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Obligations : qu’est-ce que la stratégie « buy and hold » ?

Obligations : qu’est-ce que la stratégie « buy and hold » ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Les stratégies obligataires « buy and hold » sont revenus au goût du jour avec l’augmentation des taux d’intérêt.
De quoi s’agit-il ? Quels sont les principes et les risques ?

 

Dans un environnement de taux bas et même négatifs à court terme depuis 2014 en zone euro, les stratégies obligataires ont été quelque peu délaissées au profit des investissement en actions.

Le rendement des obligations est en effet dépendant du niveau global des taux d’intérêt du marché et donc des taux directeurs des banques centrales.

Toute la période de baisse des taux entamée depuis le début des années 1980 et accentuée à partir de 2014 a pu être intéressante d’un point de vue obligataire compte tenu de la hausse des cours. En effet, si les taux d’intérêt baissent, mécaniquement les cours montent.

 

 

Mais une fois cette baisse des taux achevée, le maintien de leur niveau relativement bas est devenu beaucoup moins propice à l’investissement obligataire.

Ces taux bas ont permis aux agents économiques (ménage, entreprises, Etats) de se financer à des coûts relativement faibles.

Parallèlement, les prêteurs, banques mais aussi émetteurs obligataires, étaient peu rémunérés. L’investisseur en obligations achetant le titre obligataire à l’émission ou en cours de vie recevait en tant que prêteur une maigre rémunération, compte tenu du faible niveau des taux d’intérêt (Taux à 10 ans (OAT Obligation Assimilable du Trésor) en France à 0 % au 30 novembre 2021).

A l’inverse, le marché actions a bénéficié de ces taux d’intérêt relativement bas et il a été privilégiés par les sociétés de gestion, fonds d’investissement et particuliers. Même les investisseurs institutionnels se sont quelque peu détournés du marché obligataire et ont recherché à indexer leurs actifs sur le marché actions en se protégeant de la volatilité soit par des supports dits structurés ou via le Private Equity.

La hausse des taux d’intérêt que nous connaissons depuis janvier 2022 commence à changer la donne et à redonner un nouvel intérêt aux obligations.

Les taux à 10 ans en France sont en effet passés de 0 % fin 2021 à 3 % en janvier 2023 et les rendements des obligations d’entreprises les mieux notées dites Investment Grade (notations Standard & Poor’s entre AAA et BBB-) sont en moyenne de 4 % dans la zone euro début janvier, commençant à offrir des rémunérations plus intéressantes.

Les investisseurs deviennent ainsi plus sensibles au rendement du marché obligataire, puisque celui-ci est plus rémunérateur qu’auparavant.

Pressentant ce nouvel intérêt, de nombreuses sociétés de gestion ont saisi les opportunités de hausse de taux pour créer des fonds d’investissement obligataire dits « Buy and Hold ».

De quoi s’agit-il et quels sont les effets de la hausse des taux sur cette stratégie d’investissement ?

 

SOMMAIRE

  • Buy and hold : une stratégie d’investissement dite passive
  • La stratégie Buy and Hold dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt

 

Buy and hold : une stratégie d’investissement dite passive

 

L’investissement « buy and hold » peut sembler une stratégie de conservation passive. Il nécessite pour autant une sélection obligataire rigoureuse et un suivi permanent.

 

 

Buy and hold : le principe

 

La gestion « buy and hold », littéralement « acheter et garder », consiste à acheter des titres obligataires dans l’objectif de les conserver jusqu’à leur échéance. On parle aussi de fonds obligataire à échéance ou fonds obligataire daté.

Cette stratégie permet :

  • de percevoir les coupons obligataires pendant la période d’investissement dite de portage.
  • de réaliser éventuellement une plus-value si l’obligation a pu être achetée à un cours plus bas que celui de son émission et donc de son échéance, la plupart des obligations étant remboursées à leurs prix d’émission. Il est possible de bénéficier également d’une prime de remboursement si celle-ci est prévue au contrat obligataire (remboursement à un prix plus élevé que celui de l’émission).

Ce type de gestion est à différencier des stratégies dites actives qui vont régulièrement acheter et vendre des obligations à la recherche de rendement et de plus-values, se basant sur des perspectives d’évolution des taux par durée ou sur l’amélioration de la situation financière des émetteurs.

 

 
Rendement et risques des obligations :

 

Le rendement d’une obligation se mesure de manière la plus simple par le rendement courant égal au rapport entre le coupon et le cours de l’obligation. Le rendement évolue donc dans le temps avec le cours de l’obligation.

De manière plus complexe et plus précise, on calcule également le rendement actuariel à l’échéance (yield to maturity) prenant en compte les coupons, la durée jusqu’au terme mais aussi le réinvestissement des coupons pendant la période d’investissement.

Les obligations sont soumises à plusieurs types de risques :

  • Le risque de défaut en cas de faillite de l’émetteur. Les agences de notation (Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch) attribuent une cotation différente à chaque titre obligataire qu’elles analysent (de AAA pour les meilleures notations à D pour les plus mauvaises chez Standard & poor’s par exemple) et font référence dans le classement de solvabilité des émetteurs.
  • Le risque de variation des taux d’intérêt: si les taux du marché augmentent, les cours des obligations déjà émises baissent et inversement.
    On mesure ce risque par le taux de sensibilité de l’obligation (variation du cours de l’obligation pour la variation d’un point de base de taux d’intérêt) mais aussi par la duration (durée nécessaire pour que la rentabilité de l’obligation grâce aux coupons perçus et réinvestis au taux du marché ne soit plus affectée par une variation des taux d’intérêt). Une obligation zéro coupon qui ne distribue aucun intérêt pendant l’investissement a une duration égale à sa maturité (durée de vie). Une obligation qui distribue des coupons aura une duration d’autant plus grande que l’échéance est lointaine et que ses coupons sont faibles.
  • Le risque de liquidité: certains titres obligataires peuvent ne pas trouver acheteur en cas de vente, en raison d’un marché peu liquide.
  • Le risque de change: si l’obligation est émise dans une autre devise que celle de l’investisseur.

 

La stratégie « Buy and Hold » permet d’éviter le risque de variation des taux d’intérêt si les investissements sont conservés jusqu’à l’échéance mais les risques de défaut, de liquidité et de change, demeurent.

 

Buy and hold : l’importance de la sélection et de son suivi

 

La réussite des stratégies « Buy and Hold » reposent principalement sur leur sélection de titres obligataires.

Cette sélection est différente selon le type d’investisseur concerné :

  • les investisseurs institutionnels privilégient les obligations les moins risquées : obligations souveraines (d’État) les mieux notées ou obligations sécurisées.
  • les investisseurs privés recherchent un rendement plus élevé : les gérants « Buy and Hold » sélectionnent alors des obligations d’entreprises dites Investment Grade (IG) pour les obligations privées les moins risquées (notées AAA à BBB- par Standard & Poor’s) ou High Yield (HY) pour les plus risquées (notées BB+ à D).

Le rendement moyen des obligations Investment Grade en Europe est passé de 0,62 % en décembre 2021 à 3,81 % en novembre 2022. Cette augmentation de taux explique le renouveau d’intérêt que peut connaître cette classe d’actifs.

Les obligations High Yield affichent un rendement de 9 % au niveau mondial en janvier 2023. Elles présentent un rendement plus élevé mais un risque de défaut plus important. Elles sont donc recherchées dans les périodes de bonne santé économique pendant lesquels les taux de défaut moyens du marché sont relativement bas. Leur rendement mais aussi leur niveau de risque augmentent en période de récession.

Le niveau de taux de défaut du marché obligataire et les perspectives d’évolution de ces taux sont donc des éléments clés dans la sélection des stratégies « Buy and Hold ».

Le taux de défaut du marché Investment Grade est évalué à 0,14 % par Moody’s fin 2021. Sur le High Yield, Moody’s prévoit fin novembre 2022 un taux de défaut de 4,5 % sur 12 mois.

Ces taux de défaut sont également différents selon les zones géographiques. Le marché obligataire High Yield européen, composé essentiellement d’obligations notées BB, présente un taux de défaut plus faible que celui du marché américain.

 

La sélection de départ ne suffit pas toujours et il peut être nécessaire de vendre une obligation dont la qualité de l’émetteur se détériore afin de ne pas risquer un défaut de remboursement à terme.

Certaines stratégies, dites « Buy and Maintain », privilégient cette souplesse de gestion pendant la période d’investissement et ne vont pas hésiter à vendre certains titres obligataires avant l’échéance si elles anticipent un risque particulier. Ceci suppose d’acheter également de nouvelles obligations en remplacement, en conservant la durée d’échéance prévue pour la stratégie d’investissement.

 

 

La stratégie Buy and Hold dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt

 

La gestion obligataire « Buy and Hold » permet de bénéficier d’un rendement obligataire plus rémunérateur que par le passé du fait de la hausse des taux d’intérêt. Si cette hausse se poursuit, les stratégies « Buy and Hold » déjà investies peuvent néanmoins subir des baisses de valeur pendant la période de portage.

 

Buy and hold : un moyen de bénéficier d’un contexte de taux plus élevés

 

Les gestions obligataires « Buy and Hold » étaient quelque peu délaissées dans un univers de taux bas. L’augmentation des taux d’intérêt depuis début 2022 permet de constituer des portefeuilles obligataires de portage avec des rendements plus attractifs. Les fonds lancés récemment peuvent présenter ainsi un rendement brut annualisé à maturité de 8 % en investissant sur des obligations High Yield.

Ces stratégies peuvent ainsi devenir des concurrentes de la gestion actions dans le contexte actuel de hausse de la volatilité. Les rendements des obligations High Yield peuvent être proches de celui du marché actions tout en affichant une volatilité historique inférieure.

 

Source : AXA-IM

 

Comme pour tout rendement, il reste nécessaire de comparer les performances au taux d’inflation. Les taux d’inflation sont globalement plus élevés que les taux d’intérêt à ce jour et le rendement réel (rendement brut – taux d’inflation) des stratégies « Buy and Hold », notamment des plus prudentes, peut être négatif. Ces taux de rendement obligataires permettent néanmoins à l’investisseur de compenser une partie de l’inflation et le rendement réel peut par ailleurs augmenter si le taux d’inflation reflue avant l’arrivée du terme du portage.

 

Buy and hold : risque d’une forte augmentation des taux

 

Si les gestions obligataires « buy and hold » permettent de fixer un rendement de portefeuille à maturité, elles restent néanmoins sensibles à la hausse des taux d’intérêt pendant la durée du portage.

Si les taux continuent à augmenter alors que le portefeuille est constitué, la valeur du portefeuille baisse, l’augmentation des taux faisant mécaniquement baisser le cours des obligations déjà émises.

La conservation des obligations en portefeuille jusqu’à leur échéance permet néanmoins de percevoir le rendement escompté, en l’absence de défaut d’émetteur. En ce sens, le portage jusqu’au terme permet de ne pas subir la hausse des taux pendant la période d’investissement.

La stratégie « Buy and Hold » permet en quelques sortes d’affranchir le portefeuille des conséquences de la volatilité du marché à court terme.

Néanmoins, il serait faux de penser que la gestion « Buy and Hold » ne comporte pas ou peu de risque, à part celui de solvabilité des émetteurs.

Le risque de taux existe en cours de vie du portefeuille, comme nous l’avons vu, en cas de cession avant l’échéance. Il est difficile de s’engager sur une stratégie d’investissement à cinq ans ou plus en étant certain de ne pas avoir besoin de liquidité avant.

Aussi, de nombreux fonds « Buy and Hold » répondent à ce besoin de liquidité soit :

  • en le rendant possible : ceci suppose de conserver une poche de liquidité (pesant donc sur la performance et devant être suffisante) ou de couvrir le risque d’augmentation des taux (ce qui a également un coût réduisant le rendement).
  • en freinant les possibilités de rachat : par des frais de sortie dissuasifs avant l’échéance.

 

Il existe également un risque d’opportunité. Si les taux augmentent, il est possible de constituer de nouvelles stratégies « Buy and Hold » présentant des taux plus attractifs que les précédentes. L’investisseur peut avoir intérêt à étaler ses placements dans la durée si on anticipe une période relativement longue de hausse des taux.

Enfin, s’il est difficile d’anticiper le marché à court terme, souvent qualifié de pure spéculation, il est aussi moins aisé d’évaluer les risques à long terme dans un environnement changeant. Une augmentation des risques de défaut des émetteurs doit être prises en compte en cas de très forte récession.

 

 

La stratégie « Buy and Hold » doit, dans tous les cas, correspondre à un profil d’investissement spécifique.

Il est indispensable d’avoir le même horizon d’investissement que la durée de la stratégie « Buy and Hold ». L’investisseur ne doit pas y placer les sommes dont il pourrait avoir besoin avant l’échéance, même si le fonds reste ouvert au rachat, car le risque de taux reste présent en cours d’investissement.

Enfin, le portefeuille obligataire doit être suffisamment diversifié et privilégier la qualité des émetteurs.

Le rôle du conseil en investissement est central pour accompagner son client dans ces stratégies d’investissement.

 

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Exit tax : le point après un amendement rejeté !

Exit tax : le point après un amendement rejeté !

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Après un amendement visant à le durcir mais finalement rejeté, le dispositif d’exit tax reste inchangé. Point sur cette imposition visant certains contribuables quittant fiscalement la France.

 

Le premier dispositif d’exit tax en France date de 1998, voté sous le gouvernement de Lionel Jospin et la présidence de Jacques Chirac. Il concernait les contribuables quittant fiscalement la France et détenant des participations supérieures à 25 % au capital de société. Il consistait principalement à lutter contre l’exil fiscal des contribuables entrepreneurs qui pouvaient être tentés de s’installer dans des pays comme la Suisse ou le Royaume-Uni, dans lesquels les plus-values de cession de titres étaient nettement moins imposées qu’en France.

Ce régime d’exit tax a été abrogé en 2005 car jugé dans ses principes de l’époque comme incompatible avec le droit communautaire.

Un nouveau dispositif d’exit tax a été réintroduit par la Loi de Finances pour 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un sursis de paiement pour les contribuables transférant leur domicile dans un État européen est introduit afin d’éviter une requalification au niveau européen.

La Loi de Finances pour 2013 est ensuite venue tempérer le dispositif d’exit tax sur les conditions de pourcentage de participation mais l’alourdir sur la durée minimale de détention nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition, passant de 8 à 15 ans.

En 2019, sous la présidence d’Emmanuel Macron, le régime d’exit tax a été considérablement assoupli afin de réduire les contraintes pesant sur les entrepreneurs s’installant à l’international et améliorer également l’attractivité de la France. La durée nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition est en effet passée de 15 ans à 2 ou 5 ans selon les conditions.

Récemment, mi-octobre 2022, l’Assemblée Nationale a voté un amendement visant à durcir l’exit tax et la ramener à sa version de 2013. Cet amendement a par la suite été rejeté et le régime d’exit tax reste donc celui en vigueur depuis 2019.

Cette longue saga n’est sans doute pas terminée, ce sujet étant politiquement sensible.

A l’heure actuelle, les contribuables « exilés » fiscaux peuvent être concernés par ces différents régimes d’exit tax, selon la date à laquelle ils ont quitté fiscalement la France. Explications !

 

SOMMAIRE

  • Exit tax : les principes
  • Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement

Exit tax : les principes

 

Codifiée à l’article 167 bis du CGI, l’exit tax concerne principalement les actionnaires de société cotée ou non cotée et donc les entrepreneurs. Elle porte sur leurs plus-values de participation, latentes ou en report, et sur certaines créances.

Le transfert de domicile hors de France est le fait générateur de cette imposition mais d’autres conditions sont nécessaires, notamment la durée de domicile en France ainsi que le pourcentage ou la valeur de leur participation au capital de sociétés.

 

Exit tax : sur quelles plus-values ?

Lors du transfert de domicile hors de France et sous certaines conditions que nous allons voir ci-après, l’exit tax est due sur :

  • les plus-values latentes sur titres, valeurs et droits sociaux. Cette imposition concerne aussi bien les actions et parts sociales que les obligations de sociétés françaises ou étrangères. Les SICAV et FCP sont également imposables depuis 2013. Les droits en usufruit ou en nue-propriété sur ces titres sont également soumis à cette imposition.
    La plus-value latente, comme son nom l’indique, n’est pas encore réalisée. Elle correspond à la différence entre la valeur des titres concernés à la date du transfert hors de France (valeur estimée pour les titres non cotés, derniers cours de Bourse ou moyenne des 30 derniers cours pour les titres cotés) et leur valeur d’acquisition.
  • les créances de complément de prix (complément de prix dû lors d’une cession de titres par exemple, clause dite d’earn-out).
  • les plus-values de cession ou d’échanges de titres bénéficiant d’un régime de report d’imposition.
    Il s’agit des plus-values d’apport de titres à des sociétés contrôlées par l’apporteur (article 150-O B ter du CGI), des plus-values d’apport en société d’une créance née d’une clause de complément de prix (article 150-0 B bis du CGI), des plus-values de cession réalisées avant le 01/01/2006 par certains salariés et dirigeants avec réinvestissement du prix de cession dans une société nouvelle non cotée (article 150-O C du CGI) et des plus-values d’échange de titres réalisées avant le 01/01/2000 résultant de certaines opérations de restructuration (article 160, I ter du CGI).
Les titres non concernés par l’exit tax :

  • les titres détenus au sein d’unités de compte de contrats d’assurance-vie ou dans un PEA (Plan d’Epargne en Actions).
  • les sociétés à l’IR à prépondérance immobilière non cotées (par exemple SCI, Société Civile Immobilière, ou SCPI, Société Civile de Placement Immobilier). Depuis 2019, les sociétés à l’IS à prépondérance immobilière doivent être déclarées à l’exit tax, avec dégrèvement possible si, lors de la cession, la plus-value est imposée en France selon le régime des non-résidents.
  • les sociétés cotées à prépondérance immobilière lorsque le contribuable en détient, directement ou pas, plus de 10 % du capital. Les sociétés foncières cotées (SIIC, Société d’Investissement Immobilier Cotée) dont l’actionnaire détiendrait moins de 10 % du capital sont donc imposables.
  • les fonds de placement immobilier.

Exit tax : qui est redevable ?

Les conditions d’imposition sont différentes selon la date de transfert du domicile fiscal hors de France.

Les contribuables ayant quitté fiscalement la France entre 2011 et 2013

Lorsque le transfert du domicile fiscal hors de France a eu lieu avant le 1er janvier 2014, l’exit tax est due si le contribuable :

  • a été domicilié fiscalement en France pendant au moins 6 ans sur les 10 dernières années précédant le transfert à l’étranger.
  • détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latentes à la date du transfert et que ces titres représentent directement ou indirectement au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d’une société, ou une ou plusieurs participations au sein de sociétés d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’Euros.

Le délai pour bénéficier du dégrèvement étant de 15 ans dans ce régime, certains contribuables peuvent encore relever de ce dispositif d’exit tax.

Les contribuables ayant quitté fiscalement la France depuis 2014

Depuis le 1er janvier 2014, le transfert fiscal hors de France engendre l’imposition à l’exit tax si le contribuable a été domicilié en France au moins 6 ans sur les 10 dernières années et s’il détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latente à la date du transfert et que ces titres correspondent à :

  • une participation directe ou indirecte d’au moins 50 % au capital d’une société. Cette condition est donc assouplie comparativement au 1 % de participation déclenchant l’imposition à l’exit tax dans le régime précédent.
  • une ou plusieurs participations dont la valeur excède 800.000 €. On note ici un durcissement sur la condition de valorisation qui était auparavant de 1,3 millions d’euros.
Conditions spécifiques de l’exit tax sur les créances de complément de prix et les plus-values en report :

Les créances correspondant à des clauses de complément de prix lors de cession de participation par exemple sont imposables à l’exit tax dès lors que leur détenteur a été domicilié fiscalement en France au moins 6 ans sur les 10 dernière années précédant le transfert. Aucune autre condition de participation n’est nécessaire.

Les plus-values en report sont imposables à l’exit tax lors du transfert hors de France quelle que soit la durée de résidence en France et sans autre condition.

Exit tax : le calcul d’imposition

Les plus-values latentes et les créances soumises à l’exit tax sont imposables soit :

  • au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % pour les prélèvements sociaux).
  • au barème progressif de l’IR sur option globale.

Pour les titres, droits et valeurs mobilières, la plus-value latente imposable est évaluée entre la date du transfert et la date d’acquisition des titres puis est éventuellement déduite des abattements applicables en matière d’imposition sur plus-value, c’est-à-dire :

  • de l’abattement pour durée de détention en cas de choix pour l’intégration au barème de l’IR et acquisition des titres avant le 01/01/2018.
  • de l’abattement fixe pour dirigeant partant à la retraite si ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite avant la date du transfert hors de France et qu’il cède ses titres dans les deux ans suivant son départ à la retraite (trois ans pour les dirigeants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021).

Les moins-values réalisées entre le 1er janvier de l’année du transfert et la date du transfert, ainsi que les moins-values reportables des années précédentes, ne peuvent pas s’imputer sur la plus-value latente.

Si certains titres soumis à l’exit tax sont en moins-values latentes, ces dernières ne peuvent s’imputer sur les plus-values latentes des autres titres concernés, ni sur les plus-values de l’année qui seraient issues d’une cession.

Concernant les créances issues d’un complément de prix, elles sont imposables sur leur valeur réelle à la date du transfert.

Les plus-values en report sont imposées à l’exit tax dans les mêmes conditions que l’imposition de ces plus-values lors de la survenance d’un des évènements mettant fin au report.

L’imposition à l’exit tax est néanmoins atténuée par deux mécanismes : le sursis d’imposition et la possibilité de dégrèvement.

 

 

Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement

 

Selon le pays dans lequel le contribuable transfert son domicile fiscal, un sursis d’imposition à l’exit tax peut-être autorisé d’office ou demandé avec constitution de garantie.

Des situations et délais spécifiques permettent par ailleurs d’obtenir un dégrèvement de cette imposition, voire dans certains cas une restitution.

 

Un sursis d’imposition à l’exit tax : dans quelles situations ?

Il est possible de bénéficier d’un sursis d’imposition « automatique » de l’exit tax permettant de ne pas avoir à la payer immédiatement.

Depuis 2019, ce sursis automatique s’applique dans le cas d’un transfert de domicile fiscal :

  • dans un pays de l’Union Européenne ou vers la Norvège, l’Islande et le Liechtenstien.
  • dans un pays de l’Espace Economique Européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale et une convention mutuelle de recouvrement et que cet État n’est pas considéré comme « non coopératif » (ETNC, État Non Coopératif).

Si le transfert de domicile s’effectue vers un autre pays, le sursis ne peut intervenir qu’à la demande du contribuable et nécessite la constitution de garantie (égale à 30 % des plus-values et créances imposables) et la désignation d’un représentant fiscal en France.

Dans les situations relativement fréquentes de transfert du domicile fiscal dans un pays de l’UE, l’exit tax n’est donc pas à payer immédiatement et bénéficie automatiquement d’un sursis.

Dans tous les cas, le sursis prend fin :

  • Pour les plus-values, en cas de :
    • cession (hors échange ou apport sous conditions), rachat, remboursement ou annulation des titres concernés
    • donation des titres si le donateur est domicilié fiscalement dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions mentionnées précédemment, sauf s’il est possible de démontrer que cette donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal.
  • Pour les créances de complément de prix, en cas de :
    • perception du complément de prix
    • apport ou cession de cette créance
    • donation de la créance lorsque le donateur est domicilié dans un des Etats mentionnés précédemment pour les plus-values.
  • Pour les plus-values en report, en cas de :

De manière générale, le sursis d’imposition tombe également si le contribuable ne réalise pas ses obligations déclaratives propres à l’exit tax.

L’exit tax devient exigible l’année au cours de laquelle survient l’un de ces évènements mettant fin au report.

Il est possible par ailleurs de bénéficier dans certaines conditions d’un dégrèvement de l’exit tax.

Un dégrèvement de l’exit tax : dans quelles conditions ?

Qu’un sursis de paiement ait pu être obtenu ou pas, le contribuable soumis à l’exit tax peut bénéficier d’un dégrèvement de cette imposition dans les conditions suivantes :

  • Pour les plus-values latentes : à l’expiration d’un délai minimal calculé à partir du transfert du domicile fiscal hors de France.
    Ce délai, initialement de 8 ans pour les transferts initiés entre 2011 et 2013 (inclus), a ensuite été rallongé à 15 ans pour les transferts opérés entre 2014 et 2018 (inclus).
    Pour les transferts ayant eu lieu depuis le 01/01/2019, le délai pour obtenir le dégrèvement a été considérablement raccourci à :

    • 2 ans pour les participations d’une valeur globale inférieure à 2,57 millions d’euros à la date du transfert.
    • 5 ans pour les participations excédant cette valeur.

Ainsi, les délais pour bénéficier du dégrèvement diffèrent suivant la date de transfert du domicile hors de France :

Source : JUST DEEP CONTENT

 

  • Dans tous les cas d’imposition (plus-values latentes, créances de complément de prix, plus-values en report) :
    • le jour où le contribuable redevient résident fiscal français, si la plus-value n’a pas été réalisée ou la créance perçue.
    • si le détenteur réalise une donation de ses titres ou créances de complément de prix soumis à l’exit tax. Si le donateur est domicilié dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions précédemment mentionnées, il sera nécessaire de prouver que cette donation n’est pas faite dans le but principal d’éluder l’impôt.
    • en cas de décès.

 

Le dégrèvement est accordé d’office si l’un de ces évènements survient. Si l’exit tax avait déjà été acquittée, cette imposition fait l’objet d’une restitution.

Depuis 2014, ces situations de dégrèvement concernent à la fois l’IR et les prélèvements sociaux.

 

Auteur

Anne Brouard   

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Travaux, déficit : quelles déductions en location meublée et location nue ?

Travaux, déficit : quelles déductions en location meublée et location nue ?

Temps de lecture estimé : 12 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Travaux et déficits se déduisent différemment en location meublée et en location nue. Explications !

 

Le projet de Loi de Finances rectificative pour 2022 double le montant maximal de report des déficits sur le revenu global, lorsque ce déficit est issu de travaux énergétiques, le portant à 21.400 €, alors qu’il est d’ordinaire de 10.700 €.

L’objectif du législateur est d’encourager et d’aider à la rénovation énergétique des biens à usage d’habitation et loués nus. Ce plafond de déficit reportable sur le revenu global, pouvant être doublé lorsqu’il provient de travaux énergétiques, ne relève en effet que de la location nue.

Les biens en location meublée ne peuvent bénéficier de ce plafond doublé, y compris lorsqu’ils sont loués à usage d’habitation sur une longue durée.

Or, depuis la Loi Climat de 2019 et la Loi dite « Climat et résilience » de 2021, les biens meublés à usage d’habitation, c’est-à-dire loués en bail étudiant, bail mobilité ou bail meublé classique d’habitation, sont soumis comme les biens en location nue aux exigences des étiquettes dites DPE (Diagnostic de Performance Énergétique).

Les biens classés G ne pourront plus être loués en 2025 et en 2028 pour les biens classés F.  Suivant leur classement, ces biens vont donc nécessiter des travaux de rénovation énergétique pour pouvoir continuer à être loués. Ces travaux seront aussi nécessaires pour pouvoir augmenter ou indexer le loyer des biens classés F ou G lorsque les baux sont conclus ou reconduits depuis le 24/08/2022.

Au-delà de ce plafond de déficit reportable propre aux locations nues, l’ensemble des règles de déduction des travaux et d’imputation des déficits sont totalement différentes en location meublée et en location nue.

Alors que de nombreux propriétaires locatifs vont certainement entamer d’importants travaux sur leurs biens dans les années à venir, il est important de connaître ces différences de traitement fiscal.

 

SOMMAIRE

  • Location nue : une déduction de certains travaux et un déficit fiscal reportable
  • Location meublée : un amortissement des travaux et un déficit fiscal limité

 

Location nue : une déduction de certains travaux et un déficit fiscal reportable

 

En location nue, seuls certains types de travaux sont retenus fiscalement et sont alors déductibles directement des loyers perçus.  Ces travaux peuvent créer un déficit dont une partie seulement s’impute sur le revenu global, c’est-à-dire sur le total des autres catégories de revenus nets de l’année.

 

Quels sont les travaux déductibles en location nue

En location nue, pour pouvoir déduire des loyers perçus les charges et les travaux sur le bien locatif, il est tout d’abord nécessaire de relever du régime réel des revenus fonciers ou d’opter pour ce régime si les loyers annuels perçus sont inférieurs à 15.000 €.

En deçà de ce montant, le micro-foncier est applicable d’office. Dans ce régime, le revenu foncier net imposable est déterminé après application d’un abattement de 30 % sur les loyers perçus, ce qui ne permet donc pas de déduire les frais réels.

L’option pour le régime réel est irrévocable pendant 3 ans.

Ces travaux doivent :

  • permettre l’acquisition ou la conservation des revenus fonciers
  • et être effectivement payés l’année de leur déduction (même si les travaux sont effectués avant ou après l’année en question).

Cela étant, seuls certains types de travaux peuvent faire l’objet d’une déduction. Il s’agit :

  • des travaux d’amélioration: ils doivent avoir pour objet d’apporter au bien un élément ou un équipement de confort nouveau ou moderniser le bien pour offrir une meilleure conditions d’utilisation et de vie. Ils ne doivent pas modifier la structure de l’immeuble. Une nouvelle installation de chauffage plus efficace et moins énergivore, ou la réfection d’une salle d’eau ou d’une cuisine entrent ainsi dans ce type de travaux.

A noter :

Dans le cas de location de bien à usage professionnel ou commercial, les dépenses d’amélioration ne sont pas déductibles, sauf celles permettant l’accueil des personnes handicapées, ou la protection des locaux contre l’amiante.

  • des travaux de réparation et d’entretien: ces dépenses permettent de maintenir ou de remettre le bien en état afin que l’on puisse en conserver un usage normal. Entrent dans cette catégorie par exemple le remplacement d’un chauffe-eau défectueux ou la rénovation de l’installation électrique. Ces travaux ne doivent pas modifier la consistance du bien, son agencement ou son équipement.

Attention :

Les dépenses de réparations et d’entretien normalement mises à la charge du locataire ne sont pas déductibles des revenus fonciers.

Ces dépenses de réparation et d’entretien sont dites locatives car incombant au locataire, tel que défini par le décret du 26/08/1987. Si elles sont prises en charge par le propriétaire, le locataire doit les lui rembourser.

Qu’elles soient remboursées ou non, ces dépenses locatives ne peuvent pas donner lieu à une déduction des revenus fonciers, sauf dans deux cas :

  • dépenses rendues nécessaires par la vétusté ou la force majeure
  • dépenses engagées avant l’installation d’un locataire afin de faciliter la location du bien.
  • Les autres types de travaux ne sont jamais déductibles des revenus fonciers. Il s’agit notamment :

    • des travaux de construction ou de reconstruction modifiant de manière importante le gros œuvre ou équivalent par leur importance à une reconstruction
    • les travaux d’agrandissement augmentant le volume ou la surface habitable
    • les travaux de démolition

 

Comment le déficit foncier se calcule et s’impute en location nue ?

Les travaux déductibles peuvent créer un déficit foncier. L’imputation de ce dernier suit des règles spécifiques.

Règles de calcul du déficit foncier

Les dépenses et les travaux déductibles peuvent aboutir à un déficit foncier lorsque leur montant excède le total des loyers perçus sur le bien hors charges locatives.

Mais la règle fiscale n’est pas si simple :

  • Une part du déficit est déductible du revenu global, c’est-à-dire de la somme des autres revenus nets annuels du contribuable (traitements et salaires, pensions de retraite et rentes viagères, BIC (Bénéfices Industrielles et Commerciaux), BNC (Bénéfices Non Commerciaux), BA (Bénéfices Agricoles), Revenus et plus-values mobiliers …).
  • L’autre part est déductible des revenus fonciers des années suivantes.

Pour que ces déficits ne soient pas remis en cause, le bien doit rester loué jusqu’au 31 décembre de la 3ème année suivant leur imputation. 

Un autre principe est que les charges d’intérêt d’emprunt ne peuvent pas créer un déficit imputable sur le revenu global.

Concrètement, le calcul doit d’abord consister à déduire les intérêts d’emprunt des loyers perçus :

  • Si le résultat est positif: les charges d’intérêt ne créent pas de déficit. Le déficit qui serait créé par les autres charges et travaux déductibles est alors fiscalement imputable sur le revenu global dans la limite d’un plafond de 10.700 € (doublé à 20.400 € pour les déficits issus de travaux énergétiques à partir de 2023), comme nous allons le voir ensuite.
  • Si le résultat est négatif: les intérêts créent un déficit. Cette part de déficit n’est pas imputable sur le revenu global mais uniquement sur les revenus fonciers des années suivantes. Seules les autres charges et travaux déductibles sont à prendre en compte pour déterminer le déficit imputable sur le revenu global de l’année.

Schéma d’imputation du déficit : 

Revenus bruts : + 15.000 €

Intérêts d’emprunt : – 18.000 €

Autres charges déductibles : – 20.000 €

Source : Commission des Finances, Sénat

Exemples :

Cas 1 :

Loyers perçus : 4.000 €

Intérêts d’emprunt : – 3.000 €

Solde : 1.000 €

Travaux déductibles : – 8.000 €

Déficit : – 7.000 €

L’intégralité de ce déficit est imputable sur le revenu global.

Cas 2 :

Loyers : 2.000 €

Intérêts d’emprunt : – 3.000 €

Solde : – 1.000 €

Travaux déductibles : – 8.000 €

Déficit : – 9.000 €

La part de déficit généré par les intérêts d’emprunt, soit – 1.000 €, n’est pas imputable sur le revenu global mais sur les revenus fonciers des 10 prochaines années. Le solde du déficit, soit – 8.000 €, est imputable sur le revenu global.

 

Règles d’imputation du déficit foncier

Le projet de Loi de Finances rectificative modifie les plafonds d’imputation des déficits fonciers sur le revenu global.

Déficit imputable sur le revenu global : un nouveau plafond en 2023 pour certains travaux

Le déficit foncier calculé selon les principes précédents est imputable pour partie :

  • sur le revenu global de l’année, c’est-à-dire sur la somme des autres revenus catégoriels nets du contribuable, à hauteur d’un certain plafond, jusqu’ici fixé à 10.700 €. La part du déficit créé par les intérêts d’emprunt n’entre pas dans ce déficit imputable sur le revenu global.

Si le revenu global est insuffisant pour absorber le déficit, le solde est imputable sur le revenu global des 6 années suivantes.

  • sur les revenus fonciers des 10 années suivantes pour la part du déficit excédant le plafond de 10.700 € et pour le déficit généré par les intérêts d’emprunt

Important :

L’imputation du déficit foncier sur le revenu global, ou sur les revenus fonciers, engage le propriétaire à louer le bien en location nue jusqu’au 31 décembre de la 3ème année suivant celle de l’imputation. En cas de non-respect de cette durée de location, la déduction du déficit est remise en cause.

Le projet de loi de Finances rectificative pour 2022 double le plafond de 10.700 € à 21.400 € lorsque le déficit est généré par des travaux de rénovation énergétique.

Certaines conditions sont néanmoins à respecter :

  • Les travaux de rénovation énergétique doivent permettre de sortir le bien des classes énergétiques E, F ou G (passoires thermiques) et de le faire passer en classe minimum A, B, C ou D au plus tard le 31 décembre 2025, sur justificatif de nouveau diagnostic après travaux.
  • Les dépenses de rénovation énergétique doivent être réalisées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025. Les devis doivent avoir été acceptés à partir du 5 novembre 2022.

Un grand nombre de précisions et détails sur l’application de cette mesure reste à définir par décret, notamment la liste précise des travaux éligibles.

Déficit imputable sur les revenus fonciers : une économie d’impôt particulièrement efficace

Les contribuables fortement imposés compte tenu d’un revenu global significatif peuvent être naturellement intéressés par imputer sur ce revenu un déficit foncier à hauteur de 10.700 € ou 21.400 € pour travaux énergiques. L’économie d’impôt sera proportionnelle à la tranche marginale d’imposition (TMI).

Une personne imposée à la tranche marginale de 45 % par exemple fera une économie d’impôt de 4.815 € pour une imputation de déficit de 10.700 € (10.700 x 45 %) ou de 9.630 € pour 21.400 € de déficit imputé.

Cependant, l’imputation du déficit, non pas sur le revenu global mais sur les revenus fonciers des années suivantes, peut être beaucoup plus efficace.

L’économie d’impôt est alors proportionnelle à la TMI mais également aux prélèvements sociaux de 17,2 % applicables aux revenus fonciers nets et qui seront également économisés.

L’économie fiscale pour une personne imposée à la TMI maximale sera ainsi de 62,2 % (45 % + 17,2 %) du déficit imputé sur les revenus fonciers (sans tenir compte de la CSG déductible de 6,8 % l’année suivante).

Mieux vaut donc imputer le déficit sur les revenus fonciers si ceux-ci restent constants dans les années suivantes, et ceci d’autant plus si le déficit peut s’imputer rapidement en un ou deux ans.

Il n’est pas possible néanmoins de choisir le mode d’imputation de déficit sur le revenu global ou sur les revenus fonciers. Le déficit, hors celui généré par les intérêts d’emprunt, est nécessairement imputable sur le revenu global jusqu’à 10.700 € et il n’est pas possible dans l’état actuel de la loi d’y déroger.

Qu’en est-il pour le déficit doublé à 21.400 € ?

Dans l’attente du décret d’application, il est difficile d’y répondre. Le dispositif est présenté pour s’appliquer systématiquement sur les travaux de rénovation énergétique par une imputation sur le revenu global jusqu’à 21.400 €.

Pour les contribuables préférant imputer leur déficit davantage sur les revenus fonciers que sur le revenu global pour les raisons que nous avons présentées, sera-t-il possible de ne pas relever de ce doublement de plafond ?

Dans le texte actuel de la loi, il faudrait pour cela que les travaux n’entrent pas dans la liste éligible (attendue par décret), cette condition étant peu applicable en pratique, ou de ne pas présenter de diagnostic d’amélioration énergétique avant la fin du dispositif, le 31 décembre 2025.

Ces questions concernant l’application, ou non, de ce dispositif de doublement de plafond seront, nous l’espérons, précisées par le décret à venir.

 

Location meublée : un amortissement des travaux et un déficit fiscal limité

 

En location meublée, les travaux ne sont pas déductibles du chiffre d’affaires de l’année de leur réalisation mais sont amortissables sur une certaine durée. S’agissant d’une déduction par amortissement, ils ne peuvent pas participer à la création d’un déficit fiscal.

Mais cette règle n’est pas nécessairement un inconvénient.

 

Location meublée : des travaux amortissables et non pas déductibles

Dans le régime fiscal de la location meublée, qu’elle soit pratiquée en statut LMP (Location Meublée Professionnelle) ou LMNP (Location Meublée Non Professionnelle), les travaux ne sont pas déductibles directement des loyers perçus mais amortissables sur une certaine durée et selon leur nature.

Seules certaines dépenses d’entretien ou de remplacement peuvent être déductibles sous conditions.

Règles d’amortissement des travaux en location meublée

En location meublée, les travaux qui viennent augmenter la valeur du bien ne peuvent constituer des charges déductibles du chiffre d’affaires annuel.

Ces dépenses de travaux sont nécessairement amorties sur des durées différentes selon la nature de travaux et leur durée d’usage.

Concernant les travaux d’amélioration et d’équipement, aucune durée spécifique d’amortissement n’est définie par l’administration fiscale qui mentionne simplement que les dépenses d’amélioration sont amorties sur des durées de 5 à 12 ans.

A titre d’exemple, les travaux d’agencement intérieur sont amortis en moyenne sur 12 ans, une cuisine équipée sur 10 ans, l’électroménager sur 5 ans.

Les meubles acquis ou installés pour débuter la location meublée sont inscrits au bilan et font l’objet d’un amortissement en général sur une durée de 5 ans.

S’il s’agit de travaux de construction ou d’agrandissement, leur valeur est décomposée en différents types d’éléments (gros œuvres, menuiserie, électricité, plomberie …) dont chacun est amorti selon une durée spécifique, en général plus longue que les travaux d’amélioration et d’équipement, ces durées pouvant aller de 25 à 40 ans ou plus. La plomberie peut par exemple s’amortir sur une durée moyenne de 20 ans, la toiture sur 25 ans.

Les travaux de rénovation énergétique sont donc des dépenses amortissables dont la durée dépend de chaque élément composant ces travaux (isolation des murs, étanchéité des fenêtres …).

 Dépenses d’entretien et de remplacement déductibles : attention au seuil des 500 € HT.

Les dépenses d’entretien et de réparation sont considérées comme des charges déductibles du chiffre d’affaires annuelle l’année de leur paiement.

L’administration fiscale a émis une règle concernant les dépenses de petit équipement (matériel et outillage, mobilier …). Ces dépenses, si elles sont inférieures à 500 € HT (ou 600 € TTC), peuvent être déduites immédiatement et entrent dans les charges annuelles.

Mais ce seuil de 500 € HT n’est pas le seul critère à considérer pour catégoriser la dépense en amortissement ou en charge déductible. Certaines pratiques consistant à diviser les travaux en plusieurs factures inférieures à 500 € HT pour les déduire en charges sont bien sûr requalifiables.

Le critère principal pour distinguer si travaux sont amortissables ou s’ils passent en charges déductibles réside dans la nature de la dépense.

Si cette dépense a une durée de vie supérieure à un an, il s’agit alors de travaux amortissables. Si ces frais devront être renouvelés avant un an du fait de l’usure et de la nécessité de remplacement et d’entretien, ils correspondent à des charges déductibles.

En général, les travaux sont réalisés pour une période supérieure à l’année et sont donc des dépenses amortissables.

 

Travaux immobiliers et déficit en location meublée : quel effet fiscal ?

A la différence de la location nue, la déduction des travaux en location meublée est donc répartie sur plusieurs années sous forme d’amortissement annuel.

Pour autant, comment ces dépenses de travaux amortissables s’imputent-elles en cas de déficit ?

Le plafond de déduction du déficit sur le revenu global (à 10.700 € ou 21.400 € pour des travaux de rénovation énergétique) n’existe pas en location meublée.

Un autre principe s’applique : les amortissements ne peuvent pas créer de déficit fiscal.

Cette règle, codifiée à l’article 39 C du CGI, est propre à l’activité de location meublée, qu’elle soit exercée en LMP ou LMNP (BOI-BIC-CHAMP-40-20 n° 57)

Si le déficit comptable annuel est dû aux amortissements, il ne peut être tenu compte de ce déficit fiscalement. Le résultat imposable est alors nul mais il ne peut pas être déficitaire.

Ce déficit comptable dû aux amortissements ne peut donc pas être imputé sur le revenu global dans le cas de la LMP ou sur les BIC non professionnels, c’est-à-dire les revenus de location meublée non professionnelle des 10 années suivantes sous le statut de LMNP.

Néanmoins, la part d’amortissement ayant créé ce déficit comptable n’est pas perdue. Ces amortissements sont réputés différés et peuvent s’imputer sur les revenus de location meublée des années à venir sans limitation de durée.

L’amortissement des dépenses de travaux amortissables n’est donc jamais perdu tant que l’activité de location meublée se poursuit.

Cet amortissement, même s’il ne crée pas de déficit, permet d’effacer les revenus imposables, ce qui peut offrir une plus grande efficacité fiscale que l’imputation de déficit sur le revenu global.

L’économie d’imposition induite est en effet proportionnelle à la TMI du contribuable concerné mais également aux prélèvements sociaux de 17,2 % ou au taux de cotisations sociales (de l’ordre de 40 % au régime social réel, hors forfait minimum) si l’activité y est soumise.

On retrouve ici une efficacité fiscale proche de l’imputation des déficits sur les seuls revenus fonciers en location nue, à la différence que la totalité des amortissements de travaux est nécessairement concernée, sans qu’il soit nécessaire de consacrer 10.700 € (ou 21.400 €) à une imputation sur le revenu global moins efficiente.

Cette « performance » fiscale est néanmoins à pondérer par le temps. Vaut-il mieux réaliser une économie d’impôt immédiate, proportionnelle à la TMI, ou bénéficier d’une économie plus importante incluant les prélèvements sociaux (17,2 %) ou les cotisations sociales mais à une date ultérieure ? Plus cette imputation sur les revenus fonciers ou les revenus de location meublée des années à venir pourra se faire rapidement, plus l’économie d’impôt sera efficiente.

Les amortissements annuels ont par ailleurs une conséquence fiscale et surtout sociale en termes de plus-values de cession en statut de location professionnelle (LMP). Le cumul des amortissements pratiqués sur le bien, y compris les amortissements des dépenses de travaux, entrent dans le calcul de la plus-value professionnelle dite à court terme, imposable au barème de l’IR en cas de cession ou de mutation à titre gratuit (donation, cession) et également aux cotisations sociales.

Il est possible de bénéficier, sous conditions, de régimes d’exonération mais uniquement au titre de l’IR et des prélèvements sociaux, mais pas des cotisations sociales. Dans le statut LMP, l’économie fiscale de l’amortissement des travaux peut donc se perdre au moment de la cession ou de la transmission du bien. Il peut être alors préférable avant toute mutation de passer en régime de LMNP, comme nous l’avons vu dans un précédent article.

 

Auteur

Anne Brouard   

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Inflation : phénomène transitoire ou durable ?

Inflation : phénomène transitoire ou durable ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Après plus de 30 ans d’accalmie, nous assistons à un retour soudain de l’inflation. Quelles en sont les raisons ? Ce phénomène est-il provisoire ou plus profond ?

 

L’analyse que nous avions présentée dans notre article d’avril 2020 (Covid-19 et crise économique : inflation ou déflation ?) semble se confirmer. La période post-Covid se traduit par une forte reprise de l’inflation.

Les taux d’inflation, très bas depuis plus de 30 ans (entre 0 et 4 %), se sont envolés brutalement, passant en France de 1,2 % en juillet 2021 à 6,2 % en octobre 2022 (taux en glissement annuel). La moyenne de la zone Euro est encore plus élevée et atteint 10,7 % en octobre. Les Etats-Unis ont connu cette reprise de l’inflation plus tôt et plus rapidement, avec une inflation en base annuelle de 8,20 % en septembre 2022.

 

Source : France Transactions

 

Nous renouons avec une période inflationniste que nous ne connaissions plus depuis les années 1980.

Les premières explications relevant de la sortie de crise du Covid et d’une forte reprise de la demande, le phénomène inflationniste a d’abord été considéré comme transitoire.

Force est de constater que les taux d’inflation restent élevés. La question de l’entrée dans une période inflationniste plus durable commence donc à se poser.

Pourquoi un retour aussi brutal de l’inflation ? Quels facteurs pourraient rendre ce phénomène plus persistant ? Explications.

 

SOMMAIRE

  • Inflation : pourquoi un tel retour ?
  • Quelles conditions pour que l’inflation s’installe ?

Inflation : pourquoi un tel retour ?

 

La reprise soudaine de l’inflation s’explique davantage par une baisse brutale de l’offre de produits et services corrélée à une forte augmentation de la demande à la sortie de la crise du Covid-19, que par l’importance de la masse monétaire créée par les banques centrales depuis plusieurs années ou les récentes aides publiques à l’économie.

La hausse des coûts de production, la baisse de la valeur de l’Euro et le coût de l’énergie (inflation importée), ont ensuite accentué ce phénomène.

 

 

Création monétaire et vitesse de circulation de la monnaie : un effet jusqu’ici faible sur l’inflation

L’importance de la masse monétaire en circulation dans l’économie peut être un facteur d’inflation.

C’est d’ailleurs l’une des explications principales à l’inflation dans les théories dites monétaristes.

 

L’équation d’Irving Fisher l’explique ainsi :

M x V = T x P

Où : M = Masse monétaire ou quantité de monnaie

V = Vitesse de circulation de la monnaie dans l’économie

T = Volume des transactions d’achat et de vente de biens et services

P = Niveau général des prix

 

Ainsi, si la masse monétaire augmente et que les autres variables (vitesse de circulation de la monnaie et volume des transactions) restent constantes, le niveau général des prix augmente.

L’inflation est une augmentation générale et durable du niveau des prix entraînant une perte de pouvoir d’achat de la monnaie (définition de l’INSEE). L’accroissement de la masse monétaire engendre donc de l’inflation.

Or depuis 2008, en réponse à la crise financière, les banques centrales n’ont cessé d’injecter de la monnaie dans l’économie (politique de quantitative easing). Pour autant, l’inflation n’est pas repartie à la hausse et elle est même restée relativement stable jusqu’en 2021.

Plusieurs raisons ont été invoquées à cette absence d’inflation, notamment l’absence d’injection de cette monnaie dans l’économie réelle et son investissement dans les actifs financiers ou immobiliers, ne créant une hausse de prix que dans ces domaines. Or l’immobilier (hormis les loyers) et les cours des marchés boursiers ne sont pas pris en compte dans les indices de mesure de l’inflation.

Comment calcule-t-on l’inflation ?

L’inflation se mesure par un indice des prix à la consommation (IPC en France calculé par l’INSEE), en tenant compte de l’évolution des prix d’un panier fixe de biens et services à qualité constante. Les prix de l’immobilier (sauf les loyers) et des actifs financiers n’entrent pas dans ce calcul.

Mais le retour soudain de l’inflation que nous notons depuis plusieurs mois concerne bien une envolée des prix de biens et services.

Force est de constater que la création de monnaie par les banques centrales, exercée massivement depuis plus d’une dizaine d’année, n’explique pas à elle seule ce retour brutal de l’inflation depuis un an.

Les politiques budgétaires de soutien public à l’économie ont également pour effet d’accroître la masse monétaire en circulation, les aides étant versées directement aux acteurs économiques. Or ces aides ont été massives pendant la crise du Covid.

Ce maintien des capacités d’achat des acteurs économiques a pu créer une pression à la hausse sur les prix mais ce phénomène s’explique davantage par les tensions provoquées à la fois sur la demande et sur l’offre de biens et services que par la croissance de la masse monétaire en circulation.

Si l’on reprend l’équation d’Irving Fischer, il semble que ce soit davantage la contraction de T, du volume des transactions, qui explique ce regain soudain de l’inflation.

 

Un choc d’offre et de demande depuis l’après Covid

La crise du Covid et la réouverture des activités économiques après la période de confinement ont créé de fortes tensions sur l’offre et la demande de biens et services :

  • Dès que les ménages et les entreprises ont pu reprendre leur consommation et leur production, la demande de biens et services s’est accrue brutalement. Ce phénomène a particulièrement concerné les biens de consommation et d’équipement (voitures d’occasion, matériel informatique …). Cette demande pour certains biens a été d’autant plus forte que beaucoup d’entreprises ont cherché à constituer des stocks plus importants qu’habituellement pour faire face à d’éventuelles pénuries.

L’épargne des ménages a considérablement augmenté pendant la période du Covid et les mesures budgétaires de soutien, plus de 16 000 milliards de dollars au niveau mondial, ont accru la possibilité d’achat des acteurs économiques.

  • Parallèlement, après une mise à l’arrêt ou un fort ralentissement de plusieurs mois, les circuits de production, de distribution et de transports (notamment maritimes) ont eu beaucoup de difficultés à reprendre leur rythme de fonctionnement d’avant crise. Les fameux goulots d’étranglement dans les chaînes de production se sont fait sentir.

Cette double tension sur l’offre et la demande a logiquement engendré une forte augmentation des prix à partir de mi-2021, se traduisant directement dans l’évolution des taux de l’inflation sous-jacente (inflation hors énergie et produits alimentaires), c’est-à-dire sur les prix des biens de consommation durable et de services.

Inflation sous-jacente :

L’inflation sous-jacente est calculée de manière à ne pas tenir compte de la saisonnalité des activités économiques et des variables trop volatiles. En Europe, elle est mesurée à partir de l’évolution des prix hors énergie et produits d’alimentation.

L’inflation par les coûts

Dans tous les pays et particulièrement en Europe, les prix de l’énergie et des matières premières se sont considérablement accrus à partir de 2021, entraînant mécaniquement une hausse des prix des biens et services.

 

Energie et matières premières

Cette forte augmentation du prix de l’énergie et des matières premières n’est pas sans rappeler la période d’inflation des années 1970. Les raisons sont néanmoins différentes et résultent de la combinaison de plusieurs effets :

  • Tout d’abord, comme toute activité économique, les secteurs de l’énergie et des matières premières ont été concernés par la crise du Covid. Un fort ralentissement de la production, puis un rythme de production difficile à retrouver face à un accroissement soudain de la demande lors de la réouverture de l’économie ont déstabilisé ces marchés.
  • Dès 2021, les productions d’énergie et de matières premières ont été perturbées par des conditions météorologiques particulièrement défavorables : un hiver 2020-2021 particulièrement froid et plusieurs catastrophes climatiques (ouragan Ida …).
  • A partir de février 2022, la guerre en Ukraine a fini de déstabiliser totalement ces marchés en raison du positionnement stratégique des forces en présence. Russie et Ukraine sont des exportateurs clés en Europe de pétrole, de gaz, de métaux (nickel, acier …) mais aussi de produits d’alimentation de base. L’Ukraine et la Russie représentent 30 % des exportations mondiales de blé et sont dans les premiers rangs de production de céréales ou d’huile de tournesol. Les menaces de représailles de la Russie sur ses engagements de fourniture en gaz des pays européens, les sanctions économiques votées contre la Russie, les destructions d’infrastructures et les catastrophes humaines subies sur le sol ukrainien, sont évidemment de nature à réduire l’offre des biens exportés par ces pays.

L’inflation par les coûts de l’énergie a été la cause principale de l’accroissement de la hausse des prix en Europe, davantage qu’aux Etats-Unis. Le taux d’inflation énergétique a cru de 44 % en mars 2022 en zone Euro, contre 32 % aux Etats-Unis. La zone euro s’est trouvée directement concerné par le conflit russo-ukrainien.

 

Tension sur le marché du travail et coûts salariaux

La crise du Covid a créé un choc important sur le marché du travail. On a pu constater tout d’abord une baisse du taux d’activité pendant le confinement.

Puis, à la sortie de la crise, la reprise a naturellement créé une augmentation de la demande d’emplois. Parallèlement, l’offre d’emploi n’a pas progressé et les tensions se sont resserrées sur le marché du travail. Dans cette situation, le coût du travail a alors tendance à augmenter puisqu’il est nécessaire de proposer des salaires supérieurs pour recruter.

Ce phénomène est plus marqué aux Etats-Unis où le taux de chômage était déjà relativement bas. Le taux de participation au travail y est resté inférieur à celui d’avant crise du Covid. On a pu parler d’effet « désertion » du marché du travail. Les coûts salariaux ont alors fortement augmenté, participant à la hausse de l’inflation.

Cette tension salariale est plus modérée en Europe pour l’instant, le retour à l’emploi après crise ayant été plus rapide. Mais si la demande sur le marché continue à croître, les coûts salariaux devraient également suivre.

 

Source : Banque Nationale de Belgique

 

L’inflation importée : renchérissement des importations

Les économies étant mondialisées, l’inflation s’est accrue également par le phénomène dit d’inflation importée, pour deux raisons :

Les matières premières et l’énergie constituent pour beaucoup de pays des importations. La hausse de leurs prix se répercutent sur les coûts de production des entreprises ou le coût de la vie des particuliers.

Les membres du CLEEE, association des entreprises les plus consommatrices d’électricité et de gaz en France, relèvent une hausse du coût de l’énergie de 80 % en 2022 par rapport à 2021. Ces prix devraient tripler en 2023.

La hausse du dollar, devise dans laquelle est libellée une grande partie des importations pour l’Europe, renchérit mécaniquement le coût des importations et accroît l’inflation. Cette hausse du dollar contre l’Euro est particulièrement forte depuis 2021. Elle s’est accentuée depuis mars 2022 et la décision de la FED (Banque Centrale américaine) d’augmenter ses taux, justement pour juguler l’inflation.

Le renchérissement du prix des importations est reporté sur les prix des produits finaux, engendrant une inflation domestique dans les pays importateurs.

Source : ADECEF

 

Quelles conditions pour que l’inflation s’installe ?

 

Cette reprise de l’inflation, considérée dans un premier temps comme transitoire par les banques centrales elles-mêmes, semble se poursuivre.

Si les causes inflationnistes jusqu’ici conjoncturelles deviennent longues ou structurelles, si une spirale inflationniste se met en place, l’inflation pourrait s’installer plus durablement.

 

Le passage de causes conjoncturelles à des phénomènes longs, voire structurels

On constate que les chocs sur l’offre de biens et services, alors que la demande reste élevée, ont tendance à perdurer. Les confinements récurrents en Chine en raison de vagues de Covid persistantes, les difficultés des transports maritimes et l’accroissement de leurs coûts se poursuivent et créent une pression durable sur les chaînes de production.

L’indicateur Flexport OTI (Ocean Timeliness Indicator) mesure les délais d’expédition par voie maritime. Cet indicateur tend à s’améliorer légèrement depuis leur sommet d’avril 2022 mais son niveau reste encore largement supérieur à celui d’avant la pandémie. Sur la ligne Chine – Ouest des Etats-Unis, le délai de transport est de 83 jours au lieu de 45 jours avant la crise du Covid.

La désorganisation des chaînes de production, si elle dure, peut aboutir à une détérioration plus durable voire permanente de ces capacités. Certains économistes (Olivier Blanchard et Lawrence Summers), avaient parlé à propos du chômage de la notion dite d’hystérèse, concept emprunté aux sciences physiques, pour expliquer comment un effet dure alors que ses causes ont disparu. On peut également constater ce phénomène sur la reprise des chaînes de production.

Le prix de l’énergie et notamment du pétrole demeure également sur un niveau élevé. Lorsque les prix sont amenés à baisser, comme cela a pu être le cas dernièrement avec une baisse de 30 % du cours du Brent entre mars et octobre en raison des perspectives de récession économique, les membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) réduisent l’offre afin de soutenir les cours.

La baisse de l’offre de gaz pour l’Europe depuis la guerre en Ukraine a fait exploser les prix. La production européenne de gaz a par ailleurs naturellement tendance à chuter, renchérissant son cours.

Face à la hausse du coût de l’énergie, certaines activités sont dans l’obligation de ralentir leur production, particulièrement en Europe et en Allemagne, ce qui accentue la baisse de l’offre de produits et tend les approvisionnements.

Cette baisse peut être compensée par l’accroissement des importations selon le type de produit manquant. Mais, sauf à provenir de zones nettement plus compétitives, ces importations peuvent être plus coûteuses et participer également à l’inflation importée.

 

L’augmentation des coûts de production peut par ailleurs devenir durable en raison d’une hausse structurelle des prix de l’énergie.

La transition écologique et le passage absolument nécessaire à une énergie décarbonée suppose un fort développement des énergies renouvelable ou des énergies bas carbone. Or leurs coûts sont encore élevés et le passage vers ces techniques aura tendance à mécaniquement accroître le prix de l’énergie.

Les mécanismes mis en place afin de renchérir le prix des énergies carbonées et inciter à la transition énergétique participent également à la hausse du prix de l’énergie, et notamment de l’électricité, tant que celle-ci provient d’énergies fossiles. Les prix des quotas d’émission, mis en place dans le cadre du SEQE (Système Européen d’Echange de Quota d’Emission) sont depuis longtemps à la hausse, ce qui peut créer une tension durable sur le prix de l’énergie.

Parallèlement, la hausse actuelle du cours des énergies carbones (pétrole, gaz, centrales électriques à charbon) est plutôt une bonne nouvelle pour la transition énergétique. Outre l’incitation à une réduction de consommation, cette hausse réduit également l’écart de coût avec les énergies renouvelables ou bas carbones, ce qui peut faciliter le développement de ces dernières.

Enfin, les politiques de relances budgétaires peuvent constituer un autre risque de hausse durable de l’inflation. Ces relances publiques ont été massivement décidées pendant la crise du Covid et se poursuivent aujourd’hui. Aux Etats-Unis, en 2021, le plan Biden a été voté pour plus de 3.000 milliards de dollars. Le plan France Relance représentait plus de 100 milliards d’euros en 2020. Les mesures prises en France pour préserver le pouvoir d’achat des ménages face à l’inflation sont estimées à 21,4 milliards d’euros en juillet 2022.

Or ces politiques budgétaires expansionnistes sont menées à un moment où la masse monétaire sur le marché est très importante, après plus de 30 ans de taux d’intérêt bas et surtout une politique monétaire des banques centrales particulièrement expansionniste depuis 2008.

Pour ces raisons, un groupe d’économistes, nommé « Team Persistent », a alerté début 2021 sur une possible inflation élevée et persistante.

D’autres économistes, appelés « Team Transitory », concluaient plutôt à un effet transitoire de ses relances budgétaires sur l’économie.

A l’heure actuelle, les perspectives d’inflation dans de nombreux pays confortent davantage les conclusions des « Team persistant ».

 

L’entrée dans une spirale inflationniste

Lorsque l’inflation apparaît, le risque, particulièrement redouté des banques centrales, est celui d’une entrée dans une spirale inflationniste.

Cette spirale se met en place par l’effet même de l’inflation lorsqu’il dure :

  • Dans un contexte inflationniste, les entreprises peuvent augmenter immédiatement leurs prix de vente par anticipation des hausses à venir des coûts de production. Les consommateurs, tout comme les entreprises, peuvent également acheter davantage pour ne pas subir une hausse des prix dans le futur. Ces comportements ont pour conséquence d’entretenir et d’accroître la hausse des prix.
  • La situation inflationniste peut également pousser à la hausse les salaires. Le pouvoir d’achat des ménages se réduisant, les entreprises peuvent être amenées, de gré ou de force, à augmenter les salaires. Cette augmentation peut même être automatique pour certains revenus comme le Smic (Salaire minimum de croissance).

La hausse des salaires renchérit le coût de production et mécaniquement les prix de vente.

Or comme nous l’avons vu, les tensions salariales sont déjà présentes, plus particulièrement aux Etats-Unis mais elles existent aussi en Europe.

Dès lors, les ingrédients pour la mise en place d’une spirale inflationniste semblent présents.

 

Source : Banque de France

A l’heure actuelle, les conditions semblent réunies pour une entrée dans une inflation durable. Tout dépendra des politiques des banques centrales et de leurs risques induits sur la croissance ainsi que des effets des politiques budgétaires expansionnistes. En favorisant l’inflation, non seulement ces dernières provoquent l’effet inverse à celui recherché par les banques centrales mais elles augmentent les risques d’accroître les déficits publics.

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Anticiper la dépendance : mandat de protection future, fiducie-gestion et autres outils patrimoniaux

Anticiper la dépendance : mandat de protection future, fiducie-gestion et autres outils patrimoniaux

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Mandat de protection future, fiducie-gestion, sociétés civiles, mandats ou procurations, tour d’horizon des solutions patrimoniales permettant d’anticiper la dépendance.

De l’autorisation à l’habilitation judiciaire que peuvent demander certains proches, à la curatelle ou la tutelle, en passant par les mesures d’habilitation familiale, de nombreuses procédures juridiques et judiciaires permettent la représentation de la personne devenue dépendante.

Ces outils, que nous avons détaillés dans notre précédent article, ne cessent de s’étoffer avec le temps mais ont tous un inconvénient majeur : ils ne peuvent être mis en place qu’une fois la situation de dépendance survenue. Les familles sont alors dans une situation difficile, urgente, souvent démunies quant aux choix à réaliser ou en situations conflictuelles.

Comme pour toute situation familiale et patrimoniale délicate, il est préférable et nécessaire d’anticiper. Les mandats de protection future depuis 2019, mais aussi le recours à des outils patrimoniaux tels la fiducie-gestion ou la société civile permettent d’anticiper ou d’organiser cette période difficile de la vie. Explications. 

SOMMAIRE

  • Le mandat de protection future : un formidable outil d’anticipation de la dépendance
  • Les autres outils patrimoniaux d’anticipation de la dépendance

 

Le mandat de protection future : un formidable outil d’anticipation de la dépendance

Instaurée par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique, le mandat de protection future permet d’organiser sa représentation ou celle d’un enfant handicapé en cas de perte des facultés physiques ou intellectuelles.

Ce mandat permet de prévoir cette situation à l’avance en désignant un ou plusieurs représentants et en organisant ses pouvoirs. Si la situation de dépendance survient, le mandat prendra effet sans avoir à recourir à une mesure de protection juridique (tutelle, curatelle ou habilitation familiale). 

Que prévoit le mandat de protection future ?

On distingue deux types de mandat de protection future (article 478 du Code civil) :

  • le mandat pour soi-même : il permet à une personne majeure (ou émancipée) de confier à une ou plusieurs personnes mandataires la fonction de la représenter si elle n’était plus capable de gérer son patrimoine ou de prendre des décisions pour sa vie personnelle, pour des raisons physiques ou en raison d’une altération de ses facultés intellectuelles.

La personne qui serait déjà sous tutelle ou sous habilitation familiale ne peut avoir recours à ce mandat. La personne en curatelle peut néanmoins le mettre en place assistée par son curateur.

  • Le mandat pour autrui : il ne peut être mis en place que par des parents souhaitant désigner une personne tierce pour représenter leurs enfants s’ils ne pouvaient plus le faire. Cet enfant doit bien sûr se trouver dans une situation d’incapacité physique ou mentale. Il peut s’agir d’un enfant mineur ou majeur à charge de ses parents. Le parent ne doit pas être lui-même sous tutelle, curatelle ou habilitation familiale et doit avoir l’autorité parentale sur cet enfant.

Le mandat peut être donné à :

  • une ou plusieurs personnes physiques capable et majeures. Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un proche mais également d’un professionnel (gestionnaire de patrimoine, avocat, notaire … ). Néanmoins, la désignation d’une personne physique professionnelle du patrimoine n’est pas recommandée en raison des risques de conflits d’intérêt.

Un ou des mandataires subsidiaires peuvent également être désignés, ce qui est en général conseillé en cas d’incapacité ou de décès du mandataire initial. Le mandataire peut être rémunéré ou non.

  • à une société, personne morale spécialisée dans la protection des majeurs, inscrite sur la liste des mandataires judiciaires.

Il n’est pas possible de désigner comme mandataire un professionnel de santé (médecin, pharmacien…) ni le représentant d’un contrat de fiducie.

Le mandat est conclu pour la durée de vie du mandant et prend donc fin à son décès. Il peut néanmoins cesser avant si :

  • si la personne dépendante, le mandant, retrouve ses facultés physiques ou intellectuelles lui permettant de gérer son patrimoine ou de prendre les décisions autonomes sur sa personne. Ce rétablissement doit être établi par certificat médical.
  • s’il était décidé la mise sous tutelle ou curatelle du mandant.
  • lors du décès du mandataire ou s’il était lui-même placé sous protection juridique ou en cas de faillite pour une personne morale.
  • si le mandataire est révoqué par le juge des tutelles. Le juge peut alors ouvrir une mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle).

Le mandat de protection future peut porter sur :

  • la gestion du patrimoine : les pouvoirs du mandant sont alors rigoureusement définis (actes de gestion, actes de dispositions) ainsi que le périmètre des biens concernés (immobilier, financier, passif, ensemble du patrimoine …). Le mandant peut être amené à organiser le patrimoine du mandataire afin qu’il lui procure des revenus et pouvoir financer la dépendance.

Si le mandat a été mis en place sous la forme d’un acte sous-seing-privé, les pouvoirs du mandataire sont limités aux actes d’administration et aux actes conservatoires. L’autorisation du juge des tutelles sera nécessaire pour les actes de disposition (mêmes pouvoirs qu’un tuteur).

Lorsque le mandat a été conclu sous forme notariée, le mandataire peut alors avoir beaucoup plus de pouvoirs : acte d’administration, acte conservatoire et actes de dispositions (ventes). Pour réaliser un acte de disposition à titre gratuit (donation par exemple), il lui faudra néanmoins l’autorisation du juge des tutelles. Cependant, le mandant reste décideur et pourra limiter les pouvoirs du mandataire y compris dans un mandat notarié.

  • la représentation de la personne elle-même : dans ce cas, les règles de la tutelle et de la curatelle quant à la protection de la personne doivent être strictement respectées.
Attention :

Il faut noter que le mandat s’il prévoit une délégation de pouvoirs ne rend pas la personne dépendante dans l’incapacité d’agir. Comme pour une procuration, le mandant peut réaliser des actes d’administration, des actes conservatoires ou des actes de dispositions y compris si ses pouvoirs sont confiés au mandataire. Ces actes peuvent néanmoins être requalifiés ou annulés en raison de l’insuffisance mentale ou physique du mandant.

Source : simplifiez-vous la vie.org

Comment mettre en place le mandat de protection future ?

 Le mandat peut être conclu :

  • par acte notarié: il est alors rédigé par un notaire sous la forme authentique, signé par le mandant et accepté par le mandataire. Le mandant pourra à tout moment modifier par acte authentique ce mandat, tant qu’il n’a pas pris effet. Il peut également le révoquer par notification au notaire et au mandataire. Le mandataire peut faire de même par notification au mandant et au notaire.
  • ou par acte sous-seing-privé. Il y a alors deux possibilités :
    • utiliser le modèle établi par le ministère de la justice (modèle Cerfa 13592*04)
    • rédiger le mandat sous forme libre. Une contresignature par avocat est alors nécessaire.

Dans les deux cas, le mandat doit bien sûr être signé par le mandant et par le mandataire. Tant que le mandat n’a pas pris effet, le mandant peut le modifier, le révoquer. Le mandataire peut y renoncer. 

Fonctionnement du mandat de protection future

 Si le mandant devient dépendant et ne peut plus exprimer ses volontés ou gérer de manière cohérente son patrimoine ou sa personne, le mandataire demandera la prise d’effet du mandat auprès du greffe du tribunal judiciaire, en fournissant bien entendu des pièces médicales justificatives de l’état du mandant.

Le mandataire ne peut déléguer sa mission et doit l’exécuter lui-même.

Avant la prise d’effet du mandat, le mandataire doit dresser un inventaire des biens de la personne dépendante et devra l’actualiser au cours du mandat.

Pendant le mandat, il doit établir un compte de gestion annuelle et le communiquer :

  • au notaire, si le mandat est sous forme notarié et à toute personne désignée par le mandant pour contrôler l’exécution du mandat.
  • à une personne désignée dans le mandat, s’il est sous-seing privé selon le modèle ou selon les dispositions prévues au contrat si le mandat est libre et contresigné par un avocat.

Le mandataire doit conserver les comptes de gestion cinq ans et les produire au juge des tutelles ou au procureur de la république à leur demande.

Le juge peut dans tous les cas en demander la vérification par un professionnel spécialisé. Il peut également être saisi par le notaire en cas de suspicion sur la gestion ou par toute personne y ayant intérêt.

Le mandat de protection future est donc un outil particulièrement adapté à l’anticipation des situations de dépendance. Il existe néanmoins d’autres solutions patrimoniales distinctes ou complémentaires. 

Source : Fondation de France

Les autres outils patrimoniaux d’anticipation de la dépendance

La désignation d’une personne de confiance et/ou la rédaction de directives anticipées pour l’aide et la protection personnelle, les procurations et mandats par leurs possibilités de délégation patrimoniale, mais aussi les structures de fiducie-gestion ou les sociétés civiles sont également des moyens d’anticiper la dépendance.

Désignation d’une personne de confiance et directives anticipées

Une personne de confiance peut-être un parent, un proche ou un médecin et est désignée par toute personne majeure qui souhaite anticiper sa situation personnelle en cas de dépendance, plus particulièrement dans le domaine médical.

La personne de confiance a :

  • une fonction d’aide et d’accompagnement dans les relations avec le corps médical: si la personne qui l’a désignée le souhaite, elle peut l’accompagner dans ses rendez-vous médicaux, consulter son dossier médical, recueillir des médecins des explications sur son état de santé ou poser des questions aux médecins au nom de la personne qui l’a désignée.
  • un rôle central lorsque la personne ne peut plus exprimer sa volonté. La personne de confiance est toujours consultée s’il est nécessaire d’envisager un arrêt des traitements et des mesures d’accompagnement jusqu’au décès. Si aucune directive anticipée n’a été établie, l’avis de la personne de confiance l’emporte sur celui de la famille ou des proches.

La désignation de la personne de confiance peut se faire :

  • par écrit sur papier libre
  • ou dans le cadre de la mise en place de directives anticipées.

La personne de confiance doit accepter cette mission par signature du document qui la désigne.

Cette désignation peut être modifiée ou révoquée à tout moment.

Les directives anticipées permettent à toute personne majeure de consigner par écrit ses volontés médicales si elles ne pouvaient plus les exprimer (suite à la perte des facultés mentales, un accident, un coma …). Il peut être ainsi exprimé la volonté de mettre fin à des traitements médicaux si aucun rétablissement n’est possible, la demande de mesure d’accompagnement jusqu’au décès. En France, même si cette question est aujourd’hui en débat, Il n’est pas possible à ce jour de prévoir une assistance au suicide ou une euthanasie.

Les directives ainsi consignées priment sur l’avis de toute autre personne et doivent être suivies. Seul le médecin peut émettre un avis contraire si ces directives lui paraissent non appropriée à la situation de santé de la personne, et après consultation de l’équipe médicale de suivi et d’un autre médecin.

Ces directives anticipées sont rédigées sur papier libre, sachant qu’il existe un modèle public dont l’usage n’est pas obligatoire.

Lors de la rédaction de ces directives, il est nécessaire de disposer des facultés d’exprimer une volonté dite « libre et éclairée ». Si la personne ne peut pas physiquement écrire, une autre personne peut le faire à sa place mais assistée par deux témoins qui signeront également le document.

Il est possible de modifier ou révoquer à tout moment ces directives anticipées.

Pour la conservation des directives anticipées, il est conseillé de les déposer dans son dossier médical et notamment dans un dossier médical partagé (DMP) ou auprès de la personne de confiance qui aura pu être désignée.

Ces outils sont une aide importante à la prise en charge médicale en cas de dépendance. 

Procuration ou mandats patrimoniaux

D’un point de vue patrimonial, il est possible de donner pouvoirs à une personne de son choix pour lui déléguer la réalisation d’actes juridiques sur son patrimoine (actes d’administration, conservatoires ou de disposition).

Ces pouvoirs sont délégués sous forme de procuration (fréquentes dans le domaine bancaire pour la gestion des comptes) ou de mandat (notamment pour les actes de gestion sur d’autres biens (immobiliers, portefeuille-titre …)).

Ces procurations ou mandat peuvent être généraux et concerner tous les actes d’administration du patrimoine du mandant.

Il peut s’agir également de procuration ou mandat spéciaux limités à des pouvoirs spécifiques sur des biens donnés.

La procuration ou le mandat peuvent être donnés pour une durée limitée, jusqu’à l’accomplissement d’un acte juridique ou pour la vie du mandant.

S’ils sont utiles pour pouvoir réaliser des actes patrimoniaux lorsque l’on ne peut pas ou plus le faire personnellement, les procurations et mandats présentent néanmoins une limite juridique lorsque le mandat n’est plus apte à exprimer ses volontés.

Pour que les opérations réalisées par le mandataire ne puissent pas être remises en cause, il est en effet nécessaire de pouvoir prouver le consentement du mandant. Pour les actes importants, les actes de disposition par exemple, la signature du mandant peut être requise. Ces mesures visent à protéger le mandataire de tout abus de la part du mandant.

Par ailleurs, si la personne est placée sous tutelle ou sous habilitation familiale générale, les procurations et mandats signés deviennent caduques, le pouvoir de représentation étant confiés au tuteur ou à la personne habilitée.

S’il s’agit d’une curatelle, les procurations et mandats peuvent être maintenus avec assistance du curateur pour les actes de disposition. Mais le juge peut décider de leur révocation générale.

Sous le régime de la sauvegarde de justice, les procurations et mandats demeurent sauf si le juge nomme un mandataire spécial.

On peut noter qu’il en est autrement du mandat de protection future. Tout d’abord parce que son existence permet d’éviter l’ouverture d’une procédure de tutelle ou curatelle.

Néanmoins, si le juge est saisi et estime que le mandat de protection future n’est pas assez protecteur de la personne déficiente, il peut prononcer une curatelle pour certains actes ou le révoquer et le remplacer purement et simplement par une tutelle. Le juge peut cependant se baser sur la volonté de la personne telle qu’exprimée dans le mandat et désigner le mandataire en tant que tuteur ou curateur. 

La fiducie-gestion

La fiducie-gestion, possible en droit français depuis la loi dite LME du 4 août 2008, permet à une personne majeure dite constituante de transférer des biens lui appartenant mais aussi des droits à un fiduciaire, dans un but déterminé et au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires qui peut être le constituant lui-même.

Les biens transférés sont alors gérés par le fiduciaire dans le respect de l’objectif défini dans le contrat de fiducie. Pour autant, ces biens ne font pas partie du patrimoine personnel du fiduciaire. Ils font partie d’un patrimoine dit d’affectation.

Le fiduciaire est nécessairement un professionnel tel que défini par l’article 2015 du Code civil : banque ou établissement de crédit, entreprise d’investissement, société de gestion de portefeuille, compagnie d’assurance, ou avocat. Il est rémunéré pour les missions confiées.

Il est à noter qu’un cabinet de gestion de patrimoine indépendant ne peut être fiduciaire.

Il peut néanmoins être désigné dans le contrat de fiducie-gestion comme tiers protecteur dont la mission est de contrôler la gestion du fiduciaire et le respect des intérêts du constituant (article 2017 du Code civil). Il dispose alors des mêmes pouvoirs que le constituant vis-à-vis du fiduciaire.

La durée du contrat de fiducie est librement choisie par les parties mais ne peut excéder 99 ans. Le contrat prend nécessairement fin au décès du constituant ou celui du fiduciaire (ou sa dissolution).

Le constituant peut à tout moment révoquer le contrat de fiducie.

Le contrat peut prendre la forme d’un acte sous-seing privé ou d’un acte authentique (obligatoire s’il concerne un bien immobilier, un bien commun ou indivis).

Une fiducie-gestion ne peut permettre en France une transmission de patrimoine à titre gratuit, et si telle était la volonté du constituant elle pourrait être requalifiée en donation indirecte.

La fiducie-gestion a néanmoins de nombreuses applications, notamment pour la gestion de patrimoine d’une personne vulnérable pour laquelle elle constitue un outil particulièrement adapté.

Pour anticiper une situation de dépendance, le constituant peut ainsi constituer un contrat de fiducie-gestion par lequel :

  • il transfère à un fiduciaire professionnel un ou plusieurs biens.
  • en étant le bénéficiaire du contrat de fiducie-gestion.
  • selon une mission de gestion des biens précisément définie: par exemple dans un objectif de gestion en bon père de famille et de perception des revenus nécessaires à une situation de dépendance.
  • pour une durée supérieure à son espérance de vie, afin de s’assurer de l’effet du contrat le plus longtemps possible, les situations de dépendance survenant d’autant plus à des âges avancés. Dans tous les cas, le contrat prendra fin à son décès ou avant s’il souhaite le révoquer.

Le contrat de fiducie-gestion permet ainsi de s’assurer de la gestion de son patrimoine selon des objectifs précis si une situation de dépendance survenait. Il s’agit par nature d’un outil d’anticipation de la dépendance. Il ne peut être utilisé une fois l’incapacité survenue si le constituant était sous régime de tutelle.

Le contrat de fiducie-gestion présente des avantages certains par rapport au mandat de protection future :

  • Il permet de confier la gestion des biens transférés à un professionnel choisi alors que le mandat de protection future désigne une personne, en général un proche, pour gérer au mieux ce patrimoine. Des pouvoirs sont bien sûr confiés à ce proche mais saura-t-il pour autant gérer convenablement ?
  • Le contrat de fiducie-gestion n’est pas annulé en cas de mise sous tutelle à la différence du mandat de protection future qui prend fin nécessairement, sauf décision contraire du juge.
  • Seul le fiduciaire prend les décisions de gestion des biens transférés dans le contrat de fiducie-gestion. Dans le mandat de protection future des pouvoirs sont délégués au mandataire mais le mandat peut également continuer à agir, au risque de décisions contradictoires.

La société civile et la gestion de la dépendance

 La société civile permet d’organiser la gestion d’un patrimoine familiale. Les membres de la famille sont associés mais le patrimoine apporté ou acquis par la société civile appartient à cette dernière. Un gérant est nommé et peut avoir des pouvoirs relativement larges pour la gestion administrative bien sûr mais aussi pour les actes de disposition si cela est prévu dans l’objet social.

Par l’aménagement de ses statuts, la société civile peut permettre également de confier la gestion du patrimoine concerné à une personne choisie, membre de la famille, proche ou tiers, associé ou non, en cas de dépendance.

Il est d’ailleurs conseillé dans tous les cas de prévoir statutairement la situation d’incapacité du gérant.

En l’absence de clause statutaire spécifique, le gérant est automatiquement révoqué s’il est frappé d’incapacité (article 1160 du Code civil). Dans ce cas, tout associé peut demander la nomination d’un mandataire par réunion d’une assemblée générale ou par sollicitation du président du tribunal (article 1846 du Code civil).

Pour anticiper la défaillance du gérant, les statuts peuvent prévoir :

  • la désignation d’un gérant successif, le conjoint par exemple.
  • la nomination d’un co-gérant. Cette solution peut être préférable, les greffes ne reconnaissant pas nécessairement la désignation d’un gérant successif.

En cas de dépendance du gérant initial, la gestion de la société civile et de son patrimoine peut donc se poursuivre.

Cette solution présente néanmoins des limites :

  • Elle ne concerne que les biens détenus par la société civile. Or on porte rarement l’intégralité de son patrimoine en société.
  • Le gérant est souvent le constituant initial de la société et en cela associé, souvent majoritaire. Or un grand nombre de décisions (distribution de dividendes, actes de disposition selon les statuts, de changement statutaire) ne peuvent être prises qu’en assemblée par vote des associés. Dès lors, la personne dépendante, associée, devra participer au vote, ce qui est impossible si elle a perdu ses facultés intellectuelles. Le bon fonctionnement de la société civile nécessitera in fine la représentation juridique (curatelle, tutelle) de l’associé défaillant et donc l’ouverture d’une mesure de protection juridique.

Le mandat de protection future sera alors ici une solution. Le gérant associé aura pu désigner la personne de son choix en lui confiant les pouvoirs sur ses parts sociales, notamment celui de vote en assemblée.

La société civile, par une adaptation de ses statuts pour sa gérance, et combinée à un mandat de protection future adapté, peut alors devenir un outil efficace de gestion de la dépendance sur le patrimoine concerné.

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7