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Combien coûte la dépendance ? Comment la financer ?

Combien coûte la dépendance ? Comment la financer ?

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, la dépendance devient un sujet aussi important que la retraite. Quels coûts entraîne-t-elle ? Comment la financer ?

 C’est un fait, le vieillissement de la population française s’accélère.

Cette accélération est due en partie à l’allongement de l’espérance de vie, mais surtout à l’avancée en âge des baby-boomers. Cette génération, née entre 1945 et 1975, constitue les retraités d’aujourd’hui et de demain.

En 1975, 13 % de la population avait 65 ans ou plus, contre 20 % en 2019. Cette tendance à la hausse se poursuivra dans les prochaines années, avec une forte augmentation de la part des 75 ans ou plus, au fur et à mesure que les baby-boomers vont atteindre cet âge (source INSEE).

Source : INSEE

 

Le vieillissement de la population française conduira dans les années à venir à une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes.

Ainsi, en supposant une stabilité de la durée de vie moyenne en dépendance, 1 200 000 personnes seront dépendantes en 2040, contre 800 000 actuellement (source INSEE).

L’état de dépendance se matérialise par l’impossibilité de réaliser certains actes de la vie courante (se laver, s’habiller, se nourrir…) ou par l’altération des facultés cognitives (se repérer dans l’espace et dans le temps), liés à l’âge.

Source : CREDOC 2005

 

 

Une situation de dépendance peut être gérée efficacement au niveau juridique avec la mise en place de mesures adaptées lorsque la dépendance survient. Des mesures juridiques peuvent également être prises en amont afin de se préparer à une situation dans laquelle les facultés cognitives seraient altérées.

C’est alors que plusieurs questions se posent :

  • Quel est le coût de la dépendance ?
  • Comment financer ce coût ?
  • Comment préparer la transmission tout en assurant le financement de la dépendance ?

Après avoir analysé le coût de la dépendance, nous verrons quelles solutions existent aujourd’hui pour préparer financièrement cette situation.

Nous étudierons ensuite les solutions qui permettent de préparer la succession, tout en assurant une couverture financière en cas de perte d’autonomie.

SOMMAIRE

  • Quels coûts faut-il prévoir en cas de dépendance ?
  • Dépendance : quelles solutions financières ?
  • Financer la dépendance et préparer la transmission : les solutions juridiques

ls coûts faut-il prévoir en cas de dépendance ?

 

Le coût de la prise en charge d’une personne âgée dépend de son niveau de dépendance. La perte d’autonomie entraîne des dépenses parfois très lourdes à assumer (aménagement du domicile, embauche d’une aide à domicile, hébergement en résidence médicalisée…). Les revenus des retraités et les aides de l’État s’avèrent alors souvent insuffisants pour y faire face.

 Lorsque la personne peut continuer à vivre à son domicile, le tarif de la prestation d’une aide-ménagère ou d’une aide à domicile s’élève à environ 15 € par heure. Lorsque l’état de santé de la personne âgée nécessite la présence d’une tierce personne 24 heures sur 24, le coût horaire est de l’ordre de 22 €, soit 264 € par jour.

 C’est souvent à ce moment-là que la personne âgée intègre un EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes), afin d’y recevoir des soins et une surveillance constante. Défini selon le niveau de dépendance (GIR (Groupe iso-ressources) 1 à 6), le coût médian d’un hébergement en EHPAD est de 2 000 € par mois en établissement public et de 3 000 € par mois en établissement privé, mais l’hébergement et les soins dans des structures spécialisées de certains EHPAD (comme les unités Alzheimer)  peuvent coûter nettement plus cher. Ces prix évoluent également selon le lieu de l’établissement (grande ville, périphérie …). Le tarif moyen à Paris est de l’ordre de 4000 € par mois.

 Selon leur degré de dépendance, les personnes âgées peuvent percevoir différents types d’aides.

Les personnes ayant des besoins en aide humaine limités seront d’abord aidées par leur entourage. Puis, l’intervention d’une aide à domicile devient souvent nécessaire. Enfin, quand le maintien à domicile n’est plus possible, un hébergement en EHPAD est envisagé.

 

Le financement de la dépendance des personnes âgées peut être pris en charge en partie par des aides de l’État, comme :

  • L’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) : il s’agit d’une participation au financement d’une aide à domicile dans le cadre d’un maintien à domicile, ou au financement d’un hébergement en EHPAD, le cas échéant.Toutefois, son montant est limité et ne couvre jamais la totalité des frais engagés.
  • Les aides au logement : l’APL (Aide Personnalisée au Logement), pour les séjours en maison de retraite conventionnée, et l’ALS (l’Allocation de Logement Sociale) pour les autres établissements. Toutefois, ces aides sont destinées uniquement aux personnes à revenus modestes.
  • L’ALD (Affection Longue Durée) : Ce dispositif permet la prise en charge de pathologies qui nécessitent un traitement prolongé et coûteux. Toutefois, il ne s’agit que d’une aide financière pour la prise en charge de traitements médicaux, et pas d’une aide humaine pour les actes de la vie courante.

 

Les aides publiques sont donc limitées et ne permettent pas d’assurer une prise en charge suffisante de la dépendance. Le reste à charge des résidents en EHPAD s’élève en moyenne à 1800 € par mois.

Il existe néanmoins des solutions financières pour se préparer à une éventuelle situation de dépendance.

Dépendance : quelles solutions financières ?

 Nombreux sont les Français qui prennent des dispositions pour préparer leur retraite. Mais il est nécessaire également de prendre des dispositions pour s’assurer une fin de vie sereine, y compris lorsqu’on devient dépendant.

 Pour financer la dépendance, il est possible de recourir à plusieurs outils :

  • un contrat de couverture complémentaire via les mutuelles:

Une bonne couverture santé permet de prendre en charge de façon plus large les soins médicaux, dont le coût augmente avec l’âge, et notamment les dépassements d’honoraires de certains spécialistes.

En contrepartie du versement de cotisations, l’assureur garantit le versement d’une rente viagère, ou parfois d’un capital, à l’assuré en cas de perte d’autonomie médicalement constatée.

Ces contrats peuvent couvrir la dépendance totale et/ou partielle.

Certains contrats prévoient également un capital « équipement » permettant de financer l’aménagement du logement pour favoriser le maintien à domicile.

L’âge minimum de souscription varie selon les contrats, en général de 50 à 75 ans. L’âge maximum dépend également du contrat, généralement entre 70 et 80 ans. Le montant des cotisations est fonction de l’âge du souscripteur. Plus le souscripteur est âgé, plus les cotisations sont élevées. Le paiement des cotisations s’effectue tant que le risque de dépendance n’est pas survenu.

En cas de dépendance, le paiement des cotisations cesse et la rente viagère est versée.

Environ 7 millions de personnes ont souscrits ce type de contrat en France à fin 2017, pour une cotisation moyenne de 39 € par mois et une rente viagère de 598 € par mois, selon la FFA (Fédération Française des Assurances).

 
Les professionnels ont créé le label GAD (Garantie Assurance Dépendance) pour les garanties d’assurance couvrant la dépendance lourde.

Les contrats labellisés GAD Assurance Dépendance doivent respecter un cahier des charges minimum qui prévoit notamment :

  1. un vocabulaire commun
  2. des critères communs d’appréciation de la perte d’autonomie (notamment 3 situations dans lesquelles l’assuré sera nécessairement reconnu en état de dépendance lourde)
  3. une garantie viagère, l’assureur ne pouvant résilier le contrat qu’en cas de non-paiement des cotisations
  4. une rente minimale en cas de dépendance lourde de 500 € par mois
  5. une absence de sélection médicale avant 50 ans (sauf invalidité ou Affection Longue Durée (ALD ) préexistante)
  6. une information annuelle sur le montant des cotisations, des garanties et de leur revalorisation
  7. en cas d’interruption du paiement des cotisations, un maintien partiel de la garantie prévue en cas de dépendance lourde.

 

  • Un contrat de Prévoyance:

Ce contrat protège les souscripteurs contre les risques majeurs de la vie : décès, invalidité, incapacité (arrêt de travail). Certains contrats de Prévoyance proposent également une garantie dépendance. Cette garantie peut être incluse dans les garanties de base, ou en option. Dans ces contrats, la dépendance partielle n’est pas toujours couverte.

  • Les outils d’épargne retraite favorisant la constitution d’une rente viagère permettent également de financer la dépendance. Comme son nom l’indique, la rente viagère constitue un complément de revenu que son titulaire va percevoir jusqu’à son décès.

Parmi ces outils, le PER (Plan d’Epargne Retraite) permet de constituer un capital, via des versements ponctuels ou réguliers. A l’âge de la retraite, le titulaire d’un PER peut choisir de retirer le capital constitué ou de le percevoir sous forme de rente viagère, ou une partie en capital et une partie en rente.

Cette rente constitue également un moyen efficace de financer des dépenses liées à une perte d’autonomie.

D’autre part, pendant la phase d’épargne, le titulaire du PER bénéficie d’une économie d’impôt, les cotisations étant déductibles des revenus imposables.

Au-delà de ces solutions financières, des solutions juridiques existent pour préparer sa succession, tout en s’assurant des revenus pour faire face à une situation de dépendance.

 

Financer la dépendance et préparer la transmission : les solutions juridiques

 

Le coût d’une succession peut être élevé, notamment lorsqu’elle comprend des biens immobiliers.

L’actif successoral est taxé selon le barème de l’article 777 du Code Général des Impôts (après abattement selon le lien de parenté entre le défunt et ses héritiers).

Le taux de taxation peut aller jusqu’à 45 % pour les héritiers en ligne directe (ascendants et descendants), et jusqu’à 60 % pour les personnes n’ayant pas de lien de parenté.

Commencer à transmettre ce patrimoine le plus tôt possible permet de réduire le coût de la transmission, notamment par des donations.

Mais se démunir de son patrimoine, c’est également disposer de moins de ressources en cas de dépendance.

Il existe néanmoins des outils juridiques permettant de transmettre tout en préservant les revenus des biens en cas de dépendance.

 

Préparer la transmission sans se démunir en cas de dépendance

Les solutions pour commencer à transmettre tout en conservant les revenus de son patrimoine passent par des donations spécifiques :

  • La donation en nue-propriété :

Source : Pauline Rosso, Momentum Patrimoine pour l’ESBanque

 

Ce type de donation consiste à ne donner que la nue-propriété d’un bien et d’en conserver l’usufruit, c’est-à-dire les revenus et l’usage.

Cette réserve d’usufruit permet au donateur de continuer à habiter ou à percevoir les loyers d’un bien immobilier par exemple.

Le donateur peut également prévoir une réversion d’usufruit au profit d’une autre personne, en général le conjoint survivant. Ainsi, ce dernier pourra continuer à percevoir, jusqu’à son décès, les revenus du bien dont la nue-propriété a été donnée et donc financer une éventuelle perte d’autonomie.

La donation en nue-propriété présente également des avantages fiscaux. La valeur de la nue-propriété est inférieure à la valeur en pleine propriété puisque l’usufruit est conservé par le donateur. Cette valeur dépend de l’âge de l’usufruitier à la date de la donation (article 669 du Code Général des Impôts).

Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et le nu-propriétaire devient plein propriétaire du bien, en franchise de droits. Donner la nue-propriété d’un bien permet donc de diminuer le coût de la succession.

Cette solution permet ainsi d’optimiser sa succession, tout en conservant un revenu pour faire face à une situation de dépendance, qui engendrerait des dépenses importantes.

 

  • Les donations à terme, alternatives ou facultatives :

Il est possible de réaliser une donation tout en différant dans le temps la réalisation du transfert de propriété.

Il s’agit de donations à terme : on réalise dès maintenant un acte de donation mais le transfert de propriété du bien en faveur du donataire se réalisera lors de la survenance d’un évènement précis, ce dernier devant être certain.

Par exemple, donner des biens à ses enfants dès maintenant mais prévoir le transfert de propriété de ces biens qu’à l’âge de la retraite du donateur.

L’avantage de ce type de donation est de fixer dès la conclusion de l’acte la fiscalité de la donation (les droits devant être payés par ailleurs dès cette date) et de conserver le bien jusqu’à la survenance de l’évènement.

 Les donations à terme peuvent également prendre la forme :

Le donateur choisit dans ce cas deux biens mais ne transférera la propriété que d’un seul lors de la survenance de l’évènement en se gardant le choix du bien finalement transmis.

Un parent peut ainsi réaliser immédiatement une donation à ses enfants en se laissant le choix entre 2 biens, en conservant ces biens tant que l’évènement prévu à la donation n’est pas survenu et en conservant le choix du bien transmis à terme.

Il pourra ainsi conserver le bien le plus rémunérateur pour s’assurer des revenus afin de financer une éventuelle situation de dépendance.

En cas de décès du donateur avant exercice de l’option, c’est le gratifié qui choisit quel bien il va recevoir.

  • de donation facultative:

La donation facultative permet de substituer un autre bien à celui initialement prévu. Dans ce type de donation, un seul bien est donné.

Le donateur peut ainsi décider de conserver le bien qu’il devait donner, s’il produit des revenus par exemple, et donner un autre bien à la place.

 

Préparer la transmission tout en protégeant le conjoint survivant en cas de dépendance

Il est possible par des aménagements du régime matrimonial de transmettre plus de droits patrimoniaux au conjoint survivant afin de lui assurer davantage de revenus en cas de dépendance.

Précisons que l’ensemble des droits transmis au conjoint survivant sont dans tous les cas exonérés de droits de succession.

Il peut être ainsi envisagée :

Cette donation peut être réalisée quel que soit le régime matrimonial.

Elle permet d’augmenter les droits du conjoint survivant dans la succession du défunt.

En l’absence de donation au dernier vivant, le conjoint a le choix entre ¼ de la succession en pleine propriété ou 100 % de la succession en usufruit, en cas d’enfants communs. Si le défunt avait des enfants issus d’une union précédente, le conjoint survivant se voit attribuer seulement ¼ de la succession en pleine propriété.

La donation au dernier vivant permet d’accroître les droits du conjoint survivant. Au décès de son époux, il pourra en effet opter pour :

  1. 100 % de la succession en usufruit
  2. ou ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit
  3. ou la quotité disponible en pleine propriété, celle-ci dépendant du nombre d’enfant du défunt

 

Source : Pauline Rosso, Momentum Patrimoine pour l’ESBanque 

La donation au dernier vivant permet au conjoint survivant de percevoir une quote-part de la succession plus importante que ses droits légaux, participant ainsi au financement d’une situation de dépendance.

 

  • Un avantage matrimonial en faveur du conjoint survivant en régime de communauté :

Ces avantages matrimoniaux ne peuvent être insérés qu’en régime communautaire, par contrat de mariage. Il peut s’agir :

  1. d’une clause de préciput (article 1515 du code civil):Cette clause ne peut être insérée que sous un régime communautaire, par contrat de mariage. Elle permet au conjoint survivant de prélever un bien de la communauté avant ouverture de la succession. Ce prélèvement ne s’impute pas sur les droits du conjoint survivant dans la succession et augmente donc ses droits .Le conjoint survivant pourra ainsi recueillir un bien en pleine propriété et en disposer comme il le souhaite : l’habiter, le vendre ou le louer et en percevoir les revenus. Il pourra ainsi faire face à une éventuelle situation de dépendance, qui pourrait être coûteuse. Cette clause peut également être stipulée en usufruit. Dans ce cas, seul le droit d’usufruit est transmis au conjoint, ce qui lui permet d’utiliser le bien ou d’en percevoir les revenus. La nue-propriété revient aux enfants, ce qui permet d’alléger fiscalement la transmission en leur faveur au décès du conjoint survivant.
  1. d’une clause de partage inégal (article 1520 du code civil) :Cette clause permet, à la liquidation de la communauté, avant ouverture de la succession, de ne pas partager la communauté en deux parts égales entre le conjoint survivant et la succession. La quote-part prévue dans la clause de partage inégal peut être supérieure à la moitié de la communauté.Cette clause permet donc d’accroître les droits du conjoint survivant qui pourra recevoir des biens frugifères ou des liquidités, afin de disposer de revenus ou d’un capital plus important pour faire face à des dépenses liées à la dépendance.
  1. d’une clause d’attribution intégrale de la communauté (article 1524 du code civil) :Elle peut être insérée dans un contrat de mariage sous le régime de la communauté légale (Communauté réduite aux acquêts) ou sous le régime de la communauté universelle. Cette clause permet, avant ouverture de la succession, d’attribuer l’intégralité des biens communs au conjoint survivant. Dans le cas de la communauté légale, seuls les biens propres du défunt feront partie de la succession et seront à partager avec les héritiers. Dans le cas de la communauté universelle, l’intégralité des biens du couple font partie de la communauté. Le conjoint survivant reçoit donc l’intégralité du patrimoine du couple. Il n’y a pas ouverture de succession. Cela permet au conjoint survivant de disposer librement de l’ensemble du patrimoine du couple et de mieux assumer le coût d’une perte d’autonomie.

 

Attention à l’action en retranchement :

En présence d’enfant non commun, l’action en retranchement (article 1527 du Code civil) peut être exercée par les enfants d’un premier lit du conjoint décédé si une clause d’avantage matrimonial permet au conjoint survivant de percevoir plus de droits qu’il en aurait eu par une donation au dernier vivant.

Les enfants d’un premier lit peuvent néanmoins, avant le décès de leur parent, renoncer à exercer l’action en retranchement (renonciation anticipée à l’action en réduction).

 

  • Créer une société d’acquêt dans un régime de séparation de bien :

L’insertion d’une société d’acquêt dans un régime de séparation de biens permet de créer une masse de biens communs. Au décès de l’un des époux, les biens faisant partie de la société d’acquêt seront partagés entre le conjoint survivant et les héritiers du conjoint décédé.

Ces biens reçus du partage de la société d’acquêt viennent s’ajouter aux droits du conjoint survivant sur les biens propres de l’époux décédé, ce qui accroît ses moyens de financement de la dépendance.

Les clauses de preciput et de partage inégale peuvent également être prévues sur les biens en société d’acquêt.

 

Transmettre tout en protégeant une personne dépendante : les libéralités graduelles ou résiduelles

La question peut également se poser de commencer à transmettre son patrimoine tout en protégeant spécifiquement une personne dépendante.

Les libéralités graduelles ou résiduelles peuvent être alors une solution.

Ces libéralités peuvent prendre la forme d’une donation ou d’un legs (par testament).

Lors d’une libéralité graduelle, un bien est donné ou transmis par décès à un premier gratifié, à charge pour lui de transmettre ce bien à son décès à un second gratifié, désigné dans l’acte de donation.

La libéralité résiduelle suit le même principe mais le premier gratifié ne transmet au second que ce qu’il reste des biens reçus à son décès.

Ces libéralités sont avantageuses fiscalement puisque les droits de donation à la seconde transmission entre le premier et le deuxième gratifié sont calculés selon les liens de parenté et les barèmes fiscaux entre le donateur initial et le gratifié final. Par ailleurs, les droits de donation payés lors de la première transmission au premier gratifié sont déductibles des droits dus lors de la seconde transmission au deuxième gratifié.

 

Exemple :

Paul donne la pleine propriété d’un bien à son fils Clément, handicapé et dans l’incapacité de travailler, à charge pour lui de le transmettre ensuite à sa sœur Julie.

Ainsi, Clément pourra habiter le bien ou en percevoir les loyers pour financer les aides dont il a besoin, liées à son handicap. Au décès de Clément, le bien sera obligatoirement transmis à sa sœur Julie.

Ainsi, Paul avantage immédiatement son fils Clément, qui est dans le besoin, sans pour autant léser sa fille Julie.

Julie n’aura pas à payer les droits de succession entre frère et sœur mais ces droits seront calculés selon le barème en ligne direct (parent-enfant) comme si elle avait reçu ce bien directement de son père. Les droits de donation payés lors de la donation initiale du bien à Clément sont déductibles des droits de donation dus par Julie.

 

Il existe donc différentes solutions pour faire face financièrement à une situation de dépendance.

Toutefois, ces solutions doivent être mises en place en amont et la situation doit donc être anticipée.

Par ailleurs, chacune de ces solutions n’est pas forcément adaptée à toutes les situations familiales. Le rôle du conseiller en gestion de patrimoine est donc central pour définir une stratégie appropriée de financement de la dépendance.

 

Auteur

Pauline ROSSO    

Conseillère en gestion de patrimoine et Protection sociale, Fondateur du Cabinet Momentum Patrimoine et Intervenante-formatrice à l’ESBanque.

Patrimoine : quels outils de gestion juridique lorsque la dépendance survient ?

Patrimoine : quels outils de gestion juridique lorsque la dépendance survient ?

Temps de lecture estimé : 14 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La préparation de la retraite est un sujet aujourd’hui bien identifié et relativement bien traité en gestion de patrimoine, mais la gestion de la dépendance l’est beaucoup moins 

Or, avec l’accroissement de l’espérance de vie, les situations de dépendance et leur durée augmentent.  

La dépendance se définit comme l’incapacité d’accomplir de manière autonome les tâches du quotidien 

On parle légalement de dépendance lorsque cette altération des facultés d’autonomie concerne les personnes âgées de plus de 60 ans (articles L 113-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles). En deçà de cet âge, les personnes non autonomes sont considérées comme handicapées ou invalides. 

La dépendance est donc liée au vieillissement et peut concerner : 

  • la perte d’autonomie physique 
  • ou/et l’altération des facultés mentales 

Ce dernier cas est malheureusement le plus délicat à gérer patrimonialement puisque la personne vulnérable ne peut plus prendre de décision cohérente. 

Selon les dernières études statistiques, les personnes dépendantes représentaient 1,5 millions de personnes en 2017, soit 15 % des personnes de plus de 60 ans. Selon les prévisions de l’INSEE, la dépendance pourrait concerner 4 millions de personnes en 2050. 

En gestion de patrimoine, les situations de dépendance supposent qu’une personne tierce prenne en charge les actes de gestion courante mais aussi d’arbitrage et de disposition sur le patrimoine de la personne vulnérable. Il est aussi nécessaire qu’un représentant puisse agir pour la personne elle-même et prendre des décisions concernant l’adaptation de son cadre de vie (aménagement du domicile ou entrée dans un établissement spécialisé) ou des dispositions médicales. 

Mais qui peut représenter la personne dépendante ? Avec quels pouvoirs ? Comment protéger au mieux la personne dépendante, tout en évitant d’éventuels abus de son représentant ? 

La loi a établi des cadres juridiques stricts pour cette représentation 

Dans ce premier article, nous ferons le point sur les techniques de gestion patrimoniale de la dépendance lorsque celle-ci est malheureusement survenue. 

Nous verrons, dans notre article suivant, pourquoi il est important de prévoir ces situations de dépendance et comment les anticiper. 

SOMMAIRE

  • Comment gérer juridiquement la dépendance une fois survenue ?
  • Les procédures juridiques et judiciaires de représentation de la personne devenue dépendante

comment gérer juridiquement la dépendance une fois survenue ? 

Lorsqu’une personne devient dépendante et qu’elle ne peut plus gérer de manière autonome son patrimoine, plusieurs mesures de représentation légale sont possibles. 

les pouvoirs de représentation des proches ou des personnes liées 

Afin de gérer le patrimoine de la personne dépendante, on pense dans un premier temps à ses proches : conjoint, enfant, membre de la famille mais aussi aux personnes liées patrimonialement tels les indivisaires ou les associés. 

Quels sont leurs pouvoirs respectifs pour représenter la personne dépendante ? 

Les pouvoirs de représentation du conjoint 

Dans les régimes de séparation de biens, les pouvoirs de gestion des époux sont séparés et ne concernent que leurs biens personnels. Les règles de ce régime matrimonial ne permettent donc pas au conjoint de gérer le patrimoine de son époux. 

Dans les régimes de communauté, il en va autrement pour les biens communs. Chaque époux peut en effet exercer seul le pouvoir de gestion mais aussi de disposition sur les biens de communauté (article 1421 du Code civil). Un seul des époux peut ainsi engager des réparations sur un bien immobilier par exemple, le mettre en location (sauf s’il s’agit du logement familial) …, sans avoir à obtenir l’accord de son conjoint. 

Néanmoins, un certain nombre d’exclusions viennent limiter ce pouvoir de représentation sur les biens communs (articles 215 alinéa 3, articles 1422, 1424 et 1425 du Code civil) 

L’accord des deux époux est ainsi nécessaire pour : 

  • les actes de disposition concernant le logement de la famille et les meubles meublant le garnissant  
  • les actes de disposition entre vifs et à titre gratuit sur des biens communs (donation par exemple) 
  • les actes affectant un bien commun à la garantie d’une dette
  • les actes aliénant ou grevant de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations, droits sociaux non négociables et biens meubles soumis à publicité, relevant de la communauté (cession d’un bien immobilier commun par exemple)
  • les actes de perception de capitaux issus de ces opérations
  • les actes de transfert d’un bien commun dans une fiducie
  • les actes donnant à bail un fonds rural, un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal considérés comme des biens communs.

Même en communauté, les actes patrimoniaux les plus importants sur les biens communs nécessitent ainsi l’accord du conjoint, ce qui peut bloquer la gestion patrimoniale lorsque ce dernier est dans l’incapacité de manifester sa volonté.

A noter :

Un conjoint ne peut vendre seul un bien immobilier commun. L’accord de son époux est nécessaire comme nous venons de le voir.

Il peut néanmoins investir des sommes communes à l’acquisition d’un bien immobilier sans l’accord de son conjoint. Ce bien acquis par un seul des époux reste néanmoins un bien de communauté (article 1401 du Code civil). Lors de la liquidation de la communauté, un calcul de récompense à la communauté sera réalisé.

Pour représenter pleinement son époux dépendant, ou pour réaliser une opération spécifique pour laquelle le régime matrimonial ne lui donne pas pouvoir, comme la cession d’un bien immobilier commun par exemple, le conjoint devra instruire une demande en justice.

Il dispose alors de deux possibilités :

Cette mesure permet à un époux de réaliser seul un acte défini pour lequel l’autorisation de son conjoint est normalement nécessaire. Cette autorisation peut être demandée si l’un des époux est dans l’incapacité de manifester sa volonté ou si son refus engendre un blocage non justifié par l’intérêt de la famille.

Cet acte ne doit pas néanmoins créer une dette ou une obligation personnelle pour l’époux qui n’est pas signataire de l’acte.

Cette possibilité est ouverte à tous les régimes matrimoniaux puisqu’elle fait partie du régime dit primaire, réunissant les règles communes à tous les régimes. L’article 219 du Code civil prévoit ainsi la possibilité de représentation d’un époux par l’autre en cas d’incapacité du conjoint de manifester sa volonté.

A la différence de l’autorisation à agir, le conjoint reçoit ici davantage de pouvoirs et une véritable représentation de son époux, dont le périmètre est décidé par le juge.

Le juge des contentieux de la protection (nouvelle terminologie pour le juge des tutelles depuis le 01/01/2020) va recevoir le dossier, auditionner le conjoint représentant et éventuellement l’époux en situation d’incapacité, recueillera éventuellement l’avis des enfants majeurs. Il donnera sa décision par jugement, ce dernier précisant l’étendue des pouvoirs confiés au conjoint représentant. Sauf cas spécifique, ces pouvoirs ne concernent que des actes d’administration.

Quelles différences entre actes d’administration, de disposition et de conservation ?

Ces actes ont été définis par décret en 2008.

Un acte d’administration est un acte de gestion courante ne modifiant pas les droits sur le bien concerné (perception de loyers, paiement de charges, bail d’habitation …).

Un acte de disposition est un acte transférant un droit réel sur un bien (droit de pleine propriété, d’usufruit, de nue-propriété) à une autre personne : une cession, une donation …

Un acte conservatoire est un acte pris en urgence ou par nécessité afin de permettre de conserver un bien ou un droit sur ce bien.

En l’absence d’habilitation judiciaire ou d’un pouvoir légal ou d’un mandat, certains actes réalisés par le conjoint à la place de son époux défaillant peuvent néanmoins être considérés comme valables vis-à-vis de celui-ci, lorsqu’ils sont exécutés dans le cadre d’une gestion d’affaires (article 219 alinéa 2 du Code civil). Il faut entendre par là la gestion courante, d’un immeuble par exemple.

quels pouvoirs de représentation pour le concubin ou le partenaire de pacs ?

Le concubin ou le partenaire de Pacs ne dispose pas de cette possibilité de représentation par autorisation à agir ou par habilitation judiciaire.

Si son partenaire se trouve en situation de dépendance et que rien n’a été anticipé, il lui faudra recourir aux autres procédures que nous allons étudier : habilitation familiale ou si nécessaire aux mesures plus lourdes de la sauvegarde de justice, curatelle ou de la tutelle.

quelles sont les possibilités de représentation des enfants ?

Si les enfants ont des devoirs de secours financiers ou en nature vis-à-vis de leurs parents et ascendants dans le besoin (obligations alimentaires de l’article 205 du Code civil), pour autant ils ne disposent pas de facto d’un pouvoir de représentation de leurs parents.

Une fois la dépendance survenue et si rien n’a été prévu, ils devront donc également recourir aux mesures spécifiques d’habilitation familiale, sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle.

quid en cas de défaillance d’un indivisaire ?

Lorsqu’une personne se trouve dans l’impossibilité de manifester sa volonté, ce qui survient fréquemment en cas de dépendance, et si des biens patrimoniaux sont en indivision, les autres indivisaires ne peuvent passer outre les règles de majorité ou d’unanimité propre à l’indivision.

Pour pouvoir prendre les décisions nécessaires, ils doivent obtenir :

  • une autorisation judiciaire permettant d’exécuter un acte précis en l’absence de l’accord de l’indivisaire défaillant (article 815-5 du Code civil)
  • ou une habilitation judiciaire à portée générale ou particulière permettant une représentation de l’indivisaire dépendant (article 815-4 du Code civil).

quelle représentation pour le dirigeant ou l’associé devenu dépendant ?

Dans les sociétés patrimoniales ou professionnelles, les statuts peuvent prévoir la représentation du gérant ou dirigeant en cas d’incapacité par la désignation d’un gérant de substitution.

Mais en ce qui concerne la qualité d’associé, primordiale pour les prises de décision collective en assemblée, les statuts ne peuvent pas prévoir de facto une représentation d’un associé par un autre. Un associé peut être représenté en assemblée mais :

  • cette représentation doit être décidée par l’associé lui-même, ce qui n’est plus possible si la dépendance survient alors qu’il n’avait rien prévu.
  • ou cette représentation ne peut s’effectuer que par un représentant légal désigné par une mesure de sauvegarde de justice, de tutelle ou de curatelle.

Un pacte d’actionnaire permet de régir les relations entre associés mais n’est pas opposable aux tiers. Il ne permet donc pas une représentation légale de l’associé défaillant.

Si la situation de dépendance d’un associé survient brutalement et que rien n’a été préparé, les autres associés n’auront pas d’autre choix que recourir à une procédure de sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle. L’habilitation familiale ne sera possible qu’entre membres de la même famille comme nous allons le voir et son fonctionnement allégé, notamment en termes de contrôle de la représentation, n’est pas idéale pour la gestion d’une société.

Dans tous les cas, ces mesures sont longues à mettre en place et cette situation peut bloquer le bon fonctionnement de la société et éventuellement mettre son avenir en péril.

En présence d’une société, d’autant plus à objet professionnel, l’anticipation d’une éventuelle incapacité du dirigeant et/ou associé est indispensable.

 

Quelles mesures de représentation de la personne dépendante pour les proches ou les personnes liées ?

 

 

les procédures juridiques et judiciaires de représentation de la personne devenue dépendante

Quelle que soit la situation de la personne vulnérable, les pouvoirs de représentation de ses proches ou personnes liées sont relativement limités. Hormis l’époux et l’indivisaire disposant de possibilités d’autorisation ou d’habilitation judiciaire, les autres intervenants devront recourir à des mesures juridiques ou judiciaires plus larges et plus ou moins lourdes.

l’habilitation familiale : une mesure de protection juridique allégée

L’habilitation familiale est une procédure juridique et non judiciaire (articles 494-1 et suivants du Code civil). Si elle requiert la décision du juge du contentieux de la protection, ce dernier n’exerce aucun contrôle sur la gestion de l’habilitation. Sa mise en place puis sa gestion sont nettement plus allégées que pour les mesures de sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle.

Instituée par l’ordonnance du 15 octobre 2015, l’habilitation familiale a en effet pour but de permettre la représentation d’une personne incapable beaucoup plus facilement et rapidement que les procédures judiciaires existantes jusqu’alors.

Comme son nom l’indique, l’habilitation familiale ne peut conférer de pouvoirs de représentation qu’à une ou plusieurs personnes de la famille : un ascendant, un descendant, un frère ou une sœur, le conjoint, le concubin ou le partenaire de Pacs.

Cette mesure requiert donc l’existence et la volonté de représentation d’un ou plusieurs membres de la famille. Elle ne permet pas de désigner un mandataire judiciaire.

Le juge qui reçoit la demande s’assure de :

  • la situation de dépendance de la personne à protéger (dossier médical actant une dégradation des facultés intellectuelles ou physiques),
  • la nécessité de recourir à une représentation (les possibilités de procurations étant inexistantes ou insuffisantes)
  • l’intérêt de la personne à protéger,
  • l’absence d’opposition légitime des proches à la désignation du représentant familial.Le cas échéant, l’habilitation familiale ne serait pas prononcée.

Une fois l’habilitation familiale mise en place, sa gestion se réalise librement par le représentant dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés. Le représentant n’est pas rémunéré pour cela.

Aucune personne n’est désignée pour exercer un contrôle de l’exercice de cette habilitation et le représentant familial n’a pas à dresser d’inventaire ni à rendre compte de sa gestion auprès du juge.

Selon la situation et les besoins, le juge peut décider :

  • d’une habilitation spéciale ou partielle pour réaliser uniquement certains actes d’administration ou de disposition. La personne représentée conserve alors sa capacité à agir pour les autres opérations patrimoniales. Les actes de disposition à titre gratuit (donation) requièrent systématiquement l’autorisation du juge.
  • d’une habilitation générale : la personne dépendante est alors totalement représentée pour les actes d’administration, les actes de disposition mais aussi pour les décisions de sa vie personnelle, comme le choix d’une structure de vie, de soins médicaux. La durée de l’habilitation est déterminée par le juge et ne peut excéder 10 ans. Si l’état de santé de la personne représentée le nécessite toujours, la durée peut être prolongée sans excéder 20 ans.L’habilitation générale est portée en marge de l’acte de naissance de la personne protégée.

En général, le juge ne confie pas de pouvoir sur les actes de disposition patrimoniale, sauf si cela est absolument nécessaire et urgent (comme par exemple vendre la résidence principale de la personne dépendante pour financer son entrée en établissement spécialisé).

La gestion des comptes bancaires est considérée comme une gestion patrimoniale courante et non comme des actes de disposition.

Dans le cas fréquent où seuls les actes d’administration sont délégués au représentant familial, il sera nécessaire de demander une nouvelle habilitation familiale spéciale pour la cession d’un bien immobilier si cela devient nécessaire par la suite.

Si la gestion de l’habilitation familiale pose difficultés, le juge peut être à nouveau sollicité pour modifier son périmètre ou la désignation du représentant.

L’habilitation familiale prend fin par :

  • le décès de la personne représentée
  • le recours à une autre mesure : sauvegarde de justice, curatelle, tutelle
  • un jugement de suppression définitif de l’habilitation à la demande d’un proche ou du procureur de la République
  • la fin de la durée prévue et son non renouvellement
  • lorsque les actes prévus ont été réalisés dans le cadre de l’habilitation spéciale

 

la sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice est une mesure judiciaire provisoire, dont l’objet est de représenter la personne incapable pendant une durée limitée, en évitant de recourir à une curatelle ou une tutelle (articles 433 et suivants du Code civil).

La personne majeure à protéger conserve ses droits exceptés certains actes pour lesquels elle est représentée. Elle ne peut pas divorcer par consentement mutuel ou accepté.

La sauvegarde de justice peut être prononcée :

  • suite à une déclaration, auprès du procureur de la République, du médecin traitant accompagné de l’avis d’un psychiatre ou du médecin de l’établissement de santé où réside la personne à protéger.
  • ou sur demande de la personne à protéger, de son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs, d’un parent, du procureur de la République, d’un tiers (médecin…), auprès du juge des contentieux de la protection.

Le juge interroge la personne à protéger ou pas si les facultés de celle-ci ne le permettent pas.

S’il décide de la sauvegarde de justice, le juge désigne un mandataire spécial pour accomplir des actes limités et définis de représentation. Il peut s’agir d’acte d’administration ou de disposition (vente immobilière).

Le juge donnera la priorité à une représentation par un membre de la famille, mais à la différence de l’habilitation familiale, il peut confier si nécessaire cette représentation à un professionnel mandataire judiciaire.

Ce mandataire doit remettre un compte-rendu de sa gestion au juge et à la personne protégée.

La sauvegarde de justice est prononcée pour une durée maximale d’un an, renouvelable une seule fois. Elle prend fin :

  • à la fin du délai fixé
  • lorsque les actes concernés ont été réalisés
  • si la personne retrouve ses facultés
  • s’il est décidé une mise en curatelle ou sous tutelle
  • au décès de la personne protégée s’il intervenait pendant la durée de la sauvegarde de justice.

la curatelle

La curatelle est une mesure de protection plus large que la sauvegarde de justice et destinée à une durée plus longue si nécessaire (articles 440 et suivants du Code civil).

La personne protégée est assistée d’un ou plusieurs curateurs désignés pour accomplir certains actes déterminés, souvent les plus lourds patrimonialement, tels les actes de disposition. Elle conserve néanmoins son autonomie pour réalise les autres actes patrimoniaux.

Seules les personnes suivantes peuvent faire une demande de curatelle auprès du juge des contentieux de la protection :

  • la personne à protéger elle-même
  • le conjoint, concubin, partenaire de Pacs
  • un parent ou allié
  • une personne proche
  • le procureur de la République à son initiative
  • un tiers (médecin …)

Le juge auditionne le majeur à protéger sauf si cela est impossible en raison de son état de santé.

Le ou les curateurs désignés sont en priorité des membres de la famille ou un proche ou à défaut un mandataire judiciaire.

Un subrogé curateur peut également être désigné pour contrôler la gestion du ou des curateurs.

Le curateur doit rendre compte de sa gestion au juge et à la personne protégée.

Il existe 3 types de curatelle :

  • la curatelle simple : la personne protégée conserve les actes d’administration mais est assistée de son curateur pour les actes de disposition. L’accord du juge est par ailleurs nécessaire pour les actes concernant la résidence principale.
  • la curatelle renforcée : la gestion du compte bancaire, normalement considéré comme acte d’administration, est réalisée par le curateur.
  • la curatelle aménagée : le juge définit la liste des actes que la personne peut réaliser seule et ceux pour lesquels l’assistance du curateur est nécessaire, sorte de curatelle sur mesure.

La curatelle est décidée pour une durée de 5 ans, renouvelable une fois. Exceptionnellement, le juge peut accroître cette durée mais sans excéder 20 ans.

La curatelle prend fin :

  • au décès de la personne protégée
  • si elle n’est plus nécessaire sur avis médical et décision du juge
  • à l’expiration de la durée fixée
  • si une mesure de tutelle est mise en place

la tutelle

La tutelle est la mesure la plus large de représentation (articles 440 et suivants du Code civil).

Son objectif est de permettre une représentation continue de la personne à protéger :

  • les actes de disposition ne peuvent être autorisés que par le juge
  • concernant les actes de disposition à titre gratuit : la personne protégée peut rédiger seule un testament avec l’autorisation du juge et peut réaliser des donations en étant assistée par son tuteur et sur autorisation du juge.
  • les actes d’administration sont réalisés par le tuteur
  • la personne protégée conserve la possibilité d’exercer seule les actes dits personnels (demande de carte d’identité par exemple, mariage, pacs après information du tuteur, droit de vote)

La demande de tutelle est faite auprès du juge des contentieux de la protection par :

  • la personne à protéger elle-même
  • le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs
  • un parent ou allié
  • un proche entretenant avec cette personne des liens étroits et stables
  • le procureur de la République

La personne protégée est auditionnée par le juge sauf si son état de santé ne le permet pas.

La tutelle peut être prononcée par le juge même en cas de désaccord familial.

Le tuteur est désigné en priorité parmi les membres de la famille ou des proches, à défaut le juge fera appel à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

La tutelle s’exerce sous le contrôle permanent du juge des contentieux de la protection. Un subrogé tuteur, chargé de contrôler la gestion du tuteur, peut également être désigné.

La tutelle s’exerce sous le contrôle permanent du juge des contentieux de la protection. Un subrogé tuteur, chargé de contrôler la gestion du tuteur, peut également être désigné.

La tutelle est prononcée pour 5 ans ou 10 ans, renouvelable une fois, s’il est certain que les facultés de la personne ne peuvent s’améliorer.

La tutelle prend fin :

  • sur décision du juge si elle n’est plus nécessaire
  • à l’expiration de la durée fixée
  • en cas de mise en curatelle
  • au décès de la personne protégée.

Si elles permettent la représentation patrimoniale de la personne à protéger, ces mesures restent relativement lourdes à mettre en place, et peuvent être sources de difficultés et de conflits dans les familles lorsque la dépendance survient.

C’est pourquoi il est indispensable d’anticiper ces situations. Il existe pour cela des outils et des techniques patrimoniales spécifiques, que nous aborderons dans notre prochain article.

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Anticiper la dépendance : mandat de protection future, fiducie-gestion et autres outils patrimoniaux

Anticiper la dépendance : mandat de protection future, fiducie-gestion et autres outils patrimoniaux

Temps de lecture estimé : 13 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Mandat de protection future, fiducie-gestion, sociétés civiles, mandats ou procurations, tour d’horizon des solutions patrimoniales permettant d’anticiper la dépendance.

De l’autorisation à l’habilitation judiciaire que peuvent demander certains proches, à la curatelle ou la tutelle, en passant par les mesures d’habilitation familiale, de nombreuses procédures juridiques et judiciaires permettent la représentation de la personne devenue dépendante.

Ces outils, que nous avons détaillés dans notre précédent article, ne cessent de s’étoffer avec le temps mais ont tous un inconvénient majeur : ils ne peuvent être mis en place qu’une fois la situation de dépendance survenue. Les familles sont alors dans une situation difficile, urgente, souvent démunies quant aux choix à réaliser ou en situations conflictuelles.

Comme pour toute situation familiale et patrimoniale délicate, il est préférable et nécessaire d’anticiper. Les mandats de protection future depuis 2019, mais aussi le recours à des outils patrimoniaux tels la fiducie-gestion ou la société civile permettent d’anticiper ou d’organiser cette période difficile de la vie. Explications. 

SOMMAIRE

  • Le mandat de protection future : un formidable outil d’anticipation de la dépendance
  • Les autres outils patrimoniaux d’anticipation de la dépendance

 

Le mandat de protection future : un formidable outil d’anticipation de la dépendance

Instaurée par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique, le mandat de protection future permet d’organiser sa représentation ou celle d’un enfant handicapé en cas de perte des facultés physiques ou intellectuelles.

Ce mandat permet de prévoir cette situation à l’avance en désignant un ou plusieurs représentants et en organisant ses pouvoirs. Si la situation de dépendance survient, le mandat prendra effet sans avoir à recourir à une mesure de protection juridique (tutelle, curatelle ou habilitation familiale). 

Que prévoit le mandat de protection future ?

On distingue deux types de mandat de protection future (article 478 du Code civil) :

  • le mandat pour soi-même : il permet à une personne majeure (ou émancipée) de confier à une ou plusieurs personnes mandataires la fonction de la représenter si elle n’était plus capable de gérer son patrimoine ou de prendre des décisions pour sa vie personnelle, pour des raisons physiques ou en raison d’une altération de ses facultés intellectuelles.

La personne qui serait déjà sous tutelle ou sous habilitation familiale ne peut avoir recours à ce mandat. La personne en curatelle peut néanmoins le mettre en place assistée par son curateur.

  • Le mandat pour autrui : il ne peut être mis en place que par des parents souhaitant désigner une personne tierce pour représenter leurs enfants s’ils ne pouvaient plus le faire. Cet enfant doit bien sûr se trouver dans une situation d’incapacité physique ou mentale. Il peut s’agir d’un enfant mineur ou majeur à charge de ses parents. Le parent ne doit pas être lui-même sous tutelle, curatelle ou habilitation familiale et doit avoir l’autorité parentale sur cet enfant.

Le mandat peut être donné à :

  • une ou plusieurs personnes physiques capable et majeures. Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un proche mais également d’un professionnel (gestionnaire de patrimoine, avocat, notaire … ). Néanmoins, la désignation d’une personne physique professionnelle du patrimoine n’est pas recommandée en raison des risques de conflits d’intérêt.

Un ou des mandataires subsidiaires peuvent également être désignés, ce qui est en général conseillé en cas d’incapacité ou de décès du mandataire initial. Le mandataire peut être rémunéré ou non.

  • à une société, personne morale spécialisée dans la protection des majeurs, inscrite sur la liste des mandataires judiciaires.

Il n’est pas possible de désigner comme mandataire un professionnel de santé (médecin, pharmacien…) ni le représentant d’un contrat de fiducie.

Le mandat est conclu pour la durée de vie du mandant et prend donc fin à son décès. Il peut néanmoins cesser avant si :

  • si la personne dépendante, le mandant, retrouve ses facultés physiques ou intellectuelles lui permettant de gérer son patrimoine ou de prendre les décisions autonomes sur sa personne. Ce rétablissement doit être établi par certificat médical.
  • s’il était décidé la mise sous tutelle ou curatelle du mandant.
  • lors du décès du mandataire ou s’il était lui-même placé sous protection juridique ou en cas de faillite pour une personne morale.
  • si le mandataire est révoqué par le juge des tutelles. Le juge peut alors ouvrir une mesure de protection juridique (tutelle ou curatelle).

Le mandat de protection future peut porter sur :

  • la gestion du patrimoine : les pouvoirs du mandant sont alors rigoureusement définis (actes de gestion, actes de dispositions) ainsi que le périmètre des biens concernés (immobilier, financier, passif, ensemble du patrimoine …). Le mandant peut être amené à organiser le patrimoine du mandataire afin qu’il lui procure des revenus et pouvoir financer la dépendance.

Si le mandat a été mis en place sous la forme d’un acte sous-seing-privé, les pouvoirs du mandataire sont limités aux actes d’administration et aux actes conservatoires. L’autorisation du juge des tutelles sera nécessaire pour les actes de disposition (mêmes pouvoirs qu’un tuteur).

Lorsque le mandat a été conclu sous forme notariée, le mandataire peut alors avoir beaucoup plus de pouvoirs : acte d’administration, acte conservatoire et actes de dispositions (ventes). Pour réaliser un acte de disposition à titre gratuit (donation par exemple), il lui faudra néanmoins l’autorisation du juge des tutelles. Cependant, le mandant reste décideur et pourra limiter les pouvoirs du mandataire y compris dans un mandat notarié.

  • la représentation de la personne elle-même : dans ce cas, les règles de la tutelle et de la curatelle quant à la protection de la personne doivent être strictement respectées.
Attention :

Il faut noter que le mandat s’il prévoit une délégation de pouvoirs ne rend pas la personne dépendante dans l’incapacité d’agir. Comme pour une procuration, le mandant peut réaliser des actes d’administration, des actes conservatoires ou des actes de dispositions y compris si ses pouvoirs sont confiés au mandataire. Ces actes peuvent néanmoins être requalifiés ou annulés en raison de l’insuffisance mentale ou physique du mandant.

Source : simplifiez-vous la vie.org

Comment mettre en place le mandat de protection future ?

 Le mandat peut être conclu :

  • par acte notarié: il est alors rédigé par un notaire sous la forme authentique, signé par le mandant et accepté par le mandataire. Le mandant pourra à tout moment modifier par acte authentique ce mandat, tant qu’il n’a pas pris effet. Il peut également le révoquer par notification au notaire et au mandataire. Le mandataire peut faire de même par notification au mandant et au notaire.
  • ou par acte sous-seing-privé. Il y a alors deux possibilités :
    • utiliser le modèle établi par le ministère de la justice (modèle Cerfa 13592*04)
    • rédiger le mandat sous forme libre. Une contresignature par avocat est alors nécessaire.

Dans les deux cas, le mandat doit bien sûr être signé par le mandant et par le mandataire. Tant que le mandat n’a pas pris effet, le mandant peut le modifier, le révoquer. Le mandataire peut y renoncer. 

Fonctionnement du mandat de protection future

 Si le mandant devient dépendant et ne peut plus exprimer ses volontés ou gérer de manière cohérente son patrimoine ou sa personne, le mandataire demandera la prise d’effet du mandat auprès du greffe du tribunal judiciaire, en fournissant bien entendu des pièces médicales justificatives de l’état du mandant.

Le mandataire ne peut déléguer sa mission et doit l’exécuter lui-même.

Avant la prise d’effet du mandat, le mandataire doit dresser un inventaire des biens de la personne dépendante et devra l’actualiser au cours du mandat.

Pendant le mandat, il doit établir un compte de gestion annuelle et le communiquer :

  • au notaire, si le mandat est sous forme notarié et à toute personne désignée par le mandant pour contrôler l’exécution du mandat.
  • à une personne désignée dans le mandat, s’il est sous-seing privé selon le modèle ou selon les dispositions prévues au contrat si le mandat est libre et contresigné par un avocat.

Le mandataire doit conserver les comptes de gestion cinq ans et les produire au juge des tutelles ou au procureur de la république à leur demande.

Le juge peut dans tous les cas en demander la vérification par un professionnel spécialisé. Il peut également être saisi par le notaire en cas de suspicion sur la gestion ou par toute personne y ayant intérêt.

Le mandat de protection future est donc un outil particulièrement adapté à l’anticipation des situations de dépendance. Il existe néanmoins d’autres solutions patrimoniales distinctes ou complémentaires. 

Source : Fondation de France

Les autres outils patrimoniaux d’anticipation de la dépendance

La désignation d’une personne de confiance et/ou la rédaction de directives anticipées pour l’aide et la protection personnelle, les procurations et mandats par leurs possibilités de délégation patrimoniale, mais aussi les structures de fiducie-gestion ou les sociétés civiles sont également des moyens d’anticiper la dépendance.

Désignation d’une personne de confiance et directives anticipées

Une personne de confiance peut-être un parent, un proche ou un médecin et est désignée par toute personne majeure qui souhaite anticiper sa situation personnelle en cas de dépendance, plus particulièrement dans le domaine médical.

La personne de confiance a :

  • une fonction d’aide et d’accompagnement dans les relations avec le corps médical: si la personne qui l’a désignée le souhaite, elle peut l’accompagner dans ses rendez-vous médicaux, consulter son dossier médical, recueillir des médecins des explications sur son état de santé ou poser des questions aux médecins au nom de la personne qui l’a désignée.
  • un rôle central lorsque la personne ne peut plus exprimer sa volonté. La personne de confiance est toujours consultée s’il est nécessaire d’envisager un arrêt des traitements et des mesures d’accompagnement jusqu’au décès. Si aucune directive anticipée n’a été établie, l’avis de la personne de confiance l’emporte sur celui de la famille ou des proches.

La désignation de la personne de confiance peut se faire :

  • par écrit sur papier libre
  • ou dans le cadre de la mise en place de directives anticipées.

La personne de confiance doit accepter cette mission par signature du document qui la désigne.

Cette désignation peut être modifiée ou révoquée à tout moment.

Les directives anticipées permettent à toute personne majeure de consigner par écrit ses volontés médicales si elles ne pouvaient plus les exprimer (suite à la perte des facultés mentales, un accident, un coma …). Il peut être ainsi exprimé la volonté de mettre fin à des traitements médicaux si aucun rétablissement n’est possible, la demande de mesure d’accompagnement jusqu’au décès. En France, même si cette question est aujourd’hui en débat, Il n’est pas possible à ce jour de prévoir une assistance au suicide ou une euthanasie.

Les directives ainsi consignées priment sur l’avis de toute autre personne et doivent être suivies. Seul le médecin peut émettre un avis contraire si ces directives lui paraissent non appropriée à la situation de santé de la personne, et après consultation de l’équipe médicale de suivi et d’un autre médecin.

Ces directives anticipées sont rédigées sur papier libre, sachant qu’il existe un modèle public dont l’usage n’est pas obligatoire.

Lors de la rédaction de ces directives, il est nécessaire de disposer des facultés d’exprimer une volonté dite « libre et éclairée ». Si la personne ne peut pas physiquement écrire, une autre personne peut le faire à sa place mais assistée par deux témoins qui signeront également le document.

Il est possible de modifier ou révoquer à tout moment ces directives anticipées.

Pour la conservation des directives anticipées, il est conseillé de les déposer dans son dossier médical et notamment dans un dossier médical partagé (DMP) ou auprès de la personne de confiance qui aura pu être désignée.

Ces outils sont une aide importante à la prise en charge médicale en cas de dépendance. 

Procuration ou mandats patrimoniaux

D’un point de vue patrimonial, il est possible de donner pouvoirs à une personne de son choix pour lui déléguer la réalisation d’actes juridiques sur son patrimoine (actes d’administration, conservatoires ou de disposition).

Ces pouvoirs sont délégués sous forme de procuration (fréquentes dans le domaine bancaire pour la gestion des comptes) ou de mandat (notamment pour les actes de gestion sur d’autres biens (immobiliers, portefeuille-titre …)).

Ces procurations ou mandat peuvent être généraux et concerner tous les actes d’administration du patrimoine du mandant.

Il peut s’agir également de procuration ou mandat spéciaux limités à des pouvoirs spécifiques sur des biens donnés.

La procuration ou le mandat peuvent être donnés pour une durée limitée, jusqu’à l’accomplissement d’un acte juridique ou pour la vie du mandant.

S’ils sont utiles pour pouvoir réaliser des actes patrimoniaux lorsque l’on ne peut pas ou plus le faire personnellement, les procurations et mandats présentent néanmoins une limite juridique lorsque le mandat n’est plus apte à exprimer ses volontés.

Pour que les opérations réalisées par le mandataire ne puissent pas être remises en cause, il est en effet nécessaire de pouvoir prouver le consentement du mandant. Pour les actes importants, les actes de disposition par exemple, la signature du mandant peut être requise. Ces mesures visent à protéger le mandataire de tout abus de la part du mandant.

Par ailleurs, si la personne est placée sous tutelle ou sous habilitation familiale générale, les procurations et mandats signés deviennent caduques, le pouvoir de représentation étant confiés au tuteur ou à la personne habilitée.

S’il s’agit d’une curatelle, les procurations et mandats peuvent être maintenus avec assistance du curateur pour les actes de disposition. Mais le juge peut décider de leur révocation générale.

Sous le régime de la sauvegarde de justice, les procurations et mandats demeurent sauf si le juge nomme un mandataire spécial.

On peut noter qu’il en est autrement du mandat de protection future. Tout d’abord parce que son existence permet d’éviter l’ouverture d’une procédure de tutelle ou curatelle.

Néanmoins, si le juge est saisi et estime que le mandat de protection future n’est pas assez protecteur de la personne déficiente, il peut prononcer une curatelle pour certains actes ou le révoquer et le remplacer purement et simplement par une tutelle. Le juge peut cependant se baser sur la volonté de la personne telle qu’exprimée dans le mandat et désigner le mandataire en tant que tuteur ou curateur. 

La fiducie-gestion

La fiducie-gestion, possible en droit français depuis la loi dite LME du 4 août 2008, permet à une personne majeure dite constituante de transférer des biens lui appartenant mais aussi des droits à un fiduciaire, dans un but déterminé et au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires qui peut être le constituant lui-même.

Les biens transférés sont alors gérés par le fiduciaire dans le respect de l’objectif défini dans le contrat de fiducie. Pour autant, ces biens ne font pas partie du patrimoine personnel du fiduciaire. Ils font partie d’un patrimoine dit d’affectation.

Le fiduciaire est nécessairement un professionnel tel que défini par l’article 2015 du Code civil : banque ou établissement de crédit, entreprise d’investissement, société de gestion de portefeuille, compagnie d’assurance, ou avocat. Il est rémunéré pour les missions confiées.

Il est à noter qu’un cabinet de gestion de patrimoine indépendant ne peut être fiduciaire.

Il peut néanmoins être désigné dans le contrat de fiducie-gestion comme tiers protecteur dont la mission est de contrôler la gestion du fiduciaire et le respect des intérêts du constituant (article 2017 du Code civil). Il dispose alors des mêmes pouvoirs que le constituant vis-à-vis du fiduciaire.

La durée du contrat de fiducie est librement choisie par les parties mais ne peut excéder 99 ans. Le contrat prend nécessairement fin au décès du constituant ou celui du fiduciaire (ou sa dissolution).

Le constituant peut à tout moment révoquer le contrat de fiducie.

Le contrat peut prendre la forme d’un acte sous-seing privé ou d’un acte authentique (obligatoire s’il concerne un bien immobilier, un bien commun ou indivis).

Une fiducie-gestion ne peut permettre en France une transmission de patrimoine à titre gratuit, et si telle était la volonté du constituant elle pourrait être requalifiée en donation indirecte.

La fiducie-gestion a néanmoins de nombreuses applications, notamment pour la gestion de patrimoine d’une personne vulnérable pour laquelle elle constitue un outil particulièrement adapté.

Pour anticiper une situation de dépendance, le constituant peut ainsi constituer un contrat de fiducie-gestion par lequel :

  • il transfère à un fiduciaire professionnel un ou plusieurs biens.
  • en étant le bénéficiaire du contrat de fiducie-gestion.
  • selon une mission de gestion des biens précisément définie: par exemple dans un objectif de gestion en bon père de famille et de perception des revenus nécessaires à une situation de dépendance.
  • pour une durée supérieure à son espérance de vie, afin de s’assurer de l’effet du contrat le plus longtemps possible, les situations de dépendance survenant d’autant plus à des âges avancés. Dans tous les cas, le contrat prendra fin à son décès ou avant s’il souhaite le révoquer.

Le contrat de fiducie-gestion permet ainsi de s’assurer de la gestion de son patrimoine selon des objectifs précis si une situation de dépendance survenait. Il s’agit par nature d’un outil d’anticipation de la dépendance. Il ne peut être utilisé une fois l’incapacité survenue si le constituant était sous régime de tutelle.

Le contrat de fiducie-gestion présente des avantages certains par rapport au mandat de protection future :

  • Il permet de confier la gestion des biens transférés à un professionnel choisi alors que le mandat de protection future désigne une personne, en général un proche, pour gérer au mieux ce patrimoine. Des pouvoirs sont bien sûr confiés à ce proche mais saura-t-il pour autant gérer convenablement ?
  • Le contrat de fiducie-gestion n’est pas annulé en cas de mise sous tutelle à la différence du mandat de protection future qui prend fin nécessairement, sauf décision contraire du juge.
  • Seul le fiduciaire prend les décisions de gestion des biens transférés dans le contrat de fiducie-gestion. Dans le mandat de protection future des pouvoirs sont délégués au mandataire mais le mandat peut également continuer à agir, au risque de décisions contradictoires.

La société civile et la gestion de la dépendance

 La société civile permet d’organiser la gestion d’un patrimoine familiale. Les membres de la famille sont associés mais le patrimoine apporté ou acquis par la société civile appartient à cette dernière. Un gérant est nommé et peut avoir des pouvoirs relativement larges pour la gestion administrative bien sûr mais aussi pour les actes de disposition si cela est prévu dans l’objet social.

Par l’aménagement de ses statuts, la société civile peut permettre également de confier la gestion du patrimoine concerné à une personne choisie, membre de la famille, proche ou tiers, associé ou non, en cas de dépendance.

Il est d’ailleurs conseillé dans tous les cas de prévoir statutairement la situation d’incapacité du gérant.

En l’absence de clause statutaire spécifique, le gérant est automatiquement révoqué s’il est frappé d’incapacité (article 1160 du Code civil). Dans ce cas, tout associé peut demander la nomination d’un mandataire par réunion d’une assemblée générale ou par sollicitation du président du tribunal (article 1846 du Code civil).

Pour anticiper la défaillance du gérant, les statuts peuvent prévoir :

  • la désignation d’un gérant successif, le conjoint par exemple.
  • la nomination d’un co-gérant. Cette solution peut être préférable, les greffes ne reconnaissant pas nécessairement la désignation d’un gérant successif.

En cas de dépendance du gérant initial, la gestion de la société civile et de son patrimoine peut donc se poursuivre.

Cette solution présente néanmoins des limites :

  • Elle ne concerne que les biens détenus par la société civile. Or on porte rarement l’intégralité de son patrimoine en société.
  • Le gérant est souvent le constituant initial de la société et en cela associé, souvent majoritaire. Or un grand nombre de décisions (distribution de dividendes, actes de disposition selon les statuts, de changement statutaire) ne peuvent être prises qu’en assemblée par vote des associés. Dès lors, la personne dépendante, associée, devra participer au vote, ce qui est impossible si elle a perdu ses facultés intellectuelles. Le bon fonctionnement de la société civile nécessitera in fine la représentation juridique (curatelle, tutelle) de l’associé défaillant et donc l’ouverture d’une mesure de protection juridique.

Le mandat de protection future sera alors ici une solution. Le gérant associé aura pu désigner la personne de son choix en lui confiant les pouvoirs sur ses parts sociales, notamment celui de vote en assemblée.

La société civile, par une adaptation de ses statuts pour sa gérance, et combinée à un mandat de protection future adapté, peut alors devenir un outil efficace de gestion de la dépendance sur le patrimoine concerné.

 

Auteur

Anne Brouard    

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7