Loi Pacte : principales mesures concernant les sociétés
La loi Pacte a également apporté des modifications importantes à la vie des sociétés dont le chef d’entreprise et ses conseils doivent être informés et que nous vous présentons ci-après.
création d’un nouvel outil de gestion des sociétés : « le fonds de pérennité »
La loi PACTE instaure un nouvel instrument stable de détention et de transmission du capital de sociétés opérationnelles : le « fonds de pérennité ».
La philosophie présidant à la création du fonds de pérennité par le législateur
Adaptation en droit français des modèles étrangers des fondations d’actionnaires qui ont vocation à assurer la pérennité d’une entreprise.
Un fonds de pérennité a vocation à devenir un actionnaire inamovible de la ou des sociétés opérationnelles dont des actions ou parts lui sont apportées, en concourant à leur stabilité économique.
Conditions nécessaires à la constitution et au fonctionnement d’un fonds de pérennité
La constitution du fonds s’effectue par l’apport à titre gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou détenant directement ou indirectement des participations dans une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité (société holding).
- Cet apport est réalisé par un ou plusieurs « fondateurs » de leur vivant. Sous certaines conditions, un fonds de pérennité peut toutefois être constitué par legs.
- Civilement, cet apport à titre gratuit est une libéralité soumise, sauf stipulations contraires, aux règles de droit commun : prise en compte de cet apport pour le calcul de la réserve héréditaire du fondateur, éventuelle action en réduction des héritiers réservataires…
- Fiscalement, cet apport est soumis aux droits de mutation à titre gratuit entre non parents (60 %). Toutefois, et pour favoriser la création de fonds de pérennité, des mesures d’exonération partielle sont prévues (cf. infra – Pacte Dutreil).
Les titres apportés au fonds sont en principe inaliénables.
Le fonds de pérennité a comme objectif de contribuer à la pérennité de la société opérationnelle via la gestion des titres apportés, l’exercice des droits qui y sont attachés et l’utilisation de ses ressources. Le cas échéant, l’objet du fonds peut également être de réaliser ou financer des oeuvres ou des missions d’intérêt général.
- Les titres ou parts apportés constituent la dotation du fonds de pérennité, qui peut être complétée par des biens et droits de toute nature également apportés à titre gratuit et de manière irrévocable. Les revenus et produits de sa dotation (dividendes notamment), les produits des activités autorisées par les statuts ainsi que les produits des rétributions pour service rendu constituent les ressources du fonds.
Le fonds doit avoir des statuts prévoyant notamment les modalités de son fonctionnement, ainsi qu’un objet définissant le cadre de son intervention et l’utilisation des moyens dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Le fonds est déclaré à la préfecture et les statuts sont déposés à cette occasion. Le fonds jouit de la personnalité morale.
Le fonds de pérennité est géré par un conseil d’administration. Les statuts prévoient également la création d’un comité de gestion dont le rôle est d’assurer le suivi constant de la ou des sociétés dont les titres ou parts ont été apportés au fonds. Il est notamment chargé d’émettre des recommandations sur les modalités de gestion de la dotation.
- La loi prévoit également certaines obligations de contrôle (publication de comptes, nomination d’un commissaire aux comptes dans certaines structurations, etc.).
La dissolution du fonds s’effectue soit selon les dispositions statutaires, soit judiciairement notamment lorsque l’autorité administrative constate des dysfonctionnements graves de nature à compromettre la pérennité du fonds.
La dissolution entraîne la liquidation du fonds.
- Afin de ne pas utiliser le fonds de pérennité ainsi dissout comme un vecteur de libéralité d’une société, la loi prévoit que l’actif net est obligatoirement transféré à un bénéficiaire désigné par les statuts. Cette transmission est imposée aux droits de mutation à titre gratuit entre non parents, soit 60 %.
Possibilité de bénéficier du pacte Dutreil Transmission sur les titres ou parts apportés au fonds
En cas d’apport de titres éligibles à un fonds de pérennité, les droits de mutation à titre gratuit sont ceux dus entre non parents (60 %).
Afin de favoriser l’apport de titres ou parts de sociétés éligibles à un fonds de pérennité, le législateur a prévu la possibilité pour l’apporteur-fondateur de bénéficier du régime favorable du Dutreil transmission sur les actifs apportés (sous les conditions et obligations de droit commun de ce dispositif).
Pour bénéficier du régime, cet apport ne peut s’effectuer qu’en pleine propriété. L’apporteur n’est alors fiscalisé que sur 25 % des titres ou parts apportés au fonds.
- Par ailleurs, lorsque l’apporteur a moins de 70 ans, il peut également bénéficier d’une réduction sur les droits de mutation à titre gratuit de 50 %.
En application de ce régime, l’apport de titres à un fonds de pérennité sous le bénéfice du pacte Dutreil Transmission est soumis à une pression fiscale de :
- 15% pour les apporteurs âgés de plus de 70 ans ;
- 7,5% pour les apporteurs âgés de moins de 70 ans.
Nous sommes en attente du décret d’application nécessaire pour préciser les modalités de constitution et de fonctionnement du fonds.
mesures diverses
Parmi les très nombreuses mesures instaurées par la loi PACTE, citons notamment :
Le relèvement des seuils de certification légale des comptes sociaux
La loi PACTE prévoit une uniformisation des seuils d’intervention d’un commissaire aux comptes (CAC) pour toutes les sociétés commerciales.
La désignation d’un CAC est désormais obligatoire en cas de dépassement de 2 des 3 seuils suivants à la clôture d’un exercice :
- Total bilan de 4 M€
- CAHT de 8 M€
- 50 salariés en moyenne.
Les sociétés ne dépassant par au moins 2 de ces 3 seuils seront ainsi dispensés de désigner un CAC. Une désignation volontaire demeure notamment possible.
- S’agissant des sociétés civiles, il est rappelé qu’il n’existe pas d’obligation légale de certification des comptes, sauf exceptions très spécifiques.
A titre d’exemple, pour une société qui clôture son exercice au 31 décembre 2019, le 1er exercice concerné par cette réforme sera l’exercice 2019.
Elargissement des possibilités d’octroi d’avance en compte courant d’associés
La loi PACTE reforme les règles relatives au monopole bancaire et assouplit les conditions d’octroi d’avances en compte courant consenties à titre habituel aux sociétés civiles, aux SARL et aux sociétés par actions. Jusqu’à présent, ces avances étaient possibles sous deux conditions :
- Lorsqu’elles étaient consenties par des associés qui détenaient au moins 5 % du capital social ;
- Lorsqu’elles étaient consenties par certains mandataires sociaux (limitativement énumérés à savoir les gérants, administrateurs, membres du directoire ou du conseil de surveillance), aux sociétés dont ils étaient mandataires (sans obligation de détention capitalistique).
Afin de faciliter le financement des entreprises, la loi PACTE supprime la condition de détention minimum du capital pour les associés de sociétés civiles, de SARL et de sociétés par actions. Elle intègre également dans la liste des mandataires sociaux pouvant consentir des avances en compte courant, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués et les présidents.
« Intérêt social », « raison d’être » et « sociétés à mission » : intégration des enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion des sociétés
LA NOTION « D’INTERET SOCIAL » CODIFIÉE
La loi PACTE intègre dans le Code civil le fait que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Le fait que la société ait un intérêt social autonome, distinct de celui de ses associés, est désormais inscrit dans la loi (notion jurisprudentielle auparavant).
POSSIBILITÉ D’INTÉGRER UNE « RAISON D’ETRE » DES SOCIÉTÉS
Introduite par le rapport Notat-Sénard sur l’entreprise (« L’entreprise, objet d’intérêt collectif »), la notion de « raison d’être » des sociétés a été insérée dans le Code civil.
La « raison d’être » est un ensemble de principes dont la société se dote et pour lesquels elle affecte des moyens pour y parvenir.
Cette notion se distingue de celle « d’objet social ». Elle permet de définir « l’ambition » de la société, c’est-à-dire un but vers lequel elle doit tendre, distinct de son but lucratif, et qui est l’expression de ce qui est indispensable pour remplir son objet social.
La « raison d’être » peut être insérée dans les statuts ou être extra statutaire, ce qui n’emporte en principe pas les mêmes conséquences en cas de manquement.
LA « SOCIÉTÉ A MISSION »
Une société (quelle que soit sa forme) pourra se prévaloir publiquement de la qualité de « société à mission », notamment lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- Elle définit dans ses statuts une « raison d’être », conformément aux nouvelles dispositions du Code civil (cf. supra).
- Elle fixe, dans ses statuts, des objectifs sociaux et environnementaux à atteindre dans le cadre de son activité et dans le respect de sa « raison d’être ».
- Elle doit prévoir statutairement les modalités de suivi du respect de ces objectifs, parmi lesquelles la mise en place d’un comité de mission (sauf exception) distinct des organes sociaux.
Ces objectifs sociaux et environnementaux sont également vérifiés par un organisme tiers indépendant.
En cas de non respect d’une des conditions susmentionnées (non exhaustives) ou en cas d’avis défavorable de l’organisme indépendant quant au respect des objectifs fixés par la société, la mention « société à mission » est supprimée de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société.
La mise en oeuvre de cette « société à mission » est subordonnée à la parution d’un décret.
En conclusion
La loi Pacte assouplissant les principaux supports de gestion de patrimoine des français comporte également des mesures significatives concernant les sociétés. L’accent est mis sur la pérennisation des PME-ETI, la définition d’une mission plus large que l’objet social permettant d’intégrer les objectifs sociétaux et environnementaux et l’assouplissement de certaines règles de contrôle de gestion (seuils d’intervention obligatoire des commissaires aux comptes). Ces mesures insufflent une philosophie nouvelle de la gestion des sociétés.
Vous souhaitez réagir à la lecture de cet article ? Vous souhaitez nous faire part de vos avis et remarques. Vos commentaires sont les bienvenus. Merci de nous en faire part ci-dessous.
Auteur
François Soubiran
Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.