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Patrimoine : quels outils de gestion juridique lorsque la dépendance survient ?

Patrimoine : quels outils de gestion juridique lorsque la dépendance survient ?

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La préparation de la retraite est un sujet aujourd’hui bien identifié et relativement bien traité en gestion de patrimoine, mais la gestion de la dépendance l’est beaucoup moins 

Or, avec l’accroissement de l’espérance de vie, les situations de dépendance et leur durée augmentent.  

La dépendance se définit comme l’incapacité d’accomplir de manière autonome les tâches du quotidien 

On parle légalement de dépendance lorsque cette altération des facultés d’autonomie concerne les personnes âgées de plus de 60 ans (articles L 113-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles). En deçà de cet âge, les personnes non autonomes sont considérées comme handicapées ou invalides. 

La dépendance est donc liée au vieillissement et peut concerner : 

  • la perte d’autonomie physique 
  • ou/et l’altération des facultés mentales 

Ce dernier cas est malheureusement le plus délicat à gérer patrimonialement puisque la personne vulnérable ne peut plus prendre de décision cohérente. 

Selon les dernières études statistiques, les personnes dépendantes représentaient 1,5 millions de personnes en 2017, soit 15 % des personnes de plus de 60 ans. Selon les prévisions de l’INSEE, la dépendance pourrait concerner 4 millions de personnes en 2050. 

En gestion de patrimoine, les situations de dépendance supposent qu’une personne tierce prenne en charge les actes de gestion courante mais aussi d’arbitrage et de disposition sur le patrimoine de la personne vulnérable. Il est aussi nécessaire qu’un représentant puisse agir pour la personne elle-même et prendre des décisions concernant l’adaptation de son cadre de vie (aménagement du domicile ou entrée dans un établissement spécialisé) ou des dispositions médicales. 

Mais qui peut représenter la personne dépendante ? Avec quels pouvoirs ? Comment protéger au mieux la personne dépendante, tout en évitant d’éventuels abus de son représentant ? 

La loi a établi des cadres juridiques stricts pour cette représentation 

Dans ce premier article, nous ferons le point sur les techniques de gestion patrimoniale de la dépendance lorsque celle-ci est malheureusement survenue. 

Nous verrons, dans notre article suivant, pourquoi il est important de prévoir ces situations de dépendance et comment les anticiper. 

SOMMAIRE

  • Comment gérer juridiquement la dépendance une fois survenue ?
  • Les procédures juridiques et judiciaires de représentation de la personne devenue dépendante

comment gérer juridiquement la dépendance une fois survenue ? 

Lorsqu’une personne devient dépendante et qu’elle ne peut plus gérer de manière autonome son patrimoine, plusieurs mesures de représentation légale sont possibles. 

les pouvoirs de représentation des proches ou des personnes liées 

Afin de gérer le patrimoine de la personne dépendante, on pense dans un premier temps à ses proches : conjoint, enfant, membre de la famille mais aussi aux personnes liées patrimonialement tels les indivisaires ou les associés. 

Quels sont leurs pouvoirs respectifs pour représenter la personne dépendante ? 

Les pouvoirs de représentation du conjoint 

Dans les régimes de séparation de biens, les pouvoirs de gestion des époux sont séparés et ne concernent que leurs biens personnels. Les règles de ce régime matrimonial ne permettent donc pas au conjoint de gérer le patrimoine de son époux. 

Dans les régimes de communauté, il en va autrement pour les biens communs. Chaque époux peut en effet exercer seul le pouvoir de gestion mais aussi de disposition sur les biens de communauté (article 1421 du Code civil). Un seul des époux peut ainsi engager des réparations sur un bien immobilier par exemple, le mettre en location (sauf s’il s’agit du logement familial) …, sans avoir à obtenir l’accord de son conjoint. 

Néanmoins, un certain nombre d’exclusions viennent limiter ce pouvoir de représentation sur les biens communs (articles 215 alinéa 3, articles 1422, 1424 et 1425 du Code civil) 

L’accord des deux époux est ainsi nécessaire pour : 

  • les actes de disposition concernant le logement de la famille et les meubles meublant le garnissant  
  • les actes de disposition entre vifs et à titre gratuit sur des biens communs (donation par exemple) 
  • les actes affectant un bien commun à la garantie d’une dette
  • les actes aliénant ou grevant de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations, droits sociaux non négociables et biens meubles soumis à publicité, relevant de la communauté (cession d’un bien immobilier commun par exemple)
  • les actes de perception de capitaux issus de ces opérations
  • les actes de transfert d’un bien commun dans une fiducie
  • les actes donnant à bail un fonds rural, un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal considérés comme des biens communs.

Même en communauté, les actes patrimoniaux les plus importants sur les biens communs nécessitent ainsi l’accord du conjoint, ce qui peut bloquer la gestion patrimoniale lorsque ce dernier est dans l’incapacité de manifester sa volonté.

A noter :

Un conjoint ne peut vendre seul un bien immobilier commun. L’accord de son époux est nécessaire comme nous venons de le voir.

Il peut néanmoins investir des sommes communes à l’acquisition d’un bien immobilier sans l’accord de son conjoint. Ce bien acquis par un seul des époux reste néanmoins un bien de communauté (article 1401 du Code civil). Lors de la liquidation de la communauté, un calcul de récompense à la communauté sera réalisé.

Pour représenter pleinement son époux dépendant, ou pour réaliser une opération spécifique pour laquelle le régime matrimonial ne lui donne pas pouvoir, comme la cession d’un bien immobilier commun par exemple, le conjoint devra instruire une demande en justice.

Il dispose alors de deux possibilités :

Cette mesure permet à un époux de réaliser seul un acte défini pour lequel l’autorisation de son conjoint est normalement nécessaire. Cette autorisation peut être demandée si l’un des époux est dans l’incapacité de manifester sa volonté ou si son refus engendre un blocage non justifié par l’intérêt de la famille.

Cet acte ne doit pas néanmoins créer une dette ou une obligation personnelle pour l’époux qui n’est pas signataire de l’acte.

Cette possibilité est ouverte à tous les régimes matrimoniaux puisqu’elle fait partie du régime dit primaire, réunissant les règles communes à tous les régimes. L’article 219 du Code civil prévoit ainsi la possibilité de représentation d’un époux par l’autre en cas d’incapacité du conjoint de manifester sa volonté.

A la différence de l’autorisation à agir, le conjoint reçoit ici davantage de pouvoirs et une véritable représentation de son époux, dont le périmètre est décidé par le juge.

Le juge des contentieux de la protection (nouvelle terminologie pour le juge des tutelles depuis le 01/01/2020) va recevoir le dossier, auditionner le conjoint représentant et éventuellement l’époux en situation d’incapacité, recueillera éventuellement l’avis des enfants majeurs. Il donnera sa décision par jugement, ce dernier précisant l’étendue des pouvoirs confiés au conjoint représentant. Sauf cas spécifique, ces pouvoirs ne concernent que des actes d’administration.

Quelles différences entre actes d’administration, de disposition et de conservation ?

Ces actes ont été définis par décret en 2008.

Un acte d’administration est un acte de gestion courante ne modifiant pas les droits sur le bien concerné (perception de loyers, paiement de charges, bail d’habitation …).

Un acte de disposition est un acte transférant un droit réel sur un bien (droit de pleine propriété, d’usufruit, de nue-propriété) à une autre personne : une cession, une donation …

Un acte conservatoire est un acte pris en urgence ou par nécessité afin de permettre de conserver un bien ou un droit sur ce bien.

En l’absence d’habilitation judiciaire ou d’un pouvoir légal ou d’un mandat, certains actes réalisés par le conjoint à la place de son époux défaillant peuvent néanmoins être considérés comme valables vis-à-vis de celui-ci, lorsqu’ils sont exécutés dans le cadre d’une gestion d’affaires (article 219 alinéa 2 du Code civil). Il faut entendre par là la gestion courante, d’un immeuble par exemple.

quels pouvoirs de représentation pour le concubin ou le partenaire de pacs ?

Le concubin ou le partenaire de Pacs ne dispose pas de cette possibilité de représentation par autorisation à agir ou par habilitation judiciaire.

Si son partenaire se trouve en situation de dépendance et que rien n’a été anticipé, il lui faudra recourir aux autres procédures que nous allons étudier : habilitation familiale ou si nécessaire aux mesures plus lourdes de la sauvegarde de justice, curatelle ou de la tutelle.

quelles sont les possibilités de représentation des enfants ?

Si les enfants ont des devoirs de secours financiers ou en nature vis-à-vis de leurs parents et ascendants dans le besoin (obligations alimentaires de l’article 205 du Code civil), pour autant ils ne disposent pas de facto d’un pouvoir de représentation de leurs parents.

Une fois la dépendance survenue et si rien n’a été prévu, ils devront donc également recourir aux mesures spécifiques d’habilitation familiale, sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle.

quid en cas de défaillance d’un indivisaire ?

Lorsqu’une personne se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté, ce qui survient fréquemment en cas de dépendance, et si des biens patrimoniaux sont en indivision, les autres indivisaires ne peuvent passer outre les règles de majorité ou d’unanimité propre à l’indivision.

Pour pouvoir prendre les décisions nécessaires, ils doivent obtenir :

  • une autorisation judiciaire permettant d’exécuter un acte précis en l’absence de l’accord de l’indivisaire défaillant (article 815-5 du Code civil)
  • ou une habilitation judiciaire à portée générale ou particulière permettant une représentation de l’indivisaire dépendant (article 815-4 du Code civil).

quelle représentation pour le dirigeant ou l’associé devenu dépendant ?

Dans les sociétés patrimoniales ou professionnelles, les statuts peuvent prévoir la représentation du gérant ou dirigeant en cas d’incapacité par la désignation d’un gérant de substitution.

Mais en ce qui concerne la qualité d’associé, primordiale pour les prises de décision collective en assemblée, les statuts ne peuvent pas prévoir de facto une représentation d’un associé par un autre. Un associé peut être représenté en assemblée mais :

  • cette représentation doit être décidée par l’associé lui-même, ce qui n’est plus possible si la dépendance survient alors qu’il n’avait rien prévu.
  • ou cette représentation ne peut s’effectuer que par un représentant légal désigné par une mesure de sauvegarde de justice, de tutelle ou de curatelle.

Un pacte d’actionnaire permet de régir les relations entre associés mais n’est pas opposable aux tiers. Il ne permet donc pas une représentation légale de l’associé défaillant.

Si la situation de dépendance d’un associé survient brutalement et que rien n’a été préparé, les autres associés n’auront pas d’autre choix que recourir à une procédure de sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle. L’habilitation familiale ne sera possible qu’entre membres de la même famille comme nous allons le voir et son fonctionnement allégé, notamment en termes de contrôle de la représentation, n’est pas idéale pour la gestion d’une société.

Dans tous les cas, ces mesures sont longues à mettre en place et cette situation peut bloquer le bon fonctionnement de la société et éventuellement mettre son avenir en péril.

En présence d’une société, d’autant plus à objet professionnel, l’anticipation d’une éventuelle incapacité du dirigeant et/ou associé est indispensable.

 

Quelles mesures de représentation de la personne dépendante pour les proches ou les personnes liées ?

 

 

les procédures juridiques et judiciaires de représentation de la personne devenue dépendante

Quelle que soit la situation de la personne vulnérable, les pouvoirs de représentation de ses proches ou personnes liées sont relativement limités. Hormis l’époux et l’indivisaire disposant de possibilités d’autorisation ou d’habilitation judiciaire, les autres intervenants devront recourir à des mesures juridiques ou judiciaires plus larges et plus ou moins lourdes.

l’habilitation familiale : une mesure de protection juridique allégée

L’habilitation familiale est une procédure juridique et non judiciaire (articles 494-1 et suivants du Code civil). Si elle requiert la décision du juge du contentieux de la protection, ce dernier n’exerce aucun contrôle sur la gestion de l’habilitation. Sa mise en place puis sa gestion sont nettement plus allégées que pour les mesures de sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle.

Instituée par l’ordonnance du 15 octobre 2015, l’habilitation familiale a en effet pour but de permettre la représentation d’une personne incapable beaucoup plus facilement et rapidement que les procédures judiciaires existantes jusqu’alors.

Comme son nom l’indique, l’habilitation familiale ne peut conférer de pouvoirs de représentation qu’à une ou plusieurs personnes de la famille : un ascendant, un descendant, un frère ou une sœur, le conjoint, le concubin ou le partenaire de Pacs.

Cette mesure requiert donc l’existence et la volonté de représentation d’un ou plusieurs membres de la famille. Elle ne permet pas de désigner un mandataire judiciaire.

Le juge qui reçoit la demande s’assure de :

  • la situation de dépendance de la personne à protéger (dossier médical actant une dégradation des facultés intellectuelles ou physiques),
  • la nécessité de recourir à une représentation (les possibilités de procurations étant inexistantes ou insuffisantes)
  • l’intérêt de la personne à protéger,
  • l’absence d’opposition légitime des proches à la désignation du représentant familial.Le cas échéant, l’habilitation familiale ne serait pas prononcée.

Une fois l’habilitation familiale mise en place, sa gestion se réalise librement par le représentant dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés. Le représentant n’est pas rémunéré pour cela.

Aucune personne n’est désignée pour exercer un contrôle de l’exercice de cette habilitation et le représentant familial n’a pas à dresser d’inventaire ni à rendre compte de sa gestion auprès du juge.

Selon la situation et les besoins, le juge peut décider :

  • d’une habilitation spéciale ou partielle pour réaliser uniquement certains actes d’administration ou de disposition. La personne représentée conserve alors sa capacité à agir pour les autres opérations patrimoniales. Les actes de disposition à titre gratuit (donation) requièrent systématiquement l’autorisation du juge.
  • d’une habilitation générale : la personne dépendante est alors totalement représentée pour les actes d’administration, les actes de disposition mais aussi pour les décisions de sa vie personnelle, comme le choix d’une structure de vie, de soins médicaux. La durée de l’habilitation est déterminée par le juge et ne peut excéder 10 ans. Si l’état de santé de la personne représentée le nécessite toujours, la durée peut être prolongée sans excéder 20 ans.L’habilitation générale est portée en marge de l’acte de naissance de la personne protégée.

En général, le juge ne confie pas de pouvoir sur les actes de disposition patrimoniale, sauf si cela est absolument nécessaire et urgent (comme par exemple vendre la résidence principale de la personne dépendante pour financer son entrée en établissement spécialisé).

La gestion des comptes bancaires est considérée comme une gestion patrimoniale courante et non comme des actes de disposition.

Dans le cas fréquent où seuls les actes d’administration sont délégués au représentant familial, il sera nécessaire de demander une nouvelle habilitation familiale spéciale pour la cession d’un bien immobilier si cela devient nécessaire par la suite.

Si la gestion de l’habilitation familiale pose difficultés, le juge peut être à nouveau sollicité pour modifier son périmètre ou la désignation du représentant.

L’habilitation familiale prend fin par :

  • le décès de la personne représentée
  • le recours à une autre mesure : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle
  • un jugement de suppression définitif de l’habilitation à la demande d’un proche ou du procureur de la République
  • la fin de la durée prévue et son non renouvellement
  • lorsque les actes prévus ont été réalisés dans le cadre de l’habilitation spéciale

 

la sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice est une mesure judiciaire provisoire, dont l’objet est de représenter la personne incapable pendant une durée limitée, en évitant de recourir à une curatelle ou une tutelle (articles 433 et suivants du Code civil).

La personne majeure à protéger conserve ses droits exceptés certains actes pour lesquels elle est représentée. Elle ne peut pas divorcer par consentement mutuel ou accepté.

La sauvegarde de justice peut être prononcée :

  • suite à une déclaration, auprès du procureur de la République, du médecin traitant accompagné de l’avis d’un psychiatre ou du médecin de l’établissement de santé où réside la personne à protéger.
  • ou sur demande de la personne à protéger, de son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs, d’un parent, du procureur de la République, d’un tiers (médecin…), auprès du juge des contentieux de la protection.

Le juge interroge la personne à protéger ou pas si les facultés de celle-ci ne le permettent pas.

S’il décide de la sauvegarde de justice, le juge désigne un mandataire spécial pour accomplir des actes limités et définis de représentation. Il peut s’agir d’acte d’administration ou de disposition (vente immobilière).

Le juge donnera la priorité à une représentation par un membre de la famille, mais à la différence de l’habilitation familiale, il peut confier si nécessaire cette représentation à un professionnel mandataire judiciaire.

Ce mandataire doit remettre un compte-rendu de sa gestion au juge et à la personne protégée.

La sauvegarde de justice est prononcée pour une durée maximale d’un an, renouvelable une seule fois. Elle prend fin :

  • à la fin du délai fixé
  • lorsque les actes concernés ont été réalisés
  • si la personne retrouve ses facultés
  • s’il est décidé une mise en curatelle ou sous tutelle
  • au décès de la personne protégée s’il intervenait pendant la durée de la sauvegarde de justice.

la curatelle

La curatelle est une mesure de protection plus large que la sauvegarde de justice et destinée à une durée plus longue si nécessaire (articles 440 et suivants du Code civil).

La personne protégée est assistée d’un ou plusieurs curateurs désignés pour accomplir certains actes déterminés, souvent les plus lourds patrimonialement, tels les actes de disposition. Elle conserve néanmoins son autonomie pour réalise les autres actes patrimoniaux.

Seules les personnes suivantes peuvent faire une demande de curatelle auprès du juge des contentieux de la protection :

  • la personne à protéger elle-même
  • le conjoint, concubin, partenaire de Pacs
  • un parent ou allié
  • une personne proche
  • le procureur de la République à son initiative
  • un tiers (médecin …)

Le juge auditionne le majeur à protéger sauf si cela est impossible en raison de son état de santé.

Le ou les curateurs désignés sont en priorité des membres de la famille ou un proche ou à défaut un mandataire judiciaire.

Un subrogé curateur peut également être désigné pour contrôler la gestion du ou des curateurs.

Le curateur doit rendre compte de sa gestion au juge et à la personne protégée.

Il existe 3 types de curatelle :

  • la curatelle simple : la personne protégée conserve les actes d’administration mais est assistée de son curateur pour les actes de disposition. L’accord du juge est par ailleurs nécessaire pour les actes concernant la résidence principale.
  • la curatelle renforcée : la gestion du compte bancaire, normalement considéré comme acte d’administration, est réalisée par le curateur.
  • la curatelle aménagée : le juge définit la liste des actes que la personne peut réaliser seule et ceux pour lesquels l’assistance du curateur est nécessaire, sorte de curatelle sur mesure.

La curatelle est décidée pour une durée de 5 ans, renouvelable une fois. Exceptionnellement, le juge peut accroître cette durée mais sans excéder 20 ans.

La curatelle prend fin :

  • au décès de la personne protégée
  • si elle n’est plus nécessaire sur avis médical et décision du juge
  • à l’expiration de la durée fixée
  • si une mesure de tutelle est mise en place

la tutelle

La tutelle est la mesure la plus large de représentation (articles 440 et suivants du Code civil).

Son objectif est de permettre une représentation continue de la personne à protéger :

  • les actes de disposition ne peuvent être autorisés que par le juge
  • concernant les actes de disposition à titre gratuit : la personne protégée peut rédiger seule un testament avec l’autorisation du juge et peut réaliser des donations en étant assistée par son tuteur et sur autorisation du juge.
  • les actes d’administration sont réalisés par le tuteur
  • la personne protégée conserve la possibilité d’exercer seule les actes dits personnels (demande de carte d’identité par exemple, mariage, pacs après information du tuteur, droit de vote)

La demande de tutelle est faite auprès du juge des contentieux de la protection par :

  • la personne à protéger elle-même
  • le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs
  • un parent ou allié
  • un proche entretenant avec cette personne des liens étroits et stables
  • le procureur de la République

La personne protégée est auditionnée par le juge sauf si son état de santé ne le permet pas.

La tutelle peut être prononcée par le juge même en cas de désaccord familial.

Le tuteur est désigné en priorité parmi les membres de la famille ou des proches, à défaut le juge fera appel à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

La tutelle s’exerce sous le contrôle permanent du juge des contentieux de la protection. Un subrogé tuteur, chargé de contrôler la gestion du tuteur, peut également être désigné.

La tutelle s’exerce sous le contrôle permanent du juge des contentieux de la protection. Un subrogé tuteur, chargé de contrôler la gestion du tuteur, peut également être désigné.

La tutelle est prononcée pour 5 ans ou 10 ans, renouvelable une fois, s’il est certain que les facultés de la personne ne peuvent s’améliorer.

La tutelle prend fin :

  • sur décision du juge si elle n’est plus nécessaire
  • à l’expiration de la durée fixée
  • en cas de mise en curatelle
  • au décès de la personne protégée.

Si elles permettent la représentation patrimoniale de la personne à protéger, ces mesures restent relativement lourdes à mettre en place, et peuvent être sources de difficultés et de conflits dans les familles lorsque la dépendance survient.

C’est pourquoi il est indispensable d’anticiper ces situations. Il existe pour cela des outils et des techniques patrimoniales spécifiques, que nous aborderons dans notre prochain article.

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

LMP, LMNP : quelle imposition sur la plus-value ?

LMP, LMNP : quelle imposition sur la plus-value ?

Temps de lecture estimé : 12 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Quelle est l’imposition en cas de cession d’un bien loué en LMP, en LMNP, au titre de l’IR, des prélèvements sociaux mais aussi des cotisations sociales ?  Quelle fiscalité en cas de passage d’un statut à un autre ?

 

 

Les locations meublées professionnelles (LMP) et non professionnelles (LMNP) sont recherchées pour leur rendement et pour leur régime fiscal en termes d’IR (Impôts sur les revenus) et éventuellement d’IFI (Imposition sur la Fortune Immobilière). Nous avons pu détailler ces avantages dans notre précédent article.

Même si depuis 2021 l’imposition aux cotisations sociales est venue changer la donne, dans certaines situations les LMP et LMNP présentent toujours des atouts pendant la durée de la location.

Mais qu’en est-il lors de la cession du bien ? Quelle est l’imposition en cas de décès ou de donation ? Que se passe-t-il également quant à l’imposition de la plus-value si l’on souhaite ou doit changer de statut et passer de LMNP à LMP ou inversement ?

Avant de décider de l’opportunité d’un investissement en location meublée, il est impératif de connaître le traitement de la plus-value en cas de cession ou de mutation à titre gratuit (succession ou donation). Explications.

lmp, lmnp: 2 régimes différents d’imposition sur la plus-value

La plus-value sur un bien loué en meublé relève de deux régimes fiscaux totalement différents selon si l’activité est exercée en LMNP ou LMP.

Les cas d’imposition sont également distincts. Seule la cession est imposable en LMNP alors que la transmission à titre gratuit par donation ou succession engendre également l’imposition sur la plus-value en LMP.

lmnp et plus-value : régime de la plus-value immobilière des particuliers, une exonération longue à obtenir

Lorsque le bien est loué sous le statut de loueur en meublé non professionnelle (LMNP), la plus-value est imposable uniquement en cas de cession du bien.

Cette plus-value est imposée selon le régime dit des plus-values immobilières des particuliers (article U et articles 150 V à 150 VH du CGI), c’est-à-dire des règles d’imposition des biens immobiliers loués en location nue ou des biens de jouissance (résidence secondaire ; la résidence principale relevant d’une exonération spécifique).

La plus-value est égale à la différence entre le prix de cession et du prix d’acquisition (à titre onéreux ou à titre gratuit). Ce prix d’acquisition est majoré :

  • des frais d’acquisition réels ou forfaités à 7,5 % pour les acquisitions à titre onéreux
  • et des travaux, s’ils n’ont pas donné lieu à déduction sur les revenus fonciers ou d’un forfait pour travaux de 15 %, si le bien est détenu depuis au moins 5 ans.

Cette plus-value bénéficie d’abattement pour durée de détention :

  • au titre de l’IR : 6 % par année de détention au-delà de la 5ème  année et jusqu’à la 21ème, 4 % pour la 22ème  année.
  • pour les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de solidarité (PS)) : 1,65 % par année de détention au-delà de la 5ème année et jusqu’à la 21ème , 1,60 % la 22ème  année et 9 % pour les années suivantes.

La plus-value nette d’abattement est imposée à l’IR au taux de 19 % et aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.

Ce régime d’imposition permet une exonération totale de la plus-value après 22 ans de détention au titre de l’IR et 30 ans pour la CSG, CRDS et PS.

En LMNP, la plus-value ne subit par ailleurs aucune imposition en cas de donation ou de décès.

Ce statut est donc particulièrement avantageux pour la transmission du bien et en cas de cession si l’on détient le bien depuis une durée relativement longue.

Par ailleurs, en LMNP, la plus-value n’est pas imposable aux cotisations sociales, sauf dans certains cas :

Cas spécifiques des loueurs en LMNP dépassant 23.000 € de chiffre d’affaires annuel en location saisonnière de courte durée :

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, le bailleur qui réalise un chiffre d’affaires annuel supérieur à 23.000 € en location saisonnière de courte durée est considéré comme professionnel au titre des régimes sociaux, même s’il relève du statut de LMNP, donc non professionnel, au titre de l’IR.

En cas de cession du bien, il faut alors distinguer :

L’impôt sur le revenu :

La plus-value est imposable à l’IR selon le régime des plus-values immobilières des particuliers au taux de 19 % (après abattement pour durée de détention), puisque l’activité relève du statut de LMNP.

Les prélèvements sociaux :

Qu’en est-il pour la CSG, CRDS et PS au taux global de 17,2 % ?

L’activité étant considérée comme professionnelle aux regards du régime social, une partie de la plus-value, dite à court terme, et correspondant au total des amortissements annuels pratiqués sur le bien, est imposable aux cotisations sociales (comme dans le cas de la LMP que nous verrons en point 2).

Cette partie de plus-value à court terme subit les cotisations sociales, dont la CSG sur les revenus d’activité au taux de 9,2 % et la CRDS de 0,5 % pour 2022.

Par conséquent, bien qu’aucun texte à notre connaissance n’aborde spécifiquement cette situation, cette partie de plus-value à court terme ne peut pas être considérée comme un revenu du patrimoine imposable à la CGS, CRDS et PS au taux global de 17,2 %, puisqu’il s’agit d’un revenu professionnel soumis aux cotisations sociales.

Seule la partie long terme de la plus-value (c’est-à-dire le solde de la plus-value) serait alors imposable aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, PS) au taux global de 17,2 % et après abattement pour durée de détention.

lmp : régime des plus-values professionnelles, une imposition des amortissements aux cotisations sociales

Lorsque le loueur relève du statut de LMP, la plus-value sur le bien est imposable en cas de cession mais aussi en cas de mutation à titre gratuit, c’est-à-dire de donation ou de succession.

Cette plus-value est imposable selon le régime des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) au titre de l’IR et également pour partie aux cotisations sociales.

En LMP, le loueur est considéré comme un entrepreneur individuel et le bien immobilier est inscrit à l’actif du bilan. La sortie du bien de l’actif (en cas de cession, donation ou succession) entraîne l’imposition sur la plus-value selon le régime dit des plus-values professionnelles.

La plus-value est calculée comme la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable (VNC). Cette VNC est égale au prix d’acquisition moins le total des amortissements pratiqués annuellement sur le bien.

Plus-value professionnelle = prix de cession – (prix d’acquisition – total des amortissements annuels)

Pour l’imposition de cette plus-value, on distingue :

  • Les biens détenus depuis moins de 2 ans : l’intégralité de la plus-value est imposable au barème de l’IR, ce qui pourrait vite aboutir à une imposition conséquente si les tranches hautes du barème sont atteintes (45 % pour la tranche la plus élevée). Cette plus-value est par ailleurs imposable aux cotisations sociales au régime SSI (Sécurité Sociale des Indépendants ; taux de 30 à 40 %, voir notre précédent article)
  • Les biens détenus depuis plus de 2 ans : la plus-value comporte alors deux parties :
    • Une partie dite à court terme correspondant à la totalité des amortissements annuels pratiqués sur le bien. Cette plus-value est imposable au barème de l’IR et aux cotisations sociales au titre du SSI.
    • Une partie à long terme pour le solde de la plus-value totale. Cette plus-value à long terme est imposable au taux de 12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % pour les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et PS). Elle n’est pas imposable aux cotisations sociales.

On constate donc une imposition relativement lourde de la plus-value qui survient également en cas de donation ou de décès, à la différence du statut de LMNP.

Il existe néanmoins et heureusement plusieurs régimes d’exonération au titre de l’IR. Ces régimes ne sont pas spécifiques à la LMP. Ils sont ceux des entrepreneurs individuels en cas de cession d’actifs de leur entreprise. Il s’agit des régimes :

  • de l’article 151 septies du CGI : si l’activité est exercée à titre professionnel depuis au moins 5 ans et que le chiffre d’affaires réalisé en moyenne sur les 2 dernières années n’excède pas 90.000 € HT, la plus-value (court terme et long terme) est totalement exonérée d’IR.La plus-value à long terme est également exonérée de prélèvements sociaux (CSG, CRDS et PS). Seules demeurent les cotisations sociales sur la plus-value à long terme.

    Si le chiffre d’affaires est compris entre 90.000 € HT et 126.000 € HT, la plus-value n’est que partiellement exonérée. Dans la pratique, le seuil de 90.000 € est rarement atteint en LMP, ce qui permet donc de bénéficier de l’exonération totale à l’IR et à la CSG, CRDS, PS sur la partie plus-value à long terme, si les conditions sont satisfaites.

  • de l’article 151 septies B du CGI : ce régime prévoit un abattement de 10 % par année de détention du bien immobilier au-delà de la 5ème, soit une exonération au terme de 15 ans. Cet abattement ne concerne néanmoins que la partie plus-value à long terme. Il s’applique au titre de l’IR et des prélèvements sociaux.L’administration fiscale admet l’application de ce régime pour les loueurs en meublé depuis 2017.

Pour plus d’informations sur ces régimes :

Quelle optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise ?

Ces régimes d’imposition sont donc particulièrement avantageux pour éviter l’imposition de la plus-value au titre de l’IR. L’article 151 septies du CGI notamment permet de bénéficier d’une exonération dans un délai relativement court (5 ans) comparé au régime d’imposition sur la plus-value des LMNP (durée de détention nécessaire de 22 ans et 30 ans).

Malheureusement, ces régimes d’exonération ne sont pas applicables pour l’imposition aux cotisations sociales.

Ces cotisations sociales sont donc dues dans tous les cas sur la partie court terme de la plus-value, c’est-à-dire sur la totalité des amortissements pratiqués, dès lors que le loueur est considéré comme professionnel au titre des régimes sociaux, qu’il s’agisse d’une cession mais aussi d’une donation ou succession.

Les taux de cotisation étant relativement élevés (entre 35 et 40 %), cette imposition peut être lourde et s’accroît avec la durée d’amortissement du bien.

Ce point est un inconvénient important du statut de LMP.

En résumé :

L’imposition sur la plus-value en LMP présente :

  • 1 avantage en terme d’IR : le régime d’exonération de l’article 151 septies du CGI est plus facilement et rapidement atteignable qu’en LMNP.

2 inconvénients :

  • La donation ou le décès rendent la plus-value imposable.
  • La partie de la plus-value à court terme correspondant aux amortissements pratiqués, d’autant plus importants que la durée de détention a été longue, est imposable aux cotisations sociales.

LMP/LMNP : Imposition de la plus-value de cession :

 

 

 

LMNP

 

 

LMP

 

 

Régime fiscal

 

Régime des plus-values immobilières des particuliers

 

 

Régime des plus-values professionnelles

 

Fait générateur

 

Cession

 

Cession, Donation, Succession

 

 

Calcul de la plus-value

 

Prix de cession – Prix d’acquisition (majoré des frais d’acquisition et des travaux réalisés sous conditions)

 

Prix de cession – (Prix d’acquisition – Total des amortissements annuels pratiqués)

 

Distinction :

 

Bien détenus depuis plus de 2 ans :

–          Plus-value à court terme (PV à CT) = total des amortissements annuels pratiqués

–          Plus-value à long terme (PV à LT) pour le solde

 

Biens détenus depuis moins de 2 ans :

Plus-value à court terme pour la totalité

 

 

Abattement

 

Abattements pour durée de détention :

Exonération totale au terme de 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux

 

 

 

 

Aucun abattement

 

Taux d’imposition

 

Sur la plus-value nette d’abattement :

IR : 19 %

Prélèvements sociaux : 17,2 %

 

 

Sur la PV à CT : barème de l’IR et cotisations sociales

 

Sur la PV à LT :

IR : 12,8 %

Prélèvements sociaux : 17,2 %

 

 

Régimes d’exonération

 

Aucun (sauf bien < 15.000 €).

 

Exonération par atteinte des durées maximales d’abattement

 

 

Articles 151 septies du CGI : si l’activité est réalisée depuis plus de 5 ans et si le CA HT moyen des 2 dernières années < 90.000 € : exonération totale de la PV à CT et à LT à l’IR / exonération des prélèvements sociaux sur la PV à LT. Mais les cotisations sociales sur la PV à CT restent exigibles.

 

Article 151 septies B du CGI :

Abattement sur la PV à LT de 5 % par an au-delà de la 5ème année : exonération d’IR et de prélèvements sociaux de la PV à LT après 15 ans de détention.

 

Source : Anne Brouard pour l’ES Banque

plus-value en cas de succession de statut lmp et lmnp

La location meublée d’un bien ne se fait pas nécessairement sous le même statut pendant toute sa période de détention.  Il est possible de changer de statut et de passer volontairement, ou involontairement selon le chiffre d’affaires généré, du statut de LMNP au statut de LMP et inversement.

Ce changement de statut entraîne-t-il une imposition sur la plus-value latente du bien ?

Et comment calculer l’imposition sur plus-value lorsque l’on vend le bien après l’avoir loué en LMNP pendant une période puis en LMP pendant une autre ou inversement ?

quid en cas de passage lmnp à lmp et inversement ?

Étudions successivement les deux situations :

Passage du LMNP au LMP : quelles conséquences ?

Le bailleur louant en LMNP peut par la suite relever du statut de la LMP, si son chiffre d’affaires annuel excède 23.000 € et s’il est supérieur aux autres revenus professionnels nets du foyer fiscal, comme nous l’avons vu dans notre précédent article.

Ce passage du statut de LMNP à celui de LMP n’engendre pas d’imposition sur la plus-value latente du bien, ni au titre de l’IR, ni aux prélèvements sociaux.

Point sur les autres conséquences :

Les amortissements qui n’ont pu être imputés sur les bénéfices (amortissements réputés différés) ne sont pas perdus et sont imputables sur les bénéfices du statut de LMP.

Les déficits réalisés en LMNP qui étaient imputables sur les BIC non professionnels pendant 10 ans et qui n’auraient pas encore été déduits sont perdus, puisqu’en LMP l’activité génère des BIC professionnels, considérés comme une autre catégorie de revenus. Les nouveaux déficits qui seraient générés pendant le statut de LMP sont imputables sur le revenu global (ce qui est souvent plus avantageux) pendant une durée de 6 ans.

Par ailleurs, le statut de LMP au titre de l’IR suppose nécessairement un statut professionnel aux regards des régimes sociaux (les conditions étant alignées depuis 2021) et l’imposition aux cotisations sociales.

Pour plus d’informations :
LMP, LMNP : le régime fiscal et social de la location meublée évolue

Passage du LMP au LMNP : quelle imposition ?

Dans les cas où le chiffre d’affaires annuel de la location meublée diminue en-deçà de 23.000 €, ou que les autres revenus professionnels nets deviennent supérieurs au chiffre d’affaires de la location, le loueur en LMP passe en LMNP.

Le passage du statut de LMP à LMNP n’entraine pas d’imposition sur la plus-value au titre de l’IR sur l’intégralité de la plus-value et des prélèvements sociaux sur la plus-value à long terme, car il n’est pas considéré fiscalement comme une cessation d’activité (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 450).

Concernant les cotisations sociales sur la partie plus-value à court terme, il n’est pas certain que les régimes sociaux appliquent la même règle. Le cas échéant, les cotisations sociales sont dues sur la plus-value à court terme.

statuts lmp et lmnp pendant la durée de détention : quelle imposition sur la plus-value à la date de la cession ?

Comme nous l’avons vu, le régime d’imposition de la plus-value de cession dépend du statut LMNP ou LMP.

Mais quel régime s’applique si la location s’est réalisée sous ces deux statuts successivement ? Doit-on considérer deux périodes différentes et deux régimes d’imposition et calculs distincts de plus-value ?

Réponse : non. Un seul régime d’imposition s’applique : celui du statut de location en cours au jour de la cession (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 460). Ainsi :

  • si le bailleur était en statut LMNP puis en LMP au jour de la vente : la plus-value relève alors du régime des plus-values professionnelles.
  • s’il a exercé en LMP puis en LMNP et relève de ce statut à la date de la cession, la plus-value est alors imposée selon le régime des plus-values immobilières des particuliers.L’abattement pour durée de détention est calculé par rapport à la date d’acquisition du bien, donc en tenant compte de la période pendant laquelle le bien était en LMP.

Ce traitement fiscal est particulièrement intéressant pour les loueurs LMP qui détiennent leur bien depuis de nombreuses années et qui souhaiteraient le céder, le donner, ou éviter que leur succession ne subisse l’imposition sur plus-value.

Le statut de LMP, couplé au régime d’exonération de l’article 151 septies (si l’activité est exercée depuis plus de 5 ans et les conditions de chiffre d’affaires réunies), peut permettre à ce loueur d’être exonéré d’IR sur la totalité de la plus-value et de prélèvements sociaux sur la partie long terme.

Il restera néanmoins redevable des cotisations sociales sur la plus-value à court terme, c’est-à-dire sur la totalité des amortissements pratiqués annuellement.

Le loueur en LMP a dans ce cas intérêt à passer sous le statut LMNP avant la vente, la donation ou la succession. La plus-value relèvera alors du régime des plus-values immobilières des particuliers et bénéficiera, au titre de l’IR et des prélèvements sociaux, des abattements pour durée de détention, d’autant plus importants que la durée de détention est longue.

Les cotisations sociales ne sont pas dues en LMNP (sauf cas de la location saisonnière dont le chiffre d’affaires excède 23.000 €).

Il est néanmoins important de rester prudent dans ces opérations :

  • S’il est clairement dit fiscalement que le passage de LMP à LMNP n’entraine pas les conséquences de la cessation d’activité et l’imposition de la plus-value latente, les régimes sociaux appliqueront-ils la même règle ?

    La loi de Sécurité sociale pour 2021 prévoyait en effet que l’entrée dans le régime des cotisations sociales des loueurs en meublé soit considérée comme définitive, même si les conditions de revenus ne sont plus réunies. Il serait donc nécessaire de procéder à une radiation d’activité auprès des régimes sociaux, ce qui supposerait le paiement des cotisations sociales sur la plus-value latente à court terme. A notre connaissance, le décret d’application de cette loi est toujours en attente.

  • S’il était prouvé que le passage en LMNP a été réalisé dans un objectif exclusif et depuis 2021 principal d’éluder l’impôt, l’opération pourrait être fiscalement requalifiée pour abus de droit. L’abus de droit existe également en matière de régimes sociaux depuis 2009, même s’il y eu peu de pratique.

    Il n’est pas facile dans les faits de passer de LMP à LMNP. Avant 2018, la radiation au RCS suffisait. Aujourd’hui, le passage en LMNP suppose une baisse de chiffre d’affaires annuel en-deçà de 23.000 € (donc une baisse de recettes) ou la perception de revenus professionnels nets supérieurs au chiffre d’affaires.

    Certaines opérations, comme des donations temporaires d’usufruit d’un ou plusieurs biens loués en meublé à un enfant, pourraient alors être envisagées pour réduire provisoirement ce chiffre d’affaires en deçà de 23.000 €. Si les revenus de ces biens sont ensuite reversés, d’une manière ou d’une autre, aux parents, pour assurer leur train de vie, les risques fiscaux d’abus de droit mais aussi de requalification de la donation sont importants.

Auteur

Anne Brouard     

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Le e-testament : peut-on rédiger un testament par SMS, par mail ou en numérique ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Le dernier Congrès des Notaires a ouvert une voie vers une rédaction électronique du testament et vers une digitalisation. Le point sur ces évolutions.

 

A l’heure où les supports électroniques se généralisent, où la crise sanitaire a accéléré le recours au distanciel et au digital, pourquoi ne pas réaliser des actes patrimoniaux par voie numérique ou électronique ? Ce sujet a été particulièrement travaillé lors du 117ème Congrès des notaires de septembre dernier.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-on exprimer ses dernières volontés via un support numérique, un mail ou un SMS ? Peut-on signer un testament électroniquement ? Peut-on rédiger son testament à distance avec son notaire ? Le testament peut-il être digitalisé ?

Autant de questions qui nous amènent à faire le point sur les procédures testamentaires actuelles et sur leurs possibles évolutions.

testament : un support électronique est-il possible ?

Pour être valable, un testament doit suivre une procédure réglementée.

Légalement il peut prendre 3 formes et, à ce jour, une seule d’entre elles, le testament authentique passé devant notaire, peut être réalisée sur support électronique.

Les autres types de testament, olographe et mystique, nécessitent un support matériel, une écriture et une signature manuelles.

Les 3 formes légales de testament

Testament authentique :

Il est reçu devant notaire, plus exactement par deux notaires ou un notaire assisté de deux témoins (article 971 du Code civil). Ce formalisme en fait un acte authentique.
Le testateur dicte ses dernières volontés et le notaire les consigne par un écrit. Nous allons voir que cet écrit peut être réalisé sur un support électronique.
Le notaire relit le testament au disposant avant signature. Le testateur, le notaire et les deux témoins doivent signer l’acte.
Le testament authentique a pour avantage de bénéficier du conseil du notaire, d’avoir date certaine, force probante et force exécutoire, ainsi que d’être conservé au rang des minutes du notaire.

Il évite également la formalité de l’envoi en possession qui peut être encore nécessaire pour les testaments olographes ou mystiques dans certaines conditions, en cas d’opposition d’un tiers aux droits d’un légataire universel.

Testament olographe :

A la différence du testament authentique qui est un acte notarié, le testament olographe est un acte sous-seing privé. Il doit néanmoins satisfaire des conditions spécifiques : être manuscrit dans sa totalité et écrit de la main du testateur, daté et signé par le testateur (article 970 du Code civil). Il ne peut donc être dicté par le testateur à une personne qui l’écrirait.
Seule la production du testament original permettra l’exécution des dernières volontés du testateur. La question de sa conservation est donc cruciale. Le testament olographe peut être déposé chez un notaire pour plus de sécurité.
Ce type de testament a l’avantage d’être plus souple à réaliser, la présence d’un autre notaire ou de deux témoins n’étant pas nécessaire. Il comporte néanmoins davantage de risque de perte, de destruction (s’il n’est pas déposé auprès d’un notaire) ou de falsification et de contestation que le testament authentique.

Testament mystique :

Comme le testament olographe, le testament mystique est un acte sous-seing privé mais il est remis cacheté par le testateur à un notaire en présence de deux témoins (article 976 et suivants du Code civil). Le notaire dresse un acte dit de « suscription » attestant de cette remise, qu’il signe ainsi que le testateur et les témoins. Cet acte de suscription a la force probante d’un acte authentique.
Il n’est pas nécessairement écrit à la main et par le testateur. Il doit néanmoins le signer manuellement (article 976 al.2 du Code civil).
Cette forme de testament est aujourd’hui peu employée. Elle est utilisée par les personnes ne sachant pas écrire et/ou ne souhaitant pas dicter leurs dernières volontés devant notaire et témoins, comme cela est exigé dans le testament authentique.

testament authentique : le support électronique existe

Le testament authentique, autrement dit par acte public, est établi par un notaire devant deux témoins ou un autre notaire.

En contrepartie de cette procédure, relativement lourde, ce type de testament a l’avantage de revêtir la forme de l’acte authentique, ce qui lui donne date certaine, force probante et force exécutoire.

Qu’est-ce qu’un acte authentique ?

A la différence d’un acte sous-seing privé, l’acte authentique est reçu par un officier public dont font partie les notaires. L’officier public, délégataire de la puissance publique, donne à l’acte son caractère authentique, c’est à dire :

  • date certaine : il fait foi de la date et de l’existence de l’acte
  • force probante : il garantit son contenu. Pour prouver le contraire de ce qui est dit dans l’acte, une procédure spécifique pour inscription de faux est nécessaire.
  • force exécutoire : il équivaut à une décision de justice et les parties concernées doivent exécuter l’acte.

Certains actes patrimoniaux doivent nécessairement être réalisés sous la forme authentique, tels les contrats de mariage s’il ne s’agit pas du régime légal, les donations, les ventes immobilières, les partages de succession, pactes successoraux.

Concernant les testaments, seul le testament authentique requiert, comme son nom l’indique le formalisme de l’acte authentique.

Depuis une dizaine d’années, les notaires peuvent réaliser un acte authentique, dont un testament, sur un support électronique.

L’acte authentique sur support électronique (AASE) a été introduit par la loi du 13/03/2000 modifiant l’article 1316 du Code civil et précisant que “l’écrit électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier.”

La force probante est donc la même.

En pratique, l’AASE est utilisé depuis 2008 et se déroule selon les étapes suivantes :

  1. le notaire rédige l’acte sur un logiciel informatique et y ajoute les pièces complémentaires nécessaires, sous forme de scans.
  2.  

  3. lors du rendez-vous de régularisation et de signature de l’acte, celui-ci apparaît sur écran permettant au client de le lire également en temps réel.
  4.  

  5. Après modifications éventuelles, lorsque le client est d’accord sur la rédaction de l’ace, le notaire valide électroniquement le contenu de l’acte et ses pièces jointes. Il utilise pour cela une clé informatique dite « Real » (clé cryptée attestant de l’identité et de la signature du notaire).
  6.  

  7. Une fois la validation réalisée par le notaire, le ou les clients peuvent alors signer l’acte de manière électronique, directement sur une tablette au moyen d’un stylet.
  8.  

  9. Puis le notaire va lui-même signé l‘acte via sa clé « Real ».
  10.  

  11. L’acte a alors la forme authentique et électronique. Il est envoyé automatiquement et immédiatement au Minutier central électronique des notaires (MICEN). Seul le notaire signataire y a accès. Il est conservé pour une durée de 75 ans dans ce coffre-fort électronique puis transférer aux archives départementales.
  12.  

  13. Le client peut en recevoir une copie par mail.

Plus de 90 % des actes authentiques sont aujourd’hui réalisés électroniquement.

Source : Conseil Supérieur du Notariat – 03/11/2021

 

Le testament authentique peut donc être élaboré sur un support électronique et par une signature, elle aussi électronique.

Il nécessite néanmoins de se rendre chez un notaire, le distanciel n’étant pas possible à ce jour pour la rédaction ou l’enregistrement d’un testament, comme nous allons le voir.

Il nécessite également une procédure contraignante : il doit d’être reçu devant deux notaires ou un notaire et deux témoins.

Les personnes souhaitant réaliser un testament authentique doivent le plus souvent s’enquérir de trouver ces deux personnes témoins qui l’accompagneront à la signature de l’acte, même si celle-ci est réalisée de manière électronique.

Ces témoins ne peuvent être des clercs de notaire, ni des légataires ni leurs parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclus (article 975 du Code civil).

Le dernier Congrès des notaires propose d’alléger cette procédure du testament authentique en supprimant l’obligation de présence de 2 témoins ou d’un autre notaire.

Ceci permettrait de recourir plus facilement à cet acte testamentaire, davantage sécurisé que les autres types de testament. L’absence d’autres personnes que le notaire assurerait également une plus grande confidentialité des dernières volontés du testateur.

Quid de la notion de e-testament proposée sur internet ?

Certains sites proposent un service de « e-testament » : il s’agit en fait d’une aide à la rédaction d’un testament dont la proposition finalisée est envoyée par voie électronique au client demandeur. Celui-ci devra formaliser ensuite son testament selon l’une des 3 formes légales.

testament olographe : nécessité d’un support matériel et d’une écriture manuelle

Le testament olographe est établi par le testateur seul, sans l’intervention d’un notaire, si ce n’est pour son dépôt qui reste non obligatoire.

Légalement, il est nécessaire de pouvoir prouver que c’est bien le testateur qui l’a écrit.

Pourquoi la nécessité d’un écrit de la main du testateur ?

  • l’écriture de la main du disposant, ainsi que sa signature permettent de prouver l’identité du testateur. Bien que des contestations ou falsifications restent possibles, elles sont jugées moins risquées à ce jour qu’une écriture par voie électronique, mail ou sms.
  • l’écriture manuscrite donne également davantage le temps de la réflexion.

Le Code civil n’impose aucune contrainte en termes de langues (mais le testateur doit être en mesure de comprendre cette langue) ni de caractères employés, ni d’outil utilisé pour l’écriture, ni de support servant à cet écrit.

Ainsi un testament olographe écrit de la main du testateur sur un meuble par exemple a été reconnu comme valide.

Alors pourquoi ne pas reconnaitre la conformité d’un testament olographe écrit de la main du testateur sur un support électronique puisqu’il existe aujourd’hui des supports numériques permettant d’écrire manuellement ?

La réponse réside bien sûr dans la sécurité du support recevant l’écrit. Une lettre, un testament papier, même un testament écrit sous un meuble, sont considérés à ce jour comme moins sujets à falsifications qu’un support électronique ayant enregistré une écriture manuelle et qui pourrait être manipulé par la suite.

Les progrès de la sécurité et de la certification électroniques permettront peut-être dans le futur de revoir cette appréciation.

Ces mêmes progrès, s’ils permettaient de certifier de manière certaine et sans risque de falsification ultérieure l’identité d’une personne sur une vidéo, ouvriraient peut-être la voie à un testament via un support audio-visuel. Mais nous n’en sommes absolument pas là. L’instantanéité de ce type de support reste par ailleurs peu appropriée à la réflexion nécessaire à l’élaboration de dispositions testamentaires.

testament mystique : nécessité d’un support papier et d’une signature manuelle

Le Code civil exige que le testament mystique soit remis cacheté par le testateur au notaire en présence de deux témoins.

Son support est nécessairement papier, le terme « papier » étant lui-même précisé à l’article 976 alinéa 2 du Code civil.

Il laisse la liberté de le rédiger mécaniquement ou par une autre personne que le testateur, du moment que ce dernier le signe manuellement.

Mais en aucun cas, il ne laisse de possibilité à une rédaction sur un support électronique ou numérique.

A ce jour donc, seul le testament authentique peut être rédigé sur support électronique. Les testaments sous forme d’acte sous-seing privé (testament olographe et mystique) ne peuvent pas être rédigés sur un support électronique.

Le dernier Congrès des notaires apporte néanmoins des ouvertures dans ce sens.

une évolution vers un testament privé électronique et vers un testament distanciel

Deux propositions importantes du 117ème Congrés des notaires tendent vers un élargissement du testament numérique :  la possibilité de le rédiger seul et directement sur support électronique dans des situations exceptionnelles et la généralisation du distanciel à tous les actes authentiques.

vers un testament privé électronique en cas de circonstances exceptionnelles

A ce jour, il n’est pas possible comme nous l’avons vu de rédiger seul son testament sous forme olographe ou mystique sur un support électronique (mail, SMS, fichier informatique…).

Or la question se pose dans des circonstances graves où il peut être nécessaire de consigner et communiquer rapidement ses dernières volontés : catastrophe naturelle mais aussi attentat. La situation des victimes des attentats du 13 novembre 2015 qui ont envoyé leur testament à leur famille par SMS a rouvert le sujet.

Le dernier Congrès des Notaires propose pour cela d’assouplir les exigences de forme du testament dans ces situations exceptionnelles.

En cela un article 1001 du Code civil pourrait être ainsi rédigé :

« Le testament pourra être fait par tout moyen d’expression, y compris numérique, en cas de circonstances exceptionnelles empêchant de tester en les formes ordinaires de l’article 969 du Code civil ».

un testament distanciel : vers un acte authentique par comparution à distance (AAECD) ?

L’acte authentique sur support électronique (AASE) permet la numérisation du testament authentique mais la présence physique du disposant à l’étude notariale reste nécessaire.

La possibilité de distanciel a été introduite en 2005 mais uniquement entre notaires représentant respectivement leur client lors d’une vente immobilière par exemple (décret n°2005-973 du 10 août 2005). Le testament n’est donc pas concerné.

Pendant la période de crise sanitaire et de confinement, un acte authentique électronique par comparution à distance (AAECD) a été mis en place mais a pris fin le 10/08/2020. Pendant cette période, les actes authentiques, dont le testament, pouvaient être réalisés à la fois électroniquement et à distance, le client et le notaire échangeant par visio-conférence.

Pour l’instant, il n’est pas envisagé de pérenniser et de généraliser cette possibilité (Rép. min. n°31130, JOAN du 03/11/2020). Un certain recul sur les conséquences juridiques de cette méthode est jugé nécessaire, notamment pour les actes successoraux ou matrimoniaux.

Quand l’une des parties à l’acte réside à l’étranger, l’AAECD reste néanmoins possible, à titre exceptionnel, pour une période de 5 ans à compter du 19/05/2020.

Fin 2020, la procuration notariée électronique par comparution à distance a pourtant été mise en place. Depuis le Décret du 20/11/2020, les notaires peuvent établir des procurations authentiques sur un support électronique et la faire signer à distance par leur client.

Cette possibilité existait mais nécessitait que le signataire ayant reçu la procuration fasse légaliser sa signature par un officier d’État civil.

Désormais, sauf à ce que la procuration nécessite une partie d’écriture manuscrite du signataire, cet acte peut se signer électroniquement et à distance, via un processus de signature qualifiée.

Le système de communication et d’échange d’informations, agréé par le Conseil supérieur du notariat (CSN), doit garantir l’identification des parties à l’acte, le contenu et sa confidentialité.

Le notaire de son côté doit s’assurer du consentement libre et éclairé du signataire et de sa bonne compréhension de l’acte.

Mais, s’il s’agit d’une avancée notable, le distanciel ne concerne ici que la procuration mais pas l’acte visé. Cette procuration, une fois réalisée à distance, permet ensuite la signature de l’acte authentique sans la présence du signataire. Si cette solution est intéressante et souvent utilisée pour les ventes immobilières par exemple, elle n’est pas envisageable pour les testaments.

Il n’est pas possible en effet de donner procuration pour certains actes authentiques dont les testaments (mais aussi la RAAR, Renonciation Anticipée à l’Action en Réduction).

Le dernier Congrès des notaires propose d’étendre le principe de la comparution à distance à tous les actes authentiques et de modifier le Décret du 20/11/2020 de la sorte :

« Le notaire instrumentaire peut établir à distance tout acte sur support électronique, lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées physiquement. »

Les propositions du Congrès des notaires vont plus loin et visent à intégrer la notion de distanciel dans le Code civil. L’article 1369 serait alors modifié en ce sens :
« L’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être reçu à distance et être dressé sur un support électronique, s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

un testament numérique via les « smart contracts » et une blockchain ?

Une blockchain est un système permettant d’accélérer, simplifier et sécuriser la réalisation de contrats, dits « smart contracts ». Certains contrats d’assurance revêtent cette forme et utilisent déjà une blockchain.

Pourquoi ne pas faire appel à cet outil pour les actes notariés ? Ceci suppose au préalable de définir et de reconnaître juridiquement la notion de « smart contract ».

Or, le dernier Congrès des notaires fait un premier pas dans ce sens en proposant de modifier l’article 1342 du Code civil, important dans le droit des contrats puisqu’il concerne l’exécution et le paiement de la dette. Un nouvel alinéa 3 serait ainsi rajouté :
« Le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il peut être automatisé par un protocole informatique.
Il libère le débiteur à l’égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier. »

Si cette proposition ne concerne pas directement la réalisation du testament, elle témoigne de la volonté de reconnaître l’utilisation d’une « blockchain » dans le domaine juridique.

Cette évolution vers les « smart contracts » constitue une ouverture et une avancée importantes car au-delà du testament, elle est à même de concerner tous les types d’actes notariés et patrimoniaux.

Auteurs
Anne Brouard 

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine,, diplôme RNCP Niveau 7

Location nue, location meublée : ce qu’il faut savoir en 2022

Location nue, location meublée : ce qu’il faut savoir en 2022

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Nouveau dispositif Loc’Avantages en location nue, éventuelles cotisations sociales en location meublée, nouvelles contraintes énergétiques dans les deux cas : les points à connaître en 2022.

 

Combinaison de la Loi de Finances pour 2022, de la loi de Sécurité Sociale pour 2021 et des lois Climat de 2019 et 2021, la location immobilière nue et meublée connaît de profondes évolutions cette année.

Ces changements ont un impact direct sur la gestion de l’immobilier locatif, en termes de rendement et de plus-value. Explications.

location nue : loc’avantages, un nouveau dispositif d’incitation fiscale dans l’ancien

Mis en place au 1er janvier 2022, ce nouveau dispositif prend la suite du régime Loi Cosse, dit « Louer abordable », qui se termine le 28 février prochain.

Son principe est simple : une réduction d’impôt en faveur du propriétaire bailleur qui pratique un loyer « bas », inférieur à celui du marché. Le taux de réduction d’impôt, de 15 % à 65 %, est d’autant plus élevé que la baisse de loyer consentie est importante.

Le dispositif, soumis à des conditions de revenus des locataires, comprend trois niveaux et dépend du type de location (directe ou intermédiation locative) :

  • Loc 1 : une baisse de 15 % par rapport au loyer de marché permet d’obtenir une réduction d’impôt de 15 % du loyer annuel et de 20 % si le propriétaire recourt à une intermédiation locative.
  • Loc 2 : si le loyer est inférieur de 30 % au loyer de marché, la réduction d’impôt est alors de 35 % du loyer annuel et de 40 % en cas d’intermédiation locative.
  • Loc 3 : un loyer 45 % plus bas que le loyer de marché permet d’accéder à une réduction d’impôt de 65 %, mais uniquement par une intermédiation locative.

 

Le dispositif Loc’Avantages 

Source : Anah (Agence Nationale de l’Habitat)

 

L’intermédiation locative suppose que le propriétaire ne loue pas en direct mais fasse appel à :

  • une agence immobilière dite sociale auprès de laquelle il signe un mandat de gestion
  • une association agréée par l’État à qui il loue le bien que l’association louera elle-même à des personnes aux revenus modestes. L’association garantit alors le paiement des loyers.

Le montant du loyer dit « de marché » est défini règlementairement sur la base des loyers réels et dépend de la commune où est établi le bien.

Les seuils de revenus des locataires dépendent du niveau du dispositif et de la localisation du bien (plafonds de revenus de la loi Pinel pour le niveau Loc 1 et plafonds du logement social pour Loc 2 et Loc 3).

L’Anah (Agence National de l’Habitat) met à disposition sur son site internet une simulation du loyer applicable et des seuils de revenus de locataires, selon la situation du bien.

Exemple

Un appartement de 40 m2 situé à Bordeaux permet de bénéficier d’une réduction d’impôt :

  • Loc 1 : de 15 % ou 20 % en cas d’intermédiation locative, si le loyer mensuel hors charges est inférieur à 493 €
  • Loc 2 : de 35 % ou 40 % en cas d’intermédiation locative, si le loyer mensuel hors charges est inférieur à 406 €
  • Loc 3 : de 65 % avec intermédiation locative, si le loyer mensuel hors charge est inférieur à 319 €.

Les revenus du locataire ne pourront pas dépasser 32.085 € par an en Loc 1, 23.488 € en Loc 2, 12.918 € en Loc 3 s’il s’agit d’une personne seule. Ces seuils augmentent s’il s’agit d’un couple et selon le nombre d’enfants à charge.

L’objectif est d’accroître le parc locatif en faveur de locataires aux revenus modestes et de réduire le nombre de logements vacants, estimés à plus de 3 millions.

Pour accéder à ce dispositif, plusieurs conditions doivent être respectées :

  • louer le bien en location nue à titre de résidence principale, pendant une durée minimale de 6 ans. La location à un membre du foyer fiscal, à un ascendant ou descendant du propriétaire bailleur n’est pas possible. Il est impossible de bénéficier du régime dans le cadre d’une location en cours. Il est nécessaire d’attendre le renouvellement du bail ou le départ du locataire.
  • respecter les seuils de loyers et de revenus des locataires
  • disposer d’un niveau de performance énergétique minimal fixé par arrêté : les logements classés F ou G sont exclus.
  • passer une convention avec l’Anah : les demandes seront recevables en ligne à partir du 1er avril 2022 et devront être réalisées dans les 2 mois de la signature du bail lorsque celui-ci est signé après le 1er mars. Pour les baux signés entre le 1er janvier et le 1er mars 2022, les demandes pourront être faites jusqu’au 1er mai 2022.

    La signature de cette convention permet également au bailleur de percevoir une aide à la rénovation de 1000 € et 2000 € s’il fait appel à un mandat de gestion. Les surfaces inférieures ou égales à 40 m2 bénéficient d’une prime supplémentaire de 1000 €.

Lors de la sortie du dispositif, au terme de la durée de 6 ans et de la convention signée avec l’Anah, le propriétaire bailleur pourra réévaluer son loyer au prix du marché et de manière facilitée pour les zones tendues.

réduction d’impôt d’un côté mais baisse de loyer de l’autre : est-il intéressant de recourir à ce nouveau dispositif ?

Dès lors que la réduction d’impôt fait plus que compenser la baisse de loyer consentie, le rendement du bien est accru, comparativement à une location nue sans recours à ce régime.

Tout dépend pour cela de la localisation du bien mais aussi de sa surface. Plus le logement est grand, plus le dispositif est efficace. L’effet fiscal dépend également du revenu global imposable et de la tranche marginale d’imposition (TMI).

 

Exemples chiffrés 

Source : Ministère chargé du Logement – Agence Nationale de l’Habitat – Janvier 2022

Selon le Ministère du logement, l’avantage du dispositif Loc’avantages peut représenter de 0,5 à 3 mois de loyers.

Pour investir dans l’immobilier locatif ancien, il est également possible de bénéficier du régime Denormandie Ancien. Ce dispositif, reconduit jusqu’au 31 décembre 2023 offre sous différentes conditions, notamment de travaux, une réduction d’impôt de 12 %, 18 % ou 21 % du prix du bien (travaux compris), selon la durée de l’engagement de location de 6, 9 ou 12 ans.

Si les ressources du locataire et le montant du loyer respectent à la fois les seuils des régimes Denormandie et Loc’Avantages, il semble possible de cumuler les deux dispositifs, ce point restant à préciser.

Néanmoins, l’ensemble de ces réductions d’impôt entrerait dans le plafonnement des niches fiscales de 10.000 €.

Le dispositif Loc’avantages peut se cumuler au régime du déficit foncier. Il permet alors à l’investisseur locatif de bénéficier d’un rendement plus élevé que le marché tout en déduisant fiscalement les travaux réalisés pour la location.

Ce cumul a du sens dans la mesure où une grande part du parc locatif ancien est concernée par les obligations de travaux pour rénovation énergétique, comme nous allons le voir.

location meublée : la question des cotisations sociales

Le régime d’assujettissement des revenus de location meublée aux cotisations sociales a profondément évolué depuis 2021. Il s’applique différemment pour les loueurs en meublé professionnels et pour les biens meublés en location saisonnière.

location meublée : cotisations sociales pour les loueurs en meublés professionnels (lmp)

Comme nous l’avions présenté dans notre article « LMP, LMNP : le régime fiscal et sociale de la location meublée évolue », le régime social des revenus de location meublée est profondément modifié depuis le 1er janvier 2021.

Depuis la loi de financement de la Sécurité sociales pour 2021, les locations meublées sont soumises aux cotisations sociales si le bailleur a le statut de loueur en meublé professionnel (LMP), selon les mêmes critères que l’impôt sur le revenu (IR).

La condition d’inscription au RCS n’est plus nécessaire. Tout comme pour l’IR, sont considérés comme professionnels au titre des cotisations sociales les loueurs en meublé réalisant :

  • plus de 23.000 € de chiffre d’affaires annuel HT au titre de la location meublée
  • des recettes annuelles au titre de cette activité supérieures aux autres revenus professionnels du foyer fiscal, pensions et retraites incluses.

Depuis le 1er janvier 2021, les loueurs en meublé relevant su statut LMP au titre de l’IR sont donc soumis aux cotisations sociales.

Ils doivent pour cela cotiser à la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI), soit :

  • au régime des travailleurs indépendants en tant qu’entrepreneur individuel (taux de cotisation de l’ordre de 40 % du bénéfice net, auquel s’ajoutent la CSG et CRDS professionnels à 9,7 %)
  • au régime de la micro-entreprise (auto-entrepreneur) si le chiffre d’affaire HT (CA HT) est inférieur à 72.600 €. Le taux de cotisation annuel est alors de 6 %.

Attention au choix du régime pour les entrepreneurs ou dirigeants de société :

Les entrepreneurs individuels ou dirigeants de société déjà imposés aux cotisations sociales pour leur activité professionnelle selon le régime réel des travailleurs indépendants, et dont les chiffres d’affaires cumulés dépassent les seuils de la micro-entreprise, ne peuvent pas opter pour le régime de la micro-entreprise au titre de leur activité de location meublée.

Dans le choix du régime, il est important de ne pas raisonner uniquement en taux de cotisations :

Bien que le taux du régime réel des travailleurs indépendants soit le plus élevé, les loueurs professionnels relevant de ce régime peuvent bénéficier du forfait minimum de cotisations sociales de 1145 € (formation professionnelle incluse), s’ils sont déficitaires ou si leurs revenus sont inférieurs aux bases de calcul des cotisations sociales.

Par ailleurs, ces cotisations plus importantes ouvrent droit à davantage de protection sociale, notamment en termes de retraite.

Les loueurs en meublé soumis aux cotisations sociales ne sont pas redevables de la CSG, CRDS et PS de 17,2 % exigibles sur les revenus du patrimoine.

A noter : le délai d’option pour le régime réel de l’IR est assoupli 

Les propriétaires de location meublée déclarant leurs revenus selon le régime micro-BIC et souhaitant passer au régime réel normal ou simplifié au titre des revenus de 2022 disposent d’un délai allongé.

La Loi de Finances pour 2022 repousse en effet la date limite d’option pour le régime réel, jusqu’ici fixée au 1er février de l’année concernée, à la date limite de dépôt de déclaration générale des revenus de l’année précédente.

En pratique, les loueurs en meublé souhaitant opter pour le régime réel pour leurs revenus 2022 pourront le faire jusqu’au mois de mai ou juin 2022 selon la date limite de dépôt des déclarations d’IR.

location meublée saisonnière : des cotisations sociales indépendantes des statuts lmp ou lmnp (location meublée non professionnelle)

Pour les locations meublées saisonnières, c’est-à-dire de courte durée, pour une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, l’imposition aux cotisations sociales ne dépend pas du statut fiscal LMP ou LMNP.

Pour ce type de location, les cotisations sociales sont dues dès lors que le chiffre d’affaires annuel dépasse 23 000 €, et ceci depuis 2017.

Pas de nouveauté à ce titre donc, mais de nombreux propriétaires de locations saisonnières se sent rendus compte, à l’occasion de l’actualité sociale des locations meublées de 2021, qu’ils étaient assujettis aux cotisations sociales dès lors que leur chiffre d’affaires annuel a dépassé 23.000 € depuis 2017.

L’Urssaf avertit d’ailleurs sur son site que les propriétaires de locations meublées saisonnières recevront une demande d’information au titre des trois dernières années 2019, 2020 et 2021, afin de régulariser ces situations.

Pour les locations meublées saisonnières assujetties aux cotisations sociales, le contribuable a le choix entre trois régimes sociaux :

  • le régime micro-entrepreneur, si le CA HT de 2021 est inférieur à 72.600 € ou 176.200 € si le meublé est classé. Les taux de cotisation sont alors plus faibles, de 22 % ou 6 % pour les meublés classés.
  • le régime général des salariés, si le CA HT est inférieur à 72.600 €.

La loi de Sécurité sociale pour 2021 a donc fortement modifié le régime social des locations meublées.

Les loueurs entrant dans le champ d’application des cotisations sociales doivent s’affilier au régime social dès lors que les conditions sont remplies.

Or les revenus de location meublée et les revenus professionnels pour 2021 des contribuables ne sont intégralement connus que depuis le 31 décembre 2021.

La réponse à l’éventuel assujettissement aux cotisations sociales ne peut être apportée de manière certaine qu’en ce début 2022.

Nombreux sont les redevables qui se posent des questions depuis le début de cette année sur les démarches à effectuer, d’autant plus que le décret d’application de la loi de Sécurité Sociale pour 2021 n’est à notre connaissance toujours pas paru.

L’Urssaf a mis en place sur son site des pages d’informations spécifiquement dédiées aux démarches d’affiliation et de déclaration.

Dans tous les cas, l’imposition aux cotisations sociales a des conséquences qu’il est nécessaire d’anticiper, pas nécessairement sur l’imposition des revenus annuels, d’autant plus si l’activité est déficitaire, mais principalement en termes d’imposition sur plus-value en cas de cession.

Depuis la Loi relative à l’énergie et au Climat de 2019 et comme nous l’avions déjà pressenti dans notre article « Immobilier : ce qu’il faut savoir en 2020 », les nouvelles règlementations énergétiques modifient profondément le marché de l’immobilier locatif ancien.

Ces nouvelles règles visent aussi bien la location nue que la location meublée à titre de résidence principale. La location meublée saisonnière n’est à ce jour pas concernée.

Dans le cadre de la transition écologique et de la lutte contre les déperditions énergétiques, les logements les plus énergivores vont subir des contraintes et des interdictions de location.

Ces biens, qualifiés de passoires thermiques, ont des notations DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) de classe F (habitation consommant entre 330 et 420 kWh/m2 par an ou plus de 70 kg CO2 eq/m2 (équivalent par mètre carré)) ou G (supérieure à 420 kWh/m2 par an ou plus de 100 kg de CO2eq/m2)).

Ces passoires thermiques seraient au nombre de 4,8 millions selon le Service de la donnée et des études statistiques (SDES).

Les DPE existent depuis 2006 mais une nouvelle version de ces diagnostics est entrée en vigueur le 1er juillet 2021.

Les nouveaux DPE sont plus complets et tiennent compte d’éléments supplémentaires comme l’éclairage et la ventilation du logement.

Les méthodes de calcul des différents critères retenus sont également modifiées. Ils ne fonctionnent plus sur la base des factures des travaux réalisées mais sur une analyse des caractéristiques physiques du bien.

Les « étiquettes », plus lisibles, intègrent les paramètres d’énergie primaire (étiquette énergie) et de gaz à effet de serre (étiquette climat). Il fait aussi apparaître le montant théorique du coût énergétique annuel du logement.

Par ailleurs, le nouveau DPE est opposable. Le locataire peut exiger du propriétaire, par voie judiciaire en cas de désaccord, la réalisation de travaux pour améliorer la classe énergétique du bien. Le propriétaire bailleur peut également avoir à subir une baisse du loyer et des intérêts à verser aux locataires.

La durée de validité de 10 ans est inchangée. Le DPE doit être établi par un diagnostiqueur certifié et transmis à l’agence de la transition écologique (Ademe).

Pour les biens construits avant 1975, le DPE tel que mis en place au 1er juillet 2021 n’était pas fiable et a été revu au 1er novembre 2021.

Les DPE ancienne version restent valides selon leur date de réalisation :

  • jusqu’au 31 décembre 2022 pour les diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017
  • jusqu’au 31 décembre 2024 pour ceux effectués entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021.

Progressivement les logements les plus énergivores ne pourront plus être loués :

  • à partir du 25 août 2022, les biens classé F et G ne pourront plus faire l’objet d’une hausse de loyers. Ceci était déjà le cas pour les biens classés F et G situés en zone tendue. Cette règle concerne maintenant tous ces biens, quelle que soit leur localisation.De même à partir de cette date, l’indexation du loyer, c’est-à-dire sa réévaluation annuelle en cours de bail en fonction de l’indice de référence des loyers (IRL) ne sera plus possible.Les clauses dites « travaux » permettant de réévaluer le loyer en cours de bail si certains travaux sont réalisés seront également interdites pour les étiquettes F et G. Ces biens ne pourront plus faire l’objet d’une augmentation de loyer pour sous-évaluation lors du renouvellement du bail (cette procédure est néanmoins peu utilisée car très lourde).
  • en 2023, les logements dépensant plus de 450 kWh par mètre carré par an (seuil dit d’indécence énergétique) ne pourront plus être loués selon la Loi Climat de 2019 (bien que la Loi Climat de 2021 fixe cette première échéance à 2025, la Loi Climat de 2019 reste à ce jour applicable). Attention ce seuil ne correspond pas nécessairement à la classe G.
  • en 2025, toutes les classes énergétiques G seront interdites à la location (estimation à 600000 logements actuellement) et le non-respect du niveau énergétique minimal rendra le logement indécent.
  • en 2028, les biens classé F (environ 1200000 habitations) ne pourront plus à leur tour être loués.
  • en 2034, la location des biens classé E (2600000 logements à ce jour) ne sera plus possible.

Ce calendrier est quelque peu différent pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyanne, la Réunion et Mayotte.

Source : Batiactu – 15/02/2021

Dans tous les cas, depuis le 1er juillet 2021, les annonces doivent indiquer la classe énergie (classée A à G) et la classe climat (émission de gaz à effet de serre).

Depuis le 1er janvier 2022, le montant des dépenses théorique de chauffage annuel doivent également figurer sur l’annonce. Si le bien ressort dans la classe F ou G la mention « logement à consommation énergétique excessive » doit également apparaître. En 2028, les biens classés F et G apparaîtront comme ne respectant pas le seuil légal de consommation énergétique.

De la même manière, à partir du 1er janvier 2022, ces informations devront également figurer sur le contrat de location, notamment le montant des dépenses théoriques de chauffage annuel, tel que défini dans le DPE. Les baux conclus à partir du 1er janvier 2022 sur les biens classés F et G doivent indiquer que le logement respectera l’étiquette minimale en 2028.

Des sanctions à définir seront appliquées en cas de non-respect de ses règles.

Encadré : quelques exceptions à l’obligation de travaux énergétiques

Dans certains cas spécifiques, il sera possible d’échapper à cette exigence de rénovation énergétique :

  • pour les biens en copropriété : si malgré la rénovation énergétique du logement lui-même, et la demande de réalisation de travaux complémentaires nécessaires sur les parties communes par le copropriétaire, la réalisation de ces travaux est refusée en assemblée générale.
  • pour les logements dont le montant des travaux est fortement disproportionné par rapport à la valeur du bien.
  • pour les biens soumis à des règlementations architecturales contraignant la réalisation des travaux nécessaires.

Néanmoins, compte tenu de l’absence de rénovation énergétique du bien, une baisse de loyer pourra être imposée ainsi que des dommages et intérêts.

Dans ces conditions, il devient dès aujourd’hui plus difficile de louer les biens qualifiés de passoires thermiques (classés F ou G).

Ceci se ressent d’ores et déjà sur le marché immobilier. De plus en plus de propriétaires préfèrent mettre leurs biens à la vente plutôt que d’avoir à faire face aux travaux de rénovation énergétique. Les ventes de logements classés G augmentent ainsi de 21 % en 2021. Les annonces de vente de biens qualifiés de passoires thermiques augmentent de 72 % à Paris, 74 % à Rennes ou encore 70 % à Nantes.

Ces travaux peuvent en effet représenter des montants significatifs : un ensemble d’opérations spécifiques devant être menées simultanément pour pouvoir atteindre un meilleur niveau énergétique (isolation des murs, des fenêtres, nouveau système de chauffage, de ventilation…).

Faire passer un bien classé F ou G au même niveau qu’un bien neuf au label BBC coûterait ainsi de l’ordre de 25 000 € pour un appartement, 46 000 € pour une maison (rapport Sichel).

Ces biens se vendent alors nettement moins chers que le prix du marché. Nous avions anticipé ce phénomène dans notre article de janvier 2020. La décote d’un bien classé F par rapport à un classement A atteint en moyenne 11 % avec des différences notables selon les localisations (moins-value de 55 % à Nîmes, 49 % à Limoges).

Les aides à la rénovation énergétique sont néanmoins disponibles (Certificat d’économie d’énergie (CEE), MaPrimeRénov’, Eco-prêt à taux zéro, taux de TVA à 5,5 %, aides de l’Anah et différentes aides des collectivités locales).

Un site public, France Rénov’, est mis en place depuis le 1er janvier, afin d’informer les propriétaires et les accompagner dans la réalisation des travaux énergétiques.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Vendre un bien immobilier à un enfant : Pourquoi ? Comment ? Quels risques ?

Vendre un bien immobilier à un enfant : Pourquoi ? Comment ? Quels risques ?

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Vendre une maison, un appartement à un de ses enfants n’est pas si simple. Des précautions sont à prendre pour éviter tout risque et remise en cause.

Les transactions immobilières se réalisent le plus souvent entre tiers mais on peut également souhaiter vendre à un enfant. Pour obtenir un capital tout en gardant le bien dans la famille, pour aider un enfant pour qui le bien est particulièrement nécessaire, les raisons sont nombreuses.

En apparence, vendre un bien immobilier à un enfant peut paraître relativement simple. Une fois d’accord sur le prix, il suffirait de suivre les étapes habituelles d’une vente immobilière (signature d’un compromis, réalisation de diagnostics, acte authentique).

En pratique, il n’en est rien. S’il est possible de disposer librement de ces biens et d’acquérir librement également, la vente immobilière à un enfant, en pleine propriété, tout comme en nue-propriété ou en viager, est régie par des règles spécifiques.

Il est important de les connaître pour éviter toute remise en cause et des conséquences dommageables. Explications.

quels sont les risques de vente d’un bien immobilier à un enfant ?

La transmission à titre onéreux d’un bien immobilier à un enfant peut faire l’objet de requalification fiscale et/ou civile, qu’il s’agisse d’une vente en pleine propriété, en nue-propriété ou en viager.

vente à un enfant en pleine propriété : possible mais attention à certains risques

Juridiquement, rien n’interdit de vendre un bien immobilier à un enfant.

Le Code civil établit le principe de la libre-disposition des biens dont on est propriétaire sous condition de respect de la loi (articles 537 et 544 du Code civil) et de la liberté d’acquisition ou de vente (article 1594 du Code civil).

Techniquement, la vente d’un bien immobilier à un enfant suit les mêmes étapes qu’une transaction immobilière habituelle : signature d’une promesse ou d’un compromis de vente formalisant l’accord des parties sur la vente et les conditions, réalisation des diagnostics obligatoires, respect des conditions suspensives d’octroi de prêt si un financement est nécessaire, signature de l’acte authentique devant notaire formalisant définitivement la vente.

Comme toute transaction immobilière, cette opération de mutation peut faire l’objet d’un contrôle d’un point de vue fiscal mais aussi d’une requalification civile par des éventuels héritiers s’estimant léser.

S’agissant d’une vente à un enfant, héritier qui plus est réservataire, ces risques fiscaux et civils sont d’autant plus présents et nécessitent donc la plus grande prudence.

Risque de requalification fiscale : insuffisance de prix et/ou donation indirecte ou déguisée

L’administration fiscale est particulièrement regardante du fait de la relation familiale étroite entre vendeur et acquéreur.

Dans une vente immobilière en faveur d’un enfant, le vendeur va en effet avoir naturellement tendance :

  • à minorer le prix par rapport à la valeur de marché afin d’aider l’enfant, ou par principe, tout simplement pour ne pas vendre au même prix qu’à un tiers.Dans certains cas, la vente est même envisagée pour éviter le coût d’une donation, le prix peut alors être fortement sous-estimé.
  • à ne pas exiger partiellement voire totalement le paiement du prix. Ceci peut être le cas d’une vente avec crédit-vendeur, le parent vendeur et l’enfant acquéreur concluant ensemble un contrat de prêt familial. Le risque est alors celui du non-remboursement du prêt et de ses intérêts.

Dans ces cas, l’administration fiscale peut considérer qu’il y a :

  • insuffisance de prix : le prix de la vente ne correspond pas à ceux du marché. L’administration compare alors le prix convenu entre parent et enfant à celui de transactions récentes sur des biens similaires. Elle est alors en droit de contester le prix convenu à l’acte (Com, 20 février 2019, n°17-24.593).

A noter

Pour déterminer la valeur de marché du bien, l’administration fiscale n’est plus tenue d’une comparaison avec des biens « intrinsèquement similaires ». Elle peut utiliser des valorisations de biens comparables (Cass. Com. 27 juin 2018 n° 16-20468).

Si l’insuffisance de prix est constatée, l’administration peut entamer une procédure de rectification de prix (article L17 du LPF (Livre des Procédures Fiscales) et article L55 du LPF). Si cette contestation aboutit, le prix de marché estimé par l’administration servira alors de base aux calculs des impositions qui seront réclamées. Ceci aura donc un impact fiscal sur la plus-value imposable et également sur les droits d’enregistrement qui seront accrus.

Pour s’y opposer, vendeurs et acquéreurs doivent alors entrer dans un contentieux fiscal.

  • donation indirecte ou donation déguisée : l’administration fiscale requalifie la nature de l’acte de vente elle-même et estime dans le cas où le prix est fortement minoré qu’il s’agit en fait d’une donation entre parent et enfant.L’administration peut alors considérer qu’il s’agit d’une donation indirecte dans le cas où l’enfant a reçu un avantage sans contrepartie. Ceci peut être le cas d’un prix minoré mais également d’un prêt familial sans intérêt.

    Si l’opération est requalifiée en donation indirecte, les droits de donation sont alors dus.

    Elle peut aussi qualifier l’opération de donation déguisée s’il est constaté une volonté mensongère et délibérée de dissimuler un acte de donation sous les aspects de celui d’une vente. Ceci a pu être le cas dans le cas d’une vente de titres de sociétés à un enfant pour un prix symbolique peu de temps avant le décès du parent vendeur (Cour d’appel de Paris, 18 mars 2019, n° 17/02187).

    L’administration doit alors poursuivre l’opération pour abus de droit (Cass. Com, 4 mars 2020, n° 17-31642) et prouver qu’il s’agit d’un acte fictif ou ayant l’objectif exclusif, ou depuis le 1ère janvier 2021 principal, d’éluder l’impôt (articles L64 et L64 A du Livre des Procédures Fiscales).

    En cas de requalification en donation déguisée, l’opération est alors imposée aux droits de donation. Des majorations sont également être exigées de 40 % pour manquement délibéré à 80 % si la fraude est prouvée.

    Pour autant, les droits d’enregistrement payés lors de la vente restent également dus (régime fiscal de l’acte apparent).

Risque civil de constatation d’une libéralité et action en réduction des autres héritiers

Les autres enfants héritiers réservataires peuvent considérer que l’enfant acquéreur a été favorisé et demander que cet avantage soit pris en compte dans le partage de succession.

Il va leur falloir alors prouver que cet acte de vente est en fait une donation indirecte ou une donation déguisée.

Si tel est le cas, la donation est alors rajoutée à la masse successorale pour le calcul des parts réservataires et de la quotité disponible. L’article 843 du Code civil établit ainsi que « Tout héritier (…) doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement (…). »

La donation s’impute alors sur la part successorale de l’héritier concerné. Si elle excède cette part, elle peut alors être soumise à l’action en réduction. L’article 920 du Code civil prévoit ainsi que « Toutes les libéralités, directes ou indirectes (…) sont réductibles (…). ».

L’enfant bénéficiaire de la vente requalifiée en donation peut voir sa part fortement ou totalement réduite dans la succession de son parent, voire devoir indemniser en valeur ses frères et sœurs si l’avantage reçu excède sa part successorale.

SI l’enfant bénéficiaire dissimulait cette donation, il se rend coupable de recel successoral (article 778 du Code civil).

En cas de donation déguisée, la valeur ramenée à la succession porte sur l’avantage consenti par l’acte, c’est-à-dire la différence entre le prix payé et le prix réellement dû (Cass. Chambre civile 1. 11 juillet 2019, n°18-19415).

vente à un enfant avec réserve d’usufruit ou en viager : présomption de donation de l’article 918 du Code Civil et présomption fiscale de propriété de l’article 751 du cgi

Lorsque la vente à un enfant est réalisée en nue-propriété ou en viager afin de conserver l’usage du bien ou les revenus qu’il procure, l’opération fait alors l’objet de deux présomptions distinctes.

Les risques de la présomption de l’article 918 du Code civil

L’article 918 du Code civil prévoit que certaines ventes de bien à un « successible en ligne directe » soient « imputées sur la quotité disponible » et que « l’éventuel excédent soit sujet à réduction ».

Cela revient à dire que ces ventes sont considérées comme des donations ramenées à la succession lors du décès du parent vendeur et subissent l’action en réduction si cette donation excède la quotité disponible.

De quelles ventes s’agit-il ?

La présomption de l’article 918 du Code civil concerne :

  • les ventes avec réserve d’usufruit
  • les ventes en viager
  • les ventes à fonds perdus moyennant un avantage pendant la vie du vendeur, tel le bail à nourriture.

Quels sont les héritiers concernés ?

L’article 918 du Code civil vise les successibles en ligne directe qui sont héritiers présomptifs au jour de l’acte.

La vente à un enfant est donc directement concernée. Mais la vente à un petit-fils par exemple alors que son parent est toujours en vie ne l’est pas (Cass. 1er Civ. 17 mars 1982 n°81-12.119).

Seuls les autres héritiers en ligne directe peuvent demander l’exercice de cette présomption mais à condition de n’avoir pas consenti à la vente.

Ceci signifie donc que :

  • la vente en nue-propriété d’un bien immobilier à un enfant unique n’est pas concernée. Un autre héritier, en ligne collatérale par exemple (oncle ou tante, neveu ou nièce…) ne peut agir à l’encontre de cet enfant sur la base de cette présomption.
  • si les autres héritiers en ligne directe ont accepté formellement la vente, la présomption de l’article 918 ne peut plus s’appliquer comme nous le verrons un peu plus loin.

Quelle est la portée de cette présomption ?

Cette présomption de donation est irréfragable. Elle ne peut donc être contestée par aucun moyen.

L’opération de vente sera ainsi considérée comme une donation, même si elle est réalisée au prix du marché et même si l’intégralité du prix a été payé (Cass. 1ère  civ. 29 janvier 2014, N° 12-14509 et 13-16511).

La présomption de l’article 918 du Code civil à l’épreuve de la Constitution :

Le principe de l’article 918 du Code civil contraint nécessairement le droit de libre disposition des biens, le droit de propriété de l’acquéreur ainsi que la liberté contractuelle tels qu’établis par les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration de 1789.

Suite à une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) en 2013, le Conseil Constitutionnel a considéré que l’article 918 n’est pas contraire à la Constitution. La contrainte exercée sur le droit de propriété répond en effet à un objectif d’intérêt général de protéger le droit des héritiers réservataires et le champ d’application est très encadré (les types de vente concernées sont clairement définis ainsi que la qualité des héritiers).

Quelles sont les conséquences ?

La présomption de l’article 918 du Code civil produit ses effets au moment du décès du parent vendeur.

La vente est considérée comme une donation réalisée hors part successorale (donation préciputaire). Sa valeur au jour du décès selon l’état du bien au jour de la donation est donc ramenée à la masse successorale. Elle peut subir l’action en réduction si son montant excède celui de la quotité disponible (article 913 du Code civil).

Les autres héritiers en ligne directe, c’est-à-dire les frères et sœurs de l’enfant en faveur de qui la vente immobilière a été réalisée, peuvent donc intenter l’action en réduction et obtenir le paiement de l’excédent de l’avantage obtenu par rapport à la quotité disponible.

Ils ne peuvent pas demander l’annulation de la vente immobilière s’ils souhaitaient devenir propriétaire du bien, l’action en réduction ne se réalisant qu’en valeur afin d’éviter toute indivision.

Mais cette situation peut aboutir à la vente du bien si l’enfant acquéreur n’a pas les moyens de payer le montant dû de la réduction.

Par ailleurs, l’enfant acquéreur du bien qui subit l’action en réduction ne peut pas récupérer le paiement total ou partiel déjà réalisé auprès de son parent pour l’acquisition du bien.

Les risques de présomption de propriété de l’usufruitier : article 751 du CGI

La vente en nue-propriété permet à l’usufruitier de conserver l’usage et les revenus du bien.

Cette opération permet également au nu-propriétaire de devenir plein propriétaire au décès de l’usufruitier, sans droits de succession (article 1133 du CGI).

Dans le cadre d’une vente en nue-propriété à un enfant, cet avantage est néanmoins soumis à la présomption de l’article 751 du CGI.

Celle-ci prévoit que si la nue-propriété est détenue par un héritier présomptif ou des descendants de ces derniers, ou bien des donataires ou légataires de l’usufruitier ou par des personnes interposées, le bien est ramené pour sa valeur en pleine propriété dans la masse successorale du parent défunt.

La vente par un parent de la nue-propriété d’un bien immobilier à un enfant est donc concernée. Le démembrement de propriété n’a alors plus d’effet successoral puisque la valeur en pleine propriété du bien est imposable aux droits de succession.

Pire que cela, l’achat de la nue-propriété n’a alors plus d’impact sur la succession puisque l’enfant nu-propriétaire paiera des droits de mutation à titre gratuit sur la pleine propriété du bien alors qu’il en détient déjà la nue-propriété. Il pourra néanmoins imputer sur ces droits de succession les droits de mutation à titre onéreux payés lors de l’acquisition de la nue-propriété (article 751 du CGI, alinéa 4).

L’article 751 du CGI prévoit néanmoins plusieurs situations où il n’y a pas lieu de procéder à cette réintégration fiscale dans la succession de l’usufruitier :

  • s’il y a eu une donation dite régulière (passée devant notaire) plus de trois mois avant le décès
  • si le démembrement de propriété a été effectué à titre gratuit plus de trois mois avant le décès par acte authentique et que la valeur de la nue-propriété a été déterminée selon le barème de l’article 669 du CGI.

Il n’est pas fait mention de la situation où la nue-propriété a été vendue à l’héritier.

Néanmoins, la présomption de l’article 751 du CGI est une présomption simple et peut donc être écartée par démonstration de la preuve contraire.

C’est ce que prévoit l’alinéa 3 du même article. La preuve contraire peut ainsi être apportée lorsque :

  • le nu-propriétaire a bénéficié d’une donation d’argent, quel que soit le donateur, afin qu’il puisse acquérir la nue-propriété du bien plus de trois mois avant le décès
  • l’acte d’acquisition mentionne ce remploi et que l’origine des fonds puisse ainsi être justifiée.

La présomption de l’article 751 du CGI n’a alors pas lieu de s’appliquer.

La situation où l’enfant acquiert la nue-propriété plus de trois mois avant le décès de son parent vendeur en finançant lui-même l’acquisition n’est pas clairement évoquée dans l’article 751 du CGI.

Néanmoins, par extension, il est logique de considérer que si l’acquisition de la nue-propriété par un enfant est financée par ses fonds propres ou par un crédit bancaire dont il assume réellement le remboursement, qu’il peut justifier de l’origine personnelle de ces fonds, et que cette acquisition a lieu plus de trois mois avant le décès, la preuve contraire serait également apportée.

Cette présomption de l’article 751 du CGI pesant également sur la vente en nue-propriété à un enfant peut donc être écartée, mais il s’agira de respecter ces conditions et de pouvoir en apporter la preuve.

Le risque demeure si le décès du parent usufruitier intervient dans les trois mois de la vente.

Mais la preuve contraire peut également être apportée sur ce point. Si la donation est considérée comme sincère et si le décès survenu dans les trois mois est soudain et inattendu, la jurisprudence (Cass. Com 17-1-2012 n° 10-27.185 ; CA Paris 6-6-2017 n° 14-25473) ainsi que l’administration fiscale dans ses commentaires (BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10 n° 290) admettent que la présomption de l’article 751 ne s’appliquent pas.

Vente d’un bien immobilier à un enfantRisques fiscauxRisques civils
Vente en pleine propriété

  • Rectification pour insuffisance de prix

  • Requalification en donation indirecte ou déguisée

Autres héritiers réservataires : Demande de requalification en donation
Vente en nue-propriété avec réserve d’usufruitArticle 751 du CGI : présomption simple de donation en pleine propriété du bienAutres héritiers en ligne directe :
Article 918 du Code civil : présomption irréfragable de donation préciputaire sauf pour les héritiers ayant accepté formellement la vente
Vente en viager ou à fonds perdusAutres héritiers en ligne directe :
Article 918 du Code civil : présomption irréfragable de donation préciputaire sauf pour les héritiers ayant accepté formellement la vente

Source : Anne Brouard – JUST DEEP CONTENT

vente d’un bien immobilier à un enfant : quelles précautions prendre ?

La vente d’un bien à un enfant doit être réalisée avec prudence pour éviter les risques civils et fiscaux inhérents à ce type d’opération. Les solutions diffèrent selon si la vente est réalisée en pleine propriété, en nue-propriété ou en viager.

vente en pleine propriété : respecter le prix du marché et le paiement du prix

Si la vente se réalise en pleine propriété, il est nécessaire d’être vigilant :

  • au prix de vente qui doit être similaire à celui du marché : une évaluation du bien doit d’abord être réalisée par un notaire ou un expert immobilier. La seule évaluation par une agence immobilière pour définir un prix de mise en vente dans un mandat serait insuffisante. Il est utile également de pouvoir obtenir les prix de vente de transactions réalisées récemment sur des biens semblables et une même localisation.
  • au paiement du prix qui doit être réel. Si un crédit est accordé à l’enfant par le parent vendeur, son terme doit être défini, ainsi que ses échéances et le paiement d’intérêt dans un contrat de prêt qui sera enregistré auprès des impôts.Le paiement du prix permet de prouver qu’il ne s’agit pas d’une donation. Un arrêt récent de la Cour de cassation considère que l’opération ne peut être requalifiée en donation dans le cas d’un paiement partiel et effectif du prix et d’une reconnaissance de dette (Cass. Chambre commerciale, 14 avril 2021, 18-15.623).
  • à la conservation de la preuve de l’origine des deniers et du paiement de ce prix (relevés bancaires, mention dans l’acte d’acquisition).

vente avec réserve d’usufruit ou en rente viagère : des précautions spécifiques

La vente à un enfant en nue-propriété ou en viager sont particulièrement délicates et requièrent des précautions spécifiques.

Pour éviter la présomption de l’article 918 du Code civil : participation de tous les enfants à l’acte ou conservation du seul droit d’usage et d’habitation

Pour éviter la présomption de l’article 918 du Code civil, la solution la plus sûre est d’obtenir lors de la vente en nue-propriété ou en viager l’accord des autres héritiers en ligne directe.

Ces héritiers devront participer à l’acte authentique et le signer. Ils reconnaissent ainsi qu’il s’agit bien d’un véritable acte de vente, qu’il ne s’agit pas d’une libéralité ou qu’il n’en cache pas.

Ils ne pourront plus demander l’application de l’article 918 du Code civil pour réintégrer la valeur en pleine propriété du bien dans la succession, cette demande ne pouvant être faite que par les héritiers en ligne directe qui n’ont pas consenti à la vente (article 918 du Code civil).

Une autre solution également est de vendre le bien à un enfant en conservant uniquement le droit d’usage et d’habitation mais pas le droit d’usufruit.

L’article 918 du Code civil ne mentionne en effet que les ventes avec réserve d’usufruit. La jurisprudence considère que le droit d’usage et d’habitation n’est pas concerné (Cass. 1ère Civ. 5 février 2002, 99-19.875).

Le droit d’usage et d’habitation limite néanmoins les droits du parent vendeur qui ne pourra pas louer le bien et en percevoir des revenus.

Pour éviter la présomption de l’article 751 du CGI : la preuve de paiement du prix

Pour éviter la présomption fiscale de l’article 751 du CGI, il est nécessaire de pouvoir apporter la preuve contraire par :

  • le paiement réel du prix d’acquisition de la nue-propriété par l’enfant. En cas de crédit, tout comme pour la vente en pleine propriété, ce prêt doit être réel, avoir un terme, des échéances réellement payées, un taux d’intérêt et être enregistré.
  • la preuve de l’origine des deniers. Les fonds utilisés doivent bien appartenir à l’enfant acquéreur ou provenir d’un véritable crédit contracté à titre personnel ou encore d’une donation d’argent ayant date certaine.

L’opération devra bien sûr avoir été réalisée au moins trois mois avant le décès de l’usufruitier. L’opération est donc en risque fiscal d’un point de vue successoral tant que ce délai n’est pas purgé, sauf à pouvoir prouver que la donation était sincère et le décès soudain et fortuit.

vendre à une sci (société civile immobilière) ou autre société dans laquelle l’enfant est associé ?

On l’aura sans doute remarqué, les articles 918 du Code civil et 751 du CGI n’envisagent pas expressément le cas d’une vente à un enfant via une société.

Si l’enfant acquéreur crée une société, une SCI (Société Civile Immobilière) par exemple, pour réaliser l’achat en nue-propriété :

  • l’article 918 du Code civil ne serait pas applicable selon les dernières jurisprudences (1ère Civ. 30 septembre 2009, Bull. civ. I, N° 199) puisqu’il mentionne la vente à un successible en ligne directe. La société acquéreur n’est pas, en tant que personne morale, un héritier en ligne directe.Il convient néanmoins d’être prudent et de suivre les éventuelles évolutions jurisprudentielles.
  • l’article 751 du CGI ne mentionne pas non plus expressément le cas où la nue-propriété est détenue par une société. Il concerne les nu-propriétaires héritiers présomptifs de l’usufruitier, leurs descendants, les donataires ou légataires de l’usufruitier ou les personnes interposées. Ces dernières sont définies par l’article 911 alinéa 2 du Code civil. Il s’agit des père et mère, des enfants et descendants ou du conjoint. Les personnes morales ne sont pas considérées comme personne interposée au titre de cet article.

Dans tous les cas, l’opération peut être visée par une procédure d’abus de droit s’il peut être prouvée que la société est fictive ou qu’elle a été créée dans l’objectif exclusif (article L64 du LPF) ou principal (article L64 A du LPF) d’éluder l’impôt.

La vente d’un bien immobilier à un enfant est donc loin d’être une opération classique. Même si elle passe par les mêmes étapes qu’une transaction immobilière habituelle, des précautions spécifiques doivent être prises.

Le risque est celui d’une requalification fiscale mais aussi civile par les autres héritiers en ligne directe au moment du décès du parent vendeur. Les ventes en nue-propriété ou en rente viagère sont particulièrement délicates et doivent faire l’objet d’une attention particulière.

Le conseiller en gestion de patrimoine commettrait une grave erreur s’il considérait cette opération comme ordinaire, voire plus simple qu’une transaction entre tiers. Il ne doit pas non plus estimer que la bonne entente familiale suffira. Son rôle est ici central pour accompagner correctement son client.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine