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Vente de la société à l’IS : quelle imposition sur plus-value ?

Vente de la société à l’IS : quelle imposition sur plus-value ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Comment est imposée la vente d’une SA, SAS, SARL ou autre société à l’IS ? Explications.

 

Qu’elles soient des PME, des ETI ou des grandes entreprises, les sociétés de capitaux à l’IS relèvent d’un fonctionnement et d’un régime bien différent de celui des sociétés de personnes à l’IR ou de l’entreprise individuelle.

Aussi la fiscalité de la cession de la société à l’IS (SARL, SA, SAS …) est totalement distincte de celle de la transmission de l’entreprise individuelle ou de la société à l’IR.

La plus-value peut être imposée au choix au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) ou au barème de l’IR, avec dans ce dernier cas le bénéfice éventuel d’abattement pour durée de détention. Un autre dispositif d’abattement pour dirigeant partant à la retraite peut également être applicable.

Quels sont ces différents régimes et lequel choisir ?

SOMMAIRE

  • Cession de titres de société à l’IS : PFU ou barème de l’IR sur option
  • Barème de l’IR : les régimes d’abattement pour durée de détention
  • Abattement pour dirigeant partant à la retraite : un régime commun au PFU et au barème de l’IR

 

 

Cession de titres de société à l’IS : PFU ou barème de l’IR sur option

 

La loi de finance de 2018 a introduit un nouveau principe d’imposition pour les cessions de titres de société à l’IS.

La plus-value de cession de titres de société à l’IS peut être imposée à un taux fixe (Prélèvement forfaitaire unique) ou sur option au barème de l’IR. Plusieurs types d’abattements sont également applicables.

Depuis le 01/01/2028, les plus-values sont soumises de plein droit au Prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % correspondant à un taux forfaitaire d’imposition sur le revenu de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (PS) de 17,2%.

A cette imposition peut s’ajouter la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) au taux de 3 % si le revenu fiscal de référence du foyer fiscal est compris entre 250.000 € et 500.000 € pour un célibataire, veuf ou divorcé (respectivement 500.000 € et 1.000.000 € pour un couple marié ou pacsé) et à un taux de 4 % au-delà de 500.000 € pour une personne seule (1.000.000 € pour des contribuables mariés ou pacsés).

Le taux global d’imposition peut donc atteindre 34% du montant de la plus-value.

Si le PFU est l’imposition de droit, il est néanmoins possible d’opter pour l’imposition de la plus-value au barème de l’IR. La plus-value est alors imposée au taux progressif de 11 % à 45 % (au-delà de 168.994 € de revenu par part de quotient familial pour 2023).

 

Attention :

L’option pour le barème de l’IR est globale et entraîne l’imposition au barème également de l’ensemble des autres revenus de capitaux mobiliers (dividendes, coupons …).

 

Les prélèvements sociaux au taux de 17,2 % sont également dus. Néanmoins, dans le cas de l’option pour le barème de l’IR, un taux de CSG de 6,8 % est déductible des revenus imposables de l’année du paiement des PS. Cette déduction de CSG n’est pas applicable si la plus-value est imposée au PFU.

La CEHR au taux de 3 % ou 4 % reste également due en cas d’option pour le barème de l’IR.

 

A noter :

Dans tous les cas (PFU ou choix du barème de l’IR), l’impôt sur plus-value est payé l’année suivant la cession, après établissement de la déclaration d’impôt sur le revenu de l’année de cession.

Il n’y a pas de prélèvement libératoire de l’imposition sur plus-value comme cela est le cas pour l’imposition des dividendes.

 

La première question qui se pose pour le cédant est donc le choix entre le PFU et le barème de l’IR.

La réponse peut paraître assez évidente et repose sur la comparaison entre le taux forfaitaire d’imposition de 12,8 % et la tranche marginale atteinte par le cédant dans le barème de l’IR.

En cas de cession de société à l’IS, les montants de plus-values concernées ainsi que les autres revenus du foyer fiscal atteignent le plus souvent des valeurs supérieures à la première tranche du barème de l’IR (taux de 11 % jusqu’à 27.478 € de revenu imposable par part) et sont rapidement imposés au taux 41 % ou 45 %. Le choix du PFU est alors préférable.

Pour être juste, la comparaison doit néanmoins tenir compte de la CSG déductible en cas d’option pour le barème de l’IR. Si le cédant dispose de revenus imposables suffisants en année N+1 (N étant l’année de la cession), il peut effacer l’imposition de tout ou partie de ces revenus grâce à la déduction de la CSG au taux de 6,8 %. Il est nécessaire de tenir compte de cette économie d’imposition.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

Ainsi, dès que la tranche marginale d’imposition (TMI) atteint 30 %, le choix du PFU reste préférable malgré la possibilité de déduction de CSG au barème de l’IR.

Ce choix se complique néanmoins lors de la cession de titres de société à l’IS acquis avant le 01/01/2018. Il est en effet possible dans ce cas de bénéficier d’abattement pour durée de détention en cas d’option pour le barème de l’IR.

 

 

Barème de l’IR : les régimes d’abattement pour durée de détention

 

Lorsque les titres ont été souscrits ou acquis avant le 01/01/2018, il est possible de bénéficier, au titre de l’IR, de deux types d’abattement pour durée de détention dans le cas d’une option d’imposition au barème de l’IR.

 

Les abattements pour durée de détention de droit commun

 

L’abattement s’applique, après compensation avec les moins-values, à partir d’une durée de détention minimale de 2 ans, décomptés de date à date, à partir de la date de souscription ou d’acquisition des titres cédés.

Les taux d’abattement sont de :

  • 50 % du montant de la plus-value réalisée lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession
  • 65 % du montant de la plus-value réalisée lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans à la date de la cession.

 

Application des abattements pour durée de détention et imputation des moins-values :

En cas de réalisation de plus-values sur certains titres et de moins-values sur d’autres, depuis la décision du Conseil d’État de 2015 (CE 12-11-2015 n° 390265), il y a lieu de calculer la plus-value nette (plus-value – moins-value) et d’appliquer l’abattement sur le montant de ce gain net. La durée de détention est calculée à partir de la date de souscription ou d’acquisition des titres ayant généré la plus-value.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas d’abattement pour durée de détention de 50 % et de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

On constate que même avec le bénéfice de l’abattement pour durée de détention de 50 %, le choix du PFU reste préférable dès lors que la TMI atteint 30 %.

 

Comparaison entre le PFU et le barème de l’IR en cas d’abattement pour durée de détention de 65 % et de possibilité de déduction de la CSG en N+1 :

Source : JUST DEEP CONTENT

N.B : nous n’incluons pas les PS ni la CEHR car ces impositions restent les mêmes au PFU ou au barème de l’IR.

 

Dans le cas d’un abattement de 65 % (titres acquis depuis plus de 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG au taux de 6,8 % en N+1, l’option pour le barème de l’IR est préférable quel que soit le taux d’imposition à l’IR.

 

Les abattements pour durée de détention renforcés

 

Sous certaines conditions, les abattements pour durée de détention peuvent être majorés. Ils sont alors de :

  • 50 % pour les titres détenus depuis au moins 1 an et moins de 4 ans ;
  • 65 % pour les titres détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans ;
  • 85 % au-delà.

Pour cela, il est nécessaire que la société dont les titres sont cédés :

  • soit considérée comme une PME au sens communautaire (c’est-à-dire réaliser moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou avoir un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros, avoir un effectif de moins de 250 salariés, exerçant une activité commerciale, artisanale, industrielle, libérale, agricole ou financière et dont le capital n’est pas détenu à plus de 25 % par une ou plusieurs sociétés ne répondant pas aux critères précédents, de manière continue durant le dernier exercice).
  • soit créée depuis moins de 10 ans à la date de souscription ou d’acquisition des titres
  • soit nouvelle, c’est-à-dire non issue d’une restructuration ou d’une reprise d’activité préexistante
  • soit imposée à l’IS
  • ait son siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
  • n’ait pas pour objet la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.
  • et n’accorde aucune garantie en capital à ses actionnaires ou associés en contrepartie de leurs souscriptions.

En cas de possibilité d’application de l’abattement renforcé (et de possibilité de déduction de la CSG au taux de 6,8 % en N+1), l’option pour le barème de l’IR devient opportune dès lors que les titres sont acquis ou souscrits depuis plus de 4 ans (abattement de 65 % ou de 85 % au-delà de 8 ans).

Entre 2 et 4 ans (abattement de 50 %), le PFU reste préférable, dès lors que la TMI dépasse 30 % comme nous l’avons vu précédemment.

 

Attention :

Les abattements pour durée de détention ne s’appliquent pas au calcul des prélèvements sociaux, ni de la CEHR.

 

 

Abattement pour dirigeant partant à la retraite : un régime commun au PFU et au barème de l’IR

 

Les dirigeants partant à la retraite peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un abattement spécifique de 500.000 € sur le montant de la plus-value de cession de leurs titres de société à l’IS (article 150-0 D ter du CGI).

Cet abattement est applicable jusqu’au 31/12/2024 (prorogation par la loi de finances 2022) et s’applique quel que soit le choix d’imposition de la plus-value, PFU ou option pour le barème de l’IR.

En cas d’option pour le barème de l’IR, l’application de l’abattement fixe de 500.000 € pour dirigeant partant à la retraite, fait perdre le bénéfice des abattements pour durée de détention. Il n’est donc pas possible de cumuler les deux types d’abattement.

Cet abattement fixe de 500.000 € est réservé :

  • aux sociétés répondant aux critères de la PME communautaires (que nous avons vu précédemment).
  • aux dirigeants :
    • ayant exercé leur fonction de manière continue pendant les 5 ans précédents la cession à des conditions normales de rémunération
    • détenant les titres cédés depuis au moins 1 an
    • et cédant l’intégralité de leurs titres dans la société à l’IS ou plus de 50 % s’il détient plus de 50 % des droits de vote ou droits aux bénéfices
    • ne détenant pas de titres dans la société acquéreuse
    • cessant toutes ses fonctions dans la société concernée
    • et faisant valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui suivent ou précèdent la cession (La loi de Finances pour 2022 a allongé ce délai de 24 mois avant ou après la cession à 36 mois pour les dirigeants de PME faisant valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021, sous réserve que le départ en retraite et la cessation des fonctions de direction ait eu lieu avant la cession).

 

Le choix du régime d’imposition de la plus-value lors de la cession de titres de société à l’IS requiert donc une analyse fiscale préalable.

Il est également possible de rechercher à optimiser l’impôt sur plus-value de cession par des schémas patrimoniaux spécifiques. Il conviendra néanmoins que les opérations envisagées correspondent aux objectifs patrimoniaux de l’actionnaire cédant et de rester vigilants aux risques d’abus de droit. Nous aborderons ce sujet dans un prochain article.

 

Auteurs

Anne Brouard    et  Sébastien Bucher 

Anne Brouard est Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7
Sébastien Bucher est Directeur de succursale Entreprise et Banque privé, diplômé du CESB-CGP

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Deux principaux schémas patrimoniaux permettent d’optimiser la plus-value de cession de titres de société à l’IS mais ne sont pas sans risques fiscaux et patrimoniaux. Explications !

 

Nous avons présenté dans notre précédent article les régimes d’imposition de la plus-value de cession de titres de société à l’IS. Ces régimes concernent les titres de sociétés cotées, détenus en portefeuille-titres, mais également la cession d’actions ou de parts sociales du chef d’entreprise.

Dans certains cas, et principalement lorsque les titres ont été acquis avant la 01/01/2018, il est possible de bénéficier d’abattement pour durée de détention lorsque l’on opte pour l’imposition de la plus-value de cession au barème de l’IR. Comme nous l’avons vu, ces abattements sont plus intéressants que le choix de l’imposition au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) en cas de durée de détention longue (supérieure à 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG l’année suivant la cession.

Est-il possible d’aller plus loin afin de réduire l’imposition sur plus-value de cession de titres de société à l’IS ?

Les régimes d’imposition n’offrent pas plus de possibilité mais des schémas patrimoniaux de cession permettent d’optimiser cette imposition. Il s’agit principalement de l’apport-cession de titres à une holding à l’IS et de la donation avant cession.

Ces opérations ne sont pas sans risque et peuvent être requalifiées en abus de droit s’il était démontré qu’elles ont été réalisées dans un objectif exclusivement ou principalement fiscal.

Au-delà de ce risque fiscal, ces schémas doivent dans tous les cas correspondre à des objectifs patrimoniaux précis. Ils supposent en effet des contraintes significatives et les mettre en place pour des raisons uniquement fiscales serait une grave erreur patrimoniale. Le point sur ces méthodes d’optimisation de l’imposition sur plus-value.

 

SOMMAIRE

  • L’apport-cession et impôt sur plus-value
  • Donation avant cession de la société à l’IS

 

L’apport-cession et impôt sur plus-value

 

L’apport-cession est un schéma souvent proposé pour réduire l’imposition sur plus-value de cession.

Il est néanmoins important de rappeler que tout schéma d’optimisation fiscale doit répondre à un objectif patrimonial précis, pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit si l’opération était considérée comme poursuivant un objectif exclusivement fiscal et depuis 2021 celui dit du « mini-abus de droit » en cas de poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • permettre la réalisation des objectifs personnels de l’entrepreneur après cession. Créer une nouvelle holding pour des raisons uniquement fiscales peut être une erreur si elle ne correspond pas aux objectifs de vie de l’entrepreneur après cession, voire pire si elle empêche de les accomplir.

L’apport-cession consiste à apporter les titres de la société à l’IS à une société holding à l’IS, souvent créée à cet effet, puis à ce que cette holding vende les titres ainsi reçus. L’apport ne générera pas d’imposition immédiate car il sera placé soit sous :

  • le régime du sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI) si l’apporteur ne contrôle pas la société qui reçoit les titres
  • le régime du report d’imposition si l’apporteur contrôle cette société holding bénéficiaire de l’apport (article 150-0 B ter du CGI).

A noter que s’il y a paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, elle ne doit pas dépasser 10 % de la valeur nominale des titres de la holding reçus en échange.

 

 

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, compte tenu de l’importance de la valeur d’apport, il est difficile d’apporter les titres à une société que l’on ne contrôlerait pas après apport.

Les opérations d’apport-cession se font donc en général dans le cadre du régime du report d’imposition, de l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération de cession des titres reçus par la holding à l’IS ne génère logiquement pas de plus-value imposable au niveau de cette holding, le prix de cession étant proche du prix d’apport.

Cette cession des titres par la holding peut néanmoins remettre en cause la plus-value d’apport jusqu’ici en report d’imposition, sauf si certaines conditions bien précises sont respectées.

Depuis 2012, le régime de l’article 150-0 B ter prévoit en effet qu’en cas de cession des titres apportés, le régime de report tombe et l’imposition sur plus-value devient imposable sauf dans certaines situations :

  • si la cession des titres apportés a lieu plus de trois ans après l’apport à la holding, le report ne tombe pas et cette cession n’entraîne pas l’imposition de la plus-value en report. Ceci nécessite néanmoins d’attendre ce délai. Il est dans ce cas nécessaire d’anticiper l’opération de cession par la création de la holding et l’apport à cette holding au moins trois avant.

Par ailleurs, en trois ans, les titres apportés peuvent prendre de la valeur, auquel cas la holding dégagera une plus-value sur ces titres lors de leur cession. Si les titres apportés peuvent être considérés comme des titres de participation (inscrits comme tel à l’actif, représentant au moins 10 % de la société apportée et détenus dans un objectif durable par la holding qui exerce une influence sur la société filiale), leur cession après 2 ans de détention par la holding relève du régime des plus-values à long terme. La plus-value n’est pas imposable mais une quote-part de 12 % de cette plus-value brute est réintégrée dans le bénéfice imposable. Si les titres apportés étaient qualifiés de titres de placement, la plus-value est alors intégralement imposable à l’IS.

  • Si les titres apportés sont cédés moins de trois ans après l’apport, la plus-value en report devient imposable sauf à ce que la holding réinvestisse au moins 60 % du prix de cession dans des activités économiques éligibles et ce dans un délai de 2 ans. Il peut s’agir :
    • d’investir dans une activité commerciale, industrielle, agricole, libérale ou financière et dans les actifs et moyens de production nécessaires.
    • d’acquérir une fraction du capital d’une société exerçant ce type d’activité économique et d’en détenir par là le contrôle.
    • de souscrire en numéraire au capital initial ou à l’augmentation du capital d’une société ayant une activité économique.
    • de souscrire à des parts de fonds de capital investissement investissant dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FCPI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque) …). Depuis le 01/01/2020, seule la date de souscription aux fonds de réinvestissement est prise en compte, quelles que soient les dates de libération successives de capital des fonds (celles-ci devant néanmoins intervenir dans un délai maximal de 5 ans). Il est donc nécessaire de souscrire aux parts de ces fonds dans un délai de 2 ans après la cession des titres apportés pour ne pas remettre en cause le report de plus-value.

Avant 2012, ces conditions de réinvestissement n’existaient pas pour les apports-cessions. Il était donc possible que la holding cède les titres apportés sans remettre en cause le report d’imposition. La holding avait alors toute latitude pour réinvestir librement les fonds, y compris dans une gestion patrimoniale (placement immobilier ou financier).

Dans tous les cas et même si les titres apportés ont été cédés dans les conditions permettant de ne pas rendre imposable la plus-value en report, celle-ci existe toujours et n’est pas purgée. La plus-value d’apport sera imposable notamment en cas de cession des titres de la holding (mais aussi en cas de rachat, d’annulation ou de remboursement de ces titres).

La plus-value d’apport en report peut néanmoins être purgée, sous conditions, en cas de donation des titres de la holding reçus en rémunération de l’apport. Le report de plus-value est transféré au bénéficiaire de la donation. Si ce donataire vend les titres de la holding au-delà d’un délai de 5 ans après la donation (ou 10 ans si la holding avait réinvesti dans des parts de fonds (FCPR …)), la plus-value en report est purgée et n’est pas due. Avant 2020, ce délai était de 18 mois.

 

 

Depuis 2012, et la nouvelle version de l’article 150-0 B ter du CGI, l’apport-cession a perdu de son pur intérêt fiscal. Il doit correspondre à un projet patrimonial précis de l’entrepreneur, celui de poursuivre des investissements dans des sociétés à l’IS relevant d’une activité économique.

Cette nécessité de réinvestissement dans les activités économiques permet néanmoins d’appliquer l’apport-cession dans les véritables situations patrimoniales où il a lieu d’être, c’est-à-dire lorsque l’entrepreneur a cet objectif personnel de réinvestissement.

Ceci évite également les situations inadaptées qui ont pu se présenter avant 2012 dans lesquelles le produit de la cession des titres était in fine détenu dans une holding à l’IS n’ayant pas vocation à réinvestir dans l’économie et devenant un outil patrimonial mal adapté (surcoût de la distribution pour percevoir des revenus, investissements patrimoniaux (immobilier par exemple) dans un régime, celui de l’IS, pas nécessairement adéquat).

 

Donation avant cession de la société à l’IS

 

Une deuxième stratégie d’optimisation de l’imposition sur plus-value consiste à donner les titres de la société avant leur cession.

La donation est imposée aux droits de mutation à titre gratuit mais ce coût fiscal permet d’anticiper la transmission successorale.

Les enfants donataires cèdent ensuite les titres de la société reçus par donation. Si le prix de cession est proche de celui de la donation, la plus-value imposable n’est pas significative.

Là encore, ces opérations doivent correspondre aux objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit et depuis 2021 le risque de « mini-abus de droit » comme nous l’avons mentionné précédemment. A ce sujet, si l’administration fiscale est venue préciser que la donation avec réserve d’usufruit ne serait pas considérée comme un objectif principalement fiscal, elle ne s‘est pas prononcée sur les opérations de donation avant cession. Il conviendra également d’être vigilant sur l’échéancier des opérations. Une donation réalisée alors que la cession est engagée (proposition d’achat des titres reçue avant la donation par exemple) pourrait relever d’une procédure d’abus de droit.

 

  • être certain de vouloir se dessaisir de la valeur des titres donnés avant leur cession: donner c’est donner. Si l’entrepreneur garde la pleine disposition du prix de cession des titres donnés, il en reprend la propriété et remet en cause la donation. Il est nécessaire également d’être vigilant sur ce point pour les donations de la seule nue-propriété. La cession des titres démembrés peut ensuite donner lieu à :
    • un remploi dans de nouveaux actifs démembrés. Dans ce cas, le prix de cession de ces titres démembrés doit être géré par l’usufruitier et le nu-propriétaire dans le cadre du démembrement. L’usufruiter ne doit pas se comporter comme un plein propriétaire.
    • un quasi-usufruit. Dans cette situation, l’entrepreneur cédant quasi-usufruiter dispose librement du prix de cession mais est redevable lors de sa succession d’une dette de restitution aux donataires nus-propriétaires. L’utilisation du quasi-usufruit dans le cadre des opérations de donation avant cession pourrait être néanmoins plus susceptible de requalification pour abus de droit, l’objectif patrimonial de pure transmission pouvant être fragilisé par la pleine disposition du prix de cession par l’usufruitier, quand bien même le nu-propriétaire dispose d’une créance de restitution. A moins d’être sécurisée (obligation de garantie), cette créance peut ne pas être remboursée si les actifs successoraux de l’usufruiter sont insuffisants.

Par ailleurs, l’imposition sur plus-value est spécifique pour les titres démembrés comme nous avons pu l’étudier dans un précédent article.

 

Dans tous les cas, il est important d’intégrer les enjeux de la cession le plus en amont possible. Les stratégies de ventes nécessitent d’être extrêmement bien préparées pour des raisons fiscales bien sûr mais également organisationnelles financières et patrimoniales.

L’optimisation fiscale de la cession, souvent recherchée, dépend avant tout des objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur après cession. Cette optimisation doit par ailleurs être menée avec précaution pour éviter toute requalification en abus de droit.

Le choix de la stratégie de cession doit absolument être étudié avec les conseillers fiscaux et patrimoniaux de l’entrepreneur.

 

Auteurs

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Activité hôtelière ou para-hôtelière : quelle éligibilité au régime Dutreil ?

Activité hôtelière ou para-hôtelière : quelle éligibilité au régime Dutreil ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Si les activités hôtelières et para-hôtelières remplissent les conditions d’éligibilité au pacte Dutreil, il est nécessaire de rester vigilant en termes de qualification et de structuration de l’activité.

 

Une étude « Economic Impact France » du Conseil mondial du voyage et du tourisme parue en 2018 anticipe que d’ici 10 ans, le tourisme représentera 10% du Produit Intérieur brut (PIB) de la France. Le secteur hôtelier profitera très certainement de cet appel d’air, les temps de crise n’ayant d’ailleurs pas entamé son dynamisme : selon l’INSEE, la fréquentation de juin à août 2022 dans les hôtels dépasse de 3 % son niveau d’avant-pandémie !

Au-delà des seuls indicateurs économiques, les acteurs du secteur constatent une tendance de fond : l’hôtellerie, comme les activités para hôtelières, séduisent les investisseurs institutionnels mais aussi très largement les investisseurs privés.

A l’occasion de la réflexion sur la transmission de leur activité, les investisseurs en hôtellerie ou para-hôtellerie peuvent se poser la question de l’opportunité de se prévaloir du dispositif « Dutreil » (article 787 B du CGI).

Rappelons en effet que ce régime de faveur permet, sous certaines conditions, de transmettre une entreprise individuelle ou une société en appliquant un abattement de 75% sur la valeur transmise imposable aux droits de succession ou de donation. En synthèse, ce dispositif permet de transmettre une activité opérationnelle avec un taux moyen d’imposition de l’ordre de 5%, contre un taux marginal d’imposition de 45%.

Ce dispositif de faveur suppose tout d’abord, l’exercice par la société considérée d’une « activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale » pendant toute la durée des engagements de conservation.

Les activités hôtelières et para hôtelières intègrent-elles ce périmètre ? Est-ce bien le cas en toutes circonstances ? Et à quelles conditions ?

SOMMAIRE

  • Activité hôtelière et para-hôtelière : quelle éligibilité et quelle qualification au titre du régime Dutreil ?
  • Activités hôtelières, para-hôtelières et Dutreil : les choix stratégiques déterminants

 

Activité hôtelière et para-hôtelière : quelle éligibilité et quelle qualification au titre du régime Dutreil ?

 

Si l’éligibilité des activités hôtelières et para-hôtelières au régime Dutreil semble claire, la qualification de l’activité para-hôtelière reste plus complexe.

 

La certitude : l’éligibilité des activités hôtelières et para hôtelières au pacte Dutreil

 

Afin de définir les activités éligibles au régime Dutreil, l’administration fiscale vient expliciter l’article 787 B du Code général des impôts (CGI) par un renvoi aux articles 34 et 35 du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°15).

La doctrine (CE, 8e et 3e ch., 26 avril 2018, n° 417809 : JurisData n° 2018-006946 ; Dr. Fisc. 2018, n° 24, comm. 298, note M. Collet) rappelle que cet article 34, au champ d’application extrêmement large, vise les activités commerciales par nature, c’est-à-dire par essence commerciales en raison de leurs caractéristiques ou résultant de la répétition d’actes de commerce. Les activités hôtelières sont ici considérées comme commerciales par nature.

L’activité para hôtelière intègre également le champ de cet article, la jurisprudence (CE, 9e et 10e ch., 20 novembre 2017, n° 392740 : JurisData n° 2017-023158) et l’administration fiscale (BOI-BIC-CHAMP-40-10, n° 20) considérant que l’élément ayant trait à la location immobilière est accessoire par rapport à l’activité de prestation de services.

Par ailleurs, l’activité de location meublée à usage d’habitation intègre le champ d’application de l’article 35 et donc, a fortiori, l’activité de para-hôtellerie.

En apparence donc, la ligne de partage est claire et limpide : tout ce qui relève des articles 34 et 35 du CGI doit être entendu comme activité éligible.

Toutefois, à prolonger la lecture de la doctrine administrative, l’administration fiscale resserre considérablement le champ de l’éligibilité puisqu’elle entend exclure les « activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ».

L’objectif assumé derrière cette exclusion est de ne réserver l’application du dispositif qu’à des sociétés qui poursuivent un dessein commercial à l’exclusion de toute activité patrimoniale.

Si cette exclusion ne remet pas en cause l’éligibilité des activités hôtelières et para-hôtelières, elle doit conduire néanmoins à être particulièrement attentif à ce qui permet de tracer une ligne de partage claire entre celles-ci et la location meublée pure et simple.

 

L’incertitude : comment qualifier l’activité « para-hôtelière » au sens du dispositif Dutreil ?

 

En matière de dispositif Dutreil, ni la législation, ni la doctrine fiscale n’énoncent de critères permettant de qualifier l’activité para-hôtelière.

La difficulté de la qualification est accrue en raison de son caractère hybride : elle à la fois location d’un logement meublé, que l’on sait non éligible au dispositif Dutreil et exécution de prestations de services annexes. Au surplus, elle est aussi particulièrement hétérogène en ce qu’elle recouvre des cas de figure très divers (« AirBnB », résidences-services …).

Dès lors, seul un raisonnement par analogie avec les autres matières, principalement eu égard à l’impôt sur le revenu (IR) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), semble pouvoir nous guider à l’effet de savoir de quel type d’activité de location il s’agit.

La législation en matière de TVA et d’impôt sur le revenu a mis en avant des critères bien définis en matière de para-hôtellerie. Pour qu’une activité soit caractérisée d’activité para-hôtelière, l’exploitant doit offrir en sus de l’hébergement au moins trois des quatre services suivants (article 261 D, 4° du CGI) :

  • le petit déjeuner,
  • le nettoyage régulier des locaux,
  • la fourniture de linge de maison
  • et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Cependant, la réunion de trois de ces quatre critères, si elle est indispensable, ne nous paraît en aucun cas suffire pour caractériser la qualification d’activité para-hôtelière éligible, telle qu’elle doit être entendue au sens du dispositif Dutreil.

D’abord, cette lecture fort tentante ne semble pas si évidente aux regards des différentes formes d’activités de location.

Plus prosaïquement, il paraît plus logique d’adopter un raisonnement comparant l’activité à qualifier avec la définition d’une activité hôtelière. Certes l’activité hôtelière connaît plusieurs définitions selon le mode d’exploitation mais ce que toutes ces définitions ont en commun avec celle de l’activité para-hôtelière est l’idée que, par principe, le client d’un établissement hôtelier ou para-hôtelier n’élit pas domicile dans le bien loué. Il faut en conclure que l’activité hôtelière ou para-hôtelière ne concerne pratiquement que des locations pour des séjours de courtes durées.

Par ailleurs, la jurisprudence de plus en plus abondante permet d’identifier le soin particulier que porte l’administration fiscale à détecter les « activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier » Or, à cet égard, l’activité de location meublée avec services sera toujours intrinsèquement « pervertie » par sa composante immobilière. La question peut ainsi légitimement se poser de savoir dans quelle mesure le poids de cette composante immobilière ne pourrait pas obérer la qualification d’activité para-hôtelière.

Lorsqu’une société développe une activité dite « mixte », à la fois patrimoniale et opérationnelle, l’administration fiscale a développé la notion de « prépondérance ». Aiguillée par une récente décision du Conseil d’Etat, l’administration fiscale considère désormais qu’une société exerce une activité éligible « lorsque la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50% de la valeur vénale de son actif brut total ».

De notre point de vue, l’administration fiscale pourrait être tentée d’adopter un même raisonnement de type « prépondérance » à l’effet de qualifier l’activité para-hôtelière : elle mettrait en balance au bilan la valeur vénale de ce qui relève de la pure gestion d’un patrimoine immobilier et la valeur vénale de ce qui se rapporte à une véritable activité économique.

Toutefois, pour le cas de la para-hôtellerie, la prépondérance paraît ne pas pouvoir être appréciée qu’au regard d’un tel comparatif. La raison en est qu’au cas d’espèce, la société n’exerce qu’une seule activité (la location meublée avec services) fonctionnant au moyen d’actifs interdépendants qui se nourrissent les uns les autres, et non pas deux activités bien distinctes, l’une patrimoniale et l’autre opérationnelle. En la matière, il n’est ainsi pas possible de distinguer a priori de manière claire les actifs affectés et ceux qui ne le sont pas : l’immeuble comme le fonds de commerce participent chacun de l’activité de location et la valeur vénale du premier est sans nulle doute étroitement liée à celle du second.

Alors, dans l’attente d’une clarification, la sécurisation de la qualification d’activité para-hôtelière nous semble devoir transiter par une appréciation de la prépondérance à la fois multicritères et s’opérant pratiquement en considération de critères économiques suffisamment pertinents selon l’activité de location considérée.

 

Activités hôtelières, para-hôtelières et Dutreil : les choix stratégiques déterminants

 

La sécurisation du caractère éligible de l’activité développée ne suffit pas toujours à sécuriser l’éligibilité au dispositif Dutreil.

Encore faut-il que cette activité opérationnelle soit prépondérante sur toute autre activité non éligible au Dutreil. Le doute est en particulier permis lorsque la société est dotée d’importantes liquidités. En outre, le caractère éligible doit incontestablement être écarté lorsqu’il apparaît qu’au vu du mode d’exploitation, l’entreprise ne supporte en réalité pas ou trop peu le risque entrepreneurial.

C’est ainsi que les choix stratégiques de structuration de l’activité hôtelière ou para-hôtelière ont une influence déterminante sur l’éligibilité au dispositif Dutreil.

 

Activités hôtelières, para-hôtelières et Dutreil : la place de la trésorerie

 

Alors qu’une entreprise ne saurait fonctionner correctement et être crédible vis-à-vis de ses partenaires sans fonds propres, l’administration fiscale manifeste une méfiance ciblée vis-à-vis des liquidités, pour lesquelles elle présume une logique patrimoniale plutôt qu’opérationnelle.

Pour apprécier l’éligibilité d’une société au dispositif Dutreil, la valeur vénale des actifs (immobilisés ou circulants) dédiés à l’activité éligible doit représenter au moins 50% de la valeur vénale de l’actif brut total de la société (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-20211221 n°20).

Pour l’appréciation de ce ratio, la trésorerie doit faire l’objet d’une attention toute particulière : l’administration fiscale la considère comme n’étant pas affectée à l’exploitation, à défaut de preuves contraires qui viendraient au soutien de son emploi ou son utilité à l’activité opérationnelle.

Ainsi, une documentation rigoureuse et suivie visant à motiver le caractère indispensable de la trésorerie à l’activité éligible doit être compilée pendant toute la durée des engagements collectif et individuels de conservation.

Le caractère affecté d’une importante remontée de liquidités, par exemple suite à la cession d’un actif immobilisé, destinée à être réinvestie peut être utilement sécurisé au moyen de la conservation des mandats de recherche dans de nouveaux projets, des écrits rapportant les négociations, des procès-verbaux de conseil d’administration, de comités du groupe ou de la société à visée stratégique décidant des cibles de réinvestissement…

Précisons à toute fin utile qu’en cas de contrôle l’administration fiscale dispose des moyens de vérifier si les opérations projetées ont finalement été véritablement conclues afin de trancher la question de l’affectation des liquidités.

S’il s’avère que l’existence d’une partie de la trésorerie ne peut être justifiée par des critères opérationnels, il conviendra de mesurer l’opportunité, selon les cas, de réaliser une opération de sortie de ces liquidités (distribution ou réduction de capital).

 

Activités hôtelières, para-hôtelières et Dutreil : la structuration de l’exploitation

 

L’activité éligible peut être exercée directement par l’entreprise. Cette situation ne présente pas de difficultés, mais ne recouvre en pratique qu’une partie des cas de figure : parfois la gestion de l’activité hôtelière n’est pas assurée par le propriétaire du fonds lui-même, mais est déléguée à un tiers.

La question se pose ainsi de savoir si la société doit ou non impérativement exploiter personnellement son fonds. Voyons ci-après les modes d’exploitation le plus souvent choisis par les investisseurs privés.

 

La gérance-mandat

La gérance-mandat correspond au mode d’exploitation par lequel le propriétaire du fonds de commerce en confère l’exploitation à un gérant-mandataire.

Ce contrat présente pour particularité de laisser toute latitude au gérant pour l’administration du fonds, sans pour autant lui faire supporter les risques liés à son exploitation, ces derniers restant assumés par le propriétaire.

Cette dernière caractéristique, tendant à rapprocher ce statut de celui d’un classique mandataire social, laisse penser que ce mode d’exploitation n’est pas un frein au bénéfice du dispositif Dutreil pour l’entreprise propriétaire du fonds.

 

La location-gérance

La doctrine fiscale exclut expressément de l’exonération partielle le fonds de commerce dépendant d’une entreprise individuelle donné en location-gérance à un tiers exploitant (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n°15). Il ne fait pas de doute que la même position serait adoptée en matière de transmission de titres de société. L’esprit du dispositif Dutreil est en effet alors complètement dévoyé, puisque le risque entrepreneurial est alors assumé par le seul exploitant, le propriétaire se contentant de percevoir des loyers fixes ou peu corrélés aux soubresauts de l’activité économique.

Pour autant, face à cette structuration, tout espoir de rendre l’activité éligible au régime Dutreil ne doit pas être abandonné.

Par exemple, il peut être proposé à l’exploitant une filialisation de sa structure au sein du groupe du propriétaire du fonds. Aussi, afin de permettre la rémunération de l’exploitant, il pourra être envisagée sa nomination en qualité de mandataire social de la branche du groupe en charge de l’activité. Le cas échéant, cette structuration pourra être couplée à la mise en place d’un « management package » permettant d’intéresser l’exploitant à la réussite de l’entreprise.

Dans ces cas de figure, le recours à un conseil professionnel est indispensable pour adopter des solutions de restructuration préalables rendant possible la mise en place d’un engagement collectif de conservation.

 

 

Auteurs

Charles Guillaneuf   et  Pierre Montes 

Charles Guillaneuf est notaire collaborateur, spécialisé en Gouvernance et Transmission d’entreprises

Pierre Montes est notaire stagiaire, spécialisé en Gouvernance et Transmission d’entreprises

 

Sources :

Cession d’usufruit temporaire : l’étau se resserre

Cession d’usufruit temporaire : l’étau se resserre

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Jurisprudence de décembre 2020 mais aussi de février 2021, les cessions d’usufruit temporaire restent sous surveillance. Explications.

 

Les cessions d’usufruit temporaire, souvent utilisées entre sociétés, sont devenues plus rares depuis le changement de leur régime fiscal en 2012.

Mais elles n’ont pas totalement disparu. Faire porter la cession sur l’usufruit viager ou se déposséder simultanément de la nue-propriété ont pu être envisagées comme solution pour éviter le régime d’imposition de la cession d’usufruit temporaire.

Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 30 décembre 2020 vient néanmoins de rappeler clairement la distinction fiscale entre usufruit viager et usufruit temporaire, dans le cadre de cession à une société.

Plus récemment l’arrêt de Cour administrative d’appel de Marseille du 18 février 2021 fait application stricte du régime des revenus, même lors de la cession simultanée de l’usufruit temporaire et de la nue-propriété, sans recherche d’optimisation fiscale particulière.

cession d’usufruit temporaire : un intérêt fiscal décroissant

Fréquemment utilisées dans un objectif d’optimisation de l’immobilier professionnel, les opérations de cession d’usufruit temporaire sont devenues plus rares depuis 2012 et l’entrée en vigueur d’un nouveau régime d’imposition, particulièrement défavorable.

Lorsqu’elles restent pratiquées, le risque se porte sur la sous-valorisation de l’usufruit temporaire et la requalification en abus de droit.

schéma fréquent : cession d’usufruit temporaire d’un bien détenu en sci ou par le dirigeant à une société exploitation

La cession de l’usufruit temporaire consiste en la vente du seul droit d’usufruit détenu sur un bien pour une durée déterminée. Ainsi, au terme de cette durée, l’usufruit temporaire s’éteint et le vendeur s’il a conservé la nue-propriété redevient plein propriétaire.

Lors de la cession de l’usufruit, le cédant perçoit le prix de vente correspondant à la valeur de l’usufruit temporaire sur la période fixée.

L’acquéreur paye le prix de cet usufruit temporaire. En contrepartie, pendant la durée de détention, il exerce ses droits d’usufruitier : utiliser le bien et/ou en percevoir les revenus.

Important : distinguer cession et donation d’usufruit temporaire

La cession d’usufruit temporaire est une véritable vente du droit d’usufruit. Le cédant perçoit le prix de vente et l’acquéreur débourse ce même prix.

La donation d’usufruit temporaire, comme toute donation, correspond à une opération à titre gratuit et à une intention libérale du donateur : ce dernier se dessaisit du droit d’usufruit sans contrepartie financière et s’appauvrit de la valeur de ce droit. Le donataire en bénéficie pendant la durée fixée sous forme d’un véritable enrichissement, sans en avoir à en payer le prix.

La cession d’usufruit temporaire a fréquemment été utilisée pour optimiser la gestion de l’immobilier professionnel.

L’immobilier professionnel est souvent détenu par le dirigeant à titre personnel ou au sein d’une SCI à l’IR dont il est le principal associé. Un bail est signé entre le dirigeant (ou la SCI) et la société d’exploitation qui loue le bien pour l’utiliser dans le cadre de son activité.

Le dirigeant est alors imposable sur les loyers nets perçus au titre des revenus fonciers, que l’immobilier soit détenu en direct ou au sein de la SCI à l’IR (imposable dans ce cas pour sa quote-part dans les résultats proportionnellement à la détention du capital).

La société d’exploitation déduit quant à elle les loyers versés de son bénéfice imposable (souvent à l’IS).

Dans cette situation, une pratique fréquente consistait à céder l’usufruit temporaire du bien immobilier à la société d’exploitation :

  • Le dirigeant ou la SCI perçoit le prix de vente de l’usufruit temporaire du bien immobilier. Il perçoit alors un capital en une seule fois et non plus des flux futurs de revenus sous forme de loyers.
  • La société d’exploitation investit en acquérant le droit d’usufruit temporaire. Elle peut inscrire ce droit d’usufruit à son actif et l’amortir, ce que ne peut faire le dirigeant à titre personnel ou via une SCI à l’IR.

Location de l’immobilier professionnel à la société d’exploitation :

Cession de l’usufruit temporaire de l’immobilier professionnel :

Source : JUST DEEP CONTENT pour l’ESBanque

D’un point de vue patrimonial, cette opération permet au dirigeant de ne plus percevoir de revenus fonciers futurs sur la durée de la cession de l’usufruit, mais un capital en une seule fois.

Il peut utiliser pour cela la trésorerie excédentaire de la société. La société peut également emprunter pour acquérir le droit d’usufruit. Des charges d’emprunt se substituent alors aux charges de loyers.

Économiquement, pour le dirigeant, l’opération n’a d’intérêt que si le capital perçu lors de la cession est placé à un rendement supérieur au rendement locatif du bien.

Mais, jusqu’en 2012, ce schéma présentait surtout un intérêt fiscal.

S’agissant de la vente d’un droit patrimonial, la cession de l’usufruit temporaire était imposée selon le régime avantageux des plus-values immobilières : prise en compte d’un prix d’acquisition venant en déduction du prix de cession, abattement pour durée de détention sur la plus-value imposable à l’IR et aux prélèvements sociaux, et taux fixe d’imposition à l’IR de 19 %.

Cette imposition est beaucoup plus favorable que celle des revenus de location du bien : revenus fonciers nets imposés au barème de l’IR (tranche maximale de 45 %) et aux prélèvements sociaux, sans abattement.

La cession d’usufruit temporaire permettait donc de percevoir, dès le jour de la vente, l’intégralité des loyers à venir sur la période déterminée, en étant imposé à une fiscalité beaucoup plus avantageuse que celle des revenus fonciers.

Elle permettait également pendant toute la durée prévue à la cession de bénéficier, sur la valeur de l’usufruit, du régime des bénéfices industriels et commerciaux ou de l’IS et de la possibilité de pratiquer des amortissements, réduisant le résultat imposable au niveau de la société.

Ces opérations devenant de plus en plus fréquentes, le régime fiscal de la cession d’usufruit temporaire a été profondément modifié en 2012.

depuis 2012, une fiscalité désavantageuse : l’article 13, 5 du cgi

Face à la multiplication de ce type de schémas, la loi de Finances pour 2012 a modifié l’imposition de ces cessions pour la faire entrer dans la catégorie des revenus et non des plus-values.

Un 5ème paragraphe a ainsi été ajouté à l’article 13 du CGI et concerne les premières cessions d’usufruit temporaires intervenues à partir du 14 novembre 2012.

Pour ces opérations, le prix de cession est imposé selon le régime des revenus dans la catégorie du type de revenus générés par le bien concerné.

S’il s’agit d’un bien immobilier, le prix de cession perçu entre donc dans la catégorie des revenus fonciers.
S’il s’agit d’actions, le prix de cession de l’usufruit temporaire est imposé selon le régime des revenus de capitaux mobiliers mais sans abattement de 40 %.

Il est possible de bénéficier du système de quotient des revenus exceptionnels.

Ce nouveau régime, nettement moins favorable, concerne :

  • Les premières cessions d’un même usufruit temporaire :

     

    On entend par cession les ventes mais aussi les échanges ou apports en société. Les donations d’usufruit temporaire ne sont donc pas concernées.

    Il doit s’agir d’un usufruit constitué pour une durée déterminée, ayant donc un terme fixe.

    La cession d’un usufruit pour une durée viagère est donc exclue de ce nouveau régime.

    Les termes de « première cession d’un même usufruit temporaire » peuvent être trompeurs : lorsque l’usufruit est cédé une première fois de manière temporaire et que cette durée arrive à son terme, le nu-propriétaire redevient plein propriétaire. S’il cède à nouveau son droit d’usufruit temporaire, l’administration considère qu’il s’agit d’une première cession d’un autre usufruit temporaire, imposable selon le régime de l’article 13, 5 du CGI.Mais si la deuxième cession intervient alors que l’usufruit temporaire est en cours, avant le terme de sa durée et son extinction, cette deuxième opération n’est pas considérée comme une « première cession » et ne relève pas du régime d’imposition des revenus mais de celui des plus-values.

  • Un cédant personne physique ou associé d’une personne morale relevant de l’article 8 du CGI, c’est-à-dire imposable à l’IR. Les SCI à l’IR sont ainsi concernées mais pas les sociétés à l’IS.

Attention 

Le changement du régime fiscal de la société ou l’intermédiation de l’opération via une société à l’IS créée spécifiquement pour l’opération pourraient être remis en cause sur le fondement de l’abus de droit, d’autant plus depuis le 1er janvier 2020 et l’entrée en vigueur de l’article 64 A du Livre des Procédures Fiscales (LPF) et de la procédure dite de « mini-abus de droit.

  • Un acquéreur, personne physique ou morale, quel que soit son statut fiscal (IR ou IS). S’il s’agit d’une société, ce nouveau régime s’applique qu’elle soit contrôlée ou pas par le cédant.

Le régime d’imposition sur les revenus est significativement plus lourd que celui des plus-values : il ne bénéficie pas d’abattement et relève du barème de l’IR, dont la tranche maximale est de 45 %, contre un taux fixe nettement plus faible pour les plus-values (taux de 19 % sur les plus-values immobilières ou 12,8 % pour les plus-values mobilières).

La fiscalité des premières cessions d’usufruit temporaire est donc particulièrement défavorable depuis 2012, faisant perdre à l’opération une grande partie de son intérêt.

Il peut être alors tentant, dans certaines opérations, de sous-valoriser l’usufruit temporaire cédé afin de réduire le poids de son imposition au régime des revenus.

les risques de sous-valorisation de l’usufruit temporaire

La question de la valorisation de l’usufruit temporaire s’est ainsi rapidement posée.

L’article 13, 5 du CGI précise d’ailleurs que le prix retenu pour l’usufruit temporaire est celui fixé entre les parties ou sa valeur vénale.

L’administration peut donc être fondée à contester la valeur de l’usufruit temporaire et lui substituer sa valeur vénale.

Dans ses commentaires au BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) (BOI-IR-BASE-10-10-30 n°190), l’administration fiscale retient la possibilité d’évaluer l’usufruit temporaire en cas de cession selon l’article 669 II du CGI, également utilisé pour les mutations à titre gratuit (donation et succession), c’est-à-dire 23 % de la valeur en pleine propriété par période entière de 10 ans.

Mais acquéreur et vendeur restent libres d’évaluer l’usufruit temporaire sur la méthode de leur choix.

Il est alors important de ne pas sous-évaluer ce droit d’usufruit pour éviter toute requalification à l’IR pour le cédant et le plus souvent à l’IS pour la société acquéreur.

Le juge de l’impôt retient dans ces dernières jurisprudences une valorisation de l’usufruit temporaire sur la base des flux de revenus attendus.

Ainsi, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 26 novembre 2020 (CAA de Nantes, 1ère chambre, 26/11/2020, n° 19NT03876) retient, dans le cas d’usufruit temporaire de parts de SCI, la méthode d’actualisation des flux prévisionnels de trésorerie nette dont peut bénéficier l’usufruitier.

La sous-valorisation de l’usufruit temporaire fait dans tous les cas encourir un risque de requalification en abus de droit et ceci d’autant plus depuis le nouveau régime dit du mini-abus de droit en vigueur depuis le 1er janvier 2021pour les actes passés depuis le 1er janvier 2020 (article L64 A du LPF).

Parallèlement, la surévaluation de l’usufruit temporaire et de facto la sous-évaluation de la nue-propriété présentent les mêmes risques.

Dans ses derniers avis du 19 novembre 2019, le Comité de l’abus de droit fiscal a ainsi considéré que les cessions d’usufruit temporaire pouvaient constituer un abus de droit compte tenu, dans les affaires étudiées, d’un faible investissement des nus-propriétaires.

Ces opérations dataient de 2011, donc avant l’entrée en vigueur de l’article 13, 5 du CGI. Compte tenu de l’imposition du prix de cession de l’usufruit temporaire au titre des revenus, les contentieux de valorisation ont plus de probabilité de concerner aujourd’hui une sous-évaluation de l’usufruit qu’une surévaluation.

la cession d’usufruit viager, la solution ?

Les cessions d’usufruit viager sont exclues du champ d’application de l’article 13, 5 du CGI, à condition qu’elles soient réalisées sans terme fixe (BOI-IR-BASE-10-10-30 n°80).

C’est sur ce dernier point qu’il s’agit d’être particulièrement vigilant. Si la cession d’usufruit viager est considérée comme à terme fixe, son produit est alors imposable dans la catégorie des revenus et non des plus-values.

L’appréciation de ce terme fixe dépend du type d’opération réalisée. Il faut distinguer l’usufruit viager constitué lors de l’opération de vente, de l’usufruit viager préconstitué avant la cession.

usufruit viager constitué à l’occasion de la cession à une société

Le régime d’imposition de la cession est différent selon si l’usufruit viager repose sur la personne morale acquéreur ou sur la tête du dirigeant personne physique.

Usufruit viager sur la tête de la société personne morale : un usufruit à durée fixe

L’article 619 du code civil prévoit que l’usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder une durée de 30 ans.

Cet usufruit est alors nécessairement à terme fixe. Sa cession est alors imposable selon le régime des revenus conformément aux dispositions de l’article 13, 5 du CGI (BOI-IR-BASE-10-20-30 n°90).

Usufruit viager constitué lors de la cession sur la tête du dirigeant personne physique

Les textes administratifs n’envisagent pas cette situation.

Seul un texte de jurisprudence y fait référence, dans le cas de la cession d’un usufruit par une société à une autre personne morale et constitué lors de cette opération, pour la durée de vie du dirigeant personne physique.

Dans un arrêt du 26 septembre 2018, la Cour de cassation a jugé que l’usufruit a bien un caractère viager sans terme fixe, même si l’article 619 du Code civil prévoit, comme nous l’avons vu, que l’usufruit accordé à une personne morale a une durée définie de 30 ans.

Ce qui est retenu ici est la constitution de l’usufruit sur la tête d’une personne physique, donc pour une durée viagère.

Cette décision ouvre une nouvelle voie d’analyse de la cession d’usufruit viager à une société lorsqu’il est constitué lors de la vente et sur la tête d’une personne physique.

Attention néanmoins aux conclusions trop rapides : cette décision concerne les droits d’enregistrement mais ne fait pas référence au régime d’imposition de la cession et de l’application, ou pas, de l’article 13, 5 du CGI.

Par ailleurs, cette situation n’est pas reprise par le BOFIP dans ses commentaires sur les modalités d’imposition de la cession d’usufruit temporaire (BOI-IR-BASE-10-10-30).

Il conviendra donc de rester prudent et ne pas conclure que la cession d’usufruit constitué lors de la vente sur la tête d’une personne physique est nécessairement de nature viagère sans terme fixe, échappant en cela à l’imposition dans la catégorie des revenus.

cession à une société d’un usufruit viager préconstitué

Lorsque l’usufruit viager est préexistant à la cession, le traitement fiscal dépend également de l’existence ou pas d’un terme fixe. Mais dans les faits, cette question n’est pas si évidente.

Le jugement récent du 18 décembre 2020 du Tribunal administratif de Nice apporte un éclaircissement sur l’interprétation de ce point.

Qu’est-ce qu’un usufruit viager préconstitué ?

L’usufruit viager est dit préconstitué lorsqu’il existe déjà avant la cession.

Il peut provenir d’une succession (usufruit du conjoint survivant par exemple) ou d’une donation (cas d’une donation en nue-propriété avec réserve de l’usufruit viager).

On se situe donc dans le cas où le détenteur de l’usufruit viager souhaite procéder à la cession de ce droit.

Avec ou sans terme fixe ? La question fondamentale

Lorsque l’usufruit viager préexiste à la cession, l’administration fiscale précise clairement que sa cession est imposable selon le régime des plus-values et « n’est pas concernée par les dispositions du paragraphe 5 de l’article 13 du CGI » (BOI-IR-BASE-10-10-30 n° 80).

La raison en est que la durée de cet usufruit dépend de l’espérance de vie du détenteur de ce droit. Il ne s’agit pas d’un terme fixe.

Cette situation se comprend aisément lorsque la cession de l’usufruit viager est réalisée en faveur d’une personne physique.

Mais qu’en est-il lorsque ce droit d’usufruit viager est vendu à une personne morale ?

Comme nous l’avons vu, selon l’article 619 du code civil, l’usufruit détenu par une personne morale a une durée de 30 ans. Dès lors, s’agirait-il de facto d’une cession à terme fixe ?

Le texte du BOFIP (BOI-IR-BASE-10-10-30 n°90) apporte ici une réponse en citant deux exemples d’apport d’usufruit viager à une société personne morale (l’apport est une mutation à titre onéreux, au même titre qu’une vente) :

Le BOFIP envisage le cas d’un usufruit viager préconstitué lors d’une succession et d’un apport de cet usufruit viager et de la nue-propriété à une même société.

  • Dans le cas où l’usufruit viager est apporté à la société sans mention de durée : l’imposition de l’opération relève du régime des plus-values et n’entre pas dans le cadre de l’article 13, 5 du CGI, ne s’agissant pas d’une cession à terme fixe.
  • Dans le cas où l’usufruit viager est apporté pour une durée de quinze ans (exemple cité au BOFIP) : l’apport relève de l’article 13, 5 du CGI et est imposable dans la catégorie des revenus.

Ainsi, quand bien même selon le code civil une personne morale ne peut détenir un usufruit pour une durée supérieure à 30 ans, la vente ou l’apport de l’usufruit viager préconstitué à une société est considérée fiscalement comme sans terme fixe et donc imposable selon le régime des plus-values, à condition qu’aucune mention précise de durée ne figure dans l’acte.

Un jugement du Tribunal administratif de Montreuil a repris cette position en 2019 (TA Montreuil 4-12-2019 n° 1805676 : RJF 4/20 n° 296).

Plus récemment, un jugement du Tribunal administratif de Nice (TA Nice n° 1803411 du 30 décembre 2020) confirme cette situation.

Dans le cas d’espèce, une personne ayant reçu un usufruit viager par donation (usufruit viager préconstitué) en fait apport à une SAS (société par action simplifiée).
L’acte d’apport prévoit une durée de 30 ans, se basant sur la durée maximale de détention d’un usufruit par une personne morale.

L’administration fiscale considère qu’il y a un terme fixe à l’apport et que l’imposition de l’opération relève de l’article 13, 5 du CGI, entrant dans la catégorie des revenus.

Le contribuable conteste en indiquant que la durée de 30 ans mentionnée dans l’acte d’apport correspond à la durée maximale de l’article 619 du code civil mais que l’usufruit conserve pour autant sa nature viagère. Il s’éteindra lors du décès de l’apporteur, donc à une date inconnue et sa durée n’est pas déterminée.

Le Tribunal administratif considère que cette caractéristique d’extinction de l’usufruit au décès de la personne physique qui en a fait l’apport ne remet pas en cause le caractère temporaire de l’apport en usufruit dans la mesure où un terme fixe a été prévu à l’acte.

Cette position administrative apparaît en contradiction avec l’analyse civile sur deux points :

  • La cession d’un usufruit viager à une société sans mention d’un terme fixe à l’acte est considérée comme à durée viagère sans terme fixe par la doctrine fiscale. Or civilement, une personne morale ne peut détenir un usufruit que pour une durée déterminée de 30 ans (article 619 du code civil).
  • Dans le cas où l’acte de vente ou d’apport d’un usufruit viager préconstitué prévoit un terme fixe, l’analyse fiscale est alors de considérer l’opération comme une cession d’usufruit temporaire, imposable selon l’article 13, 5 du CGI. Or civilement, l’usufruit conserve son caractère viager et s’éteindra au décès de l’usufruitier, c’est-à-dire à une date, et à un terme, inconnus.

Malgré cette distorsion d’analyse, ce qui compte fiscalement pour éviter l’imposition de l’article 13, 5 du CGI lors de l’apport ou la cession d’un usufruit viager préconstitué à une personne morale est l’absence de toute mention de durée et de terme fixe lors de l’opération.

cession d’usufruit temporaire avec dépossession de la nue-propriété : une application stricte du régime des revenus

Une cession d’usufruit temporaire peut également s’accompagner simultanément de la cession de la nue-propriété du bien.

Dans ce cas, le cédant ne retrouvera jamais la pleine propriété puisque, lors de l’extinction de l’usufruit temporaire, il n’en sera plus nu-propriétaire. Dans cette situation, le cédant se dépossède définitivement de tout droit de propriété sur le bien.

Peut-on alors considérer que la cession de l’usufruit pour une durée déterminée est de même nature qu’une cession d’usufruit temporaire puisque le cédant s’est dépossédé totalement ?

D’autre part, l’article 13, 5 du CGI vise la « première » cession d’un même usufruit temporaire. Or en se dépossédant simultanément de la nue-propriété, le cédant ne pourra plus disposer à nouveau du droit d’usufruit pour le céder éventuellement une deuxième fois.

Enfin, cette double cession ne correspond pas aux schémas d’optimisation fiscale visés à l’origine par l’article 13, 5 du CGI. Le cédant ne retrouve pas par la suite la pleine propriété du bien.

La doctrine fiscale considère que même dans cette situation, la cession porte sur un usufruit temporaire relevant de l’article 13, 5 du CGI et est imposable dans la catégorie des revenus.

La réponse ministérielle Lambert de juillet 2013 (Rép. Lambert : AN 2 juillet 2013 p. 6919 n° 15540) va dans ce sens.

Dernièrement, le jugement de la Cour administrative d’appel de Marseille du 18 février 2021 (CAA de Marseille, 3ème chambre, 18/02/2021, 19MA03657) confirme cette position et précise que si l’opération de cession d’usufruit temporaire ne relève ici d’aucun objectif d’optimisation fiscale, cela ne l’a fait pas pour autant échapper à l’application de l’article 13.5 du CGI.

Le fait de céder concomitamment la nue-propriété et l’usufruit temporaire du bien ne permet donc pas d’écarter l’article 13, 5 du CGI.

 

 

Il devient de plus en plus difficile d’échapper au régime de l’article 13, 5 du CGI dans le cadre de la cession d’usufruit temporaire. Les jurisprudences récentes confirment son application même en cas de cession d’usufruit viager préconstitué à une société, dès lors qu’un terme fixe est mentionné, ou bien encore dans le cas de cession simultanée de la nue-propriété sans recherche d’optimisation fiscale particulière.

Le risque de requalification en abus de droit guette également toute tentative de sous-valorisation de l’usufruit temporaire cédé.

Les contraintes fiscales se resserrent donc autour de la cession d’usufruit temporaire. Si son intérêt patrimonial peut dans certains cas demeurer, son utilité doit dans tous les cas être étudiée avec l’appui d’un professionnel du patrimoine.

Auteur
Anne Brouard  

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Pacte Dutreil : une actualité riche en 2021

Pacte Dutreil : une actualité riche en 2021

Temps de lecture estimé : 6 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Arrêts « Finarea » et notion de holding animatrice, mise à jour de la base BOFIP en consultation publique, l’actualité 2021 à connaitre sur le pacte Dutreil.

 

Ce début d’année nous offre une actualité abondante sur le Pacte Dutreil, tout d’abord par les nouveaux commentaires en consultation que vient de proposer l’administration fiscale.

Nous avions évoqué dans un précédent article la thématique de la transmission au travers du Pacte Dutreil et de ses évolutions.

Dans une mise à jour de sa base Bofip du 6 avril 2021, l’administration commente ces ajustements et met en consultation publique une partie de ces commentaires (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 à BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40).

Précisons que ces commentaires sont opposables dès leur publication, jusqu’à leur éventuelle révision à l’issue de la consultation.

Par ailleurs, une jurisprudence récente est venue étayer la notion de holding animatrice, dans le cadre de l’affaire « Finarea ».

Synthèse des points à retenir de ces actualités.

concernant la nature de l’activité et l’éligibilité du dutreil

Concernant la définition des activités éligibles au pacte Dutreil, devant être de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, l’administration faisait référence aux précisions retenues en matière d’ISF. Elle renvoie désormais aux indications données en matière d’IFI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 15).

Ce renvoi aux dispositions de l’IFI a des conséquences directes sur le sujet de la location meublée, pour laquelle la question de l’éligibilité restait posée. Ces activités sont désormais clairement exclues. Les titres de sociétés ayant une activité de location de locaux meublés à usage d’habitation ou de d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation ne peuvent pas bénéficier de l’exonération partielle.

Des précisions sont également apportées sur le changement d’activité pendant la durée de l’engagement collectif. Ce changement est possible lorsque l’activité nouvelle est exercée immédiatement après ou concomitamment avec l’ancienne et revêt une nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 17).

sur la notion de holding animatrice et son appréciation

Nous avions évoqué dans notre précédent article sur le Pacte Dutreil-Transmission l’annulation par le Conseil d’Etat de la doctrine relative aux critères d’appréciation de la prépondérance de l’activité opérationnelle en cas d’activité mixte (CE 23-1-2020 n° 435562).

Tirant les conséquences de cette jurisprudence reprise en référence, l’administration précise désormais que, à titre de règle pratique, il est admis qu’une société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de façon prépondérante lorsque le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50 % du montant de son chiffre d’affaires total et que la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total.

S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 14-10-2020 n 18-17.955), l’administration précise que le caractère principal de l’activité d’animation de groupe d’une société holding doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale représente plus de la moitié de son actif total.

Enfin, Il est repris et précisé que le caractère animateur d’une holding de groupe doit exister durant toute la durée des engagements. Il s’apprécie au moment de la conclusion du pacte Dutreil, donc de l’engagement collectif (ou de la transmission en cas d’engagement réputé acquis) et doit être respecté jusqu’au terme des engagements collectif et individuel de conservation.

 

Fin mars, la Cour de Cassation précise que la holding animatrice doit avoir le contrôle des filiales qu’elle anime et donne raison à l’administration fiscale sur le sujet de l’affaire « Finarea » (Cass. Com. 03-03-2021 19-22-397 Arrêt n°250).

L’affaire « Finarea »

  • Une procédure contentieuse longue de plus de 10 ans
  • Concernant plus de 1 000 contribuables
  • Un contentieux fiscal de plus de 25 millions d’euros

Contexte : La loi TEPA avait étendu à l’ISF le dispositif de réduction d’IR (réduction d’ISF de 75% du montant de l’investissement dans des PME non côtées dans la limite de 50 000 euros). La réduction pouvait s’obtenir par un investissement en direct dans une société opérationnelle ou au travers de holding si elle est animatrice.

Le Groupe FINAREA a ainsi proposé une structuration permettant aux contribuables d’investir au travers de holding et de revendiquer l’application du dispositif.

Outre le sujet de la portée à donner à l’attestation fiscale délivrée par la société, s’avérant comme une condition nécessaire mais non suffisante d’obtention de la réduction d’ISF, cet arrêt revient sur la problématique de la définition de la holding animatrice, par opposition à la holding passive.

La Cour de Cassation rappelle ainsi récemment « qu’une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice ». Elle ne valide pas le montage, considérant qu’en dépit des amorçages, il n’y aurait pas de réalité de prise de participation dans les PME opérationnelle permettant de qualifier la holding d’animatrice et partant de répondre des conditions du dispositif de faveur.

Il conviendra de suivre les décisions à venir pour certaines et les renvois après cassation partielle en appel pour des jugements sur le fond.

sur l’engagement réputé acquis

L’administration précise que l’engagement réputé acquis peut s’appliquer en présence de deux niveaux d’interposition.

Elle précise par ailleurs que, par mesure de tolérance, les seuils de détention applicables aux engagements souscrits à compter du 1er janvier 2019 s’appliquent aux engagements réputés acquis à compter de la même date.

Elle considère enfin que l’engagement ne peut pas être réputé acquis lorsque la fonction de direction dans la société cible est exercée par une société interposée.

sur la fonction de direction après la transmission

Après la transmission, la direction de la société cible ne peut être assurée par un associé signataire de l’engagement collectif (y compris le donateur) que s’il possède encore des titres soumis à l’engagement de conservation.

Si, en revanche, tous les titres soumis à engagement ont été transmis, la direction de la société ne peut être assurée que par l’un des héritiers, légataires ou donataires, signataire de l’engagement individuel.

En cas d’engagement réputé acquis, l’exonération Dutreil ne peut donc pas s’appliquer lorsque le donateur continue d’exercer son activité professionnelle principale ou la fonction de direction dans la société après la transmission.

sur les opérations de restructuration pendant l’engagement dutreil

La fusion entre une société interposée et la société cible n’est pas de nature à remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle, même si la société cible disparaît à l’issue de l’opération de fusion, dès lors que les titres reçus en contrepartie de la fusion sont conservés jusqu’au terme de l’engagement de conservation.

Il est également admis que les fusions entre sociétés interposées situées au sein de la même chaîne de participations n’entraînent pas la remise en cause de l’exonération partielle, si les signataires de l’engagement collectif respectent l’engagement jusqu’à son terme et si les titres reçus en contrepartie de la fusion sont conservés jusqu’au terme de l’engagement individuel.

sur l’apport des titres à une société holding

Seuls les titres couverts par un engagement de conservation doivent être retenus pour apprécier le seuil minimal de 50 % de l’actif brut composé de participations dans la société cible.

Pour le surplus, la holding peut détenir des participations dans d’autres sociétés, contrôlées ou non, ou des liquidités. En cas d’apport de participations directes et indirectes soumises à un même engagement de conservation, l’administration admet de tenir compte de l’ensemble de ces participations pour l’appréciation du respect de ce seuil de 50 %.

L’administration considère que la condition de détention de 75 % du capital et des droits de vote de la holding s’apprécie au cours de l’engagement individuel, en ne retenant que les seuls droits des personnes tenues par un engagement individuel de conservation, à l’exclusion de ceux détenus par les donateurs initiaux ou les signataires de l’engagement collectif.

En cas d’apport à une même holding de titres issus de plusieurs engagements collectifs de conservation, le seuil minimal de 75 % s’apprécie engagement par engagement, que les titres transmis proviennent d’une même société sur laquelle plusieurs engagements ont été conclus ou de plusieurs sociétés différentes.

L’apport n’a pas pour effet de prolonger la durée exigée pour l’exercice de la fonction de direction dans la société objet du pacte.

Enfin, l’administration fiscale précise également les modalités de prise en compte des titres sous engagement Dutreil pour le calcul du forfait mobilier dans le cadre d’une succession.

Le forfait mobilier se calcule en effet sur l’ensemble des valeurs mobilières, autres que les meubles meublants, et immobilières composant l’actif héréditaire et avant déduction du passif. Il n’est pas tenu compte, pour la détermination de ce forfait, des biens exonérés de droits soit totalement, soit partiellement, à concurrence de la partie exonérée. L’administration indique, en toute fin des commentaires, que cette exclusion vaut pour le dispositif de l’article 787 B du CGI (Pacte Dutreil sur des titres de sociétés). Une précision qui mérite d’être rappelée.

 

Ces nombreuses précisions permettent, sous réserve d’éventuelles modifications car il s’agit d’une consultation publique jusqu’au 6 juin, d’apporter des clarifications bienvenues sur l’application du Pacte Dutreil, outil d’importance pour favoriser la transmission de l’entreprise entre générations.

Auteur
Sabine Petitgirard
 

Juriste fiscaliste patrimonial private banking et intervenante-formatrice à l’ESBanque pour le CESB EGP (diplôme RNCP Niveau 1, spécialisé en gestion de patrimoine).

PLF 2022 : nouvelles mesures pour la transmission d’entreprise

PLF 2022 : nouvelles mesures pour la transmission d’entreprise

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Des dispositions du projet de loi de finances 2022 visent à faciliter la transmission d’entreprise. Le processus de vote du texte définitif commence ce 11 octobre.

 

Présenté le 22 septembre dernier en Conseil des Ministres, le projet de loi de Finances 2022 comporte, dans son article 5, plusieurs mesures importantes en faveur de la transmission d’entreprise.

Les régimes d’exonération ou d’abattement pour départ à la retraite, ainsi que les exonérations selon la valeur des actifs cédés sont assouplis.

Ces mesures concernent la transmission de l’entreprise individuelle, les sociétés de personnes à l’IR mais également les sociétés à l’IS.

Par ailleurs, l’article 6 du projet de loi de finances autoriserait dans certaines conditions l’amortissement du fonds de commerce, favorisant ainsi la reprise d’entreprise.

Le projet de loi de finances est soumis au vote des députés à partir du 11 octobre.

exonération pour départ à la retraite : assouplissement temporaire

Afin de bénéficier du régime d’exonération pour départ à la retraite, les cédants d’entreprises auraient 3 ans au lieu de 2 ans pour vendre mais sous certaines conditions.

L’abattement pour départ à la retraite dont peuvent bénéficier les actionnaires-dirigeants de sociétés à l’IS serait reconduit pour une année supplémentaire, jusqu’à fin 2024.

Dans le cadre de la location-gérance, ces régimes d’exonération seraient applicables y compris en cas de cession à un tiers, autre que le locataire-gérant.

exonération pour départ à la retraite des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés à l’ir : délai rallongé temporairement et sous conditions

Pour rappel, le chef d’entreprise individuelle ou l’associé dirigeant d’une société de personnes à l’IR (relevant de l’article 8 et 8 ter du CGI) peuvent bénéficier d’un régime d’exonération sur la plus-value de cession de leur entreprise ou de leurs parts sociales sous certaines conditions (article 151 septies A du CGI).

La plus-value de cession est exonérée si :

  • Le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise ou dans la société
  • Le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession

D’autres conditions sont également nécessaires en termes de taille d’entreprise ou de société, de durée d’exercice de l’activité (minimum de 5 ans), d’absence de contrôle de la société de l’acquéreur, comme nous l’avons détaillé dans un précédent article.

L’ordre des événements (cession et départ à la retraite) est indifférent mais le délai entre les deux doit être au maximum de 24 mois (BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30).

L’article 5 du Projet de Loi de Finances pour 2022 (PLF 2022) prévoit l’allongement de ce délai de 24 à 36 mois mais à condition :

  • que le cédant ait fait valoir ses droits à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021. L’objectif est ici d’assouplir le délai provisoirement, pour tenir compte des contraintes que les entrepreneurs ont pu rencontrer du fait des restrictions sanitaires (fermetures administratives…).
  • que le départ à la retraite ait lieu avant la cession.

Il ne s’agit donc pas, tel que le présente le texte, d’une mesure générale et durable d’assouplissement de ce dispositif.

abattement pour départ à la retraite des actionnaires-dirigeants de sociétés à l’is : dispositif prolongé et rallongement de délai

L’actionnaire de société à l’IS partant à la retraite peut bénéficier d’un abattement de 500.000 € sur la plus-value de cession de ses titres, qu’il opte pour le PFU (prélèvement forfaitaire unique) ou pour l’intégration au barème de l’IR (article 150-0 D ter du CGI).

Entre autres conditions, il doit pour cela cesser toute fonction dans la société dont il vend les titres et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession.

Rappel des autres conditions à satisfaire

Concernant le cédant :

  • le cédant doit vendre l’intégralité des actions ou parts qu’il détient dans la société ou plus de 50 % des droits de vote.
  • Il doit avoir exercé au sein de la société dont les titres sont cédés, et pendant au moins les 5 années précédant la cession, une fonction de gérant (pour les SARL ou SCA), associé en nom (pour les sociétés de personnes), président, directeur général, président du directoire ou membre du conseil de surveillance (pour les sociétés par actions). Ces fonctions doivent être réelles et donner lieu à une rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
  • Il doit avoir détenu pendant les 5 années précédant la cession au moins 25 % des droits de vote et droits financiers de la société dont il vend les titres. Pour l’appréciation de ce seuil, il est tenu compte de la participation détenue par le conjoint, le partenaire de Pacs, leurs ascendants ou descendants ainsi que leurs frères et sœurs.
  • Il doit avoir détenu les titres cédés depuis au moins un an avant la cession.
  • Il ne doit pas détenir directement ou indirectement de participation au capital de l’entreprise acquéreur.

Concernant la société :

  • Elle doit exercer, depuis au moins 5 ans avant la vente et de manière continue, une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale, agricole, financière ou avoir pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés relevant de ces activités. L’activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier et donc les sociétés purement patrimoniales sont exclues de ce dispositif.
  • Elle doit être soumise à l’IS.

 

Ce régime d’abattement doit prendre fin le 31/12/2022 (article 28 de la Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017).

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit :

  • la prorogation de ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.
  • la prolongation du délai de 2 ans à 3 ans pour vendre après le départ à la retraite, dans les mêmes conditions que pour les entreprises individuelles et les sociétés à l’IR : seuls les cédants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021 peuvent bénéficier de cette prolongation de délai.

exonération pour départ à la retraite et location-gérance : possibilité de cession à un tiers

Le cédant d’une entreprise individuelle ou d’une société à l’IR partant à la retraite peut aussi bénéficier du régime d’exonération lorsqu’il a mis son activité en location-gérance (article 151 septies A IV du CGI).

Pour cela, deux conditions supplémentaires sont à respecter :

  • l’activité doit être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location-gérance.
  • la cession doit être réalisée en faveur du locataire-gérant.

L’article 5 du PLF 2022 donnerait la possibilité de bénéficier de l’exonération en cas de cession à une personne autre que le locataire-gérant mais à condition que la cession porte sur l’intégralité des éléments permettant l’exploitation de l’activité mise en location-gérance.

Cette mesure telle qu’elle est présentée n’est pas limitée dans le temps. Elle favoriserait la transmission d’entreprise dans le cadre de la location-gérance. L’entrepreneur ayant mis son activité en location pourrait en effet vendre à un tiers si le locataire-gérant ne peut ou ne souhaite acheter.

exonération de la plus-value professionnelle fonction de la valeur de l’entreprise : relèvement des seuils

Les entreprises individuelles, sociétés à l’IR et sociétés à l’IS sous certaines conditions, peuvent bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés.

Ces seuils pourraient être relevés selon l’article 5 du PLF 2022.

exonération de la plus-value professionnelle des entreprises individuelles et sociétés à l’ir : seuils relevés et nouvelles modalités de détermination des valeurs

La plus-value de cession d’actifs professionnels des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés de personnes à l’IR peut être exonérée totalement ou partiellement selon la valeur des actifs cédés (article 238 quindecies du CGI).

Ce régime d’exonération est bien entendu soumis au respect de certaines conditions que nous avons détaillées dans notre précédent article « Quelle optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise ? » (notamment l’exercice de l’activité depuis plus de 5 ans, la cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité et l’absence de direction ou de détention de la majorité du capital de la société acquéreur).

Si les conditions sont satisfaites, la plus-value de cession est exonérée d’IR :

  • totalement si la valeur des éléments cédés (hors immobilier ) est inférieure à 300 000 €.
  • partiellement si cette valeur est comprise entre 300.000 € et 500.000 €

L’article 5 du PLF 2022 propose de porter ces seuils à 500.000 € (au lieu de 300.000 €) et 1.000.000 € (au lieu de 500.000 €).

Le PLF 2022 propose également une nouvelle définition des valeurs prises en compte pour cette exonération.

L’article 238 quindecies indique en effet que la valeur des actifs prise en compte pour l’appréciation des seuils est celle servant d’assiette aux droits d’enregistrement.

L’article 5 du PLF 2022 propose de retenir « le prix stipulé des éléments transmis ou leur valeur vénale auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit ».

L’appréciation de la valeur retenue est donc plus large mais aussi davantage sujette à interprétation. Il peut s’agir du prix convenu entre les parties mais également de la valeur de marché.

exonération des plus-values professionnelles et société à l’is : relèvement des seuils et nouvelle condition des aides « de minimis »

L’exonération en fonction de la valeur des actifs cédés concerne les entreprises individuelles, les sociétés de personnes à l’IR (articles 8 et 8 ter du CGI) mais aussi les sociétés à l’IS sous conditions de taille.

Pour bénéficier de ce régime, la société à l’IS doit :

  • employer moins de 250 salariés
  • réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions € ou présenter un total de bilan inférieur à 43 millions €.
  • ne pas être détenue à 25 % ou plus par une société ne répondant pas à ces critères (sauf certaines sociétés ou fonds d’investissement à risques).

L’article 5 du PLF 2022 prévoit de soumettre également le bénéfice de ce régime pour les sociétés à l’IS au plafond d’aides d’État dit « de minimis » tel que défini par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Plafond d’aide d’État dit « De minimis » 

Certaines aides publiques en faveur des entreprises sont plafonnées par la législation européenne. Ce plafond est de 200.000 € par entreprise sur une période de 3 exercices fiscaux.

exonération des plus-values professionnelles et location-gérance : possibilité de cession à un tiers

L’exonération de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés est également applicable lors de la cession d’activité mise en location-gérance si la cession est en faveur du locataire (article 238 quindecies VII CGI).

L’activité doit également être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location.

Selon l’article 5 du PLF 2022, l’exonération partielle ou totale serait élargie aux cessions à un tiers autre que le locataire-gérant, à condition que l’ensemble des actifs nécessaires à l’activité et ayant fait l’objet du contrat de location-gérance soit transmis.

Dans ce cas également, la valeur des actifs cédés serait définie comme le prix convenu entre les parties ou la valeur vénale.

 

Cession et Départ à la retraite : Exonération ou Abattement

Cession selon la valeur des actifs : Exonération totale ou partielle

Statut
Entreprise individuelle et société à l’IRSociété à l’ISEntreprise individuelle
Société à l’IR
Société à l’IS sous certaines conditions
Régime
Article 151 septies AArticle 150-0D TerArticle 238 quindecies
Exonération ou abattement

Exonération totale à l’IRAbattement de 500.000 € sur la plus-value de cession imposable à l’IR (PFU ou barème)Exonération d’IR et de prélèvements sociaux :
Totale si la valeur des actifs cédés < 300.000 €
Partielle si cette valeur > 300.000 € et < 500.000 €.
Conditions
Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession.

Activité exercée depuis au moins 5 ans.


Conditions de taille d’entreprise.




Absence de contrôle de l’acquéreur.
Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession.

Vente de toutes les actions ou au moins de 50 % des droits de vote.

Exercice d’une fonction de direction pendant les 5 années précédant la cession.

Détention d’au moins 25 % des droits de vote de manière continue pendant les 5 ans précédant la cession, seul ou avec groupe familial.
Détention depuis au moins 1 an des actions cédées.

Conditions de tailles de la société.
Activité économique exercée de manière continue depuis au moins 5 ans.

Absence de contrôle de l’acquéreur.

Fin de ce régime : 31/12/2022

Cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité.

Activité exercée depuis au moins 5 ans.

Absence de contrôle de l’acquéreur.
Modification du PLF 2022 (Article 5)
Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans.Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans.

Prolongation de ce régime jusqu’au 31/12/2024.
Relèvement des seuils :
Exonération totale si valeur < 500.000 €
Exonération partielle si valeur > 500.000 € et < 1.000.000 €.

Nouvelle définition des valeurs prises en compte : prix convenu entre les parties ou valeur vénale.

Pour société à l’IS : respect du plafond des aides d’État « de minimis ».

possibilité temporaire d’amortissement fiscal du fonds de commerce

Le PLF 2022 comporte également une disposition favorable à la reprise d’entreprise et donc à sa transmission.

Il prévoit, sous conditions, la possibilité d’amortir fiscalement le fonds de commerce.

A ce jour, cet amortissement est réalisable d’un point de vue comptable pour certaines entreprises (petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce et PCG (Plan Comptable Général), article 214-3 al. 5) mais ne peut être pris en compte fiscalement (Avis du Conseil d’État du 8 septembre 2021).

D’un point de vue fiscal, seules les provisions pratiquées sur le fonds de commerce sont déductibles du résultat (article 38 sexies Annexe III CGI).

L’article 6 du PLF 2022 prévoit la possibilité d’amortir fiscalement les fonds commerciaux acquis entre le 01/01/2022 et le 31/12/2023.

L’objectif est de réduire le coût fiscal pour l’acquéreur et de facilité la reprise du fonds de commerce.

Cette mesure semble concerner toutes les entreprises et pas uniquement les petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce.

 

 

 

 

Le Projet de Loi de Finances pour 2022 comporte ainsi plusieurs mesures en faveur de la transmission d’entreprise et de société.

Le texte n’étant pas encore voté, il est trop tôt pour en apprécier son impact. Tel que le PLF le présente, les principales mesures d’assouplissement restent provisoires. Les amendements et le vote définitif peuvent par ailleurs modifier ces dispositions.

Dans tous les cas, le professionnel de la gestion de patrimoine doit en rester informé pour conseiller au mieux son client entrepreneur.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Sources :

(suite…)