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Le démembrement de propriété à l’international

Le démembrement de propriété à l’international

Temps de lecture estimé : 7 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le démembrement de propriété s’applique-t-il dans d’autres pays que la France ? Comment gérer les situations de démembrement de propriété à l’international, sur un bien ou une clause bénéficiaire d’assurance-vie ?

 

 

Fondement de notre système juridique (Discours préliminaire du premier projet de Code civil de Jean-Etienne Marie Portalis), le droit de propriété est défini à l’article 544 du Code civil comme l’addition des prérogatives du propriétaire : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue ».

La propriété se caractérise donc par l’addition d’une part, du droit de jouir du bien qui se compose du droit d’en user (usus) et d’en percevoir les revenus (fructus), et d’autre part du droit d’en disposer (abusus), c’est-à-dire le vendre, le donner ou le modifier.

Le mécanisme du démembrement de propriété consiste en la dissociation du droit de propriété :

  • l’usufruit, qui est la réunion de l’usus et du fructus, donnant le droit à l’usage et aux revenus si le bien objet du démembrement est un patrimoine immobilier de rapport ou un portefeuille titres.
  • la nue-propriété, qui correspond à l’abusus, assimilable à un droit de propriété différé : ce n’est qu’à l’extinction de l’usufruit que le nu-propriétaire deviendra automatiquement titulaire de l’ensemble des droits sur l’actif, et donc plein propriétaire.

Le démembrement de propriété peut être créé soit lors d’une succession (ab intestat ou testamentaire), soit lors d’une donation avec réserve d’usufruit ou encore lors d’une acquisition conjointe en démembrement.

Le démembrement de propriété a été repris par de nombreux pays qui ont importé le Code Napoléon. Ce sont en général les pays de droit romain, contrairement aux pays de la « Common Law » venue d’Angleterre.

Le droit anglais repose sur des conceptions de la propriété différentes où est distinguée la propriété juridique « legal property » de la propriété économique « economic property ». Le démembrement de propriété n’y existe pas.

Dans les pays de droit musulman, selon la loi coranique la « Charia », seul Dieu est propriétaire et l’homme ne peut seulement avoir que l’usage.

En France, le démembrement est largement encouragé et utilisé pour faciliter la transmission de patrimoine tout en préservant les droits économiques ou de jouissance de l’usufruitier, le tout dans un cadre fiscal intéressant. La donation avec réserve d’usufruit diminue l’assiette imposable aux droits de donation à la seule nue-propriété, tout en permettant à l’usufruitier de continuer à jouir du bien ou d’en percevoir les revenus. A l’extinction de l’usufruit (par décès de l’usufruitier ou à échéance dans le cadre d’un usufruit temporaire), le nu-propriétaire devient plein propriétaire sans formalisme ni taxation complémentaire.

Face à une clientèle UHWI (Ultra High net Worth Individuals) de plus en plus mobile (on estime qu’un client détenant 30 M€ d’actifs changera trois fois de juridiction au cours de sa vie), il est indispensable de s’intéresser à la reconnaissance du démembrement de propriété chez nos voisins, mais également aux démembrements de clause bénéficiaire en assurance vie, dans le cas de situations internationales dites « cross border ».

 

SOMMAIRE

  • Démembrement de propriété : qu’en est-il dans les pays voisins ?
  • Situation cross border : quid du démembrement de la clause bénéficiaire de contrat d’assurance vie ?

Démembrement de propriété : qu’en est-il dans les pays voisins ?

 

En Belgique, Luxembourg, Espagne, ou dans les pays anglo-saxons, le démembrement de propriété présente une nature et un fonctionnement juridique totalement différents.

 

Le démembrement de propriété en Belgique

En Belgique, le démembrement de propriété est parfaitement reconnu. Le Code civil français y a été littéralement transposé (voir Code civil belge : article 578 ancien). L’aspect civil ne pose donc aucun problème, il en va différemment du traitement fiscal.

Contrairement à ce qui est connu en France, la taxation des donations avec réserve d’usufruit en Belgique prend pour assiette la pleine propriété du bien donné. Il n’y a donc fiscalement aucun avantage à transmettre de son vivant en démembrement, ce qui explique que nos voisins belges préfèrent recourir aux donations en pleine propriété à charge de rentes.

De même, le quasi-usufruit qui est une modalité particulière de l’usufruit portant sur des choses consomptibles (et codifié en France à l’article 587 Code civil) est difficile d’utilisation en Belgique où la dette de restitution du quasi-usufruitier envers les nus-propriétaires pourrait ne pas être déductible de l’actif successoral.

Enfin, si en France l’évaluation fiscale de l’usufruit relève uniquement de l’article 669 du CGI , outre-quiévrain le barème légal coexiste (article 21 V et VI du Code des droits de succession ) avec les tables Ledoux, Levie ou Schryvers qui proposent des alternatives pour déterminer l’assiette taxable de l’usufruit.

Le démembrement de propriété au Luxembourg

Au Luxembourg, l’usufruit est codifié aux articles 578 à 624 du Code civil. Mais c’est fiscalement que le Grand-Duché se distingue dans sa conception du démembrement : le nu-propriétaire est considéré comme le plein propriétaire du bien, l’usufruitier ne détenant qu’une créance envers le premier.

Sous l’article 108 bis de la loi sur l’impôt sur le revenu, « le nu-propriétaire est réputé acquérir les revenus du bien qui est grevé de l’usufruit et les céder à l’usufruitier ». Le législateur fiscal luxembourgeois crée donc une fiction fiscale en attribuant sans équivoque que la propriété fiscale d’un titre démembré est à attribuer au nu-propriétaire et non à l’usufruitier.

Dans l’hypothèse d’une donation démembrée d’un portefeuille de valeurs mobilières avec un donataire nu-propriétaire domicilié au Luxembourg, quand bien même le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu effectif, il serait redevable de l’impôt luxembourgeois.

Le démembrement de propriété en Espagne

En Espagne, le démembrement est civilement reconnu. Il est d’usage qu’un époux lègue à son conjoint l’usufruit sur tous les biens constituant la succession.

Cependant, contrairement à la France, au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire qui consolide le droit de propriété dans son chef est redevable de droits de succession sur l’usufruit évalué en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment du démembrement (premier décès).

De même, dans le cadre d’une acquisition en démembrement d’une résidence en Espagne, au décès, l’extinction de l’usufruit au profit du nu-propriétaire est également soumise à l’impôt sur les transmissions patrimoniales, au taux en vigueur au jour du démembrement de droit de propriété, sur la base de la valeur au jour du décès.

La technique de l’acquisition en démembrement (ou dit de l’achat scindé) ne permet donc pas comme en France de retirer un avantage fiscal particulier, dans la mesure où les enfants seront taxés au décès de l’usufruitier. En cas d’acquisition d’une résidence secondaire, des résidents français pourraient donc être imposables aux droits de succession sur le bien acheté en démembrement en Espagne.

Le démembrement de propriété dans les pays anglo-saxons

Dans les pays anglo-saxons, le démembrement de propriété est complètement inconnu.

On peut simplement relever quelques cousinages comme en Ecosse avec le « proper liferent ».

Ce mécanisme permet au « liferenter » (que l’on pourrait traduire comme bénéficiaire d’une rente viagère) de profiter de la jouissance d’un bien tout en étant tenu d’en conserver la substance. On remarque aussi ce mécanisme à Jersey du fait d’une influence normande.

En droit anglais, « l’interest in possession trust » ou « life interest trust » permet au bénéficiaire de premier rang de toucher un revenu provenant d’un bien ou de jouir de ce bien sa vie durant ou pour une période déterminée. Ce droit coexiste avec ceux d’un autre bénéficiaire, voire d’une classe de bénéficiaires, portant sur le même capital sous-jacent.

Concernant un nu-propriétaire habitant au Royaume-Uni (ayant reçu par exemple une donation avec réserve d’usufruit de son parent en France), l’administration fiscale anglaise (HMRC « Her Majesty Revenue and Customs) semble reconnaitre qu’en cas d’usufruit importé, la reconstitution de la pleine propriété sera également fiscalement neutre de l’autre côté de la Manche.

Aux Etats-Unis, le démembrement analysé par l’IRS (Internal Revenue Service) déclenche tantôt des droits de donation (si la donation est considérée comme « achieved », assimilable à une donation entre vifs) ou des droits de succession (si la donation est considérée comme « not achieved », c’est-à-dire exécutable au décès et révocable du vivant du donateur).

De plus, si la donation permet en France de purger la plus-value, la situation est différente au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis où le donataire est réputé avoir acquis le bien à la valeur d’acquisition par le donateur, engendrant ainsi une forte plus-value.

 

Situation cross border : quid du démembrement de la clause bénéficiaire de contrat d’assurance vie ?

 

Le démembrement de propriété se retrouve en assurance vie « à l’entrée » lors de la souscription ou « à la sortie » par le démembrement de la clause bénéficiaire.

Lors de démembrement à l’entrée, le contrat est démembré par remploi de capitaux déjà détenus en usufruit / nue-propriété à la suite d’une donation ou la vente d’un bien démembré. Dans cette structuration, c’est le nu-propriétaire qui est assuré afin qu’il devienne plein propriétaire de la police au décès de l’usufruitier.

Dans le cas de démembrement à la sortie, le démembrement de la clause bénéficiaire permet classiquement de protéger le conjoint survivant qui perçoit le capital décès en tant que quasi-usufruitier, tout en protégeant le nu-propriétaire (l’enfant dans la majorité des cas) qui devient détenteur d’une créance de restitution à faire valoir au décès de son second parent. Conformément aux règles de droit commun en France (article 768 du CGI), la créance de restitution est déductible de la masse successorale pour liquidation des droits de succession à condition d’être dûment justifiée.

En Italie, ni le Code civil, ni le Code des Assurances ne prévoient un démembrement du contrat d’assurance. D’ailleurs, même si le démembrement d’un portefeuille-titres reste possible, il reste très rare et confiné donc au domaine bancaire.

Au Portugal, c’est le quasi-usufruit qui n’est pas connu. Le créancier français ne pourra sans doute pas en demander le remboursement pour une succession d’un défunt quasi-usufruitier ouverte suivant le droit civil lusitanien.

En Belgique, si le démembrement « à l’entrée » est envisageable, la prudence est de mise eu égard aux doutes sur la reconnaissance du quasi-usufruit dans le cadre d’un démembrement « à la sortie ». Il ne serait donc pas certain que le nu-propriétaire puisse faire valoir sa créance au second décès devant un notaire belge.

De plus, dans le cadre d’un conjoint usufruitier bénéficiaire en Belgique et un enfant nu-propriétaire bénéficiaire en France, le capital décès serait soumis aux droits de succession en Belgique (le conjoint survivant n’y est pas exonéré) et aux prélèvements de l’article 990 I CGI en France (pour les primes versées avant les 70 ans de l’assuré).

 

 

Le démembrement de propriété est donc une notion dont la portabilité n’est pas forcément évidente suivant la destination du client. Il pourrait être même important de se défaire de structurations ayant recours au démembrement afin d’éviter tous dégâts fiscaux collatéraux. A l’aune de ces problématiques complexes, il est indispensable de faire appel à des spécialistes d’une approche globale transfrontalière.

 

 

Auteur

Julien Milinkiewicz   

Ingénieur patrimonial Luxembourg – Formateur intervenant à L’École supérieure de la banque

Exit tax : le point après un amendement rejeté !

Exit tax : le point après un amendement rejeté !

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Après un amendement visant à le durcir mais finalement rejeté, le dispositif d’exit tax reste inchangé. Point sur cette imposition visant certains contribuables quittant fiscalement la France.

 

Le premier dispositif d’exit tax en France date de 1998, voté sous le gouvernement de Lionel Jospin et la présidence de Jacques Chirac. Il concernait les contribuables quittant fiscalement la France et détenant des participations supérieures à 25 % au capital de société. Il consistait principalement à lutter contre l’exil fiscal des contribuables entrepreneurs qui pouvaient être tentés de s’installer dans des pays comme la Suisse ou le Royaume-Uni, dans lesquels les plus-values de cession de titres étaient nettement moins imposées qu’en France.

Ce régime d’exit tax a été abrogé en 2005 car jugé dans ses principes de l’époque comme incompatible avec le droit communautaire.

Un nouveau dispositif d’exit tax a été réintroduit par la Loi de Finances pour 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un sursis de paiement pour les contribuables transférant leur domicile dans un État européen est introduit afin d’éviter une requalification au niveau européen.

La Loi de Finances pour 2013 est ensuite venue tempérer le dispositif d’exit tax sur les conditions de pourcentage de participation mais l’alourdir sur la durée minimale de détention nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition, passant de 8 à 15 ans.

En 2019, sous la présidence d’Emmanuel Macron, le régime d’exit tax a été considérablement assoupli afin de réduire les contraintes pesant sur les entrepreneurs s’installant à l’international et améliorer également l’attractivité de la France. La durée nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition est en effet passée de 15 ans à 2 ou 5 ans selon les conditions.

Récemment, mi-octobre 2022, l’Assemblée Nationale a voté un amendement visant à durcir l’exit tax et la ramener à sa version de 2013. Cet amendement a par la suite été rejeté et le régime d’exit tax reste donc celui en vigueur depuis 2019.

Cette longue saga n’est sans doute pas terminée, ce sujet étant politiquement sensible.

A l’heure actuelle, les contribuables « exilés » fiscaux peuvent être concernés par ces différents régimes d’exit tax, selon la date à laquelle ils ont quitté fiscalement la France. Explications !

 

SOMMAIRE

  • Exit tax : les principes
  • Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement

Exit tax : les principes

 

Codifiée à l’article 167 bis du CGI, l’exit tax concerne principalement les actionnaires de société cotée ou non cotée et donc les entrepreneurs. Elle porte sur leurs plus-values de participation, latentes ou en report, et sur certaines créances.

Le transfert de domicile hors de France est le fait générateur de cette imposition mais d’autres conditions sont nécessaires, notamment la durée de domicile en France ainsi que le pourcentage ou la valeur de leur participation au capital de sociétés.

 

Exit tax : sur quelles plus-values ?

Lors du transfert de domicile hors de France et sous certaines conditions que nous allons voir ci-après, l’exit tax est due sur :

  • les plus-values latentes sur titres, valeurs et droits sociaux. Cette imposition concerne aussi bien les actions et parts sociales que les obligations de sociétés françaises ou étrangères. Les SICAV et FCP sont également imposables depuis 2013. Les droits en usufruit ou en nue-propriété sur ces titres sont également soumis à cette imposition.
    La plus-value latente, comme son nom l’indique, n’est pas encore réalisée. Elle correspond à la différence entre la valeur des titres concernés à la date du transfert hors de France (valeur estimée pour les titres non cotés, derniers cours de Bourse ou moyenne des 30 derniers cours pour les titres cotés) et leur valeur d’acquisition.
  • les créances de complément de prix (complément de prix dû lors d’une cession de titres par exemple, clause dite d’earn-out).
  • les plus-values de cession ou d’échanges de titres bénéficiant d’un régime de report d’imposition.
    Il s’agit des plus-values d’apport de titres à des sociétés contrôlées par l’apporteur (article 150-O B ter du CGI), des plus-values d’apport en société d’une créance née d’une clause de complément de prix (article 150-0 B bis du CGI), des plus-values de cession réalisées avant le 01/01/2006 par certains salariés et dirigeants avec réinvestissement du prix de cession dans une société nouvelle non cotée (article 150-O C du CGI) et des plus-values d’échange de titres réalisées avant le 01/01/2000 résultant de certaines opérations de restructuration (article 160, I ter du CGI).
Les titres non concernés par l’exit tax :

  • les titres détenus au sein d’unités de compte de contrats d’assurance-vie ou dans un PEA (Plan d’Epargne en Actions).
  • les sociétés à l’IR à prépondérance immobilière non cotées (par exemple SCI, Société Civile Immobilière, ou SCPI, Société Civile de Placement Immobilier). Depuis 2019, les sociétés à l’IS à prépondérance immobilière doivent être déclarées à l’exit tax, avec dégrèvement possible si, lors de la cession, la plus-value est imposée en France selon le régime des non-résidents.
  • les sociétés cotées à prépondérance immobilière lorsque le contribuable en détient, directement ou pas, plus de 10 % du capital. Les sociétés foncières cotées (SIIC, Société d’Investissement Immobilier Cotée) dont l’actionnaire détiendrait moins de 10 % du capital sont donc imposables.
  • les fonds de placement immobilier.

Exit tax : qui est redevable ?

Les conditions d’imposition sont différentes selon la date de transfert du domicile fiscal hors de France.

Les contribuables ayant quitté fiscalement la France entre 2011 et 2013

Lorsque le transfert du domicile fiscal hors de France a eu lieu avant le 1er janvier 2014, l’exit tax est due si le contribuable :

  • a été domicilié fiscalement en France pendant au moins 6 ans sur les 10 dernières années précédant le transfert à l’étranger.
  • détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latentes à la date du transfert et que ces titres représentent directement ou indirectement au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d’une société, ou une ou plusieurs participations au sein de sociétés d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’Euros.

Le délai pour bénéficier du dégrèvement étant de 15 ans dans ce régime, certains contribuables peuvent encore relever de ce dispositif d’exit tax.

Les contribuables ayant quitté fiscalement la France depuis 2014

Depuis le 1er janvier 2014, le transfert fiscal hors de France engendre l’imposition à l’exit tax si le contribuable a été domicilié en France au moins 6 ans sur les 10 dernières années et s’il détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latente à la date du transfert et que ces titres correspondent à :

  • une participation directe ou indirecte d’au moins 50 % au capital d’une société. Cette condition est donc assouplie comparativement au 1 % de participation déclenchant l’imposition à l’exit tax dans le régime précédent.
  • une ou plusieurs participations dont la valeur excède 800.000 €. On note ici un durcissement sur la condition de valorisation qui était auparavant de 1,3 millions d’euros.
Conditions spécifiques de l’exit tax sur les créances de complément de prix et les plus-values en report :

Les créances correspondant à des clauses de complément de prix lors de cession de participation par exemple sont imposables à l’exit tax dès lors que leur détenteur a été domicilié fiscalement en France au moins 6 ans sur les 10 dernière années précédant le transfert. Aucune autre condition de participation n’est nécessaire.

Les plus-values en report sont imposables à l’exit tax lors du transfert hors de France quelle que soit la durée de résidence en France et sans autre condition.

Exit tax : le calcul d’imposition

Les plus-values latentes et les créances soumises à l’exit tax sont imposables soit :

  • au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % pour les prélèvements sociaux).
  • au barème progressif de l’IR sur option globale.

Pour les titres, droits et valeurs mobilières, la plus-value latente imposable est évaluée entre la date du transfert et la date d’acquisition des titres puis est éventuellement déduite des abattements applicables en matière d’imposition sur plus-value, c’est-à-dire :

  • de l’abattement pour durée de détention en cas de choix pour l’intégration au barème de l’IR et acquisition des titres avant le 01/01/2018.
  • de l’abattement fixe pour dirigeant partant à la retraite si ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite avant la date du transfert hors de France et qu’il cède ses titres dans les deux ans suivant son départ à la retraite (trois ans pour les dirigeants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021).

Les moins-values réalisées entre le 1er janvier de l’année du transfert et la date du transfert, ainsi que les moins-values reportables des années précédentes, ne peuvent pas s’imputer sur la plus-value latente.

Si certains titres soumis à l’exit tax sont en moins-values latentes, ces dernières ne peuvent s’imputer sur les plus-values latentes des autres titres concernés, ni sur les plus-values de l’année qui seraient issues d’une cession.

Concernant les créances issues d’un complément de prix, elles sont imposables sur leur valeur réelle à la date du transfert.

Les plus-values en report sont imposées à l’exit tax dans les mêmes conditions que l’imposition de ces plus-values lors de la survenance d’un des évènements mettant fin au report.

L’imposition à l’exit tax est néanmoins atténuée par deux mécanismes : le sursis d’imposition et la possibilité de dégrèvement.

 

 

Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement

 

Selon le pays dans lequel le contribuable transfert son domicile fiscal, un sursis d’imposition à l’exit tax peut-être autorisé d’office ou demandé avec constitution de garantie.

Des situations et délais spécifiques permettent par ailleurs d’obtenir un dégrèvement de cette imposition, voire dans certains cas une restitution.

 

Un sursis d’imposition à l’exit tax : dans quelles situations ?

Il est possible de bénéficier d’un sursis d’imposition « automatique » de l’exit tax permettant de ne pas avoir à la payer immédiatement.

Depuis 2019, ce sursis automatique s’applique dans le cas d’un transfert de domicile fiscal :

  • dans un pays de l’Union Européenne ou vers la Norvège, l’Islande et le Liechtenstien.
  • dans un pays de l’Espace Economique Européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale et une convention mutuelle de recouvrement et que cet État n’est pas considéré comme « non coopératif » (ETNC, État Non Coopératif).

Si le transfert de domicile s’effectue vers un autre pays, le sursis ne peut intervenir qu’à la demande du contribuable et nécessite la constitution de garantie (égale à 30 % des plus-values et créances imposables) et la désignation d’un représentant fiscal en France.

Dans les situations relativement fréquentes de transfert du domicile fiscal dans un pays de l’UE, l’exit tax n’est donc pas à payer immédiatement et bénéficie automatiquement d’un sursis.

Dans tous les cas, le sursis prend fin :

  • Pour les plus-values, en cas de :
    • cession (hors échange ou apport sous conditions), rachat, remboursement ou annulation des titres concernés
    • donation des titres si le donateur est domicilié fiscalement dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions mentionnées précédemment, sauf s’il est possible de démontrer que cette donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal.
  • Pour les créances de complément de prix, en cas de :
    • perception du complément de prix
    • apport ou cession de cette créance
    • donation de la créance lorsque le donateur est domicilié dans un des Etats mentionnés précédemment pour les plus-values.
  • Pour les plus-values en report, en cas de :

De manière générale, le sursis d’imposition tombe également si le contribuable ne réalise pas ses obligations déclaratives propres à l’exit tax.

L’exit tax devient exigible l’année au cours de laquelle survient l’un de ces évènements mettant fin au report.

Il est possible par ailleurs de bénéficier dans certaines conditions d’un dégrèvement de l’exit tax.

Un dégrèvement de l’exit tax : dans quelles conditions ?

Qu’un sursis de paiement ait pu être obtenu ou pas, le contribuable soumis à l’exit tax peut bénéficier d’un dégrèvement de cette imposition dans les conditions suivantes :

  • Pour les plus-values latentes : à l’expiration d’un délai minimal calculé à partir du transfert du domicile fiscal hors de France.
    Ce délai, initialement de 8 ans pour les transferts initiés entre 2011 et 2013 (inclus), a ensuite été rallongé à 15 ans pour les transferts opérés entre 2014 et 2018 (inclus).
    Pour les transferts ayant eu lieu depuis le 01/01/2019, le délai pour obtenir le dégrèvement a été considérablement raccourci à :

    • 2 ans pour les participations d’une valeur globale inférieure à 2,57 millions d’euros à la date du transfert.
    • 5 ans pour les participations excédant cette valeur.

Ainsi, les délais pour bénéficier du dégrèvement diffèrent suivant la date de transfert du domicile hors de France :

Source : JUST DEEP CONTENT

 

  • Dans tous les cas d’imposition (plus-values latentes, créances de complément de prix, plus-values en report) :
    • le jour où le contribuable redevient résident fiscal français, si la plus-value n’a pas été réalisée ou la créance perçue.
    • si le détenteur réalise une donation de ses titres ou créances de complément de prix soumis à l’exit tax. Si le donateur est domicilié dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions précédemment mentionnées, il sera nécessaire de prouver que cette donation n’est pas faite dans le but principal d’éluder l’impôt.
    • en cas de décès.

 

Le dégrèvement est accordé d’office si l’un de ces évènements survient. Si l’exit tax avait déjà été acquittée, cette imposition fait l’objet d’une restitution.

Depuis 2014, ces situations de dégrèvement concernent à la fois l’IR et les prélèvements sociaux.

 

Auteur

Anne Brouard   

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Régimes des impatriés : comment la France et d’autres pays européens attirent de nouveaux résidents fiscaux ?

Régimes des impatriés : comment la France et d’autres pays européens attirent de nouveaux résidents fiscaux ?

Temps de lecture estimé : 7 min

Article mis à jour le 11 février 2020

Depuis une dizaine d’année, de nombreux Etats de l’Union Européenne ont institué des régimes d’impatriation afin de capter la clientèle HNWI (High Net Worth Individuals, personnes disposant d’au moins un million d’euros d’actifs hors résidence principale). Cette fiscalité attractive a pour objectif avoué d’attirer une clientèle aisée qui consomme et investit fortement.

La Suisse, où le Canton de Vaud a créé le forfait fiscal en 1862, et plus récemment la Belgique ne sont donc plus les seuls pays fiscalement attractifs.

Tour d’horizon de la France vers l’Italie, en passant par le Portugal et le Luxembourg.

le régime français des impatriés

Peu connu bien qu’existant depuis 2004, le régime français de l’impatriation couvre tant l’impôt sur la fortune que l’impôt sur le revenu. Suite au Brexit, il a d’ailleurs été renforcé afin de le rendre encore plus attractif auprès des financiers quittant la City.

en matière d’impôt sur le revenu

Le régime d’impatriation permet aux personnes physiques, de nationalité française ou non, appelées par une entreprise à travailler en France, de bénéficier d’une fiscalité avantageuse en terme d’impôt sur le revenu.

Le salarié ou dirigeant concerné pourra bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu sur le supplément de rémunération lié à son activité en France, appelé prime d’impatriation qui pourra être forfaitairement évalué à 30% de sa rémunération nette globale (qu’il s’agisse depuis le 16/11/2018 d’un contrat de travail intragroupe ou d’un contrat de recrutement direct par une entreprise établie en France).

Il pourra également bénéficier d’une exonération de la prime d’expatriation, c’est à dire la rémunération de son travail qu’il exercerait encore temporairement par mission à l’étranger.

Le cumul d’exonération de la prime d’impatriation et de la prime d’expatriation est cependant plafonné :

  • Soit à un montant global pour les deux primes de 50 % de la rémunération globale
  • Soit à 20 % de la rémunération globale nette de la prime d’impatriation pour la seule prime d’expatriation

Enfin, certains revenus de son patrimoine seront également exonérés d’impôt sur le revenu à hauteur de 50% de leur montant :

  • les revenus de capitaux mobiliers (dividendes, coupons) et plus-values de cession mobilière de ses actifs financiers détenus à l’étranger.
  • les produits de la propriété industrielle ou intellectuelle provenant de pays étranger.

Ceci sous les conditions suivantes :

  • Ne pas avoir été résident en France durant 5 ans précédant la prise de fonctions
  • Devenir résident fiscal français au sens du droit interne français

Si la prise de fonction est intervenue depuis le 31 juillet 2016, le régime français des impatriés est applicable jusqu’au 31 décembre de la huitième année d’arrivée (contre 5 années auparavant).

en matière d’impôt sur la fortune

Sous conditions identiques mais sans nécessité d’exercer une quelconque activité professionnelle lors leur installation, les personnes physiques qui transfèrent leur résidence fiscale en France ne seront imposables à l’impôt sur la fortune immobilière que pour les biens situés en France.

Les biens situés à l’étranger sont totalement exonérés et ce durant une période de 5 ans.

le régime italien des impatriés

A partir de 2020, un nouveau dispositif viendra renforcer l’attractivité de l’Italie qui avait déjà mis en place en 2017 deux régimes dits d’impatriation forfaitaire et d’imposition libératoire.

un nouveau régime fiscal des impatriés à partir de 2020 

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant 2 ans précédant l’arrivée
  • Devenir résident fiscal italien au sens du droit interne italien
  • Exercer une activité professionnelle en Italie

Le contribuable bénéficiera d’une exonération d’impôt à hauteur de 70% des revenus d’activités produits en Italie pendant 5 ans. L’exonération monte à 90% pour les contribuables qui transfèrent leur résidence dans les régions du Sud (Abruzzes, Molise, Campanie, Pouilles, Calabre, Sardaigne, Sicile, Basilicate).

Ce régime de faveur est renouvelable pour 5 ans de plus, en présence d’un enfant mineur à charge ou de l’acquisition d’un bien résidentiel sur le territoire.

imposition forfaitaire des revenus étrangers 

De manière optionnelle et sous condition :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant 9 des 10 dernières années

Le contribuable impatrié bénéficiera sur 15 ans d’une imposition forfaitaire et  libératoire de 100 000 €/an sur les revenus de source étrangère et ce quels que soient les montants de ces revenus (sauf plus-value de cession de participations dites « qualifiées » dans les 5 premières années d’imposition en Italie).

Notons que l’assujetti ne pourra simultanément bénéficier de ce régime forfaitaire optionnel qui entre en vigueur en 2020 et de celui des impatriés.

imposition libératoire de 7 %

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant les 5 ans précédant l’arrivée
  • Percevoir des retraites versées depuis l’étranger
  • Devenir résident ausonien dans une ville de moins de 20 000 habitants situés dans les régions du Sud

L’imposé pourra profiter pendant 5 ans d’une imposition libératoire à 7% sur tous les revenus de source étrangère.

Un régime spécifique a également été mis en place pour attirer en Italie les professeurs et chercheurs (exonération d’imposition pour 90 % de leurs revenus professionnels pendant 3 ans, sous conditions).

Ciblant tant les HNWI que les retraités et combinées à une fiscalité attractive en matière de droits de successions avec un abattement 1 M€ en ligne directe, de telles mesures devraient dans les années à venir offrir de belles opportunités propres à transformer l’Italie en « Floride européenne ».

le régime résident non habituel au portugal

Dans la perspective d’attirer des experts dans des activités à haute valeur ajoutée et des bénéficiaires de pensions perçues à l’étranger, le Portugal a créé dès 2009 le régime dit Resident nao habitual (Résident non habituel).

avantages pour les retraités étrangers 

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident au Portugal pendant 5 ans précédant l’arrivée
  • Séjourner plus de 183 jours par an au Portugal pour être considéré comme résident fiscal portugais

Le retraité dont la pension est versée par une entité étrangère (sauf fonction publique) et qui transfert sa résidence au Portugal ne supportera aucune imposition à l’impôt sur le revenu au Portugal, et ce durant une période de 10 ans.

Ce statut RNH très favorable vient d’être modifié par la Loi de Finances adoptée par le Parlement portugais le 06/02/2020. Les retraités du privé venant s’installer fiscalement au Portugal à partir du 01/01/2020 seront redevables au Portugal d’un impôt sur le revenu de 10 % et ne seront donc plus totalement exonérés d’impôt pendant 10 ans.

Les résidents installés avant le 01/01/2020 et bénéficiant du statut RNH continueront néanmoins à bénéficier de l’exonération d’impôt pendant les 10 années suivant leur installation au Portugal.

Il était également à prévoir qu’un tel avantage fiscal serait scruté avec attention par la France : par deux décisions récentes, le Conseil d’Etat (décisions du 9 novembre 2015 n° 370054 et n° 371132) considère désormais que, pour être résident fiscal d’un pays, il faut y être effectivement imposé. Dès lors, si on est exonéré d’impôt, on ne peut avoir cette qualité et se prévaloir des avantages prévus par la convention fiscale. Et si la convention fiscale n’est pas applicable, c’est le droit fiscal français qui s’applique.

L’administration fiscale ne s’est pour le moment pas prononcer mais le retraité français pourrait ainsi perdre le statut RNH et être qualifié de résident fiscal français du fait de cette nouvelle interprétation.

avantages pour les revenus provenant d’une activité salariée 

L’impatrié qui résidait hors du Portugal depuis 5 ans, bénéficiera sur ses revenus d’activité salarié ou indépendante de source portugaise reconnus comme à forte valeur ajoutée, d’une imposition forfaitaire de 20% (en comparaison le taux marginal d’imposition sur les revenus est de 48%).

Les activités à valeur ajoutée sont définies par les autorités portugaises et englobent largement des métiers allant des ingénieurs, aux musiciens en passant par les auditeurs, conseillers fiscaux ou médecins.

Notons qu’une nouvelle liste des professions à haute valeur ajoutée est en vigueur au 1/01/2020.

Combinés à la douceur du climat, le succès de ce régime ne se dément pas et les ressortissants français sont de loin les premiers investisseurs étrangers au Portugal.

le step-up fiscal luxembourgeois

Centre financier d’envergure mondial et doté déjà d’une fiscalité patrimoniale attrayante (pas de droits de succession en ligne directe, pas d’Impôt sur la fortune, neutralité fiscale sur les produits d’assurance vie), le Luxembourg poursuit une politique de stabilité législative misant également sur la qualité de vie et la sécurité de ses résidents.

Depuis 2016, par le mécanisme du step-up fiscal, le Grand-Duché veut attirer le dirigeant en phase de cession de son entreprise.

step-up fiscal pour les personnes physiques transférant leur résidence fiscale au luxembourg 

Au Luxembourg, les plus-values de valeurs mobilières sont imposables si la cession porte sur des titres détenus depuis moins de 6 mois ou si elle porte sur une participation qualifiante : le cédant a détenu seul ou avec son conjoint, son partenaire ou ses enfants mineurs, au cours des 5 dernières années antérieures à la vente, plus de 10% du capital de la société.

Par le mécanisme du step-up, postérieurement à l’impatriation au Luxembourg, la plus-value réalisée se calcule sur la différence entre le prix de vente et la valeur estimée des titres au moment de l’installation au Grand-Duché.

Le Luxembourg renonce ainsi à son droit d’imposer la plus-value accumulée dans l’ancien pays de résidence, seule la plus-value créée depuis l’arrivée sera imposable à l’impôt sur le revenu (TMI à 42%).

Les conventions OCDE stipulant pour les plus-values sur valeurs mobilières la compétence unique du pays de résidence, sauf dans l’hypothèse d’un Exit Tax depuis son pays de départ, le contribuable nouvellement installé cédant sa participation qualifiante sera imposée sur une assiette fiscale particulièrement minorée.

Au-delà des dispositifs favorables ainsi évoqués, le client fortuné ne devra pas oublier de vérifier dans son pays d’accueil la validité et la pertinence des structurations patrimoniales mises préalablement en place, qu’elles soient civiles (testament, contrat de mariage), financières (contrat d’assurance vie) ou fiscales (démembrement de propriété).

Une expatriation nécessite donc un audit patrimonial complet et plus qu’à l’habitude, un accompagnement indispensable des professionnels du patrimoine.

Auteur
Julien Milinkiewicz  

Formateur intervenant au CFPB-Ecole supérieure de la banque – Ingénieur patrimonial Luxembourg 

Non-résidents ou affiliés à un régime de sécurité sociale étranger : quels prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine en France ?

Non-résidents ou affiliés à un régime de sécurité sociale étranger : quels prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine en France ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Arrêt de Ruyter, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dernières jurisprudences, Brexit : où en est-on sur l’application des prélèvements sociaux en France des revenus du patrimoine des non-résidents et des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale étranger ?

Au début des années 1990, la France a créé la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et la Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale (CRDS). Définis comme des impôts sur le revenu mais exclusivement affectés au financement de la Sécurité Sociale, ce caractère hybride a posé de nombreuses questions aux non-résidents français ou aux résidents mais cotisants à un système sociale étranger.

Depuis 2015 et la jurisprudence dite de Ruyter, puis la loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2019, les personnes relevant d’un régime de sécurité sociale d’un autre pays que la France situé dans l’UE (Union Européenne), l’EEE (Espace Économique Européen) ou la Suisse ne sont pas soumis à la CSG ni à la CRDS sur leurs revenus du patrimoine en France. Mais ils restent imposés au prélèvement de 7,5 %.

Les non-résidents bénéficient quant à eux de la même règle mais uniquement sur les revenus et plus-values de leur patrimoine immobilier situé en France.

Qu’en est-il par ailleurs des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays non membre de l’UE ? Quid des ressortissants britanniques depuis le Brexit ?

L’application des contributions et prélèvements sociaux en France sur les revenus du patrimoine des non-résidents ou personnes affiliées à un régime de sécurité sociale étranger a connu de multiples épisodes. Le point sur cette question relativement complexe.

Le présent article traitera uniquement des prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine. Nous n’aborderons pas les prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement.

prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placements : le principe

La contribution sociale sur les revenus du patrimoine (revenus immobiliers, revenus de capitaux mobiliers, rentes viagères à titre onéreux) est exigible des personnes physiques domiciliées fiscalement en France, à l’exception de celles qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français et qui relèvent d’un régime d’assurance maladie couvert par le Règlement CE du 29/04/2004.

Rappel :

Depuis 2018, les prélèvements sociaux sont calculés au taux de 9,2% pour la CSG, 0,5% pour la CRDS et 7,5% pour le prélèvement de solidarité, soit un taux global actuel de 17,2%.

Le principe est identique pour tous les produits de placement (revenus mobiliers ou immobiliers, mais aussi plus-values mobilières ou immobilières).

Ne sont donc actuellement redevables ni de la CSG, ni de la CRDS les non-résidents ou les personnes physiques domiciliés en France qui relèvent de la législation d’assurance-maladie d’un autre Etat de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire français.

La résidence fiscale s’apprécie au fait générateur de l’impôt et non au 31 décembre de l’année.

Exemple :

Les prélèvements sociaux ne sont pas applicables à un contribuable qui cède en avril 2014 des titres issus d’un plan de stocks options alors qu’il est domicilié en Suisse lors de la cession et ne dépend que du régime de sécurité sociale suisse, quand bien même il est devenu résident de France le 1 août 2014 (TA Versailles 5/02/2019 N°1701138).

Notons que les Français domiciliés à Monaco, bien que relevant de l’impôt sur le revenu français sur le fondement de la Convention Franco-Monégasque, ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux.

les prélèvements sociaux des non-résidents ou des personnes affiliées à un régime étranger de sécurité sociale : une saga française

L’application des prélèvements sociaux aux revenus du patrimoine des non-résidents ou des personnes non-affiliées au régime de sécurité sociale français a connu de multiples rebondissements.

de la jurisprudence de ruyter …

Un non-résident français ou un résident français mais affilié à un régime étranger de sécurité sociale et percevant des revenus tirés de son patrimoine ou des produits de placements a longtemps dû s’acquitter des prélèvements sociaux en France.

Au-delà de la situation illégitime de participer au financement de prestations auxquelles le contribuable ne profitait pas, l’investisseur était très souvent soumis à un risque de double imposition aux prélèvements sociaux.

La CJCE (Cour de Justice de la Communauté Européenne) a été saisie et a pris position par la bien-connue jurisprudence de Ruyter (CJCE 26 février 2015 Aff.623/13) : en l’espèce, un ressortissant hollandais, domicilié en France mais rattaché du fait de son activité professionnelle à la Sécurité sociale des Pays-Bas, était assujetti à la CSG et CRDS sur les revenus de son patrimoine. La CJCE a condamné la France en jugeant qu’on ne pouvait être soumis, sur les mêmes revenus, à la fois à un régime de sécurité sociale d’un Etat membre et à celui de son Etat de résidence.

Dans un arrêt (CE 27/07/2015 N°334551), le Conseil d’État a confirmé cette jurisprudence de Ruyter en ouvrant un droit au remboursement pour les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un pays autre que la France situé dans l’UE ou dans l’EEE ou en Suisse.

Fin de l’acte 1.

… à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et l’exception du prélèvement social de 7,5 %

A la suite de ces arrêts qui ont pesé lourd sur les finances publiques, et sans tenir compte de sa première défaite, le législateur a tenté par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 de modifier l’affectation budgétaire des contributions sociales, afin qu’elles ne soient plus affectées au régime de sécurité sociale mais à des prestations uniquement non contributives.

Par ce « tour de passe-passe », Bercy estimait que les prélèvements sociaux n’étaient plus dans le champ du droit européen. Malgré la jurisprudence de Ruyter, les contribuables affiliés à un régime européen de sécurité sociale, résidants ou pas en France, demeuraient donc redevables de prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine.

Cette parade s’est avérée vaine et a été rapidement critiquée puisque la Cour administrative d’appel de Nancy a, dès 2018 (CAA Nancy 31/05/2018), déchargé des non-résidents fiscaux de contributions sociales à verser sur leurs revenus du patrimoine français.

Sentant le vent tourner, dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, le législateur a exonéré de CSG et CRDS les revenus du patrimoine des personnes qui ne sont pas à la charge du régime obligatoire français de sécurité sociale mais qui relèvent du régime obligatoire d’un autre Etat membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse.

Mais l’imagination de notre législateur est sans limite. Dernier état de ce feuilleton législatif et jurisprudentielle : une fusion et un remplacement de certains prélèvements sociaux a eu lieu au sein d’un nouveau prélèvement de solidarité, au taux fixe de 7,5%, affecté au budget de l’Etat et non au financement de la Sécurité sociale.

Le Conseil d’Etat a validé ce prélèvement de solidarité en le considérant hors du champ d’application du droit européen.

Ainsi aujourd’hui :

  • Les résidents français ne relevant pas du régime obligatoire français de sécurité sociale mais d’un autre Etat de l’UE, de l’EEE, ou de la Suisse ne voient donc plus leurs revenus du patrimoine soumis à la CSG/CRDS, mais uniquement au prélèvement social de 7,5%.
  • Les non-résidents quant à eux ne sont assujettis qu’à raison de leurs revenus immobiliers ou plus-values immobilières, et uniquement au prélèvement social de 7,5% s’ils sont « européens ».

Prélèvements sociaux des personnes non-affiliées à un régime de sécurité sociale français et des non-résidents :

Prélèvements sociaux 

Résidents fiscaux en France 

Résidents fiscaux en France mais relevant d’un régime de sécurité sociale d’un pays de l’UE, EEE ou de la Suisse 

 

Résidents dans un autre pays de l’UE, de l’EEE ou la Suisse 

Résidents d’un pays tiers à l’UE, EEE ou la Suisse 

 

Sur les Revenus de Capitaux Mobiliers et Plus-value sur valeurs mobilières 

 

 

 

 

17,2 % 

 

 

 

7,5 % 

 

 

 

Pas imposable 

 

 

 

Pas imposable 

 

Sur les revenus et plus-values immobilières 

 

 

 

17,2 % 

 

 

7,5 % 

 

 

7,5 % 

 

 

17,2 % 

le cas des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un état non-membre de l’ue

En parallèle, la Cour de Justice a précisé les effets de la décision de Ruyter à l’occasion du recours d’un ressortissant français domicilié en Chine, rattaché à un régime privé de sécurité sociale et soumis aux prélèvements sociaux sur ses revenus du patrimoine français.

Ainsi, excepté le cas particulier de la Suisse, la décision précitée ne s’applique pas aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un Etat non-membre de l’UE (CJCE 18/01/2018 Aff.45/17 RJF 4/18 N°657).

Le fait qu’une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d’un État tiers soit soumise aux prélèvements sociaux, alors que ce n’est pas le cas d’une personne rattachée à un régime européen, constitue certes une restriction à la libre circulation des capitaux. Elle est néanmoins justifiée par la différence objective de situation, seuls les ressortissants de l’EEE pouvant bénéficier de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale (Art.11 Règlement 883/2004 du 29/04/2004).

Le Conseil d’Etat en a tiré les conséquences en rejetant les recours formés par des contribuables affiliés à la sécurité sociale d’un État tiers : ainsi, un ressortissant russe, domicilié en France mais cotisant à un système de protection sociale moscovite, n’a pas été jugé fondé à contester les prélèvements sociaux dont il a fait l’objet sur ses revenus de capitaux mobiliers perçus en France (TA Strasbourg 27/03/2018 N°1600179, 3 Chambre).

prélèvements sociaux des non-résidents : le cas spécifique des revenus et des plus-values immobilières

Force est de constater que ce débat n’est pas neutre eu égard à l’augmentation constante des contributions sociales française depuis leur création et au fait que nombre de clients étrangers dits UHNWI (Ultra High Net Worth Individuals ; dont le patrimoine est supérieur à 30 millions de dollars) détiennent en France, si ce n’est de l’immobilier de rapport, une résidence secondaire haut de gamme faisant régulièrement l’objet de locations pour des montants substantiels.

L’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus et plus-values immobiliers de biens situés en France et détenus par des non-résidents est le suivant :

  • 7,5% pour ceux qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire français de sécurité sociale mais qui sont sous la protection d’un régime obligatoire d’un État membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse.Par exemple, un ressortissant et résidant belge détenant une maison sur la Riviera française faisant l’objet quelques semaines par an d’une location.
  • 17,2% pour les autres : tel un ressortissant et résidant brésilien qui réalise une plus-value sur la vente de son appartement parisien.

Il importe peu que le bien soit détenu à travers une SCI française : lors d’une plus-value de cession d’un bien, les associés russes et japonais n’ont pas pu profiter du taux réduit des prélèvements sociaux, l’arrêt de Ruyter ne s’appliquant pas aux personnes inscrites à un régime de sécurité sociale d’un État tiers à l’UE (TA Paris 29/06/2016 N°1506806, 1 section, 1 chambre).

Cette question s’est également posée pour les ressortissants britanniques suite à la sortie du Royaume-Uni de l’UE le 1 février 2020.

L’administration fiscale française a récemment indiqué, dans une FAQ (Foire Aux Questions) sur le Brexit, qu’au vu des accords de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne signés le 12 novembre 2019 et le 30 décembre 2020, le taux favorable de 7,5% est maintenue si les contribuables remplissent les conditions suivantes :

  • être affiliés au régime de sécurité sociale britannique
  • être ressortissants ou résidents légaux de France, du Royaume-Uni ou d’un autre État membre de l’UE
  • ne pas dépendre d’un régime obligatoire français de sécurité sociale.

Après une histoire mouvementée, on ne peut qu’espérer que la politique française d’imposition aux contributions et prélèvements sociaux des revenus du patrimoine des personnes non-affiliées au régime de sécurité sociale français ou non-résidentes se stabilise. Dans tous les cas, ces situations patrimoniales complexes nécessitent de recourir au conseil de professionnel du patrimoine.

Notes et sources :

Auteur
Julien Milinkiewicz

Ingénieur patrimonial Luxembourg – Formateur intervenant à L’École supérieure de la banque

Succession internationale : comprendre les méandres de l’article 750 ter 2° du CGI

Succession internationale : comprendre les méandres de l’article 750 ter 2° du CGI

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Lorsque le défunt ainsi que l’héritier sont non-résidents en France, l’application de l’article 750 ter 2° du CGI est loin d’être évidente. Explications.

 

Dans un univers mondialisé, le professionnel de la gestion de patrimoine est fréquemment confronté à des situations de succession internationale.

Dans une telle situation, les premiers réflexes sont de :

  • déterminer avec certitude le lieu de résidence du disposant et celui de ses ayant droits,

Les alinéas premier (concernant le défunt résident en France) et troisième (traitant des héritiers résidents en France) de l’article 750 ter du CGI conduisent à imposer le patrimoine mondial en France.

Un système de déductibilité de l’impôt acquitté hors de France sur l’impôt exigible en France est mis en place en vue d’éviter une double taxation (article 784 A du CGI). Le dispositif légal peut être résumé de la manière suivante :

 

Source : Alice Guittet et Christel Tessier pour l’ESBanque

 

Les difficultés se cristallisent essentiellement sur le deuxièmement de l’article 750 ter du CGI en cas de domiciliation fiscale à l’étranger du défunt et des héritiers.

La lecture du texte fiscal conduit à intégrer à la déclaration de succession :

  • Les biens meubles corporels dont l’assiette matérielle est en France,
  • Les fonds de commerce exploités en France,
  • Les brevets et marques de fabrique concédés ou exploités en France,
  • Les valeurs mobilières émises par :
    • l’Etat français,
    • une personne morale de droit public française,
    • ou une société qui a en France son siège social statutaire ou le siège de sa direction effective (quelle que soit la composition de son actif).
  • Les immeubles situés en France détenus :
    • directement par le défunt,
    • indirectement par le défunt.

La notion de détention indirecte n’est pas sans susciter quelques interrogations et difficultés pour le praticien.

Maîtriser le deuxièmement de l’article 750 ter du CGI, en comprendre ses principaux ressorts et saisir ses incertitudes et perspectives, tel est l’objectif du présent article.

article 750 ter 2° du CGI : les critères de la détention indirecte

Les difficultés d’interprétation de l’article 750 ter du CGI 2° apparaissent en présence de biens immobiliers détenus par le biais de sociétés :

  • Biens immobiliers détenus par le biais de sociétés dont le siège est en France : si le défunt est propriétaire de parts ou actions de sociétés de droit français détenant de l’immobilier en France, ses titres sociaux seront imposables en France en application de l’article 750 ter, 2°, alinéa 3 du CGI qui prévoit que « sont considérées comme françaises (…) les valeurs mobilières émises par une société qui a en France son siège social statutaire ou le siège de sa direction effective, quelle que soit la composition de son actif ».

    Dans cette hypothèse, la valeur imposable aux droits de succession sera celle des titres possédés par le défunt.

  • Biens immobiliers détenus par le biais de sociétés dont le siège est hors de France : dans cette hypothèse, deux dispositions sont susceptibles de s’appliquer :
    • Le 4ème alinéa de l’article 750 ter 2° du CGI qui vise le cas d’une société à prépondérance immobilière française
    • Le 2ème alinéa de l’article 750 ter 2° du CGI qui vise le cas d’une détention de plus de 50% du capital social par le défunt seul ou conjointement avec son groupe familial.

détention de parts ou actions de sociétés étrangères à prépondérance immobilière française (4ème alinéa de l’article 750 ter 2° du cgi)

Conformément au quatrième alinéa de l’article 750 ter du CGI 2° : « Sont également considérées comme françaises les actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé hors de France et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l’actif total de la société. »

Sociétés étrangères à prépondérance immobilière : quel champ d’application ?

Sont visées les actions et parts de sociétés ou personnes morales non cotées en bourse dont le siège est situé à l’étranger et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France.

Comment détermination la prépondérance immobilière ?

A la simple lecture de l’article 750 ter 2° alinéa 4 du CGI, la prépondérance immobilière semble caractérisée dans le cas où les immeubles français représentent plus de la moitié de l’actif total de la société.

Toutefois, la doctrine administrative interprète cette disposition de manière extensive en considérant que seuls les actifs français sont à prendre en compte pour l’établissement du ratio de prépondérance immobilière. Ainsi, la société étrangère est à prépondérance immobilière si la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en France représente plus de 50 % de la valeur de l’actif social français.

De même, alors que l’article prévoit que la prépondérance immobilière s’apprécie uniquement au regard des « immeubles » et « droits immobiliers », la doctrine administrative considère qu’il convient également de prendre en compte les titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière, que la société peut détenir.

En outre, l’administration fiscale française précise dans sa doctrine que sont à prendre en considération pour apprécier la notion de prépondérance immobilière, sous réserve de l’exclusion des biens affectés à l’exploitation (BOI-ENR-DMTG-10-10-30, n° 130) :

  • les immeubles donnés en location, qu’il s’agisse de la location d’immeubles d’habitation nus ou meublés ou de la location d’immeubles à usage industriel ou commercial munis ou non du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation
  • les immeubles constituant le stock immobilier de sociétés de construction-vente ou de sociétés qui se livrent à une activité de marchand de biens.

détention de plus de la moitié des actions, parts ou droits d’une personne morale propriétaire d’un immeuble en france (2ème alinéa de l’article 750 ter 2° du CGI)

Le 2ème alinéa de l’article 750 ter 2° du CGI dispose que : «  Pour l’application du premier alinéa, tout immeuble ou droit immobilier est réputé possédé indirectement lorsqu’il appartient à des personnes morales ou des organismes dont le donateur ou le défunt, seul ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et sœurs, détient plus de la moitié des actions, parts ou droits, directement ou par l’intermédiaire d’une chaîne de participations, au sens de l’article 990 D, quel que soit le nombre de personnes morales ou d’organismes interposés. La valeur des immeubles ou droits immobiliers possédés indirectement est déterminée par la proportion de la valeur de ces biens ou des actions, parts ou droits représentatifs de tels biens dans l’actif total des organismes ou personnes morales dont le donateur ou le défunt détient directement les actions, parts ou droits. »

Détention de plus de la moitié des actions : notion de groupe familial

Pour l’application du seuil de 50 %, sont ajoutés aux actions, parts ou droits détenus directement par le défunt dans la personne morale ou l’organisme propriétaire d’un immeuble ou de droit immobilier situé en France, les actions, parts ou droits, appartenant à l’une ou à plusieurs des personnes suivantes :

  • son conjoint
  • ses ascendants, ses descendants et ses frères et sœurs
  • les ascendants, les descendants et les frères et sœurs de son conjoint.

Incidences des régimes matrimoniaux

Les parts, actions ou droits :

  • détenus en propre par les ascendants, descendants et les frères et sœurs du défunt ou de son conjoint sont à prendre en compte en totalité pour l’appréciation du seuil de 50 %
  • détenus en commun par les ascendants, descendants et frères et sœurs du défunt ou de son conjoint sont également à prendre en compte en totalité pour l’appréciation du seuil de 50 %.

En revanche, ceux qui appartiennent en propre aux conjoints des ascendants, des descendants et des frères et sœurs du défunt ou de son conjoint ne peuvent être retenus pour l’appréciation du seuil de 50 %.

 

Source : Alice Guittet et Christel Tessier pour l’ESBanque

 

L’absence de limite dans la chaîne de participation

Cette disposition s’applique quel que soit le nombre de personnes morales ou d’organismes interposés. La notion de chaîne de participation permet de viser les cas où plusieurs sociétés sont interposées entre les personnes physiques et les biens, même les cas les plus complexes avec des participations croisées et des participations des sociétés filles dans les sociétés mères.

Le critère du groupe familial est limité à l’appréciation du seuil

Seuls les actions, parts ou droits détenus par le défunt au jour de la transmission sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit en application de l’alinéa 2 du 2° de l’article 750 ter du CGI.

Les titres ou droits détenus par le groupe familial dans ladite société sont retenus uniquement pour l’appréciation du seuil de 50 %.

L’absence de critère de prépondérance immobilière

La doctrine précise dans cette situation que l’actif de la personne morale ou de l’organisme, détenu par le défunt, peut être constitué (BOI précité, n° 200) :

  • d’immeubles bâtis ou non bâtis situés sur le territoire français ou de droits réels immobiliers portant sur ces biens, donnés ou non en location
  • de titres ou de droits d’une personne morale ou d’un organisme propriétaire de biens ou droits immobiliers sur le territoire français
  • de titres ou de droits d’une personne morale ou un autre organisme titulaire d’une participation dans une autre personne morale ou un organisme propriétaire des biens ou droits immobiliers français.

Dans cette hypothèse, et à la différence du 4ème alinéa, il n’est pas nécessaire que la société soit à prépondérance immobilière. Par ailleurs, la valeur des biens ou droits immobiliers dans l’actif total de la personne morale ou de l’organisme contrôlé directement ou indirectement par le défunt n’aura aucune incidence.

A noter :

A la différence des immeubles pour lesquels la détention indirecte est prise en compte selon les modalités visées ci-dessus, il n’existe pas de règle équivalente permettant d’imposer indirectement les biens meubles français détenus par des sociétés étrangères.

Curiosité législative qui n’aura pas échappé à certains, usant du truchement de sociétés dont le siège est hors de France pour y loger des biens meubles ayant pourtant un rattachement matériel bien ancré en France. Prudence néanmoins car l’administration pourra toujours écarter un montage déguisant la transmission de biens situés en France sous l’apparence de la transmission de biens étrangers.

article 750 ter 2° du cgi : l’exclusion des immeubles affectés à l’exploitation d’une personne morale

L’article 750 ter, 2°, alinéa 5 du CGI prévoit une exception au principe de taxation qui concerne tant le 2ème que le 4ème alinéa, en disposant que : « […] les immeubles situés sur le territoire français, affectés par une personne morale, un organisme ou une société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l’exercice d’une profession non commerciale ne sont pas pris en considération. ».

Ainsi lorsque la société a son siège à l’étranger, si les immeubles détenus par la société sont affectés à l’exercice de son activité opérationnelle, les droits sociaux correspondants ne sont pas imposables en France.

notion d’affectation à l’exploitation : absence de définition législative

Se pose la question de la définition de la notion d’affectation : comment différencier un immeuble affecté à l’activité de la société de celui qui ne l’est pas ? Doit-on considérer que l’exploitation doit être exercée directement par la société ou l’exploitation indirecte peut-elle également être retenue ?

Il n’existe, à notre connaissance, aucune définition légale et aucune jurisprudence à ce sujet. Or, de cette définition dépend la prise en compte ou non de l’immeuble situé en France pour la détermination :

  • soit de la prépondérance immobilière française d’une société étrangère,
  • soit de la valeur imposable d’une société étrangère contrôlée directement ou indirectement par le défunt et détenant des immeubles ou droits immobiliers en France.

affectation de l’immeuble à l’exploitation : position doctrinale

La doctrine administrative ne fournit pas beaucoup de précisions quant à la notion de « propre exploitation ».

On observera seulement que s’agissant de l’alinéa 4 du 2° de l’article 750 ter du CGI, la doctrine fait état, dans l’exemple qu’elle fournit, d’une activité qui devrait être exercée « par la personne morale elle-même », donc a priori, directement (BOI précité n° 120).

Toutefois il s’agit là d’une interprétation de l’Administration puisque le texte de l’article 750 ter, 2°, alinéa 5 du GCI ne précise pas s’il doit s’agir d’une exploitation directe ou indirecte.

La doctrine administrative précise en matière d’IFI que : « D’une façon générale, les actifs professionnels s’entendent de ceux qui, ayant un lien de causalité directe suffisant avec l’exploitation, sont utilisés effectivement pour les besoins de l’activité professionnelle ou ne pourraient être utilisés à un autre usage » (BOI-PAT-IFl-30-10-10-40, n° 1).

S’agissant de l’article 151 septies B du CGI concernant les plus-values immobilières à long terme réalisées par les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu, le législateur a utilisé une terminologie identique à celle de l’article 750 ter, 2°, alinéa 5 du CGI.

Dans ce cadre, la doctrine administrative a précisé que les biens immobiliers ainsi que les droits et parts susceptibles de bénéficier de l’abattement sont les biens inscrits à l’actif immobilisé et affectés par l’entreprise à sa propre exploitation.

Le cas de la location-gérance :

Lorsque l’immeuble est affecté à un fonds de commerce dont l‘exploitation est en location-gérance, doit-on considérer qu’il s’agit d’une exploitation directe ou indirecte ?

Arguments en faveur d’une exploitation « directe »

La notion d’exploitation requiert en effet qu’au-delà de l’imposition dans une catégorie de revenus relevant des activités professionnelles (BIC, BNC, BA), les immeubles soient directement utilisés pour le développement d’une activité de nature industrielle, commerciale, libérale ou agricole : production ou fourniture de biens et/ou de services (usine, local commercial, etc.), ou à des fins administratives (bureaux).

Les hôtels sont considérés comme relevant de la catégorie des immeubles affectés à l’exploitation, dès lors qu’ils sont exploités directement par leurs propriétaires ou au travers d’une société qui leur est liée (B01-B1C-PVMV- 20-40-30-20170405, n° 210).

La doctrine administrative semble ainsi exclure le bénéfice de l’abattement prévu par l’article 151 septies B du CGI aux plus-values réalisées à raison de la cession d’un immeuble qui serait affecté à un fonds de commerce exploité indirectement via une location-gérance consentie à une société tierce, non liée au propriétaire de l’immeuble.

Arguments en faveur d’une exploitation « indirecte »

Toutefois, la jurisprudence administrative retient la solution inverse.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Nancy, reprenant le jugement du Tribunal administratif de Rouen (12 avril 2012, n°’ 1002785 et 1003464, 2″ ch., Seguin, RJF 10/12, n° 894), a jugé dans un arrêt du  15 mai 2014 (n° 13NC00192, 2e ch., arrêt définitif, RJF 8-9/14, n° 762) que le propriétaire d’un fonds de commerce qui, après l’avoir exploité personnellement, le donne en location-gérance doit être regardé, eu égard à la nature de ce contrat, comme poursuivant sous une autre forme l’exercice de son activité professionnelle pour l’application  des dispositions  de  l’article  151 septies B du  CGI.

Pour l’interprétation de l’article 750 ter, 2°, alinéa 5 du CGI dans le cas de la location-gérance, il existe des arguments pour soutenir qu’un immeuble mis à la disposition du locataire-gérant devrait être considéré comme un bien affecté à la propre exploitation du propriétaire de l’immeuble. Le texte de l’alinéa 5 ne le limite pas à une exploitation directe, la jurisprudence relative à l’article 151 septies B du CGI est également favorable.

Cependant, il existe un risque que l’administration fiscale retienne une interprétation plus restrictive et considère, en cas de contrôle fiscal, que l’immeuble n’était pas affecté par le défunt à la propre exploitation de la société. L’administration pourrait s’appuyer à cet égard sur sa doctrine susvisée visant spécifiquement l’article 750 ter, 2° du CGI, ainsi que sa doctrine visant l’article 151 septies B du CGI.

détention directe de bien immobilier : absence de notion d’affectation

Si l’exclusion est prévue par le législateur en cas de détention indirecte, il n’existe pas de dispositions similaires dans l’hypothèse où des immeubles sont affectés à l’exploitation d’une activité professionnelle et sont détenus directement par le défunt.

Dès lors que le bien immobilier français peut être considéré comme affecté à l’exploitation, il sera donc préférable de le placer en société afin d’obtenir l’exclusion prévue par la loi !

immobilier français possédé indirectement : valorisation des titres détenus par le défunt

titres détenus indirectement : principe de valorisation

Dès lors que ces sociétés étrangères détenant de l’immobilier français sont à prépondérance immobilière ou sont détenues à plus de 50% par le défunt ou son groupe familial, seule la fraction de la valeur des actions, parts ou droits détenus par le défunt, représentative de la valeur de l’immeuble ou du droit immobilier sis en France réputé possédé indirectement, dans l’actif total de ces organismes ou personnes morales est soumise aux droits de mutation à titre gratuit en France (article 750 ter 2 et BOI précité n° 280).

Ce sont donc bien les titres sociaux qui seront soumis aux droits de succession français, et non l’immeuble individuellement.

Précision est ici faite, s’agissant du critère de prépondérance immobilière, que l’immobilier français est comparé à l’actif mondial et non aux seuls actifs français. Ainsi, les droits de succession ne sont dus qu’à proportion de ce que représentent les immeubles français dans l’actif total de la société.

Se pose la question du calcul de ce prorata immobilier. Deux principes peuvent être envisageables :

  • Méthode dite « des pourcentages de détention », selon laquelle il est appliqué le pourcentage de détention du défunt via la chaine de participation sur le bien immobilier français
  • Méthode dite « de prorata immobilier », selon laquelle un pourcentage de la valeur de l’immobilier est déterminée dans l’actif brut total de la société cible, laquelle société cible représente une valeur à définir de la société détenue in fine par le défunt. Cette méthode figure dans l’ancienne doctrine administrative (non reprise au BOFiP).

valorisation des droits détenus indirectement : illustration chiffrée

 

Source : Alice Guittet et Christel Tessier pour l’ESBanque

 

Nous pouvons constater que :

  • L’immeuble français représente 2% de l’actif total de la société B.
  • La société B représente 60% de l’actif total de la société A

Valorisation des titres de la société A pour les besoins de la déclaration de succession française :

  • Méthode des pourcentages de détention

    Détermination de la chaine de participation = 92%* 99% = 91,08%
    Les titres de la société A = 91,08% x valeur de l’immeuble.
    Base imposable = 91,908% * 6,5M€ ≈ 6M€

  • Méthode de prorata immobilier :
    Détermination du prorata immobilier : 2% * 60% = 1,2%
    Les titres de la société A = 1,2% x valeur vénale de la société A.
    Base imposable = 1,2% x 300M€ = 3,6M€

Ainsi, la seconde méthode, moins intuitive que la première, peut s’avérer favorable au contribuable.

Par ailleurs, il conviendra de déclarer ces titres, et non pas les biens immobiliers, dans la déclaration de succession en fonction du prorata immobilier retenu.

Dès lors que ce sont les titres qui sont imposables et non l’immobilier, la question se pose de savoir si une combinaison de l’article 750 ter 2° du CGI avec le dispositif Dutreil pourrait être envisageable ?

Les dispositions de l’article 787 B du CGI s’appliquent en effet aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe, dès lors que le groupe développe une activité éligible, toutes les autres conditions devant être par ailleurs remplies.

Ce régime Dutreil, conduisant à un abattement de 75 % de la valeur imposable, s’applique à la transmission de toutes les sociétés éligibles y compris celles basées à l’étranger. La doctrine administrative le confirme expressément (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 30, 21/12/2021).

La question de cette possible combinaison reste donc pleinement ouverte.

TABLEAU SYNOPTIQUE DE TAXATION EN FRANCE AU REGARD DE L’ARTICLE 750 TER DU CGI ALINEA 2

Source : Alice Guittet et Christel Tessier pour l’ESBanque

 

International : quel régime matrimonial ? quelle succession ?

International : quel régime matrimonial ? quelle succession ?

Temps de lecture estimé : 12 min
Les règles matrimoniales et successorales internationales, revues par les règlements européens de 2015 et 2019, restent complexes surtout au niveau fiscal. Analyse.

 

Dans un contexte croissant de mondialisation, il est fréquent que les situations patrimoniales et familiales présentent un élément d’externalité : investissements à l’étranger, expatriation de tout ou partie de la famille par exemple. Cette situation est accentuée dans des familles dites fortunées.

On estime à 2,5 millions le nombre de Français vivant à l’étranger tandis que 4,8 millions d’étrangers résident en France. Lorsqu’une personne décède dans un Etat de résidence différent de l’État dont elle a la nationalité ou lorsqu’elle possède des biens situés dans plusieurs États, la succession qui s’ouvre est internationale. Comme dans le cadre d’une succession nationale, il convient dans un contexte transfrontalier de déterminer tout d’abord le régime matrimonial puis de liquider la succession tant au niveau civil que fiscal.

 

quel régime matrimonial à l’international ?

Le régime matrimonial est l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et avec les tiers, du mariage à sa dissolution. Lors de l’ouverture d’une succession, l’identification du régime matrimonial du défunt permet de connaître la masse de biens sur laquelle s’appliqueront les règles successorales.

Au niveau transnational, il convient de distinguer entre les couples mariés avant ou après le 26/01/2019, date d’entrée en application du Règlement Européen N°2016/1103 sur les régimes matrimoniaux.

mariage international avant l’entrée en vigueur du Règlement Européen sur les régimes matrimoniaux (26/01/2019)

Pour les couples mariés avant le Règlement Européen sur les régimes matrimoniaux N°2016/1103 ou n’ayant pas modifié leur régime matrimonial depuis cette date, on distingue :

Mariage avant le 01/09/1992 : Jurisprudence et droit international privé                    

La jurisprudence et le droit international français se basent sur le principe dit d’autonomie de volonté des époux, le critère prédominant étant le lieu de fixation de leur premier domicile matrimonial. Ce critère de rattachement est permanent, la loi du premier domicile matrimonial s’applique pendant toute la durée du mariage (même si les époux déménagent) et quel que soit le lieu de situation de leurs biens.

Ex : Couple de Français marié en 1989 à Paris, leur premier domicile est en Espagne. Pendant toute la durée du mariage, ils relèvent du régime matrimonial espagnol.

Régime matrimonial international après le 01/09/1992 : la Convention de La Haye du 14/03/1978

Les couples mariés après le 01/09/1992 et jusqu’au 26/01/2019 relèvent de l’application de la Convention de La Haye du 14/03/1978.

L’avancée principale de cette convention est de permettre aux couples de choisir la loi applicable :

>> Choix avant le mariage :

L’article 3 de la Convention offre 3 options :

  • La loi de l’État dont l’un des époux a la nationalité au moment de la désignation
  • La loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle
  • La loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux établit une nouvelle résidence habituelle après le mariage.

Cette loi s’applique à tous les biens des époux sauf à ce que ces derniers choisissent pour les immeubles la loi du lieu de leur situation.

Exemple

Monsieur est français, Madame est luxembourgeoise. Ils résident en Suisse. La loi applicable à leur régime matrimonial pouvait être la loi française ou luxembourgeoise (loi de nationalité des époux) ou la loi suisse (résidence habituelle au moment du mariage).

>> Choix de changement après le mariage :

La Convention de La Haye prévoit dans son article 6 la mutabilité volontaire du régime matrimonial : les époux peuvent alors décider d’eux-mêmes de changer de loi applicable en choisissant l’une des deux premières options définies à l’article 3 :

  • la loi de l’État dont l’un des époux a la nationalité au moment du choix de changement
  • la loi de l’État où l’un des époux a sa résidence habituelle

Le caractère rétroactif de ce changement n’étant pas certain, les époux ont intérêt à le préciser dans la modification.

Ce changement de loi applicable permis par la Convention de La Haye est également ouvert aux couples mariés avant le 01/09/1992.

>> Absence de choix des époux :

Dans cette hypothèse, la loi applicable est la loi interne de l’État de première résidence habituelle des époux ou, à défaut, la loi nationale commune des époux ou, à défaut, la loi de l’État avec lequel ils entretiennent les liens les plus étroits.

Au cours du mariage, les époux sont soumis à une mutabilité automatique. Il s’agit là d’un lourd inconvénient institué par la Convention de La Haye dans son article 7.

Ce changement automatique de loi advient dans 3 cas :

  • Lorsque les époux installent leur résidence dans l’État de leur nationalité commune
  • S’ils résident plus de 10 ans dans un État après le mariage
  • Pour les époux qui n’avaient pas de résidence commune dans le même Etat après le mariage, lorsqu’ils fixent leur résidence dans un même État.

Exemple

Couple de Français marié en 1995 à Paris mais domiciliés au Royaume-Uni. A défaut de choix, la loi applicable est la loi de première résidence habituelle des époux, soit la loi anglaise (régime de séparation des biens). De retour en France en 1998 (Etat de nationalité commune), leur régime matrimonial mute automatiquement en régime légal française (communauté réduite aux acquêts).

Cette mutabilité automatique du régime matrimonial a des conséquences importantes.

Elle est de portée universelle, la Convention de La Haye bien que ratifiée par 3 pays (France, Luxembourg, Pays Bas), s’appliquant également pour les États tiers.

Elle est le plus souvent découverte au décès.

En principe, cette mutabilité automatique n’est pas rétroactive, ce qui suppose de liquider plusieurs régimes matrimoniaux différents selon les périodes du mariage.

Exemple

Couple d’autrichiens mariés en 1998 à Vienne (régime légal autrichien de la séparation de biens). Domiciliés en France, à partir de 2008 et quand bien même l’Autriche n’a pas ratifié la Convention de La Haye, la Convention s’applique en France et le régime matrimonial des époux devient le régime légal français de la communauté réduite aux acquêts.

couples mariés après l’entrée en vigueur du règlement européen sur les régimes matrimoniaux

Entrée en application le 29/01/2019, le Règlement Européen sur les régimes matrimoniaux (Règlement RM) a pour objectif d’assurer une plus grande sécurité juridique des rapports patrimoniaux pour les ressortissants de Etats membre signataires. A ce jour, 18 États sur les 28 de l’UE ont mis en application ce Règlement : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Suède et Slovénie. Le Règlement RM s’applique aux couples mariés ou au changement de régime matrimonial à compter du 29/01/2019. Les époux peuvent choisir :

  • Soit la loi de l’État de résidence habituelle de l’un des époux au moment du choix
  • Soit la loi de l’État de nationalité de l’un des époux au moment du choix

Le choix peut intervenir avant ou après le mariage mais n’a pas d’effet rétroactif (sauf convention contraire et dans la mesure où cette rétroactivité ne porte pas atteinte aux droits des tiers).

A défaut de choix, la loi applicable est déterminée selon 3 critères hiérarchisés :

  • Loi de première résidence habituelle commune des époux après le mariage
  • Loi de l’État de nationalité commune des époux au mariage
  • Loi de l’État avec lequel les époux ont ensemble des liens les plus étroits au moment du mariage

Le Règlement est d’application universelle et s’applique même si la loi n’est pas celle d’un État signataire :

Exemple

Couple de Français mariés en 2020 à Paris qui s’installent immédiatement après leur mariage au Japon. La loi japonaise sera applicable à leur régime matrimonial à défaut de choix.

Le Règlement instaure surtout un principe d’immutabilité de la loi applicable, le régime matrimonial est fixé par choix ou à défaut au moment de l’union mais n’est pas modifié par la suite sauf volonté des époux : la mutabilité automatique est supprimée.

Exemple

Couple de français mariés en 2020 à Paris qui s’installent en Allemagne : à défaut de choix la loi applicable est le régime allemand de « participation aux acquêts ». Quelques années plus tard, il décide de revenir en France : le retour est sans incidence sur leur régime matrimonial qui reste le régime allemand.

Si le couple s’était marié en 2018, lors de leur impatriation les époux auraient été soumis à la loi française du fait de leur nationalité commune, et ce sans rétroactivité. En conséquence 2 régimes matrimoniaux se seraient succédés compliquant la liquidation en cas de décès ou de divorce.

Dans certaines hypothèses, le Règlement RM ne trouve pas à s’appliquer :

  • en cas de contrariété de la loi désignée à une loi dite de police (dont l’observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique ou sociale de l’État au point d’en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire) ou en cas de contrariété à l’ordre public international.Par exemple, la loi étrangère désignée refuse à l’épouse d’exercer librement une profession : le juge français peut considérer cette loi comme une atteinte à l’ordre public et l’écarter.
  • A titre exceptionnel, un des époux peut demander auprès des autorités judiciaires l’application de la loi de l’État de la dernière résidence habituelle commune des époux, ce qui crée une insécurité juridique.

En synthèse

Date du mariageAvant le 01/09/1992Entre le 01/09/1992 et le 26/01/2019Après le 26/01/2019 (ou modification du régime après
cette date)
Loi applicableJurisprudence et Droit International PrivéConvention de La Haye du 14/03/1978Règlement européen sur les régimes matrimoniaux du 26/01/2019
Loi applicableRecherche de la volonté du couple : critère prédominant : lieu de fixation du 1er domicile matrimonial Choix possibles :
Avant le mariage (Art. 3) :
- Loi de l’État dont l’un des époux a la nationalité
- Loi de l’État où l’un des époux a sa résidence habituelle
- Loi de l’État où l’un des époux établit une nouvelle résidence commune après le mariage.

Après le mariage (Art. 6) : Mutabilité volontaire
- Loi de l’État dont l’un des époux a la nationalité au moment du choix de changement
- Loi de l’État où l’un des époux a sa résidence habituelle

Choix possibles avant ou après le mariage :

- Loi de l’État de résidence habituelle de l’un des époux au moment du choix
- Soit la loi de l’État de nationalité de l’un des époux au moment du choix


Loi applicableRecherche de la volonté du couple : critère prédominant : lieu de fixation du 1er domicile matrimonial Absence de choix :
Par ordre :
- Loi interne de l’État de première résidence habituelle des époux
- Loi de nationalité commune des époux
- Loi de l’État avec lequel ils entretiennent les liens les plus étroits.
Absence de choix :
Par ordre :
- Loi de première résidence habituelle commune des époux après le mariage
- Loi de l’État de nationalité commune des époux au mariage
- Loi de l’État avec lequel les époux ont ensemble des liens les plus étroits au moment du mariage
Loi applicableRecherche de la volonté du couple : critère prédominant : lieu de fixation du 1er domicile matrimonial 3 cas de mutabilité automatique (art. 7) :
- Lorsque les époux installent leur résidence dans l’État de leur nationalité commune
- S’ils résident plus de 10 ans dans un État après le mariage
- Pour les époux qui n’avaient pas de résidence commune dans le même État après le mariage, lorsqu’ils fixent leur résidence dans un même État.
Fin de la mutabilité automatique

Afin de réduire l’incertitude concernant la détermination de la loi applicable à leur régime matrimonial, les époux ont ainsi tout intérêt à bénéficier du règlement RM et à choisir leur régime matrimonial.

Une fois déterminé ce dernier, comment est liquidée, civilement et fiscalement, la succession internationale ?

quelles règles civiles et fiscales pour les successions internationales ?

Depuis le 17/08/2015, le Règlement Européen N°650/2012 a simplifié le traitement des successions ayant un caractère d’extranéité. Néanmoins ce Règlement n’intervient pas dans le domaine fiscal.

au niveau civil : Règlement Européen sur les successions internationales à compter du 17/08/2015

Avant la réforme sur les successions internationales de 2015 

Pour les successions internationales ouvertes avant le 17/08/2015, la loi française distingue :

  • Les biens immeubles pour lesquels la loi applicable est celle de l’État de leur situation
  • Les autres biens meubles régis par la loi de l’État du dernier domicile du défunt

Depuis le règlement sur les successions internationales du 17/08/2015 

Le Règlement européen sur les successions prévoit un critère unique de détermination de la loi applicable à l’ensemble de la succession :

  • En premier lieu, la loi applicable est celle de la résidence habituelle du défunt à son décès.

Exemple

Un ressortissant français décède au Portugal où il résidait. La succession s’ouvrira selon les règles civiles portugaises.

  • Si la résidence habituelle est difficile à déterminer (cas des expatriés qui vivent de façon alternée dans plusieurs États), le droit successoral applicable dépend alors de l’État avec lequel le défunt présente des liens les plus étroits, tels que la localisation de sa famille ou de son patrimoine.
  • La personne peut également choisir de soumettre sa succession à la loi de l’État dont elle a la nationalité.

Un Français peut donc en application du Règlement Européen faire régir sa succession selon le Code Civil français, peu importe son lieu de résidence à son décès. La désignation de la loi nationale comme loi successorale applicable est nommée professio juris. Cette désignation s’effectue par testament.

En savoir plus : 

Pour les personnes amenées à changer de résidence ou qui réalisent des investissements dans différents Etats, la professio juris permet d’assurer le maintien de la loi successorale applicable nonobstant le lieu de résidence ou des investissements. La professio juris permet également de faciliter le règlement successoral lorsque des spécificités françaises sont difficilement appréhendées à l’étranger.

Exemple

Un couple de Français mariés en régime de communauté universelle avec clause d’attribution intégrale s’installe en Suisse : le droit successoral suisse ne reconnait pas la possibilité pour le conjoint survivant de recueillir l’intégralité de la communauté par contrat de mariage. S’il y a établissement d’une professio juris, la loi applicable au décès est la loi française, évitant ainsi toute difficulté.

Combiner les règlements sur les régimes matrimoniaux du 29/01/2019 et le règlement succession du 17/08/2015 

Par ces deux règlements, les couples expatriés peuvent choisir la même loi applicable à leur régime matrimonial et à leur succession, en l’occurrence celle de la nationalité.

La liquidation du régime matrimonial et le traitement civil de la succession sont alors grandement simplifiés.

Le principe d’application de la loi de dernière résidence du défunt, à défaut de professio juris, est écarté dans l’hypothèse où la loi étrangère est incompatible avec l’ordre public international. Il en est ainsi lorsque la loi désignée porte des règles discriminatoires d’ordres racial, social, sexuel ou religieux par exemple.

La question s’est posée dans le cas où la loi étrangère applicable permettrait une atteinte à la réserve héréditaire et donc la possibilité de déshériter ses enfants.

La médiatique affaire du musicien Maurice Jarre a permis à la Cour de Cassation de prendre position sur la question. En l’espèce, le compositeur qui vivait aux Etats-Unis avait institué sa seconde épouse légataire universel de son patrimoine et bénéficiaire d’un trust. Les enfants déshérités ont contesté la succession. Dans un arrêt du 27/09/2017, la Cour de Cassation a confirmé la décision de Cour d’Appel considérant qu’« une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français. »

La Cour de Cassation relève le caractère ancien et durable du domicile du défunt aux États-Unis et le fait que les enfants ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique.

Nul doute que le contentieux en cours sur la succession de Johny Halliday apportera de nouvelles précisions sur cette question qui nécessite sans doute une appréciation au cas par cas, en recherchant notamment la volonté du défunt.

 

En synthèse

Date du décèsAvant le 17/08/2015Après le 17/08/2015
Loi applicableLoi de chaque ÉtatRèglement européen N°650/2012 sur les successions
Pour la loi française :

- Bien immeuble : loi de l’État de situation
- Bien meuble : loi de l’État du dernier domicile du défunt
Par ordre :

- Loi de la résidence habituelle du défunt à son décès

- Loi de l’État avec lequel le défunt présente des liens les plus étroits

- Possibilité de choisir loi de l’État de sa nationalité : professio juris

L’entrée en vigueur du Règlement Européen a facilité la liquidation civile des successions internationales mais n’intervient nullement dans le domaine fiscal où la compétence demeure encore quasi-exclusivement celle des Etats.

fiscalité des successions internationales : convention fiscale ou article 750 ter du CGI

Présence d’une convention fiscale internationale

Les conflits de détermination de la résidence fiscale du défunt entre la France et le pays étranger sont généralement résolus en présence d’une convention fiscale internationale qui, par l’application de critères successifs (foyer permanent d’habitation, centre des intérêts vitaux, lieu de séjour du défunt) fixe la compétence fiscale d’un des deux Etats signataires.

Généralement, le droit d’imposer les biens immobiliers est attribué au pays de leur situation et les biens mobiliers sont imposés selon les règles du pays de résidence du défunt au sens de la convention

Exemple

Ressortissant français domicilié en Belgique. A son décès, l’actif successoral est composé d’un compte bancaire en Belgique et d’une résidence en France.

Application de la Convention entre la France et la Belgique signé le 20/01/1959.

Si le défunt résidait en Belgique au sens de la Convention, il relève de ladite Convention qui prévoit une imposition de l’immeuble là où il est situé (Art.4) et du compte bancaire dans l’Etat de domicile du défunt (Art.8). L’immeuble est imposable en France, les avoirs en Belgique.

Les conventions prévoient également le mécanisme de suppression des doubles impositions via l’imputation d’un crédit d’impôt égal, selon le cas à l’impôt français ou étranger ou une exonération de l’impôt français.

La France a signé une Convention portant sur les successions avec à peine 8 pays de l’UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Italie, Royaume-Uni, Suède) et 25 pays hors UE (dont les Etats-Unis).

La Convention sur les successions avec la Suisse a été dénoncée en 2015.

Absence de convention fiscale 

Dans cette hypothèse, l’article 750 ter du CGI définit les situations dans lesquelles une succession est taxable en France. L’impôt est ainsi dû lorsque :

  • Le défunt est fiscalement domicilié en France : les droits de succession s’appliquent alors à l’ensemble de ses biens situés en France ou à l’étranger.
  • Le défunt et l’héritier sont domiciliés hors de France mais la succession porte sur des biens français ou situés en France.Exemple : Le défunt réside avec sa famille en Russie. Il possède une résidence en France. A son décès, le bien immobilier sera soumis aux droits de succession français.
  • Le défunt est fiscalement domicilié hors de France mais l’héritier est fiscalement domicilié en France ou l’a été pendant au moins 6 ans au cours des dix dernières années: sont alors taxés les biens en France ou à l’étranger.
    Exemple : Le défunt résidait au Luxembourg, les héritiers en France. Quand bien même il n’existe pas de droits de succession au Grand-Duché, la France est compétente pour taxer la part successorale des héritiers domiciliés en France.

La notion de biens français est entendue dans un sens très large et concerne :

  • les immeubles situés en France, détenus de manière directe ou indirectes par des sociétés françaises ou étrangères
  • les biens meubles « français » au sens de ce texte : les capitaux déposés auprès d’une banque française mais également les obligations émises par l’État français, les valeurs mobilières émises par une société française même en dépôt auprès d’une banque à l’étranger.

Le critère de taxation par la résidence de l’héritier est une particularité française, la majorité des pays appliquant uniquement le critère de résidence du défunt et de localisation des biens.

Exemple

Le défunt résidait en Espagne, l’héritier est en Belgique. Taxation aux droits de successions suivant les règles espagnoles uniquement. Sauf si un immeuble appartenant au défunt est situé en Belgique, cette dernière n’est pas compétente, nonobstant la résidence de l’héritier.

Cette problématique de la territorialité des droits de mutation à titre gratuit est vivement ressentie par les ressortissants étrangers qui ne connaissent pas de droits de successions dans leurs pays (Portugal, Suède, Israël, Suisse, Dubai, Luxembourg…) et ce d’autant plus que le seuil de déclenchement de la taxation est relativement bas en France et à des taux rapidement élevés.

L’absence de convention fiscale peut également conduire à une double taxation.

L’article 784 A du CGI prévoit la possibilité d’imputer l’impôt de succession étranger sur l’impôt de succession français dans les situations relevant du 1) et 3) de l’article 750 ter du CGI vu précédemment.

Exemple

Succession d’un résident français détenant un bien immobilier en Thaïlande : taxation en France et en Thailande sur ce bien immobilier.

Possibilité d’imputer les droits payés en Thaïlande sur les droits de mutation dus en France

Bien que simplifié au niveau civil par l’entrée en vigueur de règlements européens, le traitement des successions à caractère international reste encore peu uniformisé au niveau fiscal. L’intervention et le conseil d’un professionnel du patrimoine sont donc plus que jamais indispensables.

Auteur
Julien Milinkiewicz  

Formateur intervenant à L’École supérieure de la banque – Ingénieur patrimonial Luxembourg