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Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Donation indirecte, donation déguisée : de quoi s’agit-il ? Quelles différences ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Qu’est-ce qu’une donation indirecte, une donation déguisée ? Quelles sont les situations concernées et les risques ?

Paradoxalement, les donations déguisées et indirectes procèdent d’actes juridiques qui ne revêtent pas, à l’origine, la forme d’une donation.

Il s’agit par exemple d’un acte de vente immobilière, d’un contrat de prêt ou d’une stipulation pour autrui, qui, sous certaines conditions, peuvent être considérés comme une donation par l’administration fiscale et la jurisprudence.

Les donations indirectes et les donations déguisées ont des particularités communes en termes :

  • de forme :
    Elles échappent en effet à la règle de forme prévue à l’article 931 du Code civil qui dicte que « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats… »  mais sont pourtant validées par la jurisprudence et l’administration fiscale (Cass. Req. 2-4-1823, Cass. Req., 1er juin 1932, Cass. Civ. 1e, 26-4-1984, Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553).
  • de fond :
    Bien qu’elles procèdent d’un acte réel dans lequel la volonté de donner n’est pas exprimée, elles ont cependant toutes les caractéristiques des libéralités (C. civ. Art. 893, 894) :
    • un appauvrissement du donateur
    • un enrichissement du donataire
    • une intention libérale.

Leur objectif commun est donc de procurer un avantage patrimonial, qui se traduit par une économie d’impôt et/ou un enrichissement profitant à l’une des parties au contrat ou aux deux simultanément.

Elles obéissent toutes deux aux règles de fond qui régissent les libéralités, elles sont donc présumées rapportables (C.civ. art.843 ss) et réductibles (C.civ. art.921 ss), la preuve pouvant être apportée par tous moyens par les co-héritiers qui veulent en obtenir le rapport et/ou la réduction.

Fiscalement, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit (CGI art. 777 ss), au même titre que toutes les donations.

Elles sont irrévocables sauf les exceptions prévues par la loi :

  • inexécution des conditions sous lesquelles elles ont été faites,
  • ingratitude du donataire,
  • survenance d’enfants chez le donateur (C.civ. art 953 ss), sauf les donations de biens présents entre époux (C.civ. 1096, al.3).

Mais les similitudes s’arrêtent là. Bien qu’en pratique, ces deux types de donation peuvent paraître proches, elles sont bien distinctes et ne doivent pas être confondues.

En effet, si la donation indirecte « est enveloppée d’un persistant mystère » ( R. Libchaber, Pour une redéfinition de la donation indirecte, 30.12.2000, Ed. Defrénois), la donation déguisée est plus facilement identifiable en ce qu’elle masque sous un acte apparent la véritable intention de donner du disposant.

qu’est-ce qu’une donation déguisée ?

Citée aux articles 911 ou 1832-1 du Code civil, la donation déguisée est constamment validée par la jurisprudence, qui précise : « les libéralités faites sous couvert d’actes à titre onéreux sont valables si elles réunissent les conditions de forme des actes dont elles empruntent l’apparence et si les règles de fond auxquelles elles sont assujetties sont propres aux actes à titre gratuit » (Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63).

le régime juridique des donation déguisées

La donation déguisée prend la forme d’un acte à titre onéreux mais cache en réalité une libéralité, c’est-à-dire un acte à titre gratuit.

La donation déguisée a donc pour particularité de respecter à la fois :

  • les conditions de forme propres à l’acte à titre onéreux qui masque en réalité la libéralité.
  • les conditions de fond propres aux donations entre vifs, comme nous l’avons précédemment indiqué.

L’acte ne révèle aucune intention de donner mais satisfait néanmoins à toutes les conditions de fond pour être considéré comme une donation.

Exemple de donation déguisée la plus courante :

Une personne vend un bien à une autre, laquelle ne paiera jamais le prix, soit parce qu’il n’est jamais versé par l’acheteur, soit parce qu’il est secrètement remboursé à ce dernier (Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701).

Les deux fondements d’une donation déguisée sont donc :

  • le déguisement de l’acte ( 1e civ. 26 avril 1984, n° 82-16.933)

    Par exemple, une reconnaissance de dette qui stipule bien que la dette existe mais qui dissimule en réalité une donation.

  • l’intention libérale d’une des parties.

Ces preuves de validité, déguisement de l’acte et intention libérale, doivent être établies par celui qui les allègue et dépendront de l’appréciation des juges du fonds.

Les motifs d’une donation déguisée peuvent être d’ordre :

  • successoral : avantager ou léser un futur héritier ou un futur légataire
  • ou fiscal : échapper aux droits de mutation à titre gratuit plus élevés que ceux auxquels l’acte de vente apparent serait soumis.

Exemples :

Une tante, âgée de 90 ans, vend à son neveu qui est son légataire universel, sa résidence principale avec une réserve d’habitation viagère pour le prix de 121.959 € converti en rente viagère d’un montant annuel de 25.611 €. Elle décède deux mois plus tard. L’administration fiscale a requalifié l’acte de vente en donation déguisée et exigé le paiement des droits de donation ainsi qu’une pénalité de 80 % sur le montant des droits dus.

En effet, le neveu avait vocation à recevoir la maison moyennant le paiement de droits de succession de 55 % et les trois premiers chèques correspondant à la rente n’ont été présentés qu’après le décès de cette dernière (Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345).

Vente fictive d’un bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant, l’enfant ne payant jamais le prix convenu dans l’acte de vente. Les frais d’acte sont d’environ 36.300 €.

La donation du même bien immobilier d’une valeur de 500.000 € d’un père à son enfant entraînerait des droits de mutation à titre gratuit de 78.194 € (en tenant compte de l’abattement de droit commun en ligne directe de 100.000 €).

le régime fiscal des donation déguisées

Si la donation déguisée est avérée, l’imposition aux droits de donation n’est pas systématique. L’acte est d’abord imposé conformément à sa nature, selon le régime fiscal dit de l’acte apparent (vente, prêt …).

Si les montants concernés sont significatifs, l’administration fiscale peut également imposer l’opération au régime fiscal des donations.

La donation déguisée relève de la procédure de répression des abus de droit par simulation (LPF, art. L 64).

Cette procédure est mise en œuvre à l’initiative de l’administration.

L’article L 64 du Livre des procédures fiscales vise les actes constitutifs d’un abus de droit que sont notamment les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation).

L’acte rend donc exigible les droits de mutation à titre gratuit et l’intérêt de retard de 0,20 % (CGI, art. 777, 1727).

Outre les droits de mutation à titre gratuit, la donation déguisée peut également être  sanctionnée au titre de l’abus de droit par une pénalité égale à 80 % des droits rappelés et ramenée à 40 % s’il « n’est pas établi que le  contribuable est l’instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l’abus de droit.»( CGI, art. 1729,  BOI-CF-INF-10-20-20 , n° 80).

Ces risques de requalification sont par ailleurs accrus par la mise en place de la nouvelle notion d’abus de droit de l’article L64 A du LPF, concernant les actes réalisés depuis le 1er janvier 2020 dans un but principalement fiscal et non « exclusivement ».

Si l’administration et le contribuable sont en désaccord sur les rectifications, le litige est soumis au comité de l’abus de droit fiscal (CADF). Quel que soit l’avis rendu par le CADF, la charge de la preuve incombe à l’administration depuis le 1er janvier 2019 (LPF, art. L 192). Pour les rectifications opérées avant le 1er janvier 2019, c’est le contribuable qui supporte la charge de la preuve.

En dernier ressort et en cas de refus par le contribuable d’accepter les rectifications proposées par l’administration, ce sont les tribunaux judiciaires qui tranchent le litige.

qu’est-ce qu’une donation indirecte ?

Le Code civil fait référence à la donation indirecte dans plusieurs articles sans pour autant la définir (C.civ. art. 843, 853, 920,1099).

Si la donation déguisée repose sur un mensonge (Cass. 1e civ., 26-4-1984, n° 82-16.933), la donation indirecte repose sur un acte réel et sincère autre qu’une donation, lequel acte ne cache pas l’avantage patrimonial consenti dans une intention libérale par l’une des parties au profit de l’autre partie au contrat.

La seule cause de validité d’une donation indirecte est donc « une intention de donner, matérialisée autrement que par les formes répertoriées des donations non solennelles, qu’elles soient déguisées ou manuelles » (R. Libchaber, op. cit. supra).

La donation indirecte n’est donc ni un don manuel en ce qu’elle ne se réalise pas par une donation (directe) de la main à la main par simple tradition réelle d’une chose mobilière, ni une donation déguisée en ce qu’elle ne masque pas derrière un acte en apparence onéreux, un acte volontairement gratuit.

A noter : contrairement à la donation déguisée, une donation indirecte peut être consentie à une personne incapable (C.civ. art.911).

Il est donc beaucoup plus complexe de définir ce type de donation et certainement plus parlant de l’appréhender en fonction des actes les plus caractéristiques qu’elle peut revêtir.

acte à titre onéreux déséquilibré et donation indirecte

Ce sont des actes dans lesquels la prestation est volontairement déséquilibrée afin qu’un avantage patrimonial profite à l’un des parties au contrat.

Ainsi, dans le cas d’une vente :

  • le prix de vente est majoré afin que la libéralité profite au vendeur.
  • le prix de vente est minoré afin que la libéralité profite à l’acheteur.

Exemple :

Une vente dont le prix stipulé dans l’acte est inférieur à la valeur réelle des biens :

Deux époux vendent à l’une de leurs deux filles et au mari de celle-ci leur propriété agricole et des terres, à des prix sous-évalués.

Au décès du père, la fille lésée demande le rapport à la succession de cette donation indirecte correspondant à la différence entre le prix de vente des biens et leur valeur réelle (Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926).

paiement pour autrui et donation indirecte

Il s’agit ici de payer à la place d’autrui sans qu’une créance ne soit constatée ni remboursée.

Exemple :

Un époux marié sous le régime de la séparation de biens paie les dettes de son épouse et l’acquisition de trois biens immobiliers au nom de cette dernière. Après le décès de son époux, la veuve ne peut justifier de son engagement à rembourser les sommes en cause, se comporte en propriétaire et aucune créance à son encontre ne figure dans l’actif successoral du défunt (CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87).

En revanche, dans une situation d’acquisition indivise d’immeubles par des époux séparés de biens, grâce aux deniers personnels du mari, il a été considéré que ce financement ne constituait pas une donation indirecte en faveur de l’épouse, faute d’intention libérale, mais une donation rémunératoire non taxable. Les versements faits par l’époux sont considérés comme contrepartie des services rendus par sa femme qui a abandonné sa carrière professionnelle pour s’occuper de son enfant issu d’un premier lit (TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e ch. : RJF 11/06 n° 1472).

Les juges estiment qu’une donation présente un caractère rémunératoire en l’absence d’intention libérale du disposant et consiste donc en la rémunération, par exemple, de la collaboration bénévole au travail du conjoint (Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282), de sa contribution aux travaux domestiques si celle-ci a excédé sa part normale aux charges du ménage (Cass. 1e civ. 4-3-1980), des sacrifices professionnels de l’épouse pour soutenir la carrière de son mari (Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD).

remise de dette et donation indirecte

La remise de dette emporte renonciation par le créancier en faveur du débiteur au droit d’exiger en tout ou partie le paiement de la dette. Si elle résulte d’une intention libérale, elle donne ouverture aux droits de mutation à titre gratuit quand elle est acceptée par le débiteur (BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110).

Il en est ainsi par exemple de la remise de dette accordée par un créancier à son débiteur où le donateur accepte de renoncer à ses droits. Le créancier renonçant s’appauvrit dans le même temps que son débiteur s’enrichit par la disparition d’un élément de passif (CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990).

La remise de dette constitue l’extinction d’un droit et non sa transmission actuelle et irrévocable. Pour autant, elle peut être constitutive d’une donation indirecte.

La jurisprudence précise ainsi que la remise de dette, même à titre gratuit, « repose sur l’extinction d’un droit et non sur la transmission actuelle de biens, avec dessaisissement qui constitue la donation entre vifs proprement dite » (Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454).

renonciation à un droit et donation indirecte

Il existe deux catégories de renonciation :

  • La renonciation abdicative C’est la renonciation à un droit faite sans l’intention de gratifier celui qui en bénéficie. Le titulaire du droit l’abandonne purement et simplement sans se préoccuper du devenir de son droit.Elle ne constitue pas une donation (Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149).
  • La renonciation translativeCette renonciation est faite dans l’intention de transmettre un droit à une personne.Elle est constitutive d’une donation indirecte.

Exemples :

Renonciation à un usufruit :

Des parents donnent la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants. Dix-huit mois plus tard, ils renoncent à leur usufruit de sorte que les enfants, devenus pleins propriétaires, perçoivent les loyers. Les juges ont estimé que cette renonciation à usufruit procédant d’une intention libérale, était un acte translatif de l’usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation (Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729).

En revanche, l’usufruitier qui renoncerait à son droit d’usufruit parce que celui-ci est grevé de charges et ne lui apporte aucun gain tangible, ne réaliserait pas une libéralité (R. Libchaber, op.cit. supra).

Renonciation à un legs :

Une personne renonce au legs que lui a consenti sa sœur défunte au profit de sa seconde sœur dans l’intention de rétablir un équilibre qu’il estimait rompu par le legs fait en sa faveur. « Ainsi, c’est bien en se fondant sur l’intention libérale de l’auteur de l’acte que la cour d’appel lui a attribué le caractère d’une libéralité.» (Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554).

Renonciation au bénéfice d’une succession :

En principe, la renonciation à succession ne peut être qualifiée de donation indirecte sauf à prouver l’intention libérale du renonçant (C.civ., art. 804 ss, Cass. 1e civ. 16-3-1999).

Mais la jurisprudence peut requalifier une renonciation à succession en donation indirecte.

Exemple :

Une personne décède, laissant pour cohéritiers, sa sœur et ses neveux. La sœur de la défunte renonce à la succession, substantielle, au profit de ses neveux avant de décéder elle-même. Cette intention libérale exorbitante au profit de ses neveux s’expliquant par « la mésintelligence qui, depuis de nombreuses années, régnait entre sa fille et elle, la cour a ainsi caractérisé l’existence d’une donation indirecte. » (Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier).

La renonciation à un droit a pour particularité de ne pas transmettre ce droit lui-même puisqu’il est éteint par la renonciation elle-même. Mais cette opération peut néanmoins relever d’une intention libérale.

Il faut donc systématiquement apporter la preuve qu’il y a bien eu volonté de donner, une renonciation n’étant jamais explicite quant aux intentions dont elle procède.

En effet, l’existence d’une donation indirecte implique que les conditions définies à l’article 894 du Code civil soient réunies (intention de donner, dessaisissement irrévocable du donateur et acceptation du donataire).

Il suffit que la preuve de l’une de ces conditions ne soit pas rapportée pour que la qualification de donation indirecte soit écartée.

donation indirecte et stipulation pour autrui

Les risques de donation indirecte dans le cas de stipulation pour autrui concernent principalement l’assurance-vie et les contrats de fiducie.

Assurance vie et donation indirecte

En principe, la souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas une donation indirecte au profit du bénéficiaire, dès lors que la faculté de rachat dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat exclut qu’il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l’article 894 du code civil.

Mais un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation indirecte s’il est prouvé que le souscripteur souhaitait se dépouiller de manière irrévocable au profit du bénéficiaire.

Une telle requalification implique d’établir :

  • un défaut d’aléa dans les rapports entre le souscripteur et le bénéficiaire au moment de la rédaction de la clause bénéficiaire, le décès de l’assuré étant la seule cause possible du dénouement du contrat
  • que les éléments constitutifs d’une donation (intention libérale, dépouillement irrévocable du souscripteur et acceptation du bénéficiaire) sont réunis (Memento Francis Lefebvre, successions et libéralités, 2021, Ed. Francis Lefebvre, n° 45315).

Ces risques peuvent survenir entre autres dans les situations suivantes :

Requalification en donation indirecte de contrats co-souscrits par des époux avec des fonds communs et non dénoués au premier décès :

Depuis le 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des deniers communs et non dénoué au décès du premier époux, n’est pas intégrée, au plan fiscal, à l’actif de la communauté (RM CIOT, n° 78192, 23-2-16, BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380).

Cependant, sur un plan civil, la moitié de la valeur de rachat du contrat doit être rapportée à la succession (Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383).

Si le partage successoral n’est pas fait, un risque de requalification en donation indirecte au profit du survivant des époux est encouru.

Requalification en donation indirecte de contrats non acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

  • Une clause bénéficiaire est modifiée par le souscripteur qui se sait mourant, trois jours avant son décès, au profit de la personne qu’il a nommée légataire universelle depuis peu ( ch. mixte, 21-12-2007, n° 06-12.769).Les juges ont constaté ici une « absence d’aléa dans les dispositions prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat », l’imminence du décès du souscripteur, et la volonté de ce dernier de transmettre irrévocablement et immédiatement le capital du contrat à sa légataire.
  • Une personne âgée de 102 ans, effectue deux versements de 750.000 € quelques mois avant son décès. La cour d’appel de Versailles a constaté le « caractère illusoire ou purement théorique de la faculté de rachat et la volonté de se dépouiller irrévocablement» (CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376).

L’acceptation postérieure au décès ne fait pas obstacle à la requalification du contrat en donation indirecte et à son imposition aux droits de mutation à titre gratuit (CGI, art 784).

Requalification en donation indirecte de contrats acceptés par les bénéficiaires du vivant des souscripteurs :

Le contrat d’assurance vie peut être également requalifié en donation indirecte si le souscripteur a renoncé à sa faculté de rachat en donnant simultanément son accord à l’acceptation du bénéficiaire.

Il est ici important de tenir compte de la date d’acceptation du bénéfice du contrat :

  • Le bénéfice du contrat a été accepté avant le 18 décembre 2007 :Dans ce cas, le souscripteur conserve son droit de rachat sauf à avoir renoncé expressément à ce droit (Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934). Il ne se dessaisit pas alors irrévocablement des actifs du contrat même après l’acceptation du bénéficiaire.Exemple : Un époux souscrit des contrats d’assurance vie dont la bénéficiaire est sa maîtresse qui accepte le bénéfice du contrat. Par écrit, il consent dans le même temps à l’acceptation par la bénéficiaire. Au décès de celui-ci, son épouse demande la requalification des contrats d’assurance vie en donation indirecte. La Cour de cassation casse l’arrêt qui requalifie les contrats d’assurance en donation indirecte car, même si le bénéfice avait été accepté, le souscripteur conservait son droit de rachat et ne se dépouillait donc pas de manière irrévocable (Cass.1e civ. 20-11-2019, N° 16-15.867).
  • Le bénéfice du contrat a été accepté depuis le 18 décembre 2007 :Le souscripteur perd sa faculté de rachat s’il a donné son accord à l’acceptation du bénéficiaire (Code des assurances art L 132-9,I-al.1, loi 2007-1775 du 17-12-2007).Ainsi, si le souscripteur donne son accord à l’acceptation du bénéficiaire, il renonce à son droit de rachat ce qui permet de requalifier plus facilement un contrat d’assurance vie en donation indirecte.

Renonciation au bénéfice d’un contrat d’assurance vie par le bénéficiaire après le décès du souscripteur :

La renonciation au bénéfice du contrat doit nécessairement être expresse. Elle conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et est totalement indépendante de la renonciation à la succession du défunt. En principe, elle ne constitue pas une donation.

Une réponse ministérielle précise ainsi que « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026).

La renonciation au bénéfice du contrat doit pour cela être pure et simple : « Je renonce au bénéfice du contrat… ».

L’expression « Je renonce au profit de… »  constituerait une renonciation translative témoignant de la volonté de donner du bénéficiaire renonçant et conduirait à une requalification fiscale en donation indirecte.

Fiducie et donation indirecte

« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. » (C.civ. art. 2011)

Le contrat de fiducie permet donc à une personne, dite constituant, de transférer une partie de son patrimoine à une personne physique ou morale, dit fiduciaire. Ce dernier est en charge de gérer ces actifs au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.

Reconnue en France depuis 2007, la fiducie permet de gérer un patrimoine en faveur d’un bénéficiaire, comme un enfant handicapé par exemple, ou est utilisée pour garantir un créancier. A la différence des pays anglo-saxons, elle ne peut pas être utilisée en France dans un objectif de transmission.

Ainsi, « le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public. » (C.civ. art. 2013)

Dans les cas où l’intention libérale est prouvée, les droits de mutation à titre gratuit s’appliquent sur la valeur des biens, droits ou fruits ainsi transférés, appréciée à la date de ce transfert. Ils sont liquidés selon le tarif applicable entre personnes non parentes mentionné au tableau III de l’article 777 du CGI (article 792 bis du CGI).

 Si la donation déguisée repose sur un acte sciemment mensonger, son auteur étant  supposé en connaître les risques et les conséquences tant juridiques que fiscaux, la donation indirecte peut s’accomplir sans que ne soit « préméditée » par son protagoniste une intention libérale ou une fraude à la loi.

La donation indirecte peut en effet résulter d’un acte tout aussi anodin qu’ambivalent que la renonciation à un droit ou la stipulation pour autrui. Ces actes neutres par excellence, ni onéreux, ni gratuits, peuvent donc constituer ou non le vecteur d’une volonté libérale, sans que le renonçant ou le stipulant ait eu une quelconque intention de donner.

Le rôle du conseil patrimonial est donc d’analyser en amont l’acte envisagé par son client, ses motivations et objectifs, d’en déduire un constat, et enfin de le conseiller afin de prévenir tout risque de requalification par l’administration et/ou les tribunaux.

Auteur

Jean-Guy Pécresse    

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Sources :

  • Code des assurances
  • Art. L 132-9
  • Code civil
  • Art. 804 ss
  • Art. 843
  • Art. 853
  • Art. 893
  • Art. 894
  • Art. 911
  • Art. 931
  • Art. 1044
  • Art. 1096
  • Art. 1099
  • Art. 1205
  • Art. 2011
  • Art. 2013
  • Code général des impôts
  • Art. 792 bis
  • Art.  1727
  • Art. 1729
  • Livre des procédures fiscales
  • Art. L 64
  • Art. L 64 A
  • Art. L 192
  • Jurisprudence
  • Cass. Req. 2-4-1823
  • Cass. Req., 1er juin 1932
  • Cass. 1e civ. 27-11-1961 n° 59-13.331 : Bull. civ. I n° 553
  • Cass. 1ère civ. 6-11-2013, n° 12-233.63
  • Cass. 1e civ. 4-3-2015, n° 13-27.701
  • Cass. 1e civ. 26 avril 1984, n° 82-16.933
  • Cass. Com., 21-10-2008, n° 07-19.345
  • Cass. 1e civ., 21-10-2015, n° 14-24.926
  • Cass. 1e civ. 25-6-2002 n° 98-22.282
  • Cass. 1e civ. 4-3-1980
  • Cass.1e civ. 7-6-1998 n° 960-FD
  • Cass. Civ. 2-4-1862, DP,63.1.454
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999 n° 97-13.149
  • Cass. Com, 2-12-1997, n° 96-10729
  • Cass. 1e civ. , 22-12-1959, Bull. civ. I, n° 554
  • Cass. 1e civ. 16-3-1999
  • Cass. 1e civ., 27-5-1961, Bull. civ. I, n° 268 ; D., 62.657, obs. R. Sabatier
  • Cass., 1e civ., 26 juin 2019, 18-21.383
  • Cass. ch. mixte, 21-12-2007, n° 06-12.769
  • Cass. Ch. mixte, 22-2-2008, n° 06-11.934
  • CA Paris, 29-6-2007, n° 05-17124, 1e ch. Sect. B : RJF 1/08 n° 87
  • CA Aix-en-Provence, 27 mars 1990
  • CA Versailles, 12 oct. 2021, n° 20/03376
  • TGI Versailles, 18-1-2006, n° 579, 1e Ch. : RJF 11/06 n° 147
  • BOI-ENR-DMTG-20-10-10, n° 110
  • BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380
  • RM CIOT, n° 78192, 23-2-16
  • Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026
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Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Préparer la future retraite de ses enfants, transmettre son patrimoine dans de bonnes conditions fiscales, maitriser l’utilisation des fonds, préparer l’acquisition de la future résidence principale de ses enfants, baisser ses impôts autant d’atouts que présentent le Plan Epargne Retraite, souscrit par un enfant mineur. Nous vous expliquons pourquoi. 

 

SOMMAIRE

  • Souscription à un PER pour un mineur
  • Clause d’inaliénabilité en Assurance vie vs PER : le match
  • Origine des fonds
  • Les avantages d’ouvrir un PER pour un mineur
  • Pourquoi souscrire le plus tôt possible ? 
 

Souscription à un PER pour un mineur

 

Qui peut souscrire ?

La loi Pacte de mai 2019, qui a créé le Plan Epargne Retraite, n’a soumis à aucune condition d’âge, la souscription d’un PER. Toutefois, la pratique est toute autre, puisque les assureurs ont pu insérer dans leurs conditions générales des contrats, ce qui est tout à fait légal, une condition d’âge pour la souscription d’un Plan Epargne Retraite. 

Si à ce jour, certains assureurs le réservent uniquement aux personnes majeures de plus de 18 ans, d’autres l’ont ouvert aux mineurs soit sans aucune condition d’âge, conformément à l’esprit et au texte de la loi Pacte, soit sous condition d’âge de plus de 12 ans, voire de plus de 16 ans. 

 

Comment souscrire ?

C’est très simple. L’adhésion à un PER mineur nécessite l’accord des 2 représentants légaux qui signent alors les documents de souscription (acte de disposition) et peuvent gérer le contrat jusqu’à la majorité de leur enfant, en leur qualité de représentants légaux disposant de l’autorité parentale.  

Dès lors que l’enfant mineur dispose de ses deux parents, ces derniers doivent donner un accord commun à la souscription du PER, au même titre qu’un contrat d’assurance vie. En cas de désaccord entre eux, l’autorisation du juge des tutelles est nécessaire. 

Une seule exception existe à ce principe d’administration légale des parents : lorsqu’un bien fait l’objet d’une donation à un mineur sous condition qu’il soit administré par un tiers administrateur désigné par le donateur lui-même2. 

Par exemple, il serait possible à chacun des grands-parents de réaliser une donation de sommes d’argent à ses petits-enfants, bénéficiant chacun d’un abattement de 31 865 €, avec obligation de remploi des sommes données dans la souscription d’un PER par l’enfant mineur et désignation d’un tiers administrateur autre que le ou les parents. Dans ce cas, les signataires des documents de souscription PER seront les tiers administrateurs désignés dans l’acte de donation avec dérogation au principe de l’administration légale des parents. L’avantage fiscal ici réside notamment dans le fait que les primes versées sur le PER issues de la donation des grands-parents aux petits-enfants viendront réduire l’IR du foyer fiscal des parents auquel est rattaché le mineur. Une bonne combinaison pour répondre aux objectifs de constitution de droit retraite, transmission intergénérationnelle, protection et limitation du coût fiscal.  

 

Clause d’inaliénabilité en Assurance vie vs PER : le match

 

Il a souvent été reproché au PER, sa date de sortie à l’échéance, à savoir la retraite. D’où l’utilisation du terme de « contrat tunnel ». Sauf que cette indisponibilité peut constituer un point positif, notamment dans le cadre d’une souscription mineur.  

Car lorsque les parents ou les grands-parents réalisent une donation de sommes d’argent à leur(s) enfant(s)/petit(s)-enfant(s), ils souhaitent habituellement que le bénéficiaire mineur de cette donation utilise à bon escient les sommes transmises une fois devenu majeur, et notamment l’utilise à l’affectation d’un investissement immobilier par exemple. 

Il est alors possible de prévoir dans le cadre de la donation de sommes d’argent à son enfant, une condition de réinvestissement obligatoire des fonds dans un contrat d’assurance vie. C’est ce qu’on appelle une « donation avec charge ». 

Mais comment faire pour éviter que les fonds ne soient dilapidés dès la majorité du bénéficiaire de la donation, puisque le mineur devenu majeur retrouve sa capacité juridique de gérer seul son contrat et de réaliser les opérations de rachats le cas échéant.  

 

1ère Solution

Prévoir dans l’acte de donation, une clause d’inaliénabilité des fonds, même réemployés dans un contrat d’assurance vie. Le mineur devenu majeur devra alors attendre la date indiquée dans l’acte de donation pour pouvoir réaliser seul, les opérations de rachats sur le contrat d’assurance vie souscrit en remploi des sommes données, afin de pouvoir récupérer celles-ci. Cependant, cette clause d’inaliénabilité est limitée à ses 25 ans. Au-delà, il n’est pas possible de le priver de son droit au rachat sur le contrat d’assurance vie et de disposer librement des fonds.  

Pire, cette clause d’inaliénabilité pourrait être remise en cause judiciairement par le donataire lui-même, devenu majeur, en démontrant que cette indisponibilité lui cause un préjudice, le juge pouvant alors, selon les cas, lever cette indisponibilité avant ses 25 ans, notamment en cas de besoin de liquidités.   

 

Est-ce la meilleure solution ?

La souscription d’un PER, qui apparaît être aujourd’hui la seule solution permettant de limiter l’utilisation des fonds par le donataire, tout en lui permettant de débloquer les sommes de manière anticipée, et ce, pour leur pleine propriété, pour des cas strictement énoncés par la loi, et notamment pour l’acquisition de la résidence principale.  

Il ne faudra cependant pas occulter la fiscalité de sortie anticipée pour cause d’acquisition de la résidence principale, puisque dans ce cas, les primes rachetées seront intégrées à l’assiette taxable de l’IR du bénéficiaire du rachat et les intérêts, au PFU ou option IR + Prélèvements sociaux. Mais dès lors qu’il existe un écart de tranche d’IR entre celui des parents et l’enfant devenu majeur détaché fiscalement, un gain fiscal pourra être constaté. 

 

Existe-il d’autres solutions ?

Une donation démembrée avec réserve d’usufruit viager ne permet pas d’arriver strictement à la même solution (indisponibilité des sommes jusqu’à la retraite sauf sorties anticipées), même si on s’en rapproche sans toutefois l’égaler, puisque le nu-propriétaire devra attendre l’extinction de l’usufruit par décès (date non maitrisable) pour devenir plein propriétaire et commencer à percevoir les revenus. Sachant que l’usufruitier pourra dépenser les revenus, qui ne reviendront alors pas au nu-propriétaire à terme, contrairement à la stratégie PER Mineur.  

Même solution pour la donation à terme qui permet de transmettre sans se démunir, en retenant le bien objet de la donation jusqu’à une certaine date précisée dans l’acte de donation, dont la plus tardive est celle du décès du donateur. Mais cette solution ne permet pas au donataire de récupérer le bien de manière anticipée, sauf à le prévoir expressément dans l’acte de donation.   

 

Origine des fonds

 

Pour justifier qu’un enfant mineur dispose de 4 114 €4 sur son compte bancaire chaque année pour réaliser des versements sur son PER, il faut justifier soit d’un acte de donation, soit tout simplement de présent(s) d’usage5 

Le bénéficiaire de la donation de somme d’argent n’ayant pas plus de 18 ans car s’agissant d’un mineur, il ne sera pas possible d’utiliser l’abattement de 31 865 € applicable aux dons familiaux de sommes d’argent (art. 790 G CGI) puisque le bénéficiaire doit être majeur. Il sera cependant possible d’utiliser le don manuel (cerfa 2735) de biens (art. 757 CGI), en ce compris la donation d’une somme d’argent, et bénéficier de l’abattement de droit commun de 100 000 € en ligne directe, ou de 31 865 € lorsque le donateur est un grand-parent.  

PS : Attention à ne pas confondre l’abattement de 31 865 € applicable aux donations de somme d’argent de l’article 790 G du CGI soumis à condition d’âge (donataire > 18 ans, donateur < 80 ans), et l’abattement de droit commun de même montant en cas de don manuel entre grand-parent et petit-enfant, mais sans condition d’âge cette fois-ci (art. 757 CGI).  

Quant au présent usage, qui n’est soumis à aucune formalité déclarative, il s’agit de transmettre une somme modique pour un ou plusieurs événements particuliers dans l’année (anniversaire, fête religieuse, diplôme…). La jurisprudence a reconnu qu’il s’agissait d’un présent d’usage dès lors que le transfert des sommes ne représentait pas plus de 2.5% environ du patrimoine et/ou des revenus annuels pour un même foyer fiscal. Il serait donc possible, dès lors que l’événement particulier est justifié, de transmettre jusqu’à 2.5% de son patrimoine6 chaque année pour un même foyer fiscal, à ses enfants, sans réaliser de déclaration auprès de l’administration fiscale, et préserver les abattements disponibles pour les donations.  

 

 

Les avantages d’ouvrir un PER pour un mineur

 

Une baisse d’impôt pour tous

L’enfant mineur étant rattaché fiscalement au foyer de ses parents, ces derniers bénéficieront de la diminution de l’assiette taxable à l’IR, générée par le versement des primes de l’enfant mineur sur son PER issus d’un présent d’usage ou d’une donation des grands-parents par exemple.  

Le mineur rattaché fiscalement bénéficie de son propre disponible fiscal retraite. Lorsqu’il ne travaille pas ou peu, le minimum déductible correspond à 10% du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) de l’année précédente, soit 4 114 € pour les revenus 2022, et 4 399 € pour les revenus 2023 déclarés en 2024. 

Et comme tout contribuable, il est possible d’utiliser les plafonds non utilisés des 3 dernières années, soit un cumul possible de versement sur le PER Mineur, déductible de l’IR du foyer fiscal, de plus de 16 000 € en une seule fois la même année. Il faudra toutefois pouvoir justifier que le mineur dispose de 16 000 € sur son compte bancaire (voir point précédent « Origine des fonds »).  

 

Un encadrement des sommes pour l’acquisition de la résidence principale

Lorsque le mineur devenu majeur souhaitera acquérir sa résidence principale, il pourra déloquer son PER de manière anticipée, sans attendre la retraite, et récupérer les primes versées et les intérêts générés pour les affecter à l’opération immobilière. Avec l’augmentation des taux de crédit et les besoins d’apport personnel de plus en plus élevés demandés par les banques dans le cadre d’un prêt immobilier, la souscription d’un PER apparait être une bonne solution pour l’acquisition future de la résidence principale du mineur, qui deviendra majeur.  

Les primes débloquées seront certes réintégrées dans la base taxable à l’IR du majeur. Mais si ce dernier est détaché fiscalement du foyer fiscal de ses parents et qu’il commence tout juste à travailler, sa tranche marginale d’imposition devrait être inférieure à celle de ses parents, ce qui constitue un gain fiscal non négligeable : les parents ayant défiscalisé les primes (par exemple sur une TMI à 30%, 41% ou 45 %), et le mineur devenu majeur pourra être soumis lors du rachat des primes à une TMI à 0% ou 11% (tout du moins au début d’activité).  

 

Une sortie en capital ou en rentes

En l’absence de déblocage anticipé, le mineur devenu majeur pourra, au moment de sa retraite, sortir en rentes ou en capital, fractionné ou non, ou réaliser un mix des deux. Et s’il ne le débloque pas à la retraite (puisque ce n’est pas une obligation), alors les capitaux décès seront versés aux bénéficiaires désignés dans le cadre du PER Assurance, sans reprise de la défiscalisation des primes à l’entrée.  

 

Un avantage fiscal supplémentaire sous réserve de versement régulier des primes pendant 15 ans

Mieux encore, si les primes ont été versées de manière régulière tant en termes de fréquence qu’en terme de montant durant les 15 ans avant le départ retraite du mineur devenu majeur, en cas de décès en phase d’épargne, avant son 70ème anniversaire, les capitaux décès transmis aux bénéficiaires désignés du PER Assurance seront totalement exonérés de fiscalité de l’article 990 I du CGI, et ce, quel que soit le bénéficiaire. Un argument supplémentaire pour verser de manière régulière chaque année sur son PER, y compris pour une souscription mineure 

 

Pourquoi souscrire le plus tôt possible ?

 

Même si l’horizon de la retraite peut être très lointain pour un enfant mineur, l’application de la formule des intérêts composés sur le fonds euros, ou une stratégie d’investissements UC diversifiées long terme… permettra, selon les investissements réalisés et supports choisis, de doubler voire de tripler les sommes disponibles une fois la retraite venue. Car comme l’affirment certains, « Les intérêts composés sont la huitième merveille du monde. Celui qui le comprend s’enrichit, celui qui ne le comprend pas, le paie ».  

Commencer le plus tôt possible, pour se constituer des droits retraites, même lorsque l’on est mineur, peut être utile et pertinent, notamment lorsque l’on sait que les futures générations percevront un niveau de pension inférieur à celui de leurs ainés.  Se constituer une retraite par capitalisation prend alors tout son sens, sans occulter bien entendu la fiscalité de sortie, avec une combinaison possible via l’assurance vie classique pour bénéficier cette fois-ci de la disponibilité des sommes sans possible défiscalisation des primes. 

On évitera cependant d’ouvrir un PER mineur dans le seul but de défiscaliser l’IR des parents car dans ce cas, l’objectif principal est fiscal et l’administration pourrait avoir des choses à redire. Il est de la responsabilité du professionnel de la gestion de patrimoine d’en informer son client.

Ainsi, proposer l’ouverture d’un contrat PER à un mineur, en parallèle d’un contrat d’assurance vie, pour lui permettre de se constituer, en premier lieu, des futures droites retraites est donc tout à fait possible, et apparait être une bonne stratégie et un bon conseil.  

 

Auteur

Benoît BERCHEBRU

Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale chez Nortia groupe DLPK, intervenant en Master 2 Gestion du Patrimoine diplôme RNCP Niveau 7 à l’ESBanque

Sources:

  • article 382 du code civil 
  • article 384 du code civil 
  • article 790 G CGI (Don familiale de sommes d’argent sous conditions d’âge : donateur < 80 ans ; donataire > 18 ans)
  • article 757 CGI (Don entre grand(s)-parent(s) et petit(s)-enfant(s))
Les clauses d’aménagement des régimes communautaires à leur dissolution et des régimes séparatistes

Les clauses d’aménagement des régimes communautaires à leur dissolution et des régimes séparatistes

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Les clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux permettent de définir un régime matrimonial sur mesure. Le point dans ce deuxième article sur les clauses d’aménagement des régimes communautaires à leur dissolution et des régimes séparatistes.

 

Nous avons pu étudier dans notre article précédent l’aménagement des régimes matrimoniaux communautaires par des clauses particulières produisant leurs effets pendant le mariage.

D’autres clauses permettent d’organiser la dissolution du régime communautaire par décès ou par divorce. Enfin, certaines clauses permettent d’aménager spécifiquement les régimes séparatistes. Explications dans ce second article.

SOMMAIRE

  • Les clauses d’aménagement des régimes communautaires prenant effet à la dissolution du mariage en cas de décès
  • Les clauses d’aménagement des régimes communautaires prenant effet à la dissolution du mariage en cas de décès ou de divorce
  • Les clauses d’aménagement des régimes de la séparation de biens et de la participation aux acquêts

 

Les clauses d’aménagement des régimes communautaires prenant effet à la dissolution du mariage en cas de décès

Ces clauses, relativement nombreuses, permettent d’organiser la succession et notamment la protection du conjoint survivant en régime de communauté.

 

La clause d’attribution intégrale en propriété de la communauté

Gain de survie, cette clause (C.civ. art 1524) autorise le survivant des époux à recueillir l’ensemble des biens communs. La succession du prédécédé est « vidée de sa substance » et le survivant des époux devient immédiatement propriétaire de l’intégralité de la communauté.

A noter :

Le conjoint survivant doit accepter ou refuser l’intégralité de la communauté contrairement à la clause de préciput où il peut exercer sa faculté de cantonnement.

La clause d’attribution intégrale en propriété de la communauté peut être prévue dans tout régime de communauté conventionnelle.

En présence d’enfants communs, cet avantage matrimonial n’est pas soumis à réduction, le survivant des époux est investi d’un droit absolu sur l’ensemble des biens.

Les biens devenant instantanément propriété du conjoint survivant, aucune déclaration de succession n’a à être établie et seuls sont dressés l’acte de notoriété constatant l’absence d’enfants susceptibles d’exercer l’action en retranchement et l’attestation immobilière qui constate la propriété des biens au nom du seul survivant.

Corrélativement, le passif est transmis dans son intégralité sans que le conjoint ne puisse se prévaloir du bénéfice d’émolument.

La clause d’attribution intégrale concerne au premier chef les couples sans enfant désireux de protéger exclusivement leur conjoint et de lui faciliter au maximum les formalités de transmission (absence de déclaration de succession).

En présence d’enfants communs :

  • Les enfants perdent l’abattement en ligne direct (100.000 €) au premier décès qui peut être compensé par des donations simples ou des donations-partages du vivant des époux.
  • L’attribution intégrale peut se faire en usufruit de manière à ce que les enfants récupèrent la pleine propriété au décès du second époux.

 

Deux règles peuvent réduire l’avantage matrimonial dont bénéficie le conjoint survivant.

Les héritiers du défunt peuvent faire la reprise des apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur.

Les apports et capitaux sont :

  • Les biens que possédait le défunt au jour du mariage
  • Les biens qu’il a reçus par succession ou libéralité pendant le mariage et tombés en communauté.

L’exercice de ce droit de reprise est donc cantonné aux seuls acquêts.

Les dettes grevant ces apports sont à la charge des successeurs qui exercent la reprise.

A noter :

Ce droit de reprise s’exerce aussi en cas de clause de stipulation de parts inégales.

Les époux peuvent prévoir une clause stipulant l’interdiction de cette reprise.

En présence d’enfants qui ne sont pas issus des deux époux, l’avantage est réductible s’il porte atteinte à la réserve de ces enfants.

En effet, les enfants communs du couple ayant vocation à recueillir dans la succession de leur second parent l’avantage concédé au premier décès, les enfants non issus des deux époux seraient privés au second décès de tout droit dans la succession.

L’effet de l’action en retranchement est de limiter l’avantage matrimonial à la quotité disponible spéciale entre époux prévue à l’article 1094-1 du Code civil.

 Ils peuvent donc à la fois retirer de la communauté les biens apportés par leur auteur et réduire l’avantage matrimonial à la quotité disponible spéciale entre époux.

Point sur la renonciation à la succession et à l’action en réduction

La renonciation pure et simple :

Un héritier peut renoncer purement et simplement à la succession auquel cas le conjoint survivant recueille l’intégralité de la succession.

La renonciation anticipée à l’action en réduction (C.civ. art. 1527, al.3) :

Afin que le conjoint puisse bénéficier de l’avantage matrimonial, les enfants non issus des deux époux peuvent différer l’exercice de l’action en retranchement au décès du conjoint survivant. Ils recueilleront ainsi leur réserve au décès de l’époux survivant. Ce n’est pas une renonciation à proprement parler puisque son exercice en est différé.

La renonciation anticipée à l’action en réduction n’est donc pas une renonciation à la réserve, l’héritier renonçant restant pris en compte pour le calcul de la réserve globale et de la quotité disponible.

 

La clause de préciput

La clause de préciput (de praebere : fournir avant), autorise le survivant des époux ou l’un d’eux, s’il survit, à prélever sur la communauté avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens, meubles ou immeubles (C.civ. art. 1515, 1516, 1518).

Comme l’attribution intégrale de la communauté ou la stipulation de parts inégales, le préciput n’est pas limité à la réserve des descendants en présence d’enfants communs.

Contrairement à d’autres avantages matrimoniaux (attribution intégrale de la communauté, stipulation de parts inégales), lesquels obligent le survivant à recueillir l’intégralité de ce qui leur ait dévolu, cette clause offre la possibilité au conjoint survivant de choisir les biens qu’il désire recueillir dans la succession en fonction de ses besoins et de ses objectifs. Grâce à ce cantonnement successoral (C.civ. art. 1094-1, al. 2), le survivant des époux peut ainsi augmenter l’émolument reçu par les autres cohéritiers.

Exemple :

Le conjoint survivant pourra « abandonner » aux cohéritiers tel bien immeuble qui ne produit pas de revenus, le capital d’un contrat d’assurance-vie financé par des fonds communs, se dénouant au premier décès, et dont l’époux survivant est le bénéficiaire de premier rang, sans que ces renonciations soient considérées comme des donations.

A noter :

En présence de contrats d’assurance-vie financés par des deniers communs non-dénoués au premier décès et dont le souscripteur assuré est le conjoint survivant, ce dernier peut recevoir la totalité des capitaux grâce à la clause de préciput, la valeur de rachat du contrat n’étant pas réintégrée civilement à l’actif de la communauté.

En présence d’enfants qui ne sont pas issus des deux époux, la clause de préciput conserve sa validité et la faculté de cantonnement permet de limiter l’émolument du survivant à la quotité disponible spéciale entre époux (C.civ. art. 1094-1, art. 1527 al. 2). Le conjoint survivant peut choisir ainsi les biens qui servent ses besoins et ses objectifs.

Dans un arrêt récent (Cour d’appel Poitiers, 4 juillet 2023 RG n° 22/01034), la Cour d’appel de Poitiers a confirmé que l’exercice de la clause de préciput s’opère avant tout partage tel que le stipule l’article 1515 du Code civil et que cet exercice n’est pas soumis au droit de partage.

 

La faculté d’acquisition ou d’attribution

Déclinaison de la clause de prélèvement moyennant indemnité, cette clause (C.civ. art. 1390) peut être stipulée sur des biens propres dans les régimes communautaires ou sous un régime séparatiste, sur des biens personnels de l’époux prédécédé.

Elle est appelée « clause commerciale » lorsque son objet porte sur un fonds de commerce ou une entreprise familiale par exemple, elle permet au conjoint bénéficiaire d’échapper au tirage au sort des lots lors du partage.

La jurisprudence considère qu’elle prévaut sur les règles légales de l’attribution préférentielle (C.civ. art 831 ss.) qui ne sont pas d’ordre public (Cass. 1ère civ. 14 février 1967).

Attribution préférentielle conventionnelle, elle ne procure pas d’«enrichissement» au conjoint survivant comme la clause de préciput, la clause d’attribution intégrale de la communauté ou la stipulation de parts inégales.

 

Les clauses d’aménagement des régimes communautaires prenant effet à la dissolution du mariage en cas de décès ou de divorce

Certaines clauses d’aménagement des régimes communautaires prennent effet quelle que soit la cause de la dissolution du mariage : décès ou divorce.

 

La clause de stipulation de parts inégales

Les époux peuvent déroger au partage égal établi par la loi. Ils peuvent aussi bien choisir de réduire que d’augmenter la part du survivant d’entre eux jusqu’à aboutir à l’attribution de la communauté entière.

Cette clause (C.civ.art. 1520, 1521), qui peut s’appliquer en cas de divorce, est le plus souvent utilisée en cas de décès. Elle permet d’anticiper la répartition des biens entre le conjoint survivant et les héritiers.

Au même titre que l’attribution intégrale de la communauté, elle doit être acceptée ou refusée pour le tout.

A noter :

Les héritiers du prédécédé conservent le droit de reprise des apports tombés dans la communauté du chef de leur auteur qui peut être supprimé par une clause contraire.

Le conjoint survivant et les héritiers supportent les dettes de la communauté à proportion de leur part d’actif recueilli.

 

Le prélèvement moyennant indemnité

Le prélèvement moyennant indemnité (C.civ. art 1511 ss) permet à l’un des époux de prélever certains biens communs « à charge d’en tenir compte d’après la valeur qu’ils auront au jour du partage », que le mariage soit dissous par le décès de l’un des époux ou pour une autre cause.

Les biens prélevés par l’époux sont imputés sur sa part. Si leur valeur excède cette part, il y a lieu au versement d’une soulte.

Les époux peuvent aussi prévoir que l’indemnité due par le survivant s’imputera sur ses droits dans la succession du défunt.

En pratique, la clause ne s’exerce qu’en cas de décès et vise souvent la résidence principale, mais elle peut permettre de protéger l’entreprise d’un époux en cas de divorce ou de séparation de corps.

En cas de décès, le survivant des époux se trouve propriétaire des biens sans qu’aucun partage n’ait à être fait.

A noter :

Le prélèvement moyennant indemnité n’est pas considéré comme un avantage matrimonial si l’indemnité correspond à la valeur du bien, sauf à ce que la méthode d’évaluation confère un profit au bénéficiaire.

 

La clause d’exclusion des biens professionnels ou de stipulation de propre

La clause d’exclusion des biens professionnels permet d’exclure de la masse commune des biens tels que les fonds de commerce, les exploitations, les clientèles civiles qui seraient acquis ou crées par un époux pendant le mariage.

Elle permet, en cas de divorce ou de séparation de corps des époux, de protéger l’entreprise.

Cette stipulation de propre peut se faire à titre gratuit ou à titre onéreux.

A noter :

Le bien n’est exclu de la communauté qu’en propriété, cette dernière en conservant la valeur. Ce droit se traduit par une récompense à la communauté le jour de la liquidation. Pour exclure le bien de la communauté en propriété et en valeur, il convient donc de supprimer tout droit à récompense quels que soient le mode d’acquisition et l’origine des fonds employés à cette acquisition.

 

La clause de liquidation alternative

En cas de divorce, les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage, par exemple, l’apport à la communauté de biens propres ou l’adoption de la communauté universelle, sont maintenus (C.civ. art 265, al.1).

D’autres avantages matrimoniaux, tels que la stipulation de parts inégales, la clause de préciput, la clause d’attribution intégrale, sont considérés comme des gains de survie et ne prennent effet qu’à la dissolution du mariage par décès et sont alors révoqués de plein droit en cas de divorce (C.civ. art.265, al. 2).

La clause de reprise des apports faits à la communauté permet aux époux de reprendre en nature les biens apportés à la communauté en cas de divorce, ce qui annule les effets des avantages matrimoniaux qui seraient maintenus (C.civ. art.265, al. 3).

A noter :

Les époux peuvent aussi choisir de ne pas stipuler cette clause de reprise des apports auquel cas les avantages matrimoniaux prenant effet au cours du mariage sont maintenus en cas de divorce.

 

Les clauses d’aménagement des régimes de la séparation de biens et de la participation aux acquêts

Certaines clauses concernent exclusivement les régimes séparatistes.

 

Les clauses aménageant la séparation de biens

On distingue principalement trois aménagements différents.

 

La clause de présomption de propriété

Il est fréquent que les époux séparés de biens incluent, dans leur contrat de mariage ou dans la convention modificative, un inventaire de leurs biens personnels.

Ces clauses de « présomption de propriété » concernent essentiellement les biens meubles car « les biens sur lesquels aucun époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié » (C.civ. art. 1538, al. 3).

Ils peuvent également déclarer indivis certains biens acquis avant le mariage ou à titre de libéralité par contrat de mariage.

 

La faculté d’acquisition ou d’attribution

Cette clause permet à l’époux survivant de recueillir dans la succession certains biens personnels du défunt à charge de tenir compte de leur valeur le jour où cette faculté sera exercée.

Elle porte souvent sur la résidence principale, le mobilier la garnissant, un fonds de commerce.

Elle peut être stipulée par testament.

 

La société d’acquêts

L’adjonction d’une société d’acquêts au régime de la séparation de biens permet de créer une communauté de biens dont les époux définissent le contenu et les règles de gestion.

La société d’acquêts à objet limité ou « à titre particulier » est la forme la plus fréquente de la société d’acquêts. Elle porte sur un ou plusieurs biens déterminés dès sa constitution ou sur une catégorie de biens : le logement familial, les comptes-joints, les droits sociaux…

Les biens composant la société d’acquêts peuvent être des biens appartenant actuellement aux époux mais aussi des biens futurs qui seront mentionnés précisément dans l’acte afin d’établir définitivement leur qualification d’acquêts.

Outre les biens en pleine propriété, les époux peuvent apporter l’usufruit de certains biens à la société d’acquêts. Si l’usufruit a été constitué sur la tête des deux époux, il subsiste au décès du premier époux et confère au survivant la jouissance d’un bien lui permettant de maintenir son train de vie et/ou son cadre de vie.

Au même titre que l’apport en communauté, l’apport de biens meubles ou immeubles personnels à la société d’acquêts constitue un avantage matrimonial prenant effet pendant le mariage (Cass. 1ère civ. 29 novembre 2017, n° 16-29.056).

Les acquêts sont gérés comme des biens communs, les règles de la communauté sont également appliquées au passif, à la dissolution, à la liquidation et au partage de la société d’acquêts.

Une clause de préciput ou de partage inégal peut être stipulée pour les biens dépendant de la société d’acquêts afin d’augmenter les droits successoraux du conjoint survivant.

 

La participation aux acquêts

Ce régime hybride fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage et se liquide à sa dissolution comme une communauté d’acquêts mais en valeur.

L’objectif de ce régime est, qu’à sa dissolution, un des époux bénéficie de  l’accroissement du patrimoine réalisé par l’autre conjoint.

Les clauses d’aménagement les plus fréquentes sont :

  • La clause de partage inégal qui, en pratique, est réservée au survivant des époux.
  • Le droit à la totalité des acquêts nets faits par le défunt.
  • La clause d’exclusion des biens professionnels en cas de divorce.

La Cour de cassation a considéré à plusieurs reprises qu’une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation stipulée dans un contrat de participation aux acquêts constituait un avantage matrimonial au sens de l’alinéa 2 de l’article 265 du Code civil et qu’il devait être révoqué au moment du divorce (Cass. 1ère civ., 18 décembre 2019- Pourvoi N° 18-26.337, Cass. 1èreciv. 31 mars 2021, N° 19-25.903).

Cette décision invalide ce type de clause qui n’a de sens qu’en cas de divorce.

Pourtant, dans différents rapports, la Cour de cassation a, elle-même, suggéré de modifier l’article 265 du Code civil.

Une proposition de loi « visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille » (N° 1961) a été adoptée par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2024.

L’article 1er bis nouveau de cette proposition de loi prévoit l’ajout d’un nouvel alinéa : « La clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation ne constitue pas un avantage matrimonial qui est révoqué de plein droit par le divorce. »

La clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation en cas de divorce est ainsi légalement validée.

 

Grâce à la grande variété des clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux et à leur adaptabilité à tous les objectifs patrimoniaux, les couples mariés ont la possibilité de choisir un régime matrimonial « sur mesure » ou d’adapter et d’actualiser leur régime existant à leurs attentes, à l’évolution de leur patrimoine et à leur situation familiale.

Le rôle du conseil est de les aider à déterminer celles qui répondent à leurs objectifs, respectent l’intérêt de leurs familles et les protègent pendant et après la vie conjugale.

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse  

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Les clauses aménageant les régimes communautaires pendant le mariage

Les clauses aménageant les régimes communautaires pendant le mariage

Temps de lecture estimé : 7 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Les clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux permettent de définir un régime matrimonial sur mesure. Le point dans ce premier article sur les clauses d’aménagement des régimes communautaires pendant le mariage.

 

Le mariage est le statut conjugal qui offre la plus grande liberté contractuelle au couple.

Cette liberté permet aussi bien de choisir un régime matrimonial que de décider de son contenu (C.civ. art. 1387).

Les clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux consistent pour l’essentiel en des modifications apportées au régime de communauté légale (C.civ. art. 1497) et permettent aux futurs époux comme aux couples déjà mariés de choisir les règles qui s’appliqueront à leurs biens et dettes, présents et à venir, pendant le mariage et à sa dissolution.

Ces conventions matrimoniales sont qualifiées d’« avantages » qui peuvent être définis soit, comme « l’enrichissement que le fonctionnement d’un régime conventionnel procure à un conjoint, en comparaison de la situation patrimonial qui eut été la sienne sous le régime légal » (Bernard Vareille) soit, comme le traitement préférentiel accordé à un époux bénéficiaire en tant que copartageant (C.civ. art 1527, al.1).

Ces clauses ne constituent pas des donations, elles échappent donc au régime des libéralités (C.civ. art. 1527, al.1).

Elles ont pour objectifs :

  • d’améliorer la protection du conjoint survivant par un traitement préférentiel
  • d’augmenter les pouvoirs d’administration et de disposition des époux
  • de procurer un gain supplémentaire au conjoint survivant par rapport à ce que lui offrent ses droits successoraux légaux
  • d’éviter les conflits en cas de divorce
  • de permettre la modulation des émoluments entre les copartageants.

A noter :

Une proposition de loi (N° 1961) relative à la révocation des avantages matrimoniaux a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2024.

Jusqu’à présent, l’époux ayant attenté à la vie de son conjoint ou s’étant rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves, conservait le bénéfice de l’avantage matrimonial.

Dorénavant, la demande en révocation de l’avantage matrimonial sera possible dans ces deux cas.

Les clauses d’aménagements peuvent concerner :

Afin d’étudier l’ensemble de ces possibilités, nous aborderons l’étude de ces clauses en deux articles successifs.

Ce premier article est d’abord consacré aux clauses d’aménagement du régime communautaire produisant leurs effets pendant le mariage.

SOMMAIRE

  • Les clauses modifiant la composition de la communauté
  • Clause modificative de la gestion de la communauté : la clause d’administration conjointe

 

Les clauses modifiant la composition de la communauté

Ces clauses permettent d’aménager les modes et proportions de détention des biens en modifiant le statut d’un ou de plusieurs biens afin qu’il(s) entre(nt) en communauté.

 

La clause d’apport à la communauté

Validée par la jurisprudence, la clause d’apport à la communauté permet à l’un des époux de faire entrer un ou des biens meubles ou immeubles, présents ou futurs, qui lui sont ou seront propres en communauté (Cass.1ère civ. 21 janvier 1992, n° 90-14.459).

L’apport en communauté peut être de l’universalité des biens, d’une catégorie de biens ou de tels biens déterminés.

La charge du passif s’étend corrélativement à l’ensemble de la communauté en cas d’apport de l’universalité des biens ou correspond aux dettes attachées aux biens apportés.

Elle est stipulée :

  • à titre gratuit c’est-à-dire sans contrepartie pécuniaire, ce qui est le cas le plus fréquent.
  • à titre onéreux à charge dans ce cas de récompense par la communauté.

 

Exemples :

Un couple est marié sous le régime de la communauté légale.

L’époux apporte à la communauté, gratuitement, la propriété d’un bien immeuble qui lui est propre, d’une valeur de 500.000 €. Quels en sont les avantages ?

  • Son épouse devient immédiatement propriétaire pour moitié du bien, soit 250.000 €.
  • Aucun droit de donation n’est dû en vertu de l’article 1527 du Code civil« Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle… ne sont point regardés comme des donations.» (civ. art. 1527, al.1). S’agissant d’un bien immobilier, l’apport à la communauté de biens immobiliers est néanmoins soumis à la taxe de publicité foncière.
  • L’épouse a le pouvoir d’administrer seule ce bien (civ. art. 1421). Elle peut, par exemple, mettre le bien en location (à l’exception du logement familial).
  • L’apport étant fait à titre gratuit, l’épouse bénéficie d’un avantage matrimonial qui prend ici effet au cours du mariage.
  • Dans cet exemple, le conjoint survivant, déjà attributaire de la moitié du bien en pleine propriété, peut recueillir un quart supplémentaire en pleine propriété dans le cadre de la dévolution légale, ce qui porte ses droits de propriété sur le bien aux ¾ de sa valeur. Sans apport à la communauté, il ne recueillerait en pleine propriété qu’un quart de la valeur du bien (civ. art 757).
  • Le bien, devenu propriété commune aux deux époux, peut être transmis aux enfants sous le bénéfice de deux fois l’abattement de 100.000 €.

 

D’autres applications de cette clause sont possibles :

  • Un immeuble peut être apporté à la communauté afin que l’emprunt qui a permis son financement soit remboursé par les deniers communs.
  • Un terrain sera apporté à la communauté afin d’y édifier le logement de la famille qui sera commun.

Cette clause permet donc aussi bien d’améliorer la situation successorale du survivant des époux, de renforcer l’égalité patrimoniale entre époux et d’anticiper la transmission aux descendants en bénéficiant d’une fiscalité plus favorable.

 

La communauté de meubles et d’acquêts

Régime légal instauré par le Code civil en 1804, il se justifiait à l’époque par le fait que les biens meubles étaient considérés comme ayant moins de valeur que les biens immobiliers (« res mobilis, res vilis » : chose meuble, chose sans valeur).

C’est pourquoi, les liens du sang primant et le conjoint étant évincé de la plupart des successions, les biens fonciers demeurés propres, devaient revenir aux descendants. 

La communauté de meubles et d’acquêts (C.civ. art. 1498 ss.) comprend :

  • Tous les acquêts de communauté: les biens qu’acquièrent les époux pendant le mariage meubles ou immeubles. Y compris les immeubles acquis entre le contrat de mariage et la célébration du mariage.
  • Tous les biens meubles sans distinction d’origine, de date ou d’acquisition.

Restent des biens propres :

  • Les biens immeubles acquis avant le mariage par donation, succession ou acte à titre onéreux.
  • les biens meubles stipulés propres par le donateur ou le testateur.
  • les biens meubles ou immeubles acquis en subrogation d’un bien propre.
  • les biens dits propres par nature, même acquis pendant le mariage : tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne (civ. art. 1404).

Le passif est constitué du passif commun dans la communauté légale et du passif afférent à l’ensemble des meubles communs.

Les opérations d’administration et de liquidation sont les mêmes que celles régissant la communauté légale.

Exemple :

Ce régime peut permettre à des époux disposant de biens meubles de valeur (actifs financiers, œuvres d’art, objets de collection) d’établir un certain équilibre entre leurs patrimoines respectifs ou d’enrichir un conjoint moins bien loti.

 

La communauté universelle

Dans ce régime (C.civ. art. 1526), les époux mettent en commun l’intégralité de leurs biens, meubles et immeubles, présents et futurs, qu’ils aient été acquis avant le mariage ou après, à titre gratuit ou à titre onéreux.

Ceci s’applique également aux droits indivis qu’a pu recueillir un époux par succession (Cass. 1ère civ. 2 avril 2008).

Corrélativement, toutes les dettes présentes et futures sont communes tant au plan de l’obligation à la dette qu’à celui de sa contribution. Ce régime est ainsi à déconseiller à des époux exerçant une profession « risquée », tel le chef d’entreprise (Cass. 1ère civ. 3 octobre 2018, D.2018.1968).

Les biens propres par nature (C.civ. art. 1404) ne tombent pas en communauté sauf volonté contraire des époux.

Un donateur ou un testateur peut aussi donner ou léguer sous condition que le bien n’entre pas en communauté.

A la dissolution du régime par décès de l’un des époux, la communauté doit être liquidée et partagée dans les conditions habituelles d’une communauté.

Au même titre que l’apport à la communauté et la communauté de meubles et acquêts, l’adoption du régime de la communauté universelle génère un avantage matrimonial unilatéral ou réciproque au profit du ou des époux apporteurs de biens à la communauté (Cass. 1ère civ. 19 octobre 1983, n° 82-12.046).

A ce régime matrimonial est très souvent adjointe une clause d’attribution intégrale de la communauté que nous aborderons dans un second article.

 

Clause modificative de la gestion de la communauté : la clause d’administration conjointe

Dite de « main commune », cette clause (C.civ. art. 1503) prévoit que les époux accompliront sous leurs signatures conjointes, les actes d’administration et de disposition. Seuls les actes conservatoires peuvent être effectués séparément par chaque époux.

Seules les dettes nées des actes accomplis par les deux époux en vertu de la clause « emportent de plein droit solidarité des obligations » engendrées (C.civ. art. 1503, al.2).

En pratique, elle est très peu utilisée car contraignant les époux à accomplir ensemble tous les actes d’administration et de disposition.

Il est à noter que la clause de représentation mutuelle, les époux se donnant réciproquement le pouvoir d’administrer la communauté, est interdite.

 

L’ensemble de ces clauses, prévues à l’origine du contrat de mariage ou rajoutées par la suite lors d’une modification du régime matrimonial, vise à modifier la constitution ou la gestion de la communauté pendant la durée du mariage.

 

Nous verrons dans notre prochain article quelles sont les clauses produisant leurs effets non pas pendant le mariage, mais lors de la dissolution de la communauté au décès d’un des époux ou en cas de divorce. Nous étudierons également quelles sont les clauses modificatives des régimes séparatistes.

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse  

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit,  l’IFI et le pacte Dutreil

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit, l’IFI et le pacte Dutreil

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024 comporte des conséquences patrimoniales importantes : la modification du régime micro-BIC de la location meublée, les restrictions des effets fiscaux des donations de sommes d’argent démembrée, la déduction de certaines dettes à l’IFI, et des précisions sur les activités éligibles au dispositif Dutreil. Explications.

 

Parmi les mesures habituelles d’actualisation du barème de l’IR et de modifications de certains crédits d’impôt, plusieurs décisions de la Loi de finances 2024 ont des impacts nouveaux et conséquents sur les stratégies patrimoniales.

Elles concernent le régime fiscal de la location meublée et plus particulièrement du régime micro-BIC, le traitement fiscal de la créance de restitution suite à une donation de sommes d’argent avec réserve d’usufruit, la déduction de certaines dettes à l’IFI et des précisions attendues sur l’éligibilité de certaines activités au pacte Dutreil.

SOMMAIRE

  • Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur
  • La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution
  • IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société
  • Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur

Fortement remis en cause, le régime fiscal de la location meublée est finalement revu sur son seul dispositif micro-BIC. Celui-ci est néanmoins fortement restreint et par erreur de rédaction de la loi.

 

 

Location meublée : un régime fiscal fortement discuté

Le régime fiscal de la location meublée a été largement discuté en préparation de la Loi de finances, l’attractivité fiscale de ce dispositif étant considéré comme favorisant les locations saisonnières de type « AirBnB » au détriment des locations d’habitation longue durée.

Les amendements proposés visaient à réduire les avantages du régime micro-BIC de la location meublée de courte durée et à l’aligner sur celui du régime micro-foncier de la location nue.

Certains amendements allaient plus loin et proposaient de réduire les avantages d’imposition de la plus-value de cession pour les loueurs en LMNP (Location Meublée Non Professionnelle). Sous ce statut en effet, la plus-value lors de la cession du bien relève du régime de la plus-value immobilière des particuliers (prix de revient majoré des frais d’acquisition et travaux non déduits (ou forfait sous conditions) et abattement pour durée de détention exonérant définitivement la plus-value au terme de 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux).

Un amendement proposait d’aligner le régime des plus-values de cession en LMNP avec celui de la LMP (Location Meublée Professionnelle), c’est-à-dire avec le régime des plus-values professionnelles. Dans ce régime, le prix de revient n’est pas majoré et est au contraire minoré des amortissements pratiqués, ce qui augmente la plus-value imposable dite à court terme.

Cette proposition de modification du calcul des plus-values de cession en LMNP n’a finalement pas été retenue et seules les modifications du régime micro-BIC ont été votées.

Ces modifications ont-elles-mêmes donné lieu à de nombreuses discussions sur le type de location meublée concernée, les plafonds et les taux d’abattement retenus.

Fin décembre, dans le cadre de la navette parlementaire, le Sénat a revu la proposition adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, en réduisant significativement les avantages du micro-BIC.

Bien que le gouvernement ne soutenait pas l’amendement du Sénat, cette proposition a néanmoins été incluse dans le projet définitif de Loi de Finances pour 2024. Il s’agit selon le gouvernement d’une « erreur » et des mesures devraient être prises d’ici la déclaration d’IR (Impôt sur le Revenu) 2024 pour rectifier ces règles.

Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, la loi étant promulguée, c’est ce nouveau régime micro-Bic particulièrement défavorable qui s’applique et ceci sur les revenus déjà réalisés en 2023 puisque la Loi de finances est rétroactive.

 

 

Un nouveau régime micro-BIC pour la location meublée applicable dès 2023

Quelle est la teneur de ce nouveau régime micro-BIC ?

Jusqu’en 2022, les revenus des activités de location meublée, qu’il s’agisse de LMP ou de LMNP, pouvaient relever du régime micro-BIC sous certaines conditions de seuil de chiffre d’affaires. Les locations meublées de courte durée classées bénéficiaient également d’un abattement majoré de 71 %. Les principes peuvent être résumés dans le tableau suivant :

Régime micro-BIC de la location meublée avant la Loi de finances pour 2024 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée d’habitation ou de courte durée non classée CA < 77.700 € 50 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 188.700 € 71 %

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024, tel que le prévoit son texte à ce jour, réduit le seuil de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-BIC à 15.000 €, ceci pour les locations meublées de courte durée, c’est-à-dire les locations saisonnières à la journée, à la semaine ou au mois (avec un maximum de 6 mois), autrement nommée location de tourisme. Concernant ce seuil, le texte ne précise pas quel type de location meublée de courte durée est concernée, classée ou non classée.

Parallèlement, le taux d’abattement est réduit à 30 % s’alignant ainsi sur le régime micro-foncier de la location nue.

Les meublés de tourisme classés peuvent bénéficier d’un taux d’abattement de 51 %, au lieu de 71 % auparavant, sous deux conditions cumulatives :

  • Le bien n’est pas situé dans une zone de déséquilibre d’offres et de demandes de logements. Il doit donc se situer dans les zones non tendues.
  • Le chiffre d’affaires HT de l’année précédente doit être inférieur à 15.000 €

Dans tous les cas, les locations meublées d’habitation de longue durée (bail étudiant, bail mobilité, bail meublé d’habitation) ne sont pas concernées et continuent donc de bénéficier des règles du micro BIC telles que définies antérieurement.

Régime micro BIC de la location meublée de courte durée depuis la Loi de Finances 2024, rétroactive aux revenus de 2023 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée de courte durée non classée CA < 15.000 € 30 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 15.000 €

51 %

Sous condition de situation en zone non tendue.

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

Pour préciser la formule définitive du régime micro-BIC des locations meublées saisonnières et procéder à la « correction » du texte de loi, une instruction fiscale devrait être publiée au BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) avant avril-mai 2024 et le dépôt des déclarations sur les revenus 2023.

Dans l’état actuel du texte de la Loi de finances 2024,  applicable aux revenus perçus en 2023, un grand nombre de contribuables risquent d’avoir dépassé le seuil de CA de 15.000 € en 2023 et de basculer au régime réel.

Ce passage au régime réel est-il nécessairement un inconvénient ?

Le passage au régime réel suppose une comptabilité et des déclarations fiscales plus lourdes, et donc en général le recours à un expert-comptable. Ce régime permet néanmoins d’amortir le bien et les meubles, de déduire davantage de charges et de réduire significativement le bénéfice net imposable, voire de l’annuler ou créer un déficit (les charges d’amortissements ne peuvent pas cependant contribuer au déficit).

En cas de cession sous le statut LMP au régime réel, la plus-value relève du régime des plus-values professionnelles plus lourdes que celles des particuliers dont relève les LMNP à ce jour, mais pouvant bénéficier d’exonérations sous conditions au titre de l’IR (pas d’exonération néanmoins au titre des cotisations sociales).

 

La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution

Il est possible de donner une somme d’argent, non pas en pleine propriété mais en nue-propriété. Le donateur conserve alors l’usufruit. S’agissant d’une somme d’argent, cet usufruit est en fait un quasi-usufruit.

Le donateur quasi-usufruitier garde la libre disposition de ces fonds et doit en restituer l’équivalent au terme de l’usufruit, c’est-à-dire à son décès.

Au décès de l’usufruitier, son patrimoine successoral comprend alors une dette dite de restitution correspondant à la valeur en pleine propriété de la somme d’argent initialement donnée en faveur du ou des nus-propriétaires. Ce ou ces derniers détiennent une créance sur la succession de l’usufruitier défunt, dite créance de restitution.

Jusqu’à la Loi de finances pour 2024, la dette de restitution était fiscalement déductible du patrimoine successoral de l’usufruitier décédé.

La Loi de finances met fin à cette déductibilité fiscale par un nouvel article 774 bis du CGI.

L’objet de cet article est de mettre fin à une pratique qui serait principalement menée dans un objectif d’optimisation fiscale :

  • Lors de la donation de la somme d’argent avec réserve d’usufruit, les droits de donation ne portent que sur la valeur en nue-propriété.
  • Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de la somme d’argent sans payer de droits de succession (article 1133 du CGI) et la valeur en pleine propriété de cette somme d’argent est également déduite du patrimoine successoral imposable.

Pour les successions ouvertes à partir du 01/01/2024, la dette de restitution n’est donc plus déductible dans le cas d’une donation en nue-propriété d’une somme d’argent.

Ceci suppose que le nu-propriétaire héritier paie des droits de succession sur la valeur de la créance de restitution. Il lui est néanmoins possible de déduire de ces droits de succession les droits payés sur la nue-propriété lors de la donation initiale, sans que cela puisse donner lieu à restitution.

Il est à noter que :

  • Le quasi-usufruit légal, notamment celui du conjoint survivant usufruitier légal de la succession (article 757 du Code civil), n’est pas concerné par cette non-déductibilité fiscale de la dette de restitution en faveur des nus-propriétaires
  • De même, le quasi-usufruit provenant d’une donation au dernier vivant (article 1094-1 du Code civil).
  • Les quasi-usufruits provenant de la cession d’un bien préalablement démembré entre usufruitier et nu-propriétaire n’entre pas dans ces nouvelles dispositions, à condition que la dette de restitution ne participe pas à la poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • Concernant le quasi-usufruit né d’une clause bénéficiaire démembrée, le principe de l’assurance-vie étant distinct de celui de la donation, cette situation ne devrait pas être concernée. Mais la loi ne précise rien sur ce point et il convient donc de rester prudent sur ce point.

 

 

IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société

Les biens immobiliers détenus en société sont imposables à l’IFI (sauf situations spécifiques comme les biens affectés à l’activité professionnelle).

Dans le cas d’une détention en société, ce sont les parts sociales qui sont imposables pour leur valeur représentative des actifs immobiliers en déduisant le passif de la société.

Pour éviter les situations d’abus consistant à loger les biens immobiliers dans des sociétés fortement endettées, la Loi de finances 2024 instaure une nouvelle règle de déductibilité du passif social de la valeur imposable des parts à l’IFI.

Seules les dettes afférentes à l’actif imposable, c’est-à-dire aux biens immobiliers, sont déductibles.

Pour éviter que la valeur imposable ainsi calculée devienne supérieure à la valeur réelle des parts, le texte de loi instaure un dispositif de plafonnement de la valeur imposable à la valeur vénale des parts.

 

Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

La Loi de finances 2024 vient préciser l’éligibilité du pacte Dutreil à certaines activités, confortant la position de la doctrine administrative et contredisant les récents arrêts de jurisprudence sur ce sujet.

La loi prévoit ainsi que :

  • Les activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier ne sont pas considérées comme des activités commerciales au regard du pacte Dutreil et ne sont donc pas éligibles. La location meublée ou les locations de biens commerciaux ou industriels équipés ne peuvent donc pas bénéficier du régime Dutreil.
  • En cas d’activité mixte, le pacte Dutreil n’est applicable que si l’activité opérationnelle est prépondérante.
  • Les sociétés Holding animatrices de groupe exercent bien une activité opérationnelle et sont donc clairement éligible au pacte Dutreil.

Ces nouvelles dispositions Dutreil sont applicables aux transmissions intervenues à partir du 17/10/2023.

Auteur 

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Le quasi-usufruit : un démembrement de propriété atypique

Le quasi-usufruit : un démembrement de propriété atypique

Temps de lecture estimé : 13 min

Usufruit, nue-propriété, ces termes deviennent communs aujourd’hui car souvent rencontrés dans des opérations patrimoniales courantes. Le démembrement d’un bien, c’est-à-dire sa détention en usufruit d’une part et en nue-propriété d’autre part, est une pratique maintenant répandue, qu’elle soit subie lors d’une transmission successorale par exemple ou qu’elle soit anticipée lors d’une donation.

Une autre technique de démembrement de propriété, le quasi-usufruit, reste mal connue et surtout moins utilisée dans les stratégies d’organisation patrimoniale. Le quasi-usufruit confère des droits apparemment très étendus à son détenteur.

Quasi-usufruit ou quasi-propriété ? Point sur cette technique de démembrement spécifique.

qu’est-ce que le quasi-usufruit ?

la notion de propriété

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » (C.civ. Art. 544)

Le droit de propriété, droit réel le plus complet, est l’addition de :

  • L’usus : le droit d’user d’un bien
  • Le fructus : le droit d’en percevoir les fruits
  • L’abusus : le droit d’en disposer

L’ensemble de ces droits sont des droits réels.

Droit réel : un droit réel est un droit qui porte directement sur la chose à la différence d’un droit personnel attaché à la personne qui oblige une autre personne à exécuter une prestation (droit de créance).

le démembrement de la propriété : usufruit et nue-propriété

L’usufruit est une partie du droit de propriété, il est l’addition des deux droits d’usage et de jouissance : « L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. » (C.civ. art.578).

Ce droit autorise donc l’usufruitier à :

  • User de la chose (droit d’usage) : utiliser un outil, des meubles, habiter un logement…
  • Jouir de la chose (droit de jouissance) : percevoir les loyers, toucher les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations

En contrepartie, l’usufruitier a l’obligation de conserver la substance de la chose.

Il ne peut donc ni la vendre, ni la détruire, ni la donner, ni en modifier la destination (transformer un local commercial en local d’habitation), il a l’obligation de conformer ses droits à l’usage qu’en faisait l’ancien propriétaire.

Usufruit = Usus (droit d’user) + Fructus (droit de percevoir les fruits)

Le troisième droit, celui de disposer, appelé nue-propriété, est un droit distinct et indépendant de l’usufruit.

Paradoxalement, ce droit n’autorise pas le nu-propriétaire à disposer de la pleine propriété du bien. Il disposera du bien à l’extinction de l’usufruit, c’est-à-dire soit au terme de la durée pour laquelle l’usufruit était prévu s’il s’agit d’un usufruit temporaire, soit au décès de l’usufruitier s’il s’agit d’un usufruit viager.

Nue-propriété = Abusus (droit de disposer à l’extinction de l’usufruit).

Possibilité de disposer de chacun des droits d’usufruit et de nue-propriété

L’usufruit et la nue-propriété sont des droits réels.

Si, ni l’usufruitier, ni le propriétaire n’a vocation à disposer de la pleine propriété, sauf accord commun, pour autant l’usufruitier comme le nu-propriétaire peuvent aliéner leur droit propre (C.civ. art. 595).

La durée de l’usufruit en cas de cession du droit est limitée à la durée de vie du cédant et non du cessionnaire.

En savoir plus : notaires.frComprendre l’usufruit

le quasi-usufruit

Un usufruit sur des biens meubles consomptibles 

A l’usufruit classique, succède dans le Code civil à l’article 587 la définition du quasi-usufruit : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. » (C.civ. art. 587)

Le quasi-usufruit, tel qu’il est défini par la loi, a donc pour particularité de s’appliquer spécifiquement sur des biens que l’on ne peut pas utiliser sans les consommer. Ces biens sont dit consomptibles.

La consomptibilité est la qualité des choses dont on ne peut faire usage sans les détruire (denrées alimentaires) ou sans les aliéner (espèces monétaires).

N.B : Nous verrons plus loin que la pratique du droit a étendu l’application de l’usufruit à certains biens meubles non consomptibles dans le cadre d’un quasi-usufruit conventionnel.

Il faut noter également que la pratique du quasi-usufruit n’est pas la même à l’international et que d’autres pays l’appliquent différemment. 

Valeur du quasi-usufruit

La valeur fiscale du quasi-usufruit, utilisée pour les calculs de droits de mutation à titre gratuit, est la même que celle de l’usufruit : barème selon l’âge de l’usufruitier dans le cas d’un usufruit viager (CGI art. 669) ou 23 % de la valeur en pleine propriété par période de 10 ans dans le cas d’un usufruit temporaire (CGI art. 669.II).

La valeur économique de l’usufruit est égale à la différence entre la valeur en pleine propriété du bien et la valeur actualisée de la créance de restitution sur l’espérance de vie de l’usufruitier. La difficulté de cette évaluation réside dans la fixation du taux d’actualisation.

Dès lors que le bien se détruit ou est aliéné lors de son utilisation, le quasi-usufruitier ne peut en conserver la substance. En utilisant le bien, il se comporte comme un plein propriétaire.

Peut-il pour autant disposer du bien de la même manière qu’un propriétaire ?

La réponse est négative. La conservation de la substance est nécessaire dans le démembrement classique comme nous l’avons vu pour préserver le droit de propriété future (abusus) du nu-propriétaire.

Il en est de même pour le quasi-usufruit : pour reconnaître et maintenir le droit du nu-propriétaire, il est nécessaire de constater en sa faveur une créance sur le quasi-usufruitier.

La créance de restitution 

Le quasi-usufruitier a donc une obligation de restitution : comme le dicte l’article 587 du Code civil, l’usufruitier a l’obligation de restituer ce qu’il a consommé ou aliéné à la fin de l’usufruit, cette restitution pouvant prendre la forme d’une restitution en nature ou en valeur au profit du nu-propriétaire qui bénéficiera donc d’un droit de créance sur la succession de l’usufruitier appelé créance de restitution.

En cas de restitution en valeur, le code civil indique qu’il s’agit de la valeur estimée du bien, c’est-à-dire la valeur qu’aura le bien, à la date de la restitution.

Cette méthode de valorisation appelle un commentaire particulier en ce qui concerne la monnaie ou une somme d’argent comparativement aux autres biens consomptibles.

Si le quasi-usufruit porte sur une somme d’argent, il est possible de restituer cette somme par la même monnaie et le même montant. La restitution a alors lieu en nature. De facto, la somme existante à la naissance du quasi-usufruit est la même que celle lors de la restitution de la créance au nu-propriétaire. C’est le principe du nominalisme monétaire.

Ceci n’empêche pas bien sûr que la monnaie ait pu prendre ou perdre de la valeur dans le temps.

Exemples

  • Usufruit portant sur une somme d’argent : un quasi-usufruit viager portant sur un capital de 200.000€ prend effet en janvier 2001, au décès de l’usufruitier en mars 2020, la restitution en nature (même quantité de choses) sera de 200.000€. C’est le principe du nominalisme monétaire : le débiteur d’une somme d’argent doit toujours la même somme sans revalorisation (C.civ. art. 1895).

NB : A la naissance du droit de quasi-usufruit et par une convention, il peut être prévu une clause d’indexation comme nous le verrons ultérieurement.

  • Usufruit portant sur une denrée : un usufruit portant sur une tonne de safran. La restitution peut se faire :

    • en nature, le nu-propriétaire reçoit une tonne de safran.
    • ou en valeur, le nu-propriétaire reçoit une somme d’argent correspondant au cours du safran au jour de la restitution.

Les droits du quasi-usufruitier sont donc limités par la créance de restitution. Néanmoins, cette créance ne devra être remboursée au nu-propriétaire qu’au terme de l’usufruit (terme de la durée fixée en cas d’usufruit temporaire, ou au décès de l’usufruitier).

Dans le cas le plus fréquent du quasi-usufruit viager, si le patrimoine du quasi-usufruitier à son décès est insuffisant pour rembourser la créance de restitution, le nu-propriétaire est alors floué.

La loi ne prévoit pas de garantir le paiement de la créance. Dès lors, si rien n’est prévu lors de la mise en place du quasi-usufruit, la protection du nu-propriétaire reste relative et dépendante de la bonne gestion du patrimoine du quasi-usufruitier.

La protection du droit du nu-propriétaire

Les moyens prévus par la loi pour protéger les droits du nu-propriétaire dans le cadre de l’usufruit classique peuvent être alors utilisés dans le cas du quasi-usufruit :

  • Obligation de dresser inventaire (C.civ. art. 600)
  • Obligation de fournir caution (C.civ. art. 601)
  • Obligation de faire emploi des sommes (C.civ. art 602, 603) : si une caution n’a pu être fournie, le nu-propriétaire pourra exiger qu’il soit fait emploi des sommes sur un bien dont l’usufruitier n’aura que les revenus, le faisant entrer dans un usufruit classique et le privant ainsi de son quasi-usufruit.

Ces obligations protectrices pour le nu-propriétaire ont néanmoins leur limite : elles ne sont pas d’ordre public et le quasi-usufruitier peut en être dispensé dans l’acte constitutif de quasi-usufruit.

Exceptions

  • Lorsque le quasi-usufruit nait des droits successoraux du conjoint survivant, les enfants nus-propriétaires peuvent exiger l’inventaire, l’emploi des sommes ou encore le dépôt des titres au porteur ou leur conversion au nominatif (C. civ art. 1094-3). Cette faculté qu’ont les enfants est d’ordre public et les enfants ne peuvent pas en être privés.
  • La faculté de demander la conversion de l’usufruit en rente viagère (C.civ. art.759) dans le cadre d’un quasi-usufruit légal, ou provenant d’une succession, ou d’une donation de bien à venir. Cette conversion peut être demandée par le quasi-usufruitier ou par le nu-propriétaire qui le souhaiterait. Il est impossible d’y renoncer à l’avance ou d’en priver les héritiers (sauf pour les meubles meublants de la résidence principale, l’usufruitier doit en être d’accord).

Le nu-propriétaire peut aussi agir en justice pour demander la déchéance de l’usufruit (C.civ art. 618) ou l’obligation de fournir caution ou d’employer les capitaux. Mais il s’engage dans ce cas dans une procédure longue et conflictuelle.

En savoir plus : paris.notaires.fr Récupérer les biens détenus par l’usufruitier

La déduction successorale de la créance de restitution 

La créance de restitution naît au jour du décès du quasi-usufruitier et est à ce titre un passif de la masse successorale. Est-elle pour autant fiscalement déductible pour le calcul des droits de succession ?

La doctrine fiscale considère tout d’abord que la créance de restitution est dans tous les cas déductible si elle provient d’un quasi-usufruit légal.

S’il s’agit d’un quasi-usufruit conventionnel (voir infra), il faut alors se référer à l’article 773-2° du Code général des impôts. Cet article limite la déductibilité de la créance de restitution dans le cas où le nu-propriétaire est un héritier de l’usufruitier (ou personne interposée) : dans cette situation, la créance de restitution n’est pas déductible fiscalement sauf si elle a été consentie par un acte authentique ou un acte sous-seing privé ayant date certaine avant l’ouverture de la succession.

D’où l’importance d’établir une convention de quasi-usufruit (voir infra) permettant de donner une date certaine à la créance de restitution, autorisant ainsi sa déduction.

En synthèse

Le quasi-usufruitier dispose de droits plus étendus que l’usufruitier classique

  • Pendant la durée de l’usufruit, ses droits réunissent l’usus (le droit d’utiliser), le fructus (le droit de percevoir les fruits) mais aussi le droit de consommer le bien, cette consommation provenant de la nature consomptible du bien sujet à quasi-usufruit. S’il ne détient pas formellement le droit de propriété (l’abusus), ses droits ressemblent fort à ceux du propriétaire pendant la durée de l’usufruit. Certains auteurs le qualifie même de « quasi-propriété » (P.Sirinelli, Les petites affiches, juillet 93, n° 87).
  • La créance de restitution qu’il doit au nu-propriétaire ne sera à payer qu’au terme de l’usufruit et elle n’est pas nécessairement garantie si rien n’est prévu par les parties.

Le quasi-usufruitier n’est pas pour autant un droit de propriété 

Pour autant qu’il puisse s’apparenter dans ses attributs au droit de propriété pendant la durée du démembrement, le quasi-usufruit n’en est pas moins très différent :

Pleine propriétéQuasi-usufruit
Nature du bienTout type de bien, immobilier et mobilierBien meubles consomptibles uniquement pour le quasi-usufruit légal (C.civ. art. 587)

Extension possible à certains biens non consomptibles (valeurs mobilières par exemple) pour le quasi-usufruit conventionnel (voir infra).
DuréePerpétuelle (dans la limite de la durée d’existence du bien)
Ne s’éteint pas par le non-usage
Transmissible
Temporaire :
Durée fixe de l’usufruit temporaire ou
Durée viagère jusqu’au décès de l’usufruitier
(C.civ. art. 617)
Obligation de restitutionAucuneCréance de restitution en faveur du nu-propriétaire, en nature, ou en valeur à la date de la restitution (C.civ. art. 587)

deux types de quasi-usufruit : légal ou conventionnel

« L‘usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de l’homme » (C.civ. art.579).

Il en est de même pour le quasi-usufruit qui peut procéder :

  • d’un démembrement de propriété  déterminé par des circonstances extérieures et par l’application de la loi (la succession en est le parfait exemple) : il est alors qualifié de quasi-usufruit légal ou de droit.
  • d’une volonté des parties de créer et d’appliquer un quasi-usufruit : on parle alors de quasi-usufruit conventionnel.

le quasi-usufruit légal

Le quasi-usufruit s’impose le plus souvent aux parties par un événement ou une cause extérieure indépendants de la volonté de l’usufruitier et du nu-propriétaire et provient alors de l’application de la loi.

  • Dévolution légale en présence d’un conjoint survivant usufruitier et d’un enfant commun :
     En vertu de l’article 757 du Code civil, le survivant des époux peut disposer du droit en usufruit sur la masse successorale du conjoint défunt (en présence d’enfants communs).

    Si l’actif successoral contient des biens consomptibles, il exercera alors un quasi-usufruit sur ces biens.

    Ainsi en est-il bien sûr des créances exigibles des banques composant la succession du défunt : comptes de dépôt à vue, livrets d’épargne, épargne logement, dont le survivant des époux pourra disposer librement avec l’obligation de restituer aux nus-propriétaires des sommes équivalentes à son décès.

  • La jouissance légale des parents sur les biens de leurs enfants mineurs (C.civ. art 386-1 SS)
    Les parents ont un droit de quasi-usufruit sur les actifs consomptibles de leurs enfants.

Exceptions : les biens que l’enfant peut acquérir par son travail, les biens qui ont été donnés à l’enfant mineur sous condition que les parents n’en disposent pas et les biens que l’enfant reçoit pour indemnisation d’un préjudice extrapatrimonial (C.civ. art. 386-4). Ces biens ne sont pas soumis à la jouissance légale des parents et ne peuvent donc pas faire l’objet d’un quasi-usufruit lorsqu’ils sont consomptibles.

Ce droit de jouissance cesse lorsque l’enfant atteint l’âge de 16 ans, lorsque l’autorité parentale prend fin ou pour les même causes qu’une extinction d’usufruit (C.civ. art. 386-2).

Ainsi, les parents, titulaires d’un quasi-usufruit temporaire sur les actifs consomptibles de leurs enfants seront redevables, à une date certaine, d’une dette de restitution.

le quasi-usufruit conventionnel

Le quasi-usufruit peut aussi naître de la volonté des parties. Il s’agit alors d’un quasi-usufruit conventionnel.

L’usufruitier et le nu-propriétaire peuvent ainsi prévoir par convention :

  • Un quasi-usufruit sur des biens consomptibles alors même que la loi ne le prévoirait pas.

  • Mais également un quasi-usufruit sur un bien meuble non consomptible.

    La pratique du droit a en effet étendu le quasi-usufruit conventionnel à certains biens non consomptibles (Ch. Req 30 mars 1926 D.H 1927).

    On peut penser par exemple à un véhicule qui serait existant dans la masse successorale. Il s’agit d’un bien meuble mais qui ne disparaît pas (heureusement) à l’usage, donc d’un bien meuble non consomptible.

    Le quasi-usufruit sur ce type de bien permet à l’usufruitier d’en disposer de manière plus libre que dans le cadre de l’usufruit classique (puisqu’il ne dépend pas de l’accord du nu-propriétaire pour les décisions sur ce bien), à charge d’en restituer la valeur sous forme de créance de restitution à son décès.

    La question d’un quasi-usufruit sur des valeurs mobilières s’est également posée (M Grimaldi et JF Roux – La donation de valeurs mobilières avec réserve de quasi-usufruit – Défrénois 1994) et elle est acceptée par certains praticiens.

Le quasi-usufruit conventionnel peut alors provenir :

  • D’une libéralité entre époux

    Que ce soit par un legs ou par une donation au dernier vivant (C.civ. art. 1094-1), les époux peuvent se transmettre l’usufruit universel.

    Ces libéralités entre époux présentent des avantages prépondérants au regard de la dévolution légale.

    La donation ou le legs peut prévoir l’étendue, les modalités d’exercice du quasi-usufruit ainsi que la dispense de certaines garanties (fournir caution, faire emploi) accordée au conjoint survivant.

    Ces dispositions entre époux sont d’autant plus importantes dans les familles dites recomposées. La présence d’un enfant d’un premier lit limite en effet les droits légaux du conjoint survivant au quart de la masse successorale en pleine propriété (C.civ art. 757).

  • D’un avantage matrimonial

    La clause de préciput (C.civ. art. 1515), autorise le survivant des époux à prélever sur la communauté, et avant tout partage, «soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens. », en pleine propriété comme en usufruit.

    Si ce prélèvement en usufruit est effectué par le conjoint sur des actifs monétaires, il pourra donc disposer du quasi-usufruit sur ces actifs, créant de facto une dette de restitution de l’époux et une créance de restitution au profit des héritiers qui pourront la porter au passif de la succession du survivant des parents.

    Il n’eut pas été possible de créer cette dette de restitution si le survivant des époux avait opté pour un prélèvement en plein propriété.

En savoir plus : avocats.fr > Avantage matrimonial

  • De la cession d’un bien immobilier démembré lorsqu’il est prévu à l’acte un quasi-usufruit sur le prix de vente.

  • Du démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie 
    Lors de la souscription d’un contrat d’assurance vie, il peut être stipulé dans la clause bénéficiaire que les capitaux reviennent pour l’usufruit au conjoint survivant et en nue-propriété aux enfants.

    Ici encore, la créance du nu-propriétaire contre l’usufruitier sera déductible de l’actif successoral constituant ainsi un passif de succession qui n’aurait pas existé si la clause bénéficiaire du contrat avait prévu le bénéfice en pleine propriété (Memento Patrimoine, éd. Francis Lefebvre, 2019, n° 28449).

    Il faudra néanmoins prendre soin de constater la créance de restitution dans un acte sous-seing privé, ou un acte authentique ayant date certaine, avant la succession comme nous l’avons vu précédemment.

    Il est nécessaire, et conseillé pour cela, d’établir une convention de quasi-usufruit et de dûment l’enregistrer

la convention de quasi-usufruit

Il est ainsi vivement recommandé d’établir une convention de quasi-usufruit permettant :

  • De déterminer les biens soumis à quasi-usufruit
  • De définir la valeur de la créance de restitution et son éventuelle indexation
  • De définir clairement le paiement des impositions sur les revenus et les plus-values de cession : revenus et plus-values sont imposables au nom du quasi-usufruitier (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 N° 100) sauf convention contraire.
  • De déterminer les obligations éventuelles du quasi-usufruitier (inventaire, emploi, caution mais aussi éventuellement rapport régulier de gestion et de valorisation …).

Dans tous les cas, et en amont de toute réflexion et de la mise en place du quasi-usufruit conventionnel, il sera nécessaire d’éprouver les objectifs patrimoniaux recherchés au regard des risques d’abus de droit (LPF art. L64) et depuis le 1er janvier 2020 de la procédure dite de mini-abus de droit (LPF art. L.64 A).

Il faut en effet garder en mémoire que la convention de quasi-usufruit permet à l’usufruitier de conserver la libre disposition du bien sa vie durant. Si l’existence et l’exigence de créance de restitution n’étaient pas reconnues, l’intention libérale préexistante au démembrement de propriété pourrait être remise en cause.

 

 

Le quasi-usufruit est un démembrement atypique. Du quasi-usufruit légal au quasi-usufruit conventionnel, il permet d’optimiser la détention et la transmission des biens meubles et donc plus particulièrement des patrimoines monétaire et financier.

Pratiquée à bon escient et bien encadrée, cette technique est un outil patrimonial efficace dans les stratégies patrimoniales. Elle ne peut cependant pas se pratiquer sans l’analyse et l’accompagnement professionnels du conseiller patrimonial.

Bibliographie :

  • J.Aulagnier, usufruit et nue-propriété dans la gestion de patrimoine, Ed. Maxima, 1998

  • F. Eliard, le quasi-usufruit, son utilisation à des fins patrimoniales et fiscales, Litec, 1997

  • B. Lotti, Le droit de disposer du bien d’autrui pour son propre compte, thèse, UNIVERSITÉ PARIS-SUD (PARIS XI), FACULTÉ JEAN MONNET à SCEAUX, 1999

Auteurs
Anne Brouard et Jean-Guy Pécresse

Intervenants formateurs pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.