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Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Deux principaux schémas patrimoniaux permettent d’optimiser la plus-value de cession de titres de société à l’IS mais ne sont pas sans risques fiscaux et patrimoniaux. Explications !

 

Nous avons présenté dans notre précédent article les régimes d’imposition de la plus-value de cession de titres de société à l’IS. Ces régimes concernent les titres de sociétés cotées, détenus en portefeuille-titres, mais également la cession d’actions ou de parts sociales du chef d’entreprise.

Dans certains cas, et principalement lorsque les titres ont été acquis avant la 01/01/2018, il est possible de bénéficier d’abattement pour durée de détention lorsque l’on opte pour l’imposition de la plus-value de cession au barème de l’IR. Comme nous l’avons vu, ces abattements sont plus intéressants que le choix de l’imposition au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) en cas de durée de détention longue (supérieure à 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG l’année suivant la cession.

Est-il possible d’aller plus loin afin de réduire l’imposition sur plus-value de cession de titres de société à l’IS ?

Les régimes d’imposition n’offrent pas plus de possibilité mais des schémas patrimoniaux de cession permettent d’optimiser cette imposition. Il s’agit principalement de l’apport-cession de titres à une holding à l’IS et de la donation avant cession.

Ces opérations ne sont pas sans risque et peuvent être requalifiées en abus de droit s’il était démontré qu’elles ont été réalisées dans un objectif exclusivement ou principalement fiscal.

Au-delà de ce risque fiscal, ces schémas doivent dans tous les cas correspondre à des objectifs patrimoniaux précis. Ils supposent en effet des contraintes significatives et les mettre en place pour des raisons uniquement fiscales serait une grave erreur patrimoniale. Le point sur ces méthodes d’optimisation de l’imposition sur plus-value.

 

SOMMAIRE

  • L’apport-cession et impôt sur plus-value
  • Donation avant cession de la société à l’IS

 

L’apport-cession et impôt sur plus-value

 

L’apport-cession est un schéma souvent proposé pour réduire l’imposition sur plus-value de cession.

Il est néanmoins important de rappeler que tout schéma d’optimisation fiscale doit répondre à un objectif patrimonial précis, pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit si l’opération était considérée comme poursuivant un objectif exclusivement fiscal et depuis 2021 celui dit du « mini-abus de droit » en cas de poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • permettre la réalisation des objectifs personnels de l’entrepreneur après cession. Créer une nouvelle holding pour des raisons uniquement fiscales peut être une erreur si elle ne correspond pas aux objectifs de vie de l’entrepreneur après cession, voire pire si elle empêche de les accomplir.

L’apport-cession consiste à apporter les titres de la société à l’IS à une société holding à l’IS, souvent créée à cet effet, puis à ce que cette holding vende les titres ainsi reçus. L’apport ne générera pas d’imposition immédiate car il sera placé soit sous :

  • le régime du sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI) si l’apporteur ne contrôle pas la société qui reçoit les titres
  • le régime du report d’imposition si l’apporteur contrôle cette société holding bénéficiaire de l’apport (article 150-0 B ter du CGI).

A noter que s’il y a paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, elle ne doit pas dépasser 10 % de la valeur nominale des titres de la holding reçus en échange.

 

 

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, compte tenu de l’importance de la valeur d’apport, il est difficile d’apporter les titres à une société que l’on ne contrôlerait pas après apport.

Les opérations d’apport-cession se font donc en général dans le cadre du régime du report d’imposition, de l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération de cession des titres reçus par la holding à l’IS ne génère logiquement pas de plus-value imposable au niveau de cette holding, le prix de cession étant proche du prix d’apport.

Cette cession des titres par la holding peut néanmoins remettre en cause la plus-value d’apport jusqu’ici en report d’imposition, sauf si certaines conditions bien précises sont respectées.

Depuis 2012, le régime de l’article 150-0 B ter prévoit en effet qu’en cas de cession des titres apportés, le régime de report tombe et l’imposition sur plus-value devient imposable sauf dans certaines situations :

  • si la cession des titres apportés a lieu plus de trois ans après l’apport à la holding, le report ne tombe pas et cette cession n’entraîne pas l’imposition de la plus-value en report. Ceci nécessite néanmoins d’attendre ce délai. Il est dans ce cas nécessaire d’anticiper l’opération de cession par la création de la holding et l’apport à cette holding au moins trois avant.

Par ailleurs, en trois ans, les titres apportés peuvent prendre de la valeur, auquel cas la holding dégagera une plus-value sur ces titres lors de leur cession. Si les titres apportés peuvent être considérés comme des titres de participation (inscrits comme tel à l’actif, représentant au moins 10 % de la société apportée et détenus dans un objectif durable par la holding qui exerce une influence sur la société filiale), leur cession après 2 ans de détention par la holding relève du régime des plus-values à long terme. La plus-value n’est pas imposable mais une quote-part de 12 % de cette plus-value brute est réintégrée dans le bénéfice imposable. Si les titres apportés étaient qualifiés de titres de placement, la plus-value est alors intégralement imposable à l’IS.

  • Si les titres apportés sont cédés moins de trois ans après l’apport, la plus-value en report devient imposable sauf à ce que la holding réinvestisse au moins 60 % du prix de cession dans des activités économiques éligibles et ce dans un délai de 2 ans. Il peut s’agir :
    • d’investir dans une activité commerciale, industrielle, agricole, libérale ou financière et dans les actifs et moyens de production nécessaires.
    • d’acquérir une fraction du capital d’une société exerçant ce type d’activité économique et d’en détenir par là le contrôle.
    • de souscrire en numéraire au capital initial ou à l’augmentation du capital d’une société ayant une activité économique.
    • de souscrire à des parts de fonds de capital investissement investissant dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FCPI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque) …). Depuis le 01/01/2020, seule la date de souscription aux fonds de réinvestissement est prise en compte, quelles que soient les dates de libération successives de capital des fonds (celles-ci devant néanmoins intervenir dans un délai maximal de 5 ans). Il est donc nécessaire de souscrire aux parts de ces fonds dans un délai de 2 ans après la cession des titres apportés pour ne pas remettre en cause le report de plus-value.

Avant 2012, ces conditions de réinvestissement n’existaient pas pour les apports-cessions. Il était donc possible que la holding cède les titres apportés sans remettre en cause le report d’imposition. La holding avait alors toute latitude pour réinvestir librement les fonds, y compris dans une gestion patrimoniale (placement immobilier ou financier).

Dans tous les cas et même si les titres apportés ont été cédés dans les conditions permettant de ne pas rendre imposable la plus-value en report, celle-ci existe toujours et n’est pas purgée. La plus-value d’apport sera imposable notamment en cas de cession des titres de la holding (mais aussi en cas de rachat, d’annulation ou de remboursement de ces titres).

La plus-value d’apport en report peut néanmoins être purgée, sous conditions, en cas de donation des titres de la holding reçus en rémunération de l’apport. Le report de plus-value est transféré au bénéficiaire de la donation. Si ce donataire vend les titres de la holding au-delà d’un délai de 5 ans après la donation (ou 10 ans si la holding avait réinvesti dans des parts de fonds (FCPR …)), la plus-value en report est purgée et n’est pas due. Avant 2020, ce délai était de 18 mois.

 

 

Depuis 2012, et la nouvelle version de l’article 150-0 B ter du CGI, l’apport-cession a perdu de son pur intérêt fiscal. Il doit correspondre à un projet patrimonial précis de l’entrepreneur, celui de poursuivre des investissements dans des sociétés à l’IS relevant d’une activité économique.

Cette nécessité de réinvestissement dans les activités économiques permet néanmoins d’appliquer l’apport-cession dans les véritables situations patrimoniales où il a lieu d’être, c’est-à-dire lorsque l’entrepreneur a cet objectif personnel de réinvestissement.

Ceci évite également les situations inadaptées qui ont pu se présenter avant 2012 dans lesquelles le produit de la cession des titres était in fine détenu dans une holding à l’IS n’ayant pas vocation à réinvestir dans l’économie et devenant un outil patrimonial mal adapté (surcoût de la distribution pour percevoir des revenus, investissements patrimoniaux (immobilier par exemple) dans un régime, celui de l’IS, pas nécessairement adéquat).

 

Donation avant cession de la société à l’IS

 

Une deuxième stratégie d’optimisation de l’imposition sur plus-value consiste à donner les titres de la société avant leur cession.

La donation est imposée aux droits de mutation à titre gratuit mais ce coût fiscal permet d’anticiper la transmission successorale.

Les enfants donataires cèdent ensuite les titres de la société reçus par donation. Si le prix de cession est proche de celui de la donation, la plus-value imposable n’est pas significative.

Là encore, ces opérations doivent correspondre aux objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit et depuis 2021 le risque de « mini-abus de droit » comme nous l’avons mentionné précédemment. A ce sujet, si l’administration fiscale est venue préciser que la donation avec réserve d’usufruit ne serait pas considérée comme un objectif principalement fiscal, elle ne s‘est pas prononcée sur les opérations de donation avant cession. Il conviendra également d’être vigilant sur l’échéancier des opérations. Une donation réalisée alors que la cession est engagée (proposition d’achat des titres reçue avant la donation par exemple) pourrait relever d’une procédure d’abus de droit.

 

  • être certain de vouloir se dessaisir de la valeur des titres donnés avant leur cession: donner c’est donner. Si l’entrepreneur garde la pleine disposition du prix de cession des titres donnés, il en reprend la propriété et remet en cause la donation. Il est nécessaire également d’être vigilant sur ce point pour les donations de la seule nue-propriété. La cession des titres démembrés peut ensuite donner lieu à :
    • un remploi dans de nouveaux actifs démembrés. Dans ce cas, le prix de cession de ces titres démembrés doit être géré par l’usufruitier et le nu-propriétaire dans le cadre du démembrement. L’usufruiter ne doit pas se comporter comme un plein propriétaire.
    • un quasi-usufruit. Dans cette situation, l’entrepreneur cédant quasi-usufruiter dispose librement du prix de cession mais est redevable lors de sa succession d’une dette de restitution aux donataires nus-propriétaires. L’utilisation du quasi-usufruit dans le cadre des opérations de donation avant cession pourrait être néanmoins plus susceptible de requalification pour abus de droit, l’objectif patrimonial de pure transmission pouvant être fragilisé par la pleine disposition du prix de cession par l’usufruitier, quand bien même le nu-propriétaire dispose d’une créance de restitution. A moins d’être sécurisée (obligation de garantie), cette créance peut ne pas être remboursée si les actifs successoraux de l’usufruiter sont insuffisants.

Par ailleurs, l’imposition sur plus-value est spécifique pour les titres démembrés comme nous avons pu l’étudier dans un précédent article.

 

Dans tous les cas, il est important d’intégrer les enjeux de la cession le plus en amont possible. Les stratégies de ventes nécessitent d’être extrêmement bien préparées pour des raisons fiscales bien sûr mais également organisationnelles financières et patrimoniales.

L’optimisation fiscale de la cession, souvent recherchée, dépend avant tout des objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur après cession. Cette optimisation doit par ailleurs être menée avec précaution pour éviter toute requalification en abus de droit.

Le choix de la stratégie de cession doit absolument être étudié avec les conseillers fiscaux et patrimoniaux de l’entrepreneur.

 

Auteurs

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7