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Assurance-Vie : décollecte, rendement, solvabilité des compagnies, où en sommes-nous ?

Assurance-Vie : décollecte, rendement, solvabilité des compagnies, où en sommes-nous ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Quel état de santé de l’assurance-vie en 2021 ? Malgré une forte décollecte, les ratios de solvabilité sont stables mais les contraintes demeurent sur les fonds en euros.

 

La crise sanitaire a eu un impact significatif sur l’assurance-vie en 2020 suscitant une très forte décollecte. De là à dire que l’assurance-vie va mal, l’analyse n’est pas si simple.

Si les fonds en euros sont particulièrement touchés par les retraits, la collecte sur les unités de compte est en croissance significative. Par ailleurs, la solvabilité des compagnies résiste bien.

Reste un défi majeur : la gestion du fonds en euros, encours significatif au bilan des compagnies, alors que l’univers de taux est soumis à de nouvelles contraintes.

une décollecte historique sur l’assurance-vie en 2020 : attention aux conclusions hâtives

L’assurance-vie est-elle toujours le placement favori des épargnants français ?

Face à la décollecte historique de 6,5 milliards d’euros qu’ont subi les compagnies françaises en 2020, comparativement à une collecte nette de près de 22 milliards en 2019, il est permis d’en douter.

Mais méfions-nous des conclusions trop rapides et recherchons les raisons.

une nette baisse des versements en assurance-vie dans une année de crise

Le montant total des versements en assurance-vie en 2020 est de l’ordre de 116 milliards d’euros contre 144 milliards en 2019.

Ce recul significatif tient bien sûr à la crise sanitaire et son impact sur les comportements d’épargne des français.

Dans un environnement incertain, le réflexe est de privilégier des placements d’épargne liquides tels le Livret A et le LDDS qui ont connu une collecte record l’année dernière de plus de 35 milliards d’euros.

L’autre raison de cette chute des versements est le manque d’attrait des rendements des fonds en euros.

La rentabilité des fonds en euros s’érode un peu plus tous les ans. Le mois de février est traditionnellement le mois de publication des rendements de l’année précédente : ceux-ci poursuivent leur baisse dans un contexte de taux bas persistants.

Ainsi le rendement net des fonds en euros en 2020 oscille entre 1% et 2 %, certaines compagnies pouvant reverser un complément de bonus de 0,1 à  0,5%  en fonction de la part investie en unité de compte.

Les fonds en euros à dominante immobilière présentent des rendements légèrement supérieurs à 2% en moyenne. Compte tenu de leur fort succès, les compagnies en ont tout d’abord conditionné l’accès à une part d’investissement à 40% en unité de compte. Les contraintes de gestion devenant plus importantes, certaines compagnies viennent de fermer ces fonds à la commercialisation.

La baisse générale de rendement est directement liée à la composition du fond en euros :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

 

Les fonds en euros sont en effet fortement investis sur le marché obligataire en obligations d’État (notation Standard & Poor’s AAA à AA).  Or, les taux souverains, tel celui de l’OAT 10 ans, sont en territoire négatif depuis plusieurs mois. Les maturités très longues peinent à offrir un rendement positif.

 

Source : Banque de France

 

Du côté des obligations du secteur financier représentant une part non négligeable de 22 % des fonds en euros au 30 juin 2020, les rendements sont à peine plus importants (moins de 1 % pour la dette bancaire senior 3-5 ans notée A fin 2020).

Conséquence de la recherche de liquidité et de ces taux bas, une forte décollecte sur le support fonds en euros de près de 20 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2020 :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

mais des retraits des contrats d’assurance-vie et des sinistres stables en moyenne sur l’année

Cette forte décollecte sur le fonds en euros ne s’est pas traduite pour autant par des retraits massifs de l’assurance-vie ou augmentation des sinistres (dénouement des contrats par décès).

Les rachats et sinistres se sont ainsi élevés à 123 milliards d’euros, relativement stables par rapport à 2019 (119 milliards).

Les retraits ont été plus marqués au premier semestre en pleine crise du coronavirus mais se sont nettement réduits sur le reste de l’année pour revenir sous leur valeur moyenne calculée de 2011 à 2020. Ils restent nettement plus faibles qu’au premier semestre 2017 (vote de la Loi Sapin 2 et élection présidentielle).

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

La forte décollecte sur le fonds en euros s’explique en fait par un très fort mouvement d’arbitrage vers les unités de compte. Ce mouvement confirme la tendance depuis longtemps annoncée de fin du fonds en euros comme support privilégié des épargnants en assurance-vie.

une collecte nettement positive sur les unités de compte des contrats d’assurance-vie

Les unités de compte (UC) ont connu une forte progression avec une collecte de plus de 13 milliards au 30 juin 2020.

La part des UC est ainsi passée de 28 % des encours en 2019 à 34 % en 2020.

La raison principale est le fort arbitrage des épargnants en 2020 du fonds en euros vers les UC :

 

Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

Ces arbitrages significatifs s’expliquent par :

  • l’engouement des épargnants pour la bourse en 2020 : cet attrait vers les actions et autres supports boursiers n’a pas concerné que les PEA et les comptes-titres.
    Constatant que l’univers de taux bas est persistant et que le rendement du fonds en euros est insuffisant pour compenser la simple érosion de l’épargne par l’inflation, de plus en plus d’épargnants ont pris conscience de la nécessaire diversification de leur contrat vers les UC. A ce mouvement s’ajoutent des opportunités d’investissement en actions liées à la crise de la Covid-19.
  • L’action des assureurs eux-mêmes : ce changement dans les mœurs de l’épargnant français s’accompagne également de l’action de promotion des UC par les intermédiaires mais aussi de leur rôle pédagogique, visant au respect de la réglementation et de la bonne compréhension des offres.

L’univers d’investissement en UC est en effet devenu au fil des années très large, balayant des univers d’investissement variés (actions, obligations, immobilier, private equity, ISR …) et des horizons géographiques et sectorielles diversifiés.

En parallèle de la gestion libre, les assureurs développent de plus en plus de services de gestion déléguée (mandat d’arbitrage, gestion pilotée, gestion profilée). Ces offres commerciales permettent à l’assuré de s’en remettre à un professionnel des marchés pour la gestion de la partie en UC de son contrat d’assurance vie (sélection des UC, arbitrage).

Les styles de gestion des OPC (Organisme de Placement Collectif) sur lesquels sont basés les UC se sont affinés ces dernières années pour se détacher des gestions purement indicielles. Il est ainsi possible d’investir sur des OPC de style dit Value (valeurs décotées) ou Growth (valeurs de croissance) ou encore de Stock-picking (privilégiant la sélection de titres aux choix sectoriels et géographiques).

En parallèle d’une gestion pure actions, les assureurs intègrent également de plus en plus dans leur univers de placement des fonds dits structurés. Ces produits sont émis par des établissements financiers et offrent un rendement et une protection totale ou partielle du capital à l’échéance, variable selon l’évolution d’un indice. Ces produits connaissent un certain succès depuis la baisse de rendement des fonds en euros.

Compte tenu du risque associé, de la durée de placement longue et de leur manque de liquidité, il est recommandé de limiter l’exposition de l’allocation à ce type de support à 10 % de l’encours placé.

L’intérêt des investisseurs pour l’immobilier patrimonial peut également être satisfait par des unités de compte de type immobilières tels que les SCPI ou les OPCI.

Enfin, pour certains contrats, il sera également possible de loger des titres vifs (titres en direct). Cette faculté peut s’avérer intéressante pour un assuré souhaitant investir à long terme sans recourir à des OPC mais ne convient pas à un épargnant souhaitant s’adonner à une activité de trading. L’enveloppe assurance-vie ne permet pas au souscripteur de passer des ordres instantanés sur les marchés et ne convient donc pas à l’investisseur intraday.

Cette évolution de l’offre financière en assurance vie s’est accompagnée du développement de la gestion digitale des contrats, les compagnies permettant désormais de réaliser de nombreux actes de gestion en ligne.

une reprise de la collecte globale en assurance-vie en fin d’année

Le dernier mois de l’année 2020 marque une reprise de la collecte nette en assurance vie liée à un retour des perspectives positives (vaccinations, reprise économique).

 

Source : Fédération Française de l’Assurance « L’assurance-vie à fin décembre 2020 »

 

L’assurance-vie n’est donc pas délaissée par l’épargnant mais utilisée et investie différemment.

quel impact de la crise sur la solvabilité et la gestion des assureurs ?

S’il ne s’agit pas d’une défiance majeure vis-à-vis de l’assurance-vie, l’année 2020 a néanmoins suscité des mouvements forts sur les contrats et une forte volatilité sur les marchés financiers.

Quel en a été l’impact sur le bilan des compagnies d’assurance et leur solvabilité et quels risques demeurent ?

solvabilité des compagnies d’assurance-vie françaises en 2020

Les ratios de solvabilité et de liquidité, le niveau de valorisation des encours écartent les risques de bilan des compagnies en 2020.

CSR (Capital de Solvabilité Requis) et MCR (Minimum de Capital Requis) : une solvabilité forte

La solidité bilancielle des compagnies françaises est mesurée par deux ratios :

  • Le CSR (Capital de Solvabilité Requis) est un indicateur du montant de fonds propres (évalués selon les modalités spécifiques de Solvabilité 2) dont les assureurs doivent disposer pour couvrir un risque de sinistre exceptionnel.
    Le niveau de risque requis pour ce calcul est celui d’une probabilité de faillite à un an de 0,5 % ou inversement le niveau de risque pour lequel la probabilité de pouvoir faire face aux engagements des clients à un an est de 99,5 %. 

    Le taux de couverture du CSR est le rapport entre les fonds propres éligibles et le niveau de CSR requis. Il doit être supérieur à 100 %.Même si la baisse des taux d’intérêt au premier semestre 2020 a dégradé le taux de couverture du CSR des compagnies d’assurance-vie françaises, celui-ci s’élevant à 225 % au 30 juin contre 256 % en décembre 2019, son niveau reste supérieur au plus bas de septembre 2019 de l’ordre de 220 %. 

    Les bilans des compagnies affichent ainsi une résilience à la crise économique et financière provoquée par la Covid-19.

Taux de couverture moyen des branches vies, mixtes et non vies.
Source : ACPR Analyses et synthèses n° 118-2020 La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2020

 

  • Le MCR (Minimum de Capital Requis) est le montant minimum de fonds propres (évalués conformément aux règles de Solvabilité 2) en deçà duquel la compagnie présente un risque de poursuite de son activité. Il est calculé un MCR dit « combiné » devant se situer entre 25 % et 45 % du CSR.Le taux moyen de couverture du MCR subit une dégradation plus importante, passant de 638 % au dernier trimestre 2019 à 559 % au 30 juin 2020. Il reste néanmoins supérieur à son niveau du troisième trimestre 2019 où il avait atteint 500 % avant la crise du coronavirus.

Un ratio de liquidité à court terme (LCR Liquidity Coverage Ratio) stable en 2020 pour les compagnies d’assurance-vie

Il est également important d’apprécier la qualité des actifs des compagnies d’assurance en termes de liquidité.

Les ratios de liquidité à court terme (LCR Liquidity Coverage Ratio) ne reculent pas sur le premier semestre 2020.

La part des actifs liquides reste stable à une moyenne de 50 % du bilan des compagnies.

Les actifs liquides de haute qualité couvrent en moyenne 30 mois de sinistres au 30 juin 2020 contre 28 mois fin 2019.

Un encours peu impacté par la crise en 2020

Malgré la crise, la valeur des encours de placement des assureurs est en légère augmentation de 0,8 % sur un an, s’élevant à 2 666 milliards d’euros au 30 juin 2020.

Les compagnies d’assurance n’ont pas modifié leur allocation d’actifs en 2020 et la part des supports obligataires est toujours de l’ordre de 60 % des encours (avant mise en transparence de la partie OPC représentant 27 % des actifs).

Les investissements se répartissent à 63 % sur la France et 23 % sur la zone euro, les actifs hors union européenne ne représentant que 8 % du total.

Après une nette augmentation des taux au premier semestre en raison de la crise, les niveaux sont revenus à ceux de début d’année. Le marché obligataire n’a pas fortement pâti de la crise sanitaire.

Les encours des assureurs en actions cotées sont moins importants, de l’ordre de 4 % des encours, et n’ont pas significativement soufferts en 2020. La forte baisse des marchés actions au premier trimestre a été compensée par une reprise significative sur le reste de l’année.

les risques qui demeurent pour l’assurance-vie et les fonds en euros : dégradation des signatures obligataires et remontée des taux

La crise économique, induite par le coronavirus, comporte de nouveaux risques pour les assureurs et les épargnants :

  • la dégradation de la note des entreprises (non financières et financières) s’est accélérée. Au niveau des encours des compagnies d’assurance, la part des obligations inférieures à BBB- sont ainsi passées de 0,6 % à 0,9 % au premier semestre 2020.
    Si la santé financière des sociétés continuait à s’affaiblir, la qualité du portefeuille obligataire des assureurs pourrait se détériorer et les risques en capital augmenter.
  • Le risque de remontée des taux en cas de résurgence de l’inflation est également un facteur à prendre en compte. L’augmentation des taux entraîne mécaniquement une baisse de la valeur des obligations déjà émises sur le marché, donc du stock de supports obligataires détenu par les compagnies.

Ces nouveaux risques viennent s’ajouter aux contraintes de gestion que connaissent les assureurs depuis plusieurs années sur le fonds en euros, dans un univers de taux bas.

 

 

Une orientation et une diversification plus significatives des encours des contrats vers les unités de compte restent donc primordiales, afin que les risques sur l’assurance-vie restent maitrisés et que ce placement garde toute sa place dans le patrimoine des épargnants : un outil pertinent d’un point de vue fiscal, mais aussi financier.

 

Auteurs
Anne Brouard et Guillaume Thierry

Anne Brouard est Intervenante-formatrice pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Guillaume Thierry est est conseiller patrimonial, diplômé du CESB-CGP 

Assurance-vie, contrat de capitalisation, société de portefeuille : quelle meilleure solution pour transmettre ?

Assurance-vie, contrat de capitalisation, société de portefeuille : quelle meilleure solution pour transmettre ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

En quoi le contrat de capitalisation ou la société de portefeuille peuvent être plus avantageux que l’assurance-vie en termes de transmission successorale ? Explications.

 

Dans un précédent article nous avons nuancé l’intérêt que peut représenter la souscription de contrats d’assurance vie dans le cadre de stratégies patrimoniales en concentrant notre analyse sur la seule période de vie du souscripteur assuré.

Nous avions notamment évoqué l’effort d’uniformisation de la fiscalité appliquée aux gains financiers, avec la mise en place d’une imposition au taux unique de 12,8% applicable aux revenus et plus-values de nombreux actifs financiers, supprimant l’avantage compétitif dont pouvait disposer l’assurance vie dans le cas d’une détention s’inscrivant dans la durée.

Par ailleurs, la récente évolution règlementaire destinée à améliorer la protection des investisseurs interdit dorénavant la rétrocession de frais de gestion portant sur des OPC (Organisme de Placement Collectif) dans le cas d’un mandat de gestion portant sur un compte d’instruments financiers confié à un établissement financier. Cette règlementation a ainsi poussé toutes les sociétés de gestion à utiliser des parts de fonds subissant un niveau de frais réduit (parts dites « clean share ») dans le cadre d’un mandat portant sur un compte-titres. Mais la plupart de ces établissements financiers continuent d’utiliser les parts de fonds les plus « chargées » dans les mandats de gestion portant sur des contrats d’assurance vie.

Enfin, le faible niveau de rendement du fonds en euros comparé aux rendements dorénavant offerts sur le marché obligataire ôte encore un peu plus d’intérêt aux contrats d’assurance vie. La hausse des taux d’intérêts n’aura au mieux qu’un effet positif très lent sur le rendement du fonds en euros, qui risque de perdre pour longtemps son avantage compétitif par rapport à un investissement en obligations.

Malgré cela, l’assurance-vie, du fait de sa fiscalité successorale spécifique, est souvent présentée comme un outil avantageux dans un contexte de transmission. Mais qu’en est-il exactement ?

SOMMAIRE

  • Assurance-vie : quelle fiscalité en cas de décès ?Réincorporation de titre reçus par augmentation de capital réalisées par incorporation de réserves
  • Le contrat de capitalisation : quel avantage pour la succession ?
  • La société de portefeuille : quel intérêt successoral ?

 

Assurance-vie : quelle fiscalité en cas de décès ?

 

Lors du dénouement des contrats d’assurance vie suite au décès de l’assuré les capitaux sont versés aux bénéficiaires désignés :

  • sous déduction des prélèvements sociaux
  • et après fiscalité successorale, dont les conditions dépendent principalement de l’âge de l’assuré au moment du versement des primes.

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le décès de l’assuré est devenu un fait générateur de la soumission aux prélèvements sociaux des gains constatés sur les contrats d’assurance vie dénoués par le décès de l’assuré. Ces gains subissent les prélèvements sociaux au taux en vigueur au jour du décès, actuellement 17,2%, calculé sur le montant des gains réalisés depuis la souscription initiale du contrat, mais sous déduction des gains réalisés sur le fonds en euros et déjà soumis « au fil de l’eau » à ces mêmes prélèvements sociaux.

Rappel : prélèvements sociaux appliqués au fonds en euros

Les produits attachés au fonds en euros des contrats d’assurance vie et contrats de capitalisation constatés depuis le 1er juillet 2011 sont imposés aux prélèvements sociaux au moment de leur inscription en compte, c’est-à-dire le plus souvent tous les ans au 31 décembre.

En d’autres termes, sont principalement soumis aux prélèvements sociaux :

  • les gains réalisés sur le fonds en euros antérieurement au 31 juillet 2011
  • et ceux réalisés sur les unités de compte des contrats depuis l’origine.

Exemple :

Souscription d’un contrat d’assurance vie au profit de deux enfants bénéficiaires désignés, comportant fonds en euros et unités de compte.

Ce contrat a été alimenté par le versement de primes de 500.000 €. La valeur de rachat du contrat au moment du décès de l’assuré s’établit à 875.000 €, dont 125.000 € de gains provenant du fonds en euros et ayant déjà supporté les prélèvements sociaux au fil de l’eau.

Les prélèvements sociaux, appliqués aux gains de 250.000 € constatés au jour du décès sur les seules unités de compte ((875.000 € – 500.000 €) – 125.000 €), s’élèvent ainsi à 43.000 € (250.000 € x 17,2 %).

La somme, nette de prélèvements sociaux, de 832.000 € (875.000 € – 43.000 €) sera versée aux bénéficiaires.

En principe, les capitaux versés aux bénéficiaires désignés au contrat lors du décès de l’assuré sont exonérés de droits de succession. Mais ce principe souffre de deux exceptions de taille :

  • Lorsque les primes ont été versées après le 70ième anniversaire de l’assuré sur un contrat souscrit après le 20 novembre 1991, celles-ci subissent des droits de succession après déduction d’un abattement de 30.500 € (un seul abattement par assuré quelques soit le nombre de contrats souscrits et le nombre de bénéficiaires), selon l’article 757 B du CGI.

Cela revient à dire que les gains accumulés sur le contrat sont exonérés de droits de succession et que les primes bénéficient d’une franchise de 30.500 €, seul l’excédent étant imposé.

Reprenons notre exemple :

Si le souscripteur était âgé de plus de 70 ans au moment du versement de toutes les primes et qu’il ne disposait d’aucun autre contrat d’assurance vie, seule la somme de 469.500 € serait soumise aux droits de succession, c’est-à-dire le montant des primes (500.000 €) diminué de la franchise de 30.500 €.

Le surplus, soit 362.500 € serait exonéré de droits de succession (valeur de rachat nette des prélèvements sociaux 832.000 € – la part de primes imposable 469.500 €).

En retenant l’hypothèse d’une imposition dans une tranche de droits de succession à 30%, le montant des droits appliqués à ces capitaux décès s’élèverait à 140.850 €.

  • Si les primes ont été versées avant le 70ième anniversaire de l’assuré, l’article 990 I du CGI dispose, depuis le 13 octobre 1998, que les capitaux décès ne sont plus exonérés de droits de succession mais subissent un prélèvement au-delà de 152.500 € par bénéficiaire. Ce prélèvement comporte depuis 2014 deux tranches :
    • 20% jusqu’à 700.000 € imposable après l’abattement de 152.500 €
    • 31,25% au-delà.

Ce prélèvement est applicable sur la part revenant à chaque bénéficiaire au-delà de 152.500 € et tous contrats d’assurance vie confondus.

Dans notre exemple :

La valeur de rachat nette de prélèvements sociaux étant de 832.000 €, chaque enfant bénéficiaire recevra 416.000 € sous déduction d’un prélèvement de 52.700 €.

Il est intéressant de comparer cette fiscalité aux solutions alternatives à l’assurance-vie dont on peut disposer pour transmettre à terme un capital financier.

 

Le contrat de capitalisation : quel avantage pour la succession ?

 

Très proche sur de nombreux points du contrat d’assurance-vie, il s’en distingue au moment du décès. Le contrat de capitalisation ne comporte pas de désignation de bénéficiaire et suit par conséquent le traitement successoral de droit commun, aussi bien au plan civil que fiscal.

Le contrat de capitalisation est une simple opération d’épargne réalisée par le souscripteur. A son décès le contrat n’est pas dénoué et se retrouve dans l’actif successoral taxable aux droits de succession.

Dans une stratégie de transmission il peut paraître intéressant d’envisager une donation d’un contrat de capitalisation. Alors que la donation en pleine propriété constitue une transmission immédiate, la donation de la seule nue-propriété peut présenter plusieurs avantages dans une optique de préparation de la transmission.

Dans une telle situation, les nus-propriétaires ne deviendront pleinement propriétaires qu’après extinction de l’usufruit, donc au décès du donateur. Cela permet à l’usufruitier de conserver des prérogatives (notamment la faculté de procéder seul à des rachats et à des arbitrages) qui pourront d’ailleurs être utilement définies dans une convention de démembrement.

Au plan fiscal, une telle donation sera soumise aux droits de donation calculés sur la seule valeur de la nue-propriété qui dépend de l’âge de l’usufruitier, c’est-à-dire dans notre cas de l’âge du donateur au moment de la réalisation de la donation.

A la différence de l’assurance-vie ou la fiscalité de transmission est payée au moment du décès du souscripteur, elle est ici payée au moment de la donation.

Reprenons notre exemple en imaginant ici la souscription d’un contrat de capitalisation alimenté par une prime de 500.000 €, le souscripteur étant âgé de 62 ans, suivie de la donation de la nue-propriété à ses deux enfants.

Barème des droits de donation en ligne directe (art 777 du CGI) – Source : Service-Pulbic.fr

Au moment du décès, les enfants seront pleinement propriétaires du contrat de capitalisation sans fiscalité successorale supplémentaire et quelle que soit la valeur du contrat. Si au décès de l’usufruitier, le contrat a la même valeur que le contrat d’assurance-vie de notre exemple précédent, la fiscalité restera de 16.388 € dans le cas du contrat de capitalisation, contre 105.400 € pour l’assurance-vie souscrite avant 70 ans.

Par ailleurs, en l’absence de retraits, les enfants nus-propriétaires n’auront pas à supporter de prélèvements sociaux autres que ceux appliqués « au fil de l’eau » sur les gains annuels générés par le fonds en euros.

Comparativement au contrat d’assurance-vie de notre exemple précédent, au décès de l’usufruiter, le gain est de 43.000 € (prélèvements sociaux sur les plus-values sur unités de compte dont les nus-propriétaires ne sont pas redevables au moment du décès de l’usufruitier dans le cas du contrat de capitalisation).

Mais qu’en est-il en cas de retrait du contrat ? 

La loi de finances pour 2018 a modifié la fiscalité applicable aux retraits réalisés sur des contrats de capitalisation. L’administration fiscale a apporté des commentaires l’année suivante, notamment sur la fiscalité applicable en cas de retrait réalisé après la donation d’un contrat de capitalisation. Toutefois le cas de la donation de la seule nue-propriété n’a pas été abordé.

Dorénavant, la donation de la pleine propriété d’un contrat de capitalisation efface les gains latents sur le contrat. Si le donataire effectue un rachat de ce contrat, il sera ensuite imposé sur la différence entre la valeur de rachat du contrat et sa valeur au jour de la donation, tout en conservant son antériorité fiscale.

Dans le cas d’une donation de la seule nue-propriété, il apparait normal que seule la plus-value portant sur la nue-propriété transmise soit purgée.

Exemple :

Prenons l’hypothèse qu’au moment du décès du souscripteur, la valeur de rachat du contrat de capitalisation s’établit à 875.000 € et que les enfants décident de procéder à un rachat total du contrat suite au décès. Le gain imposable sera calculé par différence entre la valeur de rachat et le prix de revient.

  • La valeur de rachat s’établit à : 875.000 € (nette des prélèvements sociaux au fil de l’eau appliqués au seuls gains réalisés sur le fonds en euros).
  • Pour un prix de revient : 500.000 €
  • Prix de revient de la nue-propriété de : 300.000 €
  • Prix de revient de l’usufruit de : 200.000 €
  • Gain total du contrat : 375.000 € (la donation ayant eu lieu peu de temps après la souscription du contrat, la plus-value « purgée » par la donation sur la valeur de la nue-propriété n’est pas significative dans notre exemple).
  • Imposition lors du retrait : 91.000 €
  • Dont Impôt sur le revenu à 12,8% : 48.000 € (375.000 € x 12,8 %)
  • Dont Prélèvements sociaux de 17,2% appliqués lors du retrait total aux seuls gains réalisés sur les UC de 250.000 € : 43.000 €
  • Rachat net de fiscalité : 784.000 € (875.000 € – 91.000 €)

A la lecture de l’exemple, il apparait que la souscription d’un contrat de capitalisation suivie par la donation de sa seule nue-propriété constitue une alternative sérieuse ou une solution complémentaire, notamment pour les souscripteurs âgés de moins de 70 ans qui peuvent bénéficier :

  • de l’abattement de 152.500 € par bénéficiaire sur les capitaux décès du contrat d’assurance vie 
  • et des abattements de 100.000 € et des tranches basses du barèmes des droits de donation portant sur le contrat de capitalisation.

 

La société de portefeuille : quel intérêt successoral ?

 

La société de portefeuille constitue une autre alternative, moins fréquemment utilisée mais particulièrement pertinente.

Plutôt que de souscrire un contrat d’assurance vie ou de capitalisation, le candidat à la préparation de la transmission constitue une société, la plupart du temps civile, qui optera pour l’impôt sur les sociétés (IS). Cette société sera dotée de liquidités qui seront investies en actifs financiers dans le cadre d’un compte d’instruments financiers. Sa gestion pourra faire l’objet d’une délégation au profit d’un professionnel (banque, société de gestion).

Chaque année le bénéfice imposable est composé des dividendes et coupons encaissés, des plus-values extériorisées à l’occasion des cessions et de l’accroissement de valeur des actifs encore en portefeuille à la clôture de l’exercice (plus-value latente). Ce bénéfice est ensuite soumis à l’impôt sur les sociétés selon le régime de droit commun (15% jusqu’à 38.120 € de bénéfice en 2022, porté à 42.500 € dans le projet de loi de finances pour 2023, puis 25% au-delà).

Comment est déterminé le résultat annuel imposable d’une société de portefeuille soumise à l’IS :

  • Les revenus des actions et obligationsfont partie du bénéfice imposable soumis à l’IS l’année de leur perception.
  • Les plus-values réalisées sur la vente d’actions ou d’obligations font partie du résultat imposable l’année de la cession. Les plus-values latentes en fin d’exercice ne sont pas imposables, mais les moins-values latentes constatées sur les actions font l’objet d’une provision déductible du résultat.
  • Les plus-values latentes constatées en fin d’exercice sur les OPC (SICAV et Fonds Communs de Placement) font partie du résultat fiscal imposable, à l’exception de celles constatées sur des OPC « Actions » (composées constamment à plus de 90% d’actions). L’année de la cession des OPC, la plus-value constatée entre le prix de vente et la valeur liquidative de clôture du précédent exercice (ou le prix d’acquisition en cas de souscription au cours du même exercice que celui de la cession) est imposable à l’IS.

Postérieurement à la création de la société civile, ses parts peuvent faire l’objet d’une donation en pleine propriété, voire en nue-propriété seulement dans l’hypothèse où le donateur souhaiterait conserver certaines prérogatives.

Dans le cas d’un démembrement de propriété portant sur des parts sociales, il est important de connaitre la répartition des droits aux revenus et des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier.

Concernant le droit aux revenus, en cas de distribution totale ou partielle du résultat courant (de l’année ou en report à nouveau) de la société dont le capital est démembré, c’est à l’usufruitier que revient le dividende, puisqu’il a droit aux revenus des biens sur lesquels portent le démembrement.

Il est par ailleurs recommandé d’inclure dans les statuts de la société une clause prévoyant les règles d’attribution des distributions prélevées sur les réserves de la société, à défaut le régime du quasi-usufruit serait automatiquement appliqué (jouissance de la distribution attribuée à l’usufruitier, charge à lui de restituer à son décès la somme perçue au nu-propriétaire).

Le droit de vote est un droit attaché à la qualité d’associé de la société. En cas de donation de parts en pleine propriété, le droit de vote attaché aux parts données est aussi transmis. En cas de donation de la seule nue-propriété, le droit de vote est en principe transmis au nu-propriétaire. L’usufruitier conserve le droit de vote relatif aux décisions portant sur l’affectation du résultat (mise en réserve, distribution). Les statuts de la société peuvent toutefois prévoir une répartition différente des droits de vote entre nu-propriétaire et usufruitier.

Au jour du décès du donateur, les enfants deviendront pleinement propriétaires des parts de la société civile et pourront poursuivre sa gestion ou la dissoudre. Les conséquences fiscales de cette dissolution seraient assez proches de celles applicables au rachat total du contrat de capitalisation précédent, à savoir l’application d’une imposition de 30% appliquée au boni de liquidation.

 

Ces trois modes de transmission présentent leurs avantages et limites, mais il apparait clairement que dans le cas d’une transmission préparée , la constitution d’une société civile de portefeuille soumise à l’IS, suivie d’une donation de la nue-propriété des parts sociales, présente de nombreux atouts :

  • du vivant du donataire: imposition à l’IS favorable, frais de gestion plus faible par l’utilisation de parts « clean share » dans la gestion du portefeuille.
  • et à son décès: pas de droits de succession au décès, des droits calculés sur la seule nue-propriété ayant été acquittés au moment de la donation.

 

Illustration :

Prenons cette fois l’exemple d’une personne âgée de 59 ans disposant d’une somme d’un million d’euros et décidée à la transmettre à terme à ses deux enfants. Elle envisage les trois solutions décrites ci-dessus, à savoir :

  • Souscrire un contrat d’assurance vie, investi pour moitié en unités de compte « actions » et pour moitié en fonds en euros, dont ses enfants seraient bénéficiaires en cas de décès par parts égales.
  • Souscrire un contrat de capitalisation, investi de la même manière que le contrat d’assurance vie, dont il donnerait immédiatement la nue-propriété à ses enfants (le montant de la souscription serait de 948.738 €, compte tenu des droits de donation, pris en charge par le donateur, s’établissant à 51.262 € (1.000.000 € – 51.262 €)).
  • Doter une société civile de portefeuille soumise à l’IS de la somme de 948.738 € dont la nue-propriété des parts serait immédiatement donnée aux enfants par parts égales. Ces sommes seraient investies dans le cadre d’un portefeuille-titres géré pour moitié en OPC actions et pour moitié en OPC obligataires. Les droits de donation de 51.262 € sont pris en charge par le donateur.

Nous retenons les hypothèses de rendement et de frais suivantes :

Nous comparons tout d’abord ces trois stratégies en matière d’évolution de la valeur de l’épargne acquise.

Pour compléter cette comparaison nous simulons maintenant un rachat total du contrat d’assurance-vie et du contrat de capitalisation, ou une dissolution de la société, du vivant de la personne ayant souhaité préparer la transmission de ce capital, même si cette hypothèse contredit la stratégie qui avait été envisagée.

Enfin, pour clore cette comparaison, nous simulons le décès de la personne ayant souhaité préparer sa succession, suivi d’une liquidation des investissements réalisés (versement des capitaux décès du contrat d’assurance vie, rachat total du contrat de capitalisation et dissolution de la société).

Nous constatons que le coût que représente le règlement des droits de donation portant sur les parts de la société de portefeuille est rapidement compensé par l’économie de frais de gestion, alors que pour le contrat de capitalisation, ce coût de départ pèse sur la valorisation pendant toute la durée d’épargne.

L’avantage de la société de portefeuille se confirme du vivant de la personne ayant souhaité préparer sa succession, comme en cas de décès et quelque soit le moment ou celui-ci survient.

La solution consistant à investir les capitaux au sein d’une société de portefeuille permet en effet de supporter des frais de gestion réduits (absence de frais d’assurance et accès à des parts de fonds bénéficiant de frais réduits), tout en subissant une pression fiscale sur les gains assez comparable à celle de l’assurance vie (ou des contrats de capitalisation).

Plus la stratégie est mise en place jeune, plus elle présente de l’intérêt par rapport au traditionnel contrat d’assurance-vie. Mais il ne faut toutefois pas perdre de vue que la donation est ici définitive (même si elle ne porte que sur la nue-propriété) alors que dans le cas de l’assurance vie, le souscripteur peut à tout moment décider de modifier sa stratégie en procédant à un rachat de son épargne ou en modifiant sa clause bénéficiaire.

Auteur

Jean-Marc Aveline    

Directeur de Clientèle Gestion de Fortune, Intervenant-formateur en gestion de patrimoine

Co-souscription d’un contrat d’assurance-vie avec dénouement au second décès : attention à la dichotomie civile et fiscale

Co-souscription d’un contrat d’assurance-vie avec dénouement au second décès : attention à la dichotomie civile et fiscale

Temps de lecture estimé : 6 min

L’arrêt récent de la Cour de cassation du 26 juin 2019 vient de rappeler un point important concernant les contrats d’assurance-vie en co-souscription, alimentés par des fonds communs, avec dénouement au second décès.

Ce type de contrat, bien que se poursuivant au nom du co-souscripteur survivant, n’est pas un bien propre de ce dernier mais fait bien partie, au premier décès de l’un des époux, de l’actif de communauté et donc de l’actif successoral pour moitié de sa valeur.

Les effets civils et fiscaux sur la succession ne sont cependant pas les mêmes (Réponse ministérielle Ciot) et dans certains cas un risque fiscal peut être encouru. Explications.

 

Contexte

La co-souscription d’un contrat d’assurance-vie, alimenté par des fonds communs offre, sous certaines conditions, la possibilité de se dénouer au décès du second époux si cette option est choisie.

D’un point de vue civil

La question que l’on serait légitiment en droit de se poser est de savoir si la valeur de rachat du contrat, au décès du premier époux, constitue un propre pour l’époux survivant ou un actif de communauté qu’il convient d’intégrer à son actif.

La Cour d’appel d’Agen, à travers un arrêt du 13 juin 2018, a décidé, à tort, que le conjoint survivant était bénéficiaire dudit contrat d’assurance-vie (!) et que ce dernier constituait, pour lui, un propre.

La Cour de cassation a censuré cet arrêt par une décision du 26 juin 2019. Elle précise, a contrario, que le contrat ne s’est pas dénoué car il a perduré sur la tête du conjoint survivant. A ce titre, il forme un actif de communauté dont la valeur de rachat doit y être intégrée.

Sans doute les juges de la Cour d’appel ont-ils confondu la titularité du contrat avec le bénéficiaire des capitaux décès. L’époux survivant devient seul souscripteur, au décès de son conjoint, et non bénéficiaire des capitaux décès. A ce titre, l’article L 132-16 alinéa 1 du Code des assurances ne lui est pas applicable.

Cet arrêt de la Cour de cassation est en phase avec la réponse ministérielle PRORIOL du 10 novembre 2009. En effet, cette réponse ministérielle était venue nous préciser que, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 31 mars 1992 (affaire Praslicka), qui a déclaré que « la valeur de rachat fait partie des biens communs, conformément à l’article 1401 du Code civil. »

Le contrat d’assurance-vie alimenté par des fonds communs et non dénoué au décès du premier des époux constitue donc un bien commun qu’il y a lieu d’intégrer à l’actif de communauté.

A ce titre, lors d’un partage post-successoral, la valeur de rachat de ce contrat d’assurance-vie non dénoué devra faire partie de la masse à partager.

D’un point de vue fiscal

Il en est tout autrement.

En effet, depuis la réponse ministérielle CIOT du 23 février 2016, reprise au BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20 n° 380, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie, souscrit avec des deniers communs et non dénoué au décès du premier époux, n’est pas intégrée à l’actif de la communauté taxable.

En savoir plus :

La non-prise en compte de la valeur de rachat de ce contrat, d’un point de vue fiscal, ne s’applique que pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016.

Il est intéressant de remarquer que pour les successions ouvertes avant cette date, l’administration fiscale refuse de prendre en compte cette réponse ministérielle CIOT ; elle n’a donc pas d’effet rétroactif (réponse ministérielle LAQHILA du 13 novembre 2018). Les déclarations de succession concernant les décès survenus avant le 1er janvier 2016 comprennent donc en actif de communauté la valeur de rachat de ces contrats non dénoués.

Exemple chiffré

Pierre DURAND est décédé en juin 2019 en présence d’un contrat d’assurance-vie co-souscrit avec son épouse et alimenté par des fonds communs. Il laisse, pour lui succéder, son épouse Marcelle et deux enfants communes Emma et Léonie.

Monsieur et Madame DURAND étaient mariés sous le nouveau régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage.

Aucune donation n’a été consentie par Monsieur et Madame DURAND à leurs enfants.

Les actifs de communauté représentent une valeur de 750.000 €.

La valeur de rachat du contrat d’assurance-vie, au décès de Pierre, est de 238.000 €.

Marcelle a choisi l’option du 1/4 en pleine propriété.

Liquidation civile

La masse à partager comprend :

  • Les biens existants au décès pour 750.000 €
  • La valeur de rachat du contrat non dénoué pour 238.000 €
  • Soit un total d’actifs de communauté de 988.000 €
  • Soit un total d’actif successoral de ½ soit 494.000 €

Revenant à :

  • A Marcelle pour 1/4, soit 123.500 €
  • A Emma et Léonie, pour les 3/4 de surplus, soit 370.500 €, et pour chacune d’elles 185.250 €

Liquidation fiscale

L’actif de communauté est de 750.000 €. L’actif de succession ressort à 375.000 €, revenant :

  • A Marcelle pour 1/4, soit 93.750 €. Droits de succession : 0 € (conjoint survivant exonéré)
  • A Emma et Léonie, pour les ¾ du surplus, soit 281.250 €, et pour chacune d’elles : 140.625 €. Droits de succession : 12.638 € au total pour Emma et Léonie.

Les valeurs civiles et fiscales des parts successorales de chaque héritier sont donc totalement différentes.

Droits civils
dans la masse successorale
Droits fiscaux
Assiette des droits de succession
Droits de succession
Marcelle DURAND123.500 €93.750 €Aucun pour le conjoint survivant
Emma et Léonie DURAND370.500 €281.250 €12.638 €

Particularités et risques fiscaux de l’absence de partage de succession

  • Marcelle a des droits civils de 123.500 €.
  • Emma et Léonie ont ensemble des droits civils de 370.500 €.

Si aucun partage post-successoral n’est réalisé, comme cela est très souvent le cas en pratique, Marcelle conservera le contrat d’assurance-vie non dénoué comme étant seule souscriptrice-assurée.

Contrat d’assurance-vie, est-il nécessaire de le rappeler, qu’elle pourra intégralement consommer voire, dans l’absolu, désigner des bénéficiaires autres que ces enfants.

De là à considérer que nous sommes en présence d’une donation indirecte au profit de Marcelle, au détriment de Emma et Léonie, il n’y a qu’un pas…. Pas que l’administration fiscale a fait puisque la réponse ministérielle MALHURET du 10 janvier 2019 précise que « (…) Cette réponse (réponse ministérielle CIOT), qui porte ainsi sur la détermination de l’actif successoral pour l’établissement des droits dus par les héritiers de l’époux prédécédé, est sans incidence sur la qualification éventuelle de donation indirecte, taxable aux droits de mutation à titre gratuit au nom du donataire, de la transmission réalisée via le contrat d’assurance vie au bénéfice de l’autre conjoint. Elle ne saurait donc permettre de présumer qu’un contrat co-souscrit par des époux communs en biens dont le dénouement normal est le décès du second conjoint ne peut constituer une donation indirecte. En effet, de manière générale, la souscription d’un contrat d’assurance-vie est susceptible de constituer une donation indirecte en l’absence d’éléments contredisant l’intention libérale du souscripteur. (…) »

En savoir plus :

Le développement ci-dessus s’applique également aux contrats d’assurance-vie en mono-adhésion du conjoint survivant alimentés par des fonds communs et non dénoués au décès du premier des époux.

Conclusion

L’intégration à la communauté du contrat d’assurance-vie non dénoué, et son rapport de facto à la succession pour la moitié de sa valeur, vient donc d’être récemment confirmé par cet arrêt de la Cour de Cassation du 26 juin 2019.
Ce mécanisme n’est que civil et n’a pas d’impact fiscal pour le calcul des droits de succession à payer, entraînant ainsi une dichotomie de traitement lors du règlement la succession.
Au-delà de cet aspect, un risque fiscal de requalification en donation indirecte demeure et peut être encouru lorsque le partage successoral n’est pas réalisé.
Le partage civil, après le décès du premier des deux époux, ou l’insertion d’une clause de préciput (article 1515 du code civil), dans un contrat de mariage, sur les contrats d’assurance-vie alimentés par des fonds communs et non dénoués sont alors les ultimes réponses civiles au risque fiscal soulevé !

Auteur
Emmanuel Bouvenot  

Ingénieur Patrimonial – BPE La banque privée de La Banque Postale

Loi Pacte : principales mesures concernant le patrimoine des particuliers

Loi Pacte : principales mesures concernant le patrimoine des particuliers

Temps de lecture estimé : 7 min
Au terme d’un long travail parlementaire (plus de 12 mois de débats), la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a été publiée au Journal Officiel de la République Française le 23 mai 2019. Cette loi contient notamment de nombreuses évolutions en faveur de la modernisation des outils de gestion de patrimoine des français et de nombreuses mesures de soutien aux PME-ETI.

Nous vous présentons une synthèse de ces principales mesures en abordant dans un premier temps les dispositions concernant les supports de gestion du patrimoine privé.

Mesures en faveur de l’assurance vie

Mise en place d’une mesure de transférabilité partielle

La loi PACTE instaure un principe de transférabilité des contrats d’assurance vie ou de capitalisation au sein du même assureur, sans perte d’antériorité fiscale.

  • En pratique, le souscripteur d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation a désormais la possibilité de transférer un ancien contrat vers un nouveau au sein de la même compagnie d’assurance, sous réserve que ce nouveau contrat soit en tout ou partie investi en unités de comptes ou en fonds Euro croissance. Cette transformation, qui peut se réaliser soit par voie d’avenant, soit dans le cadre d’une nouvelle souscription, n’emporte pas les conséquences fiscales d’un dénouement.
  • A la différence de l’ancien dispositif « Fourgous » (qui permettait la transformation d’un contrat mono support en un contrat multi support sans perte d’antériorité fiscale), cette transformation n’est pas subordonnée au respect d’un pourcentage minimum d’unités de comptes au sein du nouveau contrat.

Le transfert d’un contrat vers un autre assureur demeure une opération assimilée à un rachat taxable, entraînant le dénouement du contrat suivi d’une nouvelle souscription.

A ce stade, nous ne connaissons pas encore les modalités pratiques que vont adopter les assureurs dans le cadre de ces nouvelles dispositions.

Ouverture des contrats de droit français à certains fonds professionnels de Private Equity

Les unités de comptes éligibles aux contrats d’assurance vie de droit français pourront être constituées de certains fonds de Private Equity ouverts à des investisseurs professionnels.

  • Ces fonds s’entendent notamment des FPCI (fonds professionnels de capital investissement), des SLP (sociétés de libre partenariat) ou des OPPCI (organismes professionnels de placements collectifs immobiliers).
  • Un décret, non paru à ce jour, doit notamment fixer les conditions à remplir pour pouvoir souscrire ces nouveaux supports (conditions tenant notamment à la situation financière, aux connaissances ou à l’expérience en matière financière du détenteur du contrat).

Pour favoriser la souscription de fonds de “Private Equity” par les investisseurs éligibles et ainsi lever la contrainte de liquidité reposant sur l’assureur, la loi PACTE assouplie également les conditions de délivrance en nature.

  • Dorénavant, lorsque le souscripteur d’un contrat d’assurance opte irrévocablement pour la remise de titres éligibles en cas de rachat (sous réserve de l’accord de l’assureur), cette option sera réputée s’appliquer au bénéficiaire du contrat, sauf mention expresse contraire.
  • Le règlement du contrat par la remise de titres reste subordonné au respect de nombreuses conditions.

Mesures diverses

Les versements sur un contrat d’assurance vie par un résident de France devront désormais obligatoirement être réalisés en numéraire, y compris pour des contrats de droit luxembourgeois.

Un abattement temporaire de 9 200 € (contribuable soumis à imposition commune) ou de 4 600 € (contribuable seul) est instauré sur les gains réalisés en cas de rachat total ou partiel d’un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans en vue d’alimenter un Plan d’Epargne Retraite (PER, cf. infra)

  • Ces rachats doivent être réalisés avant le 1er janvier 2023 par un souscripteur à plus de 5 ans de l’âge de l’ouverture de ses droits à retraite, et les sommes reçues au titre de ce rachat devront être intégralement versées sur un PER avant le 31 décembre de l’année du rachat.
  • Cet abattement est fonction de la situation familiale du souscripteur et sera cumulable avec l’abattement de droit commun du même montant déjà applicable en cas de rachat sur un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans.

Les compagnies d’assurance seront soumises à de nouvelles obligations de transparence s’agissant notamment des participations aux bénéfices (PAB) attribuées ou des frais appliqués sur les unités de comptes proposées.

A compter du 1er janvier 2020, les assureurs auront l’obligation de proposer pour les contrats conclus à compter de cette même date des unités de compte socialement responsables. A compter de 2022, cette obligation s’étendra aux unités de compte vertes et solidaires.

assouplissement des règles de fonctionnement du pea et du pea-pme

Fusion des plafonds de versement du PEA et du PEA-PME

Depuis le 24 mai 2019, les plafonds des versements sur un PEA et un PEA-PME sont fusionnés en un plafond commun, fixé à 225 000 €. Mais pour favoriser le PEA-PME, le plafond individuel du PEA demeure fixé à 150 000 €.

En pratique, les versements non utilisés sur un PEA peuvent être utilisés sur un PEA-PME, mais l’inverse n’est pas possible.

  • Par exemple, un contribuable titulaire d’un PEA sur lequel il a versé 10.000 € peut abonder un PEA-PME jusqu’à 215.000 €.
  • En revanche, un investisseur titulaire d’un PEA-PME alimenté avec 10.000 € ne pourra verser sur son PEA que 150.000 € (il lui restera alors un reliquat de versements de 65.000 € qu’il ne pourra placer que sur son PEA-PME).

Le titulaire d’un PEA ou d’un PEA-PME qui aurait sciemment dépassé ces seuils de versements est passible d’une amende fiscale égale à 2% du montant des versements surnuméraires (outre les autres sanctions, notamment la clôture des plans).

Création d’un pea « jeune majeur »

Depuis le 24 mai 2019, un jeune de 18 à 25 ans rattaché au foyer fiscal de ses parents peut ouvrir un PEA dont le plafond de versement est fixé à 20.000 € jusqu’à la fin de son rattachement (les versements effectués par ce majeur rattaché ne s’imputent pas sur le plafond de versement du ou des PEA de ses parents).

Un majeur rattaché au foyer fiscal de ses parents ne peut pas ouvrir un PEA-PME.

Le titulaire d’un PEA « jeune majeur » qui aurait sciemment dépassé le seuil de 20.000 € est passible d’une amende fiscale égale à 2% du montant des versements surnuméraires.

Assouplissements des règles de retrait partiel

A compter du 24 mai 2019, un retrait partiel sur un PEA ou sur un PEA-PME de plus de 5 ans n’entraîne ni la clôture du plan, ni le blocage de nouveaux versements.

  • Pour rappel, jusqu’au 23 mai 2019, un retrait partiel opéré sur un PEA de plus de 5 ans et de moins de 8 ans entraînait la clôture du plan, tandis qu’un retrait réalisé sur un plan de plus de 8 ans empêchait d’effectuer de nouveaux versements.

Compte tenu des modifications apportées par la loi PACTE, et des assouplissements apportés par la loi de finances pour 2019, le régime applicable en cas de retraits partiels est le suivant :

Elargissement des instruments éligibles au pea-pme

Depuis le 24 mai 2019, l’univers d’investissement du PEA-PME est élargi aux :

  • Minibons
  • Titres participatifs
  • Obligations à taux fixe émises par des PME-ETI dans le cadre d’une offre de financement participatif
  • Obligations remboursables en actions (ORA) non cotées, émises par des PME-ETI.
    • Auparavant, seules les OCA (obligations convertibles) ou les ORA cotées émises par des PME-ETI étaient éligibles au PEA-PME
    • Les OCA non cotées demeurent exclus du PEA-PME.

Par ailleurs, est instauré un complexe dispositif d’imposition partielle des produits procurés par des placements effectués en ORA non cotées sur un PEA-PME (coupons et plus-values générées par la cession de l’ORA ou de l’action reçue lors du remboursement de l’obligation).

création du « plan d’épargne retraite » (per)

La loi PACTE instaure un « Plan d’Epargne Retraite » (PER), dont l’objet est de permettre à son titulaire le paiement de rentes viagères ou le versement d’un capital à compter de sa retraite.

Ce PER sera composé de trois compartiments distincts :

  • un compartiment individuel, qui sera alimenté avec les versements volontaires du titulaire (venant se substituer aux dispositifs PERP et Madelin) – 1er compartiment
  • un compartiment collectif facultatif (équivalent au PERCO), qui sera alimenté avec les sommes versées au titre de l’épargne salariale (intéressement et participation), la monétisation de certains jours de CET et les versements volontaires – 2e compartiment
  • un compartiment collectif obligatoire (équivalent aux actuels dispositifs articles 39 et 83) qui sera notamment alimenté avec les cotisations obligatoires salariées et employeurs au titre des plans d’épargne retraite d’entreprise (PERE) – 3e compartiment

Avant la retraite du titulaire, les sommes logées sur un PER seront bloquées.

  • Elles pourront toutefois être débloquées par anticipation en capital dans certaines situations (décès du conjoint ou partenaire de PACS du titulaire, invalidité, surendettement, acquisition de la résidence principale [uniquement pour les sommes logées sur le 1er et le 2e compartiment], …)
  • Le décès du titulaire entraîne la clôture du PER

Au jour de la liquidation des droits à la retraite, les droits correspondants aux 1er et 2e compartiments pourront en principe être délivrés, au choix du titulaire, sous la forme d’un capital ou sous la forme de rentes viagères (le cas échéant réversibles). Les droits correspondants au 3e compartiment ne pourront être délivrés que sous forme de rentes viagères.

Le PER doit entrer en vigueur à une date fixée par décret (non paru à ce jour) et au plus tard le 1er janvier 2020. Par ailleurs, certaines mesures d’application doivent être prises par ordonnances dans les 12 mois de la publication de la loi PACTE. Ces ordonnances devront notamment prévoir le régime fiscal applicable au PER : il s’agira de définir les modalités de déductibilités des versements volontaires et obligatoires et les modalités d’imposition des rentes viagères ou des prestations en capital (en cas de déblocages anticipés ou à l’occasion de la retraite) qui demeurent, à ce stade, inconnues. Devront aussi être précisées les règles d’articulation du PER avec les dispositifs existants (PERP, PERCO,…).

En conclusion

La loi Pacte modifie donc significativement les principaux supports de gestion de patrimoine des français : l’assurance-vie, le PEA et les supports d’épargne retraite. Elle apporte des assouplissements importants pour favoriser leur développement. Les décrets à paraître restent néanmoins très attendus pour connaître les détails d’application et d’imposition de ces nouvelles mesures.

Auteur
François Soubiran 

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.

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