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En France, plus de 6 millions de personnes vivent en union libre ou sont pacsées, ce qui représente un couple sur cinq. La majorité de ces couples vit en concubinage et plus de 60 % d’enfants naissent hors mariage. Se pose alors nécessairement la question de la protection des concubins ou partenaires en cas de décès de l’un d’eux. De quelles règles de droit relève la succession des concubins ? Que prévoit le contrat de PACS (Pacte Civil de Solidarité) ? Synthèse et exemples concrets.

qu’est-ce que le concubinage ? qu’est-ce que le pacs ?

Une relation, affective ou amoureuse, perdure et se transforme en une vie stable, commune et continue, ces trois adjectifs caractérisent aussi bien le concubinage que le PACS. Mais que revêtent ces deux formes distinctes de vie commune ?

le concubinage

Le concubinage est une union de fait, deux personnes choisissent de vivre ensemble sans engagement aucun (C.civ. art. 515-8).

A de très rares exceptions près, ces personnes n’ont donc aucune obligation l’une envers l’autre et paradoxalement, pas même celle de vivre continûment sous le même toit (CA Douai, 12.12.2002 n° 01/03255).
Le droit du concubinage est surtout jurisprudentiel, de très rares dispositions légales lui étant applicables.

le pacs

Le PACS est un contrat conclu par deux personnes majeures pour organiser leur vie commune ( C.civ. art. 515-1). Cette convention, librement établie par les partenaires, fixe :

  • les modalités de l’aide mutuelle et matérielle qui revêt un caractère obligatoire, contrairement au concubinage. En effet, la clause qui supprimerait cette aide serait nulle.
    Le PACS présente ici de nombreuses affinités avec le mariage en ce qu’il est régi, quant aux obligations entre partenaires, selon des règles similaires au régime dit primaire des contrats matrimoniaux (notamment vie commune, aides réciproques et solidarité des dettes de ménage).
  • le régime des biens qu’ils adoptent : régime légal de la séparation de biens ou régime d’indivision. A défaut, ils sont soumis au régime de la séparation des patrimoines. Chacun conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens, qu’il les ait créés, acquis avant ou pendant le PACS, ou reçus par donation ou succession.
    Les partenaires souhaitant éviter le régime de l’indivision en raison de sa lourdeur de gestion et de son caractère instable (tout indivisaire peut en sortir à tout moment (C.civ. art 815)) feront le choix du régime de séparation des patrimoines.
    Attention néanmoins car, en pratique, lorsque les partenaires ont choisi les règles de la séparation de patrimoine et investissent ensemble dans l’acquisition d’un même bien, ils se retrouvent de facto en situation d’indivision sur ce bien, ce qui aura des conséquences successorales.

quid en cas de succession ?

Les successions entre concubins et celles entre partenaires pacsés sont sur certains points similaires mais distinctes sur beaucoup d’autres.

quelques rares points communs

  • Héritage : Le concubin comme le partenaire n’ont pas le statut d’héritier.
  • Legs : Ils peuvent se consentir un legs de tout ou partie de leurs biens.
  • Quotité disponible ordinaire : ce legs est néanmoins limité à la quotité disponible ordinaire en présence d’héritiers réservataires (descendants) (C.civ. art. 912 al. 2).

Rappel :

En présence de :Quotité disponible ordinaire
1 enfant½ du patrimoine
2 enfants1/3 du patrimoine
3 enfants et plus¼ du patrimoine

Ainsi, en l’absence de descendants, ils peuvent transmettre la totalité de leur patrimoine au survivant d’entre eux par voie testamentaire (legs).

  • Donation au dernier vivant : Ils ne peuvent pas se consentir de donation au dernier vivant, cette disposition n’étant possible que pour les couples mariés.
  • Pension de réversion : Ils n’ont droit à aucune pension de réversion d’une partie de la retraite de l’assuré décédé.
  • Droit viager au logement : Ils ne bénéficient pas du droit viager au logement (C.civ. art. 764)
  • Rente viagère : En cas de décès du concubin, ou du partenaire, des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, le survivant peut prétendre à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime (Art. L 434-8 et R 434-10 , du Code de la Sécurité Sociale)

et de nombreuses différences

Contrairement aux concubins, les partenaires bénéficient de droits successoraux plus étendus mais parfois limités et d’avantages fiscaux identiques à ceux des couples mariés.

  • Droit au logement : Les partenaires pacsés bénéficient du droit au logement d’un an (C.civ. art. 515-6, al.1, C.civ. art. 763, al. 1)
    Ce droit temporaire a une nature successorale et n’est donc pas un effet direct du Pacs, un testament peut donc en priver le survivant des partenaires.
  • Droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation : si l’habitation du partenaire était assurée au moyen d’un bail ou d’un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l’indemnité d’occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement (C.civ. art. 515-6, al. 1, C.civ. art. 763 , al.2).
  • Droits de succession : à la condition qu’un legs lui ait été fait par le défunt, le partenaire survivant est totalement exonéré de droits de succession sur le legs (CGI art. 796-0 bis).
    Quant à lui, le concubin survivant ne bénéficie que d’un abattement de 1.594 € sur le legs qui lui a été consenti par le défunt et doit s’acquitter de 60 % de droits de succession (CGI art. 788 IV, CGI art. 777, tableau III).
  • Libéralités : les donations consenties entre partenaires pacsés bénéficient d’un abattement de 80.724 €. (CGI art. 790 F).
    Les donations entre concubins ne bénéficient d’aucun abattement et sont taxées à 60 % (CGI art. 777, tableau III).
  • Attribution préférentielle : à la différence du concubin, le partenaire pacsé a droit à l’attribution préférentielle du logement détenu en copropriété, de son mobilier, ou du droit au bail du bien qui lui sert d’habitation, à charge de soulte s’il y a lieu. Il est néanmoins nécessaire pour cela que le défunt l’ait prévu par testament (C.civ. art. 515-6, al. 2, art. 831- 3) et que ce legs n’excède pas la quotité disponible, auquel cas il serait exposé à l’action en réduction de l’héritier réservataire.
    De même, le partenaire pacsé bénéficie du droit à l’attribution préférentielle de l’entreprise, des droits sociaux, du local à usage professionnel, entre autres.
  • Assurance-vie : la souscription d’un contrat d’assurance vie permet aux concubins, ou aux partenaires pacsés, de se protéger mutuellement. Il existe néanmoins une différence significative entre concubin et partenaire pacsé à ce sujet :
    • Dans le cas de versements effectués avant 70 ans (CGI art. 990 I), le partenaire pacsé est exonéré de toute taxation (CGI art. 990 I, I-al.3) à la différence du concubin imposé au delà de 152.500 €.
    • Dans le cas de versements effectués après 70 ans, la fraction des primes qui excède 30.500 € est normalement taxée aux droits de mutation par décès (CGI art. 757 B) soit 60 % pour un concubin. Elle reste exonérée de droits de succession pour le partenaire (CGI art. 796-0 bis).

exemples pratiques

« A » 45 ans, « B » 48 ans sont en couple.
« A » est propriétaire de la résidence principale dans laquelle vit le couple. Valeur : 300.000 €
« A » décède.

cas 1 : ils sont concubins, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : « B » n’hérite pas de « A » et n’a aucun droit sur la résidence principale.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.

Legs de la pleine propriété de la résidence principale

« B » peut alors disposer de la résidence principale comme il l’entend, l’occuper, la louer ou la vendre.
Droits de succession : « B » bénéficie d’un abattement de 1.594 € (CGI art. 788 IV) sur la valeur du bien soit : 300.000 € – 1.594 € = 298.406 € imposable. Il devra acquitter 60% de droits de succession (CGI art. 777, tableau III) soit 179.044 €.

Legs de l’usufruit de la résidence principale

« B » ne détient dans ce cas que l’usufruit de la résidence principale, c’est-à-dire le droit de l’occuper ou de la louer. Il ne peut la vendre sans l’accord du ou des nus-propriétaires. Les charges devront également être réparties entre usufruitier et nu-propriétaire selon les dispositions de l’article 1133 du CGI.
Compte tenu de l’âge du légataire « B », l’usufruit représente 60 % de la valeur du bien (CGI art. 669) soit, 300.000 € x 60 % = 180.000 €. Après l’abattement de 1.594 €, il reste 178.406 € taxables à 60 % soit 107.044 € de droits de succession.

Legs du droit d’usage et d’habitation

« B » a dans ce cas uniquement le droit d’occuper la résidence principale.
Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit (GI art. 762 bis) soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Après application de l’abattement de 1.594 €, il reste 106.406 € taxés à 60 % soit 63.844 € de droits de succession.

cas 2 : ils sont pacsés, sans héritier réservataire

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le contrat de Pacs ne permet pas d’assurer une transmission de bien au partenaire survivant. Il lui donnera uniquement le droit d’occupation d’un an de la résidence principale ou le droit au remboursement des loyers et indemnité d’occupation, comme nous l’avons précédemment vu.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B »
    « B » peut bénéficier de l’intégralité du legs, celui-ci ne risquant pas d’être réduit en l’absence d’héritier réservataire.
    Qu’il s’agisse du legs de la pleine propriété, du legs d’usufruit, ou d’usage et d’habitation, le partenaire légataire reçoit ses droits en franchise d’imposition successorale (CGI art. 796-0 bis).

cas 3 : ils sont concubins avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit sur la résidence principale, pas même le droit d’occupation d’un an ou le droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire (C.civ.art. 912), soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants (C.civ. art. 913).
    Masse successorale = résidence principale = 300.000 €.
    Quotité disponible 1/3 = 100.000 €
    Réserve héréditaire de chaque enfant : 100.000 € chacun, soit 200.000 € au total.

Legs de la pleine propriété

Ce legs d’une valeur de 300.000 € excédant la quotité disponible de 100.000 €, « B » s’expose à l’action en réduction des enfants leur permettant de reconstituer leur réserve héréditaire. Dans ce cas, « B » et les enfants seront en indivision. « B » recevra des droits indivis d’une valeur de 100.000 €, les enfants se partageant les 200.000 € restants par parts égales.
Cette situation ne permet pas à « B » d’occuper la résidence principale (sauf à ce que les enfants l’acceptent, éventuellement moyennant indemnisation) et ne permet pas de lui assurer une protection de logement en cas de décès du concubin.
Par ailleurs, « B » supporte des droits de succession d’un montant de 59.044 € (100.000 € -1.594 € X 60 %).

Legs de l’usufruit

Le droit d’usufruit du concubin vaut 180.000 € (300.000 € x 60 %). Sa valeur excède donc de 80.000 € la quotité disponible ordinaire (100.000 €).
« B » s’expose donc à la réduction du legs en sa faveur. Il doit soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne plus bénéficier du droit d’usufruit sur le bien, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 80.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

Legs du droit d’usage et d’habitation

Le droit d’usage et d’habitation est évalué forfaitairement à 60 % de la valeur de l’usufruit soit 180.000 € X 60 % = 108.000 €. Ici, encore, le montant du legs de « B » excède la quotité disponible et entame la réserve héréditaire de 8.000 €. Il devra soit accepter de « réduire » sa part successorale à la quotité disponible ordinaire (100.000 €) et ne peut plus bénéficier du droit d’usage et d’habitation, soit, outre les droits de succession, verser une soulte de 8.000 € aux héritiers afin de les remplir de leurs droits légaux.

cas 4 : ils sont pacsés avec deux enfants communs

  • Ils n’ont pris aucune disposition : dans ce cas, le concubin survivant n’a aucun droit de propriété sur la résidence principale, mais dispose en vertu du PACS du droit d’occupation d’un an ou du droit viager. La résidence principale revient en pleine propriété aux deux enfants.
  • « A » a pris des dispositions testamentaires en faveur de « B » :
    Comme précédemment, « B » ne peut bénéficier de l’intégralité du legs en sa faveur que dans la mesure où sa valeur n’excède pas la quotité disponible ordinaire, soit 1/3 de la masse successorale en présence de deux enfants, soit 100.000 €.
    Le PACS ne confère aucun droit de propriété sur la masse successorale.
    Qu’il s’agisse d’un legs en pleine propriété, d’un legs d’usufruit ou de droit d’usage et d’habitation, il sera réduit à la quotité disponible dans les mêmes proportions respectives que nous venons de calculer dans le cas 3 des concubins.
    A la différence néanmoins des concubins, le partenaire pacsé ne supportera pas de droits de succession sur la part reçue.

On constate ainsi qu’à l’exception du partenaire pacsé qui, sans héritier réservataire concurrent, peut, en franchise d’impôt, recueillir la pleine propriété des droits et biens du défunt, il n’est pas de cas de figure où, la fiscalité ne soit pas confiscatoire (entre concubins) et/ou les droits de propriété, d’usufruit, d’usage et d’habitation ne soient amoindris, voire réduits à la portion congrue.

les solutions

Il existe néanmoins des outils permettant d’améliorer la protection du concubin ou du partenaire pacsé en cas de décès, parmi lesquels :

  • L’acquisition de la résidence principale en démembrement croisé via une SCI : ce mode de détention permet au survivant des concubins ou des partenaires de conserver la pleine propriété d’une partie des parts dont il était nu-propriétaire et de rester usufruitier de l’autre partie. Cette transmission s’effectuera en exonération de droits de succession pour le concubin comme pour le partenaire pacsé, l’usufruit rejoignant la nue-propriété sans droit.
  • Le commodat ou prêt à usage qui autorise le survivant à continuer d’occuper le bien sans pour autant que les héritiers réservataires ne soient lésés de leurs droits (C.civ. 1875 ss.) et ceci même après le décès (C.civ. 1879).
  • L’acquisition de la résidence principale avec clause de tontine (C.civ 1304 à 1304-7) , à condition qu’elle comporte bien un caractère aléatoire (investissement de chacun et âges proches), permet d’assurer la transmission de la pleine propriété de la résidence principale au survivant des concubins ou partenaires pacsés. Cette opération n’est pas considérée comme une donation exposée à la réduction.
    Fiscalement, si la valeur du bien est supérieure à 76.000 €, le couple aura intérêt à se pacser pour éviter les droits de succession au taux de 60 % (CGI art. 754 A).
  • La convention d’indivision permet d’organiser la gestion des biens indivis et d’anticiper les conflits (C.civ. art. 1873-1) en cas d’indivision successorale suite au décès.
  • Sans oublier la solution la plus protectrice qui soit, le mariage ! S’il relève davantage d’une décision personnelle, le mariage offre néanmoins un large choix de régimes, de la séparation de biens à la communauté universelle mais aussi d’options permettant d’organiser un contrat sur mesure.

Vivre ensemble sans ne rien prévoir ou conclure un PACS sans y adjoindre d’autres dispositions nécessaires font courir un risque patrimonial significatif pour les concubins ou les partenaires en cas de décès de l’un d’eux. Il est du rôle du conseiller patrimonial de mesurer ce risque, de sensibiliser et d’envisager les solutions existantes, des plus simples aux plus protectrices.

Auteur
Jean-Guy Pécresse  
Intervenant formateur pour le CESB CGP – Conseiller en gestion de patrimoine