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Dans une économie globalisée, où l’on peut vivre dans plusieurs pays, comment s’apprécient les critères de résidence fiscale en France ? Quelles conséquences patrimoniales ?

Avec la mondialisation de l’économie, le développement du transport aérien ou encore la révolution digitale, il n’est pas rare de partager son activité professionnelle et sa vie personnelle entre plusieurs Etats. Cette tendance est d’autant plus marquée auprès de la clientèle fortunée qui dispose souvent de plusieurs lieux de villégiature à travers le globe.

La détermination de la résidence d’une personne physique est la condition préalable pour déterminer sa situation fiscale et ainsi définir les obligations qui lui incombent. Quelle que soit sa nationalité et ses liens avec un autre pays, si une personne physique est fiscalement domiciliée en France, elle relève du droit fiscal français pour son impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux mais également les droits de donation ou de succession.

quels sont les critères pour être résident fiscal en france ?

Il convient d’avoir à l’esprit que le domicile fiscal est décorrélé de la nationalité : un étranger peut être domicilié en France et un ressortissant français n’est pas nécessairement établi fiscalement en France.

L’article 4 B du CGI définit les critères permettant la détermination du domicile fiscal du contribuable.

Ces critères sont alternatifs et non pas cumulatifs, il convient qu’un seul soit rempli pour que la personne physique soit résidente fiscale française.

critères personnels : le foyer et le lieu de séjour principal

Le droit français retient deux critères personnels pour déterminer la résidence fiscale sur son sol : le foyer familial en première référence, à défaut le lieu de séjour principale.

Est ainsi résident(e) fiscal(e) en France :

  • toute personne qui a son foyer en France.Le foyer est caractérisé par le centre des intérêts familiaux du contribuable (pour le célibataire il s’agit du centre de vie personnelle) et le lieu où il habite normalement.La famille reste un marqueur relevant de la qualification du foyer.

    A ainsi été considéré comme ayant son foyer en France un contribuable dont l’épouse et les enfants vivent en Gironde, même s’il détient un appartement à l’étranger dans lequel il exerce son activité professionnelle et ce, durant de longs séjours (Conseil d’Etat 17/12/2010).

    A l’inverse, n’a pas de foyer en France une personne propriétaire d’un bien en France mais dont les factures d’électricité et de téléphone font apparaître des montants modestes montrant que l’intéressé n’a pas de vie de famille en France (Cour d’Appel Administrative Lyon 30/03/2017).

  • l’individu qui a en France son lieu de séjour principal, peu importe qu’il demeure dans une habitation lui appartenant, louée, mise à sa disposition ou à l’hôtel.

    Le caractère principal du séjour est établi pour un séjour en France de plus de 6 mois au cours d’une année ou si la durée en France est nettement supérieure à celle des séjours effectués à l’étranger.

En priorité, l’administration fiscale détermine s’il existe un foyer en France. Si c’est le cas, le lieu de séjour est sans effet. Ce n’est que s’il est impossible de qualifier un foyer que le lieu de séjour principal est examiné.

critère professionnel : le lieu d’exercice de son activité professionnelle à titre non accessoire

Est fiscalement domicilié en France, le salarié qui y exerce effectivement et régulièrement son activité professionnelle.

Pour les non-salariés, il convient de rechercher le point d’attache fixe en France.

A été qualifié comme ayant son activité professionnelle en France, un ressortissant autrichien qui disposait en France des moyens matériels nécessaires à son activité, comme un appartement où il avait installé son bureau (Cour d’Appel Administrative Paris 11/04/2018 : N°17PA01706 2 Chambre).

Dans l’hypothèse où la personne exerce dans plusieurs pays, l’individu sera sujet fiscal en France s’il y exerce son activité principale.

L’activité principale se définit comme celle à laquelle il consacre le plus de temps effectif, même si cette activité ne dégage pas l’essentiel de ses revenus et même si le contribuable n’en perçoit aucune rémunération.

Par une volonté accrue des autorités de renforcer le contrôle de la résidence fiscale des dirigeants d’entreprise, la Loi de Finances 2020 a étendu la domiciliation fiscale aux dirigeants dont l’entreprise a son siège social en France et réalise plus de 250 M€ de chiffre d’affaires (CA).

Au-delà de l’impact en matière d’imposition sur le revenu, cet élargissement de l’article 4 du CGI peut avoir de lourdes conséquences patrimoniales pour le dirigeant domicilié en France.

Ainsi, un ressortissant belge, habitant en Belgique en famille mais assurant la direction d’une entreprise en France à plus de 250 M€ de CA, est considéré sur la base de ce nouveau critère comme résident fiscal en France. S’il procède à une donation à ses enfants, il est alors imposable aux droits de donation selon le barème français (tranche marginale d’imposition à 45% pour la part taxable transmise supérieure à 1 805 677 €), quand bien même en Belgique les droits de donation peuvent, sous conditions, être réduits à zéro.

De même, un ressortissant portugais habitant au Portugal, mais domicilié en France sur ce nouveau marqueur, relève des droits de succession en France alors qu’ils n’existent pas au Portugal.

troisième critère : le centre des intérêts économiques

Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques et ce, même si elles n’y séjournent pas ou n’y ont pas d’activité professionnelle.

Critère très large, le centre des intérêts économiques du contribuable vise le lieu où il a effectué ses principaux investissements, possède le siège de ses affaires, administre ses biens ou en tire la majeure partie de ses revenus.

La détermination du centre des intérêts économiques peut être délicate car elle nécessite une comparaison entre la situation du contribuable en France et dans d’autres pays.

Ainsi, un retraité au Cambodge a son centre des intérêts économiques en France, car il perçoit une retraite de source française qui constitue sa seule source de revenus (Conseil d’Etat 17/06/2015).

De même, un ressortissant français résidant à Monaco a été considéré comme ayant le centre de ses intérêts économiques en France l’année où il a réalisé une importante plus-value de cessions de titres d’une société française, sans commune mesure avec ses revenus de source monégasque (Cour d’Appel Administrative Marseille 25/03/2016).

Avec les nombreux confinements et restrictions de circulation liés à la Crise du Covid 19, la question s’est posée si un contribuable, « bloqué » en France pendant de long mois du fait de ces circonstances exceptionnelles, pouvait y être considéré comme domicilié fiscalement.

Un communiqué de la Direction des Impôts des non-résidents (DINR) a précisé qu’un séjour temporaire en France au titre du confinement ou de restrictions de circulation (travel ban) décidées par la France ou d’autres Etats n’est pas de nature à qualifier une résidence fiscale en France, sous réserves que les autres critères de l’article 4 du CGI ne soient pas remplis.

Ainsi, une personne vivant aux Etats-Unis avec sa famille mais étant confinée en France pour une période indéterminée ne devient pas fiscalement français.

peut-on être résident dans deux pays ? articulation entre le droit interne et le droit conventionnel

Lorsqu’une personne physique remplit les conditions de résidence de deux Etats, il convient de se référer à la Convention fiscale signée entre les Etats contractants, afin de déterminer la juridiction dans laquelle le contribuable doit être considéré comme domicilié.

Il est alors nécessaire de se référer à la convention fiscale concernée sachant qu’il existe plus de 3000 conventions fiscales bilatérales dans le monde. En 2019, la France compte ainsi 121 conventions fiscales avec des pays tiers, ce qui en fait l’un des réseaux le plus large au monde.

Dans un souci d’harmonisation, l’ONU mais aussi l’OCDE ont établi des modèles dont les conventions bilatérales s’inspirent.

La convention de l’ONU concerne principalement les situations de double imposition entre pays développés et pays dits en développement.

La Convention modèle OCDE traite de l’imposition sur le revenu et la fortune. Elle établit des critères qui doivent être examinés de manière successive.

Une personne physique est réputée résidente de l’Etat contractant :

  • où elle dispose d’un foyer permanent d’habitation (toute forme d’habitation aménagée et réservée à l’usage de l’intéressé d’une manière durable)
  • où elle a le centre de ses intérêts vitaux (relations familiales et sociales, le siège des affaires de l’intéressé, la répartition de son patrimoine mobilier ou immobilier, activités culturelles ou politiques…)
  • où elle séjourne de façon habituelle
  • dont elle possède la nationalité

transfert de domicile fiscal : les précautions à prendre

Afin de se prémunir contre une éventuelle tentative de requalification de son domicile fiscal, la personne physique quittant la France se doit de respecter un minimum de recommandations.

Compte tenu du premier critère du foyer familial, il semble impératif que l’ensemble des membres du foyer fiscal se délocalisent, ce qui implique le départ du conjoint et des enfants.

Concernant l’immobilier, les critères du lieu de séjour principal mais aussi de centre des intérêts économiques supposent :

  • de ne pas conserver la résidence principale en libre disposition
  • de céder la majeure partie de l’immobilier locatif avant le départ ou de les donner en pleine propriété aux enfants non attachés au foyer fiscal.

Idéalement, il faut rompre tout lien professionnel avec la France. Il est conseillé au chef d’entreprise qui conserve une société en France, d’en déléguer la gestion ou d’être nommé Président du Conseil de Surveillance, activité non salariée rémunérée par des jetons de présence et qui ne nécessite pas une présence quotidienne.

Les actifs financiers peuvent être également considérés comme une source de revenus et un centre d’intérêt économique. La majorité de ces placements doit être transférée hors de France (Luxembourg, Suisse).

En matière de vie sociale, il convient également de résilier tous les abonnements qui soulignent une activité en France (opéras, clubs de sport…) et les prévoir dans le nouvel Etat de résidence.

Depuis 2020, les autorités fiscales disposent d’un nouvel arsenal pour contrôler la résidence fiscale du contribuable (et les fausses domiciliations à l’étranger) en ayant la possibilité de collecter et d’exploiter les contenus accessibles sur les plateformes d’échanges ou les réseaux sociaux. Certains contribuables devront être prudents avant de publier sur Internet les clichés de « vacances prolongées » à Paris ou sur la Côte d’Azur.

Déterminer la résidence fiscale en France est une opération complexe. Les principes directeurs restent très larges et l’apport de la jurisprudence est omniprésent. Il est également nécessaire de recourir aux conventions fiscales internationales, d’application délicate.

Les modes de vie, de plus en plus internationalisés, soulèvent aussi de nouvelles interrogations quant à la détermination de la résidence fiscale.

Quant aux souhaits de transfert de résidence à l’étranger, ils doivent être étudiés avec précision car des indices de domiciliation fiscale en France peuvent demeurer.

Dans tous les cas, il est indispensable de consulter un conseil spécialisé en gestion de patrimoine internationale dont le rôle est ici essentiel.

Auteur
Julien Milinkiewicz  

Formateur intervenant à L’École supérieure de la banque – Ingénieur patrimonial Luxembourg