéa du CGI).

La situation de remploi du régime apport-cession dans laquelle la société holding détient une participation dans une société ayant une activité opérationnelle entre donc dans ce dispositif.

Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenue par le dirigeant, « dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet d’un engagement de conservation ».

Cette stratégie peut se révéler particulièrement efficace en cas de donation des droits sociaux de la société holding à la suite du remploi au sein d’une activité économique éligible.

La combinaison de différents mécanismes civils propres aux donations comme le démembrement de propriété et à la holding (statuts aménageant les pouvoirs, pacte d’associé) permettra également d’anticiper et d’organiser la transmission du patrimoine du dirigeant tout en continuant à conserver la maitrise sur la gestion du patrimoine familial.

Il faudra néanmoins rester prudent en conservant l’intention libérale nécessaire à l’acte de donation et en recherchant en priorité un objectif patrimonial à ces opérations afin d’éviter tout risque de requalification de l’opération et d’abus de droit.

Sur le long terme, cette détention autorisera :

  • la conservation d’une stratégie unifiée pour l’ensemble de la famille,
  • la maîtrise des investissements (dossiers de private-equity …) dans des projets professionnels aux côtés des enfants
  • la capacité d’associer les enfants et pour eux l’avantage de bénéficier de l’accompagnement et de l’expérience de leurs parents en matière de gestion du groupe familial, tout en conservant l’esprit fondateur souhaité par les parent

quelles dimensions stratégiques du dispositif dans la vie patrimoniale du dirigeant d’entreprise

La mise en place du schéma de ce dispositif d’apport-cession de titres préalablement à leur cession induit une organisation patrimoniale spécifique pour le dirigeant et sa famille.

Une fois réalisées ces opérations, le patrimoine sera détenu :

  • En direct pour les titres conservés à titre personnel et cédés directement à l’acquéreur.Cette partie du patrimoine après cession pourra être investie librement et relèvera du régime d’imposition des personnes physiques (IR ou PFU (Prélèvement Fiscal Unique) sur les revenus et plus-values de cession mobilière, CSG, CRDS et prélèvements sociaux et éventuellement contribution sur les hauts revenus (CEHR).

    Il sera possible d’utiliser pour cette partie du patrimoine détenue en direct des enveloppes de capitalisation telles l’assurance-vie, les contrats de capitalisation, le PEA et PEA-PME pour réduire l’imposition sur les plus-values et les revenus.
    L’assurance-vie permettra également de réduire l’imposition successorale.

  • Au sein d’une société holding à l’IS au sein de laquelle les règles d’investissement sont plus contraignantes du fait des conditions de réinvestissement du régime d’apport-cession et relevant du régime de l’IS.

    En cas de perception de revenus de la holding, la fiscalité de la perception des dividendes (IR ou PFU) sera également due, ce qui amène souvent à ne pas envisager de distribution et à privilégier une stratégie de capitalisation pour la holding.

    La holding à l’IS permet néanmoins de bénéficier, sous conditions, du régime mère-fille pour la perception de dividendes des filiales (remontée des dividendes à la holding en franchise d’impôt sur les sociétés à l’exception d’une quote-part pour frais et charges de 5 % du montant brut des dividendes).
    La holding à l’IS permet également de bénéficier en cas de cession de filiale, et sous conditions, du régime des plus-values à long terme de titres de participation (plus-value exonérée à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 12 %.

En savoir plus :

Avant de décider d’une telle organisation patrimoniale, de nombreuses questions méritent d’être investiguées par le dirigeant préalablement à la création de la société holding soumise à l’IS :

  • Quels sont les projets professionnels et privés à l’issue de l’opération de cession des titres ?
  • Quelle volumétrie de titres est-il opportun d’apporter à la société holding et/ou de conserver en direct ?
  • A quel moment doit-il réaliser cet apport ? Concomitamment à la cession ou par anticipation afin d’échapper à l’obligation de remploi dans une activité économique éligible (c’est-à-dire au-delà d’un délai de 3 ans à compte de la date d’apport).
  • Comment aménager les revenus futurs (les flux) et la transmission des actifs (le stock) ?

Globalement, le dirigeant se doit de modéliser l’organisation de son patrimoine pour les années futures et arbitrer entre :

  • la liberté d’investissement et la perception de revenus plus faiblement imposés au sein de la sphère du patrimoine privé
  • des investissements économiques et la capitalisation des gains et plus-values au sein de la société holding

Cette organisation patrimoniale présente néanmoins de nombreux atouts :

  • Anticiper la transmission des actifs professionnels et la cession progressive des actions
  • Créer un véhicule d’investissement familial sous forme sociétaire permettant par une rédaction des statuts adaptée de définir les conditions juridiques de la vie sociale (règles de gouvernance, clauses relatives à l’entrée au capital, etc…)
  • Diversifier les vecteurs d’investissement : accessibilité à l’ensemble des classes d’actifs
  • Organiser et planifier la transmission des parts de la société holding en dissociant l’avoir du pouvoir : donation titres / démembrement de propriété
  • Réduire l’imposition liée à la cession des actions

Nous le constatons, ce modèle de détention et de gouvernance du patrimoine global nécessite avant tout d’être anticipé par le dirigeant.

Les conséquences de sa mise en œuvre vont en effet bien au-delà d’une simple optimisation fiscale liée à la cession des titres de l’entreprise. La combinaison du schéma avec une ingénierie juridique et des régimes fiscaux de faveur permettra d’aboutir à une organisation financière et familiale harmonisées. Le rôle et l’accompagnement du conseil patrimonial sont ici essentiels.

 

Auteur
Nicolas BERARD
Intervenant-Formateur au CESB-CGP – Ingénieur Patrimonial Banque Privée Caisse d’Epargne Ile-de-France

Apport-donation de titres : quelle stratégie en 2020 ?

Apport-donation de titres : quelle stratégie en 2020 ?

Temps de lecture estimé : 9 min

La Loi de Finances 2020 modifie les conditions d’apport-donation de titres à une holding. Cette opération s’inscrit dorénavant dans une stratégie plus longue, dédiée à une véritable transmission familiale de l’entreprise. Explications.

L’apport de titres à une holding patrimoniale, suivi de la donation des titres reçus en échange, est un schéma fréquemment utilisé pour optimiser la transmission d’entreprise. On dit communément qu’il permet de « purger » la plus-value en report.

Jusqu’en 2020, les donataires contrôlant la holding devaient respecter un délai de 18 mois après la donation s’ils souhaitaient céder les titres reçus, pour ne pas remettre en cause la plus-value en report et l’exonérer définitivement.

La Loi de Finances 2020 rallonge ce délai à 5 ans, voire 10 ans dans certains cas, modifiant les perspectives d’utilisation de cette stratégie.

qu’est-ce que l’apport-donation de titres ?

Cette opération se réalise en deux étapes.

 

Apport-cession :

Si le donataire contrôle la Holding

Le report de plus-value est transféré sur sa tête.

Plus-value d’apport exonérée en cas de cession ou rachat si les délais de détention (18 mois pour les donations avant le 01/01/2020 et 5 ans ou 10 ans (*) pour les donations depuis le 01/01/2020) sont respectés.

Si le donataire ne contrôle pas la Holding

La plus-value d’apport est exonérée.

(*) Délai de 10 ans en cas de réinvestissement de la holding dans des parts de fonds commun de placements à risque (de capital-risque …. voir Article 150-O B Ter I 2 d du CGI) suite à une cession des titres apportés.

l’apport de titres de la société d’exploitation à une holding et la mise en report de la plus-value

Lorsque l’on apporte les titres d’une société d’exploitation à une société holding, la plus-value sur les titres apportés devrait en toute logique être imposable, l’apport étant considéré comme une mutation à titre onéreux.

Afin de favoriser la constitution de groupes de sociétés et leur gestion, le législateur a depuis longtemps permis un report ou un sursis, selon le cas, d’imposition de cette plus-value.

Le régime en vigueur depuis le 14 novembre 2012 (article 150-O B Ter CGI) prévoit un report d’imposition de la plus-value si l’apporteur des parts contrôle la holding bénéficiaire de l’apport.

L’apport déclenche le calcul de l’imposition due sur la plus-value mais son paiement sera exigible ultérieurement :

  • Lors de la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des parts de la holding reçues en échange de l’apport.
  • Lors de la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres apportés à la holding si cette opération intervient moins de 3 ans après l’apport.

    Le report n’est cependant pas remis en cause si la holding réinvestit au moins 60 % du prix de cession des titres dans un délai de 2 ans dans le financement d’activités opérationnelles (industrielles, commerciales, artisanales, libérales, agricoles), dans l’acquisition ou la souscription au capital de sociétés opérationnelles et contrôlées ou dans des parts de fonds commun de placement à risque (FCFR), de fonds professionnels de capital-investissement, sociétés de libre participation ou sociétés de capital-risque.

    Les investissements devront être conservés 1 an pour les participations en sociétés et 5 ans pour les parts de fonds.

Nous détaillons ce dispositif dans un précédent article du Blog intitulé « L’apport-cession de titres : un intérêt patrimonial et pas uniquement fiscal ».

la donation des titres de la holding

Dans le processus d’apport-donation, l’entrepreneur va, après l’apport, donner les titres de la holding reçus en échange, en général à ses enfants ou héritiers.

On lit souvent que la donation des titres de la Holding permet alors de purger la plus-value en report qui n’est plus exigible. Cette affirmation est souvent un raccourci qui peut induire en erreur. La plus-value en report ne disparait pas aussi facilement …

Il faut distinguer deux cas (article 150-O B ter II CGI ) :

La Holding n’est pas contrôlée par le donataire :

Le contrôle de la Holding s’apprécie en tenant compte de la participation du donataire au capital après la donation.

Si le donataire ne contrôle pas la holding, la donation des titres a pour effet d’exonérer définitivement le donateur du paiement de l’imposition sur plus-value en report (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60 n° 620).

Le donataire aura de son côté à payer les droits de donation sauf prise en charge par le donateur.

Il est à noter qu’il en est de même en cas de décès de l’apporteur des titres. La plus-value d’apport en report est exonérée.

La Holding est contrôlée par le donataire :

Si le donataire contrôle la holding, le report de plus-value ne disparaît pas.

Il n’est plus exigible auprès du donateur mais il est transféré sur la tête du donataire qui doit mentionner ce report dans sa déclaration annuelle d’impôt sur le revenu.

C’est également au donataire de respecter les conditions fiscales pour ne pas remettre en cause ce report (absence de cession dans les 3 ans de l’apport, le cas échéant réinvestissement à 60 % minimum dans des participations éligibles et respect des durées de conservation).

Il est par ailleurs redevable des droits de donation, sauf prise en charge par le donateur.

En cas de donation avec réserve d’usufruit, seule la nue-propriété des parts de la holding est transmise au donataire.
Si ce dernier contrôle la holding, le report d’imposition sur la fraction de la plus-value correspondant à la nue-propriété des titres transmis lui est transféré. Le donateur ne reste redevable que du report de plus-value sur l’usufruit qu’il conserve sur les titres.

Le transfert du report de la plus-value sur la tête du donataire a fait l’objet en 2019 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ce mécanisme pouvant être considéré comme ne respectant pas l’égalité des contribuables devant l’impôt. Les enfants donataires se retrouvent effectivement redevables d’un impôt sur plus-value (en report certes) alors qu’ils ne sont pas à l’origine du fait générateur (l’opération d’apport) et qu’ils n’ont pas eux-mêmes constaté de plus-value d’apport.

Le Conseil Constitutionnel a jugé ce dispositif constitutionnel par sa décision du 12/04/2019 (n° 2019-775 QPC).

Si le donataire venait à céder ou se faire rembourser les titres de la holding reçus, le report d’imposition tombe et la plus-value d’apport devient exigible sur sa tête puisqu’elle lui a été fiscalement transférée lors de la donation.

Ce dispositif vise à éviter qu’une opération de donation suivie d’une cession permette d’effacer la plus-value en report.

Le législateur a néanmoins prévu un assouplissement : si un certain délai est respecté entre la donation et l’opération de cession, de remboursement ou d’apport des titres de la holding, la plus-value en report n’est pas exigible et définitivement exonérée.

Cette durée minimale de détention entre la donation et la cession était fixée jusqu’alors à 18 mois.

Nouveauté pour les donations réalisées à partir du 1er janvier 2020 : la Loi de Finances 2020 porte ce délai à 5 ans et à 10 ans en cas de réinvestissement de la holding dans des parts de fonds (FCPR…) (article 106 loi n°2019-1479 du 28/12/2019 de Finances pour 2020).

Les commentaires de l’administration fiscale à ce sujet ont été déposés le 18 août dernier dans la base BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques).

En quoi l’allongement de ce délai peut modifier l’application de ce procédé ? Dans quel objectif utiliser l’apport-donation ?

quelle stratégie patrimoniale pour l’apport-donation ?

Fréquemment utilisé pour optimiser la cession d’entreprise, cet allongement des délais de détention inscrit davantage l’apport-donation dans un objectif de transmission familiale.

d’une optimisation de la cession d’entreprise

L’apport-donation est souvent utilisé comme l’aboutissement d’un schéma plus complexe visant à optimiser fiscalement la cession de l’entreprise.

Il ne s’agit alors pas exactement d’un apport-donation mais d’un apport-cession suivi d’une donation des titres de la holding.

Exemple

Monsieur D, entrepreneur, apporte 20 % des titres de sa société d’exploitation E, soumise à l’IS, à une société Holding H à l’IS également, qu’il détient à 100 %.

La plus-value d’apport est mise en report (article 150-O B ter du CGI).

Monsieur D procède à la cession de la société E à un acquéreur qui lui rachète 80 % des titres de E détenus en direct et 20 % des titres de E détenus par la Holding.

Pour ne pas remettre en cause le report de plus-value, la holding procède à des réinvestissements du prix de cession qu’elle a perçu dans des réinvestissements éligibles à hauteur de 60 % minimum et les conserve sur la durée requise.

Cette opération est qualifiée d’apport-cession.

Monsieur D procède ensuite à une donation de ses parts dans la holding à son fils qui la contrôle.

Monsieur D réalise ici un apport-donation. La plus-value d’apport en report est transférée sur son fils car il contrôle la holding.

Le fils de Monsieur D souhaite céder ou se faire rembourser tout ou partie des titres de H.

Il devra attendre la fin du délai de détention requis après la donation (5 ou 10 ans depuis le 01/01/2020) et respecter dans certains cas les délais de conservation des réinvestissements de la holding afin de ne pas remettre en cause le report et purger définitivement la plus-value d’apport.

La donation est dans ce schéma l’ultime opération d’optimisation permettant de « purger » définitivement la plus-value en report, à condition que le donataire contrôlant la holding conserve les titres donnés pendant le délai imparti.

Ce délai relativement court avant la Loi de Finances 2020 (18 mois) permettait aux enfants de céder ou se faire rembourser les titres reçus assez rapidement et ne pas rester très longtemps actionnaires de la holding. Cette opération participe donc à l’optimisation de la cession de l’entreprise.

Attention néanmoins à l’articulation entre la date de l’apport, la date de cession des titres apportés, et la date de la donation :

Dans certains cas, le donataire peut être imposable sur la plus-value d’apport même s’il a respecté le délai de détention après la donation :

  • si la cession des titres apportés à la holding a eu lieu dans les 3 ans de l’apport et avant la donation.
  • si la cession des titres par la holding a eu lieu dans les 3 ans de l’apport et après la donation mais dans le délai de détention requis (18 mois avant le 01/01 2020), 5 ans ou 10 ans pour les donations réalisées depuis le 01/01/2020).
  • Et que dans ces deux cas, les réinvestissements permettant de maintenir le report (article 150-O B ter CGI) ne sont pas réalisés dans les conditions et délais impartis, même si les engagements sont souscrits.

Le donataire pouvait donc avoir à attendre plus de 18 mois avant de procéder à la cession des titres.

Dans les autres cas (cession des titres apportés intervenant dans les 3 ans de l’apport mais après le délai de détention requis pour le donataire ou cession plus de 3 ans après l’apport), le report de plus-value n’est pas remis en cause si le donataire respecte le délai de détention des titres reçus.

Dans ces schémas, l’objectif de l’apport-donation reste la cession de l’entreprise. La donation ne vient que parfaire l’optimisation fiscale de la cession.

vers un véritable objectif de transmission familiale

Si l’objectif est de transmettre des liquidités aux enfants contrôlant la holding, ils ne peuvent plus les obtenir à court terme (18 mois) par une cession ou un rachat de leurs parts, pour les donations réalisées depuis le 1er janvier 2020.

Ils doivent désormais attendre un délai nettement plus long (5 ans ou 10 ans) afin de ne pas remettre en cause le report et d’exonérer définitivement la plus-value d’apport.

La Commission du Sénat explique l’allongement de cette durée comme un moyen d’aligner le délai de détention des titres par le donataire au délai maximal de conservation des réinvestissements nécessaires dans les cas d’apport-cession dans les 3 ans de l’apport.

Mais d’un point de vue pratique, cet allongement du délai de détention fait des enfants donataires de véritables porteurs des titres de la Holding et actionnaires dans la durée. Ils devront nécessairement prendre part à la gestion de la Holding et au suivi de ses investissements qui vont conditionner la valeur de leur part au terme de 5 ou 10 ans s’ils souhaitent vendre.

La Holding devient une véritable holding patrimoniale familiale.

Et si l’apport-donation était utilisé sans aucun objectif de cession mais dans un seul but de transmission familiale de l’entreprise ?

Ainsi, un entrepreneur ayant apporté tout ou partie de ses parts à une Holding dans l’unique dessein de constituer un groupe de sociétés et d’en faciliter la gestion, pourra procéder à une donation du capital de cette holding majoritairement à son fils repreneur de l’entreprise, en transférant le report d’imposition de plus-value d’apport sur sa tête, voire en l’exonérant si son fils respecte le délai de détention de 5 ans.

Le respect de ce délai de détention est ici beaucoup moins contraignant. L’objectif de transmission familiale de l’entreprise s’inscrit à moyen ou long terme et les enfants donataires ont vocation à rester au capital sur une plus longue durée.

Cumul apport-donation et pacte Dutreil

Cet objectif de transmission familiale de l’entreprise peut permettre d’envisager un pacte Dutreil lors de la donation des titres de la Holding. Ce pacte permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur des parts soumises aux droits de donation, une économie significative, sous condition de conservation des titres de 4 ans par les donataires à compter de la fin d’un engagement collectif de 2 ans.

Le cumul apport-donation et pacte Dutreil doit être néanmoins manier avec précaution. Il est nécessaire que l’ensemble des conditions du régime Dutreil puisse être rempli au niveau de la Holding.

Les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2020 ne nous rappelleraient-elles pas tout simplement que l’objectif de l’apport-donation est de favoriser la transmission à titre gratuit de l’entreprise ?

Le rôle du conseiller patrimonial est ici essentiel afin que les schémas appliqués correspondent aux véritables objectifs patrimoniaux recherchés et permettent de les atteindre.

Auteur
Anne Brouard

Formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.