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Article mis à jour le 11 février 2020

Depuis une dizaine d’année, de nombreux Etats de l’Union Européenne ont institué des régimes d’impatriation afin de capter la clientèle HNWI (High Net Worth Individuals, personnes disposant d’au moins un million d’euros d’actifs hors résidence principale). Cette fiscalité attractive a pour objectif avoué d’attirer une clientèle aisée qui consomme et investit fortement.

La Suisse, où le Canton de Vaud a créé le forfait fiscal en 1862, et plus récemment la Belgique ne sont donc plus les seuls pays fiscalement attractifs.

Tour d’horizon de la France vers l’Italie, en passant par le Portugal et le Luxembourg.

le régime français des impatriés

Peu connu bien qu’existant depuis 2004, le régime français de l’impatriation couvre tant l’impôt sur la fortune que l’impôt sur le revenu. Suite au Brexit, il a d’ailleurs été renforcé afin de le rendre encore plus attractif auprès des financiers quittant la City.

en matière d’impôt sur le revenu

Le régime d’impatriation permet aux personnes physiques, de nationalité française ou non, appelées par une entreprise à travailler en France, de bénéficier d’une fiscalité avantageuse en terme d’impôt sur le revenu.

Le salarié ou dirigeant concerné pourra bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu sur le supplément de rémunération lié à son activité en France, appelé prime d’impatriation qui pourra être forfaitairement évalué à 30% de sa rémunération nette globale (qu’il s’agisse depuis le 16/11/2018 d’un contrat de travail intragroupe ou d’un contrat de recrutement direct par une entreprise établie en France).

Il pourra également bénéficier d’une exonération de la prime d’expatriation, c’est à dire la rémunération de son travail qu’il exercerait encore temporairement par mission à l’étranger.

Le cumul d’exonération de la prime d’impatriation et de la prime d’expatriation est cependant plafonné :

  • Soit à un montant global pour les deux primes de 50 % de la rémunération globale
  • Soit à 20 % de la rémunération globale nette de la prime d’impatriation pour la seule prime d’expatriation

Enfin, certains revenus de son patrimoine seront également exonérés d’impôt sur le revenu à hauteur de 50% de leur montant :

  • les revenus de capitaux mobiliers (dividendes, coupons) et plus-values de cession mobilière de ses actifs financiers détenus à l’étranger.
  • les produits de la propriété industrielle ou intellectuelle provenant de pays étranger.

Ceci sous les conditions suivantes :

  • Ne pas avoir été résident en France durant 5 ans précédant la prise de fonctions
  • Devenir résident fiscal français au sens du droit interne français

Si la prise de fonction est intervenue depuis le 31 juillet 2016, le régime français des impatriés est applicable jusqu’au 31 décembre de la huitième année d’arrivée (contre 5 années auparavant).

en matière d’impôt sur la fortune

Sous conditions identiques mais sans nécessité d’exercer une quelconque activité professionnelle lors leur installation, les personnes physiques qui transfèrent leur résidence fiscale en France ne seront imposables à l’impôt sur la fortune immobilière que pour les biens situés en France.

Les biens situés à l’étranger sont totalement exonérés et ce durant une période de 5 ans.

le régime italien des impatriés

A partir de 2020, un nouveau dispositif viendra renforcer l’attractivité de l’Italie qui avait déjà mis en place en 2017 deux régimes dits d’impatriation forfaitaire et d’imposition libératoire.

un nouveau régime fiscal des impatriés à partir de 2020 

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant 2 ans précédant l’arrivée
  • Devenir résident fiscal italien au sens du droit interne italien
  • Exercer une activité professionnelle en Italie

Le contribuable bénéficiera d’une exonération d’impôt à hauteur de 70% des revenus d’activités produits en Italie pendant 5 ans. L’exonération monte à 90% pour les contribuables qui transfèrent leur résidence dans les régions du Sud (Abruzzes, Molise, Campanie, Pouilles, Calabre, Sardaigne, Sicile, Basilicate).

Ce régime de faveur est renouvelable pour 5 ans de plus, en présence d’un enfant mineur à charge ou de l’acquisition d’un bien résidentiel sur le territoire.

imposition forfaitaire des revenus étrangers 

De manière optionnelle et sous condition :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant 9 des 10 dernières années

Le contribuable impatrié bénéficiera sur 15 ans d’une imposition forfaitaire et  libératoire de 100 000 €/an sur les revenus de source étrangère et ce quels que soient les montants de ces revenus (sauf plus-value de cession de participations dites « qualifiées » dans les 5 premières années d’imposition en Italie).

Notons que l’assujetti ne pourra simultanément bénéficier de ce régime forfaitaire optionnel qui entre en vigueur en 2020 et de celui des impatriés.

imposition libératoire de 7 %

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident en Italie pendant les 5 ans précédant l’arrivée
  • Percevoir des retraites versées depuis l’étranger
  • Devenir résident ausonien dans une ville de moins de 20 000 habitants situés dans les régions du Sud

L’imposé pourra profiter pendant 5 ans d’une imposition libératoire à 7% sur tous les revenus de source étrangère.

Un régime spécifique a également été mis en place pour attirer en Italie les professeurs et chercheurs (exonération d’imposition pour 90 % de leurs revenus professionnels pendant 3 ans, sous conditions).

Ciblant tant les HNWI que les retraités et combinées à une fiscalité attractive en matière de droits de successions avec un abattement 1 M€ en ligne directe, de telles mesures devraient dans les années à venir offrir de belles opportunités propres à transformer l’Italie en « Floride européenne ».

le régime résident non habituel au portugal

Dans la perspective d’attirer des experts dans des activités à haute valeur ajoutée et des bénéficiaires de pensions perçues à l’étranger, le Portugal a créé dès 2009 le régime dit Resident nao habitual (Résident non habituel).

avantages pour les retraités étrangers 

Sous conditions :

  • Ne pas avoir été résident au Portugal pendant 5 ans précédant l’arrivée
  • Séjourner plus de 183 jours par an au Portugal pour être considéré comme résident fiscal portugais

Le retraité dont la pension est versée par une entité étrangère (sauf fonction publique) et qui transfert sa résidence au Portugal ne supportera aucune imposition à l’impôt sur le revenu au Portugal, et ce durant une période de 10 ans.

Ce statut RNH très favorable vient d’être modifié par la Loi de Finances adoptée par le Parlement portugais le 06/02/2020. Les retraités du privé venant s’installer fiscalement au Portugal à partir du 01/01/2020 seront redevables au Portugal d’un impôt sur le revenu de 10 % et ne seront donc plus totalement exonérés d’impôt pendant 10 ans.

Les résidents installés avant le 01/01/2020 et bénéficiant du statut RNH continueront néanmoins à bénéficier de l’exonération d’impôt pendant les 10 années suivant leur installation au Portugal.

Il était également à prévoir qu’un tel avantage fiscal serait scruté avec attention par la France : par deux décisions récentes, le Conseil d’Etat (décisions du 9 novembre 2015 n° 370054 et n° 371132) considère désormais que, pour être résident fiscal d’un pays, il faut y être effectivement imposé. Dès lors, si on est exonéré d’impôt, on ne peut avoir cette qualité et se prévaloir des avantages prévus par la convention fiscale. Et si la convention fiscale n’est pas applicable, c’est le droit fiscal français qui s’applique.

L’administration fiscale ne s’est pour le moment pas prononcer mais le retraité français pourrait ainsi perdre le statut RNH et être qualifié de résident fiscal français du fait de cette nouvelle interprétation.

avantages pour les revenus provenant d’une activité salariée 

L’impatrié qui résidait hors du Portugal depuis 5 ans, bénéficiera sur ses revenus d’activité salarié ou indépendante de source portugaise reconnus comme à forte valeur ajoutée, d’une imposition forfaitaire de 20% (en comparaison le taux marginal d’imposition sur les revenus est de 48%).

Les activités à valeur ajoutée sont définies par les autorités portugaises et englobent largement des métiers allant des ingénieurs, aux musiciens en passant par les auditeurs, conseillers fiscaux ou médecins.

Notons qu’une nouvelle liste des professions à haute valeur ajoutée est en vigueur au 1/01/2020.

Combinés à la douceur du climat, le succès de ce régime ne se dément pas et les ressortissants français sont de loin les premiers investisseurs étrangers au Portugal.

le step-up fiscal luxembourgeois

Centre financier d’envergure mondial et doté déjà d’une fiscalité patrimoniale attrayante (pas de droits de succession en ligne directe, pas d’Impôt sur la fortune, neutralité fiscale sur les produits d’assurance vie), le Luxembourg poursuit une politique de stabilité législative misant également sur la qualité de vie et la sécurité de ses résidents.

Depuis 2016, par le mécanisme du step-up fiscal, le Grand-Duché veut attirer le dirigeant en phase de cession de son entreprise.

step-up fiscal pour les personnes physiques transférant leur résidence fiscale au luxembourg 

Au Luxembourg, les plus-values de valeurs mobilières sont imposables si la cession porte sur des titres détenus depuis moins de 6 mois ou si elle porte sur une participation qualifiante : le cédant a détenu seul ou avec son conjoint, son partenaire ou ses enfants mineurs, au cours des 5 dernières années antérieures à la vente, plus de 10% du capital de la société.

Par le mécanisme du step-up, postérieurement à l’impatriation au Luxembourg, la plus-value réalisée se calcule sur la différence entre le prix de vente et la valeur estimée des titres au moment de l’installation au Grand-Duché.

Le Luxembourg renonce ainsi à son droit d’imposer la plus-value accumulée dans l’ancien pays de résidence, seule la plus-value créée depuis l’arrivée sera imposable à l’impôt sur le revenu (TMI à 42%).

Les conventions OCDE stipulant pour les plus-values sur valeurs mobilières la compétence unique du pays de résidence, sauf dans l’hypothèse d’un Exit Tax depuis son pays de départ, le contribuable nouvellement installé cédant sa participation qualifiante sera imposée sur une assiette fiscale particulièrement minorée.

Au-delà des dispositifs favorables ainsi évoqués, le client fortuné ne devra pas oublier de vérifier dans son pays d’accueil la validité et la pertinence des structurations patrimoniales mises préalablement en place, qu’elles soient civiles (testament, contrat de mariage), financières (contrat d’assurance vie) ou fiscales (démembrement de propriété).

Une expatriation nécessite donc un audit patrimonial complet et plus qu’à l’habitude, un accompagnement indispensable des professionnels du patrimoine.

Auteur
Julien Milinkiewicz  

Formateur intervenant au CFPB-Ecole supérieure de la banque – Ingénieur patrimonial Luxembourg