Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT
Des dispositions du projet de loi de finances 2022 visent à faciliter la transmission d’entreprise. Le processus de vote du texte définitif commence ce 11 octobre.
Présenté le 22 septembre dernier en Conseil des Ministres, le projet de loi de Finances 2022 comporte, dans son article 5, plusieurs mesures importantes en faveur de la transmission d’entreprise.
Les régimes d’exonération ou d’abattement pour départ à la retraite, ainsi que les exonérations selon la valeur des actifs cédés sont assouplis.
Ces mesures concernent la transmission de l’entreprise individuelle, les sociétés de personnes à l’IR mais également les sociétés à l’IS.
Par ailleurs, l’article 6 du projet de loi de finances autoriserait dans certaines conditions l’amortissement du fonds de commerce, favorisant ainsi la reprise d’entreprise.
Le projet de loi de finances est soumis au vote des députés à partir du 11 octobre.
exonération pour départ à la retraite : assouplissement temporaire
Afin de bénéficier du régime d’exonération pour départ à la retraite, les cédants d’entreprises auraient 3 ans au lieu de 2 ans pour vendre mais sous certaines conditions.
L’abattement pour départ à la retraite dont peuvent bénéficier les actionnaires-dirigeants de sociétés à l’IS serait reconduit pour une année supplémentaire, jusqu’à fin 2024.
Dans le cadre de la location-gérance, ces régimes d’exonération seraient applicables y compris en cas de cession à un tiers, autre que le locataire-gérant.
exonération pour départ à la retraite des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés à l’ir : délai rallongé temporairement et sous conditions
Pour rappel, le chef d’entreprise individuelle ou l’associé dirigeant d’une société de personnes à l’IR (relevant de l’article 8 et 8 ter du CGI) peuvent bénéficier d’un régime d’exonération sur la plus-value de cession de leur entreprise ou de leurs parts sociales sous certaines conditions (article 151 septies A du CGI).
La plus-value de cession est exonérée si :
- Le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise ou dans la société
- Le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession
D’autres conditions sont également nécessaires en termes de taille d’entreprise ou de société, de durée d’exercice de l’activité (minimum de 5 ans), d’absence de contrôle de la société de l’acquéreur, comme nous l’avons détaillé dans un précédent article.
En savoir plus :
Quelle optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise ?
L’ordre des événements (cession et départ à la retraite) est indifférent mais le délai entre les deux doit être au maximum de 24 mois (BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30).
L’article 5 du Projet de Loi de Finances pour 2022 (PLF 2022) prévoit l’allongement de ce délai de 24 à 36 mois mais à condition :
- que le cédant ait fait valoir ses droits à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021. L’objectif est ici d’assouplir le délai provisoirement, pour tenir compte des contraintes que les entrepreneurs ont pu rencontrer du fait des restrictions sanitaires (fermetures administratives…).
- que le départ à la retraite ait lieu avant la cession.
Il ne s’agit donc pas, tel que le présente le texte, d’une mesure générale et durable d’assouplissement de ce dispositif.
abattement pour départ à la retraite des actionnaires-dirigeants de sociétés à l’is : dispositif prolongé et rallongement de délai
L’actionnaire de société à l’IS partant à la retraite peut bénéficier d’un abattement de 500.000 € sur la plus-value de cession de ses titres, qu’il opte pour le PFU (prélèvement forfaitaire unique) ou pour l’intégration au barème de l’IR (article 150-0 D ter du CGI).
Entre autres conditions, il doit pour cela cesser toute fonction dans la société dont il vend les titres et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession.
Rappel des autres conditions à satisfaire
Concernant le cédant :
- le cédant doit vendre l’intégralité des actions ou parts qu’il détient dans la société ou plus de 50 % des droits de vote.
- Il doit avoir exercé au sein de la société dont les titres sont cédés, et pendant au moins les 5 années précédant la cession, une fonction de gérant (pour les SARL ou SCA), associé en nom (pour les sociétés de personnes), président, directeur général, président du directoire ou membre du conseil de surveillance (pour les sociétés par actions). Ces fonctions doivent être réelles et donner lieu à une rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
- Il doit avoir détenu pendant les 5 années précédant la cession au moins 25 % des droits de vote et droits financiers de la société dont il vend les titres. Pour l’appréciation de ce seuil, il est tenu compte de la participation détenue par le conjoint, le partenaire de Pacs, leurs ascendants ou descendants ainsi que leurs frères et sœurs.
- Il doit avoir détenu les titres cédés depuis au moins un an avant la cession.
- Il ne doit pas détenir directement ou indirectement de participation au capital de l’entreprise acquéreur.
Concernant la société :
- Il doit s’agir d’une PME (petite ou moyenne entreprise) au sens des règlementations européennes (Annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014).
- Elle doit exercer, depuis au moins 5 ans avant la vente et de manière continue, une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale, agricole, financière ou avoir pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés relevant de ces activités. L’activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier et donc les sociétés purement patrimoniales sont exclues de ce dispositif.
- Elle doit être soumise à l’IS.
Ce régime d’abattement doit prendre fin le 31/12/2022 (article 28 de la Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017).
Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit :
- la prorogation de ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.
- la prolongation du délai de 2 ans à 3 ans pour vendre après le départ à la retraite, dans les mêmes conditions que pour les entreprises individuelles et les sociétés à l’IR : seuls les cédants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021 peuvent bénéficier de cette prolongation de délai.
exonération pour départ à la retraite et location-gérance : possibilité de cession à un tiers
Le cédant d’une entreprise individuelle ou d’une société à l’IR partant à la retraite peut aussi bénéficier du régime d’exonération lorsqu’il a mis son activité en location-gérance (article 151 septies A IV du CGI).
Pour cela, deux conditions supplémentaires sont à respecter :
- l’activité doit être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location-gérance.
- la cession doit être réalisée en faveur du locataire-gérant.
L’article 5 du PLF 2022 donnerait la possibilité de bénéficier de l’exonération en cas de cession à une personne autre que le locataire-gérant mais à condition que la cession porte sur l’intégralité des éléments permettant l’exploitation de l’activité mise en location-gérance.
Cette mesure telle qu’elle est présentée n’est pas limitée dans le temps. Elle favoriserait la transmission d’entreprise dans le cadre de la location-gérance. L’entrepreneur ayant mis son activité en location pourrait en effet vendre à un tiers si le locataire-gérant ne peut ou ne souhaite acheter.
exonération de la plus-value professionnelle fonction de la valeur de l’entreprise : relèvement des seuils
Les entreprises individuelles, sociétés à l’IR et sociétés à l’IS sous certaines conditions, peuvent bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés.
Ces seuils pourraient être relevés selon l’article 5 du PLF 2022.
exonération de la plus-value professionnelle des entreprises individuelles et sociétés à l’ir : seuils relevés et nouvelles modalités de détermination des valeurs
La plus-value de cession d’actifs professionnels des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés de personnes à l’IR peut être exonérée totalement ou partiellement selon la valeur des actifs cédés (article 238 quindecies du CGI).
Ce régime d’exonération est bien entendu soumis au respect de certaines conditions que nous avons détaillées dans notre précédent article « Quelle optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise ? » (notamment l’exercice de l’activité depuis plus de 5 ans, la cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité et l’absence de direction ou de détention de la majorité du capital de la société acquéreur).
Si les conditions sont satisfaites, la plus-value de cession est exonérée d’IR :
- totalement si la valeur des éléments cédés (hors immobilier ) est inférieure à 300 000 €.
- partiellement si cette valeur est comprise entre 300.000 € et 500.000 €
L’article 5 du PLF 2022 propose de porter ces seuils à 500.000 € (au lieu de 300.000 €) et 1.000.000 € (au lieu de 500.000 €).
Le PLF 2022 propose également une nouvelle définition des valeurs prises en compte pour cette exonération.
L’article 238 quindecies indique en effet que la valeur des actifs prise en compte pour l’appréciation des seuils est celle servant d’assiette aux droits d’enregistrement.
L’article 5 du PLF 2022 propose de retenir « le prix stipulé des éléments transmis ou leur valeur vénale auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit ».
L’appréciation de la valeur retenue est donc plus large mais aussi davantage sujette à interprétation. Il peut s’agir du prix convenu entre les parties mais également de la valeur de marché.
exonération des plus-values professionnelles et société à l’is : relèvement des seuils et nouvelle condition des aides « de minimis »
L’exonération en fonction de la valeur des actifs cédés concerne les entreprises individuelles, les sociétés de personnes à l’IR (articles 8 et 8 ter du CGI) mais aussi les sociétés à l’IS sous conditions de taille.
Pour bénéficier de ce régime, la société à l’IS doit :
- employer moins de 250 salariés
- réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions € ou présenter un total de bilan inférieur à 43 millions €.
- ne pas être détenue à 25 % ou plus par une société ne répondant pas à ces critères (sauf certaines sociétés ou fonds d’investissement à risques).
L’article 5 du PLF 2022 prévoit de soumettre également le bénéfice de ce régime pour les sociétés à l’IS au plafond d’aides d’État dit « de minimis » tel que défini par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Plafond d’aide d’État dit « De minimis »
Certaines aides publiques en faveur des entreprises sont plafonnées par la législation européenne. Ce plafond est de 200.000 € par entreprise sur une période de 3 exercices fiscaux.
exonération des plus-values professionnelles et location-gérance : possibilité de cession à un tiers
L’exonération de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés est également applicable lors de la cession d’activité mise en location-gérance si la cession est en faveur du locataire (article 238 quindecies VII CGI).
L’activité doit également être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location.
Selon l’article 5 du PLF 2022, l’exonération partielle ou totale serait élargie aux cessions à un tiers autre que le locataire-gérant, à condition que l’ensemble des actifs nécessaires à l’activité et ayant fait l’objet du contrat de location-gérance soit transmis.
Dans ce cas également, la valeur des actifs cédés serait définie comme le prix convenu entre les parties ou la valeur vénale.
Cession et Départ à la retraite : Exonération ou Abattement | Cession selon la valeur des actifs : Exonération totale ou partielle |
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Statut | Entreprise individuelle et société à l’IR | Société à l’IS | Entreprise individuelle Société à l’IR Société à l’IS sous certaines conditions |
Régime | Article 151 septies A | Article 150-0D Ter | Article 238 quindecies |
Exonération ou abattement | Exonération totale à l’IR | Abattement de 500.000 € sur la plus-value de cession imposable à l’IR (PFU ou barème) | Exonération d’IR et de prélèvements sociaux : Totale si la valeur des actifs cédés < 300.000 € Partielle si cette valeur > 300.000 € et < 500.000 €. |
Conditions | Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession. Activité exercée depuis au moins 5 ans. Conditions de taille d’entreprise. Absence de contrôle de l’acquéreur. | Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession. Vente de toutes les actions ou au moins de 50 % des droits de vote. Exercice d’une fonction de direction pendant les 5 années précédant la cession. Détention d’au moins 25 % des droits de vote de manière continue pendant les 5 ans précédant la cession, seul ou avec groupe familial. Détention depuis au moins 1 an des actions cédées. Conditions de tailles de la société. Activité économique exercée de manière continue depuis au moins 5 ans. Absence de contrôle de l’acquéreur. Fin de ce régime : 31/12/2022 | Cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité. Activité exercée depuis au moins 5 ans. Absence de contrôle de l’acquéreur. |
Modification du PLF 2022 (Article 5) | Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans. | Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans. Prolongation de ce régime jusqu’au 31/12/2024. | Relèvement des seuils : Exonération totale si valeur < 500.000 € Exonération partielle si valeur > 500.000 € et < 1.000.000 €. Nouvelle définition des valeurs prises en compte : prix convenu entre les parties ou valeur vénale. Pour société à l’IS : respect du plafond des aides d’État « de minimis ». |
possibilité temporaire d’amortissement fiscal du fonds de commerce
Le PLF 2022 comporte également une disposition favorable à la reprise d’entreprise et donc à sa transmission.
Il prévoit, sous conditions, la possibilité d’amortir fiscalement le fonds de commerce.
A ce jour, cet amortissement est réalisable d’un point de vue comptable pour certaines entreprises (petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce et PCG (Plan Comptable Général), article 214-3 al. 5) mais ne peut être pris en compte fiscalement (Avis du Conseil d’État du 8 septembre 2021).
D’un point de vue fiscal, seules les provisions pratiquées sur le fonds de commerce sont déductibles du résultat (article 38 sexies Annexe III CGI).
L’article 6 du PLF 2022 prévoit la possibilité d’amortir fiscalement les fonds commerciaux acquis entre le 01/01/2022 et le 31/12/2023.
L’objectif est de réduire le coût fiscal pour l’acquéreur et de facilité la reprise du fonds de commerce.
Cette mesure semble concerner toutes les entreprises et pas uniquement les petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce.
Le Projet de Loi de Finances pour 2022 comporte ainsi plusieurs mesures en faveur de la transmission d’entreprise et de société.
Le texte n’étant pas encore voté, il est trop tôt pour en apprécier son impact. Tel que le PLF le présente, les principales mesures d’assouplissement restent provisoires. Les amendements et le vote définitif peuvent par ailleurs modifier ces dispositions.
Dans tous les cas, le professionnel de la gestion de patrimoine doit en rester informé pour conseiller au mieux son client entrepreneur.
Auteur
Anne Brouard
Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine
Sources :
- Article 5 du Projet de loi de finances pour 2022
- Article 150-0 D ter du CGI
- Article 151 septies A du CGI
- Article 238 quindecies du CGI
- Articles 8 et 8 ter du CGI
- Article 38 sexies Annexe III CGI
- BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30
- Article L 123-16 du Code de commerce
- Avis du Conseil d’État du 8 septembre 2021
- Articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
- PCG (Plan Comptable Général), article 214-3 al. 5
- Article 28 de la Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017
- Annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014
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