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Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Donation : pourquoi transmettre son patrimoine de son vivant ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Bénéficiant de nouveaux abattements, les donations permettent de conjuguer transmission de patrimoine, aide familiale et optimisation successorale. Explications.

Les donations s’entendent généralement comme une aide aux jeunes générations. Il s’agit de transmettre son patrimoine assez tôt, afin de tenir compte de l’allongement de la durée de la vie qui repousse d’autant la transmission du patrimoine par décès

Les jeunes générations peuvent avoir besoin d’aide financière pour mener à bien leurs investissements. L’impact des donations est également favorable pour l’économie. A la différence de l’assurance-vie, elle permet de transmettre de son vivant. Les bénéficiaires perçoivent immédiatement les biens ou les sommes données.

Les donations sont également un moyen de préparer sa succession et d’en réduire la fiscalité.

comment bien utiliser la donation ?

La donation est l’outil juridique permettant de transmettre de son vivant une partie de son patrimoine (un bien ou un droit) à titre gratuit à une autre personne.

Une donation doit être consentie de manière particulièrement réfléchie car le donateur ne pourra récupérer le bien transmis que dans des cas limitatifs et exceptionnels en pratique (révocation pour inexécution des charges, révocation pour cause d’ingratitude et révocation pour survenance d’enfant pour un donateur non parent).

Article 894 C. civ. : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ».
Les donations sont à distinguer des présents d’usage qui constituent des cadeaux modestes au regard du patrimoine de celui qui transmet, cadeaux transmis exclusivement lors d’un événement particulier (anniversaire, mariage…). Contrairement aux donations, les présents d’usage ne sont pas pris en compte dans la succession de celui qui fait le cadeau et ne sont pas sujets à fiscalité.

Article 852 alinéa 2 C. civ. : « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant »

Les donations sont également à différencier du prêt familial qui est réalisé à titre onéreux et nécessite une restitution ou un remboursement.

On distingue plusieurs types de donation.

les donations simples

Tout acte constituant une donation entre vifs est obligatoirement notarié, sous peine de nullité (article 931 C. civ.).

Les donations sont juridiquement considérées comme des actes « graves » dans la mesure où le donateur transfert à autrui irrévocablement une partie de son patrimoine sans aucune contrepartie (sauf en cas de donation avec charges). Le recours à l’acte authentique permet de garantir le bon consentement et l’acceptation de toutes les parties.

Si la donation porte sur le logement familial du donateur marié, son conjoint doit participer à l’acte et accepter la donation.

L’acte pourra contenir des clauses sur mesure telles qu’une obligation d’emploi des fonds dans l’acquisition d’une résidence principale, ou dans un placement financier particulier, ou contenir une réserve d’usufruit au profit du donateur.

La donation simple est opportune pour aider dans son projet ponctuellement l’un des enfants, ou des petits-enfants ou pour délibérément avantager un enfant en la consentant hors part successorale comme nous allons le voir.

les donations d’argent et dons manuels

Le don manuel, non envisagé par le Code civil et contraire au formalisme imposé par son article 931, a toujours été validé par la jurisprudence et la doctrine.

Le don manuel se caractérise par la remise matérielle (ce qu’on appelle juridiquement « la tradition ») sans contrepartie du bien au donataire. Le don manuel ne peut donc porter que sur des biens qualifiés juridiquement de « meubles » (liquidités, titres, objets).

L’avantage du don manuel est sa simplicité apparente en raison de son absence de formalisme.

Corrélativement, la preuve de l’existence du don manuel est une réelle difficulté. La charge de la preuve incombe en principe à celui qui se prévaut de son existence.

Comment faire une donation d’argent ?

Il est courant de donner une somme d’argent pour aider un proche. Cette donation est un don manuel ne nécessitant donc pas d’acte notarié. Il est néanmoins nécessaire de procéder à sa déclaration fiscale.

En outre, le don manuel doit impérativement être déclaré par le donataire à l’administration fiscale vial’imprimé CERFA n°2735. A défaut, le don manuel pourrait être taxé au titre du rappel fiscal, lors d’une donation notariée postérieure ou lors du décès du donateur. Afin d’optimiser l’utilisation des abattements, il est judicieux de déclarer le don immédiatement.

Le don manuel doit être utilisé en bonne intelligence, afin de ne pas créer de déséquilibre entre les enfants, et d’éviter de futurs contentieux successoraux.

les donations-partages et donations transgénérationnelles

La particularité de la donation-partage est de réaliser un partage anticipé de la succession du donateur en sus de la donation (article 1075 C. civ.

Les donations-partages doivent exclusivement être consentis aux héritiers présomptifs, sous réserve des exceptions limitatives ci-dessous :

Les donations-partages ont un avantage significatif : elles sont dites non rapportables à la succession du donateur et la valeur des biens transmis est figée au jour de la donation-partage. Ainsi les plus-values ou les moins-values réalisées par les donataires ne sont pas prises en compte dans les calculs de partages successoraux, comme nous allons le voir en suivant.

En principe, tous les enfants du donateur doivent intervenir à l’acte de donation-partage et recevoir un lot. Toutefois, il ne s’agit pas d’une condition de validité de l’acte. Ainsi en présence d’une situation familiale conflictuelle, un enfant pourrait refuser d’intervenir à la donation. La donation-partage serait alors valable mais les effets juridiques intéressants de la donation-partage, notamment le gel des valeurs au jour de la donation, seraient inapplicables.

Il convient donc d’obtenir l’intervention de toutes les parties, afin d’assurer la pleine efficacité juridique de l’acte.

En associant tous les enfants dans la réflexion du partage anticipé de la succession future, la donation-partage permet donc une transmission anticipée sereine d’une partie de son patrimoine avec une répartition de biens par enfants.

Les donations avec réserve d’usufruit :

La donation d’un bien avec réserve d’usufruit au profit du donateur permet à celui-ci d’en garder la jouissance (occuper le bien, percevoir les loyers par exemple dans le cas d’un bien immobilier). En contrepartie, il devra en assumer les charges.

L’usufruit réservé par le donateur est valorisé par le Code général des impôts (art.669 CGI) en fonction de l’âge de l’usufruitier au jour de la donation. Cette valorisation dépend de la durée de vie estimée de l’usufruitier : plus l’usufruitier est âgé, moins son usufruit a de la valeur.

Le calcul des droits de donation ne se fera pas sur la valeur de la pleine propriété mais sur la valeur de la nue-propriété (c’est à dire la valeur de la pleine propriété décotée de la valeur de l’usufruit).

En outre, au décès du donateur usufruitier, le donataire devient plein propriétaire. L’extinction de l’usufruit ne donne lieu à aucune imposition (article 1133 CGI).

Exemple

Monsieur Marin âgé de 56 ans a un fils unique. Il souhaite lui transmettre un appartement au bord de mer qui lui sert de résidence secondaire. Cet appartement est valorisé 200.000 €.

En lui donnant seulement la nue-propriété, Monsieur Marin peut continuer à utiliser l’appartement. Au décès de Monsieur Marin son fils deviendra plein propriétaire. Il pourra occuper l’appartement ou décider de le louer ou de le vendre.

Compte tenu de l’âge de Monsieur Marin au jour de la donation, la valeur de son usufruit est de 50%, donc la valeur de la nue-propriété de 50%, soit 100.000€.

En application de l’abattement de droit commun, aucun droit de donation ne sera du comme nous le verrons plus loin.

La valeur de l’usufruit réservé par Monsieur Marin ne sera jamais fiscalisée.

Si le bien donné est amené à être vendu, la réserve d’usufruit porte alors sur une somme d’argent. L’usufruitier détient alors un quasi-usufruit sur le prix de cession sauf à ce que celui-ci soit réemployé dans un nouveau bien démembré.

la particularité d’une donation à un héritier

Lorsque l’on donne à une personne qui est également son héritier, la donation peut être soumise à deux traitements spécifiques :

le rapport civil à la succession : l’égalité entre héritiers

Par principe, une donation en faveur d’un héritier est dite sur part successorale.

Ainsi la donation dont a bénéficié l’héritier ne vient pas en plus de sa part sur la succession mais est comprise dans cette part.

Il en est ainsi des donations simples et des dons manuels lorsqu’ils sont consentis à des héritiers présomptifs, sauf clause contraire.

Pour s’assurer de l’équité entre héritiers, on rajoute comptablement les donations réalisées à la masse successorale lors du décès du donateur. On parle de rapport à la succession.

Les biens donnés sont rapportés pour leur valeur au jour du partage de la succession (et non de la donation) et selon l’état du bien au jour de la donation (Art. 860 Code civ.). En ce sens, il faut tenir compte des moins ou plus-values éventuelles (sauf celles qui seraient dues à l’action du donataire : travaux d’amélioration…).

Pour les donations de sommes d’argent (Art. 860-1 Code civ.), on tient compte de la valeur donnée sans revalorisation. Si cette somme a été réinvestie dans un bien, on retient la valeur de ce bien au jour du partage successoral.

Il est possible d’avantager un héritier en spécifiant que la donation est faite hors part successorale ou avec dispense de rapport (dans la limite de la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires comme nous allons le voir).

Dans ce cas, cette donation vient en plus de sa part successorale. Elle n’est pas rapportée à la succession.

Le don manuel, normalement rapportable, peut être réalisé hors part successorale. Dans ce cas, il est accompagné d’une convention sous seing privé (pacte adjoint) contenant une clause relative à l’absence de rapport du don dans la succession du donateur.

Cet écrit permet également de prouver l’existence du don manuel. En revanche, il est important d’être vigilent sur la rédaction de ce texte. Effectivement, la convention ne doit pas réaliser en elle-même la donation, au risque que le don soit annulé pour vice de forme (article 931 C. civ.).

La donation-partage est par principe considérée comme non-rapportable. De plus, elle fige les valeurs données au jour de la donation permettant de maintenir une égalité entre les héritiers par rapport aux valeurs futurs des biens donnés.

Exemple

Monsieur Marin consent une donation de sommes d’argent de 100.000 € à chacun de ses deux enfants Alain et Marie.

Au décès de Monsieur Marin, son patrimoine n’est composé que de sa résidence principale de 200.000 €. Ses seuls héritiers sont ses deux enfants.

On s’interroge concernant le traitement des sommes transmises par donation aux enfants :

  • Alain a dépensé progressivement l’intégralité de la somme au casino
  • Marie a acheté un appartement dont la valeur au jour du décès a doublé (200.000 €). Marie a donc réalisé une plus-value de 100.000€.

Si Monsieur Marin a consenti deux donations simples ou deux dons manuels déclarés, ils sont rapportables à la masse successorale à son décès pour leur valeur au jour du partage de la succession.

Ainsi, on rajoute à la masse successorale une valeur de 200.000 € pour la donation faite à Marie (valeur de l’appartement au jour du décès) et 100.000 € pour celle faite à Alain (pour une somme d’argent sans réinvestissement, valorisation au jour de la donation). La masse successorale globale est de 500.000 € (200.000 € de bien existant dans le patrimoine de Monsieur Marin, 200.000 € pour la donation de Marie et 100.000 € pour la donation d’Alain).

Les enfants ont droit à la moitié chacun soit 250.000 €.

On impute sur la part successorale de chacun la donation réalisée en leur faveur puisqu’elle a été faite sur part successorale.

Part de Marie : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 200.000 €
Part d’héritage de Marie sur les biens existants à la succession : 50.000 €

Part d’Alain : 250.000 €
– Valeur de la donation imputée sur part successorale : – 100.000 €
Part d’héritage d’Alain sur les biens existants à la succession : 150.000 €

L’équité entre héritier est respectée sur la masse successorale globale de 500.000 € mais Alain profite du bon investissement de Marie puisqu’il perçoit 100.000 € de plus que sa sœur sur la valeur des biens de la succession.

Si Monsieur Marin avait consenti une donation-partage à ses deux enfants, la situation serait totalement différente. La donation-partage n’est pas rapportable à la succession et fige les valeurs au jour de la donation.

La masse successorale globale est alors de 200.000 € que les deux enfants se partagent par moitié soit 100.000 € chacun.

Ils ont par ailleurs reçu 100.000 € chacun lors de la donation-partage. Cette donation-partage n’est pas rapportée à la succession pour le calcul de la masse successorale et les valeurs sont dans tous les cas figés à celles de la donation, soit 100.000 € chacun.

le risque de réduction : quelles sont les limites à la liberté de transmission ?

Certains héritiers ont droit à une part minimale du patrimoine du défunt : les enfants et le conjoint en l’absence d’enfant. Ils sont dits héritiers réservataires.

La part incompressible à laquelle ont droit ces héritiers est nommée réserve héréditaire.

Le reste du patrimoine est la quotité disponible. Le donateur est libre d’en disposer comme il le souhaite. Il peut donner l’équivalent de la quotité disponible à un non-héritier, à un héritier non réservataire, ou à un héritier réservataire pour l’avantager au-delà de sa part réservataire par une donation hors part successorale.

En présence d’enfant, les parts réservataires et la quotité disponible sont les suivantes :

En présence de :Réserve héréditaireQuotité disponible ordinaire
1 enfant1/21/2
2 enfants2/3 (soit 1/3 par enfant)1/3
3 enfants et plus3/4 (que se partage les enfants)1/4
En l’absence d’enfant, le conjoint est réservataire pour ¼ du patrimoine.

Pour calculer la valeur de la part réservataire, on tient compte de la masse des biens au jour du décès mais également des donations que le donateur a pu réaliser de son vivant, de manière à reconstituer le patrimoine global du défunt.

La valeur des biens pris en compte est celle du jour de la succession d’après leur état au jour de la donation (art. 922 Code civ.).

Si le patrimoine existant au décès est insuffisant pour assurer la réserve héréditaire, les différentes dispositions à titre gratuit qu’a pu réaliser le défunt peuvent être réduites à la demande des héritiers réservataires. On parle d’action en réduction.

Les legs (dispositions à cause de mort, testament) sont réduits en premier puis les donations des plus récentes aux plus anciennes.

comment transmettre son patrimoine à moindres frais ?

Tous les dons et donations sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Les droits sont calculés sur la valeur des biens reçus pour chaque donataire par chaque donateur.

La donation-partage est également soumise aux droits de donation, et le droit de partage (2,5%) ne s’applique pas (le droit de partage s’appliquerait éventuellement, si le partage avait lieu ultérieurement dans un acte séparé).

Il est néanmoins possible d’optimiser la fiscalité des donations.

quel montant peut-on donner sans imposition ?

Les donations consenties à hauteur de l’abattement applicable s’effectuent en franchise d’impôts.

Donation au profit des enfants

 

Donner le plus tôt possible pour renouveler l’exonération à hauteur des abattements :

L’abattement de droit commun d’un montant de 100.000€ par parent par enfant est renouvelable tous les 15 ans.

Cet abattement est le même que celui pour les transmissions par succession.

Ainsi si l’abattement a été intégralement utilisé au cours d’une donation et si le donateur décède moins de 15 ans après la donation, le patrimoine transmis par succession au donataire ne pourra pas bénéficier de l’abattement de droit commun (qui sera complètement épuisé).

Une bonne stratégie patrimoniale passera donc par une bonne anticipation.

Éviter de donner après 80 ans :

L’abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par parent et par enfant, est renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un parent de moins de 80 ans au profit d’un enfant majeur.

Un nouvel abattement jusqu’au 30 juin 2021 :

Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par parent (quel que soit le nombre de donataires), non renouvelable :

Il s’applique sur les donations de sommes d’argent en pleine propriété consenties entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 (Article 19 de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020).

Afin de bénéficier de cet abattement, le donataire doit utiliser les fonds pour financer :

  • la construction de sa résidence principale (et non l’acquisition de sa résidence principale).
  • des travaux énergétiques concernant sa résidence principale éligibles à la prime de transition énergétique.
  • la création ou le développement d’une petite entreprise (via la souscription au capital initial ou les  augmentations de capital). L’entreprise doit avoir moins de 50 salariés, ne doit pas avoir distribué de bénéfices et avoir un bilan inférieur à 10 millions d’euros. La direction de l’entreprise doit être exercée pendant trois ans par le donataire.

Ces investissements ne doivent pas avoir bénéficié d’autres avantages fiscaux.

La somme d’argent donnée doit être utilisée dans un délai de trois mois à compter du versement.

Donations au profit des petits-enfants :

  • Abattement de droit commun d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sans condition.
  • Abattement pour les dons de sommes d’argent d’un montant de 31.865 € par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions : donation d’une somme d’argent en pleine propriété par un grand-parent de moins de 80 ans au profit d’un petit-enfant majeur.
  • Nouvel abattement temporaire et spécifique pour les dons de sommes d’argent d’un montant global de 100.000 € par donateur (quel que soit le nombre de donataires) et non renouvelable consentis en pleine propriété entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, sous les mêmes conditions ci-dessus détaillées pour les enfants.

Les donations aux petits-enfants sont fiscalement opportunes dans la mesure où il n’existe aucun abattement applicable aux transmissions par succession au profit des petits-enfants venant de leur propre chef, à l’exclusion de l’abattement par défaut d’un montant de 1.594 € par bénéficiaire.

En outre, un abattement spécifique et personnel pour les donataires en situation de handicap peut également s’ajouter (d’un montant de 159.325 €, renouvelable tous les 15 ans, sous conditions).

le barème progressif applicable au-delà de l’abattement

Lorsque le montant transmis par donateur pour chaque donataire dépasse l’abattement, un barème progressif s’applique.

Ce barème dépend du lien de parenté entre donateur et donataire.

En ligne directe (enfants et petits-enfants), le barème est le suivant :

Part taxable après abattement Taux d'imposition
Moins de 8.072 €5%
Entre 8.072 € et 12.109 €10%
Entre 12.109 € et 15.932 €15%
Entre 15.932 € et 552.324 €20%
Entre 552.324 € et 902.838 €30%
Entre 902.838 € et 1.805.677 €40%
Supérieure à 1.805.677 €45%

Comme les abattements, les tranches se renouvellent actuellement tous les 15 ans.

Ainsi, concernant les donations aux enfants, plus la première transmission par donation a été consentie tôt, plus les abattements et les tranches du barème pourront se reconstituer pour une nouvelle donation ou pour la transmission par succession du donateur.

La donation avec réserve d’usufruit permet également de réduire l’imposition globale puisque seule la nue-propriété est imposée comme nous l’avons vu.
Les donations participent ainsi à l’optimisation fiscale de la succession tout en permettant d’aider ses proches de son vivant. Comparativement, l’assurance-vie, souvent utilisée pour réduire les droits de succession, ne permet pas de transmettre de son vivant et ne constitue pas une aide familiale immédiate. Les donations sont des techniques complémentaires qui gagneraient à être davantage employées.

 

Les donations sont un outil patrimonial pertinent pour anticiper sa transmission, en réduire le coût fiscal, mais également dans un objectif d’aide familiale et intergénérationnelle. Il reste néanmoins nécessaire de bien choisir le type de donation que l’on réalise afin que ses effets économiques et civils correspondent aux objectifs souhaités. Le rôle du conseiller patrimonial est ici essentiel.

Auteur
Charlotte MÂLON

Notaire collaborateur et formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP

Loger gratuitement un enfant majeur : quelles conséquences ?

Loger gratuitement un enfant majeur : quelles conséquences ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT
Article mis à jour le 17 mars 2022

Obligation d’entretien ou donation indirecte, aider un enfant majeur en le logeant gratuitement n’est pas un acte anodin. Comment prévenir tout conflit familial ?

Compte tenu de l’importance des prix de l’immobilier ou de la difficulté de location d’une habitation, les parents estiment qu’aider l’un de leurs enfants majeurs à se loger en lui mettant à disposition gratuite un appartement ou une maison leur appartenant en pleine propriété ou en usufruit est une évidence.

Toutefois, l’occupation gratuite prolongée d’un bien immobilier des parents par un enfant majeur n’est pas sans conséquence. Relevant intuitivement de l’obligation d’entretien, cette aide peut, dans certaines situations, être qualifiée de donation indirecte. Quelles conséquences familiales et comment y remédier ?

comment qualifier juridiquement la mise à disposition gratuite et prolongée d’un logement à un enfant majeur : obligation d’entretien ou donation indirecte ?

Si cette aide familiale relève logiquement de l’obligation d’entretien, elle peut dans certains cas être considérée comme une donation indirecte. Les conséquences sur la transmission et l’entente familiale peuvent être alors relativement lourdes.

une aide familiale remplissant l’obligation d’entretien ?

La mise à disposition gratuite d’un logement des parents à l’un de leurs enfants majeurs peut être justifiée par leur obligation d’entretien envers cet enfant (articles 371-2 et 203 du Code civil).

Cette obligation d’entretien résulte du lien de filiation. Elle est indépendante de la situation matrimoniale du parent (mariage, PACS, concubinage, veuvage, divorce, célibat).

L’article 371-2 alinéa 2 du Code civil précise bien que « cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».
Ainsi si l’enfant majeur ne peut pas subvenir seul à ses besoins, ses parents sont tenus de l’aider financièrement notamment en lui payant son loyer, ou par le biais d’avantages en nature comme la mise à disposition gratuite d’un logement.

Dans la pratique, cette obligation d’entretien paraît limitée aux enfants majeurs étudiants qui n’ont pas ou peu de revenus, mais elle concerne également les enfants majeurs fragiles (recherche d’emploi, maladie…).

Dans cette situation, la mise à disposition gratuite du logement au profit d’un enfant majeur ne révèle d’aucune intention libérale des parents, et n’a pas de conséquences sur l’égalité entre les enfants.

Dans ces conditions, l’avantage n’est donc pas pris en compte lors du règlement des successions des parents.

L’obligation d’entretien rejoint l’obligation alimentaire qui lie les parents et les enfants (articles 205 et suivants du Code civil).

Cette seconde obligation parentale permet également de justifier la mise à disposition gratuite d’un logement à un enfant majeur sans ressource.

Dans ces deux cas, obligation d’entretien et obligation alimentaire, si l’enfant est dans le besoin, aucune libéralité ne peut être caractérisée, quelle que soit la durée de l’aide familiale.

En revanche, la mise à disposition prolongée gratuite d’un logement par des parents à un enfant majeur qui dispose d’une situation stable avec des revenus confortables, peut difficilement être qualifiée d’obligation d’entretien ou d’obligation alimentaire.

une aide familiale qualifiée de donation indirecte ?

La situation se complique lorsque l’enfant a fini ses études et dispose de revenus lui permettant de se loger, mais qu’il occupe gratuitement un bien immobilier appartenant à ses parents.

La question de la libéralité consentie par les parents se pose en présence d’une pluralité d’enfants. Dans ce cas l’occupation gratuite, exclusive et prolongée d’un bien immobilier par l’un des enfants constitue un véritable avantage qui peut entraîner un problème d’égalité entre eux.

A noter

Une occupation du logement non exclusive, de courte durée, ou assortie d’une obligation envers le parent, notamment une obligation de soin, demeure une entraide familiale sans conséquences.

Rappelons que la donation est un contrat qui nécessite l’intention libérale des parents (ce qui constitue l’élément intentionnel) et le dessaisissement d’un de leur bien ou de son usage (ce qui constitue l’élément matériel).

Les parents doivent donc s’appauvrir et l’enfant doit s’enrichir corrélativement.

Quid dans le cas de la mise à disposition gratuite prolongée d’un logement appartenant aux parents ?

En l’espèce, les parents, propriétaires ou usufruitiers, se privent de la perception de revenus locatifs (constituant souvent un complément de revenus important pour la retraite). De son côté, l’enfant n’a pas à verser quoique ce soit pour se loger, ce qui lui permet de se constituer une épargne.

Une donation indirecte portant sur les revenus pourrait ainsi être caractérisée.

En outre l’article 851 du Code civil prévoit expressément le rapport de la donation de fruits ou de revenus, sauf clause contraire. Le rapport de cet avantage permet d’assurer l’égalité entre les enfants.

Constituant une libéralité, cette donation serait également prise en compte pour le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.

La jurisprudence de la Cour de Cassation est abondante en la matière.

Effectivement, les enfants n’ayant pas bénéficié de cet avantage en nature s’estiment souvent lésés et réclament en justice sa prise en compte en tant que libéralité rapportable à la succession de leurs parents.

Les juges sont particulièrement strictes sur l’appréciation des conditions de la donation indirecte. La première Chambre civile de la Cour de Cassation a confirmé le 16 décembre 2020 la jurisprudence antérieure, en affirmant que faute pour les juges du fond de caractériser l’intention libérale des parents, et à défaut pour l’enfant réclamant la qualification de donation de démontrer le caractère gratuit de l’occupation par sa sœur, aucune libéralité n’est caractérisée (Cass. 1ère civ., 16 déc. 2020, n°19-18).

Concrètement, il peut être difficile pour un enfant mécontent de prouver l’intention libérale des parents. A ce sujet, les juges ont retenu qu’un testament du parent, même révoqué, peut servir de preuve de l’intention libérale, lorsqu’il mentionne cet avantage et son caractère rapportable (Cass. 1ère civ., 19 mars 2014, n° 13-14.139).
A défaut pour le cohéritier de démontrer l’intention libérale, l’avantage ne constitue qu’une aide familiale sans conséquences.

La qualification de donation en cas d’hébergement de l’enfant majeur au domicile des parents a ainsi été refusée par les juges, faute d’appauvrissement de ces derniers (Cass. 1ère civ., 1ère 3 mars 2010, n° 08-20.428).

Mise à jour Mars 2022 :

Un arrêt de la Cour de Cassation de mars 2022 (1ère Civ. 2 mars 2022) a néanmoins considéré l’intention libérale dans le cas de l’occupation gratuite par un enfant nu-propriétaire d’un bien immobilier consentie par une mère usufruitière. Cet avantage est alors rapportable à la succession de celle-ci. Le montant du rapport correspond aux loyers qui auraient pu être perçus, après déduction des charges incombant à l’usufruitière.

En pratique, si la libéralité peut être caractérisée, la valeur locative du bien sera retenue pour déterminer le montant de l’avantage rapportable, après application éventuelle d’une décote justifiée par la précarité de l’occupation de l’enfant.

L’enfant avantagé devra donc rapporter aux successions de ses parents les loyers non versés pendant toute la durée d’occupation, soit en versant une indemnité aux autres membres de la fratrie, soit en réduisant sa part dans la succession.

Il paraît donc essentiel de prévenir les risques liés à une mise à disposition gratuite prolongée non encadrée juridiquement.

comment prévenir tout contentieux familial ?

Pour éviter tout conflit familial, mieux vaut acter cette mise à disposition d’un logement en lui conférant un cadre juridique précis. Pour cela, il est possible de recourir au prêt à usage, à la donation d’usufruit temporaire et préciputaire ou à l’exclusion du rapport par testament.

le prêt à usage (ou commodat)

Afin de confirmer la gratuité de cet avantage, un prêt à usage pourrait être mis en place.

Cet outil juridique peut prévoir en effet la possibilité pour un enfant d’utiliser un bien immobilier appartenant à ses parents, sans contrepartie financière et à charge de restituer le bien à terme (art. 1875 et s. du Code civil).

Article 1875 Code civil : « Le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi. »

Le recours à ce contrat permettrait de conférer juridiquement un usage précaire à l’enfant, et ainsi d’écarter toute qualification en libéralité.

Il est important de prévoir une date de restitution et une interdiction de location.
A défaut de terme prévu, les parents pourraient y mettre fin selon leur bon vouloir en respectant un délai de préavis raisonnable.

En cas de décès des parents, les héritiers seraient tenus du contrat (article 1879 du Code civil).

Les juges ont récemment confirmé que le prêt à usage ne constituait pas un avantage rapportable (Cass. 1e civ. 11-10-2017 n° 16-21.419).

Dans cet arrêt d’espèce, la Cour de Cassation précise que le prêt à usage n’opère à l’enfant ” aucun transfert d’un droit patrimonial à son profit, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus, de sorte qu’il n’en résulte aucun appauvrissement du prêteur”.
On peut néanmoins relever que la perte de revenus et le paiement des charges par le prêteur sont caractérisés. Corrélativement, l’économie de loyers et de charges pour l’enfant emprunteur est bien réelle.

Ainsi, un contrat de prêt à usage sous seing privé peu précis ou laissant transparaître une intention libérale pourrait être attaqué par les enfants mécontents et éventuellement requalifié, afin que l’avantage soit pris en compte dans la succession des parents.

la donation d’usufruit temporaire et préciputaire

Les parents propriétaires ou usufruitiers pourraient consentir à leur enfant une donation d’usufruit temporaire préciputaire sur le bien immobilier.

La donation d’usufruit temporaire confère à l’enfant le droit d’usage et des fruits du bien pour une durée déterminée.

La clause préciputaire permet que l’avantage consenti à l’enfant soit pris en compte en sus de sa part réservataire, en s’ajoutant à ce qui lui reviendrait (article 843 du Code civil).

Cette solution nécessite le recours à l’acte notarié et la soumission de l’acte aux droits de mutation à titre gratuit.

Point Fiscalité

Pour une donation d’usufruit viager, le calcul des droits de donation s’effectue d’après l’âge de l’usufruitier (article 669 CGI).
En revanche, pour une donation d’usufruit temporaire, les droits sont calculés sur une valeur de 23% de la pleine propriété du bien par tranche de 10 ans, sans fraction et sans prise en compte de l’âge de l’usufruitier.

Concernant l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière), en présence d’un usufruit conventionnel, la valeur en pleine propriété du bien sort de l’assiette taxable des parents pour intégrer celle de l’enfant majeur.

Compte tenu du mode de calcul de la valeur fiscale de l’usufruit temporaire, l’imposition de la donation temporaire d’usufruit reste le plus souvent faible voire nulle.

Exemple

Fiscalité de la donation temporaire d’usufruit d’un logement à un enfant :

Montants et durée
Valeur du bien immobilier400.000 €
Durée de l’usufruit temporaire10 ans
Valeur de l’usufruit temporaire92.000 €
Abattement en ligne directe*100.000 €
Base imposable0 €
Droits de donation0 €

*abattement de 100.000 € en l’absence de donation antérieure de moins de 15 ans
Source : JUST DEEP CONTENT pour l’ESBanque

l’exclusion du rapport par testament

Il serait également possible de prévoir par testament une exclusion du rapport de cet avantage.

L’avantage indirect s’imputerait alors sur la quotité disponible et non sur la réserve héréditaire de l’enfant avantagé.

Cet outil juridique permet une grande flexibilité et une réversibilité en cas de changement de situation familiale et/ou patrimoniale. En effet, un testament est librement révocable.

quelles conséquences au titre de l’impôt sur le revenu de la mise à disposition gratuite du logement ?

Le Code général des impôts prévoit que les revenus des logements, dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu (article 15 II. CGI). Tous les locaux à usage d’habitation dont les revenus seraient imposables dans la catégorie des revenus fonciers sont visés par cette disposition.

Par application du texte, dans le cas d’une jouissance gratuite par un enfant d’un logement dont les revenus sont soumis aux revenus fonciers, aucun impôt sur le revenu n’est donc dû à ce titre pour le parent.

Corrélativement, aucune charge n’est déductible pour le parent (taxe foncière, travaux d’entretien et de réparation, intérêt d’emprunt…).

La mise à disposition de manière gratuite et prolongée d’un logement au profit d’un enfant majeur n’est donc pas un acte anodin. Pour prévenir tout conflit entre enfants et notamment lors d’une succession, il est indispensable de recourir à l’éclairage du conseiller patrimonial.

Auteurs
Charlotte MÂLON 

Notaire collaborateur et formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP

Concubinage, PACS et succession : Etude comparative et enjeux patrimoniaux

Concubinage, PACS et succession : Etude comparative et enjeux patrimoniaux

Temps de lecture estimé : 11 min

En France, plus de 6 millions de personnes vivent en union libre ou sont pacsées, ce qui représente un couple sur cinq. La majorité de ces couples vit en concubinage et plus de 60 % d’enfants naissent hors mariage. Se pose alors nécessairement la question de la protection des concubins ou partenaires en cas de décès de l’un d’eux. De quelles règles de droit relève la succession des concubins ? Que prévoit le contrat de PACS (Pacte Civil de Solidarité) ? Synthèse et exemples concrets.

qu’est-ce que le concubinage ? qu’est-ce que le pacs ?

Une relation, affective ou amoureuse, perdure et se transforme en une vie stable, commune et continue, ces trois adjectifs caractérisent aussi bien le concubinage que le PACS. Mais que revêtent ces deux formes distinctes de vie commune ?

le concubinage

Le concubinage est une union de fait, deux personnes choisissent de vivre ensemble sans engagement aucun (C.civ. art. 515-8).

A de très rares exceptions près, ces personnes n’ont donc aucune obligation l’une envers l’autre et paradoxalement, pas même celle de vivre continûment sous le même toit (CA Douai, 12.12.2002 n° 01/03255).
Le droit du concubinage est surtout jurisprudentiel, de très rares dispositions légales lui étant applicables.

le pacs

Le PACS est un contrat conclu par deux personnes majeures pour organiser leur vie commune ( C.civ. art. 515-1). Cette convention, librement établie par les partenaires, fixe :

  • les modalités de l’aide mutuelle et matérielle qui revêt un caractère obligatoire, contrairement au concubinage. En effet, la clause qui supprimerait cette aide serait nulle.
    Le PACS présente ici de nombreuses affinités avec le mariage en ce qu’il est régi, quant aux obligations entre partenaires, selon des règles similaires au régime dit primaire des contrats matrimoniaux (notamment vie commune, aides réciproques et solidarité des dettes de ménage).
  • le régime des biens qu’ils adoptent : régime légal de la séparation de biens ou régime d’indivision. A défaut, ils sont soumis au régime de la séparation des patrimoines. Chacun conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens, qu’il les ait créés, acquis avant ou pendant le PACS, ou reçus par donation ou succession.
    Les partenaires souhaitant éviter le régime de l’indivision en raison de sa lourdeur de gestion et de son caractère instable (tout indivisaire peut en sortir à tout moment (C.civ. art 815)) feront le choix du régime de séparation des patrimoines.
    Attention néanmoins car, en pratique, lorsque les partenaires ont choisi les règles de la séparation de patrimoine et investissent ensemble dans l’acquisition d’un même bien, ils se retrouvent de facto en situation d’indivision sur ce bien, ce qui aura des conséquences successorales.

quid en cas de succession ?

Les successions entre concubins et celles entre partenaires pacsés sont sur certains points similaires mais distinctes sur beaucoup d’autres.

quelques rares points communs

  • Héritage : Le concubin comme le partenaire n’ont pas le statut d’héritier.
  • Legs : Ils peuvent se consentir un legs de tout ou partie de leurs biens.
  • Quotité disponible ordinaire : ce legs est néanmoins limité à la quotité disponible ordinaire en présence d’héritiers réservataires (descendants) (C.civ. art. 912 al. 2).

Rappel :

En présence de :Quotité disponible ordinaire
1 enfant½ du patrimoine
2 enfants1/3 du patrimoine
3 enfants et plus¼ du patrimoine

Ainsi, en l’absence de descendants, ils peuvent transmettre la totalité de leur patrimoine au survivant d’entre eux par voie testamentaire (legs).

  • Donation au dernier vivant : Ils ne peuvent pas se consentir de donation au dernier vivant, cette disposition n’étant possible que pour les couples mariés.
  • Pension de réversion : Ils n’ont droit à aucune pension de réversion d’une partie de la retraite de l’assuré décédé.
  • Droit viager au logement : Ils ne bénéficient pas du droit viager au logement (C.civ. art. 764)
  • Rente viagère : En cas de décès du concubin, ou du partenaire, des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le survivant peut prétendre à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime (Art. L 434-8 et R 434-10 , du Code de la Sécurité Sociale)

et de nombreuses différences

Contrairement aux concubins, les partenaires bénéficient de droits successoraux plus étendus mais parfois limités et d’avantages fiscaux identiques à ceux des couples mariés.

  • Droit au logement : Les partenaires pacsés bénéficient du droit au logement d’un an (C.civ. art. 515-6, al.1, C.civ. art. 763, al. 1)
    Ce droit temporaire a une nature successorale et n’est donc pas un effet direct du Pacs, un testament peut donc en priver le survivant des partenaires.
  • Droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation : si l’habitation du partenaire était assurée au moyen d’un bail ou d’un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l’indemnité d’occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement (C.civ. art. 515-6, al. 1, C.civ. art. 763 , al.2).
  • Droits de succession : à la condition qu’un legs lui ait été fait par le défunt, le partenaire survivant est totalement exonéré de droits de succession sur le legs (CGI art. 796-0 bis).
    Quant à lui, le concubin survivant ne bénéficie que d’un abattement de 1.594 € sur le legs qui lui a été consenti par le défunt et doit s’acquitter de 60 % de droits de succession (CGI art. 788 IV, CGI art. 777, tableau III).
  • Libéralités : les donations consenties entre partenaires pacsés bénéficient d’un abattement de 80.724 €. (CGI art. 790 F).
    Les donations entre concubins ne bénéficient d’aucun abattement et sont taxées à 60 % (CGI art. 777, tableau III).
  • Attribution préférentielle : à la différence du concubin, le partenaire pacsé a droit à l’attribution préférentielle du logement détenu en copropriété, de son mobilier, ou du droit au bail du bien qui lui sert d’habitation, à charge de soulte s’il y a lieu. Il est néanmoins nécessaire pour cela que le défunt l’ait prévu par testament (C.civ. art. 515-6, al. 2, art. 831- 3) et que ce legs n’excède pas la quotité disponible, auquel cas il serait exposé à l’action en réduction de l’héritier réservataire.
    De même, le partenaire pacsé bénéficie du droit à l’attribution préférentielle de l’entreprise, des droits sociaux, du local à usage professionnel, entre autres.
  • Assurance-vie : la souscription d’un contrat d’assurance vie permet aux concubins, ou aux partenaires pacsés, de se protéger mutuellement. Il existe néanmoins une différence significative entre concubin et partenaire pacsé à ce sujet :
    • Dans le cas de versements effectués avant 70 ans (CGI art. 990 I), le partenaire pacsé est exonéré de toute taxation (CGI art. 990 I, I-al.3) à la différence du concubin imposé au delà de 152.500 €.
    • Dans le cas de versements effectués après 70 ans, la fraction des primes qui excède 30.500 € est normalement taxée aux droits de mutation par décès (CGI art. 757 B) soit 60 % pour un concubin. Elle reste exonérée de droits de succession pour le partenaire (CGI art. 796-0 bis).

exemples pratiques

« A » 45 ans, « B » 48 ans sont en couple.
« A » est propriétaire de la résidence principale dans laquelle vit le couple. Valeur : 300.000 €
« A » décède.

cas 1 : ils sont concubins, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : « B » n’hérite pas de « A » et n’a aucun droit sur la résidence principale.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.

Legs de la pleine propriété de la résidence principale

« B » peut alors disposer de la résidence principale comme il l’entend, l’occuper, la louer ou la vendre.
Droits de succession : « B » bénéficie d’un abattement de 1.594 € (CGI art. 788 IV) sur la valeur du bien soit : 300.000 € – 1.594 € = 298.406 € imposable. Il devra acquitter 60% de droits de succession (CGI art. 777, tableau III) soit 179.044 €.

Legs de l’usufruit de la résidence principale

« B » ne détient dans ce cas que l’usufruit de la résidence principale, c’est-à-dire le droit de l’occuper ou de la louer. Il ne peut la vendre sans l’accord du ou des nus-propriétaires. Les charges devront également être réparties entre usufruitier et nu-propriétaire selon les dispositions de l’article 1133 du CGI.
Compte tenu de l’âge du légataire « B », l’usufruit représente 60 % de la valeur du bien (CGI art. 669) soit, 300.000 € x 60 % = 180.000 €. Après l’abattement de 1.594 €, il reste 178.406 € taxables à 60 % soit 107.044 € de droits de succession.

Legs du droit d’usage et d’habitation

« B » a dans ce cas uniquement le droit d’occuper la résidence principale.
Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit (GI art. 762 bis) soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Après application de l’abattement de 1.594 €, il reste 106.406 € taxés à 60 % soit 63.844 € de droits de succession.

cas 2 : ils sont pacsés, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le contrat de Pacs ne permet pas d’assurer une transmission de bien au partenaire survivant. Il lui donnera uniquement le droit d’occupation d’un an de la résidence principale ou le droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation, comme nous l’avons précédemment vu.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B »
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.
    Qu’il s’agisse du legs de la pleine propriété, du legs d’usufruit, ou d’usage et d’habitation, le partenaire légataire reçoit ses droits en franchise d’imposition successorale (CGI art. 796-0 bis).

cas 3 : ils sont concubins avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit sur la résidence principale, pas même le droit d’occupation d’un an ou le droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire (C.civ.art. 912), soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants (C.civ. art. 913).
    Masse successorale = résidence principale = 300.000 €.
    Quotité disponible 1/3 = 100.000 €
    Réserve héréditaire de chaque enfant : 100.000 € chacun, soit 200.000 € au total.

Legs de la pleine propriété

Ce legs d’une valeur de 300.000 € excédant la quotité disponible de 100.000 €, « B » s’expose à l’action en réduction des enfants leur permettant de reconstituer leur réserve héréditaire. Dans ce cas, « B » et les enfants seront en indivision. « B » recevra des droits indivis d’une valeur de 100.000 €, les enfants se partageant les 200.000 € restants par parts égales.
Cette situation ne permet pas à « B » d’occuper la résidence principale (sauf à ce que les enfants l’acceptent, éventuellement moyennant indemnisation) et ne permet pas de lui assurer une protection de logement en cas de décès du concubin.
Par ailleurs, « B » supporte des droits de succession d’un montant de 59.044 € (100.000 € -1.594 € X 60 %).

Legs de l’usufruit

Le droit d’usufruit du concubin vaut 180.000 € (300.000 € x 60 %). Sa valeur excède donc de 80.000 € la quotité disponible ordinaire (100.000 €).
« B » s’expose donc à la réduction du legs en sa faveur. Il doit soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne plus bénéficier du droit d’usufruit sur le bien, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 80.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

Legs du droit d’usage et d’habitation

Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Ici, encore, le montant du legs de « B » excède la quotité disponible et entame la réserve héréditaire de 8.000 €. Il devra soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne peut plus bénéficier du droit d’usage et d’habitation, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 8.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

cas 4 : ils sont pacsés avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit de propriété sur la résidence principale, mais dispose en vertu du PACS du droit d’occupation d’un an ou du droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    Comme précédemment, « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire, soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants, soit 100.000 €.
    Le PACS ne confère aucun droit de propriété sur la masse successorale.
    Qu’il s’agisse d’un legs en pleine propriété, d’un legs d’usufruit ou de droit d’usage et d’habitation, il sera réduit à la quotité disponible dans les mêmes proportions respectives que nous venons de calculer dans le cas 3 des concubins.
    A la différence néanmoins des concubins, le partenaire pacsé ne supportera pas de droits de succession sur la part reçue.

On constate ainsi qu’à l’exception du partenaire pacsé qui, sans héritier réservataire concurrent, peut, en franchise d’impôt, recueillir la pleine propriété des droits et biens du défunt, il n’est pas de cas de figure où, la fiscalité ne soit pas confiscatoire (entre concubins) et/ou les droits de propriété, d’usufruit, d’usage et d’habitation ne soient amoindris, voire réduits à la portion congrue.

les solutions

Il existe néanmoins des outils permettant d’améliorer la protection du concubin ou du partenaire pacsé en cas de décès, parmi lesquels :

  • L’acquisition de la résidence principale en démembrement croisé via une SCI : ce mode de détention permet au survivant des concubins ou des partenaires de conserver la pleine propriété d’une partie des parts dont il était nu-propriétaire et de rester usufruitier de l’autre partie. Cette transmission s’effectuera en exonération de droits de succession pour le concubin comme pour le partenaire pacsé, l’usufruit rejoignant la nue-propriété sans droit.
  • Le commodat ou prêt à usage qui autorise le survivant à continuer d’occuper le bien sans pour autant que les héritiers réservataires ne soient lésés de leurs droits (C.civ. 1875 ss.) et ceci même après le décès (C.civ. 1879).
  • L’acquisition de la résidence principale avec clause de tontine (C.civ 1304 à 1304-7) , à condition qu’elle comporte bien un caractère aléatoire (investissement de chacun et âges proches), permet d’assurer la transmission de la pleine propriété de la résidence principale au survivant des concubins ou partenaires pacsés. Cette opération n’est pas considérée comme une donation exposée à la réduction.
    Fiscalement, si la valeur du bien est supérieure à 76.000 €, le couple aura intérêt à se pacser pour éviter les droits de succession au taux de 60 % (CGI art. 754 A).
  • La convention d’indivision permet d’organiser la gestion des biens indivis et d’anticiper les conflits (C.civ. art. 1873-1) en cas d’indivision successorale suite au décès.
  • Sans oublier la solution la plus protectrice qui soit, le mariage ! S’il relève davantage d’une décision personnelle, le mariage offre néanmoins un large choix de régimes, de la séparation de biens à la communauté universelle mais aussi d’options permettant d’organiser un contrat sur mesure.

Vivre ensemble sans ne rien prévoir ou conclure un PACS sans y adjoindre d’autres dispositions nécessaires font courir un risque patrimonial significatif pour les concubins ou les partenaires en cas de décès de l’un d’eux. Il est du rôle du conseiller patrimonial de mesurer ce risque, de sensibiliser et d’envisager les solutions existantes, des plus simples aux plus protectrices.

Auteur
Jean-Guy Pécresse  
Intervenant formateur pour le CESB CGP – Conseiller en gestion de patrimoine

Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le dernier Congrès des Notaires a ouvert une voie vers une rédaction électronique du testament et vers une digitalisation. Le point sur ces évolutions.

 

A l’heure où les supports électroniques se généralisent, où la crise sanitaire a accéléré le recours au distanciel et au digital, pourquoi ne pas réaliser des actes patrimoniaux par voie numérique ou électronique ? Ce sujet a été particulièrement travaillé lors du 117ème Congrès des notaires de septembre dernier.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-on exprimer ses dernières volontés via un support numérique, un mail ou un SMS ? Peut-on signer un testament électroniquement ? Peut-on rédiger son testament à distance avec son notaire ? Le testament peut-il être digitalisé ?

Autant de questions qui nous amènent à faire le point sur les procédures testamentaires actuelles et sur leurs possibles évolutions.

testament : un support électronique est-il possible ?

Pour être valable, un testament doit suivre une procédure réglementée.

Légalement il peut prendre 3 formes et, à ce jour, une seule d’entre elles, le testament authentique passé devant notaire, peut être réalisée sur support électronique.

Les autres types de testament, olographe et mystique, nécessitent un support matériel, une écriture et une signature manuelles.

Les 3 formes légales de testament

Testament authentique :

Il est reçu devant notaire, plus exactement par deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins (article 971 du Code civil). Ce formalisme en fait un acte authentique.
Le testateur dicte ses dernières volontés et le notaire les consigne par un écrit. Nous allons voir que cet écrit peut être réalisé sur un support électronique.
Le notaire relit le testament au disposant avant signature. Le testateur, le notaire et les deux témoins doivent signer l’acte.
Le testament authentique a pour avantage de bénéficier du conseil du notaire, d’avoir date certaine, force probante et force exécutoire, ainsi que d’être conservé au rang des minutes du notaire.

Il évite également la formalité de l’envoi en possession qui peut être encore nécessaire pour les testaments olographes ou mystiques dans certaines conditions, en cas d’opposition d’un tiers aux droits d’un légataire universel.

Testament olographe :

A la différence du testament authentique qui est un acte notarié, le testament olographe est un acte sous-seing privé. Il doit néanmoins satisfaire des conditions spécifiques : être manuscrit dans sa totalité et écrit de la main du testateur, daté et signé par le testateur (article 970 du Code civil). Il ne peut donc être dicté par le testateur à une personne qui l’écrirait.
Seule la production du testament original permettra l’exécution des dernières volontés du testateur. La question de sa conservation est donc cruciale. Le testament olographe peut être déposé chez un notaire pour plus de sécurité.
Ce type de testament a l’avantage d’être plus souple à réaliser, la présence d’un autre notaire ou de deux témoins n’étant pas nécessaire. Il comporte néanmoins davantage de risque de perte, de destruction (s’il n’est pas déposé auprès d’un notaire) ou de falsification et de contestation que le testament authentique.

Testament mystique :

Comme le testament olographe, le testament mystique est un acte sous-seing privé mais il est remis cacheté par le testateur à un notaire en présence de deux témoins (article 976 et suivants du Code civil). Le notaire dresse un acte dit de « suscription » attestant de cette remise, qu’il signe ainsi que le testateur et les témoins. Cet acte de suscription a la force probante d’un acte authentique.
Il n’est pas nécessairement écrit à la main et par le testateur. Il doit néanmoins le signer manuellement (article 976 al.2 du Code civil).
Cette forme de testament est aujourd’hui peu employée. Elle est utilisée par les personnes ne sachant pas écrire et/ou ne souhaitant pas dicter leurs dernières volontés devant notaire et témoins, comme cela est exigé dans le testament authentique.

testament authentique : le support électronique existe

Le testament authentique, autrement dit par acte public, est établi par un notaire devant deux témoins ou un autre notaire.

En contrepartie de cette procédure, relativement lourde, ce type de testament a l’avantage de revêtir la forme de l’acte authentique, ce qui lui donne date certaine, force probante et force exécutoire.

Qu’est-ce qu’un acte authentique ?

A la différence d’un acte sous-seing privé, l’acte authentique est reçu par un officier public dont font partie les notaires. L’officier public, délégataire de la puissance publique, donne à l’acte son caractère authentique, c’est à dire :

  • date certaine : il fait foi de la date et de l’existence de l’acte
  • force probante : il garantit son contenu. Pour prouver le contraire de ce qui est dit dans l’acte, une procédure spécifique pour inscription de faux est nécessaire.
  • force exécutoire : il équivaut à une décision de justice et les parties concernées doivent exécuter l’acte.

Certains actes patrimoniaux doivent nécessairement être réalisés sous la forme authentique, tels les contrats de mariage s’il ne s’agit pas du régime légal, les donations, les ventes immobilières, les partages de succession, pactes successoraux.

Concernant les testaments, seul le testament authentique requiert, comme son nom l’indique le formalisme de l’acte authentique.

Depuis une dizaine d’années, les notaires peuvent réaliser un acte authentique, dont un testament, sur un support électronique.

L’acte authentique sur support électronique (AASE) a été introduit par la loi du 13/03/2000 modifiant l’article 1316 du Code civil et précisant que “l’écrit électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier.”

La force probante est donc la même.

En pratique, l’AASE est utilisé depuis 2008 et se déroule selon les étapes suivantes :

  1. le notaire rédige l’acte sur un logiciel informatique et y ajoute les pièces complémentaires nécessaires, sous forme de scans.
  2.  

  3. lors du rendez-vous de régularisation et de signature de l’acte, celui-ci apparaît sur écran permettant au client de le lire également en temps réel.
  4.  

  5. Après modifications éventuelles, lorsque le client est d’accord sur la rédaction de l’ace, le notaire valide électroniquement le contenu de l’acte et ses pièces jointes. Il utilise pour cela une clé informatique dite « Real » (clé cryptée attestant de l’identité et de la signature du notaire).
  6.  

  7. Une fois la validation réalisée par le notaire, le ou les clients peuvent alors signer l’acte de manière électronique, directement sur une tablette au moyen d’un stylet.
  8.  

  9. Puis le notaire va lui-même signé l‘acte via sa clé « Real ».
  10.  

  11. L’acte a alors la forme authentique et électronique. Il est envoyé automatiquement et immédiatement au Minutier central électronique des notaires (MICEN). Seul le notaire signataire y a accès. Il est conservé pour une durée de 75 ans dans ce coffre-fort électronique puis transférer aux archives départementales.
  12.  

  13. Le client peut en recevoir une copie par mail.

Plus de 90 % des actes authentiques sont aujourd’hui réalisés électroniquement.

Source : Conseil Supérieur du Notariat – 03/11/2021

 

Le testament authentique peut donc être élaboré sur un support électronique et par une signature, elle aussi électronique.

Il nécessite néanmoins de se rendre chez un notaire, le distanciel n’étant pas possible à ce jour pour la rédaction ou l’enregistrement d’un testament, comme nous allons le voir.

Il nécessite également une procédure contraignante : il doit d’être reçu devant deux notaires ou un notaire et deux témoins.

Les personnes souhaitant réaliser un testament authentique doivent le plus souvent s’enquérir de trouver ces deux personnes témoins qui l’accompagneront à la signature de l’acte, même si celle-ci est réalisée de manière électronique.

Ces témoins ne peuvent être des clercs de notaire, ni des légataires ni leurs parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclus (article 975 du Code civil).

Le dernier Congrès des notaires propose d’alléger cette procédure du testament authentique en supprimant l’obligation de présence de 2 témoins ou d’un autre notaire.

Ceci permettrait de recourir plus facilement à cet acte testamentaire, davantage sécurisé que les autres types de testament. L’absence d’autres personnes que le notaire assurerait également une plus grande confidentialité des dernières volontés du testateur.

Quid de la notion de e-testament proposée sur internet ?

Certains sites proposent un service de « e-testament » : il s’agit en fait d’une aide à la rédaction d’un testament dont la proposition finalisée est envoyée par voie électronique au client demandeur. Celui-ci devra formaliser ensuite son testament selon l’une des 3 formes légales.

testament olographe : nécessité d’un support matériel et d’une écriture manuelle

Le testament olographe est établi par le testateur seul, sans l’intervention d’un notaire, si ce n’est pour son dépôt qui reste non obligatoire.

Légalement, il est nécessaire de pouvoir prouver que c’est bien le testateur qui l’a écrit.

Pourquoi la nécessité d’un écrit de la main du testateur ?

  • l’écriture de la main du disposant, ainsi que sa signature permettent de prouver l’identité du testateur. Bien que des contestations ou falsifications restent possibles, elles sont jugées moins risquées à ce jour qu’une écriture par voie électronique, mail ou sms.
  • l’écriture manuscrite donne également davantage le temps de la réflexion.

Le Code civil n’impose aucune contrainte en termes de langues (mais le testateur doit être en mesure de comprendre cette langue) ni de caractères employés, ni d’outil utilisé pour l’écriture, ni de support servant à cet écrit.

Ainsi un testament olographe écrit de la main du testateur sur un meuble par exemple a été reconnu comme valide.

Alors pourquoi ne pas reconnaitre la conformité d’un testament olographe écrit de la main du testateur sur un support électronique puisqu’il existe aujourd’hui des supports numériques permettant d’écrire manuellement ?

La réponse réside bien sûr dans la sécurité du support recevant l’écrit. Une lettre, un testament papier, même un testament écrit sous un meuble, sont considérés à ce jour comme moins sujets à falsifications qu’un support électronique ayant enregistré une écriture manuelle et qui pourrait être manipulé par la suite.

Les progrès de la sécurité et de la certification électroniques permettront peut-être dans le futur de revoir cette appréciation.

Ces mêmes progrès, s’ils permettaient de certifier de manière certaine et sans risque de falsification ultérieure l’identité d’une personne sur une vidéo, ouvriraient peut-être la voie à un testament via un support audio-visuel. Mais nous n’en sommes absolument pas là. L’instantanéité de ce type de support reste par ailleurs peu appropriée à la réflexion nécessaire à l’élaboration de dispositions testamentaires.

testament mystique : nécessité d’un support papier et d’une signature manuelle

Le Code civil exige que le testament mystique soit remis cacheté par le testateur au notaire en présence de deux témoins.

Son support est nécessairement papier, le terme « papier » étant lui-même précisé à l’article 976 alinéa 2 du Code civil.

Il laisse la liberté de le rédiger mécaniquement ou par une autre personne que le testateur, du moment que ce dernier le signe manuellement.

Mais en aucun cas, il ne laisse de possibilité à une rédaction sur un support électronique ou numérique.

A ce jour donc, seul le testament authentique peut être rédigé sur support électronique. Les testaments sous forme d’acte sous-seing privé (testament olographe et mystique) ne peuvent pas être rédigés sur un support électronique.

Le dernier Congrès des notaires apporte néanmoins des ouvertures dans ce sens.

une évolution vers un testament privé électronique et vers un testament distanciel

Deux propositions importantes du 117ème Congrés des notaires tendent vers un élargissement du testament numérique :  la possibilité de le rédiger seul et directement sur support électronique dans des situations exceptionnelles et la généralisation du distanciel à tous les actes authentiques.

vers un testament privé électronique en cas de circonstances exceptionnelles

A ce jour, il n’est pas possible comme nous l’avons vu de rédiger seul son testament sous forme olographe ou mystique sur un support électronique (mail, SMS, fichier informatique…).

Or la question se pose dans des circonstances graves où il peut être nécessaire de consigner et communiquer rapidement ses dernières volontés : catastrophe naturelle mais aussi attentat. La situation des victimes des attentats du 13 novembre 2015 qui ont envoyé leur testament à leur famille par SMS a rouvert le sujet.

Le dernier Congrès des Notaires propose pour cela d’assouplir les exigences de forme du testament dans ces situations exceptionnelles.

En cela un article 1001 du Code civil pourrait être ainsi rédigé :

« Le testament pourra être fait par tout moyen d’expression, y compris numérique, en cas de circonstances exceptionnelles empêchant de tester en les formes ordinaires de l’article 969 du Code civil ».

un testament distanciel : vers un acte authentique par comparution à distance (AAECD) ?

L’acte authentique sur support électronique (AASE) permet la numérisation du testament authentique mais la présence physique du disposant à l’étude notariale reste nécessaire.

La possibilité de distanciel a été introduite en 2005 mais uniquement entre notaires représentant respectivement leur client lors d’une vente immobilière par exemple (décret n°2005-973 du 10 août 2005). Le testament n’est donc pas concerné.

Pendant la période de crise sanitaire et de confinement, un acte authentique électronique par comparution à distance (AAECD) a été mis en place mais a pris fin le 10/08/2020. Pendant cette période, les actes authentiques, dont le testament, pouvaient être réalisés à la fois électroniquement et à distance, le client et le notaire échangeant par visio-conférence.

Pour l’instant, il n’est pas envisagé de pérenniser et de généraliser cette possibilité (Rép. min. n°31130, JOAN du 03/11/2020). Un certain recul sur les conséquences juridiques de cette méthode est jugé nécessaire, notamment pour les actes successoraux ou matrimoniaux.

Quand l’une des parties à l’acte réside à l’étranger, l’AAECD reste néanmoins possible, à titre exceptionnel, pour une période de 5 ans à compter du 19/05/2020.

Fin 2020, la procuration notariée électronique par comparution à distance a pourtant été mise en place. Depuis le Décret du 20/11/2020, les notaires peuvent établir des procurations authentiques sur un support électronique et la faire signer à distance par leur client.

Cette possibilité existait mais nécessitait que le signataire ayant reçu la procuration fasse légaliser sa signature par un officier d’État civil.

Désormais, sauf à ce que la procuration nécessite une partie d’écriture manuscrite du signataire, cet acte peut se signer électroniquement et à distance, via un processus de signature qualifiée.

Le système de communication et d’échange d’informations, agréé par le Conseil supérieur du notariat (CSN), doit garantir l’identification des parties à l’acte, le contenu et sa confidentialité.

Le notaire de son côté doit s’assurer du consentement libre et éclairé du signataire et de sa bonne compréhension de l’acte.

Mais, s’il s’agit d’une avancée notable, le distanciel ne concerne ici que la procuration mais pas l’acte visé. Cette procuration, une fois réalisée à distance, permet ensuite la signature de l’acte authentique sans la présence du signataire. Si cette solution est intéressante et souvent utilisée pour les ventes immobilières par exemple, elle n’est pas envisageable pour les testaments.

Il n’est pas possible en effet de donner procuration pour certains actes authentiques dont les testaments (mais aussi la RAAR, Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction).

Le dernier Congrès des notaires propose d’étendre le principe de la comparution à distance à tous les actes authentiques et de modifier le Décret du 20/11/2020 de la sorte :

« Le notaire instrumentaire peut établir à distance tout acte sur support électronique, lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées physiquement. »

Les propositions du Congrès des notaires vont plus loin et visent à intégrer la notion de distanciel dans le Code civil. L’article 1369 serait alors modifié en ce sens :
« L’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être reçu à distance et être dressé sur un support électronique, s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

un testament numérique via les « smart contracts » et une blockchain ?

Une blockchain est un système permettant d’accélérer, simplifier et sécuriser la réalisation de contrats, dits « smart contracts ». Certains contrats d’assurance revêtent cette forme et utilisent déjà une blockchain.

Pourquoi ne pas faire appel à cet outil pour les actes notariés ? Ceci suppose au préalable de définir et de reconnaître juridiquement la notion de « smart contract ».

Or, le dernier Congrès des notaires fait un premier pas dans ce sens en proposant de modifier l’article 1342 du Code civil, important dans le droit des contrats puisqu’il concerne l’exécution et le paiement de la dette. Un nouvel alinéa 3 serait ainsi rajouté :
« Le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il peut être automatisé par un protocole informatique.
Il libère le débiteur à l’égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier. »

Si cette proposition ne concerne pas directement la réalisation du testament, elle témoigne de la volonté de reconnaître l’utilisation d’une « blockchain » dans le domaine juridique.

Cette évolution vers les « smart contracts » constitue une ouverture et une avancée importantes car au-delà du testament, elle est à même de concerner tous les types d’actes notariés et patrimoniaux.

Auteurs
Anne Brouard 

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine,, diplôme RNCP Niveau 7

Réserve héréditaire : assouplissement ou renforcement ?

Réserve héréditaire : assouplissement ou renforcement ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Instituée par le Code civil, modifiée en 2001 et 2006, la réserve héréditaire continue à être discutée. Entre assouplissements et réaffirmations, le point sur les évolutions récentes.

 

La réserve héréditaire, spécificité française, codifiée depuis 1804, fait largement débat depuis son origine. Initialement prévue pour répondre aux objectifs de solidarité familiale, de paix des familles et de protection des descendants, la réserve héréditaire a aussi évolué ces dernières années, afin de s’adapter aux transitions de la société (allongement de la durée de la vie, familles recomposées…).

Plus récemment, la réserve héréditaire a connu des tentatives de remises en cause. Effectivement, elle est une entrave à la liberté de disposer de son patrimoine à titre gratuit.
Parallèlement, les dernières dispositions concernant les successions internationales tendent au contraire à affirmer et défendre le droit des héritiers réservataires.

Entre assouplissement et renforcement, point sur les évolutions dont la réserve héréditaire a fait l’objet de 2001 jusqu’à la loi du 24 août 2021 sur les successions internationales.

qu’est-ce que la réserve héréditaire ?

Si le principe et le calcul de la réserve héréditaire n’ont pas changé depuis son inscription au Code civil, ce droit a néanmoins fait l’objet d’évolution significative en 2001 puis 2006.

réserve héréditaire : principe de fonctionnement

La réserve héréditaire est définie à l’article 912 du Code civil :

« La réserve héréditaire est une part de la succession revenant impérativement à certains héritiers. Le reste du patrimoine constitue la quotité disponible qui peut être librement transmis par le défunt. »

Afin de déterminer la réserve héréditaire et la quotité disponible, il convient de reconstituer le patrimoine du défunt à son décès en tenant compte de toutes les libéralités consenties (donations et legs). L’objectif est de reconstituer le patrimoine comme si le défunt n’avait rien donné ni légué, afin d’apprécier une éventuelle atteinte à la réserve (art. 922 C. civ.).

Les bénéficiaires de la réserve héréditaire sont les descendants (en priorité les enfants) et à défaut, le conjoint survivant.

Il est donc impossible de déshériter un héritier réservataire (sauf dans certains cas spécifiques, notamment si cet héritier a été condamné pour un acte criminel à l’encontre du défunt ou s’il a été le responsable de violence envers le défunt ayant entraîné sa mort sans volonté de la donner).

Réserve héréditaire en présence de descendants

En présence de descendants, la répartition de la masse successorale entre la réserve héréditaire et la quotité disponible se fait de la manière suivante (art. 913 C. civ.) :

Nombre d'enfantsRéserve héréditaire globaleQuotité disponible
1 enfant1/21/2
2 enfants2/31/3
3 enfants ou plus3/41/4

Ainsi, en présence d’un enfant, un testateur ne peut pas disposer librement de plus de la moitié de son patrimoine.
S’il ne respecte pas cette répartition et que la réserve héréditaire est atteinte, les enfants pourront demander la réduction des libéralités excessives (art. 921 C. civ.).
Dans ce cas, les legs seraient réduits en premier de manière concurrente, puis les donations de la plus récente à la plus ancienne.

Réserve héréditaire du conjoint en l’absence de descendant

En l’absence de descendants ou d’ascendants, la loi du 3 décembre 2001 a instauré une réserve héréditaire à hauteur du quart de la succession au profit du conjoint survivant non divorcé (art. 914-1 C. civ.), afin de tenir compte de l’importance grandissante du conjoint dans le cercle familial.

Cas spécifiques dans lesquels la règle de la réserve héréditaire ne s’applique pas :

  • L’assurance-vie 

Les actifs transmis via la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie sont considérés comme « hors succession ». Ils n’entrent pas dans la masse successorale et ne sont donc pas pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.

Si les primes versées ont été manifestement exagérées par rapport aux revenus et patrimoine du souscripteur, le contrat peut néanmoins être remis en cause (article L.132-13 du Code des assurances). Les héritiers lésés doivent néanmoins le prouver. Seules les primes versées sont rapportées à la masse successorale pour le calcul de la réserve héréditaire.

  • La vente d’un bien en viager 

Si un bien immobilier est vendu en viager, il n’entre pas dans la masse successorale du vendeur à son décès. Ses descendants ne peuvent donc pas faire valoir leurs droits réservataires sur ce bien, sauf à remettre en cause judiciairement le contrat de vente viagère sur un fondement suffisant, tel l’absence d’aléa par exemple (articles 1968 et suivants du Code civil).

assouplissements apportés par la loi du 23 juin 2006

Depuis la loi du 23 juin 2006, la réserve des ascendants a été supprimée (art. 914-1 C.civ. et art. 916 C. civ.), seul le conjoint survivant est désormais un héritier réservataire en l’absence de descendant.

La protection des ascendants est depuis assurée (en sus de l’obligation alimentaire) par un droit de retour légal impératif en cas de prédécès de l’enfant donataire sans postérité (art. 738-2 C. civ.).

Cette loi a également assoupli les règles de la réserve héréditaire en instituant comme principe celui de la réduction en valeur des libéralités excessives (art. 924 C. civ.). En pratique la réduction en valeur des legs revient à faire bénéficier l’héritier réservataire d’un simple droit à indemnité. La conservation des biens en nature dans la famille n’est donc plus assurée.

Un assouplissement supplémentaire résulte de la faculté de renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR) des libéralités excessives pour les héritiers réservataires (art. 929 à 930-5 C. civ.) Ainsi le défunt peut de son vivant disposer d’une partie de la réserve héréditaire globale au profit d’un tiers ou d’un héritier présomptif, avec l’accord anticipé des héritiers réservataires.
Cet outil juridique permet de consolider des transmissions anticipées et donc d’assurer une sécurité juridique à ces opérations effectuées du vivant du défunt.

En outre, les enfants peuvent substituer les petits-enfants dans l’attribution de leur réserve héréditaire par le biais de la représentation suite à renonciation (art. 754 et 913 C. civ.). Cette faculté permet de sauter une génération lors de la transmission successorale du patrimoine et de tenir compte du fait qu’on hérite de plus en plus tard avec l’allongement de la durée de la vie.

La donation-partage transgénérationnelle permet en sus aux donateurs d’allotir directement les petits-enfants, sans nécessairement allotir les enfants. Elle permet donc aux grands-parents de donner une partie de leur patrimoine aux petits-enfants, sans que ceux-ci ne risquent une action en réduction de la part des parents.

Dans ce contexte d’assouplissements, le garde des Sceaux, dans une réponse ministérielle du 17 mai 2016, a néanmoins réitéré son attachement à la réserve héréditaire en précisant que les assouplissements apportés permettaient d’assurer « un équilibre satisfaisant entre la promotion de la volonté du de cujus et la protection des intérêts garantis par l’existence d’une réserve héréditaire ».

réserve héréditaire : des innovations importantes proposées en 2019

La réserve héréditaire a pu faire l’objet de nombreux débats : doit-elle s’appliquer de la même manière quelle que soit l’importance du patrimoine ? Pour les personnes fortunées, le respect de la quotité disponible peut être vu comme un frein à la philanthropie ou au mécénat.

En 2019, à la demande du ministère de la Justice, un groupe de travail (composé de juristes, universitaires et praticiens) constitué par le Professeur Cécile Pérès et Maître Philippe Potentier a réalisé un rapport sur la réserve héréditaire et émis des propositions d’évolution.

Compte tenu du contexte de crise sanitaire, ce rapport n’a pour le moment pas fait l’objet d’un projet de loi réformant la réserve héréditaire.

Cette étude comprend 54 propositions. Nous en rappelons les principales :

  • le maintien de la réserve héréditaire des descendants, mais en limitant sa quotité au maximum à deux tiers du patrimoine successoral. La réserve héréditaire globale serait donc de moitié en présence d’un enfant, et de deux tiers en présence de deux enfants ou plus. Ce quantum de la réserve héréditaire est l’un des points les plus discutés.
  • le refus de créer une quotité disponible spécial pour les partenaires de PACS à l’image de celle du conjoint survivant. Le partenaire de PACS survivant ne peut donc pas bénéficier de l’usufruit de la réserve héréditaire des descendants.
  • la prise en compte de l’assurance-vie dans l’assiette de la réserve héréditaire, accompagné d’un statu quo sur son régime fiscal favorable.
  • le principe de la réduction en nature des libéralités excessives lorsque le gratifié ne paye pas l’indemnité de réduction.
  • l’ouverture de la renonciation anticipée à l’action en réduction aux héritiers réservataires sous un régime de protection (tutelle, habilité familiale, et mandat de protection future).
  • l’élargissement de la renonciation anticipée à l’action en réduction à un pacte de famille.
  • la suppression de la réserve héréditaire du conjoint survivant, et en contrepartie le renforcement de ses droits au logement. En cas de maintien de la réserve, elle serait limitée au choix du disposant au quart en pleine propriété ou la moitié en usufruit.
  • l’instauration d’un caractère d’ordre public international à la réserve héréditaire des descendants. Le rapport va donc au-delà de l’actuelle jurisprudence de la Cour de cassation comme nous le verrons ci-après.

Précisons que le 116ème Congrès des notaires de France d’octobre 2020 a rappelé son attachement à la réserve. Il a également proposé une adaptation contractuelle de la réserve héréditaire, notamment en élargissant la faculté des héritiers réservataires de ne pas revendiquer leur réserve, afin de garantir la bonne exécution du projet successoral du défunt.

Toutes ces propositions tendent à assurer un certain équilibre entre la protection des héritiers réservataires et la liberté de disposition du patrimoine.

la réserve héréditaire dans le cadre des successions internationales

D’un point de vue international, la réserve héréditaire n’est pas une spécificité française, mais elle n’est pas présente partout, notamment dans les pays anglo-saxons.

Dans d’autres pays, les droits réservataires sont différents de ceux de la France. Dans les pays de droit musulman par exemple, les filles ont une réserve héréditaire égale à la moitié de celle qui revient aux fils.

En présence de successions internationales, la question de la valeur juridique de la réserve héréditaire française peut notamment se poser lorsque les règles du droit international privé supposent l’application d’une loi étrangère qui ne présente pas les mêmes droits réservataires que la loi française.

Rappelons qu’une succession est qualifiée d’internationale en présence de biens situés à l’étranger ou d’une résidence habituelle du défunt à l’étranger par exemple. 

la jurisprudence libérale de la cour de cassation du 27 septembre 2017

La Cour de Cassation a reconnu dans deux arrêts « qu’une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ».

En l’espèce, les parties soutenaient ne « pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin ». (Cass. 1Ère Civ. 27 sept. 2017 n°16-13.151 et n°16-17.198).

Conformément à cette jurisprudence, il est donc complexe pour un héritier écarté de la succession du fait de l’application d’une loi étrangère, de se prévaloir de l’ordre public international français afin d’obtenir la reconnaissance de sa réserve héréditaire, sauf situation de précarité ou de besoin.

les renforcements issus de la loi du 24 août 2021

La loi du 24 août 2021 institue un droit de prélèvement compensatoire permettant aux héritiers de défendre leur réserve héréditaire dans certains cas de succession internationale.

Elle oblige par ailleurs les notaires à informer les héritiers de leurs droits réservataires.

Loi du 24 août 2021 et successions internationales : un droit de prélèvement compensatoire

La loi du 24 août 2021 confortant « le respect des principes de la République », applicable aux successions ouvertes à compter du 1er novembre 2021, institue un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France pour certains héritiers qui seraient exhérédés suivant une loi successorale étrangère.

L’article 913 du Code civil prévoit ainsi dans son nouvel alinéa 3 :

« Lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci ».

Le législateur a donc remis au goût du jour le droit de prélèvement (dont bénéficiaient les seuls héritiers français) supprimé en 2011 en raison de son caractère discriminatoire comme contraire au principe d’égalité (Cons. Const. 5 août 2011 n°2011-159 QPC)

La loi n’affirme pas le caractère d’ordre public international de la réserve héréditaire et en cela ne contredit pas directement la jurisprudence récente de la Cour de cassation.

Rappelons que par application du Règlement européen sur les successions n°650/2012 du 4 juillet 2012, la loi applicable à la succession est celle de la résidence habituelle du défunt, sauf s’il a choisi sa loi nationale de son vivant comme loi applicable à sa succession (principe dit de « professio juris »).

Ce Règlement applicable aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015 est de vocation universelle.

Exemple

Un américain réside à New-York, tout son patrimoine y est situé sauf un bien immobilier en France. Tous ses enfants sont américains et résidents aux Etats-Unis, sauf un qui habite au Portugal. Aux termes de son testament il lègue l’intégralité de son patrimoine à sa compagne.

En vertu du droit international privé, la succession est régie par la loi américaine qui ne connaît pas la réserve.

Ainsi, en raison de la résidence habituelle au Portugal de l’un des enfants, ces derniers pourront demander à prélever sur le bien immobilier situé en France la part qui leur revient au titre de la réserve telle que prévue par le droit français.

En revanche, si tous les enfants sont résidents aux Etats-Unis, ils ne pourront pas invoquer le droit de prélèvement, alors même qu’un bien est situé en France.

Les impacts significatifs de ces nouvelles dispositions peuvent interroger sur le respect du principe d’égalité et de sécurité juridique.

Par ailleurs, il est à noter que :

  • certains pays ignorant la réserve héréditaire prévoient des équivalents fonctionnels ce qui écarterait l’application du droit de prélèvement.
  • des questions pratiques demeurent notamment en présence d’enfants en désaccord sur la revendication de ce droit.
  • la conformité de ce nouveau texte au regard de la Constitution et du Règlement européen fait débat.

Réserve héréditaire : une obligation d’information par les notaires

La loi du 24 août 2021 prévoit également une obligation d’information à la charge des notaires relative à la protection de la réserve héréditaire de tout héritier réservataire (art. 921 al. 2 C. civ.). Il s’agit d’une obligation de moyen et non de résultat.

Compte tenu des termes du texte, cette obligation d’information semble dépasser le simple cadre des successions internationales.

En outre, cette obligation concerne à la fois les descendants et le conjoint, contrairement au droit de prélèvement qui ne peut être exercé que par des descendants (ou leurs ayants droits).

La prudence conseillera aux notaires de préconstituer une preuve écrite de la bonne exécution de cette obligation.

Enfin, on peut s’interroger sur la pertinence de la limitation de cette obligation aux seuls notaires, quand d’autres professionnels du droit interviennent dans le cadre des successions internationales.

 

 

Instituée depuis plusieurs siècles par le Code civil, la réserve héréditaire a connu de profondes modifications en 2001 et 2006 visant à en assouplir l’application et à l’adapter aux caractéristiques de la société actuelle.

Ces évolutions sont loin d’être terminées et peuvent paraître paradoxales : tandis que le rapport réalisé en 2019 à la demande du ministère de la Justice ouvre la voie à un nouvel assouplissement, la loi du 24 août 2021 défend la notion française de réserve héréditaire dans les successions internationales.

Dans l’état actuel de la loi et des propositions, l’évolution juridique tend principalement à défendre les droits réservataires des enfants, avec des assouplissements dans la possibilité de disposer plus librement de son patrimoine, principalement lorsque les héritiers en sont d’accord.

Dans tous les cas, ces règles héréditaires restent encore très mal connues des particuliers en France. L’obligation qui incombe nouvellement aux notaires vise à renforcer l’information mais tous les professionnels de la gestion de patrimoine doivent œuvrer à la connaissance de ces principes et sensibiliser leurs clients à ce sujet.

Auteur
Charlotte MÂLON

Notaire collaborateur et Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Réforme du divorce en 2021 : les clés pour une séparation sereine et maîtrisée

Réforme du divorce en 2021 : les clés pour une séparation sereine et maîtrisée

Temps de lecture estimé : 12 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La réforme du divorce, initiée en 2017 pour les procédures amiables, se poursuit en 2021 concernant les divorces contentieux. Point et conseils pour anticiper ces situations de rupture volontaire.

 

Pragmatisme et simplification, le législateur est au diapason des couples en instance de séparation. La loi a en effet pleinement consacré le droit à la séparation en contractualisant le divorce. Cette déjudiciarisation du divorce permet de désencombrer les tribunaux et accélérer la mise en œuvre de la séparation, à une époque où les couples se font et se défont beaucoup plus rapidement qu’il y a 40 ans. Véritable baromètre de notre société, le dispositif législatif est désormais empreint de souplesse.

Le législateur, le juge et les professionnels du droit se doivent d’intervenir en interaction bienveillante pour acter la séparation et participer à un règlement rapide, dédramatisé et efficace de la rupture.

Le centre de gravité du divorce s’est déplacé du juge, garant d’un équilibre entre les parties et de l’intérêt de la famille, vers le couple.

La séparation ne doit pas pour autant être appréhendée par ses acteurs comme une simple formalité, sans expertise ni conseils.

Si les procédures permettant d’acter la séparation du couple sont dans leurs subtilités l’affaire des professionnels, il n’est toutefois pas inutile de faire un point sur les différentes voies de divorce possibles et leurs modalités depuis le 1er janvier 2021, avant d’aborder les fondamentaux permettant de sécuriser le processus de rupture et d’y insuffler de la sérénité.

quelle réforme du divorce depuis le 1er janvier 2021 ?

L’article 229 du Code civil vise quatre cas de divorce qui peuvent être scindés en deux catégories : le divorce amiable et les divorces contentieux.

La distinction tient au fait de savoir si les époux sont en total accord sur le principe et les conditions du divorce (divorce « amiable ») ou s’ils ont des points de désaccord (divorce « contentieux »).

Rappel des différentes formes de divorce

Le divorce « amiable » (divorce par consentement mutuel – Articles 229-1 à 232 du code civil) :

Le divorce par consentement mutuel a été intégralement déjudiciarisé, excepté en présence d’enfants mineurs qui demandent à être entendus par le juge ou si l’un des époux est incapable (articles 229-2 et 230 du code civil). Dans ces deux hypothèses, le juge demeure garant de l’intérêt des parties vulnérables et doit en conséquence intervenir et homologuer la convention de divorce.

Ce type de divorce implique un accord des deux époux sur le principe du divorce et toutes les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales (partage des biens, prestation compensatoire…).

La procédure non contentieuse est considérablement simplifiée depuis peu, permettant le prononcé du divorce en quelques semaines (loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 modifiant la loi du 11 février 1975) :

  • Choix par chacun des époux d’un avocat personnel,
  • Rédaction d’une convention de divorce détaillant les points patrimoniaux et extrapatrimoniaux liés à la séparation et contenant quelques mentions obligatoires (article 229-3 du code civil),
  • Etablissement d’un état liquidatif, le cas échéant,
  • Envoi par courrier recommandé de la convention aux deux époux,
  • Signature de l’état liquidatif,
  • Signature de la convention par chaque époux sous forme d’un acte sous signature privée contresignée par les avocats, après délai de réflexion de 15 jours,
  • Dépôt de la convention au rang des minutes du notaire dans les 7 jours de la signature de la convention, aux termes duquel le divorce est prononcé.

Les divorces « contentieux » :

Les divorces dits « contentieux » sont au nombre de trois : le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (autrement dénommé « divorce accepté »), le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (« divorce accepté » – Articles 233 et 234 du Code civil)

Les époux sont ici d’accord sur le fait de divorcer, mais sont en désaccord sur tout ou partie des conséquences patrimoniales ou extrapatrimoniales de la séparation (garde des enfants, partage des biens …).

Le divorce pour faute (Articles 242 à 246 du Code civil) :

En dépit du récent effort législatif de dédramatisation du divorce, impliquant la dissociation des causes de la désunion de leurs conséquences patrimoniales, le divorce pour faute perdure. Dans ce type de divorce, l’un des époux manifeste son intention de divorce en raison d’une violation grave ou renouvelée des devoirs liés au mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal (Articles 237 et 238 du Code civil) :

Ouvrant la voie à une vraie liberté de divorcer, ce type de divorce permet de mettre fin au lien conjugal lorsque la cessation de la communauté de vie entre les époux est avérée.

divorces contentieux : modification de la procédure depuis le 1er janvier 2021

Une nouvelle réforme du divorce est entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Les requêtes en divorces contentieux déposées depuis cette date ne nécessitent plus de phase de conciliation et débutent directement par une audience dite « d’orientation et prise de mesures provisoires ».

Suppression de la phase de conciliation des divorces contentieux

Les divorces contentieux impliquent toujours l’intervention du juge mais la phase de conciliation a été supprimée.

Cette étape avait pour but de tenter d’éviter la séparation et a minima de fixer les mesures provisoires jusqu’au jugement de divorce.

La suppression de l’étape de conciliation réduira la durée de la procédure contentieuse de divorce, relativement longue (plus de deux ans en moyenne en 2018).

L’autre avancée concerne également la date de la première audience, connue dès l’assignation. Pour les requêtes engagées depuis le 1er janvier, la procédure débute donc directement par la phase d’assignation, délivrée à la demande d’un époux ou bien des deux époux par requête conjointe.

Cette requête doit contenir notamment une proposition de règlement des intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux ainsi qu’un état actualisé du patrimoine des époux. L’objectif est ici d’offrir au juge une vision immédiate et claire de la situation et des points à trancher.

Création de l’audience d’orientation et prise de mesures provisoires

Il se tient une seule audience dite d’orientation, au terme de laquelle le juge examine les accords et les désaccords entre les parties et décide d’une mise en état judiciaire ou conventionnelle.

Cette étape permet aux parties d’échanger leurs conclusions et d’y répondre. Elle peut prendre la forme judiciaire et est alors assurée par le juge. Elle peut être également conventionnelle. Les époux signent alors une convention de procédure participative aux fins de mise en état et échangent de manière autonome pendant une période donnée, assistés par leur avocat.

Au cours de cette audience, le juge prononce également les mesures provisoires, permettant d’organiser la vie des époux et de la famille jusqu’au jugement de divorce (article 254 du Code civil). Ces mesures peuvent concerner les modalités de résidence des époux, d’occupation du logement familial, la fixation d’une pension alimentaire, de prise en charge provisoire de certaines dettes entre époux …

Le divorce peut également être prononcé sans audience à la demande des deux époux. A défaut, une audience de plaidoiries sera tenue.

Source : Ministère de la Justice – Réforme du divorce : Une procédure plus simple et plus rapide – Janvier 2021

divorce pour altération définitive du lien du mariage : délai de séparation réduit à 1 an

La loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, implique une résidence séparée des époux pendant 1 an et non plus 2 ans.

Ces changements témoignent de la recherche d’une plus grande souplesse des procédures et de réduction de leur délai.

Peu importe le type de divorce, il convient de bien anticiper la séparation eu égard à ses importantes conséquences patrimoniales.

focus sur les points à anticiper

Le divorce par consentement mutuel, sans intervention du juge, est certainement la voie à conseiller.
Il est néanmoins indispensable de s’entourer des conseils qualifiés et de s’assurer d’une bonne coordination entre eux. Certains points à enjeux demandent une attention spécifique, tels la date de dissolution du mariage à retenir, la valorisation des actifs, le périmètre du partage ainsi que le mode de règlement de la prestation compensatoire.

un divorce sans juge mais pas sans professionnels

Si la tendance est de favoriser les divorces dits contractuels, il reste indispensable de s’entourer de professionnels du droit qui sauront se coordonner.

Le divorce sans juge ?

L’orientation actuelle est à la contractualisation du divorce. Opter pour le divorce par consentement mutuel permet de gagner en célérité et de limiter les coûts.

Faut-il pour autant laisser le divorce entre les mains d’époux non professionnels du droit, dont les intérêts deviennent divergents par l’effet même du divorce ?

Même non judiciaire et en présence de patrimoines très lisibles et facilement partageables, le divorce peut prendre quelques mois.

L’entente initiale peut se fissurer, d’autant que l’enjeu pour les futurs ex-époux est celui d’une projection dans leur vie d’après, notamment d’un point de vue économique et fiscal (acquisition d’une nouvelle résidence principale, expatriation, nouvelle union, nouveaux enfants…).

Le divorce contractuel implique l’absence d’arbitre et parfois des négociations non rythmées par l’intervention du juge. D’où la nécessité de faire intervenir des conseils avisés.  La situation est également complexe lorsqu’il s’agit du divorce du chef d’entreprise.

Des conseils bien choisis

Le nouveau divorce gracieux impose à chaque époux de choisir son propre avocat pour garantir un consentement libre et éclairé.

L’option pour un avocat qui renseigne de manière claire et complète sur les conséquences civiles et fiscales du divorce, et non uniquement sur l’aspect procédural du divorce, est primordial. Entre fermeté et souplesse, l’avocat choisi devra savoir trouver le « mauvais » arrangement pour éviter le « bon » procès.

L’intervention d’un notaire commun est également importante pour trancher des points de droit patrimonial qui relèvent davantage traditionnellement de sa compétence.

La complémentarité des conseils, si elle a un coût, peut en réalité s’avérer pertinente et source, in fine, d’économies.

Des interactions positives entre les professionnels

En cas de divorce par consentement mutuel, le notaire devra déposer au rang de ses minutes la convention de divorce établie par les avocats.

Ce dépôt confèrera force exécutoire et date certaine à la convention et le divorce sera alors prononcé.

Un contrôle formel s’impose au notaire qui doit s’assurer, à peine de nullité, que les mentions obligatoires de l’article 229- 3 du Code civil figurent bien dans la convention.

Il est donc déterminant de faire suivre au notaire le projet de convention, avant signature par les époux, afin d’éviter de devoir réinitier la procédure en cas d’irrégularités.

La bonne coordination des professionnels sur l’articulation des opérations, permet de privilégier un circuit court, c’est-à-dire la signature concomitante de l’état liquidatif lorsque celui-ci est établi par acte notarié d’une part et de la convention de divorce d’autre part, le même jour et en présence des époux.

Ceci évite également l’imprévisibilité d’une signature de l’état liquidatif indépendamment du prononcé du divorce.

la fixation d’une date pertinente de dissolution de l’union

Cette date est fondamentale, tout particulièrement en cas de régime matrimonial communautaire car elle fixe la consistance des patrimoines propres et commun des époux.

Tous les biens acquis par les époux postérieurement à cette date sont exclus de la masse commune et appartiennent exclusivement à l’époux acquéreur.

L’article 262-1 du Code Civil dispose que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

  • lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel conventionnel : à la date du dépôt notarié de la convention sous seing privé contresignée par les époux, à moins que cette convention n’en stipule autrement
  • lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute: à la date de la demande en divorce (assignation ou demande conjointe) par suite de l’entrée en vigueur le 1er janvier 2021 de la réforme du 23 mars 2019.

Ainsi, l’un des époux qui entendrait acquérir un bien au cours de la procédure de divorce, aurait sans doute intérêt à fixer la date de dissolution de l’union avant l’acquisition. En effet, si le divorce était prononcé et définitif, le bien acquis serait alors sa propriété exclusive. A défaut, le bien acquis appartiendrait à la communauté.

Reste à en convaincre son époux, qui sera peut-être sensible aux arguments avancés s’il se trouve dans une même configuration d’acquisition ou si la consistance de son patrimoine risque d’évoluer à brève échéance.

Ainsi et par exemple, l’époux qui détiendrait des stock-options aurait tout intérêt à fixer une date de dissolution antérieure à la levée des stocks. La Cour de Cassation a en effet jugé (Cass. Civ. I, 9 juillet 2014) que l’exercice de ces droits d’option entre dans la communauté lorsque l’option est levée durant le mariage.

un état liquidatif exhaustif mais un partage circonscrit au strict nécessaire

L’acte liquidatif établi dans le cadre du divorce par consentement mutuel des époux doit être complet.

Il n’est donc pas possible d’exclure les comptes bancaires communs avant la dissolution du régime ou le prix de vente d’un bien immobilier commun.

A défaut, une réouverture du dossier après divorce serait possible et les peines du recel pourraient trouver à s’appliquer en cas de distraction frauduleuse de l’un des époux.

Pas de liquidation en revanche requise si le bien immobilier détenu en indivision par des époux séparés de biens était vendu avant la date de dissolution retenue entre les époux.

Un époux marié sous un régime séparatiste aura donc tout intérêt à vendre les biens indivis avant la date de dissolution retenue.

En revanche, pour l’époux commun en bien : impossible de faire échapper le bien commun ou son prix à la liquidation.

Une solution néanmoins : donner aux enfants avant la date de dissolution permettrait de réduire l’assiette des biens soumis à liquidation tout en anticipant une transmission à sa descendance.

Là encore, les conseils devront anticiper ces questions.

Si le régime matrimonial doit être liquidé de manière exhaustive, il est parfaitement possible de ne partager que partiellement les biens communs devenus indivis. En effet, un maintien en indivision est envisageable le temps de la vente de ces biens avec renvoi au dispositif légal ou à une convention d’indivision préparée par un notaire ou avocat.

Lors de la vente du bien, la répartition du prix entre les deux ex-époux ne sera pas soumise au droit de partage si le partage est uniquement verbal (Réponse Valter (JOAN du 22 janvier 2013, n° 9548), BOFIP (BOI-ENR-PTG 10-10, n° 65)).

Droit de partage réduit en 2021 puis 2022

Le droit de partage est assis sur l’actif net partager. Plus l’assiette est restreinte, plus l’impôt généré l’est également. Le taux fixé initialement à 2,5 % a été fixé par la loi de finance pour 2020, à 1,8 % depuis le 1er janvier 2021. Il passera à 1,1 % au 1er janvier 2022.

une réflexion « tactique » en matière de prestation compensatoire

L’article 270 alinéa 2 du Code civil enseigne que « la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».

Les parties doivent s’accorder, à défaut de relais judiciaire, sur l’existence même de la prestation compensatoire et fixer son quantum.

La fiscalité étant protéiforme en fonction de la nature des biens donnés et le délai de remise, une analyse approfondie sera requise pour optimiser l’opération pour son débiteur.

Privilégier la remise de biens propres permettra d’éviter un droit de partage, lequel ne s’applique qu’à la délivrance de biens indivis ou communs.

Une remise d’une somme d’argent propre permettra de contourner le sujet des plus-values applicable à la remise de biens immobiliers ou de titres sociaux propres.

Si la prestation compensatoire est versée sur moins de 12 mois ou si un bien est attribué en nature : une réduction d’impôt égale à 25 % des sommes versées dans la limite de 30 500 € (soit au total 7625 €) est applicable.

Au-delà de 12 mois, une déduction du montant de la prestation compensatoire des revenus est possible.

Une réflexion autour de la mise en place d’une prestation compensatoire mixte peut également être menée : en capital versé immédiatement pour partie et pour autre partie sur une durée supérieure à 12 mois.

une valorisation adaptée à la date de jouissance divise

Les valeurs portées dans l’état liquidatif doivent être des valeurs de marché, c’est-à-dire fixées par le jeu de l’offre et de la demande.

En cas de sous-valorisation, une action en complément de part pourrait être initiée par l’ex-époux lésé de plus d’un quart. De surcroît, l’administration fiscale serait susceptible de redresser en cas d’insuffisance de valorisation durant le délai de reprise.

En vue de sécuriser l’opération, il est recommandé de recourir à des avis de valeur rendus par des professionnels de l’immobilier ou du chiffre pour expertiser les biens immobiliers et titres sociaux.

Un partage inégal et causé entre les époux sera sans nul doute préférable à un partage égalitaire de façade, établi sur la base de valeurs contestables.

L’attribution des biens opérés dans le cadre du partage n’est pas génératrice de l’impôt de plus-value en cas de vente ultérieure, car qualifiée d’opération intercalaire : l’époux attributaire sera considéré comme propriétaire du bien à sa valeur d’entrée dans le patrimoine commun ou indivis.

L’impréparation et le manque d’accompagnement pré et post divorce peuvent s’avérer désastreux et envenimer une situation humainement difficile. La séparation peut en effet prendre des aspects fortement conflictuels pendant la période de divorce. Les professionnels du conseil (avocats, notaires, conseils en gestion de patrimoine…) ont plus que jamais leur rôle à jouer pour apporter clairvoyance aux époux dans ces situations.

Auteurs
Cécile Peyroux et Christel Tessier

Notaires

Cécile Peyroux est intervenant formateur à L’ESBanque pour le CESB EGP

Sources :