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Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit,  l’IFI et le pacte Dutreil

Loi de Finances 2024 : les impacts sur la location meublée, les donations en quasi-usufruit, l’IFI et le pacte Dutreil

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024 comporte des conséquences patrimoniales importantes : la modification du régime micro-BIC de la location meublée, les restrictions des effets fiscaux des donations de sommes d’argent démembrée, la déduction de certaines dettes à l’IFI, et des précisions sur les activités éligibles au dispositif Dutreil. Explications.

 

Parmi les mesures habituelles d’actualisation du barème de l’IR et de modifications de certains crédits d’impôt, plusieurs décisions de la Loi de finances 2024 ont des impacts nouveaux et conséquents sur les stratégies patrimoniales.

Elles concernent le régime fiscal de la location meublée et plus particulièrement du régime micro-BIC, le traitement fiscal de la créance de restitution suite à une donation de sommes d’argent avec réserve d’usufruit, la déduction de certaines dettes à l’IFI et des précisions attendues sur l’éligibilité de certaines activités au pacte Dutreil.

SOMMAIRE

  • Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur
  • La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution
  • IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société
  • Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

Location meublée : un régime micro-Bic sérieusement écorné et par erreur

Fortement remis en cause, le régime fiscal de la location meublée est finalement revu sur son seul dispositif micro-BIC. Celui-ci est néanmoins fortement restreint et par erreur de rédaction de la loi.

 

 

Location meublée : un régime fiscal fortement discuté

Le régime fiscal de la location meublée a été largement discuté en préparation de la Loi de finances, l’attractivité fiscale de ce dispositif étant considéré comme favorisant les locations saisonnières de type « AirBnB » au détriment des locations d’habitation longue durée.

Les amendements proposés visaient à réduire les avantages du régime micro-BIC de la location meublée de courte durée et à l’aligner sur celui du régime micro-foncier de la location nue.

Certains amendements allaient plus loin et proposaient de réduire les avantages d’imposition de la plus-value de cession pour les loueurs en LMNP (Location Meublée Non Professionnelle). Sous ce statut en effet, la plus-value lors de la cession du bien relève du régime de la plus-value immobilière des particuliers (prix de revient majoré des frais d’acquisition et travaux non déduits (ou forfait sous conditions) et abattement pour durée de détention exonérant définitivement la plus-value au terme de 22 ans pour l’IR et 30 ans pour les prélèvements sociaux).

Un amendement proposait d’aligner le régime des plus-values de cession en LMNP avec celui de la LMP (Location Meublée Professionnelle), c’est-à-dire avec le régime des plus-values professionnelles. Dans ce régime, le prix de revient n’est pas majoré et est au contraire minoré des amortissements pratiqués, ce qui augmente la plus-value imposable dite à court terme.

Cette proposition de modification du calcul des plus-values de cession en LMNP n’a finalement pas été retenue et seules les modifications du régime micro-BIC ont été votées.

Ces modifications ont-elles-mêmes donné lieu à de nombreuses discussions sur le type de location meublée concernée, les plafonds et les taux d’abattement retenus.

Fin décembre, dans le cadre de la navette parlementaire, le Sénat a revu la proposition adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, en réduisant significativement les avantages du micro-BIC.

Bien que le gouvernement ne soutenait pas l’amendement du Sénat, cette proposition a néanmoins été incluse dans le projet définitif de Loi de Finances pour 2024. Il s’agit selon le gouvernement d’une « erreur » et des mesures devraient être prises d’ici la déclaration d’IR (Impôt sur le Revenu) 2024 pour rectifier ces règles.

Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, la loi étant promulguée, c’est ce nouveau régime micro-Bic particulièrement défavorable qui s’applique et ceci sur les revenus déjà réalisés en 2023 puisque la Loi de finances est rétroactive.

 

 

Un nouveau régime micro-BIC pour la location meublée applicable dès 2023

Quelle est la teneur de ce nouveau régime micro-BIC ?

Jusqu’en 2022, les revenus des activités de location meublée, qu’il s’agisse de LMP ou de LMNP, pouvaient relever du régime micro-BIC sous certaines conditions de seuil de chiffre d’affaires. Les locations meublées de courte durée classées bénéficiaient également d’un abattement majoré de 71 %. Les principes peuvent être résumés dans le tableau suivant :

Régime micro-BIC de la location meublée avant la Loi de finances pour 2024 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée d’habitation ou de courte durée non classée CA < 77.700 € 50 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 188.700 € 71 %

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

La Loi de finances 2024, tel que le prévoit son texte à ce jour, réduit le seuil de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-BIC à 15.000 €, ceci pour les locations meublées de courte durée, c’est-à-dire les locations saisonnières à la journée, à la semaine ou au mois (avec un maximum de 6 mois), autrement nommée location de tourisme. Concernant ce seuil, le texte ne précise pas quel type de location meublée de courte durée est concernée, classée ou non classée.

Parallèlement, le taux d’abattement est réduit à 30 % s’alignant ainsi sur le régime micro-foncier de la location nue.

Les meublés de tourisme classés peuvent bénéficier d’un taux d’abattement de 51 %, au lieu de 71 % auparavant, sous deux conditions cumulatives :

  • Le bien n’est pas situé dans une zone de déséquilibre d’offres et de demandes de logements. Il doit donc se situer dans les zones non tendues.
  • Le chiffre d’affaires HT de l’année précédente doit être inférieur à 15.000 €

Dans tous les cas, les locations meublées d’habitation de longue durée (bail étudiant, bail mobilité, bail meublé d’habitation) ne sont pas concernées et continuent donc de bénéficier des règles du micro BIC telles que définies antérieurement.

Régime micro BIC de la location meublée de courte durée depuis la Loi de Finances 2024, rétroactive aux revenus de 2023 :

  Conditions de Chiffre d’affaires HT Abattement sur le Chiffre d’affaires
Location meublée de courte durée non classée CA < 15.000 € 30 %
Location meublée de tourisme classées* CA < 15.000 €

51 %

Sous condition de situation en zone non tendue.

*ainsi que chambre d’hôtes et gîtes

Source : JUST DEEP CONTENT

Pour préciser la formule définitive du régime micro-BIC des locations meublées saisonnières et procéder à la « correction » du texte de loi, une instruction fiscale devrait être publiée au BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) avant avril-mai 2024 et le dépôt des déclarations sur les revenus 2023.

Dans l’état actuel du texte de la Loi de finances 2024,  applicable aux revenus perçus en 2023, un grand nombre de contribuables risquent d’avoir dépassé le seuil de CA de 15.000 € en 2023 et de basculer au régime réel.

Ce passage au régime réel est-il nécessairement un inconvénient ?

Le passage au régime réel suppose une comptabilité et des déclarations fiscales plus lourdes, et donc en général le recours à un expert-comptable. Ce régime permet néanmoins d’amortir le bien et les meubles, de déduire davantage de charges et de réduire significativement le bénéfice net imposable, voire de l’annuler ou créer un déficit (les charges d’amortissements ne peuvent pas cependant contribuer au déficit).

En cas de cession sous le statut LMP au régime réel, la plus-value relève du régime des plus-values professionnelles plus lourdes que celles des particuliers dont relève les LMNP à ce jour, mais pouvant bénéficier d’exonérations sous conditions au titre de l’IR (pas d’exonération néanmoins au titre des cotisations sociales).

 

La donation démembrée de somme d’argent : fin de la déductibilité de la créance de restitution

Il est possible de donner une somme d’argent, non pas en pleine propriété mais en nue-propriété. Le donateur conserve alors l’usufruit. S’agissant d’une somme d’argent, cet usufruit est en fait un quasi-usufruit.

Le donateur quasi-usufruitier garde la libre disposition de ces fonds et doit en restituer l’équivalent au terme de l’usufruit, c’est-à-dire à son décès.

Au décès de l’usufruitier, son patrimoine successoral comprend alors une dette dite de restitution correspondant à la valeur en pleine propriété de la somme d’argent initialement donnée en faveur du ou des nus-propriétaires. Ce ou ces derniers détiennent une créance sur la succession de l’usufruitier défunt, dite créance de restitution.

Jusqu’à la Loi de finances pour 2024, la dette de restitution était fiscalement déductible du patrimoine successoral de l’usufruitier décédé.

La Loi de finances met fin à cette déductibilité fiscale par un nouvel article 774 bis du CGI.

L’objet de cet article est de mettre fin à une pratique qui serait principalement menée dans un objectif d’optimisation fiscale :

  • Lors de la donation de la somme d’argent avec réserve d’usufruit, les droits de donation ne portent que sur la valeur en nue-propriété.
  • Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient plein propriétaire de la somme d’argent sans payer de droits de succession (article 1133 du CGI) et la valeur en pleine propriété de cette somme d’argent est également déduite du patrimoine successoral imposable.

Pour les successions ouvertes à partir du 01/01/2024, la dette de restitution n’est donc plus déductible dans le cas d’une donation en nue-propriété d’une somme d’argent.

Ceci suppose que le nu-propriétaire héritier paie des droits de succession sur la valeur de la créance de restitution. Il lui est néanmoins possible de déduire de ces droits de succession les droits payés sur la nue-propriété lors de la donation initiale, sans que cela puisse donner lieu à restitution.

Il est à noter que :

  • Le quasi-usufruit légal, notamment celui du conjoint survivant usufruitier légal de la succession (article 757 du Code civil), n’est pas concerné par cette non-déductibilité fiscale de la dette de restitution en faveur des nus-propriétaires
  • De même, le quasi-usufruit provenant d’une donation au dernier vivant (article 1094-1 du Code civil).
  • Les quasi-usufruits provenant de la cession d’un bien préalablement démembré entre usufruitier et nu-propriétaire n’entre pas dans ces nouvelles dispositions, à condition que la dette de restitution ne participe pas à la poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • Concernant le quasi-usufruit né d’une clause bénéficiaire démembrée, le principe de l’assurance-vie étant distinct de celui de la donation, cette situation ne devrait pas être concernée. Mais la loi ne précise rien sur ce point et il convient donc de rester prudent sur ce point.

 

 

IFI 2024 : certaines dettes ne sont plus déductibles en société

Les biens immobiliers détenus en société sont imposables à l’IFI (sauf situations spécifiques comme les biens affectés à l’activité professionnelle).

Dans le cas d’une détention en société, ce sont les parts sociales qui sont imposables pour leur valeur représentative des actifs immobiliers en déduisant le passif de la société.

Pour éviter les situations d’abus consistant à loger les biens immobiliers dans des sociétés fortement endettées, la Loi de finances 2024 instaure une nouvelle règle de déductibilité du passif social de la valeur imposable des parts à l’IFI.

Seules les dettes afférentes à l’actif imposable, c’est-à-dire aux biens immobiliers, sont déductibles.

Pour éviter que la valeur imposable ainsi calculée devienne supérieure à la valeur réelle des parts, le texte de loi instaure un dispositif de plafonnement de la valeur imposable à la valeur vénale des parts.

 

Loi de finances 2024 et Dutreil : des précisions sur les activités éligibles

La Loi de finances 2024 vient préciser l’éligibilité du pacte Dutreil à certaines activités, confortant la position de la doctrine administrative et contredisant les récents arrêts de jurisprudence sur ce sujet.

La loi prévoit ainsi que :

  • Les activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier ne sont pas considérées comme des activités commerciales au regard du pacte Dutreil et ne sont donc pas éligibles. La location meublée ou les locations de biens commerciaux ou industriels équipés ne peuvent donc pas bénéficier du régime Dutreil.
  • En cas d’activité mixte, le pacte Dutreil n’est applicable que si l’activité opérationnelle est prépondérante.
  • Les sociétés Holding animatrices de groupe exercent bien une activité opérationnelle et sont donc clairement éligible au pacte Dutreil.

Ces nouvelles dispositions Dutreil sont applicables aux transmissions intervenues à partir du 17/10/2023.

Auteur 

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Vente d’un bien immobilier en SCI : comment procéder ? Quelle fiscalité ?

Vente d’un bien immobilier en SCI : comment procéder ? Quelle fiscalité ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Avant de vendre un bien en SCI, il est indispensable de connaître les règles civiles (la SCI peut-elle vendre ? Qui prend la décision ?) et l’imposition selon le régime IR ou IS.

Lorsqu’un bien immobilier est détenu par une SCI (Société Civile Immobilière), il est possible de le vendre de deux manières :

  • Vente du bien lui-même par la SCI. C’est alors la SCI personne morale qui procède à la cession. L’acquéreur devient propriétaire du bien mais ne sera pas associé de la SCI.
  • Vente des parts de la SCI par les associés. Cette méthode est en pratique moins utilisée car elle contraint les possibilités de cession. En général, les acquéreurs sont intéressés par le bien lui-même mais ne souhaitent pas devenir associés de la SCI. Cette modalité de cession peut néanmoins avoir son intérêt.

Par ailleurs, ces modes de cession n’ont pas le même impact selon le statut de la SCI : IR (Impôt sur le Revenu) ou IS (Impôt sur les Sociétés).

Il est indispensable de connaître ces deux situations et leurs conséquences civiles et fiscales.

Nous nous attacherons dans ce premier article au cas de la vente du bien immobilier par la SCI. Nous aborderons dans un article suivant la cession par vente des parts de la SCI.

Lorsque la SCI, personne morale vend le bien immobilier, plusieurs questions se posent : la SCI a-t-elle le droit de vendre le bien immobilier ? Qui prend la décision et peut engager la SCI dans la vente, les associés, le gérant ? Quelles sont les conséquences fiscales en matière de plus-value ?

 

SOMMAIRE

  • SCI et vente du bien immobilier : qui décide ?
  • Vente du bien immobilier par la SCI : quelle fiscalité ?

SCI et vente du bien immobilier : qui décide ?

 

Pour vendre le bien immobilier, la SCI doit tout d’abord en avoir la possibilité. Celle-ci dépend de la définition de son objet social.

Si l’objet social se limite à la gestion des biens immobiliers mais ne prévoient pas explicitement la vente, sauf à modifier les statuts, il est impossible de vendre le bien et l’acte de cession pourrait être annulé. La Cour de cassation en a décidé ainsi dans un arrêt de 2010 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mais 2010, 09-12.778).

Si l’objet dans les statuts permet la vente, la SCI doit par ailleurs être investie du pouvoir de cession soit par les associés, soit par le gérant, selon ce qui est défini dans les statuts :

  • En règle générale, les statuts prévoient que la vente d’un bien par la SCI doit être décidée par l’assemblée générale des associés. Le gérant va alors soumettre cette décision à l’AGO (Assemblée Générale Ordinaire) annuelle ou convoquer une AGE (Assemblée Générale Extraordinaire) si cela ne peut attendre. Les modalités du vote (quorum et majorité nécessaire pour l’approbation) sont également définis par les statuts. En général, compte tenu de l’importance de la décision, les statuts requièrent l’unanimité des voix.
  • Les statuts peuvent prévoir que la décision de vente revienne au gérant, sans décision des associés en assemblée générale. Cette situation est plus rare mais peut avoir été mise en place dans une SCI familiale par exemple, afin qu’un parent gérant puisse décider de la cession librement sans avoir à requérir l’approbation des enfants associés.

 

Attention :

Si le gérant prend seul la décision de vente d’un bien immobilier détenu par la SCI alors que les statuts ne lui confèrent pas ce pouvoir, la vente n’est pas annulée et reste opposable aux tiers. Le gérant engage néanmoins sa responsabilité à l’égard des associés et peut être poursuivi pour faute de gestion.

 

Vente du bien immobilier par la SCI : quelle fiscalité ?

 

La fiscalité sur la plus-value de cession du bien immobilier diffère selon le régime fiscal de la SCI : IR ou IS.

 

SCI à l’IR et vente du bien immobilier

Lorsque la SCI relève de l’IR, la SCI est dite transparente fiscalement et la plus-value est imposable selon le régime dit de la plus-value immobilière des particuliers (article 150 U du CGI et articles 150 V à 150 VH du CGI).

La vente du bien détenu par la SCI est imposée dans ce cas comme une vente du bien détenu en direct.

La plus-value correspond à la différence entre :

  • le prix de cession (après déduction des frais de cession, commission de vente, diagnostics, TVA si la SCI est assujettie)
  • et le prix d’acquisition du bien, celui s’entendant du prix figurant dans l’acte authentique en cas d’acquisition à titre onéreux ou de la valeur ayant servi de base au calcul des droits d’enregistrement en cas de mutation à titre gratuit. Si le bien a été apporté à la SCI, le prix d’acquisition correspondra à la valeur d’apport.

Le prix d’acquisition est revalorisé des frais d’acquisition (frais réels ou forfait de 7,5 % du prix du bien) et des frais de travaux (réels ou forfait de 15 % du prix d’acquisition) à condition que le bien soit détenu depuis au moins 5 ans et que les travaux n’aient pas donné lieu à une déduction sur les revenus fonciers.

La plus-value bénéficie d’abattement au-delà de la 5ème année de détention, au titre de l’IR et des prélèvements sociaux, permettant une exonération totale à l’IR au terme de 22 ans de détention et aux prélèvements sociaux après 30 ans.

La durée de détention débute à la date d’acquisition du bien par la SCI.

La plus-value nette d’abattement est imposée :

  • au taux de 19 % au titre de l’IR
  • au taux de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux

Une « surtaxe » de 2 % à 6 % est également applicable si le montant de la plus-value nette excède 50.000 €.

Chaque associé est redevable de l’impôt sur plus-value ainsi calculé selon sa quote-part dans le capital.

La plus-value relevant du régime des particuliers, il est également possible de bénéficier des cas d’exonération, notamment :

  • Exonération en cas de cession de la résidence principale d’un des associés au jour de la cession.
  • Exonération si le prix de cession du bien est inférieur ou égal à 15.000 €.
  • Exonération de la première cession d’un bien autre que la résidence principale des associés et à condition que ces derniers n’aient pas été propriétaire de leur résidence principale dans les 4 dernières années et qu’ils réemploient le prix de cession à l’acquisition de leur résidence principale dans les 24 mois suivant la cession.
  • Exonération en cas de départ en maison de retraite à condition que le bien ayant constitué la résidence principale soit resté inoccupé, de non-imposition à l’IFI et d’un revenu fiscal de référence inférieur à une certaine limite, au titre de l’avant dernière année précédant la cession.
  • Exonération en cas d’expropriation sous condition de réemploi de l’indemnité d’expropriation dans l’acquisition ou la construction d’un bien dans un délai de 12 mois.

 

SCI à l’IS et vente du bien immobilier

Lorsque la SCI est imposée à l’IS, la plus-value de cession du bien relève du régime des plus-values professionnelles.

La plus-value est alors la différence entre :

  • le prix de cession
  • et la VNC ou Valeur Nette Comptable du bien : c’est-à-dire le prix d’acquisition du bien par la SCI diminué des amortissements pratiqués depuis l’inscription au bilan.

La plus-value ainsi calculée est imposée au taux de l’IS (taux normal de 25 % ou taux réduit de 15 % sous conditions et si le bénéfice est inférieur à 42.500 €).

Lorsque la SCI est à l’IS, la plus-value ne peut donc pas bénéficier des régimes d’exonération des particuliers (résidence principale, abattement pour durée de détention …).

De manière générale, le régime des plus-professionnelles est plus défavorable que celui des plus-values immobilières des particuliers.

On retrouve ici l’une des limites de l’intérêt de l’IS pour les SCI. La SCI à l’IS a l’avantage de permettre des déductions plus importantes pendant l’exploitation du bien (par les amortissements notamment) et donc une imposition moins lourde pendant la détention immobilière. Par contre, lors de la vente du bien, l’imposition sur plus-value est nettement plus lourde que dans le cadre de l’IR.

Il est à noter que dans le cadre de la location meublée, la SCI relève nécessairement de l’IS et ne peut opter pour l’IR. La vente d’un bien loué en meublé au sein d’une SCI sera donc nécessairement imposée selon le régime des plus-values professionnelles.

 

Exemple :

La SCI Immo relève de l’IS. Elle a acheté un bien en janvier 2010 pour 800.000 € et l’amortit à hauteur de 40.000 € par an.

Elle vend ce bien début 2023 pour une valeur de 1.200.000 €.

La plus-value est une plus-value professionnelle et se calcule de la manière suivante :

Prix de cession : 1.200.000 €

Prix d’acquisition : VNC soit prix d’achat moins les amortissements pratiqués = 800.000 € – (40.000 € x 13 ans) = 280.000 €

Plus-value imposable à l’IS : 1.200.000 € – 280.000 € = 920.000 €

Imposition à l’IS : 920.000 € x 25 % = 230.000 €

La déduction des amortissements a donc un impact important sur la plus-value et l’absence d’abattement pour durée de détention également.

A titre de comparaison, si la SCI relève de l’IR, l’imposition serait la suivante :

Prix de cession : 1.200.000 €

Prix d’acquisition revalorisé des frais et travaux : 800.000 € + (800.000 € x 7,5 %) + (800.000 € x 15 %) = 980.000 €

Plus-value avant abattement : 220.000 €

Plus-value imposable à l’IR après abattement pour durée de détention (13 ans soit 48 %) : 220.000 € – (220.000 € x 48 %) = 114.400 €

IR = 114.400 € x 19 % = 21.736 €

Plus-value imposable aux prélèvements sociaux après abattement pour durée de détention (13 ans, soit 13,2 %) : 220.000 € – (220.000 € x 13,2 %) = 190.960 €

Prélèvements sociaux : 190.960 € x 17,2 % = 32.845 €

Imposition totale sur la plus-value : 54.581 €, à comparer à une imposition de 230.000 € si la SCI est à l’IS.

 

Vendre un bien en SCI nécessite donc de bien respecter les règles civiles (vérification de la possibilité de cession dans l’objet social, des modalités de prises de décision, gérant ou associés) et au besoin d’adapter les statuts au préalable.

Fiscalement, l’imposition de la plus-value de cession dans le cadre du régime de l’IS est significativement plus lourde. Le choix du régime fiscal est donc déterminant et il est certain qu’il vaut mieux vendre sous le régime de l’IR dans l’état actuel de la législation.

Même s’il est possible de changer de régime fiscal en cours de vie de la société (hors cas de location meublée en SCI), il existe des conditions spécifiques au passage à l’IR, notamment de délais. Depuis la Loi de Finances pour 2019, une SCI à l’IS peut faire le choix de l’IR dans les 5 ans suivant son option pour l’IS. Au-delà le choix de l’IS devient définitif.

Par ailleurs, le changement de régime fiscal pour l’IR a des conséquences fiscales importantes, notamment l’imposition des plus-values latentes, sans possibilité de bénéficier de régime d’atténuation (les conditions de ce régime ne pouvant être satisfaites dans le cas du passage à l’IR de la SCI immobilière). Si ce choix est opéré peu de temps après l’acquisition du bien, la plus-value latente peut être faible mais si le bien est détenu depuis longtemps, cette plus-value peut être conséquente. Les perspectives de cession et les modalités fiscales devront donc être envisagées le plus en amont possible. 

 

Auteur

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Augmentation des taux d’intérêt : quelles conséquences sur les actifs patrimoniaux ?

Augmentation des taux d’intérêt : quelles conséquences sur les actifs patrimoniaux ?

Temps de lecture estimé : 10 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Placements de taux plus rémunérateurs d’un côté mais risque de valorisation et d’asymétrie de liquidité de l’autre. Point sur l’effet de la hausse des taux sur les actifs patrimoniaux.

 

Depuis début 2022, l’arrivée de l’inflation et le début de l’augmentation des taux d’intérêt par les banques centrales, les marchés entrent dans une nouvelle période, celle de la fin des taux d’intérêt négatifs et de l’abondance de liquidité.

Les différents actifs patrimoniaux réagissent différemment à cette hausse des taux. Les obligations retrouvent un regain d’intérêt après avoir accusé le coup l’année dernière. Les actions ont mal vécu l’annonce des réductions de liquidités mais parient aujourd’hui vers une modération de cette hausse des taux. L’immobilier commence à connaître des fragilités en raison de la restriction des conditions de financement. Les placements alternatifs tels que l’or ou les cryptomonnaies ont encore des comportements différents.

Mais si la hausse des taux se poursuit, l’ensemble de ces marchés doivent faire face à une pression baissière et pour certains d’entre eux (fonds immobiliers, fonds en euros, obligations de portage, activités bancaires), à un risque spécifique, celui de l’asymétrie de liquidité. Explications.

SOMMAIRE

  • Augmentation des taux d’intérêt : un marché obligataire plus attractif mais pas sans risque
  • Augmentation des taux d’intérêt : un risque de valorisation pour les marchés actions, immobiliers et les placements dits alternatifs (or, cryptomonnaies …)
  • Augmentation des taux d’intérêt : un risque de liquidité pour l’ensemble des marchés

 

Augmentation des taux d’intérêt : un marché obligataire plus attractif mais pas sans risque

 

La hausse des taux d’intérêt a permis au rendement obligataire de revenir en territoire largement positif mais induit également certains risques sur ce marché.

 

Effet de l’augmentation des taux d’intérêt : de meilleurs rendements obligataires

 

Après des décennies de taux d’intérêt négatifs et d’absence de rendement sur les marchés obligataires, la hausse des taux entamée en janvier 2022 marque un tournant et le retour de taux obligataires attractifs.

Au 31/03/2023, les obligations privées de catégorie BBB offrent ainsi un rendement de 4,6 % à 3-5 ans contre 3,4 % au 24/06/2022.

 

 

Cette augmentation des rendements redonne de l’attrait au marché obligataire et également aux placements de taux de durée plus courte tels les livrets et les comptes à terme.

Depuis début 2022 et particulièrement cette année, les émissions primaires présentent à nouveau des rendements rémunérateurs, devenant plus intéressants que le rendement moyen des dividendes d’actions. Les investisseurs qui n’avaient d’yeux que pour le marché actions, considéré comme seule alternative (le fameux TINA « There Is No Alternative ») pendant plus d’une décennie de taux d’intérêt négatifs, reviennent progressivement sur le marché obligataire.

 

Attention à ne pas confondre taux de rendement brut et taux de rendement réel :

L’accroissement des taux d’intérêt reste néanmoins la conséquence de celui de l’inflation. Le taux de rendement actuariel des obligations sont des taux bruts qu’il est nécessaire de corriger du taux d’inflation pour connaître le taux réel. Avec une inflation en zone euro de 6,9 % au 31/03/2023, le taux de rendement réel des obligations européenne notées BBB ressort à – 2,3 %, donc encore en territoire négatif.  Mais le raisonnement est le même pour les autres classes d’actifs, actions, immobiliers …

 

Augmentation des taux et risques pour le marché obligataire

 

L’augmentation des taux fait baisser mécaniquement le cours des obligations déjà émises. Les marchés fonctionnant dans l’anticipation, les seules prévisions de hausse des taux font baisser les cours obligataires.

Dès lors, l’investisseur qui acquiert des obligations pour leur rendement plus attractif s’expose à la baisse de valeur de son portefeuille si les taux poursuivent leur hausse.

Tant qu’il ne les vend pas, il s’agit d’une moins-value latente mais s’il a besoin de liquidité, il sera obligé de constater cette moins-value.

Si nous entrons dans une phase relativement forte d’augmentation des taux d’intérêt, les valorisations des marchés obligataires peuvent donc souffrir. Ceci a déjà été le cas l’année dernière avec une baisse significative des marchés obligataires dès les premières annonces de hausse des taux pour contrer l’inflation. Les marchés obligataires ont ainsi connu des pertes moyennes de 14 % en 2022.

Cette baisse significative s’explique par le fait que la hausse des taux est survenue brutalement sur un marché obligataire relativement haut après une longue période de taux négatifs.

La valorisation du marché obligataire est plus basse aujourd’hui mais toute augmentation future des taux continue à faire peser un effet baissier sur les obligations déjà émises. Tout dépend alors de l’ampleur de la hausse de taux. Si celle-ci reste inférieure au rendement de l’obligation, le placement restera en plus-value, certes avec un taux de rendement global plus bas en cas de cession avant le terme.

Si la hausse est beaucoup plus brutale, les portefeuilles obligataires déjà constitués peuvent alors présenter des moins-values nettes en cours d’investissement.

L’investisseur en obligations doit être conscient de ce risque. Pour le réduire, il est préférable d’avoir un horizon d’investissement long en accord avec la durée de vie des obligations sélectionnées et conserver ces obligations jusqu’à leur terme dans une stratégie de portage, dite « buy and hold ».

La sélection des signatures et de la solvabilité des entreprises emprunteuses reste également cruciale et plus particulièrement dans la période que nous connaissons. Une phase rapide de hausse des taux succède en effet à des décennies de taux d’intérêt négatifs et de forte liquidité sur les marchés. L’augmentation des taux peut rendre nettement plus difficile l’emprunt ou le remboursement de la dette à taux variable et peser sur un grand nombre de bilans d’entreprises. Dès lors, les critères de solvabilité des emprunteurs doit faire l’objet d’une exigence accrue.

 

Augmentation des taux d’intérêt : un risque de valorisation pour les marchés actions, immobiliers et les placements dits alternatifs (or, cryptomonnaies …)

 

La hausse des taux d’intérêt induit logiquement une pression baissière sur les autres marchés, actions, immobiliers ou placements alternatifs tels que l’or ou les cryptomonnaies.

 

Augmentation des taux : quels risques pour les marchés actions ?

 

Les marchés actions ont plusieurs moteurs :

  • Les anticipations de croissance des bénéfices des entreprises. L’accès facilité au crédit par la baisse des taux a été jusqu’ici un facteur important de soutien de l’espérance de croissance des bénéfices.
  • Le volume des investissements: le marché actions est aussi guidé par l’offre et la demande. Le surplus de demande par rapport à l’offre fait mécaniquement augmenter le cours des actions.

La longue période de taux négatifs, la facilité à laquelle il était possible d’emprunter, et l’abondance de liquidités induites ont accru la demande disponible et ont été jusqu’ici des catalyseurs à la hausse pour le marché actions.

  • La plus ou moins grande concurrence des autres marchés d’investissement. Les investisseurs recherchent les placements les plus rémunérateurs et présentant le meilleur rapport rendement / risque. La période de taux négatifs rendait le marché obligataire inintéressant alors que petit à petit le marché action est devenu quasi-incontournable, comme seule espérance de rendement. On a ainsi pu parler du fameux effet TINA pour « There Is No Alternative » pour qualifier le choix du marché action.

Dès lors, l’augmentation des taux d’intérêt crée l’effet inverse sur ce marché :

  • Les perspectives de bénéfices des entreprises tendent à se fragiliser du fait de l’accroissement du coût du crédit.
  • Le volume de liquidité disponible se réduit et crée une pression sur la demande.
  • Le marché obligataire redevient compétitif et l’effet « TINA » s’étiole.

La hausse des taux d’intérêt crée donc logiquement une pression baissière sur le marché action.

Si ce dernier a effectivement accusé une chute significative en 2022 (- 9,75 % sur le CAC 40, – 9,9 % sur le Dow Jones, – 20,4 % sur le S&P 500), il a néanmoins repris le chemin de la hausse dès janvier 2023 pour afficher des performances nettement positives (+ 14,46 % pour le CAC 40, + 7,29 % pour le S&P 500, + 1,62 % pour le Dow Jones du 01/01/2023 au 03/05/2023).

 

 

Force est de constater que la perspective de hausse des taux d’intérêt n’effraie plus pour l’instant les investisseurs actions, ces derniers visant une modération du rythme de la hausse des taux au fur et à mesure que le rythme de l’inflation pourrait décroître et que l’économie pourrait s’enrayer. Toute reprise significative du rythme de hausse relancerait néanmoins les facteurs baissiers.

 

Augmentation des taux : quelles conséquences sur le marché immobilier ?

 

Les taux d’intérêt sont centraux pour le marché immobilier en raison du recours à l’emprunt. Le crédit reste la principale source de financement du marché immobilier, que l’investisseur soit un particulier, une entreprise ou un institutionnel.

Là encore, la période de taux d’intérêt négatif a accru le recours au crédit pour l’investissement immobilier. Les conditions financières sont facilitées et l’effet de levier, c’est-à-dire la différence entre le rendement de l’investissement et le coût du financement, est accru. Il devenait contre-productif d’autofinancer l’investissement immobilier même lorsque l’on disposait de liquidités.

L’augmentation des taux d’intérêt conjuguée au resserrement des conditions d’octroi viennent freiner la demande depuis le début de l’année. Comme pour tout marché, si la demande baisse et que l’offre reste constante, les prix s’ajustent à la baisse.

La hausse des taux d’intérêt crée donc une pression baissière sur le marché immobilier.

A ce phénomène s’ajoutent également l’apparition de nouvelles contraintes réglementaires environnementales pesant sur les particuliers (avec des impossibilités de louer par exemple suivant les étiquettes de diagnostics énergétiques) mais également sur les entreprises et les promoteurs immobiliers dans les constructions neuves. Ces nouvelles obligations renchérissent le coût de revient de l’investisseur immobilier (dans la construction ou par la nécessité de travaux) pesant également sur le marché.

 

Accroissement des taux et placements dits alternatifs (or, cryptomonnaies …)

 

Les placements dits alternatifs tels que l’or ou les cryptomonnaies ne sont pas producteurs de croissance et n’ont qu’un moteur de variation, celui de l’offre et de la demande.

Dès lors, l’augmentation des taux d’intérêt affaiblit le volume de liquidités disponibles et donc la demande et fait peser un effet baissier sur ces marchés.

Ceci s’est vérifié en 2022 avec une chute de capitalisation totale des cryptomonnaies de 64 %, soit plus de 1.500 milliards de dollars. La faillite de la plateforme FTX a accentué cette chute mais l’augmentation des taux d’intérêt des banques centrales a également accentué la réduction de la demande. Or le marché des cryptomonnaies y est très sensible.

Comme pour le marché actions, le marché des cryptomonnaies a retrouvé le chemin de la hausse en 2023 et de manière plus vertigineuse que le marché actions, le cours du bitcoin gagnant près de 66 % du 1er janvier au 3 mai 2023. Les perspectives de hausse plus modérés des taux mais surtout les risques de défaillance bancaires (avec la faillite de SVB) ont relancé l’intérêt pour les cryptomonnaies.

Le marché de l’or est aussi sensible au volume de liquidité et à l’équilibre de l’offre et la demande (avec notamment la demande des banques centrales et celle du marché indien) mais également :

  • au rendement du marché obligataire qui a toujours été un marché concurrent
  • à l’évolution des devises: une perspective de hausse de la valeur des monnaies pèse sur le cours de l’or.
  • au niveau de l’inflation car l’or a souvent eu un effet protecteur contre l’érosion monétaire.
  • aux risques et aux événements géopolitiques du fait de son caractère de valeur refuge.

La reprise de l’inflation ainsi que la guerre en Ukraine ont ainsi soutenu le cours de l’or en 2022 malgré la hausse des taux d’intérêt. Le cours de l’once d’or en euro s’est accru de 5,79 % en 2022. En 2023, cette hausse se poursuit (hausse de 6,5 % de l’once d’or en euro du 1er janvier au 3 mai 2023) dans un environnement géopolitique qui reste tendu (poursuite de la guerre en Ukraine …), un contexte toujours inflationniste et de montée de nouveaux risques (faillites bancaires).

 

Augmentation des taux d’intérêt : un risque de liquidité pour l’ensemble des marchés

 

La hausse des taux réduit les liquidités sur l’ensemble des marchés mais crée également des asymétries de liquidité et par là des risques d’illiquidité.

 

Réduction des liquidités disponibles et effet sur les marchés

 

La hausse des taux est un outil de lutte contre l’inflation par son action sur le pouvoir d’achat, donc sur l’économie. Le rehaussement des conditions de crédit freine en effet les demandes de financement et par là les liquidités.

La réduction des liquidités se traduit par une tendance à la baisse de la demande d’investissement sur l’ensemble des marchés, qu’il s’agisse du marché immobilier, actions …

Une réduction de la demande par rapport à l’offre pousse les prix à la baisse. La hausse des taux a donc un effet baissier sur les différences classes d’actifs, même si cette tendance ne se fait pas réellement sentir à ce jour. L’abondance de liquidités encore présentes sur les marchés et les espérances de modération de la hausse des taux soutiennent actuellement les marchés.

Mais la hause des taux fait d’ores et déjà ressurgir un risque quelque peu oublié depuis des années, celui des asymétries de liquidité.

 

Les risques spécifiques d’asymétrie de liquidité

 

L’augmentation des taux d’intérêt génère une contrainte spécifique sur les placements ou les activités financières qui offrent des possibilités de retrait à tout moment et qui parallèlement investissent à moyen ou long terme sur des actifs moins liquides.

Les fonds immobiliers (SCPI (Société Civile de Placement Immobilier), OPCI (Organisme de Placement Collectif Immobilier), sociétés foncières), les placements obligataires de portage ainsi que les fonds en euros mais aussi les activités bancaires elles-mêmes (investissant les dépôts de court terme de leurs clients à moyen ou long terme) fonctionnent sur ce principe.

La hausse des taux crée un risque spécifique sur ces secteurs :

  • L’augmentation des taux d’intérêt peut pousser les clients à rechercher d’autres placements plus rémunérateurs. Les clients des fonds en euros par exemple peuvent préférer en sortir pour investir sur des obligations au taux de rendement plus élevé. Les clients des banques peuvent réduire leurs dépôts pour investir sur des titres de créances ou obligations devenant plus rémunérateurs.
  • L’augmentation des taux d’intérêt peut également obliger les clients à retirer leurs fonds pour faire face à de nouvelles charges financières. Ceci a été le cas des entreprises du secteur de la tech qui ne disposaient plus début 2023 des mêmes possibilités de levée de fonds et qui ont fortement, et brutalement, retiré leurs liquidités déposées dans la banque américaine SVB.

S’ils n’ont pas les liquidités suffisantes pour régler ces retraits, les fonds ou établissements doivent alors vendre une partie de leurs actifs investis à moyen ou long terme. Or ces actifs peuvent avoir perdu de la valeur du fait de la hausse des taux elle-même. Les prêts bancaires à taux fixe comme les obligations perdent de la valeur si les taux augmentent. Il peut être difficile également de vendre ces actifs qui ne trouvent pas preneur sur les marchés, les investisseurs préférant les placements nouvellement émis à des taux plus élevés.

Ces fonds et établissements s’exposent alors à un risque de perte en vendant leurs actifs de bilan en moins-value ou à un risque de liquidité s’ils ne peuvent les vendre. Ce risque peut aller jusqu’à la faillite comme dans le cas de la banque SVB.

Ces fonds et établissements sont ainsi exposés à un risque d’asymétrie de liquidité. Ils sont en quelques sortes pris en ciseau entre une demande de liquidité à court terme et un manque de liquidité voire une illiquidité sur les actifs de moyen et long terme.

La gestion de ce risque repose alors sur la maîtrise des demandes de retrait afin que celles-ci restent limitées et n’arrivent pas en masse. La confiance des investisseurs devient alors le point clé.

 

Auteur

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Société à l’IS : comment optimiser la plus-value de cession ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Deux principaux schémas patrimoniaux permettent d’optimiser la plus-value de cession de titres de société à l’IS mais ne sont pas sans risques fiscaux et patrimoniaux. Explications !

 

Nous avons présenté dans notre précédent article les régimes d’imposition de la plus-value de cession de titres de société à l’IS. Ces régimes concernent les titres de sociétés cotées, détenus en portefeuille-titres, mais également la cession d’actions ou de parts sociales du chef d’entreprise.

Dans certains cas, et principalement lorsque les titres ont été acquis avant la 01/01/2018, il est possible de bénéficier d’abattement pour durée de détention lorsque l’on opte pour l’imposition de la plus-value de cession au barème de l’IR. Comme nous l’avons vu, ces abattements sont plus intéressants que le choix de l’imposition au PFU (Prélèvement forfaitaire unique) en cas de durée de détention longue (supérieure à 8 ans) et de possibilité de déduction de la CSG l’année suivant la cession.

Est-il possible d’aller plus loin afin de réduire l’imposition sur plus-value de cession de titres de société à l’IS ?

Les régimes d’imposition n’offrent pas plus de possibilité mais des schémas patrimoniaux de cession permettent d’optimiser cette imposition. Il s’agit principalement de l’apport-cession de titres à une holding à l’IS et de la donation avant cession.

Ces opérations ne sont pas sans risque et peuvent être requalifiées en abus de droit s’il était démontré qu’elles ont été réalisées dans un objectif exclusivement ou principalement fiscal.

Au-delà de ce risque fiscal, ces schémas doivent dans tous les cas correspondre à des objectifs patrimoniaux précis. Ils supposent en effet des contraintes significatives et les mettre en place pour des raisons uniquement fiscales serait une grave erreur patrimoniale. Le point sur ces méthodes d’optimisation de l’imposition sur plus-value.

 

SOMMAIRE

  • L’apport-cession et impôt sur plus-value
  • Donation avant cession de la société à l’IS

 

L’apport-cession et impôt sur plus-value

 

L’apport-cession est un schéma souvent proposé pour réduire l’imposition sur plus-value de cession.

Il est néanmoins important de rappeler que tout schéma d’optimisation fiscale doit répondre à un objectif patrimonial précis, pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit si l’opération était considérée comme poursuivant un objectif exclusivement fiscal et depuis 2021 celui dit du « mini-abus de droit » en cas de poursuite d’un objectif principalement fiscal.
  • permettre la réalisation des objectifs personnels de l’entrepreneur après cession. Créer une nouvelle holding pour des raisons uniquement fiscales peut être une erreur si elle ne correspond pas aux objectifs de vie de l’entrepreneur après cession, voire pire si elle empêche de les accomplir.

L’apport-cession consiste à apporter les titres de la société à l’IS à une société holding à l’IS, souvent créée à cet effet, puis à ce que cette holding vende les titres ainsi reçus. L’apport ne générera pas d’imposition immédiate car il sera placé soit sous :

  • le régime du sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI) si l’apporteur ne contrôle pas la société qui reçoit les titres
  • le régime du report d’imposition si l’apporteur contrôle cette société holding bénéficiaire de l’apport (article 150-0 B ter du CGI).

A noter que s’il y a paiement d’une soulte en numéraire lors de l’apport, elle ne doit pas dépasser 10 % de la valeur nominale des titres de la holding reçus en échange.

 

 

Dans le cadre d’une cession d’entreprise, compte tenu de l’importance de la valeur d’apport, il est difficile d’apporter les titres à une société que l’on ne contrôlerait pas après apport.

Les opérations d’apport-cession se font donc en général dans le cadre du régime du report d’imposition, de l’article 150-0 B ter du CGI.

L’opération de cession des titres reçus par la holding à l’IS ne génère logiquement pas de plus-value imposable au niveau de cette holding, le prix de cession étant proche du prix d’apport.

Cette cession des titres par la holding peut néanmoins remettre en cause la plus-value d’apport jusqu’ici en report d’imposition, sauf si certaines conditions bien précises sont respectées.

Depuis 2012, le régime de l’article 150-0 B ter prévoit en effet qu’en cas de cession des titres apportés, le régime de report tombe et l’imposition sur plus-value devient imposable sauf dans certaines situations :

  • si la cession des titres apportés a lieu plus de trois ans après l’apport à la holding, le report ne tombe pas et cette cession n’entraîne pas l’imposition de la plus-value en report. Ceci nécessite néanmoins d’attendre ce délai. Il est dans ce cas nécessaire d’anticiper l’opération de cession par la création de la holding et l’apport à cette holding au moins trois avant.

Par ailleurs, en trois ans, les titres apportés peuvent prendre de la valeur, auquel cas la holding dégagera une plus-value sur ces titres lors de leur cession. Si les titres apportés peuvent être considérés comme des titres de participation (inscrits comme tel à l’actif, représentant au moins 10 % de la société apportée et détenus dans un objectif durable par la holding qui exerce une influence sur la société filiale), leur cession après 2 ans de détention par la holding relève du régime des plus-values à long terme. La plus-value n’est pas imposable mais une quote-part de 12 % de cette plus-value brute est réintégrée dans le bénéfice imposable. Si les titres apportés étaient qualifiés de titres de placement, la plus-value est alors intégralement imposable à l’IS.

  • Si les titres apportés sont cédés moins de trois ans après l’apport, la plus-value en report devient imposable sauf à ce que la holding réinvestisse au moins 60 % du prix de cession dans des activités économiques éligibles et ce dans un délai de 2 ans. Il peut s’agir :
    • d’investir dans une activité commerciale, industrielle, agricole, libérale ou financière et dans les actifs et moyens de production nécessaires.
    • d’acquérir une fraction du capital d’une société exerçant ce type d’activité économique et d’en détenir par là le contrôle.
    • de souscrire en numéraire au capital initial ou à l’augmentation du capital d’une société ayant une activité économique.
    • de souscrire à des parts de fonds de capital investissement investissant dans des PME opérationnelles (FCPR (Fonds Commun de Placement à Risque), FCPI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Société de Capital-Risque) …). Depuis le 01/01/2020, seule la date de souscription aux fonds de réinvestissement est prise en compte, quelles que soient les dates de libération successives de capital des fonds (celles-ci devant néanmoins intervenir dans un délai maximal de 5 ans). Il est donc nécessaire de souscrire aux parts de ces fonds dans un délai de 2 ans après la cession des titres apportés pour ne pas remettre en cause le report de plus-value.

Avant 2012, ces conditions de réinvestissement n’existaient pas pour les apports-cessions. Il était donc possible que la holding cède les titres apportés sans remettre en cause le report d’imposition. La holding avait alors toute latitude pour réinvestir librement les fonds, y compris dans une gestion patrimoniale (placement immobilier ou financier).

Dans tous les cas et même si les titres apportés ont été cédés dans les conditions permettant de ne pas rendre imposable la plus-value en report, celle-ci existe toujours et n’est pas purgée. La plus-value d’apport sera imposable notamment en cas de cession des titres de la holding (mais aussi en cas de rachat, d’annulation ou de remboursement de ces titres).

La plus-value d’apport en report peut néanmoins être purgée, sous conditions, en cas de donation des titres de la holding reçus en rémunération de l’apport. Le report de plus-value est transféré au bénéficiaire de la donation. Si ce donataire vend les titres de la holding au-delà d’un délai de 5 ans après la donation (ou 10 ans si la holding avait réinvesti dans des parts de fonds (FCPR …)), la plus-value en report est purgée et n’est pas due. Avant 2020, ce délai était de 18 mois.

 

 

Depuis 2012, et la nouvelle version de l’article 150-0 B ter du CGI, l’apport-cession a perdu de son pur intérêt fiscal. Il doit correspondre à un projet patrimonial précis de l’entrepreneur, celui de poursuivre des investissements dans des sociétés à l’IS relevant d’une activité économique.

Cette nécessité de réinvestissement dans les activités économiques permet néanmoins d’appliquer l’apport-cession dans les véritables situations patrimoniales où il a lieu d’être, c’est-à-dire lorsque l’entrepreneur a cet objectif personnel de réinvestissement.

Ceci évite également les situations inadaptées qui ont pu se présenter avant 2012 dans lesquelles le produit de la cession des titres était in fine détenu dans une holding à l’IS n’ayant pas vocation à réinvestir dans l’économie et devenant un outil patrimonial mal adapté (surcoût de la distribution pour percevoir des revenus, investissements patrimoniaux (immobilier par exemple) dans un régime, celui de l’IS, pas nécessairement adéquat).

 

Donation avant cession de la société à l’IS

 

Une deuxième stratégie d’optimisation de l’imposition sur plus-value consiste à donner les titres de la société avant leur cession.

La donation est imposée aux droits de mutation à titre gratuit mais ce coût fiscal permet d’anticiper la transmission successorale.

Les enfants donataires cèdent ensuite les titres de la société reçus par donation. Si le prix de cession est proche de celui de la donation, la plus-value imposable n’est pas significative.

Là encore, ces opérations doivent correspondre aux objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur pour deux raisons :

  • éviter le risque de requalification en abus de droit et depuis 2021 le risque de « mini-abus de droit » comme nous l’avons mentionné précédemment. A ce sujet, si l’administration fiscale est venue préciser que la donation avec réserve d’usufruit ne serait pas considérée comme un objectif principalement fiscal, elle ne s‘est pas prononcée sur les opérations de donation avant cession. Il conviendra également d’être vigilant sur l’échéancier des opérations. Une donation réalisée alors que la cession est engagée (proposition d’achat des titres reçue avant la donation par exemple) pourrait relever d’une procédure d’abus de droit.

 

  • être certain de vouloir se dessaisir de la valeur des titres donnés avant leur cession: donner c’est donner. Si l’entrepreneur garde la pleine disposition du prix de cession des titres donnés, il en reprend la propriété et remet en cause la donation. Il est nécessaire également d’être vigilant sur ce point pour les donations de la seule nue-propriété. La cession des titres démembrés peut ensuite donner lieu à :
    • un remploi dans de nouveaux actifs démembrés. Dans ce cas, le prix de cession de ces titres démembrés doit être géré par l’usufruitier et le nu-propriétaire dans le cadre du démembrement. L’usufruiter ne doit pas se comporter comme un plein propriétaire.
    • un quasi-usufruit. Dans cette situation, l’entrepreneur cédant quasi-usufruiter dispose librement du prix de cession mais est redevable lors de sa succession d’une dette de restitution aux donataires nus-propriétaires. L’utilisation du quasi-usufruit dans le cadre des opérations de donation avant cession pourrait être néanmoins plus susceptible de requalification pour abus de droit, l’objectif patrimonial de pure transmission pouvant être fragilisé par la pleine disposition du prix de cession par l’usufruitier, quand bien même le nu-propriétaire dispose d’une créance de restitution. A moins d’être sécurisée (obligation de garantie), cette créance peut ne pas être remboursée si les actifs successoraux de l’usufruiter sont insuffisants.

Par ailleurs, l’imposition sur plus-value est spécifique pour les titres démembrés comme nous avons pu l’étudier dans un précédent article.

 

Dans tous les cas, il est important d’intégrer les enjeux de la cession le plus en amont possible. Les stratégies de ventes nécessitent d’être extrêmement bien préparées pour des raisons fiscales bien sûr mais également organisationnelles financières et patrimoniales.

L’optimisation fiscale de la cession, souvent recherchée, dépend avant tout des objectifs patrimoniaux de l’entrepreneur après cession. Cette optimisation doit par ailleurs être menée avec précaution pour éviter toute requalification en abus de droit.

Le choix de la stratégie de cession doit absolument être étudié avec les conseillers fiscaux et patrimoniaux de l’entrepreneur.

 

Auteurs

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Cession de titres démembrés : quelle plus-value ?

Cession de titres démembrés : quelle plus-value ?

Temps de lecture estimé : 12 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Comment calculer la plus-value imposable pour l’usufruitier ou le nu-propriétaire lors de la cession de titres démembrés ? Explications.

 

Le démembrement de propriété de titres de société est relativement fréquent en gestion de patrimoine. Qu’il s’agisse de société civile immobilière (SCI) ou de sociétés professionnelles (SA, SAS, SARL …), les parts sociales ou actions font souvent l’objet d’une donation avec réserve d’usufruit dans un objectif de transmission patrimoniale. Il peut s’agir également d’un portefeuille de valeurs mobilières sur lequel porte une donation en nue-propriété en faveur des futurs héritiers par exemple.

Le démembrement de propriété peut aussi provenir d’une succession, lorsque le conjoint survivant par exemple reçoit des droits en usufruit et les enfants en nue-propriété sur les parts d’une société ou d’un portefeuille-titres.

Dans ces situations, il n’est pas rare que les titres démembrés fassent l’objet d’une cession, soit parce que tout ou partie du capital de la société est vendu, soit parce que la gestion d’un portefeuille démembré requiert la cession de certains titres.

Qu’en est-il de la plus-value de cession ? Qui est redevable de l’imposition sur cette plus-value ? L’usufruitier ? Le nu-propriétaire ? Comment se calcule-t-elle ? Quel est le traitement fiscal en cas de remploi du prix de cession, de quasi-usufruit ou de partage pur et simple du prix ?

Pour répondre à ces questions, il est tout d’abord nécessaire de s’intéresser à la date du démembrement de propriété. Le traitement fiscal est en effet différent si le démembrement est intervenu avant ou après le 03/07/2001.

D’autres critères rentrent également en ligne de compte :

  • le sort du prix de vente: partage, remploi ou quasi-usufruit
  • l’origine du démembrement: la pleine propriété appartenait-elle à l’usufruitier, au nu-propriétaire, à une tierce personne ?
  • l’historique du démembrement: la pleine propriété est-elle vendue après réunion de l’usufruit et de la nue-propriété ?

 

SOMMAIRE

  • Titres démembrés avant le 03/07/2001
  • Démembrement des titres après le 03/07/2001

 

Titres démembrés avant le 03/07/2001

 

Lorsque les titres ont été démembrés avant le 03/07/2001, il est nécessaire de distinguer les cessions isolées du droit d’usufruit ou de nue-propriété, des cessions conjointes de leur droit par l’usufruitier et le nu-propriétaire. Dans ce dernier cas, il faut également différencier les ventes avec partage du prix de vente et celles avec remploi.

 

 

Cession isolée du droit d’usufruit ou de nue-propriété

 

Lorsque l’usufruitier, ou respectivement le nu-propriétaire, vend seul son droit sur les titres, ou lorsque les deux vendent leurs droits respectifs à des acquéreurs distincts (il n’y a donc pas de réunion de l’usufruit et de la nue-propriété dans les mains d’un seul acquéreur), le calcul de la plus-value est relativement simple.

Il s’agit de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition définis de la manière suivante :

  • le prix de cession est égal à la valeur de vente du droit concerné.
  • le prix d’acquisition est soit la valeur vénale d’achat de ce droit s’il a été acquis à titre onéreux, soit la valeur qui a été retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit en cas d’acquisition par donation ou succession.

De manière générale pour tous les calculs de plus-value sur titres, le prix d’acquisition est accru des frais d’acquisition à titre onéreux (droit d’enregistrement sur les parts sociales par exemple, frais d’ordre s’il s’agit d’un portefeuille) ou à titre gratuit (droits de mutation).

 

Attention :

La première cession d’un usufruit temporaire relève de l’imposition sur les revenus et non du régime des plus-values.

Lorsque les titres ont fait l’objet d’un démembrement avec usufruit temporaire, la première cession de ce droit est imposée depuis la loi de Finances pour 2012 dans la catégorie des revenus dégagés par le bien concerné, en l’occurrence comme un revenu de capital mobilier (article 13 – 5° du CGI). Cette cession ne relève donc pas du régime des plus-values.

 

Cession conjointe de l’usufruit et de la nue-propriété avec partage du prix de vente

 

Lorsque usufruitier et nu-propriétaire vendent ensemble leurs droits respectifs à un acquéreur qui en devient plein propriétaire, le sort du prix de vente conditionne le mode de calcul de la plus-value.

Si usufruitier et nu-propriétaire se partage le prix de vente, chacun d’entre eux est imposable sur sa plus-value respective. Cette situation concerne également les opérations d’apport ou d’échange de titres démembrés lorsqu’usufruitier et nu-propriétaire reçoivent chacun des titres démembrés en contrepartie.

Dans ces cas, la plus-value est égale à la différence entre :

  • le prix de cession: prix de vente du droit d’usufruit ou de nue-propriété.

Le prix de la pleine propriété des titres va donc être ventilé entre usufruitier et nu-propriétaire.

Ce partage de prix peut être réalisée sur la base de l’évaluation fiscale de l’article 669 du CGI (évaluant les droits d’usufruit et de nue-propriété par fraction selon l’âge de l’usufruitier) mais il est aussi possible de retenir une valeur économique de l’usufruit.

Le recours au barème de l’article 669 du CGI n’est obligatoire que pour le calcul de paiement de droits (droits de mutation, droit d’enregistrement, IFI …).

 

Valeur économique de l’usufruit :

Cette valeur est calculée en tenant compte de l’âge de l’usufruitier lors de la cession et de son espérance de vie selon les tables de mortalité. La valeur de l’usufruit est alors égale à la somme des flux de revenus actualisés que l’usufruitier va percevoir des titres pendant sa durée de vie estimée.

 

Dans tous les cas, le prix de cession des droits doit être évalué selon la même méthode pour l’usufruiter et pour le nu-propriétaire.

  • et le prix d’acquisition : l’administration fiscale distingue le cas du nu-propriétaire et celui de l’usufruitier.
  • Pour le nu-propriétaire: il s’agit de la valeur vénale d’acquisition de son droit sur les titres, ou cette valeur vénale à la date d’entrée dans son patrimoine en cas d’acquisition à titre gratuit (donation ou succession)
  • Pour l’usufruitier: le prix d’acquisition est égal à une fraction du prix d’acquisition de la pleine propriété représentant la valeur en usufruit. 

Pour des raisons pratiques, l’administration fiscale indique que cette fraction d’acquisition peut être déterminée sur la base du barème fiscal de l’usufruit défini à l’article 669 du CGI appliqué à la valeur d’acquisition en pleine propriété des titres, mais en tenant compte de l’âge de l’usufruitier à la date de la cession, et non de l’acquisition.

Dans cette situation, telle que présentée au BOFIP, le recours au barème de l’article 669 du CGI n’apparaît pas comme une obligation et il est donc possible, dans cette hypothèse, de recourir à l’évaluation économique de l’usufruit pour la détermination de son prix d’acquisition.

 

Cession conjointe de l’usufruit et de la nue-propriété avec remploi

 

Lorsque l’usufruitier et le nu-propriétaire vendent les titres en pleine propriété et remploient le prix de cession sur de nouveaux titres démembrés, la plus-value est alors imposable au nom du nu-propriétaire.

Le prix de cession correspond à la valeur de vente des titres en pleine propriété.

Le prix d’acquisition dépend du mode d’acquisition des titres démembrés. Il est égal :

  • à la valeur d’achat des titres en pleine propriété, s’ils ont été acquis à titre onéreux
  • ou à la valeur sur laquelle ont été calculés les droits de mutation à titre gratuit lors du démembrement de propriété si celui-ci provient d’une donation ou d’une succession.

 

Démembrement des titres après le 03/07/2001

 

Lorsque les titres ont été démembrés après le 03/07/2001, le sort du prix de vente (partage, remploi mais aussi quasi-usufruit) conditionne dans ce cas également le traitement de la plus-value. Des situations particulières, mais pour autant relativement fréquentes, sont précisées lorsque la pleine propriété a appartenu à l’un des deux détenteurs du droit démembré ou lorsque la cession a lieu après réunion de l’usufruit et de la nue-propriété.

 

Cession distincte d’un seul droit ou vente en pleine propriété avec partage du prix

 

Lorsque la cession a lieu en pleine propriété, usufruitier et nu-propriétaire vendant conjointement leur droit au cessionnaire, et qu’ils se partagent le prix de vente, le traitement de la plus-value est similaire pour chacun d’entre eux à une cession isolée de leur droit.

L’usufruitier et le nu-propriétaire sont imposables sur la plus-value respective de leur droit.

Chaque plus-value se calcule par la différence entre :

  • le prix de cession du droit concerné
  • et le prix d’acquisition de ce droit, égal à la valeur d’achat en cas d’acquisition à titre onéreux ou à la valeur vénale de ce droit au jour de son entrée dans le patrimoine, soit la valeur ayant servi de calcul aux droits de mutation à titre gratuit, en cas de donation ou succession.

Lorsque le cédant, usufruitier ou nu-propriétaire, a disposé de la pleine propriété des titres avant leur démembrement, l’administration fiscal admet l’utilisation du barème fiscal de l’article 669 du CGI pour déterminer le prix d’acquisition. C’est alors l’âge de l’usufruitier au jour de la cession, et non à la date du démembrement, qui est retenu pour l’application du barème.

Les commentaires du BOFIP précise néanmoins que l’évaluation économique du prix d’acquisition du droit démembré est possible, du moment que la même méthode s’applique pour les deux droits, usufruit et nue-propriété.

Par ailleurs, les apports et échanges de titres démembrés lorsque chacun reçoit en échange des titres en pleine propriété sont traités, pour la détermination de la plus-value, comme les situations de partage de prix.

 

A noter :

Les apports et échanges de titres démembrés peuvent sous certaines conditions bénéficier des régimes de sursis (article 150-O B du CGI) et de report d’imposition (article 150-O B Ter du CGI). Le régime de report d’imposition bénéficie au nu-propriétaire. Pour l’usufruitier, s’il s’agit de l’apport d’un usufruit temporaire, l’imposition relève du régime des revenus (article 13-5° du CGI).

 

Vente en pleine propriété avec remploi ou quasi-usufruit

 

Comme pour tout rendement, il reste nécessaire de comparer les performances au taux d’inflation. Les taux d’inflation sont globalement plus élevés que les taux d’intérêt à ce jour et le rendement réel (rendement brut – taux d’inflation) des stratégies « Buy and Hold », notamment des plus prudentes, peut être négatif. Ces taux de rendement obligataires permettent néanmoins à l’investisseur de compenser une partie de l’inflation et le rendement réel peut par ailleurs augmenter si le taux d’inflation reflue avant l’arrivée du terme du portage.

 

Qui est redevable de l’imposition ?

Lorsqu’usufruitier et nu-propriétaire remploient conjointement le prix de cession sur de nouvelles valeurs, droits ou titres démembrés, la plus-value est imposable au nom du nu-propriétaire.

Cette situation peut également concerner l’apport ou l’échange de titres démembrés lorsque usufruitier et nu-propriétaire reçoivent des titres démembrés en échange de l’opération.

Lorsqu’usufruitier et nu-propriétaire décide que le prix de vente reviendra à l’usufruitier pour sa totalité dans le cadre d’un quasi-usufruit, la plus-value est imposable au nom de l’usufruitier.

 

Cas particulier de la gestion d’un portefeuille-titres démembré :

Depuis l’arrêt Baylet (Cour de cassation 1998), un compte-titre démembré peut être considéré juridiquement comme une « universalité de fait ». L’usufruitier a alors la possibilité de réaliser seul les opérations de cession des titres démembrés dans le cadre des arbitrages de gestion, à condition de réemployer le prix de cession dans d’autres titres démembrés et dans l’objectif de conserver la substance du portefeuille.

Fiscalement, le nu-propriétaire est le seul redevable de l’imposition sur plus-value dans le cadre de cette gestion. L’administration fiscale considère néanmoins, lorsque le démembrement de propriété provient d’une succession, que l’usufruitier puisse être le seul imposable sur la plus-value de cession à condition qu’usufruitier et nu-propriétaire en aient fait l’option expresse et irrévocable auprès de l’établissement financier (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 N° 180).

A noter :

Une décision récente du Conseil d’État (CE, 9ème et 10ème ch., 02/04/2021, n° 429187) est venue confirmer la qualité du redevable de l’imposition sur plus-value dans ces situations. Ella a également précisé que le sort du prix de cession (remploi ou quasi-usufruit) doit être déterminé au plus tard au jour de la cession.  La convention de remploi ou de quasi-usufruit doit donc être établie et signée avant la cession.

 

Pour le calcul de la plus-value, il est ensuite nécessaire de savoir si l’usufruiter, ou le nu-propriétaire, ont disposé de la pleine propriété avant le démembrement ou pas.

 

Ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire n’ont disposé de la pleine propriété avant le démembrement

Cette situation se rencontre fréquemment lorsque l’usufruitier et le nu-propriétaire ont chacun reçu leur droit respectif à la suite d’une succession par exemple, mais ils peuvent les détenir également d’une donation (sans réserve d’usufruit, le donateur donnant l’usufruit à un donataire et la nue-propriété à un autre) ou d’une acquisition à titre onéreux.

Lorsque ni l’usufruitier ni le nu-propriétaire n’ont détenu la pleine propriété avant le démembrement :

  • le prix de cession est celui de la valeur vénale en pleine propriété au jour de la vente
  • le prix d’acquisition est égal à la valeur globale en pleine propriété qui a servi de base au calcul des droits de mutation à titre gratuit lors de la succession ou de la donation ou à la valeur vénale en pleine propriété au jour de l’acquisition à titre onéreux.

 

Si l’usufruitier ou le nu-propriétaire a eu la pleine propriété avant le démembrement

L’usufruitier ou le nu-propriétaire peut avoir été plein propriétaire des titres avant leur démembrement. Ceci est souvent le cas lors d’une donation avec réserve d’usufruit par exemple.

Dans cette hypothèse :

  • Le prix de cession correspond à la valeur vénale en pleine propriété au jour de la vente
  • Pour le prix d’acquisition, il faut distinguer si c’est l’usufruitier ou le nu-propriétaire qui était initialement plein propriétaire des titres :
    • S’il s’agit de l’usufruitier (cas le plus fréquent par la donation avec réserve d’usufruit), le prix d’acquisition à retenir est égal à la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres auquel on ajoute l’accroissement de la valeur de la nue-propriété entre la date initiale d’acquisition de la pleine propriété et la date du démembrement des titres.

 

Source : BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60

    • S’il s’agit du nu-propriétaire (dans ce cas plus rare, c’est l’usufruit qui a été transmis lors du démembrement), le prix d’acquisition se calcule de la même manière mais l’ajout au prix d’acquisition initial concerne la valeur de l’usufruit.

Source : BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60

 

Pour ces calculs, l’administration fiscale précise que l’évaluation de l’usufruit ou de la nue-propriété peut se faire en référence au barème de l’article 669 du CGI en retenant l’âge de l’usufruitier au jour de la cession.

 

 

Vente en pleine propriété après réunion de l’usufruit et de la nue-propriété

 

Les démembrements de propriété étant fréquents, notamment dans le cadre de transmission patrimoniale, le nu-propriétaire peut être amené à céder ses titres après en être devenu plein propriétaire, soit parce que l’usufruitier est décédé, soit parce qu’il a acquis l’usufruit à titre onéreux ou à titre gratuit. La plus-value se calcule différemment selon ces situations.

 

Cas du décès de l’usufruitier : usufruit acquis par voie d’extinction

 

Lorsque le nu-propriétaire est devenu plein propriétaire des titres suite au décès de l’usufruitier et qu’il les a ensuite vendus, la plus-value se calcule comme la différence entre :

  • le prix de cession correspondant à la valeur vénale en pleine propriété des titres au jours de la vente
  • le prix d’acquisition de son droit de nue-propriété, acquis donc initialement: soit sa valeur vénale d’achat s’il s’agissait d’une acquisition à titre onéreux, soit la valeur de calcul des droits de mutation en cas d’acquisition à titre gratuit.

La valeur de l’usufruit est donc considérée comme nulle. Elle ne s’ajoute pas au prix d’acquisition et accroît donc la plus-value.

 

Exception importante à ce principe :

Si à l’origine du démembrement, usufruitier et nu-propriétaire avaient reçu leur droit distinctement suite à une transmission à titre gratuit (cas d’une succession par exemple dans laquelle le conjoint survivant reçoit l’usufruit et un enfant la nue-propriété), puis que le nu-propriétaire est devenu plein propriétaire à la suite du décès de l’usufruitier, le prix d’acquisition des titres tient alors compte de la valeur de l’usufruit lors du démembrement. Il est égal à la valeur globale des titres (usufruit + nue-propriété) ayant servi de calcul aux droits de mutation à titre gratuit lors du démembrement.

 

Usufruit acquis à titre gratuit ou à titre onéreux

 

Lorsque le nu-propriétaire devient plein propriétaire en acquérant l’usufruit à titre onéreux (par un achat) ou à titre gratuit (par une donation ou une succession) puis vend les titres en pleine propriété, il faut ajouter la valeur d’acquisition de la nue-propriété (valeur vénale lors de l’achat de ce droit ou valeur de calcul des droits de mutation à titre gratuit) à celle de l’usufruit (à titre onéreux ou à titre gratuit) pour déterminer le prix d’acquisition global des titres.

 

Abattement pour durée de détention et titres démembrés :

La plus-value de cession de titres peut bénéficier d’un abattement pour durée de détention lorsque les titres ont été acquis ou souscrits avant le 01/01/2018 et sur option pour le barème de l’IR.

La date de départ de la durée de détention est celle de l’acquisition des titres (souscription ou acquisition à titre onéreux ou gratuit).

Quelle date prendre en compte dans le cas de titres démembrés ?

La durée de détention court à partir de la date d’acquisition du droit du cédant (usufruitier ou nu-propriétaire selon celui qui est redevable de l’imposition sur plus-value).

L’administration fiscale a clairement précisé les différents cas dans le tableau ci-dessous :

Source : BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 du 14/10/2014

 

Le calcul de la plus-value de cession de titres démembrés est donc un exercice relativement complexe.

Pour autant, il est nécessaire dans de nombreuses situations patrimoniales : le démembrement de propriété, les structures sociétaires (SCI, SA, SAS, SARL …) et la détention de portefeuille-titres sont en effet largement utilisés.

Aussi, le recours à un conseil patrimonial est fortement recommandé pour déterminer le traitement fiscal de cessions de ces titres.

 

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7