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Les NFT : de nouveaux actifs patrimoniaux ?

Les NFT : de nouveaux actifs patrimoniaux ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Les NFT (Non Fungible Tokens), nouveaux crypto-actifs, font l’objet d’un fort engouement. Ont-ils une place dans une allocation patrimoniale et laquelle ? Décryptage

Les NFT font actuellement l’objet d’une véritable ferveur et leur prix ont dans certains cas atteint des sommets.

Ces supports numériques entrent dans la famille des crypto-actifs, au même titre que le fameux bitcoin. Ils sont créés et vendus via un système décentralisé de blockchain.

A la différence des autres « tokens » existant sur les blockchains tels les crypto-monnaies, et la plus célèbre d’entre elles le bitcoin, les NFT ont pour grande différence de représenter un droit de propriété unique sur un actif. Pour cette raison, ils ne sont pas interchangeables et sont par nature non fongibles d’où leur nom « Non Fungible Token » ou jeton non fongible.

Ils attestent de la propriété unique d’un actif grâce à une blockchain. Leur application s’est donc développée naturellement dans le monde de l’art, pour lequel le titre de propriété et le certificat d’originalité de l’œuvre sont essentiels.

Les NFT permettent aujourd’hui d’être propriétaire d’une œuvre d’art physique ou virtuelle mais également d’objets de collection ou de luxe, via une blockchain. Leurs prix connaissent une forte croissance attirant les investisseurs aguerris, ou pas, en crypto-actifs.

Devant cet engouement croissant, il est indispensable de comprendre et d’analyser ces nouveaux actifs d’investissement et de mesurer quelle place ils peuvent avoir dans une diversification patrimoniale.

les nft : de nouveaux actifs numériques

Les NFT (Non Fongible Tokens) sont des actifs numériques représentatifs d’un droit de propriété sur un actif réél ou virtuel, validés sans intermédiation par une blockchain.

qu’est-ce qu’un nft ?

Les NFT ont vu le jour en 2014 et bouleversent le monde des crypto-actifs depuis quelques mois.

Les NFT sont des actifs numériques appelés « token », ou jeton, créés et échangés via un système de blockchain.

Techniquement, il existe deux types de token :

  • les token fongibles représentant des unités d’actifs numériques et qui sont par nature interchangeables. Il s’agit principalement des crypto-monnaies tels le bitcoin. 
  • les token non fongibles (ou NFT) représentant une unité unique d’actif numérique ne pouvant être similaire à aucune autre, ni reproduite. Dès lors, détenir ce type de token non fongible constitue, sur une blockchain, le titre de propriété d’un actif identifié ou d’une partie de cet actif. Ce token permet également de certifier l’originalité et l’unicité de cet actif. 

Légalement, les jetons numériques sont définis à l’article L 552-2 du Code Monétaire et Financier (CMF) comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ». Cette catégorie vise néanmoins les offres de jetons publiques (Initial Coin Offerings) représentant des valeurs mobilières (actions et obligations) par nature échangeables et pas nécessairement les jetons non fongibles. 

En l’absence de nouvelle législation, les NFT entreraient alors dans la catégorie « biens divers » définie à l’article L 551-1 du Code Monétaire et Financier. 

Un amendement du projet de Loi de Finances pour 2021 propose la définition légale suivante pour les NFT : « Un jeton non-fongible est considéré comme tout bien incorporel et non fongible représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. ». Cette définition proche au premier abord de celle des jetons numériques de l’article L552-2 du Code Monétaire et Financier, en diffère totalement par l’ajout de la mention « et non fongible », permettant d’identifier légalement les NFT.

Toute personne peut ainsi créer un NFT sur une blockchain et le vendre ou l’acheter librement. Le paiement se fait en général par crypto-monnaies (Bitcoin, Ether…). Mais les NFT sont aujourd’hui principalement créés et échangés sur la blockchain Ethereum et concernent essentiellement le domaine de l’art. 

Les NFT sont librement visualisables et même téléchargeables sur un ordinateur et copiables en tant qu’images mais : 

  • ils conservent dans tous les cas leur originalité : le NFT original reste unique et ne peut être répliqué en tant que tel. 
  • ils n’appartiennent qu’à une seule personne à la fois, identifiée par la possession du NFT comme propriétaire personnel et exclusif. Cette personne peut bien sûr le revendre par la suite. 

Le détenteur de NFT possède un mot de passe unique et une clé privée lui permettant d’accéder au portefeuille virtuel de la blockchain où sont stockés ses NFT. 

Les NFT investissent également le secteur des jeux vidéospermettant d’être propriétaire totalement, ou pour partie, d’un objet ou de personnages de ces jeux. Mais ils entrent également dans de nombreux autres domaines tels le sport ou le luxe. 

Certains NFT se sont échangés à des prix astronomiques. L’œuvre « Everydays : The First 5000 Days » de l’artiste américain Beeple serait le NFT le plus cher à ce jour, vendu par Christie’s plus de 69 millions de dollars. 

Les ventes de NFT s’élèveraient à 2 milliards de dollars au premier semestre 2021. 

les différentes formes de nft

Les NFT en tant que titre de propriété sur une blockchain peut porter naturellement sur des actifs virtuels mais également sur des actifs physiques. 

 Les NFT : outil de « titrisation » d’actifs réels

Il est possible de créer et échanger sur une blockchain des NFT représentant une part de propriété d’un actif réel. 

Cette opération permet de devenir propriétaire d’une part plus ou moins importante de cet actif et donc d’y avoir accès plus facilement, pour des montants d’investissement plus faibles.

Comme nous l’avions abordé dans notre article précédent sur les blockchains, les jetons ou tokens permettent de diviser la propriété d’un actif physique et peuvent en cela bouleverser de nombreux marchés, tel celui de l’immobilier.  

Il sera peut-être un jour plus intéressant et plus facile d’être propriétaire d’une part d’un ensemble immobilier, par la détention de token via une blockchain, que par la souscription de parts de fonds immobiliers, tels les SCPI par exemple.

Les NFT permettent alors de diviser la propriété d’un actif réel par l’émission de titres de propriété sur des unités de cet actif. Il s’agit alors d’un processus similaire à celui de la titrisation.

Lorsqu’ils portent sur des actifs réels, les NFT permettent de faciliter l’accès aux investisseurs et de rendre ces actifs plus liquides.

En juillet dernier, une banque suisse a ainsi mis à la vente un tableau réel de Picasso intitulé « La femme au béret » sous forme de tokens sur une blockchain. Le prix de vente total du tableau a été estimé à 4 millions de francs suisses, mais tout investisseur peut en acquérir des parts, sous forme de token, pour un prix minimum de 5.000 francs suisses.   

Les NFT support de détention d’actifs virtuels

A l’heure actuelle, la ferveur des investisseurs porte avant tout sur des actifs virtuels, souvent des œuvres d’art virtuelles, dites crypto-arts ou des images. 

Leur fonction est alors différente. Les NFT permettent ici de rendre l’actif virtuel unique et détenu par un seul propriétaire grâce à une blockchain. Le NFT donne ainsi son caractère d’œuvre , ou d’objet, unique à cet actif numérique. 

Toute personne peut ainsi créer une image ou œuvre visuelle virtuelle et l’identifier comme tel par un NFT sur une plateforme de blockchain. Elle peut ensuite être vendue et c’est alors qu’il est possible, ou pas, d’en dégager une éventuelle plus-value. 

le nft: un nouveau type d’investissement patrimonial ? 

Au-delà de l’engouement actuel qu’ils suscitent, il est important avant toute décision ou conseil patrimonial d’analyser et de comprendre la natureles caractéristiques, la formation de valeur mais aussi la volatilité et les risques de ces investissements en NFT. 

a quel type d’actif patrimonial rattacher les nft ?

Dans un premier temps, il est nécessaire d’analyser les NFT au regard des critères habituellement utilisés pour définir la nature de tout actif d’investissement  : 

  • s’agit-il tout d’abord d’un actif réel, d’un actif dématérialisé ou d’un actif numérique  ? 
  • s’agit-il ensuite d’un actif produisant par lui-même un revenu économique ou tirant sa valeur uniquement d’un marché  ? 
  • quel est son degré de liquidité : s’agit-il d’un actif liquide ou peu liquide  ? 

Attention à ne pas confondre facilité et rapidité de transaction sur une blockchain avec la notion de liquidité  : 

La liquidité est assurée en premier lieu par l’existence d’un nombre suffisant d’acquéreurs et de vendeurs susceptibles de se mettre d’accord sur un prix de transaction. Le système de transaction lui-même traitant l’opération une fois les acteurs d’accord n’est qu’un second critère de liquidité. Il réduit la durée de la réalisation de la transaction une fois celle-ci décidée.

A ce jour, certains NFT représentatifs d’œuvre virtuelles se sont vendus rapidement et très chers mais d’autres peuvent aussi rester dans le portefeuille de leur détenteur sans trouver preneur. Même si le nombre d’intervenants est beaucoup plus important du fait de leur prix unitaire, de la rapidité de la création d’œuvre et de leur variété, le marché des crypto-arts présent des caractéristiques similaires à celles du marché de l’art. 

La liquidité d’une œuvre dépend de l’intérêt qu’elle suscite et également d’un environnement propice à cela, d’une tendance. Si l’œuvre n’est pas recherchée, il n’y a pas d’acquéreurs ni de liquidité.

Sur la base de ces critères, il est possible de comparer et situer les NFT parmi les actifs d’investissement jusqu’ici pratiqués.       

Actif économique

Actif produisant une valeur économique par eux-mêmes

Actif de marché

Actif ne produisant pas de valeur par eux-mêmes mais par l’évolution de leur marché

Degré de liquidité
Actifs RéelsImmobilier
Forêt
Terres agricoles
Or, métaux précieux
Œuvres d’art (tableaux, sculptures...)
Objets de collection (véhicules...).
De moyennement (immobilier) à peu liquide (Forêts, terrains...) selon la profondeur du marché et son éventuel déséquilibre offre/demande
Actifs dématérialisés représentant un titre de propriété ou de créanceAction d’entreprise
Obligation d’entreprise
Obligation d’État
TCN (Titres de créances négociables)

SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobiliers)

Titrisation de dettes ou de crédits (ABS (Asset Backed Securities), MBS (Mortgage Backed Securities), CDO (Collateralised Bond Obligation)...) par des sociétés spécialisées (SPV : Special Purpose Vehicule)
ETF sur l’or, les métaux précieux ...De très liquide (actions cotées, TCN...) du fait de l’organisation dématérialisée, informatisée et réglementée des marchés
à moyennement ou peu liquides (SCPI) selon la profondeur et l’équilibre de marché.
Actif numérique ou crypto-actif correspondant à une unité fongible ou non fongible d’un actif virtuel ou réelNon Fongible Token (NFT) sur l’immobilier par exemple, quasiment inexistant à ce jourNon Fongible Token (NFT) sur œuvre d’art physique ou virtuelle

Token fongibles : crypto-monnaires tels le bitcoin
Liquidité très variable dépendant de la profondeur et de l’équilibre de marché

La question est de savoir si avec le développement des blockchains, les actifs jusqu’ici dématérialisés ne vont pas basculer dans le monde numérique : les transactions boursières pourraient se gérer par une blockchain et les actions être représentées par des tokens. 

De même les actifs réels pourraient ne s’échanger que via une blockchain sous forme de token. 

On assisterait alors à un glissement vers les actifs numériques.

Dans tous les cas, l’investisseur qui s’intéresse au NFT et au crypto-actif devra toujours mener son analyse à trois niveaux  :  

  • quel type d’actif est représenté par la jeton ou token : un actif réel ? un actif virtuel  ?  
  • quel est ce type d’actif représenté par le token : un actif ayant un rendement  économique ou un pur actif de marché ? 
  • quel est la liquidité de cet actif et la profondeur de son marché ? 

Un token non fongible représentant un titre de propriété d’un actif immobilier par exemple, même s’il est quasiment inexistant à ce jour, ne constitue pas du tout le même type d’investissement qu’un NFT sur un crypto-art, tel qu’il est répandu aujourd’hui. 

Une fois la nature et les caractéristiques du NFT identifiées, comment définir sa valeur et l’évolution de cette valeur ?  

 qu’est-ce qui fait la valeur d’un nft ?

La valeur d’un NFT dépend de plusieurs facteurs. 

La valeur de l’actif sous-jacent 

Un NFT représentant un titre d’identification et de propriété exclusive d’un actif, sa valeur dépend nécessairement de cet actif lui-même. 

On comprend aisément qu’un NFT représentatif d’un titre de propriété sur une œuvre artistique célèbre telle une peinture de Picasso puisse être valorisée sur la base du prix de ce tableau au jour de l’émission des tokens. Logiquement, la valeur du token doit ensuite suivre celle de l’œuvre physique elle-même. 

Dans ce cas, ce type de NFT est directement corrélé à l’évolution de valeur de l’actif réel qu’il représente et dans cet exemple, au marché de l’art. 

Mais qu’en est-il lorsque l’actif sous-jacent est virtuel, ce qui est le cas du plus grand nombre de NFT représentatifs de crypto-arts en circulation sur les blockchains aujourd’hui  ? 

Là encore, la valeur du token est bien sûr directement liée à celle de cet actif virtuel mais celle-ci est beaucoup plus difficile à déterminer: pas de cote officielle, pas de marché préexistant.  

Certains actifs virtuels représentent des images ou des marques connues, tels les NFT « Hello Kitty » par exemple, dits CryptoKitties, lancés en 2017. Certains de ces NFT sont accessibles pour quelques dollars, d’autres ont pu être vendus à plusieurs centaines de milliers de dollars comme le Nyan Cat acquis pour près de 500.000 $. 

Certaines images de sportifs ou des clips vidéo de match sportif font également l’objet d’une « tokenisation » et leur NFT peut atteindre plus de 100.000 $, telle la vidéo d’un match de LeBron James. Les NFT de replays de match de la NBA auraient représenté l’année dernière un marché de 205 millions d’euros. 

Certains acteurs vendent également leur image sous forme de NFT.   

La valeur du NFT est ici fonction de la « célébrité » de son sous-jacent. 

Mais force est de constater que des actifs purement virtuels, jusqu’ici inexistants et rattachés à aucune célébrité ou marque connue, sont créés spécifiquement et uniquement sous forme de NFT et prennent de la valeur. 

Les NFT sont alors eux-mêmes sources de création de nouveaux actifs virtuels, particulièrement dans le domaine de l’art. 

L’œuvre de l’artiste américain Beeple a ainsi été créée spécifiquement sous forme numérique et de NFT et a été vendue par Christie’s 58 millions d’euros en mars dernier. Les NFT sur cette œuvre avait été initialement mis aux enchères à 100 $ …

Mais là encore, la valeur était indirectement liée à l’actif sous-jacent : même si l’œuvre n’existait pas auparavant, et a été créée spécialement en NFT, l’artiste est célèbre et a déjà une cote importante aux Etats-Unis. 

Tous les NFT sur crypto-art ne connaissent pas la même évolution mais certains engouements peuvent apparaître, y compris sur des actifs ou artistes moins connus, la « commercialisation » sous forme de NFT créant à la fois un effet « rareté » et « collection » et un marché plus accessible. 

NFT : un effet « rareté » combiné à un effet « diffusion » 

Comme nous l’avons vu, si l’image du crypto-art peut être diffusée, le NFT sur cet actif virtuel est quant à lui unique. Il permet d’identifier l’originalité de l’œuvre et son propriétaire exclusif.  

En acquérant le NFT, on devient le seul et unique propriétaire de l’actif, ou d’une part de cet actif.  

En cela, le NFT lui-même peut être recherchéIl combine l’effet « rareté »et « exclusivité de détention » à une diffusion libre et des plus étendues, puisqu’il suffit d’un écran et d’une connexion internet pour la visualiser. Comme s’il était possible d’acheter facilement une œuvre d’art, de la montrer au plus grand nombre, de la faire circuler, tout en en restant le seul propriétaire.  

Pour les artistes, les NFT et les blockchains deviennent un formidable outil pour commercialiser leur œuvre, en assurant son originalité et son exclusivité de détention, tout en se faisant largement connaître et sans faire appel aux structures de diffusion habituelle de l’art (galeries…), système souvent lourd et difficile à pénétrer. 

Parallèlementartistes et acquéreurs se retrouvent seuls sur ce marché qui va dépendre de la plateforme utilisée et du nombre de ses acteurs, mais aussi de l’animation qui sera faite autour de l’artiste et de l’œuvre. Les réseaux sociaux jouent ici un rôle central. 

NFT : un effet « collection »

Certains crypto-arts déclinent des images dans l’idée de créer une collection.  

La valeur des NFT sur ce type d’actif virtuel est alors directement liée au marché des collectionneurs et à l’intérêt suscité par le type de collection.  

Dans cette catégorie, les NFT suscitant le plus d’intérêt dernièrement sont des images ou clips vidéo de grands sportifs tels de célèbres footballeurs. On retrouve l’idée des collections des anciennes cartes « Panini » mais des NFT et une blockchain peut rendre ces marchés beaucoup plus larges et susciter dans certains cas une ferveur propre à valoriser ces actifs.    

NFT : effet « démocratisation et accessibilité »

Les NFT constituent une véritable nouveauté technologique permettant de vendre des parts ou unités d’actifs de forte valeur, jusqu’ici accessibles à des prix très élevés, tel ce tableau de Picasso. 

Cette « titrisation » ou « tokenisation » crée par elle-même une valeur supplémentaire à celle de l’actif sous-jacent, du fait de la liquidité générée sur cet actif et de l’arrivée sur le marché de nouveaux investisseurs qui jusqu’ici ne pouvaient pas y accéder. 

C’est un peu le même phénomène de la vente par lots d’un bien immobilier, créant plus de valeur que la vente unique de l’ensemble de l’immeuble.  

La profondeur possible du marché et son accessibilité permettent aussi à des actifs virtuels, jusqu’alors inconnus, ou créés spécialement en NFT, de prendre de la valeur par le simple effet de l’offre unique sur cet objet et d’une demande qui peut être abondante car accessible 

Mais il ne faut pas confondre technique de marché et marché lui-même. Les NFT et une blockchain offrent l’environnement propice à cette prise de valeur par l’accessibilité créée, encore faut-il bien entendu qu’un certain engouement naisse sur les réseaux sociaux et les plateformes d’échange pour le NFT en question. 

NFT, virtualisation et métaverse 

Les NFT en tant que titre d’identification et de propriété d’objet virtuel entre nécessairement dans le développement des processus de virtualisation du réel. 

 Beaucoup d’acteurs économiques s’intéressent aujourd’hui à la virtualisation de leurs structures, expériences, magasins, jusqu’aux produits eux-mêmes. Une marque de luxe a ainsi vendu plus cher un sac virtuel sous forme de NFT qu’un sac à main réel. Cet objet virtuel était recherché pour habiller un avatar … 

Cette tendance naissante mais touchant tous les secteurs est portée plus largement par des sociétés développant le concept de métaverse, dont on parle beaucoup dernièrement. Marc Zuckerberg, fondateur de Facebook, est l’un des premiers investisseurs dans ce mouvement, faisant du métaverse le nouvel axe stratégique de sa société au point de rebaptiser son groupe « Meta ».   

Le métaverse vise à créer un monde numérique en 3D reliant le monde virtuel et le monde réel. Il ne s’agira pas d’entrer dans un jeu vidéo avec un casque de visualisation 3D mais de « vivre » véritablement des expériences dans ce monde, par l’intermédiaire d’un avatar, en y trouvant des services et des produits. Le métaverse développe alors sa propre économie. Dans le métaverse, il deviendra peut-être intéressant d’acheter un NFT de vêtement de marque pour habiller son avatar pour une réunion ou soirée virtuelle … 

Dans ce monde virtualisé, les NFT occuperaient alors une place centrale puisqu’ils permettent de prouver l’originalité et la détention d’objet virtuel. 

Fiscalité des NFT   

Avant la Loi de Finances pour 2019, les plus-values sur actifs numériques réalisées par les particuliers étaient considérées comme des Bénéfices Non Commerciaux (BNC) si elles étaient réalisées à titre occasionnel. 

S’il s’agissait d’une activité habituelle, l’imposition relevait alors des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). 

Depuis la Loi de Finances pour 2019, les plus-values réalisées sur des actifs numériques, à titre non professionnel, par les particuliers domiciliés en France relèvent du régime des plus-values sur biens meubles et sont imposables au PFU (taux global de 30 %) ou au barème de l’IR (plus CSG, CRDS et prélèvements sociaux). S’il est considéré du fait du nombre et de la fréquence des opérations qu’il s’agit fiscalement d’une activité professionnelle, la plus-value relève alors des BIC. 

Cette législation concerne néanmoins les jetons fongibles telles les crypto-monnaies et les ICO (Initial Coin Offerings).  Mais la nature non fongible des NFT est toute autre. Il paraît donc nécessaire de les définir légalement et fiscalement. 

En avril dernier, un sénateur a ainsi interpellé le gouvernement en ce sens. 

A ce jour, un amendement du projet de Loi de Finances pour 2021 propose une imposition des plus-values des NFT selon la nature de l’actif sous-jacent mais n’a pas encore été adopté.

les risques d’investissement en nft

Les risques d’investissement en NFT sont d’abord ceux de l’actif sous-jacent. Les NFT sont aujourd’hui basés principalement sur des œuvres ou objets d’art, images ou vidéos. Il s’agit donc d’actifs ne produisant pas de valeur par eux-mêmes, comme nous l’avons vu, mais dépendant de l’offre et de la demande du marché.

Le risque est alors principalement celui de l’évolution du marché et de sa volatilité.

Lorsqu’on souligne le fort engouement actuel pour les NFT en crypto-art, il serait faux de croire que tout ce marché évolue fortement à la hausse. Un grand nombre de ces actifs numériques n’ont pas pris beaucoup de valeur après leur création ou en ont perdu.

Ce marché connaît certes un fort intérêt actuel en raison de sa nouveauté, son accessibilité et son côté ludique également. Mais de fortes pertes ne sont pas exclues. Elles pourraient surprendre certains investisseurs et leur faire perdre leur ferveur. Par ailleurs, il s’agit d’un marché nouveau, peu mature et sur lequel les investisseurs ont peu d’expérience et de recul.

Même si la loi Pacte de 2019 instaure un cadre de règlementation des crypto-monnaies et que des visas AMF sont nécessaires pour les prestataires de service sur actif numérique (PSAN), ce marché est encore loin d’être un marché réglementé et peut être l’objet de manipulation de cours telles les techniques de «  wash trading » consistant à créer un NFT sur un crypto-art et de l’acheter par ailleurs via un autre compte pour créer la demande et en accroître faussement la valeur.

Certaines œuvres d’art virtuel peuvent également faire l’objet de la création d’un NFT par une personne autre que son auteur initial. Le NFT prouve la propriété de l’actif virtuel de la première personne qui crée le NFT sur cet actif. L’artiste à l’origine de l’œuvre devra alors agir juridiquement contre la personne ayant créé un NFT sur son œuvre.

Malgré la preuve de détention du fichier original constituée par les NFT, les crypto-art peuvent être plagiés, telle la copie d’une œuvre d’art et la circulation de faux. Les règles juridiques de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur ne sont pas encore adaptées à ce type d’actifs.

La règlementation des crypto-actifs en termes de conformité, notamment dans un objectif LCB-FT (Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme) vient d’être renforcée par l’ordonnance du 9 décembre 2020. La règlementation croissante sécurise ce marché mais peut avoir dans un premier temps un effet déstabilisant.

La technologie même de ces actifs numériques, malgré la sécurité que peut présenter une blockchain contre la cybercriminalité du fait de sa décentralisation, comporte un risque d’immatérialité. Que deviennent ces actifs si la plateforme sur laquelle ils sont stockés ne fonctionnait plus, disparaissait, ou faisait l’objet d’une cyber-attaque comme cela est déjà arrivé pour le bitcoin. A ce risque, s’ajoute celui d’une attaque sur l’ordinateur personnel d’un détenteur d’un portefeuille numérique.

Enfin, le marché des NFT peut être victime d’une survalorisation sous-tendue par l’excès de liquidité en circulation, comme pour beaucoup d’actifs aujourd’hui.

Lors du dégonflement inéluctable de ces « bulles » de valorisation, les NFT peuvent être également touchés.  A quel degré, plus ou moins fortement comparativement aux autres marchés ? Il est difficile d’y répondre mais l’évolution de la virtualisation sera un facteur important. Si le métaverse connaît un fort développement et devient massivement utilisé, les NFT pourraient être fondamentalement recherchés. Encore faut-il savoir lesquels et ne pas se tromper dans les choix d’investissement. Si ce monde est long à arriver ou n’a pas le succès escompté, il y aura nettement moins de soutien à la valeur des NFT.

 

 

Les NFT tels qu’ils sont proposés aujourd’hui représentant des œuvres d’art physiques ou virtuelles sont donc des actifs spéculatifs. Ils sont soumis à la forte volatilité du marché de l’art, mais également au risque de la virtualisation, ainsi que de l’usage et du devenir encore incertain de ces objets virtuels.

Ils sont donc loin à ce jour de constituer un véritable support d’investissement patrimonial pouvant former une base significative d’allocation. Il s’agit plutôt d’actif de diversification et de spéculation dont la part doit rester mesurée dans un patrimoine personnel.

Demain, l’évolution possible de la technologie NFT sur d’autres types d’actifs, tel l’immobilier par exemple, pourrait faire prendre plus d’ampleur à ces supports dans la gestion de patrimoine.

Auteur
Anne Brouard
Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7 

Sources :

(suite…)

PLF 2022 : nouvelles mesures pour la transmission d’entreprise

PLF 2022 : nouvelles mesures pour la transmission d’entreprise

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Des dispositions du projet de loi de finances 2022 visent à faciliter la transmission d’entreprise. Le processus de vote du texte définitif commence ce 11 octobre.

 

Présenté le 22 septembre dernier en Conseil des Ministres, le projet de loi de Finances 2022 comporte, dans son article 5, plusieurs mesures importantes en faveur de la transmission d’entreprise.

Les régimes d’exonération ou d’abattement pour départ à la retraite, ainsi que les exonérations selon la valeur des actifs cédés sont assouplis.

Ces mesures concernent la transmission de l’entreprise individuelle, les sociétés de personnes à l’IR mais également les sociétés à l’IS.

Par ailleurs, l’article 6 du projet de loi de finances autoriserait dans certaines conditions l’amortissement du fonds de commerce, favorisant ainsi la reprise d’entreprise.

Le projet de loi de finances est soumis au vote des députés à partir du 11 octobre.

exonération pour départ à la retraite : assouplissement temporaire

Afin de bénéficier du régime d’exonération pour départ à la retraite, les cédants d’entreprises auraient 3 ans au lieu de 2 ans pour vendre mais sous certaines conditions.

L’abattement pour départ à la retraite dont peuvent bénéficier les actionnaires-dirigeants de sociétés à l’IS serait reconduit pour une année supplémentaire, jusqu’à fin 2024.

Dans le cadre de la location-gérance, ces régimes d’exonération seraient applicables y compris en cas de cession à un tiers, autre que le locataire-gérant.

exonération pour départ à la retraite des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés à l’ir : délai rallongé temporairement et sous conditions

Pour rappel, le chef d’entreprise individuelle ou l’associé dirigeant d’une société de personnes à l’IR (relevant de l’article 8 et 8 ter du CGI) peuvent bénéficier d’un régime d’exonération sur la plus-value de cession de leur entreprise ou de leurs parts sociales sous certaines conditions (article 151 septies A du CGI).

La plus-value de cession est exonérée si :

  • Le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise ou dans la société
  • Le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession

D’autres conditions sont également nécessaires en termes de taille d’entreprise ou de société, de durée d’exercice de l’activité (minimum de 5 ans), d’absence de contrôle de la société de l’acquéreur, comme nous l’avons détaillé dans un précédent article.

L’ordre des événements (cession et départ à la retraite) est indifférent mais le délai entre les deux doit être au maximum de 24 mois (BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30).

L’article 5 du Projet de Loi de Finances pour 2022 (PLF 2022) prévoit l’allongement de ce délai de 24 à 36 mois mais à condition :

  • que le cédant ait fait valoir ses droits à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021. L’objectif est ici d’assouplir le délai provisoirement, pour tenir compte des contraintes que les entrepreneurs ont pu rencontrer du fait des restrictions sanitaires (fermetures administratives…).
  • que le départ à la retraite ait lieu avant la cession.

Il ne s’agit donc pas, tel que le présente le texte, d’une mesure générale et durable d’assouplissement de ce dispositif.

abattement pour départ à la retraite des actionnaires-dirigeants de sociétés à l’is : dispositif prolongé et rallongement de délai

L’actionnaire de société à l’IS partant à la retraite peut bénéficier d’un abattement de 500.000 € sur la plus-value de cession de ses titres, qu’il opte pour le PFU (prélèvement forfaitaire unique) ou pour l’intégration au barème de l’IR (article 150-0 D ter du CGI).

Entre autres conditions, il doit pour cela cesser toute fonction dans la société dont il vend les titres et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans précédant ou suivant la cession.

Rappel des autres conditions à satisfaire

Concernant le cédant :

  • le cédant doit vendre l’intégralité des actions ou parts qu’il détient dans la société ou plus de 50 % des droits de vote.
  • Il doit avoir exercé au sein de la société dont les titres sont cédés, et pendant au moins les 5 années précédant la cession, une fonction de gérant (pour les SARL ou SCA), associé en nom (pour les sociétés de personnes), président, directeur général, président du directoire ou membre du conseil de surveillance (pour les sociétés par actions). Ces fonctions doivent être réelles et donner lieu à une rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus professionnels du cédant.
  • Il doit avoir détenu pendant les 5 années précédant la cession au moins 25 % des droits de vote et droits financiers de la société dont il vend les titres. Pour l’appréciation de ce seuil, il est tenu compte de la participation détenue par le conjoint, le partenaire de Pacs, leurs ascendants ou descendants ainsi que leurs frères et sœurs.
  • Il doit avoir détenu les titres cédés depuis au moins un an avant la cession.
  • Il ne doit pas détenir directement ou indirectement de participation au capital de l’entreprise acquéreur.

Concernant la société :

  • Elle doit exercer, depuis au moins 5 ans avant la vente et de manière continue, une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale, agricole, financière ou avoir pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés relevant de ces activités. L’activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier et donc les sociétés purement patrimoniales sont exclues de ce dispositif.
  • Elle doit être soumise à l’IS.

 

Ce régime d’abattement doit prendre fin le 31/12/2022 (article 28 de la Loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017).

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit :

  • la prorogation de ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2024.
  • la prolongation du délai de 2 ans à 3 ans pour vendre après le départ à la retraite, dans les mêmes conditions que pour les entreprises individuelles et les sociétés à l’IR : seuls les cédants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021 peuvent bénéficier de cette prolongation de délai.

exonération pour départ à la retraite et location-gérance : possibilité de cession à un tiers

Le cédant d’une entreprise individuelle ou d’une société à l’IR partant à la retraite peut aussi bénéficier du régime d’exonération lorsqu’il a mis son activité en location-gérance (article 151 septies A IV du CGI).

Pour cela, deux conditions supplémentaires sont à respecter :

  • l’activité doit être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location-gérance.
  • la cession doit être réalisée en faveur du locataire-gérant.

L’article 5 du PLF 2022 donnerait la possibilité de bénéficier de l’exonération en cas de cession à une personne autre que le locataire-gérant mais à condition que la cession porte sur l’intégralité des éléments permettant l’exploitation de l’activité mise en location-gérance.

Cette mesure telle qu’elle est présentée n’est pas limitée dans le temps. Elle favoriserait la transmission d’entreprise dans le cadre de la location-gérance. L’entrepreneur ayant mis son activité en location pourrait en effet vendre à un tiers si le locataire-gérant ne peut ou ne souhaite acheter.

exonération de la plus-value professionnelle fonction de la valeur de l’entreprise : relèvement des seuils

Les entreprises individuelles, sociétés à l’IR et sociétés à l’IS sous certaines conditions, peuvent bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés.

Ces seuils pourraient être relevés selon l’article 5 du PLF 2022.

exonération de la plus-value professionnelle des entreprises individuelles et sociétés à l’ir : seuils relevés et nouvelles modalités de détermination des valeurs

La plus-value de cession d’actifs professionnels des entrepreneurs individuels et des associés de sociétés de personnes à l’IR peut être exonérée totalement ou partiellement selon la valeur des actifs cédés (article 238 quindecies du CGI).

Ce régime d’exonération est bien entendu soumis au respect de certaines conditions que nous avons détaillées dans notre précédent article « Quelle optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise ? » (notamment l’exercice de l’activité depuis plus de 5 ans, la cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité et l’absence de direction ou de détention de la majorité du capital de la société acquéreur).

Si les conditions sont satisfaites, la plus-value de cession est exonérée d’IR :

  • totalement si la valeur des éléments cédés (hors immobilier ) est inférieure à 300 000 €.
  • partiellement si cette valeur est comprise entre 300.000 € et 500.000 €

L’article 5 du PLF 2022 propose de porter ces seuils à 500.000 € (au lieu de 300.000 €) et 1.000.000 € (au lieu de 500.000 €).

Le PLF 2022 propose également une nouvelle définition des valeurs prises en compte pour cette exonération.

L’article 238 quindecies indique en effet que la valeur des actifs prise en compte pour l’appréciation des seuils est celle servant d’assiette aux droits d’enregistrement.

L’article 5 du PLF 2022 propose de retenir « le prix stipulé des éléments transmis ou leur valeur vénale auxquels sont ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit ».

L’appréciation de la valeur retenue est donc plus large mais aussi davantage sujette à interprétation. Il peut s’agir du prix convenu entre les parties mais également de la valeur de marché.

exonération des plus-values professionnelles et société à l’is : relèvement des seuils et nouvelle condition des aides « de minimis »

L’exonération en fonction de la valeur des actifs cédés concerne les entreprises individuelles, les sociétés de personnes à l’IR (articles 8 et 8 ter du CGI) mais aussi les sociétés à l’IS sous conditions de taille.

Pour bénéficier de ce régime, la société à l’IS doit :

  • employer moins de 250 salariés
  • réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions € ou présenter un total de bilan inférieur à 43 millions €.
  • ne pas être détenue à 25 % ou plus par une société ne répondant pas à ces critères (sauf certaines sociétés ou fonds d’investissement à risques).

L’article 5 du PLF 2022 prévoit de soumettre également le bénéfice de ce régime pour les sociétés à l’IS au plafond d’aides d’État dit « de minimis » tel que défini par les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Plafond d’aide d’État dit « De minimis » 

Certaines aides publiques en faveur des entreprises sont plafonnées par la législation européenne. Ce plafond est de 200.000 € par entreprise sur une période de 3 exercices fiscaux.

exonération des plus-values professionnelles et location-gérance : possibilité de cession à un tiers

L’exonération de la plus-value de cession en fonction de la valeur des actifs cédés est également applicable lors de la cession d’activité mise en location-gérance si la cession est en faveur du locataire (article 238 quindecies VII CGI).

L’activité doit également être exercée depuis au moins 5 ans à la date de mise en location.

Selon l’article 5 du PLF 2022, l’exonération partielle ou totale serait élargie aux cessions à un tiers autre que le locataire-gérant, à condition que l’ensemble des actifs nécessaires à l’activité et ayant fait l’objet du contrat de location-gérance soit transmis.

Dans ce cas également, la valeur des actifs cédés serait définie comme le prix convenu entre les parties ou la valeur vénale.

 

Cession et Départ à la retraite : Exonération ou Abattement

Cession selon la valeur des actifs : Exonération totale ou partielle

Statut
Entreprise individuelle et société à l’IRSociété à l’ISEntreprise individuelle
Société à l’IR
Société à l’IS sous certaines conditions
Régime
Article 151 septies AArticle 150-0D TerArticle 238 quindecies
Exonération ou abattement

Exonération totale à l’IRAbattement de 500.000 € sur la plus-value de cession imposable à l’IR (PFU ou barème)Exonération d’IR et de prélèvements sociaux :
Totale si la valeur des actifs cédés < 300.000 €
Partielle si cette valeur > 300.000 € et < 500.000 €.
Conditions
Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession.

Activité exercée depuis au moins 5 ans.


Conditions de taille d’entreprise.




Absence de contrôle de l’acquéreur.
Cesser de toute fonction dans l’entreprise et départ à la retraite dans les 2 ans précédent ou suivant la cession.

Vente de toutes les actions ou au moins de 50 % des droits de vote.

Exercice d’une fonction de direction pendant les 5 années précédant la cession.

Détention d’au moins 25 % des droits de vote de manière continue pendant les 5 ans précédant la cession, seul ou avec groupe familial.
Détention depuis au moins 1 an des actions cédées.

Conditions de tailles de la société.
Activité économique exercée de manière continue depuis au moins 5 ans.

Absence de contrôle de l’acquéreur.

Fin de ce régime : 31/12/2022

Cession de l’entreprise ou d’une branche complète d’activité.

Activité exercée depuis au moins 5 ans.

Absence de contrôle de l’acquéreur.
Modification du PLF 2022 (Article 5)
Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans.Si départ à la retraite entre le 01/01/2019 et 31/12/2021 : délai pour vendre après le départ à la retraite allongé à 3 ans.

Prolongation de ce régime jusqu’au 31/12/2024.
Relèvement des seuils :
Exonération totale si valeur < 500.000 €
Exonération partielle si valeur > 500.000 € et < 1.000.000 €.

Nouvelle définition des valeurs prises en compte : prix convenu entre les parties ou valeur vénale.

Pour société à l’IS : respect du plafond des aides d’État « de minimis ».

possibilité temporaire d’amortissement fiscal du fonds de commerce

Le PLF 2022 comporte également une disposition favorable à la reprise d’entreprise et donc à sa transmission.

Il prévoit, sous conditions, la possibilité d’amortir fiscalement le fonds de commerce.

A ce jour, cet amortissement est réalisable d’un point de vue comptable pour certaines entreprises (petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce et PCG (Plan Comptable Général), article 214-3 al. 5) mais ne peut être pris en compte fiscalement (Avis du Conseil d’État du 8 septembre 2021).

D’un point de vue fiscal, seules les provisions pratiquées sur le fonds de commerce sont déductibles du résultat (article 38 sexies Annexe III CGI).

L’article 6 du PLF 2022 prévoit la possibilité d’amortir fiscalement les fonds commerciaux acquis entre le 01/01/2022 et le 31/12/2023.

L’objectif est de réduire le coût fiscal pour l’acquéreur et de facilité la reprise du fonds de commerce.

Cette mesure semble concerner toutes les entreprises et pas uniquement les petites entreprises au sens de l’article L 123-16 du Code de commerce.

 

 

 

 

Le Projet de Loi de Finances pour 2022 comporte ainsi plusieurs mesures en faveur de la transmission d’entreprise et de société.

Le texte n’étant pas encore voté, il est trop tôt pour en apprécier son impact. Tel que le PLF le présente, les principales mesures d’assouplissement restent provisoires. Les amendements et le vote définitif peuvent par ailleurs modifier ces dispositions.

Dans tous les cas, le professionnel de la gestion de patrimoine doit en rester informé pour conseiller au mieux son client entrepreneur.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Sources :

(suite…)

Fondation et fonds de dotation : 4 cas d’applications patrimoniales

Fondation et fonds de dotation : 4 cas d’applications patrimoniales

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Quatre stratégies patrimoniales dans lesquelles les fondations et les fonds de dotation constituent des outils d’optimisation pertinents.

 

Les fondations et les fonds de dotation permettent de consacrer une partie de son patrimoine à un objectif d’intérêt général et bénéficient, sous conditions, de régimes fiscaux avantageux.

Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, il ne serait question d’utiliser ces structures pour leurs seuls avantages fiscaux ou pour contourner les règles civiles de la transmission successorale. L’utilisation des fondations et fonds de dotation, le respect de leur objet et de leurs règles de fonctionnement font l’objet de contrôles croissants et peuvent être requalifiés fiscalement ou civilement.

Pour autant, les fondations et fonds de dotation peuvent constituer des outils d’optimisation patrimoniale judicieux, à une seule condition : respecter de véritables intention et action philanthropiques.

Nous présenterons ici 4 stratégies patrimoniales dans lesquelles ces outils sont particulièrement pertinents.

optimiser la transmission successorale en réalisant en famille une œuvre d’intérêt général

Lorsqu’une famille a une motivation commune pour une action d’intérêt générale, qu’il est nécessaire d’y consacrer des actifs patrimoniaux, les fondations et les fonds de dotation sont des outils d’optimisation patrimoniale efficients.

Ces structures permettent d’optimiser la transmission successorale sur les actifs concernés.

Prenons le cas de parents et leurs enfants mobilisés autour d’un objectif d’intérêt général. Les parents créent une fondation ou fonds de dotation à cet effet en y affectant une partie de leur patrimoine.

Cette fondation ou fonds de dotation a vocation à leur survivre et les enfants souhaitent la poursuivre également.

L’action philanthropique menée nécessitera des fonds supplémentaires dans le temps.

Les parents ont alors intérêt à anticiper cette situation et à réaliser de leur vivant des donations ou legs d’actifs patrimoniaux à la fondation ou au fonds de dotation.

Ces donations, ou legs, seront exonérés de droit de mutation à titre gratuit sous certaines conditions, comme nous l’avons vu dans notre précédent article.

L’anticipation des besoins financiers de la fondation ou fonds de dotation dans le temps aura ainsi permis d’optimiser la fiscalité de la transmission familiale.

En effet, en l’absence de donation ou legs complémentaires à la fondation ou fonds de dotation par les parents, les enfants auront à réaliser cette opération eux-mêmes après le décès de leurs parents. Au passage, ils auront payé les droits de succession sur les actifs patrimoniaux reçus en héritage de leurs parents et qu’ils vont ensuite affecter à l’action philanthropique qu’ils souhaitent poursuivre.

L’optimisation de transmission patrimoniale est la même si la motivation d’action philanthropique est davantage celle des enfants que des parents.

Au moment de préparer leur transmission successorale, les parents ont alors intérêt à créer une fondation ou fonds de dotation ayant pour objet l’action d’intérêt général que souhaite poursuivre un ou plusieurs enfants et de réaliser une donation ou legs à cette structure.

Réaliser une donation ou un legs en faveur d’un ou plusieurs enfants et les laisser ensuite créer une structure philanthropique engendrent l’imposition aux droits de mutation à titre gratuit alors que la donation ou legs directement à une fondation ou fonds de dotation sont exonérés de droits.

On pourrait penser également à une structure sociétaire pour mener cette action d’intérêt général en famille. L’objet n’étant pas commercial, on privilégierait la société civile.

Cette société serait nettement moins pertinente : les fonds lui sont affectés par apport et non par dotation (donation ou legs). Les parents reçoivent donc des parts sociales dont la valeur entre dans leur patrimoine imposable aux droits de succession.

La pérennité de l’action menée est beaucoup plus difficile à assurer : il faut prévoir le devenir de la société en cas de décès des parents.

Enfin, lors de sa gestion, la société civile est imposable annuellement à l’IR ou à l’IS selon l’option choisie.

Comparativement, la fondation ou le fonds de dotation bénéficient, sous conditions, du régime fiscal des OSBL (organisme sans but lucratif), leur permettant d’être exonérés d’imposition ou de bénéficier de taux réduits, comme nous l’avons détaillé dans notre précédent article.

Par ailleurs, chaque don à la fondation ou au fonds de dotation permet au membre de la famille qui le réalise de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, sous respect de certaines conditions. Un apport complémentaire en capital à la société n’offre aucun avantage fiscal et est relativement lourd à réaliser (rédaction d’acte d’apport…).

Une association peut également bénéficier du régime fiscal des OSBL ainsi que de la réduction pour don. Néanmoins, elle n’a pas pour objet de détenir et de gérer un patrimoine privé familial. Elle est ouverte à tout membre intéressé par l’action et son objet est d’ailleurs de fédérer le plus grand nombre d’adhérents. Elle ne répondrait donc pas au souhait et au besoin de la famille de mener une action philanthropique familiale et d’y affecter une partie du patrimoine.

objectif philanthropique et optimisation de l’ifi : affecter un patrimoine immobilier à une fondation ou fonds de dotation

Les fondations et les fonds de dotation permettent de réduire l’IFI tout en poursuivant un objectif philanthropique. Ceci de deux manières :

bénéficier d’une réduction d’ifi : uniquement via les fondations

Une personne imposable à l’IFI et qui souhaite poursuivre une action d’intérêt général peut créer une fondation et réaliser annuellement un don en faveur de cette fondation. L’IFI annuel sera réduit voir annulé selon le montant du don et de l’impôt.

Réaliser un don en faveur d’une fondation permet en effet de bénéficier d’une réduction d’IFI de 75 % du montant du don plafonné à 50.000 € par an comme nous l’avons vu dans notre précédent article.

Attention, seuls les dons en faveur d’une fondation permettent cette réduction. Les dons en faveur de fonds de dotation n’y ouvrent pas droit.

réduire la base imposable à l’ifi : donation de bien immobilier en pleine propriété, de droit temporaire d’usufruit ou donation avec réserve d’usufruit à une fondation ou un fonds de dotation

Trois types de donation de biens immobiliers à une fondation ou un fonds de dotation permettent de réduire la base imposable à IFI.

Donation immobilière en pleine propriété à une fondation ou à un fonds de dotation

Lorsqu’un bien est affecté à une fondation ou à un fonds de dotation, il sort du patrimoine du fondateur. Ainsi, s’il s’agit d’un bien immobilier, cet immeuble ne fait plus partie de son patrimoine imposable à l’IFI.

Cette affectation est réalisée par une donation non imposable aux droits de mutation à titre gratuit, sous conditions, comme nous l’avons vu. Elle permet ainsi de réduire l’IFI sans nécessiter d’imposition supplémentaire.

Afin d’éviter toute requalification, il est néanmoins important que ce bien immobilier donné ait une utilité pour la fondation ou le fonds de dotation. L’opération doit avoir avant tout un objectif patrimonial et permettre la poursuite de l’intérêt général de la fondation ou fonds de dotation.

Cette donation doit également être réelle. Le fondateur-donateur ne doit pas se comporter comme propriétaire du bien, continuer à l’occuper ou en percevoir des revenus.

 

Donation temporaire d’usufruit à une fondation ou fonds de dotation

Il est possible de doter une fondation ou un fonds de dotation de droits réels immobiliers.

Dès lors le fondateur peut également réaliser une donation temporaire d’usufruit à la fondation ou fonds de dotation afin de permettre à cette structure de bénéficier de l’usage d’un bien immobilier ou des revenus de ce bien pendant une période déterminée. Il conserve alors la nue-propriété.

Comme nous l’avons vu, la donation en faveur de la fondation ou du fonds de dotation n’est pas imposable, sous conditions, aux droits de mutation à titre gratuit.

Cette donation temporaire d’usufruit permet d’exclure du patrimoine imposable à l’IFI la totalité de la valeur du bien pendant la durée définie. En cas de démembrement de propriété, sauf cas spécifique, l’usufruitier est le seul redevable de l’IFI sur la valeur totale du bien (article 968 du CGI).

Ici encore, afin de ne pas être considéré comme abusive, cette donation d’usufruit temporaire doit avoir un sens pour la fondation ou le fonds de dotation et lui permettre de poursuivre son objectif d’intérêt général.

Le donateur doit également avoir réellement donné cet usufruit temporaire et ne pas, dans les faits, conserver l’usage ou les revenus du bien.

L’administration fiscale a clairement établi les conditions dans lesquelles les donations temporaires d’usufruit à un organisme caritatif ne seraient pas susceptibles d’une procédure de répression pour abus de droit. Le bulletin officiel des impôts du 6 novembre 2003 (ISF) et du 8 juin 2018 (IFI) précise ainsi que cette donation :

  • doit être réalisée par acte notarié.
  • en faveur d’une fondation ou association reconnue d’utilité publique, associations cultuelles ou de bienfaisance autorisées à recevoir des dons et legs, établissements d’enseignement supérieur ou artistique à but non lucratif.
    La fondation reconnue d’utilité publique est clairement citée dans le texte. Il n’en est pas de même pour le fonds de dotation. Néanmoins l’administration rappelle que l’organisme bénéficiaire doit être d’intérêt général et habilité à recevoir des donations et par ailleurs que « l’intérêt général se caractérise par l’exercice d’une activité sans but lucratif, le caractère désintéressé de la gestion et l’absence de fonctionnement au profit d’un cercle restreint de personnes ».
    Dès lors que le fonds de dotation remplit ces conditions, il semble possible qu’il puisse bénéficier de donation temporaire d’usufruit. Certains conseils recommandent néanmoins de réaliser une demande de rescrit auprès de l’administration fiscale à ce sujet.
  • pour une durée minimale de trois ans, prorogeable sans limite et pour une période qui peut-être plus courte.
  • doit porter sur des actifs nécessaires à la réalisation de l’objet de la structure bénéficiaire. Le bien doit donc avoir une utilité pour l’organisme bénéficiaire ou lui procurer des revenus.
  • doit préserver les droits de l’usufruitier. Le donateur ne doit pas se réserver l’administration, l’usage du bien ou ses revenus, même partiellement.

L’avantage de la donation temporaire d’usufruit et qu’elle permet au fondateur-donateur de récupérer la pleine propriété du bien au terme de la période définie dans l’acte de donation. Pendant cette période, la fondation ou le fonds de dotation ont de leur côté bénéficié de l’usage ou des revenus du bien.

Ces donations de biens immobiliers en pleine propriété ou en usufruit temporaire permettent également de réduire l’IR puisque les revenus fonciers ne sont plus perçus par le donateur.

 

donation avec réserve d’usufruit à une fondation ou fonds de dotation

Si le donateur souhaitait au contraire conserver l’usufruit du bien (l’usage et les revenus), il pourrait envisager la donation en nue-propriété à une fondation ou fonds de dotation, autrement dit réaliser une donation avec réserve d’usufruit.

Dans ce cas, il reste redevable de l’IFI sur la valeur en usufruit du bien. La base imposable est réduite uniquement de la valeur de la nue-propriété (Article 968 du CGI et BOI-PAT-IFI-20-20-30-10 n° 220).

optimiser la cession d’entreprise via une fondation ou fonds de dotation

Lorsque le cédant d’entreprise a un projet philanthropique, il est possible de créer une fondation ou un fonds de dotation auquel il serait affecté une partie des parts sociales de la société professionnelle.

Cette affectation de parts sociales se réalise par donation qui, comme nous l’avons vu, est non imposable aux droits de mutation à titre gratuit, sous conditions.

Mais la fondation ou le fonds de dotation peuvent-ils être actionnaires d’une société professionnelle ?

Leur objet est de mener à bien une mission philanthropique, pas de prendre ou détenir des participations et de les gérer telle que le ferait une société Holding. Elle n’a pas non plus pour objectif de gérer une entreprise.

Si la participation dans la société professionnelle est minoritaire, la détention de parts pourrait être considérée comme des titres de placement et n’entre pas en contradiction avec l’objet de la fondation.

Il en est autrement si la participation est majoritaire.

La Loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ayant institué les fondations a établi dans son article 18-3 le principe dit de spécialité : lorsque la fondation a le contrôle de la société, elle ne doit pas s’immiscer dans la gestion de cette dernière.

Par ailleurs, avant 2019, cet article reconnaissait le droit au FRUP (Fondation Reconnue d’Utilité Publique) de détenir des parts sociales de société ayant une activité industrielle ou commerciale mais uniquement dans le cadre d’une opération de cession ou de transmission d’entreprise.

La réponse ministérielle Carayon du 6 juillet 2010, issue de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (loi Jacob-Dutreil) est venue également réaffirmer cette situation.

La loi Pacte de 2019 a élargi cette possibilité de détention de parts sociales en ne le rattachant plus spécifiquement aux situations de transmission.

Les fonds de dotation ne sont pas soumis à ces obligations et peuvent donc détenir librement des parts sociales. Ils sont donc plus fréquemment utilisés dans ces stratégies.

 

L’acquéreur de l’entreprise va alors acheter les parts sociales au cédant en direct et à la fondation ou fonds de dotation pour la partie du capital détenue par ces derniers.

La fondation ou fonds de dotation ne seront pas imposés sur la plus-value de cession des parts sociales dans la mesure où le prix de cession et le prix des parts lors de la dotation sont proches. Par ailleurs, sous respect de certaines conditions, les fondations et fonds de dotation peuvent bénéficier du régime des OSBL et de l’exonération d’imposition sur plus-values.

Ces actifs professionnels ont ainsi pu être transmis à la fondation ou fonds de dotation puis vendus sans imposition permettant au cédant d’entreprise de réaliser son objectif philanthropique et d’optimiser fiscalement une partie de la cession.

Cette stratégie patrimoniale doit néanmoins être menée avec précaution pour éviter toute requalification pour abus de droit, d’autant plus depuis l’entrée en vigueur le 01/01/2020 de la nouvelle notion dite de mini-abus de droit.

L’affectation des parts sociales à la fondation ou fonds de dotation doit être réelle. Une fois la cession de ses parts réalisée, le cédant ne doit pas se réserver le prix de cession perçu par la fondation ou fonds de dotation, ou se comporter comme propriétaire de ces fonds.

La fondation ou fonds de dotation ne doivent pas avoir une activité fictive et doivent mener réellement des opérations dans l’objectif philanthropique défini.

Les parts sociales affectées doivent avoir une véritable utilité pour la fondation ou fond de dotation : perception de dividendes par exemple pour obtenir des ressources financières nécessaires à l’action philanthropique.

Enfin, il est préférable que la dotation des parts sociales à la fondation ou au fonds de dotation intervienne avant tout projet de cession, afin d’éviter que l’opération puisse être considérée comme réalisée dans un but exclusivement ou principalement fiscal.

Des précautions sont également à prendre d’un point de vue civil. Si les parts sociales transmises à la fondation ou au fonds de dotation excèdent la quotité disponible, les héritiers réservataires pourront mener l’action en réduction à la succession de leur parent entrepreneur, sauf à y avoir renoncé au préalable (par renonciation anticipée à l’action de réduction, RAAR).

fondation ou fonds de dotation : une alternative à la cession ou à la transmission familiale de l’entreprise

Les fondations et fonds de dotation participent également aux stratégies de transmission d’entreprise lorsque ni cession, ni transmission familiale ne sont recherchées ou envisagées.

Transmettre son entreprise passe traditionnellement par une cession à un tiers ou par une transmission familiale. La transmission via une fondation ou un fonds de dotation constitue une autre possibilité, une 3ème voix, dont l’usage est encore rare mais qui témoigne d’une nouvelle vision patrimoniale.

Comme nous l’avons vu, depuis la loi Pacte 2019, une fondation reconnue d’utilité publique peut être durablement et majoritairement actionnaire d’une société à caractère économique, à condition de respecter le principe de spécialité et ne pas s’immiscer dans la gestion.

Dès lors, un chef d’entreprise peut créer une fondation dans un objectif d’intérêt général et affecter une partie de ses parts sociales à cette fondation.

La dotation s’effectue par une donation des parts sociales à la fondation, non imposable aux droits de mutation à titre gratuit sous respect de certaines conditions.

La fondation devient alors actionnaire de la société d’exploitation. Elle doit néanmoins respecter le principe de spécialité, se consacrer principalement à son objet philanthropique, utiliser les dividendes des parts sociales à l’exercice de cet objectif et ne pas s’immiscer dans la gestion de la société d’exploitation.

Pour éviter ces contraintes, il est souvent interposé une société Holding détenant les parts de la société d’exploitation. Ce sont les parts de la Holding qui feront l’objet d’une dotation à la fondation.

Particulièrement répandu en Allemagne ou au Danemark, ce schéma est encore peu utilisé en France. En 2017, seuls 4 groupes français connus l’ont adopté : le laboratoire pharmaceutique Pierre Fabre, le groupe agro-industriel Avril (huiles Puget et Lesieur), le groupe de presse La Montagne et l’Institut Mérieux.

Ce schéma permet de stabiliser le capital et le devenir de la société :

  • en cas de décès du chef d’entreprise 

La fondation n’est pas dissoute puisqu’elle est totalement indépendante de ces fondateurs et a vocation à leur survivre. La fondation restera actionnaire, éventuellement majoritaire de la société si l’essentiel du capital lui avait été affectée.

La question de la transmission ne concernera que le capital que le chef d’entreprise a conservé. Il faudra bien sûr avoir pris soin de ne pas léser la réserve héréditaire des héritiers réservataires en affectant une valeur de capital trop importante à la fondation.

Par l’interposition d’une Holding détenant la majorité du capital de la société d’exploitation, la fondation peut être dans les faits actionnaire majoritaire en ne détenant elle-même que 51 % de la société Holding, soit 25 % de la valeur de la société.

Cette stratégie peut éviter une vente forcée de toute l’entreprise après le décès du chef d’entreprise, si aucun héritier ne souhaite rester actionnaire ou reprendre l’activité.

Il sera bien sûr nécessaire d’organiser le pouvoir de décision et de gestion de la société. L’organisation de la gouvernance sous forme de directoire et conseil de surveillance peut être pertinente et surtout le recrutement d’une équipe de direction solide.

  • en cas de risque de rachat « hostile » du capital de la société

De la même manière, du vivant du chef d’entreprise, la fondation actionnaire permet de stabiliser la répartition actionnariale et éviter un rachat non souhaité par un fonds ou une entreprise tierce souhaitant devenir majoritaires.

Ces stratégies de dotation de capital à une fondation supposent néanmoins une décision mûrement réfléchie puisqu’elle est réalisée de manière irrévocable. Par ailleurs, elles privent les héritiers de percevoir ces actifs par succession et d’en disposer librement.

Le législateur encourage depuis quelques années la détention de capital de société d’exploitation par des fondations ou fonds de dotation lorsqu’ils permettent de stabiliser et pérenniser l’actionnariat.

En plus de donner la possibilité au FRUP de devenir fondation actionnaire, la loi Pacte de 2019 a également institué une nouvelle structure de détention, les fonds de pérennité.

Les fondations actionnaires

Depuis la loi Pacte de 2019, les fondations peuvent détenir des parts sociales de manière continue et non plus uniquement lors d’opération de transmission. Elles peuvent ainsi devenir de véritables fondations actionnaires. L’article 18-3 précité a été modifié en ce sens.

Néanmoins, le principe de spécialité demeure et les fondations actionnaires doivent conserver un but d’intérêt général et ne doivent pas s’immiscer dans la gestion des sociétés dont elles détiennent une participation au capital.

Les statuts de la fondation doivent également prévoir les conditions d’exercice par cette dernière des décisions concernant l’approbation des comptes, la distribution de dividendes, l’augmentation ou réduction de capital, ou encore les modifications statutaires de la société.

Les fonds de pérennité

La Loi Pacte de 2019 a également créé les fonds de pérennité.

Ces fonds ont vocation à recevoir en dotation, de manière irrévocable, des parts sociales d’une société d’exploitation. Il est donc dans leur nature même d’être fonds actionnaire.

Leur objet doit néanmoins rester philanthropique et ils doivent donc avoir pour objectif une action d’intérêt général. Mais ils doivent également gérer les parts sociales qu’ils détiennent et exercer les droits afférents à cette participation au capital. En cela, ils se comportent comme de véritables actionnaires de la société d’exploitation.

Ils doivent utiliser les revenus des parts sociales pour assurer la pérennité économique de la société d’exploitation et également pour mener à bien leur objet d’intérêt général.

Tout comme les fonds de dotation, leur procédure de création est allégée par rapport à celle d’une fondation. Une déclaration en préfecture suffit.

Ne pas confondre

Fondation actionnaire et fondation d’entreprise

La fondation d’entreprise est créée par une dotation de l’entreprise elle-même en numéraire ou en nature (affectation de biens ou de droits sur ces biens) afin de mener une action d’intérêt général. Elle ne possède donc pas de parts au capital de l’entreprise.

La fondation actionnaire est créée par les actionnaires qui affectent tout ou partie de leurs parts sociales à la fondation. Cette fondation détient donc une participation capitalistique dans la société et perçoit des dividendes.

Source : JUST DEEP CONTENT pour l’ESBanque

Les fondations et les fonds de dotation sont avant tout des structures à but philanthropique. Oublier cet aspect et les utiliser dans un seul objectif d’optimisation fiscale serait s’exposer à des déconvenues et des risques patrimoniaux conséquents, comme nous en avons pu le voir dans notre précédent article.

Ce n’est que si cet objectif philanthropique est réel, que ces structures peuvent devenir des outils pertinents d’optimisation patrimoniale.

Dans tous les cas, leur développement témoigne d’un besoin croissant de sens patrimonial et d’une vision philanthropique du patrimoine.

Le patrimoine n’est pas seulement une richesse monétaire ou monétisable, cela peut également être un outil permettant d’agir selon des valeurs personnelles ou familiales communes, dans la poursuite d’un intérêt général.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Sources :

(suite…)

Fondation et fonds de dotation : philanthropie ou optimisation fiscale ?

Fondation et fonds de dotation : philanthropie ou optimisation fiscale ?

Temps de lecture estimé : 16 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La loi du 24 août 2021 renforce le contrôle du mécénat. Les fondations et fonds de dotations ont une vocation philanthropique. Rechercher leurs seuls avantages fiscaux ou les utiliser à d’autres fins patrimoniales serait une erreur. Explications.

 

De tradition anglo-saxonne, les fondations ont été introduites dans le droit français tardivement en 1987. Les fonds de dotation sont une initiative française datant de 2008. Depuis, leur nombre est croissant. On compte ainsi 2.600 fondations actives et 1.800 fonds de dotation en France en 2019.

Ces structures ne sont plus l’apanage de grandes fortunes, de nombreux entrepreneurs et des particuliers s’y intéressent. Mais pour quelles raisons ?

Leur développement répond à un besoin croissant de sens à donner à l’usage de son patrimoine et à l’envie de s’investir dans une action d’intérêt général qui tient particulièrement à cœur.

Par ailleurs, elles offrent de nombreux avantages fiscaux attrayants en termes de droits de mutation mais aussi d’IR (Impôt sur les Revenus) ou d’IS (Impôts sur les Sociétés).

Mais les utiliser sans précaution serait prendre des risques fiscaux et patrimoniaux.

Une loi récente du 24 août 2021 vient ainsi de renforcer les contrôles des organismes relevant du régime du mécénat et bénéficiaires de dons.

Dans cet article, nous ferons le point sur ces structures patrimoniales, leur création, leur fonctionnement et leur précaution d’usage.

Dans notre prochaine publication, nous aborderons des cas types de stratégies patrimoniales dans lesquelles fondations et fonds de dotation constituent des outils pertinents.

fondation et fonds de dotation : un objectif philanthropique indispensable

Les fondations consistent à donner ou léguer une partie de son patrimoine à la réalisation d’un objet exclusif d’intérêt général. Elles ont la personnalité morale après agrément du Conseil d’Etat.

Les fonds de dotation ont le même objectif, disposent de la personnalité morale mais bénéficient d’une procédure de création et de gestion allégée. Ils visent plus particulièrement la capitalisation d’un patrimoine affecté à une action philanthropique.

fondation : une affectation irrévocable de patrimoine et un objectif exclusif d’intérêt général

Plusieurs conditions doivent être réunies pour créer une fondation : dotation définitive d’un patrimoine, objet d’intérêt général, but non lucratif. Des démarches administratives sont également nécessaires pour qu’elle dispose de la personnalité morale.

On distingue trois types de fondation.

Qu’est-ce qu’une fondation ?

Aucun article de loi ne définit ce qu’est une fondation de manière général. Il faut donc se référer aux textes définissant chaque grand type de fondation.

Les fondations ont 4 caractéristiques communes qui les définit :

  • un acte d’affectation irrévocable de patrimoine.

Concrètement, cet acte d’affectation irrévocable suppose une donation ou un legs en faveur de la fondation.

La dotation initiale des fondateurs est donc un acte de mutation à titre gratuit. Elle peut être composée de biens (immobilier, financier, mobilier) ou de droits (droit réel sur des biens, droit immatériel…).

Créer une fondation, c’est donc tout d’abord se dessaisir définitivement d’une partie de son patrimoine dans un but précis.

Il ne s’agit donc pas d’un apport rémunéré par des parts sociales ou des actions comme dans le cadre d’une société puisque le fondateur ne reçoit aucune contrepartie à sa dotation.

Cet acte d’affectation ne donne pas pour autant à la fondation la personnalité morale.

Pour que la fondation acquiert la capacité juridique, une procédure spécifique est nécessaire : agrément par décret du Conseil d’État pour les fondations reconnues d’utilité publique, autorisation administrative pour les autres, comme nous allons le voir un peu plus loin.

  • ayant pour objectif la réalisation d’une œuvre d’intérêt général.
      La mission d’intérêt général se définit :

    • juridiquement comme la poursuite du bien public, de manière désintéressée et donc sans objectif privé.
    • fiscalement, par son caractère philanthropique, social, scientifique, éducatif, humanitaire, sportif, culturel, permettant par exemple la mise en valeur du patrimoine artistique, la défense de l’environnement naturel, la diffusion de la culture, les actions de bienfaisance… (Article 200 b) à d) et f) du Code Général des Impôts).
  • dans un but non lucratif.

 

Trois grands types de fondations

On distingue trois sortes de fondations. Leurs procédures de création et de gestion sont rigoureusement encadrées.

La fondation reconnue d’utilité publique (FRUP)

Définie par l’article 18 de la loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat, une fondation est reconnue d’utilité publique par décret du Conseil d’État.

Cette reconnaissance d’utilité publique (RUP) nécessite une demande d’agrément auprès du ministère de l’Intérieur.

Son obtention confère à la fondation la capacité juridique pour une durée illimitée. La fondation existe alors juridiquement et peut agir en tant que personne morale.

Elle pourra recevoir des donations et des legs par des personnes physiques ou morales autres que les fondateurs initiaux.

Comme toute fondation et par ses caractéristiques mêmes, la FRUP doit avoir un véritable objectif d’intérêt général.

Afin de lui garantir indépendance et pérennité, elle doit disposer d’une dotation en capital minimal de 1,5 millions d’euros, versée sur une période maximale de 10 ans.

Ce patrimoine initial doit être d’origine privée et ne peut être constitué de fonds ou de subventions publiques, bien que la fondation puisse dans certains cas en recevoir par la suite.

La fondation prend fin avec sa dissolution. Celle-ci peut être décidée par les organes de gouvernance de la fondation, par retrait de la reconnaissance d’utilité publique, ou si les versements n’ont pas été respectés.

Pour mener à bien son action, la fondation peut :

  • consommer progressivement le patrimoine qu’elle a reçu lors de sa création. On parle de dotation consomptible.
  • conserver le patrimoine reçu et utiliser comme ressources financières les revenus de ce patrimoine, les versements ultérieurs de ces fondateurs, ainsi que les dons, legs et subventions reçus après sa création par appel à la générosité publique.

Les fondations reconnues d’utilité publique sont soumises à des obligations comptables. Elles doivent :

  • établir des comptes annuels et les publier
  • communiquer ces comptes au ministère de l’Intérieur et à la Préfecture
  • nommer un commissaire aux comptes en charge de leur vérification.

En termes de gouvernance, les FRUP sont gérées par un conseil d’administration, ou un conseil de surveillance et directoire, à l’image des SA (Sociétés Anonymes).

Elles doivent également comporter un collège composé de ses fondateurs, pour au moins 1/3, de représentants de l’Etat et de personnalités qualifiées.

Certaines FRUP ont un statut spécifique :
La fondation de coopération scientifique

L’objet de la fondation de coopération scientifique est exclusivement la recherche et l’enseignement supérieur.

Elle relève du statut des fondations reconnues d’utilité publique mais leur création est allégée, par simple décret.

Compte tenu de leur objet spécifique, il est laissé plus de poids dans le conseil d’administration aux fondateurs qui peuvent être majoritaires.

La fondation hospitalière

Il s’agit d’une fondation reconnue d’utilité publique. Ses fondateurs sont nécessairement des établissements publics de santé qui peuvent être majoritaires au conseil d’administration.

La fondation sous égide ou abritée

Définies par l’article 6 de la loi n°90-559 du 4 juillet 1990, ces fondations sont créées au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique, ce qui facilite leur mise en place et leur gestion.

Faisant partie de la FRUP qui l’abrite, la fondation sous égide n’a pas la personnalité morale.

Elle est constituée par des personnes physiques ou morales fondatrices, sur décision et accord de la fondation abritante.

La fondation abritante définit avec les fondateurs la dotation initiale, la durée de vie de la fondation, ses règles de gouvernance, de gestion et de dissolution.

Les ressources sont perçues par la fondation abritante qui les affecte à l’action menée par la fondation sous égide.

Les obligations comptables sont satisfaites par la fondation abritante.

La Fondation de France est l’une des principales fondations abritantes.

Certaines fondations abritées relèvent d’un statut particulier :

La fondation universitaire

La fondation universitaire est une fondation abritée créée sous l’égide d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

La fondation d’entreprise

Seules des personnes morales (entreprises, sociétés civiles ou commerciales, coopératives, mutuelles…) peuvent créer une fondation d’entreprise.

La fondation d’entreprise est créée par arrêté préfectoral, après approbation du ministère de l’Intérieur et pour une durée minimale de 5 ans.

Les entreprises ou sociétés fondatrices ne sont pas obligées de réaliser une dotation initiale mais elles doivent s’engager à un programme d’action pluriannuel (PAP) de 150.000 € minimum sur 5 ans.

Une fois créé, les fondations d’entreprise peuvent percevoir des subventions, des dons des salariés, des mandataires sociaux, de leurs actionnaires ou du groupe d’entreprise auquel elles appartiennent mais elles ne peuvent pas percevoir de dons ou legs du public.

Elles peuvent également placer leurs ressources financières et en percevoir les revenus.

Elles sont gérées par un conseil d’administration et un collège composé des entreprises et sociétés fondatrices et de représentants du personnel pour au moins 2/3 et de personnalités qualifiées.

Elles doivent établir leurs comptes annuels, les publier et les communiquer à la Préfecture. Elles doivent également nommer un commissaire aux comptes.

Elles sont dissoutes soit par décision des organes de gouvernance, par arrivé du terme ou par retrait de l’autorisation préfectoral.

Certaines fondations d’entreprise relèvent d’un régime spécifique :

La fondation partenariale

La fondation partenariale est une fondation d’entreprise nécessairement créée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

À la différence des autres fondations d’entreprise, elle peut être créée pour une durée indéterminée et à la particularité de pouvoir recevoir des dons et legs du public.

fonds de dotation : une procédure de création allégée

On distingue deux sortes de fonds de dotation : les fonds de capitalisation, dédiant les revenus du patrimoine qui leur est affecté à une œuvre d’intérêt général et les fonds de redistribution, investissant leur capital dans d’autres structures menant une action philanthropique.

Les fonds de dotation bénéficient de procédures de création et de gestion allégées, les rendant plus facilement accessibles.

Création et gestion d’un fonds de dotation

Institués en 2008 par l’article 140 de la loi de modernisation de l’économie, les fonds de dotation présentent les mêmes caractéristiques que les fondations : affectation irrévocable d’un patrimoine, objet d’intérêt général, but non lucratif.

Ces structures visent à rendre l’action philanthropique plus aisée et plus accessible.

Les fonds de dotation sont créés par déclaration en préfecture, accompagnée d’un dossier relativement simple : formulaire de demande spécifique, statuts du fonds, liste des administrateurs.

La préfecture délivre un récépissé dans les 5 jours suivant le dépôt du dossier complet.

Une publication de création est ensuite faite au JOAFE (Journal Officiel des Associations et Fondations d’Entreprise) et permet de donner au fonds la personnalité morale.

À la création, une dotation minimale de 15.000 € est nécessaire.

Par la suite, les fonds de dotations peuvent recevoir des dons et legs. Ils peuvent faire appel à la générosité publique sur autorisation, ainsi qu’à des subventions publiques par autorisation ministérielle.

Ils peuvent également exercer des activités autorisées par leur statut afin d’en percevoir des revenus affectés à leur objectif d’intérêt général.

Ils sont dirigés par un conseil d’administration, composé librement. Seul un seuil minimum de 3 membres nommées initialement par les fondateurs est nécessaire.

Si leur dotation initiale est supérieure à 1 millions d’euros, ils doivent également comporter un comité consultatif.

La gouvernance s’organise librement dans les statuts. Aucune contrainte n’est imposée en termes d’assemblée, de modalités de convocation, de règles de majorité …

Ils sont dissous par décision des organes de direction, par réalisation d’une condition statutaire ou par voie judiciaire.

La tenue d’une comptabilité est obligatoire ainsi que sa publication et sa communication à la Préfecture. Si les ressources du fonds sont supérieures à 10.000 €, il est nécessaire de nommer un commissaire aux comptes.

Fonds de dotation de capitalisation et fonds de dotation de redistribution

Il existe 2 types de fonds de dotation :

 

  • Les fonds dits opérationnels, menant eux-mêmes leur activité d’intérêt général et gérant leurs actifs dans cet objectif.
    Le plus souvent, le fonds de dotation n’utilise que les revenus de son patrimoine pour mener à bien son action. Il s’agit de fonds de dotation de capitalisation.
  • Les fonds qui aident d’autres personnes morales à but non lucratif à réaliser leur objet en leur fournissant des ressources financières. On parle de fonds de dotation redistributeurs.

Ne pas confondre

Fondations, fonds de dotation et association :

Ces structures poursuivent un objectif d’intérêt général et ont toutes trois la personnalité morale.

Les fondations et fonds de dotation sont créés dans l’objectif de disposer d’un patrimoine pour mener à bien leurs actions. Ils sont gérés par des personnes physiques, souvent celles qui ont affecté une partie de leur patrimoine, mais ne comportent pas de membres. Ils ont vocation à survivre à leurs fondateurs.

Les associations naissent de la réunion de plusieurs membres souhaitant mener une action collective. Elles ne détiennent pas nécessairement de patrimoine. Elles visent à réunir leurs membres autour d’une ou plusieurs actions d’intérêt général. Elles sont gérées en assemblée sur la base d’un processus de décision démocratique dans lequel chaque membre dispose d’une voix. En l’absence de membres, les associations doivent être dissoutes.

Fondations, fonds de dotation et fiducie :

A la différence d’une fondation ou d’un fonds de dotation, la fiducie n’est pas une personne morale mais un contrat. Par ailleurs, son objet est totalement différent.

La fiducie permet à un constituant de transférer tout ou partie de son patrimoine à une personne physique ou moral, le fiduciaire, à charge pour ce dernier de gérer ces actifs au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. Ce bénéficiaire peut être le constituant lui-même, le fiduciaire ou un tiers dans certaines conditions. Pendant la durée du contrat, le constituant ne dispose donc plus du patrimoine affecté à la fiducie.

Reconnue en droit français depuis 2007 (article 2011 du Code civil), la fiducie permet de protéger une personne physique dans la gestion de son patrimoine (enfant handicapé par exemple) ou de garantir un créancier (fiducie-sûreté). Son usage de transmission, fréquent dans les pays anglo-saxons, n’est pas permis en France.

fondation et fonds de dotation : quel avantage fiscal ?

Les fondations et fonds de dotation bénéficient d’une imposition avantageuse, notamment le régime fiscal du mécénat et la fiscalité des organismes sans but lucratif (OSBL).

bénéficier du régime du mécénat

Les fondations et fonds de dotation offrent plusieurs types d’avantages fiscaux aux particuliers ou entreprises bienfaitrices.

Fondations, fonds de dotation : quels avantages fiscaux en termes d’IR, d’IFI et d’IS ?

Les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP), les fondations universitaires, les fondations partenariales, les fondations d’entreprise et les fonds de dotation font partie des structures éligibles au régime du mécénat, à conditions de poursuivre un objet d’intérêt général listé aux articles 200 du CGI b) (réduction d’impôt des particuliers) et 238 bis du CGI (réduction d’impôt des entreprises).

La fondation abritante, si elle satisfait les conditions du mécénat, fait bénéficier de ce régime les fondations sous égide qu’elle abrite.

Réduction d’IR et d’IFI pour les particuliers donateurs

Les particuliers donateurs en faveur d’une fondation ou d’un fonds de dotation bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable (article 200 du CGI). Si le don dépasse ce plafond, l’excédent peut être utilisé sur les 5 années suivantes.

En cas de dons à une fondation d’entreprise, cette réduction ne concerne que les salariés, mandataires sociaux, actionnaires de l’entreprise fondatrice ou de son groupe.

Seuls les dons en numéraire (sommes d’argent), en nature, les dons ou abandons de revenus (mise à disposition de l’usage d’un bien à titre gratuit par exemple), réalisés de manière désintéressée et sans contrepartie, peuvent donner lieu à réduction d’impôt.

Le taux de réduction est porté à 75 % dans la limite de 1.000 € par an en 2020 et 2021 (547 € auparavant) pour les dons réalisés en faveur d’organismes d’aide aux personnes en difficulté. Les dons à ces organismes excédant ce seuil bénéficient de la réduction au taux de 66 %.

Le don à une FRUP, une fondation universitaire ou une fondation partenariale offre également une réduction d’IFI (article 978 du CGI) de 75 % du montant du don plafonné à 50.000 € par an.

Il peut s’agir de don en numéraire ou de don en pleine propriété d’actions cotées.

La réduction à l’IR et la réduction sur l’IFI ne sont pas cumulables pour le même don. Il est néanmoins possible de répartir le don entre les deux dispositifs.

Attention :

Les dons à un fonds de dotation ou à une fondation d’entreprise n’offrent pas de réduction sur l’IFI.

 
Réduction d’IR ou d’IS pour les entreprises et sociétés donatrices

Les sociétés et entreprises réalisant des dons en faveur de fondation ou fonds de dotation bénéficient d’une réduction sur leurs bénéfices imposables à l’IR (régime réel d’imposition) ou à l’IS.

Il peut s’agir de dons financiers, en nature ou en compétence (mise à disposition de main d’œuvre par exemple), à condition que l’entreprise n’en retire aucune contrepartie directe ou indirecte.

La loi Aillagon de 2003 a quasiment doublé le taux de cette réduction qui s’élève depuis lors à :

  • 60 % du montant du don s’il est inférieur à 2 millions d’euros et 40 % sur la fraction du don supérieure à 2 millions d’euros (sauf s’il est réalisé en faveur d’un organisme d’aide aux personnes en difficulté, auquel cas le taux reste de 60 %)
  • dans la limite d’un plafond annuel de 20.000 € de réduction d’impôt ou de 0,005 % (5 pour mille) du chiffre d’affaires annuel HT. Si le plafond est dépassé, l’excédent peut être reporté sur les 5 exercices suivants.

Fondation, fonds de dotation : exonération de droits de mutations sur les dons et legs reçus

Lorsqu’un particulier réalise une donation ou un legs en faveur d’un établissement public ou reconnu d’utilité publique, des droits de mutation à titre gratuit sont dus selon le même barème que celui entre frères et sœurs (article 777 du CGI, dernier alinéa) : 35 % pour la part imposable inférieure à 24.430 €, 45 % au-delà.

Pour les autres structures non reconnues d’utilité publique, l’imposition aux droits de mutation est celle du barème entre tiers au taux de 60 % de la valeur du don ou du legs reçu.

Pour encourager le développement des structures philanthropiques et leurs moyens, des régimes d’exonération de droits de mutation à titre gratuit ont été instaurés (articles 794 et 795 du CGI).

Réservé initialement à certaines fondations, ce régime a été élargi par la Loi de Finances pour 2019 à l’ensemble des fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) dont l’objet est d’intérêt général (au sens fiscal de l’article 200 du CGI 1 g) ).

Les fonds de dotation en bénéficient de manière élargie depuis la loi LME du 4 août 2008 (article 141).

Les fondations universitaires et les fondations partenariales peuvent également en bénéficier.

Les fondations abritantes qui relèvent de ce régime d’exonération en font bénéficier leurs fondations sous égide.

Cette exonération rend ces fondations et fonds de dotation pertinents dans certaines stratégies de transmission patrimoniale comme nous le verrons dans notre prochain article.

Attention :

Les dons et legs à une fondation d’entreprise ne permettent pas de bénéficier de cette exonération de droits de donation et succession.

 

Avantage fiscal des dons sur héritage à une fondation

De part la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, les personnes venant d’hériter d’un patrimoine et réalisant un don de tout ou partie de cet héritage à une fondation bénéficient d’un avantage fiscal.

Elles peuvent en effet déduire le montant du don consenti de la base imposable aux droits de succession sur l’héritage reçu (article 788 III du CGI).

Ce don doit intervenir dans les 6 mois suivant le décès à l’origine de l’héritage et être réalisé en pleine propriété. Il n’est pas cumulable avec la réduction d’IR sur les dons.

Attention :

Les dons aux fonds de dotation n’offrent pas cet avantage fiscal.

 

Gestion des fondations et fonds de dotation : la fiscalité avantageuse des OSBL (Organisme sans but lucratif)

Les organismes qui poursuivent un objet à but non lucratif :

  • ne sont pas imposables aux différentes impositions sur les bénéfices, dits impôts commerciaux : exonération d’IS, de CET (Contribution Économique Territoriale), de TVA (article 261-7-1° du CGI)
  • bénéficient d’un taux réduit d’IS sur leurs revenus patrimoniaux (article 206-5 et 219 bis du CGI) :
    • revenus de location d’immeubles, d’exploitation de propriétés forestières ou agricoles : taux de 24 %
    • revenus financiers (revenus de capitaux mobiliers) : taux de 10 %, 15 % ou 24 % selon le type de revenus.
      Les fondations reconnues d’utilité publique (FRUP) sont exonérées d’IS sur leurs revenus financiers lorsqu’elles n’exercent aucune activité lucrative.
      Il en est de même pour les fonds de dotation de capitalisation qui n’ont pas dans leur statut la possibilité de consommer leur capital.
    • Les plus-values de cession d’actif ne sont pas imposables (sauf cession d’actifs agricoles).

Pour relever du régime des organismes sans but lucratif (OSBL) :

  • la gestion doit être désintéressée : les dirigeants et gestionnaires de la structure ne doivent pas avoir un intérêt direct ou indirect dans son activité.
  • l’activité menée ne doit pas faire concurrence à une entreprise commerciale.
  • Enfin, cette entité ne doit pas avoir des relations privilégiées avec une société commerciale et lui fournir un service qui lui donnerait un avantage concurrentiel.

Si ces conditions sont satisfaites, les fondations et fonds de dotation peuvent bénéficier du régime fiscal des OSBL.

Si les fondations et fonds de dotation mènent également une activité lucrative, celle-ci doit rester accessoire et les recettes annuelles de ces activités doivent être inférieures à un seuil revalorisé annuellement (72.144 € pour 2021).

fondation et fonds de dotation : risques fiscaux et patrimoniaux

Contrepartie de ces avantages fiscaux, les fondations et fonds de dotation encourent un risque de redressement en cas de non-respect des conditions requises.

Dans la mesure où la création d’une fondation ou fonds de dotation nécessite une donation ou un legs, il existe également un risque de remise en cause civile si certaines règles ne sont pas respectées.

remise en cause du régime d’exonération des OSBL

Le bénéfice de ce régime ne dépend pas de la forme juridique de l’entité mais d’une réalité économique : le type d’activité poursuivie et la manière dont elle est menée.

Une fondation ou un fonds de de dotation ne bénéficient donc pas de facto du régime d’exonération des OSBL du fait de leur statut juridique.

L’administration fiscale est particulièrement attentive au respect des conditions permettant de bénéficier du régime favorable des OSBL et mène des vérifications de comptabilité et des contrôles fiscaux à ce sujet.

contrôles et requalification du régime fiscal du mécénat

La loi récente du 24 août 2021 renforce le contrôle du régime du mécénat et le respect de ses conditions. Elle prévoit entre autres :

  • de nouvelles obligations déclaratives des organismes bénéficiaires de dons (montant total des dons perçus et reçus délivrés, nécessité de reçu fiscaux pour les entreprise donatrices).
  • un élargissement à partir de 2022 du contrôle sur place des reçus délivrés et des contrôles de régularité des conditions que doit satisfaire l’organisme bénéficiaire.
  • une extension de la liste des infractions pénales encourues.

Les conditions permettant de bénéficier du régime des OSBL ou du mécénat tenant principalement à l’appréciation de l’activité de la fondation ou du fonds de dotation, il est possible de demander confirmation de l’éligibilité de la structure à ces régimes fiscaux par une procédure de rescrit auprès de l’administration fiscale.

On distingue ainsi :

  • le rescrit « fiscalité » permettant d’interroger l’administration sur l’éligibilité au régime des OSBL.
  • le rescrit « mécénat » concernant la possibilité de relever du régime fiscal du mécénat.

dons et legs aux fondations et fonds de dotation : risques civils

La dotation initiale nécessaire à la création d’une fondation ou d’un fonds de dotation suppose un acte de donation ou un legs en leur faveur.

Qu’il s’agisse d’un don manuel d’une somme d’argent ou d’un bien meuble, d’une donation de bien immobilier, d’un testament, la dotation n’échappe pas aux règles de la dévolution successorale.

Comme toute donation, la donation faite à une fondation ou fonds de dotation doit être réunie fictivement à la succession du donateur pour le calcul de la masse successorale et de la quotité disponible.

En présence d’héritiers réservataires (descendants, conjoint dans certains cas), cette donation ou legs ne devra pas excéder la quotité disponible (dont la proportion dépend de la qualité et du nombre des héritiers réservataires : ½ du patrimoine en présence d’un enfant, 1/3 en présence de 2 enfants, ¼ au-delà).

Créer une fondation en la dotant d’un patrimoine conséquent dans l’objectif de déshériter un héritier réservataire ou de réduire sa part réservataire serait remise en cause par l’action en réduction dont peut disposer cet héritier (sauf à ce que ce dernier y est volontairement et expressément renoncé par une renonciation anticipée à l’action de réduction (RAAR)).

Enfin, l’acte de donation pourrait être requalifié civilement si le donateur, également fondateur et dirigeant de la fondation ou fonds de dotation, continuait à utiliser le bien à titre personnel ou en percevoir des revenus. L’acte ne serait plus considéré comme une libéralité en l’absence de dessaisissement de l’objet et d’appauvrissement du patrimoine du donateur.

 

 

On l’aura compris, créer une fondation ou un fonds de dotation dans l’idée de bénéficier d’un régime de défiscalisation ou de passer outre les règles de l’héritage n’aurait pas de sens et serait source de risques patrimoniaux et fiscaux.

Néanmoins, lorsqu’un véritable objectif philanthropique est recherché, que les conditions de mise en place et de fonctionnement sont respectées, les fondations et fonds de dotations peuvent s’insérer de manière pertinente dans certaines situations patrimoniales et en accroître l’optimisation.

Nous développerons ces stratégies patrimoniales dans notre prochain article.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Sources :

(suite…)

Au-delà du bitcoin, la blockchain : une révolution pour la gestion de patrimoine

Au-delà du bitcoin, la blockchain : une révolution pour la gestion de patrimoine

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La technologie de la blockchain entre dans les transactions financières mais aussi immobilières et patrimoniales, bien au-delà du seul sujet des crypto-monnaies. Quelles conséquences ?

 

Quand on parle blockchain, on pense immédiatement au bitcoin. Mais réduire la technologie de la blockchain aux crypto-monnaies ou crypto-actifs serait une grave erreur.

La blockchain est avant tout une technique de partage de l’information et de vérification des transactions, de manière décentralisée et sans autorité unique instituée, par un système de consensus entre ses acteurs. Elle permet également de transformer tout actif en données numériques et d’en diviser sa valeur en jetons ou tokens.

En cela, elle est de nature à révolutionner, ou « disrupter » pour employer un terme à la mode, les méthodes en place. Elle permet d’accélérer et simplifier les transactions et surtout de rendre parfaitement liquides des actifs qui ne l’étaient pas ou peu. Les conséquences en gestion de patrimoine sont considérables.

Explications.

la blockchain comme technologie de transaction patrimoniale

La blockchain en tant que nouvelle technologie de stockage, partage, et vérification de l’information de manière décentralisée sans intermédiaire de contrôle, est à même de transformer profondément les transactions bancaires mais aussi monétaires, boursières, immobilières, assurantielles et juridiques.

qu’est-ce que la blockchain ?

Développée en 2008 par une personne, ou un groupe de personnes, connu sous le nom de Satoshi Nakamoto, la technologie de la blockchain a d’abord concerné le bitcoin, l’un des premiers actifs numériques.

La blockchain peut se définir comme une technologie de stockage et de transmission d’informations, sans autorité centrale, par consensus des intervenants.

La légitimité et la véracité de l’information et des transactions n’est pas portée par un tiers dit de confiance, telle une institution de contrôle, mais réside dans la technologie elle-même. La confiance naît de la vérification de l’information par de très nombreux intervenants, puis du partage et du stockage de l’information ainsi validée. Elle est infalsifiable en raison du très grand nombre des acteurs du réseau.

La blockchain est souvent comparée à un registre de données, partagé et stocké par tous les acteurs du réseau, sur lequel ces acteurs peuvent inscrire de nouvelles informations qui vont être à leur tour vérifiées puis stockées de manière indélébile.

 

Source : Ministère de l’Economie et des Finances
Fonctionnement de la blockchain :

Chaque partie au réseau est identifiée de manière cryptographique par :

  • une clé privée permettant de signer numériquement l’information ou la transaction et maintenant l’anonymat de l’intervenant, si telle est la règle du réseau, notamment dans les blockchains ouvertes.
  • une clé publique marquant chaque nouvelle information. Elle permet d’assurer la transparence sur la nature et la quantité des données échangées.

Lorsque deux acteurs du réseau réalisent une transaction entre eux, l’information est envoyée à un réseau d’ordinateurs, dits « nœud » de stockage, répartis dans le monde entier. Toutes les transactions émises au même moment sur le réseau sont réunies dans un ensemble dit « bloc ».

Des centres de données appelés « mineurs » vont alors, par des calculs mathématiques, déchiffrer, vérifier et valider le bloc d’information. Ce processus de minage est bien sur encadré par des règles strictes. Les mineurs sont rémunérés, souvent en crypto-monnaie (bitcoin), pour leur travail en fonction de leur rapidité d’exécution.

Lorsqu’un nouveau bloc est ainsi validé par les mineurs, il est rajouté aux précédents dans une chaîne dite chaîne de blocs, d’où le nom de « blockchain ». La transaction est alors effective. Cette chaine de blocs est infalsifiable et une copie en est transmise à tous les nœuds du réseau.

Cette technique permet la traçabilité de l’information qui, une fois intégrée de manière chronologique dans le système, devient indélébile.

Pour falsifier l’information, il serait nécessaire de la modifier au même moment sur au moins 51 % des nœuds. Cette opération est rendue très difficile, voire impossible, du fait du grand nombre de nœuds et de la simultanéité à laquelle il faudrait la réaliser.

Source : Institut des actuaires

Les avantages de la technologie de blockchain sont principalement :

  • sa rapidité : la validation d’un bloc se réalise en quelques secondes
  • la baisse du coût des transactions, du fait de l’absence d’intermédiaires
  • la sécurité car la vérification et la validation sont effectués par un grand nombre d’intervenants du réseau qui ne se connaissent pas. Il est donc beaucoup plus difficile de falsifier l’information ou de pénétrer le réseau que dans un système centralisé.

Les inconvénients sont principalement :

  • la taille des ressources informatique requises (des dizaines de milliers de machines) et leur consommation d’énergie nécessaire notamment au processus de minage.
  • l’absence de contrôle par une autorité publique notamment si les informations ou actifs échangés sont utilisés de manière similaire à des actifs régulés (crypto-monnaie par exemple).

Les réseaux de blockchain peuvent être publics et ouverts à tout intervenant (le bitcoin par exemple), ou privés et accessibles qu’à des acteurs connus et autorisés.

La technologie de la blockchain est nécessairement basée sur un actif numérique qui représente une information stockée et échangée. Il s’agit soit :

  • d’une crypto-monnaie
  • d’un token ou jeton, représentant un actif physique ou pas, sur lequel on souhaite réaliser la transaction.

Les actifs numériques sont reconnus et régis par le Code monétaire et financier (article L54-10-1 du Code monétaire et financier).

Initialement appliquée aux crypto-monnaies, cette technologie en dépasse déjà largement le cadre et commence à être utilisée dans le domaine bancaire, en Bourse mais aussi dans l’immobilier et demain la gestion de patrimoine.

Selon une étude de Goldman Sachs, la blockchain représentait déjà 6 milliards d’euros dans le monde en 2016.

la blockchain dans le monde bancaire

La blockchain est naturellement adaptée aux paiements bancaires. Même s’il n’existe pas à ce jour de blockchain interbancaire, les banques investissent fortement dans cette technologie.

La blockchain permettrait également de simplifier, de réduire le coût et de rendre plus rapide d’autres types d’opérations, tels le crédit ou les contrôles de conformité.

La blockchain et les transactions bancaires de paiement

La blockchain permettrait de valider des transactions bancaires sans chambre de compensation, dans des délais plus courts et en réduisant les coûts d’infrastructure.

Selon une étude de 2015, une économie de 15 à 20 milliards de dollars par an pourrait être réalisée sur les transactions de paiements grâce à cette nouvelle technologie.

Les banques l’ont bien compris et investissent dans des start-up de la blockchain ou signent des partenariats, tel celui mis en place entre 25 grandes banques mondiales et la société américaine R3 en 2015 dans un processus expérimental de blockchain de consortium.

Une blockchain interbancaire

L’objectif est de pouvoir créer une technologie de transaction et de partage d’informations utilisée par l’ensemble du domaine bancaire.

Le projet « MADRE » mis en place en 2016 par sept grands groupes bancaires français, sur l’initiative de la Banque de France, va dans ce sens. Les premières expérimentations permettent de partager avec la Banque de France les identifiants des créanciers SEPA.

L’utilisation de la technologie de la blockchain pour les paiements connaît pour l’instant des contraintes techniques :

  • la méthode de vérification aujourd’hui la plus utilisée « proof of work », même rapide, reste jusqu’ici plus lente que les systèmes de paiement actuels tel le système Visa (le réseau Visa peut réaliser environ 200.00 transactions à la seconde contre une dizaine seulement pour le Bitcoin par exemple).
  • les ressources informatiques et énergétiques nécessaires.

Mais de nouveaux protocoles de blockchain pourraient dépasser la vitesse de transaction du système Visa.

D’autres techniques de validation dans la blockchain sont développées (proof of stake) et seraient moins coûteuses en énergie.

Par ailleurs, les systèmes de paiement pourraient coopérer.

La blockchain permettrait également de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts d’autres opérations bancaires, telles que :

  • les crédits : du montage du dossier jusqu’à sa gestion
  • la mise en place de supports ou instruments financiers communs entre les banques
  • les procédures de conformité : connaissance du client, lutte contre la fraude et le blanchiment de capitaux (LCB/FT), lutte contre la corruption, vérification des contrôles eux-mêmes.

la blockchain et la monnaie

La technologie de la blockchain a introduit, avec les crypto-monnaies, de nouveaux supports de paiement. Les Etats et les Banques centrales ne peuvent pas rester passifs face au développement de ces monnaies n’ayant pas cours légal. Ils investissent donc également dans la technologie de la blockchain.

Quelles différences entre monnaie légale ou monnaie « fiat » et les crypto-monnaies ?

Seules les monnaies établies par décret d’État ont un cours légal. Leur émission et leur contrôle sont assurés par les Banques centrales. On parle de monnaie « fiat », du latin « fiat » signifiant « qu’il soit fait », utilisé également dans les pays anglo-saxons sous le terme de « fiat money », désignant une monnaie établie par une autorité étatique.

A noter

La monnaie fiduciaire n’est qu’une partie de la monnaie fiat. Elle représente la monnaie émise physiquement : pièces et billets.

En comparaison, une crypto-monnaie n’est établie qu’entre acteurs d’un réseau d’une blockchain, sans intervention d’une institution tiers. Elle n’a pas cours légal et n’est pas régulée par une institution. La confiance nécessaire à la monnaie n’est pas celle portée à une institution mais celle basée sur le consensus de validation du réseau de blockchain.

Si l’usage des crypto-monnaies se développaient fortement, les Etats et les Banques centrales perdraient à terme leur pouvoir de régulation de la masse monétaire.

Les Etats ne peuvent donc rester en marge de la blockchain et travaillent à la prise en compte de cette technologie.

De la prise en compte légale de la technologie de la blockchain

Les Etats intègrent la technologie de la blockchain dans leur réglementation.

Ainsi depuis 2017 en France, la blockchain est définie légalement (article L223-12 du Code monétaire et financier) et une ordonnance permet le transfert de titres financiers via cette technologie.

La loi Pacte de 2019 comporte également des dispositions relatives à la levée de fonds via la blockchain (« ICO », Initial Coin Offering) et aux activités des prestataires de service sur actifs numériques (PSAN).

A la création de monnaie numérique de banque centrale (MNBC)

Les Banques centrales entament également une réflexion pour créer leur propre monnaie numérique dite MNBC (Monnaie Numérique de Banque Centrale).

L’avantage est que cette monnaie est alors officielle et pilotée par les Banques centrales. Il s’agit alors d’une monnaie souveraine basée sur la technologie de la blockchain.

En mars dernier, la Chine a commencé à tester à Shanghai l’utilisation de sa monnaie souveraine numérique, le e-yuan, pour les paiements et prévoit prochainement de le lancer à Pékin. Ces enveloppes tests représentent près de 200 millions de yuans (environ 26 millions d’euros).

Le 28 avril dernier, la Banque de France a mené avec succès une première expérience d’utilisation de MNBC dans le cadre de la souscription de titres obligataires numériques émis par la Banque Européenne d’Investissement (BEI).

la blockchain et la bourse

La blockchain pénètre aujourd’hui le marché boursier par la prise en compte d’actifs numériques, principalement le bitcoin, comme actif d’investissement et également par la mise en place d’un cadre réglementaire à leur négociation.

Mais la technologie de la blockchain en elle-même n’est pas encore utilisée par les systèmes boursiers de cotation.

Des actifs numériques devenant de véritables actifs d’investissement

Longtemps réticents à la prise en compte des actifs numériques et notamment du bitcoin, les grands établissements bancaires et financiers commencent à adopter une position beaucoup plus ouverte à leur égard.

De grandes banques américaines ont ainsi développé cette année des supports structurés assis sur le bitcoin.

En Europe ou au Royaume-Uni, les établissements restent plus frileux à la mise en place de supports d’investissement basés sur des crypto-monnaies existantes, notamment en raison des risques de conformité associés (anonymat des intervenants et difficulté de traçabilité de l’origine des fonds …).

Pour autant, les établissements financiers européens et français investissent dans la conception de produits basé sur des actifs numériques, créé à cet effet et basé sur leur propre programme de blockchain.

Une nouvelle règlementation boursière sur les actifs numériques

Les nouvelles réglementations boursières intègrent les actifs numériques et la blockchain.

Ainsi en France, dans le cadre de la loi Pacte de 2019, les autorités boursières règlementent l’usage des actifs numériques et les activités des PSAN, notamment par l’instauration :

  • d’un visa optionnel pour les « ICO », Initial Coin Offering (méthode de levée de fonds via des actifs numériques, crypto-monnaies ou jetons)
  • d’un agrément optionnel pour les PSAN (prestataire assurant le service d’achat, de vente, de négociation et/ou de conservation d’actifs numériques).
  • d’un agrément obligatoire pour :
    • les activités de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers ou achat/vente d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal.
    • et depuis l’ordonnance du 9 décembre 2020 : pour tout acteur ayant une activité d’échange crypto – crypto. Ceux-ci doivent obligatoirement s’enregistrer auprès de l’AMF dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme (LCB/FT).

D’autre part, les PSAN et les plateformes d’échange de crypto-actifs ont l’interdiction d’ouvrir et de tenir des comptes anonymes et ont l’obligation de vérifier l’identité de leur client (KYC) et de valider leur connaissance.

Les Fonds professionnels spécialisés (FPS) et FCPI peuvent investir en actifs numériques dans la limite de 20 % de leurs encours.

Vers un système boursier basé sur la blockchain ?

Si le cadre réglementaire évolue pour tenir compte des transactions sur actifs numériques, il n’y pas à ce jour d’utilisation de la technologie de blockchain par les systèmes boursiers de cotation.

Dans les systèmes boursiers actuels, la transaction de titres repose in fine sur le dépositaire central qui est seul à tenir le registre des titres en circulation.

Mais des initiatives existent, et les marchés boursiers pourraient fonctionner à terme selon la technologie de la blockchain, sans organisme centralisateur.

la blockchain et le private equity

Demain, les sociétés non cotées en Bourse pourraient réaliser leurs opérations en capital (levée de fonds, entrée et sortie d’actionnaires) via la blockchain, simplifiant le processus actuel relativement lourd.

La blockchain aurait pour avantage dans ce domaine de faciliter la levée de fonds mais aussi la sortie des actionnaires et la liquidité de leurs parts. L’investissement en Private Equity en serait alors profondément transformé.

Il en serait de même du financement par la dette privée.

Les plateformes de crowdfunding pourraient utiliser la technologie de la blockchain et également les procédures de ICO.

la blockchain et l’immobilier

Une toute première transaction immobilière via la blochchain a eu lieu en France en juin 2019.

Deux promoteurs ont ainsi acheté, par la technologie de la blockchain, un hôtel particulier dans la région parisienne auprès d’une personne physique pour une valeur de 6,5 millions d’euros. La technologie de la blockchain a considérablement accéléré l’exécution de cette transaction par rapport aux délais habituels.

De la mise en contact entre acquéreur et vendeur, à la signature électronique, en passant par la vérification des informations nécessaires au contrat de vente, le déroulement de la vente est significativement plus rapide que le processus actuel. La validation notariée elle-même se base alors sur la technologie de la blockchain.

En matière immobilière, la blockchain est également adaptée à la tenue de cadastre. Elle permet de stocker de manière rapide et fiable les informations sur le terrain et sa propriété. La Géorgie utilise cette technologie depuis 2016 pour enregistrer les titres de propriété. Cette technologie se développe rapidement dans des pays où les cadastres sont jusqu’ici peu renseignés tels le Ghana, le Honduras mais aussi le Brésil et dans des pays souhaitant optimiser la tenue de leur cadastre, telle la Suède.

L’ensemble des acteurs du secteur immobilier (agents immobiliers, banques, notaires …) faisant partie d’un même réseau blockchain peuvent alors consulter facilement les titres de propriété mais également les caractéristiques d’un bien (surface, taxes foncières, hypothèque…). Ce qui facilite et accélère significativement les opérations liées à l’immobilier (crédit, mais aussi acte de donation, succession…).

la blockchain et la gestion des données juridiques et patrimoniales

Après l’immobilier, la blockchain serait à même de révolutionner le monde plus large du droit. L’information étant vérifiée et digitalisée, notaires et avocats peuvent la partager rapidement.

Un acte de donation, ou une succession, pourraient idéalement se gérer en quelques clics.

Plus généralement, le domaine des contrats peut être totalement automatisé par cette technologie. Une blockchain a déjà permis de mettre en place des « smart contracts » ou contrats intelligents. Ces contrats stockés dans la blockchain s’exécutent automatiquement selon le protocole établi dès lors qu’une information déclencheuse est validée.

Le monde de l’assurance-risque est l’un des premiers à l’avoir appliqué. Certaines compagnies ont déjà mis en place des « smart contracts » permettant l’automatisation de procédures et le remboursement de sinistres, pour rembourser par exemple automatiquement les passagers d’un vol annulé si les conditions sont remplies.

Ce type d’application peut également concerner rapidement le secteur de l’assurance-vie, mais aussi l’activité des conseillers en gestion de patrimoine ou des Family Office pour l’activation et le suivi des opérations patrimoniales de leurs clients.

la blockchain et la « tokenisation » : quand tous les actifs peuvent devenir liquides

Basée sur des actifs numériques, les tokens, une blockchain procède à une forme de titrisation et de cotation continue des actifs réels ainsi représentés.

Les conséquences sont significatives en matière de valorisation mais aussi de volatilité, de risque et de rendement. Cette tokenisation change la nature même des actifs peu ou pas liquides.

qu’est ce que la tokenisation ?

La tokenisation consiste en la création d’actifs numériques qui n’existent et n’ont de valeur que dans une blockchain et qui représentent dans ce système tout ou partie d’une donnée réelle ou d’actif réel matériel ou pas : immobilier mais aussi part sociale ou action de société par exemple.

La tokenisation permet de sécuriser l’information relative à la donnée ou à l’actif concerné par un système de codage. Les tokens ou jetons représentant une donnée ou un actif peuvent être partagés et échangés sur une blockchain.

La tokenisation est donc à la fois la représentation numérique des informations et des données réelles et leur sécurisation via le codage.

Mais la tokenisation permet également de créer des actifs représentatifs d’actif réel et d’en diviser leur valeur. La valeur d’un actif peut ainsi être représentée dans une blockchain par un grand nombre d’unités de tokens.

Dès lors, il est possible de vendre une infime partie de cet actif, ou plutôt de sa représentation dans cette blockchain, alors que cet actif serait difficilement divisible dans la réalité, tel un bien immobilier par exemple.

La tokenisation s’apparente alors à une forme de « titrisation numérique ».

Ce procédé est déjà présent dans les ICO. Les jetons acquis permettent d’investir dans la levée de fonds d’une société pour des valeurs relativement faibles, rapidement et automatiquement.

Le marché immobilier également se prête à la tokenisation. Lors de la première vente immobilière en France via une blockchain dont nous avons parlé précédemment, ce n’est pas le bien immobilier directement mais le capital de la société acquéreur qui a été représenté et divisé en tokens dans cette blockchain. Ces tokens peuvent alors faire l’objet de transactions sur la blockchain. Par-là, ce sont des parts numériques de la société et donc du bien immobilier qui s’échangent librement.

les effets de la tokenisation sur les actifs jusqu’ici non liquides

Si la tokenisation peut porter sur n’importe quel actif, c’est dans le domaine des actifs non liquides que son application est la plus transformante.

Des biens immobiliers peuvent devenir totalement liquides dans une blockchain. Il serait possible d’acheter une part numérique infime d’un bien.

Les sociétés civiles (SCI et SCPI) qui permettent d’acquérir, de détenir et d’investir à plusieurs ont pour principal inconvénient leur manque de liquidité.  La numérisation sous forme de token du capital de ces sociétés dans une blockchain ouvre la voie à une totale liquidité de ce marché.

Il pourrait en être de même du marché de l’art par exemple et de manière générale de tout actif. Les valeurs des actifs de marché non liquides s’en trouveraient totalement modifiées.

La valeur d’un token représentant un actif n’existe que dans une blockchain. Mais cette valorisation d’actifs numériques représentatifs influence directement la valeur réelle du bien et pourrait même en être la principale référence si le bien est totalement représenté sur cette blockchain, que les transactions sont nombreuses et que le « flottant » d’actifs numériques est significatif.

Par ailleurs, si un contrat juridique réel matérialisant la propriété est signé et qu’il est ensuite digitalisé sur une blockchain sous forme de token, ce token dit « token d’actifs » représente bien un droit de propriété direct. Sa valeur influence alors directement la valeur réelle du bien.

Mécaniquement, la valeur d’un actif peu liquide s’accroît lorsqu’il accède, par un système de marché, à la liquidité. Il en serait de même via une blockchain. La valeur des actifs peu liquides serait plus importante que leur valeur actuelle. Ils perdront en effet leur caractère non liquide, et de ce fait la décote ou prime de liquidité.

Par ailleurs, leur valeur sur cette blockchain varierait en continu, au fil des transactions. Mais cette valorisation continue crée nécessairement de la volatilité sur ces actifs.

Les biens immobiliers connaissent des variations de valorisations importantes comme tout marché (forte augmentation depuis 10 ans mais aussi forte baisse pendant des périodes de crise comme dans les années 1990). Ces variations sont significativement plus lentes que sur les marchés cotés en continu comme les actions par exemple. Leur tokenisation modifierait profondément l’évolution des valorisations. Un bien immobilier tokenisé pourrait perdre ou gagner de la valeur en une seule journée ou même quelques secondes.

Les SCPI dont nous parlions tout à l’heure gagneraient donc en liquidité mais accroîtraient également leur volatilité sur une blockchain.

Or les actifs actuellement moins liquides, notamment les actifs réels comme l’immobilier, permettent d’isoler l’investisseur du risque de volatilité, souvent mal supporté. L’investissement immobilier est souvent préféré par les Français pour cette raison.

La tokenisation de ces actifs signerait la fin de ces « havres de paix » patrimoniaux, relativement décorrélés de la volatilité des marchés.

En contrepartie, la volatilité est également un risque qui crée du rendement. On ne peut donc pas tout avoir mais les investisseurs sont-ils prêts à l’accepter ?

Ces valorisations accessibles et continues auraient également un impact en matière fiscale puisqu’elles pourraient servir de valeur comparable, facilement accessible et vérifiable pour le calcul de droits de donation par exemple ou pour l’établissement d’imposition comme l’IFI.

 

 

La technologie de la blockchain est donc à même de révolutionner profondément le monde de la gestion de patrimoine.

Outre les avantages de rapidité et de sécurité des transactions, la spécificité de la blockchain est de modifier la nature même des actifs patrimoniaux, leur donnant une existence numérique, divisant et « titrisant » leurs valeurs très facilement et les rendant rapidement échangeables.

L’usage plus généralisé de la technologie de la blockchain aurait alors pour effet d’accroître la liquidité, et par là la volatilité, y compris sur des marchés qui en étaient le plus préservés jusqu’ici comme l’immobilier.

Dans un tel scénario, la question est de savoir comment rester investisseur de long terme quand la technologie pousse à l’immédiateté et à l’hyper-liquidité ? Les professionnels de la gestion de patrimoine, déjà face à cette difficulté sur les marchés boursiers, devraient alors se préparer à la rencontrer sur les autres actifs patrimoniaux.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine