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Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Le cantonnement successoral du conjoint et du légataire : principes et utilités

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le cantonnement successoral bénéficie au conjoint survivant et au légataire sous certaines conditions. De quoi s’agit-il ? Quel intérêt patrimonial ? Comment l’appliquer ? Explications.

 

Le cantonnement successoral : quel est cet acte juridique atypique ? Le cantonnement successoral est tout à la fois :

  • acte de disposition, de renonciation et de transmission
  • dépendant de la volonté d’un seul ou de plusieurs successibles
  • et par lequel les intérêts patrimoniaux et familiaux, parfois contradictoires, de deux ou plusieurs personnes sont mis en concurrence.

Le cantonnement successoral est la faculté offerte à un successeur de choisir un ou plusieurs biens et/ou droits dans la succession en renonçant à d’autres biens et/ou droits.

Dans le cadre d’une succession légale, c’est-à-dire sans que le défunt ait pris de dispositions post-mortem (legs, donation au dernier vivant) ou ait aménagé conventionnellement son régime matrimonial (avantages matrimoniaux), les héritiers exercent l’option successorale (C.civ. art. 768) sans pouvoir bénéficier de la faculté de cantonnement.

En effet, cette option leur offre trois possibilités :

  • accepter la succession purement et simplement
  • y renoncer
  • ou accepter la succession à concurrence de l’actif net lorsqu’ils ont une vocation universelle ou à titre universelle.

L’option est indivisible (C.civ. art.769), le successeur ne peut pas choisir tel droit ou tel bien dans la succession pas plus qu’il ne peut exercer son option pour une quotité différente de celle que la loi lui impose, c’est à prendre, à laisser ou à prendre à charge d’assumer le passif proportionnel à l’actif qu’il recueille.

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que par trois voies :

  • La voie testamentaire ou libérale
  • La voie matrimoniale
  • La voie bénéficiaire

SOMMAIRE

  • Cantonnement par voie testamentaire ou libérale
  • Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput
  • Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie

Cantonnement par voie testamentaire ou libérale 

 

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, à effet le 01/01/2007, a mis fin à l’indivisibilité de l’option successorale en créant la faculté de cantonnement ( C.civ. art. 1002-1 et 1094-1, al. 2).

La faculté de cantonnement ne peut s’exercer que dans le cadre exclusif des successions testamentaires, procédant donc de la volonté du défunt et non de la loi.

Sont concernés les bénéficiaires d’un legs du défunt qu’ils soient héritiers ou non de ce dernier, et le conjoint survivant à la condition qu’il bénéficie également d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

Ils ont donc la possibilité de choisir les droits, biens ou quotité qu’ils souhaitent recueillir dans la succession en renonçant à d’autres droits, biens et/ou quotité.

Ainsi, le légataire de deux immeubles peut n’en recueillir qu’un, le conjoint légataire de l’usufruit universel peut choisir de n’exercer son droit d’usufruit que sur certains biens.

 

Attention :

La faculté de cantonnement ne permet pas de changer la nature des droits reçus, elle ne permet que leur réduction, ainsi :

Un légataire bénéficiant d’un legs en pleine propriété d’un immeuble ne peut pas choisir de recevoir l’usufruit de cet immeuble.

Le conjoint survivant désigné usufruitier universel ne peut transformer son usufruit en pleine propriété.

 

Les conditions de la faculté de cantonnement

Les conditions d’exercice du cantonnement sont différentes selon s’il s’agit d’un légataire ou du conjoint survivant :

Le légataire : L’héritier qui a également la qualité de légataire, le légataire universel, à titre universel ou à titre particulier, peuvent exercer leur faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne les en a pas privé
  • La succession a été acceptée par au moins un héritier

Le conjoint survivant : Le conjoint survivant peut exercer la faculté de cantonnement à deux conditions :

  • Le défunt ne l’en a pas privé
  • Il bénéficie d’un legs ou d’une donation au dernier vivant consenti par le défunt.

 

Les effets de la faculté de cantonnement ?

Le cantonnement a pour caractéristique :

La renonciation à certains droits ou biens par le légataire ou le conjoint survivant ne constitue pas une libéralité faite aux autres successibles, cela ne donne lieu ni au rapport ni à réduction.

Cette renonciation abdicative est un abandon pur et simple de certains droits et biens. L’avantage qu’en retirent les autres successibles n’est pas taxable aux droits de donation mais imposable au barème fixé en fonction du lien de parenté avec le défunt, par exemple, au tarif en ligne directe pour les enfants du défunt (CGI, art. 788 bis, BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30 n° 20).

  • de ne pas exclure la contribution à la dette:

A l’exception du légataire à titre particulier qui, sauf volonté contraire du testateur, n’est pas tenu des dettes et charges de la succession, les autres successibles contribuent au passif dans la proportion de ce qu’ils prennent ou reçoivent.

Les successibles peuvent néanmoins échapper à l’obligation de payer sur leur patrimoine personnel en acceptant le legs à concurrence de l’actif net.

 

Focus sur la faculté de cantonnement du conjoint survivant ?

Grâce au cantonnement, le conjoint survivant peut choisir ce qu’il désire conserver en fonction de ses objectifs patrimoniaux. Il augmente par sa renonciation la part revenant aux autres héritiers.

Il peut choisir de recueillir des biens en pleine propriété afin d’éviter d’éventuelles indivisions ou des démembrements de propriété ou au contraire, choisir de recevoir l’usufruit de certains biens afin qu’à son décès, le ou les nus-propriétaires recueillent la pleine propriété en franchise d’impôt.

Cette faculté doit être cependant exercée avec discernement notamment en présence d’enfants communs et en fonction de la nature des biens et droits sur lesquels elle s’exerce :

  • En présence d’enfants communs :

Exemple :

Un conjoint successible bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (la quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun, l’actif de succession est composé d’immeubles locatifs d’une valeur de 1.500.000 €.

Cas 1 :

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété car il désire majorer l’émolument de son enfant de 200.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

L’enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété (750.000 € + 200.000 €).

Assiette taxable : 950.000 € – 100.000 € = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 € (950.000 € – 197.962 €).

Cas 2 :

Le conjoint reçoit la moitié des actifs en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.

Il reçoit 750.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession.

L’enfant reçoit 750.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 750.000 € – 100.000 € = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Le conjoint lui donne un bien immobilier d’une valeur de 200.000 €.

Assiette taxable : 200.000 – 100.000 € = 100.000 €

Droits de donation dus : 18.194 €

L’enfant reçoit donc (750.000 + 200.000) – (137.962 + 18.194) = 793.844 €

Compte tenu de la nature des actifs de succession, cet exemple démontre que le cantonnement ici exercé par le conjoint est désavantageux pour l’enfant commun et qu’il est préférable, fiscalement et économiquement, de renoncer à la faculté de cantonnement et de faire une donation bénéficiant de l’abattement en ligne directe de 100.000 €.

 

  • En présence d’enfants non communs

En revanche, et contrairement à l’exemple précédent, en présence d’enfants de lits différents qu’il souhaite avantager, le conjoint peut choisir de cantonner son émolument, afin de permettre à ses beaux-enfants de recueillir une part nette dans la succession plus importante.

Aucun abattement n’est en effet prévu dans le cadre d’une donation à un tiers et les droits de donation s’élèvent à 60 % du montant de la donation.

Exemple :

Le conjoint bénéficie d’une donation au dernier vivant, lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit). Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le conjoint est en présence d’un enfant du défunt, il n’y a pas d’enfant commun. L‘actif de succession est d’une valeur de 1.500.000 € et est constitué de biens immobiliers.

Cas 1 :

Le conjoint choisit de cantonner son émolument à 550.000 €.

Il reçoit 550.000 € en pleine propriété. Il ne paie aucun droit de succession (CGI art.796-0 bis).

Le bel-enfant reçoit 950.000 € en pleine propriété.

Assiette taxable : 950.000 – 100.000 = 850.000 €

Droits de succession dus : 197.962 €

Part nette reçue : 752.038 €

 

Cas 2 :

Le conjoint choisit de recevoir la quotité disponible en pleine propriété mais ne cantonne pas son émolument.    

Le conjoint reçoit 750.000 € en franchise de droit de succession.

Le bel-enfant reçoit 750.000 €.

Assiette taxable : 750.000 – 100.000 = 650.000 €

Droits de succession dus : 137.962 €

Part nette reçu par le bel-enfant: 750.000 – 137.962 = 612.038

Le conjoint procède à une donation en pleine propriété de 200.000 € à l’enfant de son conjoint.

Droits de donation : 200.000 x 60 % = 120.000 €

Le bel enfant reçoit ainsi (750.000 + 200.000) – (137.962 + 120.000) = 692.028 €

Le cantonnement suivi d’une donation est beaucoup moins avantageux dans le cas d’un enfant non commun.

 

Le cantonnement par convention matrimoniale : la clause de préciput 

Bien avant que la faculté de cantonnement ne soit introduite par la loi du 23 juin 2006, le Code civil, dans son édition princeps de 1804, prévoyait la possibilité pour le survivant des époux d’exercer cette faculté grâce à un avantage matrimonial, la clause de préciput. 

La clause de préciput (C.civ. art. 1515), stipulée dans un contrat de mariage ou conférée par une convention modificative jointe au régime matrimonial, autorise le survivant des époux à « prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée ». 

Cet avantage matrimonial offre une liberté totale au conjoint survivant de cantonner son émolument sur certains droits, biens, et/ou en quotité dès lors que cela a été prévu par le couple lors de la rédaction de la convention matrimoniale. 

 

Le cantonnement par la clause bénéficiaire de l’assurance-vie 

Avec une clause bénéficiaire dite « classique » désignant un bénéficiaire de premier rang en pleine propriété et des bénéficiaires subsidiaires, le bénéficiaire de premier rang peut choisir d’accepter ou de refuser, mais pour le tout. Il ne peut cantonner son bénéfice à une fraction du capital en propriété. 

Dans le cadre d’une clause bénéficiaire à options, le bénéficiaire de premier rang à la faculté de choisir d’accepter totalement ou partiellement le bénéfice du capital en pleine propriété, en usufruit ou encore en pleine propriété et en usufruit, en fonction de ses objectifs patrimoniaux. 

La renonciation totale ou partielle au bénéfice du contrat conduit au règlement de la prestation au bénéficiaire à titre subsidiaire et cette renonciation n’est pas considérée comme une donation indirecte faite au profit du bénéficiaire subsidiaire, ce qu’a confirmé une réponse ministérielle qui précise que  « l’acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne sont en effet nullement constitutifs d’une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second » (Rép. Malhuret : Sén. 22-9-2016 n° 18026). 

La fiscalité appliquée est celle entre l’assuré et le bénéficiaire subsidiaire et non celle entre le premier bénéficiaire renonçant pour tout ou partiellement et le second bénéficiaire. 

Exemple : 

Le conjoint, âgé de 68 ans, bénéficie d’une donation au dernier vivant lui offrant le choix entre les trois options prévues par l’article 1094-1 du Code civil (quotité disponible spéciale en pleine propriété, 100 % en usufruit, ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit).  

Le défunt ne l’a pas privé de sa faculté de cantonnement. Le couple a un enfant commun. 

L’actif de succession se compose comme suit : 

  • des immeubles locatifs d’une valeur de 1.300.000 €. 
  • un contrat d’assurance vie d’un montant de 200.000 € souscrit avant 70  ans par le défunt.  

La clause bénéficiaire du contrat permet au conjoint survivant de choisir de recevoir 100 %, 50 %, 25 % ou 0 % des capitaux décès. 

Le second bénéficiaire désigné (en cas de prédécès du conjoint survivant) est l’enfant commun. 

Le conjoint cantonne son émolument à des actifs de la succession d’une valeur de 550.000 € en pleine propriété. 

Il choisit par ailleurs de n’accepter que partiellement le capital du contrat d’assurance vie pour un montant de 47.500 €. 

L’enfant reçoit :  

  • 750.000 € en pleine propriété sur l’actif de succession 
  • 152.500 € (200.000 – 47.500) en tant que bénéficiaire subsidiaire du contrat d’assurance vie. 

Assiette taxable de la réserve héréditaire : 

  • 750.000 – 100.000 = 650000 € 
  • Droits de succession : 137.962 € 

Assiette taxable du capital assurance vie (CGI, art. 990 I) : 

  • 152.500 € – 152.500 € (abattement fixe, CGI, art . 990 I, al. I) = néant, aucune taxe due 
  • Part totale nette reçue par l’enfant = (750.000 + 152.500) – 137.962 =  764.538  

 

Tout à la fois acte de disposition, acte de renonciation et acte de transmission, la faculté de cantonnement peut mettre en présence des intérêts différents et parfois contradictoires. Elle nécessite une analyse et un diagnostic successoraux qui prennent en compte la composition de la famille, les biens et droits qui dépendront de la succession, les objectifs du couple et les conséquences fiscales et économiques pour les enfants, afin de concilier les différents intérêts et besoins en présence. 

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

Protection du conjoint survivant : des droits légaux accrus mais pour autant suffisants ?

Protection du conjoint survivant : des droits légaux accrus mais pour autant suffisants ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Longtemps « parent pauvre » des successions, le conjoint dispose de droits légaux nettement plus importants depuis les lois de 2001 et de 2006 ainsi que de l’exonération de droits de succession depuis la loi TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat) de 2007.

Néanmoins, ces droits sont-ils suffisants dans un contexte où l’espérance de vie et le coût de la dépendance augmentent ?

La fameuse donation au dernier vivant est-elle la solution à privilégier alors qu’il existe de nombreux autres outils pour accroître la protection du conjoint ? L’intervention d’un conseil en gestion de patrimoine est ici incontournable.

un accroissement notable des droits légaux du conjoint

du code napoléon

« Il n’y a que la parenté civile qui donne le droit de succéder » précisait au 18ème siècle Robert-Joseph Pothier dans l’un de ces traités de droit (Pothier, introduction au titre des successions, n° 13).

En 1804, le conjoint n’a de vocation successorale que dans des cas exceptionnels : les biens ne doivent pas sortir de la famille, le lien de sang prime le lien d’alliance.
Ainsi que le dicte l’article 731 du code Napoléon dans sa première version, « les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants et à ses parents collatéraux, dans l’ordre et suivant les règles ci-après déterminés. » Point de conjoint survivant dans ces textes.

Parent pauvre de la succession, il n’a de droits successoraux qu’en l’absence d’héritiers jusqu’au 12e degré (Art. 755, C.civil de 1804) !

aux lois de 2001, 2006 et loi tepa de 2007

Grâce à la réforme du 3 décembre 2001, puis à celle du 23 juin 2006, les droits successoraux légaux du conjoint ont été considérablement modifiés et augmentés.

Le conjoint successible devient un héritier de premier rang et héritier réservataire en l’absence de descendants (C.civ art. 914-1).
Le conjoint successible est le conjoint non divorcé (C.civ. art. 732).
Ainsi, en cas de jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée ou de procédure de divorce, le conjoint reste un successible.

Depuis 2001, les droits légaux du conjoint survivant, c’est à dire en l’absence de toute disposition testamentaire, sont les suivants :

En présence d’enfants (C.civ. art. 757)

En présence d'enfants communs uniquementEn présence d'un enfant non commun du défunt
Droits légaux du conjoint survivant sur la masse successorale du défunt100% en usufruit
ou
1/4 en pleine propriété
1/4 en pleine propriété
En l’absence d’enfant et en présence d’autres héritiers
Présence et qualité des héritiers du défunt
Droits légaux du conjoint survivant sur la masse successorale du défunt
Seulement le père ou la mère
¾ en pleine propriété
Père et mère
½ en pleine propriété
Frères et sœurs
100 % en pleine propriété
sauf droit de retour de la moitié des biens de famille

Autres héritiers
100 % en pleine propriété
Les réformes de 2001 et 2006 instituent également de nouveaux droits au conjoint survivant visant à maintenir son niveau de vie :

  • Des droits considérés comme « effet direct du mariage » : ces droits sont d’ordre public. Ils ne peuvent pas être supprimés par une décision testamentaire. Ils concernent :
    • le droit au logement occupé à titre d’habitation principale pendant un an (C.civ. art.763, al.1), aux conditions que le conjoint occupe effectivement le logement à titre d’habitation principale au jour du décès, et que le dit logement appartienne aux deux époux ou dépende totalement de la succession. Ce droit ne s’impute pas sur la part successorale du conjoint.
    • le droit pour le conjoint locataire du logement qu’il occupe de demander à la succession une année de loyers s’il était locataire (C.civ. art. 763, al.2).
    • le droit pour le conjoint de demander une pension lorsqu’il est dans le besoin au jour du décès (C.civ. art. 767).
  • Des droits successoraux, dont le conjoint peut être privé par testament :
    • Droit de demander le bénéfice du droit viager d’habitation sur le logement occupé à titre de résidence principale (sauf s’il en était locataire) et d’usage sur le mobilier (C.civ. art. 764, al.1). Le conjoint devra opter pour ce droit dans l’année suivant le décès et ce droit s’impute sur sa part successorale. Les héritiers pourront exiger l’établissement d’un état de l’immeuble et d’un inventaire des meubles. Le conjoint devra entretenir le bien et supporter les charges afférentes.
    • Droit pour le conjoint titulaire du droit viager de louer le logement inadapté à ses besoins (C.civ. art. 764, al. 4) mais uniquement dans ce cas. Hors cette condition, le conjoint ne peut pas louer le bien ou vendre ses droits.
    • Droit de demander la conversion de l’usufruit en rente viagère, à charge de soulte s’il y a lieu. Cette attribution préférentielle peut aussi porter sur l’entreprise ou le local à usage professionnel (C.civ. art. 831 ss).

pour autant, des droits fragiles et partagés

le conjoint peut être déshérité

Contrairement à l’idée reçue qui veut que le mariage crée des droits impératifs au profit du conjoint survivant, rappelons que ce dernier ne bénéficie que d’une expectative, d’un droit éventuel sur la succession, par définition incertain.

« Dura lex sed lex » (la loi est dure mais c’est la loi) : à l’exception des droits d’ordre public que nous venons de voir et des situations spécifiques où il est réservataire, le conjoint survivant peut être totalement ou partiellement déshérité par son époux par voie testamentaire.

À noter

Un testament olographe permet de déshériter le conjoint survivant de tous ces droits à l’exception du droit viager au logement qui requiert un testament authentique.

Cas où le conjoint survivant est réservataire et ne peut être totalement déshérité

Dans la situation où le défunt ne laisse pas de descendant, le conjoint qui souhaite déshériter l’autre ne peut le faire qu’à concurrence des trois quarts de ses biens (C.civ. art. 914-1). Le conjoint survivant est alors réservataire pour ¼ en pleine propriété.

des droits légaux mais partagés

Une succession qui s’ouvre sans que le défunt n’ait prévu de dispositions particulières (testament, legs, donations), succession dite « ab intestat », ou sans que les époux n’aient procédé à des modifications conventionnelles de leur régime matrimonial (conventions matrimoniales, avantages matrimoniaux), voit s’appliquer les règles prévues pour les dévolutions successorales légales.

La loi détermine alors les personnes qui héritent et leur part d’héritage sans qu’un choix n’ait été préalablement fait par les époux ou par un seul d’entre eux. Le survivant subit les règles imposées par la loi et son « sort » post-successoral n’est pas toujours celui qu’il espérait ou, a fortiori, celui qui le protège le mieux.

Face aux droits que leur confère la loi, beaucoup de conjoints successibles se retrouvent à devoir partager avec les autres héritiers les pouvoirs de gestion et de disposition des biens de la succession de leur époux, y compris lorsqu’il dispose de l’emblématique droit de propriété.

Comme nous l’avons vu, en présence d’enfants communs, le survivant des époux peut opter pour l’usufruit universel ou le quart en pleine propriété portant sur les biens composant la succession. Le droit de propriété est donc susceptible de division.

Le démembrement de propriété

Dans le cas où le conjoint survivant opte pour la totalité de la succession de son époux en usufruit, quels sont ses droits économiques ?
Pour tout un chacun, l’usufruit c’est le droit de jouir du bien. Jouir c’est le droit de percevoir les fruits d’un bien, loyers, dividendes, revenus, mais l’usufruit comprend aussi le droit d’user et/ou d’habiter le bien s’il est immeuble.
Parallèlement à ces droits, l’usufruitier a des obligations. Il doit conserver la substance du bien :

  • Il ne peut donc en vendre seul la pleine propriété.
  • Il doit assumer les charges liées à son droit, réparations d’entretien, impôts foncier et local, assurances du bien.
  • Il peut perdre son droit d’usufruit.
    En dehors du cas d’extinction pour non-usage pendant trente ans ou « par la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi » (C.civ.art. 617), il peut être déchu de son droit pour abus de jouissance parce qu’il n’a pas obéi à son obligation de conservation de la substance du bien en le détériorant, en le laissant dépérir, voire en le détruisant (C.civ.art. 618).
  • Il peut subir la demande de conversion de son usufruit en rente viagère par le nu-propriétaire, ce qui conduit l’usufruitier à perdre notamment les droits d’usage, d’habitation et de jouissance si la conversion porte sur l’usufruit d’un bien immeuble.

Nous constatons que l’usufruitier, au contraire du plein propriétaire, ne peut disposer du bien librement et doit rendre des comptes au nu-propriétaire à tous les moments de la vie de son droit d’usufruit.
La succession peut donc déboucher sur un démembrement du droit de propriété qui empêche l’usufruitier comme le ou les nus-propriétaires de disposer des pouvoirs exclusifs propres au droit de propriété sur les biens démembrés entre eux.

Enfin, dans les situations de démembrement de propriété à l’international, les droits du conjoint survivant et donc sa protection peuvent être différents qu’en France. 

 

L’indivision

Si le conjoint opte pour le quart en pleine propriété, il peut se retrouver en situation d’indivision sur certains biens qui sont alors détenus par lui-même et aussi par les héritiers, au prorata de leurs droits.Les règles de gestion de l’indivision ont été modifiées par la loi du 23 juin 2006.
Si l’unanimité reste requise pour les actes de disposition (C.civ.art. 815-3, al.4) le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent accomplir les actes d’administration.
En revanche, tout indivisaire peut, à sa discrétion, demander le partage amiable des droits indivis (C.civ.art. 815),voire provoquer le partage par voie judiciaire (C.civ. Art. 1686), ce qui révèle la grande précarité de cette situation juridique.

En présence d’enfants et dès lors que la succession tombe sous le coup de la loi, le conjoint survivant n’a aucune chance de se voir attribuer la pleine propriété sur la totalité des biens et doit accepter le principe et le risque que les droits attachés à la propriété soient partagés, qu’il soit attributaire de la quotité disponible du quart en pleine propriété ou de l’usufruit, avec toutes les conséquences pécuniaires et fiscales que ce partage implique, et que la plupart du temps, il subit inexorablement.

nécessité de recourir à un conseil

L’espérance de vie moyenne (homme-femme) est passée de 1900 à 2019, de 48 ans à 82 ans et nous avons gagné 50 ans d’espérance de vie depuis l’époque napoléonienne.
Si la transmission du patrimoine à la famille (au détriment du conjoint survivant) était l’objectif successoral primordial au début du 19ème siècle, c’est souvent désormais le patrimoine qui doit être mis au service de la protection du survivant des époux.
Nous venons de constater pourquoi et comment certains des droits du conjoint survivant peuvent être amoindris, pire, comment il peut en être dépossédé.

Il est alors souvent pratiqué une donation entre époux ou donation au dernier vivant, pour accroître les droits du conjoint. Mais cette donation n’assure pas dans tous les cas une protection suffisante.

la donation au dernier vivant, souvent insuffisante

Deux idées reçues, et couramment répandues, voudraient que, grâce à l’exonération des droits de succession au profit du conjoint (CGI, art. 796-0 bis); loi TEPA 21 août 2007) et grâce à une donation au dernier vivant réciproque, le conjoint survivant bénéficierait d’un véritable protection civile et fiscale.

Mais attention :

  • Un avantage fiscal ne doit jamais être vu comme une incitation à ne plus se pencher sur l’aspect économique des règles matrimoniales et patrimoniales qui s’appliquent pendant et après le mariage. A quoi sert-il d’être exonéré d’impôt sur des droits réduits ou partagés ?
  • Une donation au dernier vivant (C.civ. art. 1094-1), pour autant qu’elle puisse conférer plus de droits au conjoint survivant, ne permet pas de « tout donner » au conjoint dès lors que des descendants sont en concurrence grâce à leur intangible réserve héréditaire.

Savoir utiliser la liberté contractuelle dont disposent les conjoints

Article 1387 du code civil

« La loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos… ».

A l’heure où l’allongement de la durée de vie a pour effet un nombre croissant de personnes dépendantes (1,4 millions en 2020, 2 millions à l’horizon 2040), l’indépendance économique du conjoint survivant et son autonomie de vie sont des sujets cruciaux.

Il devient alors indispensable pour les époux d’anticiper leur succession et d’améliorer non seulement les droits légaux du conjoint mais également la classique donation au dernier vivant en recourant aux dispositions contractuelles dont ils peuvent disposer.

Cette liberté contractuelle signifie que le couple peut choisir avant ou pendant le mariage :

  • le régime matrimonial « sur mesure » qui correspond à ses objectifs de vie commune
  • les clauses à effet posthume tels que les avantages matrimoniaux qui assureront la protection économique la mieux adaptée au survivant d’entre eux

En savoir plus : avocats.fr « Avantage matrimonial »

Même si personne n’est censé ignorer la loi, que peut faire d’une telle liberté contractuelle la personne qui n’en a pas connaissance ?
C’est ici que la consultation d’un conseil en gestion de patrimoine est indispensable pour s’informer et adapter son patrimoine à la réalisation de ses objectifs de vie.

Auteur

Jean-Guy Pécresse

Intervenant formateur pour le CESB CGP – Conseiller en gestion de patrimoine

Concubinage, PACS et succession : Etude comparative et enjeux patrimoniaux

Concubinage, PACS et succession : Etude comparative et enjeux patrimoniaux

Temps de lecture estimé : 11 min

En France, plus de 6 millions de personnes vivent en union libre ou sont pacsées, ce qui représente un couple sur cinq. La majorité de ces couples vit en concubinage et plus de 60 % d’enfants naissent hors mariage. Se pose alors nécessairement la question de la protection des concubins ou partenaires en cas de décès de l’un d’eux. De quelles règles de droit relève la succession des concubins ? Que prévoit le contrat de PACS (Pacte Civil de Solidarité) ? Synthèse et exemples concrets.

qu’est-ce que le concubinage ? qu’est-ce que le pacs ?

Une relation, affective ou amoureuse, perdure et se transforme en une vie stable, commune et continue, ces trois adjectifs caractérisent aussi bien le concubinage que le PACS. Mais que revêtent ces deux formes distinctes de vie commune ?

le concubinage

Le concubinage est une union de fait, deux personnes choisissent de vivre ensemble sans engagement aucun (C.civ. art. 515-8).

A de très rares exceptions près, ces personnes n’ont donc aucune obligation l’une envers l’autre et paradoxalement, pas même celle de vivre continûment sous le même toit (CA Douai, 12.12.2002 n° 01/03255).
Le droit du concubinage est surtout jurisprudentiel, de très rares dispositions légales lui étant applicables.

le pacs

Le PACS est un contrat conclu par deux personnes majeures pour organiser leur vie commune ( C.civ. art. 515-1). Cette convention, librement établie par les partenaires, fixe :

  • les modalités de l’aide mutuelle et matérielle qui revêt un caractère obligatoire, contrairement au concubinage. En effet, la clause qui supprimerait cette aide serait nulle.
    Le PACS présente ici de nombreuses affinités avec le mariage en ce qu’il est régi, quant aux obligations entre partenaires, selon des règles similaires au régime dit primaire des contrats matrimoniaux (notamment vie commune, aides réciproques et solidarité des dettes de ménage).
  • le régime des biens qu’ils adoptent : régime légal de la séparation de biens ou régime d’indivision. A défaut, ils sont soumis au régime de la séparation des patrimoines. Chacun conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens, qu’il les ait créés, acquis avant ou pendant le PACS, ou reçus par donation ou succession.
    Les partenaires souhaitant éviter le régime de l’indivision en raison de sa lourdeur de gestion et de son caractère instable (tout indivisaire peut en sortir à tout moment (C.civ. art 815)) feront le choix du régime de séparation des patrimoines.
    Attention néanmoins car, en pratique, lorsque les partenaires ont choisi les règles de la séparation de patrimoine et investissent ensemble dans l’acquisition d’un même bien, ils se retrouvent de facto en situation d’indivision sur ce bien, ce qui aura des conséquences successorales.

quid en cas de succession ?

Les successions entre concubins et celles entre partenaires pacsés sont sur certains points similaires mais distinctes sur beaucoup d’autres.

quelques rares points communs

  • Héritage : Le concubin comme le partenaire n’ont pas le statut d’héritier.
  • Legs : Ils peuvent se consentir un legs de tout ou partie de leurs biens.
  • Quotité disponible ordinaire : ce legs est néanmoins limité à la quotité disponible ordinaire en présence d’héritiers réservataires (descendants) (C.civ. art. 912 al. 2).

Rappel :

En présence de :Quotité disponible ordinaire
1 enfant½ du patrimoine
2 enfants1/3 du patrimoine
3 enfants et plus¼ du patrimoine

Ainsi, en l’absence de descendants, ils peuvent transmettre la totalité de leur patrimoine au survivant d’entre eux par voie testamentaire (legs).

  • Donation au dernier vivant : Ils ne peuvent pas se consentir de donation au dernier vivant, cette disposition n’étant possible que pour les couples mariés.
  • Pension de réversion : Ils n’ont droit à aucune pension de réversion d’une partie de la retraite de l’assuré décédé.
  • Droit viager au logement : Ils ne bénéficient pas du droit viager au logement (C.civ. art. 764)
  • Rente viagère : En cas de décès du concubin, ou du partenaire, des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le survivant peut prétendre à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime (Art. L 434-8 et R 434-10 , du Code de la Sécurité Sociale)

et de nombreuses différences

Contrairement aux concubins, les partenaires bénéficient de droits successoraux plus étendus mais parfois limités et d’avantages fiscaux identiques à ceux des couples mariés.

  • Droit au logement : Les partenaires pacsés bénéficient du droit au logement d’un an (C.civ. art. 515-6, al.1, C.civ. art. 763, al. 1)
    Ce droit temporaire a une nature successorale et n’est donc pas un effet direct du Pacs, un testament peut donc en priver le survivant des partenaires.
  • Droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation : si l’habitation du partenaire était assurée au moyen d’un bail ou d’un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l’indemnité d’occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement (C.civ. art. 515-6, al. 1, C.civ. art. 763 , al.2).
  • Droits de succession : à la condition qu’un legs lui ait été fait par le défunt, le partenaire survivant est totalement exonéré de droits de succession sur le legs (CGI art. 796-0 bis).
    Quant à lui, le concubin survivant ne bénéficie que d’un abattement de 1.594 € sur le legs qui lui a été consenti par le défunt et doit s’acquitter de 60 % de droits de succession (CGI art. 788 IV, CGI art. 777, tableau III).
  • Libéralités : les donations consenties entre partenaires pacsés bénéficient d’un abattement de 80.724 €. (CGI art. 790 F).
    Les donations entre concubins ne bénéficient d’aucun abattement et sont taxées à 60 % (CGI art. 777, tableau III).
  • Attribution préférentielle : à la différence du concubin, le partenaire pacsé a droit à l’attribution préférentielle du logement détenu en copropriété, de son mobilier, ou du droit au bail du bien qui lui sert d’habitation, à charge de soulte s’il y a lieu. Il est néanmoins nécessaire pour cela que le défunt l’ait prévu par testament (C.civ. art. 515-6, al. 2, art. 831- 3) et que ce legs n’excède pas la quotité disponible, auquel cas il serait exposé à l’action en réduction de l’héritier réservataire.
    De même, le partenaire pacsé bénéficie du droit à l’attribution préférentielle de l’entreprise, des droits sociaux, du local à usage professionnel, entre autres.
  • Assurance-vie : la souscription d’un contrat d’assurance vie permet aux concubins, ou aux partenaires pacsés, de se protéger mutuellement. Il existe néanmoins une différence significative entre concubin et partenaire pacsé à ce sujet :
    • Dans le cas de versements effectués avant 70 ans (CGI art. 990 I), le partenaire pacsé est exonéré de toute taxation (CGI art. 990 I, I-al.3) à la différence du concubin imposé au delà de 152.500 €.
    • Dans le cas de versements effectués après 70 ans, la fraction des primes qui excède 30.500 € est normalement taxée aux droits de mutation par décès (CGI art. 757 B) soit 60 % pour un concubin. Elle reste exonérée de droits de succession pour le partenaire (CGI art. 796-0 bis).

exemples pratiques

« A » 45 ans, « B » 48 ans sont en couple.
« A » est propriétaire de la résidence principale dans laquelle vit le couple. Valeur : 300.000 €
« A » décède.

cas 1 : ils sont concubins, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : « B » n’hérite pas de « A » et n’a aucun droit sur la résidence principale.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.

Legs de la pleine propriété de la résidence principale

« B » peut alors disposer de la résidence principale comme il l’entend, l’occuper, la louer ou la vendre.
Droits de succession : « B » bénéficie d’un abattement de 1.594 € (CGI art. 788 IV) sur la valeur du bien soit : 300.000 € – 1.594 € = 298.406 € imposable. Il devra acquitter 60% de droits de succession (CGI art. 777, tableau III) soit 179.044 €.

Legs de l’usufruit de la résidence principale

« B » ne détient dans ce cas que l’usufruit de la résidence principale, c’est-à-dire le droit de l’occuper ou de la louer. Il ne peut la vendre sans l’accord du ou des nus-propriétaires. Les charges devront également être réparties entre usufruitier et nu-propriétaire selon les dispositions de l’article 1133 du CGI.
Compte tenu de l’âge du légataire « B », l’usufruit représente 60 % de la valeur du bien (CGI art. 669) soit, 300.000 € x 60 % = 180.000 €. Après l’abattement de 1.594 €, il reste 178.406 € taxables à 60 % soit 107.044 € de droits de succession.

Legs du droit d’usage et d’habitation

« B » a dans ce cas uniquement le droit d’occuper la résidence principale.
Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit (GI art. 762 bis) soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Après application de l’abattement de 1.594 €, il reste 106.406 € taxés à 60 % soit 63.844 € de droits de succession.

cas 2 : ils sont pacsés, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le contrat de Pacs ne permet pas d’assurer une transmission de bien au partenaire survivant. Il lui donnera uniquement le droit d’occupation d’un an de la résidence principale ou le droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation, comme nous l’avons précédemment vu.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B »
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.
    Qu’il s’agisse du legs de la pleine propriété, du legs d’usufruit, ou d’usage et d’habitation, le partenaire légataire reçoit ses droits en franchise d’imposition successorale (CGI art. 796-0 bis).

cas 3 : ils sont concubins avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit sur la résidence principale, pas même le droit d’occupation d’un an ou le droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire (C.civ.art. 912), soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants (C.civ. art. 913).
    Masse successorale = résidence principale = 300.000 €.
    Quotité disponible 1/3 = 100.000 €
    Réserve héréditaire de chaque enfant : 100.000 € chacun, soit 200.000 € au total.

Legs de la pleine propriété

Ce legs d’une valeur de 300.000 € excédant la quotité disponible de 100.000 €, « B » s’expose à l’action en réduction des enfants leur permettant de reconstituer leur réserve héréditaire. Dans ce cas, « B » et les enfants seront en indivision. « B » recevra des droits indivis d’une valeur de 100.000 €, les enfants se partageant les 200.000 € restants par parts égales.
Cette situation ne permet pas à « B » d’occuper la résidence principale (sauf à ce que les enfants l’acceptent, éventuellement moyennant indemnisation) et ne permet pas de lui assurer une protection de logement en cas de décès du concubin.
Par ailleurs, « B » supporte des droits de succession d’un montant de 59.044 € (100.000 € -1.594 € X 60 %).

Legs de l’usufruit

Le droit d’usufruit du concubin vaut 180.000 € (300.000 € x 60 %). Sa valeur excède donc de 80.000 € la quotité disponible ordinaire (100.000 €).
« B » s’expose donc à la réduction du legs en sa faveur. Il doit soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne plus bénéficier du droit d’usufruit sur le bien, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 80.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

Legs du droit d’usage et d’habitation

Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Ici, encore, le montant du legs de « B » excède la quotité disponible et entame la réserve héréditaire de 8.000 €. Il devra soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne peut plus bénéficier du droit d’usage et d’habitation, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 8.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

cas 4 : ils sont pacsés avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit de propriété sur la résidence principale, mais dispose en vertu du PACS du droit d’occupation d’un an ou du droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    Comme précédemment, « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire, soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants, soit 100.000 €.
    Le PACS ne confère aucun droit de propriété sur la masse successorale.
    Qu’il s’agisse d’un legs en pleine propriété, d’un legs d’usufruit ou de droit d’usage et d’habitation, il sera réduit à la quotité disponible dans les mêmes proportions respectives que nous venons de calculer dans le cas 3 des concubins.
    A la différence néanmoins des concubins, le partenaire pacsé ne supportera pas de droits de succession sur la part reçue.

On constate ainsi qu’à l’exception du partenaire pacsé qui, sans héritier réservataire concurrent, peut, en franchise d’impôt, recueillir la pleine propriété des droits et biens du défunt, il n’est pas de cas de figure où, la fiscalité ne soit pas confiscatoire (entre concubins) et/ou les droits de propriété, d’usufruit, d’usage et d’habitation ne soient amoindris, voire réduits à la portion congrue.

les solutions

Il existe néanmoins des outils permettant d’améliorer la protection du concubin ou du partenaire pacsé en cas de décès, parmi lesquels :

  • L’acquisition de la résidence principale en démembrement croisé via une SCI : ce mode de détention permet au survivant des concubins ou des partenaires de conserver la pleine propriété d’une partie des parts dont il était nu-propriétaire et de rester usufruitier de l’autre partie. Cette transmission s’effectuera en exonération de droits de succession pour le concubin comme pour le partenaire pacsé, l’usufruit rejoignant la nue-propriété sans droit.
  • Le commodat ou prêt à usage qui autorise le survivant à continuer d’occuper le bien sans pour autant que les héritiers réservataires ne soient lésés de leurs droits (C.civ. 1875 ss.) et ceci même après le décès (C.civ. 1879).
  • L’acquisition de la résidence principale avec clause de tontine (C.civ 1304 à 1304-7) , à condition qu’elle comporte bien un caractère aléatoire (investissement de chacun et âges proches), permet d’assurer la transmission de la pleine propriété de la résidence principale au survivant des concubins ou partenaires pacsés. Cette opération n’est pas considérée comme une donation exposée à la réduction.
    Fiscalement, si la valeur du bien est supérieure à 76.000 €, le couple aura intérêt à se pacser pour éviter les droits de succession au taux de 60 % (CGI art. 754 A).
  • La convention d’indivision permet d’organiser la gestion des biens indivis et d’anticiper les conflits (C.civ. art. 1873-1) en cas d’indivision successorale suite au décès.
  • Sans oublier la solution la plus protectrice qui soit, le mariage ! S’il relève davantage d’une décision personnelle, le mariage offre néanmoins un large choix de régimes, de la séparation de biens à la communauté universelle mais aussi d’options permettant d’organiser un contrat sur mesure.

Vivre ensemble sans ne rien prévoir ou conclure un PACS sans y adjoindre d’autres dispositions nécessaires font courir un risque patrimonial significatif pour les concubins ou les partenaires en cas de décès de l’un d’eux. Il est du rôle du conseiller patrimonial de mesurer ce risque, de sensibiliser et d’envisager les solutions existantes, des plus simples aux plus protectrices.

Auteur
Jean-Guy Pécresse  
Intervenant formateur pour le CESB CGP – Conseiller en gestion de patrimoine

La protection du logement familial : oui, mais pas dans tous les cas

La protection du logement familial : oui, mais pas dans tous les cas

Temps de lecture estimé : 6 min
L’article 215 alinéa 3 du Code civil protège le logement familial du couple marié. Cette protection du logement familial s’applique-t-elle quel que soit le mode de détention du bien, y compris en SCI ? Et si ce logement est un bien propre ou personnel à l’un des époux, cette protection s’applique-t-elle uniquement pendant le mariage ? Le conjoint peut-il conserver l’usage de la résidence principale et s’opposer à son attribution à un héritier ? Cette protection subsiste-t-elle après la dissolution du régime matrimonial en cas de décès ? En cas de divorce ?

Un récent arrêt de la Cour de cassation, en date du 22 mai 2019 (n°18-16666) nous apporte un éclairage particulier sur ce sujet.

l’article 215 alinéa 3 du code civil – rappels

L’article 215 du Code civil stipule, dans son alinéa 3, que « Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. (…) »

Ces dispositions sont d’ordre public ; elles s’imposent donc aux époux quel que soit le régime matrimonial choisi (légal, conventionnel, communautaire, séparatiste).

Cette protection du logement familial est acquise d’office lorsque le logement familial est commun. En effet, dans ce cas, c’est la cogestion qui s’impose (Article 1424 du Code civil). L’un des époux ne peut donc pas disposer seul de ce logement sans l’accord de l’autre.

La question est plus prégnante en présence d’un logement propre ou personnel à l’un des époux.

Assurément, dans ce cas, le principe de la cogestion n’existe pas (Article 1428 du Code civil). Les dispositions de l’article 215 alinéa 3 du Code civil trouvent opportunément leur application pour assurer la protection du conjoint survivant.

bien immobilier sur lequel porte cette protection

Il ne s’agit que de la résidence principale de la famille. Les résidences secondaires, comme l’immobilier locatif, ne bénéficient pas de cette protection.

Les meubles meublants du logement familial bénéficient également de cette protection.

droits sur le logement familial bénéficiant de cette protection

La protection joue lorsque le bien immobilier est occupé sur la base d’un droit de propriété, d’un droit d’usufruit, d’un droit d’usage ou d’un bail.

Lorsque le logement familial est détenu par une Société Civile Immobilière (SCI) dans laquelle l’un au moins des époux est associé, la protection accordée par l’article 215 du Code civil ne prend pas naissance.

Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 mars 2018 (n° 17-16482) est venu nous le rappeler. Dans cette affaire, une assemblée générale avait donné son accord, au mari gérant, pour vendre le bien immobilier sans le consentement  de son épouse. La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’épouse évincée. Elle précise que cette protection ne joue que si les époux associés justifient d’un bail, d’un droit d’habitation ou d’une convention de mise à disposition du bien à leur profit.

sanction

Le non-respect de l’article 215 alinéa 3 du Code civil peut être sanctionné par la nullité de l’acte (vente, donation…).

La poursuite de la lecture de l’alinéa 3 de l’article 215 du Code civil apporte les précisions nécessaires quant au délai pour agir : « (…) Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »

opérations concernées par la protection

La vente, la donation, l’échange, l’apport en société, la mise en location du logement familial, ainsi que la prise d’une garantie hypothécaire sur ce dernier, sont visés par cette protection.

La situation sur laquelle la Cour de cassation a eu à se prononcer le 22 mai 2019 est la suivante :

Monsieur, marié sous le régime légal, a donné la nue-propriété de divers biens immobiliers propres à ses enfants nés d’un précédent mariage. Dans ces divers biens immobiliers, l’un constituait la résidence principale des époux. Monsieur s’était réservé l’usufruit de cette résidence principale sa vie durant, sans réversion au profit de son épouse.

Monsieur décède. Son épouse survivante demande l’annulation de la donation au motif qu’elle n’a pas donné son consentement.

durée de la protection de l’article 215 alinéa 3 du code civil

La protection accordée n’est effective que durant le mariage. Aussi, tombe-t-elle lorsque le régime matrimonial est liquidé pour cause de divorce, de décès ou de séparation de corps.

Au cas présent, dans la mesure où la donation de la nue-propriété « n’avait pas porté atteinte à l’usage et à la jouissance du logement familial » pendant le mariage, cette protection ne pouvait être mise en avant par l’épouse survivante.

Cet arrêt de la Cour de cassation du 22 mai 2019 est dans la lignée de celui rendu par la même juridiction le 22 octobre 1974 (n° 73-12402). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait validé le fait que l’époux puisse léguer à son frère l’appartement qui composait, de son vivant, le logement familial avec son épouse.

epilogue

Le conjoint survivant éploré, de par le fait que la protection de l’article 215 du Code civil lui aurait échappé, doit-il déménager au plus vite au décès de son conjoint ayant donné la nue-propriété (sans réversion d’usufruit) ou légué la pleine propriété du logement familial ?

La réponse doit être donnée au regard de l’article 763 du Code civil.

En effet, le droit temporaire au logement édicté par l’article 763 du Code civil dispose que « si, à l’époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d’habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit. (…) Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Le présent article est d’ordre public ».

Aussi, deux cas de figure peuvent être envisagés :

  • Le conjoint prédécédé a donné la nue-propriété du logement familial tout en se réservant l’usufruit sa vie durant (sans réversion au conjoint survivant).

A son décès, ce bien n’est pas « un logement (…) dépendant totalement de la succession ». En effet, la nue-propriété ayant déjà été donnée, l’usufruit va s’éteindre au décès ; le logement familial ne dépend donc pas de la succession. Dans ce cas, le droit temporaire au logement, comme le droit viager, ne peut s’appliquer.

  • Le conjoint a légué la pleine propriété du logement familial.

A son décès, ce bien « dépendant totalement de la succession » subira le droit temporaire au logement du conjoint survivant ainsi que le droit viager (sauf à ce que le conjoint survivant ait été privé de ce dernier droit par testament authentique).

récapitulatif

Situation préexistanteProtection de l'art. 215 al. 2 du C. civ.Droits temporaire et viager au logement
Art. 763 et 764 du C. civ.
Donation de la NP (1) de la résidence principale par l’un des époux (2)Au moment du décès : conjoint non protégéAu moment du décès : conjoint non protégé
Legs de la PP (3) de la résidence principaleAu moment du décès : conjoint non protégéDu vivant des époux : conjoint protegé
Vente par une SCI de la résidence principale des époux en l'absence d'un bail (4)Au moment du décès : conjoint non protégéSans objet
Vente par une SCI de la résidence principale des époux en présence d'un bail (5)Du vivant des époux : conjoint protegéSans objet
(1) NP : nue-propriété
(2) avec réserve d’usufruit au seul profit du donateur.
(3) PP : pleine propriété
(4) ou d’un droit d’habitation ou d’une convention d’occupation entre la SCI et les époux
(5) ou d’un droit d’habitation ou d’une convention d’occupation entre la SCI et les époux


Si l’article 215 alinéa 2 du code civil a une vocation forte à protéger le logement familial du couple marié, il serait ainsi faux de croire que cette protection est effective dans toutes les situations. Elle n’a pas lieu de s’appliquer en cas de détention du bien en SCI (sauf disposition spécifique : bail, convention…) et elle n’est surtout plus opérationnelle lorsque le mariage est dissous et que le bien est attribué par donation ou testament à un autre héritier.

Auteur
Emmanuel Bouvenot  

Ingénieur Patrimonial – BPE La banque privée de La Banque Postale