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Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Les SCPI, OPCI, SCI, encore connues sous le nom de « pierre papier », font face à un environnement difficile en 2023 : le point sur ces supports d’investissement.    

 

Les SCPI, OPCI et SCI permettent d’investir en immobilier sans acquérir directement des immeubles physiques mais en devenant associé ou détenteur de parts d’une structure qui va elle-même procéder à ces acquisitions et gérer les biens. Ces investissements sont ainsi qualifiés de « pierre papier » : « pierre » car in fine les fonds sont investis dans de l’immobilier physique et « papier » car les investisseurs acquièrent des parts sociales et non l’immobilier directement. Les avantages de ces supports sont nombreux : ticket d’entrée relativement faible comparativement à l’immobilier en direct, forte diversification des investissements, gestion totalement déléguée, et rendements réguliers et plus élevés que les taux d’intérêt obligataires ces dix dernières années. Ces atouts ont fait de la « pierre papier » un investissement privilégié des investisseurs recherchant principalement des revenus réguliers. L’univers de taux bas que nous avons connu ces dernières années a néanmoins fait oublier les risques et inconvénients de ce type d’investissement, avant que ce début d’année 2023 ne nous les rappelle. Explications.

SOMMAIRE

  • Qu’est-ce que la pierre-papier non cotée : SCPI, OPCI, SCI ?
  • SCPI, OPCI, SCI : comparaison avec l’immobilier en direct
  • Quels rendements et quels risques dans l’environnement actuel ?

Qu’est-ce que la pierre-papier non cotée : SCPI, OPCI, SCI ?

SCPI, OPCI, SCI, voyons les principales différences de ces supports.

Les SCPI, l’investissement « pierre papier » le plus connu

Premiers supports types « pierre papier » créés, les SCPI sont aujourd’hui largement développées et représentent plus de 89 milliards d’euros au 31/12/2022. Mais de quoi s ‘agit-il exactement et comment fonctionnent-elles ?

 

Qu’est-ce que les SCPI ?

Juridiquement la SCPI est régie par les articles 1845 du code civil et suivants, tout comme les sociétés civiles dans leur ensemble. Au sens de la  Directive AIFM (directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs), la SCPI entre dans la catégorie des FIA (fond d’investissement alternatif), c’est-à-dire des fonds autres que les OPCVM (Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières) conformes à la Directive 2009/65/CE (Directive OPCVM IV).

Une société civile de placement immobilier (SCPI) est donc un véhicule de placement collectif qui collecte des fonds auprès des particuliers afin d’acquérir un patrimoine immobilier et de gérer sa mise en location (revenus). Le capital social d’une SCPI est au minimum de 760.000 €.

Dans le cadre de sa gestion immobilière, la SCPI peut ponctuellement céder une partie de ses actifs mais n’a pas le statut juridique pour s’orienter vers une activité de marchands de bien et ne peut réaliser des opérations de promotion immobilière. En contrepartie de son investissement, les épargnants reçoivent des parts sociales.

Les typologies d’actifs gérés par les SCPI sont variées (bureaux, commerces, résidentiels) mais peuvent aussi concernés des secteurs plus spécifiques (santé, éducation, logistique ou encore hôtels, tourisme et loisirs). Les SCPI peuvent investir en France mais se sont de plus en plus ouvertes ces dernières années au marché européen et britannique.

Les SCPI de bureaux représentent 65% des SCPI hors résidentiel, tandis qu’à l’opposé les SCPI de logistique et locaux d’activité représentent environ 1% des SCPI.

Certaines SCPI sont diversifiées sur plusieurs thématiques (principalement bureaux et commerces), elles représentent 15,60% des SCPI. Élément clé pour les investisseurs, le TDVM (taux de distribution sur valeur de marché) en 2022 est de 4,53% pour la moyenne du marché.

Qu’est-ce que le TDVM ? Le TDVM (Taux de Distribution sur Valeur de Marché) correspond au montant des dividendes bruts avant fiscalité distribué par la SCPI l’année N rapporté à la valeur de marché de la part de SCPI pour cette même année.

Comment souscrire ou vendre des parts de SCPI ?

Les parts de SCPI sont le reflet du capital de la SCPI divisé en nombre de parts (montant minimal d’une part fixé à 150 € par la règlementation). La part de SCPI est un titre financier inscrit en nominatif (par opposition aux actions par exemple qui sont par défaut « au porteur » sauf exceptions). Ainsi la SCPI tient un registre et connait ses investisseurs. Il existe 2 catégories principales de SCPI :

  • celles à capital fixe (fermées à la commercialisation) pour lesquelles il est possible de souscrire sur le marché primaire (à l’émission ou lors d’une augmentation de capital) et sur le marché secondaire (prix de la part fonction du carnet d’ordre d’achat-vente).
  • celles à capital variable prévoyant pour le retrait d’un associé, un prix de part fixé par la société de gestion en fonction de la valeur réelle des actifs détenus (valeur de retrait).

Différentes valeurs interviennent donc :

  • La valeur de réalisation dépend de la valeur vénale du patrimoine immobilier détenu par la SCI et des autres actifs financiers.
  • La valeur de reconstitution correspond à la valeur de réalisation augmentée des frais d’acquisition s’il fallait reconstituer le patrimoine de la SCPI (droits de mutation …).
  • Le prix de souscription TTC composé de la valeur de souscription de la part, fixée par la société de gestion en fonction de l’offre et de la demande mais aussi de la valeur de réalisation. Cette valeur de souscription est augmentée des frais de souscription.

Par principe, la valeur de souscription est égale à la valeur de réalisation (somme des actifs) toutefois les SCPI ont une marge de valorisation de leur part de 10% à la hausse comme à la baisse.

  • Le prix de retrait d’une part correspond au prix de souscription de la part à la date du retrait diminué des frais de souscription.

La liquidité des parts de SCPI est donc fonction de la possibilité de la société de gestion de compenser les demandes de retrait par les nouvelles souscriptions (ou du carnet d’ordre pour les SCPI à capital fixe).  La liquidité des parts de SCPI dépend donc du marché de l’offre et de la demande de parts.

Qu’est-ce que les OPCI ?

Les OPCI ont été lancés en 2008 pour offrir aux épargnants une alternative aux SCPI :

Les OPCI (organisme de placement collectif en immobilier) sont donc une forme hybride de placement investi à la fois en actifs immobiliers mais aussi en actifs financiers. L’OPCI doit respecter deux bornes minimales sur chaque poche d’investissement à raison d’au moins 60% d’actifs immobiliers et 5% d’actifs liquides pour assurer les retraits. Le solde de 35% est librement investi par le gestionnaire de l’OPCI (actions, obligations ou autres instruments financiers).

 

Qu’est-ce que les SCI (société civile immobilière) ?

Classées également dans la catégorie des FIA, elles trouvent majoritairement leur place au sein des contrats d’assurance vie. Les SC ou plus précisément SCI (Sociétés Civiles Immobilières) fonctionnent sur le même modèle que les SCI familiales mais sont ici créées par des sociétés de gestion et les associés en sont les compagnies d’assurances pour le compte des souscripteurs.

Elles sont assimilables à des « fonds des fonds » et peuvent investir dans tout type d’actifs immobiliers y compris en parts de SCPI. Cette souplesse permet notamment des thématiques très précises comme l’investissement sur la thématique du viager par exemple.

Les SCI ont également pour avantage de ne pas avoir d’obligation de distribution de leurs revenus. Elles peuvent donc les capitaliser augmentant ainsi leur valeur.

Enfin, les parts des SCI sont la propriété de l’assureur. Selon les caractéristiques du contrat d’assurance, le client souscripteur peut plus facilement procéder à un désinvestissement, soit par arbitrage, soit par rachat partiel. Le client investisseur peut bénéficier ainsi d’une meilleure liquidité, sous réserve des conditions de fonctionnement du contrat concernant ce type d’unité de compte.

Quelques chiffres au 31/12/2022 :

Source : ASPIM

SCPI, OPCI, SCI : comparaison avec l’immobilier en direct

L’immobilier « papier » ou indirect est une alternative à un investissement immobilier en direct. Quels sont les points communs et les différences de ces deux types d’investissement ?

Comparaison en termes de gestion

Outre la possibilité d’investir sur de l’immobilier avec des montants plus faibles qu’un investissement en direct (il suffit en général de quelques milliers d’euros), les avantages principaux de la « pierre papier » se situent dans la diversification des investissements et la facilité de gestion. Les SCPI, OPCI, SCI permettent aux investisseurs d’accéder au marché immobilier avec :

  • une multiplication et mutualisation des investissements diluant le risque locatif sur un grand nombre d’actifs immobiliers.
  • une gestion totalement déléguée à la société de gestion ce qui permet d’éviter la lourdeur et le temps passé à la gestion de l’immobilier en direct.
  • des frais compris dans les frais de gestion de la société gérante alors que l’immobilier en direct demande à budgéter les charges annuelles (taxes foncières …) et les travaux à prévoir.

Chaque société de gestion est tenue de remettre un rapport annuel de gestion à ses associés. Ce rapport offre une transparence totale de l’information (biens détenus avec adresse, nombre d’associés et données comptables). Ce rapport permet également d’accéder à des indicateurs clés, indispensables à vérifier avant tout investissement :

  • Le taux d’occupation financière (loyers réellement encaissés / potentiel de location à 100% du patrimoine de la SCPI).
  • La durée des baux.
  • La capitalisation de la SCPI.
  • Le montant de report à nouveau.

Comparaison en termes de fiscalité

La fiscalité est différente selon le type de supports : SCPI, OPCI, SCI.

Une fiscalité des SCPI et des SCI comparable à la détention immobilière en direct

Par principe, les SCPI et SCI sont soumises au même régime d’imposition que l’immobilier détenu en direct. Elles sont ainsi imposables :

  • à l’IR dans la catégorie des revenus fonciers au réel (pas de possibilité d’application du régime micro foncier sauf si des revenus fonciers sont déjà perçus sur des actifs en direct et que le seuil global de 15.000 € est respecté). Le revenu foncier net distribué est soumis à :
    • la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu (tranche marginale d’imposition de 11 % à 45%). L’IR s’applique après déduction de la CSG déductible de l’année précédente (taux de 6,8 %).
    • la CEHR (contribution exceptionnelle aux hauts revenus).
  • aux prélèvements sociaux : Le revenu net foncier est soumis aux prélèvements sociaux de 17,20% (CSG, CRDS et Prélèvements sociaux).
  • au régime des plus-values immobilières des particuliers en cas de plus-value de cession (IR au taux de 19 % et prélèvements sociaux à 17,2 % sur la plus-value nette après abattements pour durée de détention ; taxe supplémentaire pour les plus-values excédant 50.000 €).
  • à l’IFI : La valeur des parts de SCPI est déclarée à l’actif de l’IFI et est soumise au calcul de l’IFI selon le barème en vigueur.

Certaines stratégies de détention des parts peuvent permettre de répondre aux contraintes fiscales des épargnants (financement à crédit, détention en assurance vie ou encore achat en nue-propriété). Chacune de ses formes d’acquisition comprend des avantages et des inconvénients qu’il convient d’expliquer à l’investisseur.

A noter : La SCPI dite « européenne » permet d’atténuer l’effet de la fiscalité de la SCPI détenue en direct notamment par l’application des conventions internationales.

Une fiscalité des OPCI comparable à celle des valeurs mobilières de placement

Par principe, les OPCI du type SPPICAV relèvent du régime des valeurs mobilières. Les revenus et plus-values sont imposables à la flat tax au taux de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % de prélèvements sociaux) ou sur option du contribuable pour l’ensemble de ses revenus de capitaux mobiliers, revenus et plus-values peuvent être imposés au barème de l’IR (auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux à 17,2 %). La fiscalité dépend également du mode de détention, soit en assurance vie (fiscalité propre à l’assurance-vie), soit en compte-titres ordinaire (flat tax ou option pour le barème de l’IR). Les OPCI revêtant la forme de FPI sont imposables :

  • dans la catégorie des revenus fonciers pour la partie du revenu distribué correspondant aux loyers
  • au titre du revenus de capitaux mobiliers pour la partie de revenu distribué provenant de la gestion des actifs financiers.

En termes de plus-value, les OPCI sous forme de SPPICAV sont imposées à la flat tax au taux de 30 % (prélèvements sociaux inclus). Les OPCI sous forme de FPI relèvent du régime des plus-values immobilières des particuliers. Les OPCI sont de manière générale imposables à l’IFI.

Quels rendements et quels risques dans l’environnement actuel ?

Depuis le début de l’année, la conjoncture économique ouvre une nouvelle période pour l’investissement en « pierre papier » dans laquelle les rendements sont sous pression et les risques renforcés.

Rendements de la pierre papier : le passé ne préjuge pas de l’avenir

La « pierre papier » offrait ces dernières années des rendements annuels nets de frais de gestion de l’ordre de 4 à 6 % selon le type de biens détenus et le type de supports, les OPCI affichant un rendement inférieur aux SCPI compte tenu de leur contrainte d’investissement. Ces rendements sont néanmoins en baisse constante depuis une vingtaine d’année, passant de 8 % en 1999 à une moyenne de 4 % en 2020. En cause, la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt. Un rendement de 4 % ces dernières années plaçait néanmoins ces supports nettement au-dessus des taux d’intérêt obligataires ou de ceux des livrets, du moins jusqu’en 2022.

Le retour de l’inflation en 2022, conjuguée à des politiques de fortes remontées des taux par les banquiers centraux, ont rebattu le paysage des placements. Dépôt à terme, sicav monétaire, obligations retrouvent des rémunérations perdues de vue depuis plusieurs années. L’OAT 10 ans rémunère ainsi au 6 octobre au taux de 3,49% quand il y a encore 18 mois son taux était négatif.

Les rendements de la « pierre papier » souffrent par ailleurs de la crise du secteur de l’immobilier de bureau et de la montée des coûts d’investissement liés à la hausse des taux d’intérêt et aux nouvelles normes environnementales. Les fonds immobiliers ont la possibilité de puiser dans leurs réserves (report à nouveau) pour accroître leurs revenus de distribution lorsque le rendement purement immobilier baisse mais cela n’a qu’un temps et impacte dans tous les cas la valeur de la part à terme.

 

SCPI, OPCI, SCI : des risques de valorisation et de liquidité plus prononcés

La pression sur les rendements engendre la montée de deux autres risques, souvent liés, et qui avait ces dernières années tendance à s’oublier : celui de la baisse de la valorisation et celui de la liquidité. La revente des parts de SCPI suppose :

  • la présence d’investisseur se positionnant à l’achat pour les SCPI à capital fixe. La revente pour ce type de SCPI ne s’effectue que via le marché secondaire et dépend donc de l’offre et de la demande. Si les acquéreurs étaient nombreux ces dernières années compte tenu de l’attrait de la « pierre papier », ils se font nettement plus rares depuis début 2023.
  • Le rachat des parts par la SCPI elle-même pour les SCPI à capital variable. Ceci suppose que la SCPI ait les liquidités nécessaires. Si les demandes de rachat deviennent particulièrement nombreuses, la SCPI crée un fonds de remboursement en vendant ces biens immobiliers les plus liquides. Les SCPI à capital variable peuvent également organiser un marché secondaire.

Dans les deux cas, l’arrivée importante de vendeurs a un fort impact sur la valeur des parts. Les SCI subissent le même phénomène en cas de mouvement vendeur et les OPCI n’en sont pas préservés non plus car leurs réserves obligatoires de liquidités restent limitées.

Parallèlement, les acquéreurs se font moins nombreux. Sur le premier semestre 2023, la collecte nette sur les SCPI a baissé de 23 % par rapport au premier trimestre 2022, selon les chiffres de l’ASPIM (Association française des sociétés de placement immobilier). Au deuxième trimestre 2023, la collecte est encore en repli de 28 % par rapport au premier trimestre de l’année. Si les demandes de retrait s’intensifient, le risque est une absence de liquidité et un délai de réalisation de la vente plus ou moins long.

Les fonds immobiliers commencent à ajuster la valeur de leur part à la baisse. Un grand nombre de SCPI commencent à diligenter des expertises de leur patrimoine immobilier en ce sens. Dans la conjoncture, l’AMF exige des sociétés de gestion immobilière une transparence sur la valeur de leur bilan.

Lors de la crise immobilière des années 1990, la valeur des parts de SCPI avaient baissé de plus de 40 %. Des données que les investisseurs ont souvent oublié ces dernières années. Espérons que les tensions actuelles du marché ne riment pas avec le retour de ces mauvais souvenirs.

Auteurs

Anne Brouard et Guillaume Thierry 

 Anne Brouard est Intervenante-formatrice pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Guillaume Thierry est conseiller patrimonial, diplômé du CESB-CGP