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SCI : la solution pour réduire l’imposition successorale sur l’immobilier ?

SCI : la solution pour réduire l’imposition successorale sur l’immobilier ?

Temps de lecture estimé : 16 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Capital faible, apport en compte-courant, emprunt, OBO : la SCI est-elle la solution pour optimiser fiscalement la transmission de biens immobiliers ? Qu’apporte-t-elle réellement et dans quels cas l’utiliser ?

 

La société civile immobilière (SCI) présente un intérêt indéniable en termes d’organisation de la transmission, notamment en évitant les situations d’indivision et en permettant d’organiser la détention et la gestion des biens. Ce sont là ses avantages civils.

Mais la SCI est souvent présentée, voire recherchée, comme un outil permettant de réduire la fiscalité successorale. Or détenir un bien immobilier en direct ou via une SCI ne change pas le traitement fiscal en cas de succession. Autrement dit, il ne suffit pas de créer une SCI et d’y acquérir ou d’y loger des biens immobiliers pour optimiser la fiscalité successorale.

La SCI contribue à réduire l’imposition successorale mais dans des situations bien spécifiques.

La constitution de la société avec un capital faible, tout comme le recours au compte-courant, ou à l’emprunt bancaire, qu’il s’agisse d’un achat à un tiers ou à soi-même (dispositifs dits d’OBO (Owner buy out)), sont souvent présentés comme des situations optimales d’utilisation de la SCI et des prérequis nécessaires à son efficacité fiscale.

Nous allons voir que ce ne sont pas pour autant des conditions suffisantes et que ces schémas doivent être maniés avec prudence. Explications.

la sci au capital faible n’est pas nécessairement un outil optimisant

Il est à juste titre conseillé de créer une SCI au capital faible pour réduire la base de calcul des droits de donation des parts.

Lors de sa création, la SCI ne détient que les sommes apportées. La valeur de ses parts est alors égale au capital social constitué.

Si celui-ci est faible, il s’agit donc d’un bon moment pour réaliser une donation puisque la valeur de la SCI va ensuite évoluer dans le temps et notamment par les acquisitions immobilières.

Si cette condition est un préalable, son efficacité est néanmoins réduite voire annihilée si l’acquisition du bien par la SCI se réalise par un apport en capital ou en compte-courant.

Attention : bien distinguer capital social et valeur des parts de la SCI

Il serait faux de croire que les droits de mutation à titre gratuit se calculent systématiquement sur la valeur du capital social.

Ils sont en effet calculés sur la valeur des parts sociales. Cette valeur correspond à l’actif net de la société, c’est-à-dire le total de l’actif évalué au prix de marché moins le total du passif (emprunt, dettes, compte-courant d’associés).

Cet actif net correspond aux capitaux propres de la SCI. Si la SCI vient d’être créée ou si son histoire fait qu’elle n’a pas accumulé de résultats ni de réserves, les capitaux propres correspondent alors au capital social de constitution. Mais ce n’est pas toujours le cas et encore moins au fil du temps comme nous allons le voir.

apport en capital : effet de dilution sans optimisation de la transmission

Une fois la SCI constituée par un capital de valeur faible pour optimiser fiscalement la donation, elle va devoir acquérir un bien immobilier.

Prenons l’hypothèse d’un père souhaitant transmettre un bien immobilier à ses enfants et ayant créé une SCI à cet effet. Il aura pris soin de constituer la SCI avec un capital faible et aura donné l’essentiel des parts sociales à ses enfants sans droit de donation compte tenu de la faible valorisation du capital (inférieur aux abattements des droits de mutation en ligne directe).

S’il apporte ensuite le bien à la SCI dans l’objectif de le transmettre aux enfants, cet apport a pour effet d’accroître le capital social.

Il reçoit des parts de SCI en échange de l’apport du bien. Si le capital initial est faible, les nouvelles parts créées en échange de l’apport représentent une valeur nettement plus significative, celle de la valeur du bien. Le père donateur devient donc le principal associé de la SCI et dilue les autres associés, c’est-à-dire les enfants.

En cas de décès, ses parts seront transmises à ses héritiers. Si les héritiers sont les enfants, associés de la SCI, la transmission leur est bien assurée mais ils auront à payer les droits de succession sur les parts détenues par le père représentant l’essentiel de la valeur de la SCI.

Cette opération n’aura donc eu aucun effet d’optimisation fiscale successorale sur la transmission du bien immobilier.

S’il y a d’autres héritiers que les enfants, ces derniers se retrouvent soit dans l’obligation d’accepter le ou les nouveaux héritiers en tant que nouvel associé dans la SCI, soit de leur rembourser leurs parts, encore faut-il qu’ils en aient la possibilité.

Cette opération n’a en aucun cas facilité la transmission et encore moins réduit le coût fiscal.

apport en compte-courant : pas d’optimisation successorale

Une solution souvent retenue pour ne pas modifier la valeur du capital social, ni sa détention, est de réaliser un apport en compte-courant d’associé.

Si l’on reprend notre exemple précédent, le père, souhaitant transmettre un bien immobilier réalise alors :

  • Soit une vente du bien, s’il en est déjà propriétaire, à la société moyennant un crédit vendeur en faveur de celle-ci, matérialisé par un compte-courant d’associé.
  • Soit un apport d’une somme d’argent en compte-courant qui va permettre à la SCI d’acquérir le bien.

Dans les deux cas, le passif de la SCI va comporter un compte-courant d’associé à son nom égal à la valeur du bien immobilier.

Mais la transmission n’est toujours pas optimisée par cette opération. En cas de décès du donateur propriétaire du bien, le compte-courant entre en effet dans la masse successorale.

Ceci a 2 effets :

  • Un effet civil : le compte-courant revient à ses héritiers.
    • S’ils ne sont pas les mêmes que les enfants associés donataires de la SCI, ces derniers n’ont toujours pas reçu la valeur du bien. Il leur faudrait rembourser le compte-courant pour cela.
    • S’il n’y a pas d’autres héritiers que les enfants associés, la valeur du bien leur a bien été transmise puisqu’ils détiennent via la SCI à la fois l’actif (le bien) et le passif (compte-courant).

    Mais le compte-courant est imposable aux droits de succession.

  • Un effet fiscal : les comptes-courants entrent dans la masse successorale et sont imposables aux droits de mutation à titre gratuit. Les héritiers auront donc à payer des droits de succession sur la valeur du compte-courant, qui peut-être celle du bien si le compte-courant n’a pas été remboursé ou très peu.

L’opération aura eu ici deux avantages :

  • éviter l’entrée au capital de la SCI d’éventuels autres héritiers. Mais la SCI reste redevable du remboursement du compte-courant détenu par les héritiers.
  • transmettre aux enfants, associés majoritaires, l’essentiel de la plus-value acquise par le bien immobilier entre sa date d’acquisition par la SCI et la valeur du bien au jour du décès, et ceci sans droits de succession.

    Mais attention, seule cette plus-value est transmise sans imposition. La valeur d’acquisition du bien par la SCI reste imposable aux droits de mutation lors du décès puisque le compte-courant finançant cette valeur d’acquisition entre dans l’actif taxable (pour sa valeur non remboursée).

Exemple 

Monsieur T. souhaite acquérir un bien immobilier locatif d’une valeur de 300.000 € et en profiter pour en optimiser la transmission à ses deux enfants. Il n’a encore réalisé aucune donation en faveur de ses enfants.

Il crée une SCI avec un capital faible de 5.000 € puis donne 98 % de ce capital à chacun de ses enfants et en conserve 2 %. La donation, portant sur une valeur de 2.450 € par enfant (5.000 € x 49 %), n’est pas imposable (inférieure aux abattements de 100.000 € en ligne directe).

Monsieur T. réalise un apport en compte-courant d’associé de 300.000 € à la SCI. La SCI utilise cette somme pour acquérir le bien.

Au décès de Monsieur T, dix ans plus tard, le bien immobilier vaut 360.000 €. Monsieur T. est veuf et ses héritiers sont ses deux enfants.

Les parts de la SCI détenues par Monsieur T, soit 2 % du capital, entrent dans l’actif successoral.

Il en est de même pour le compte-courant d’associé de 300.000 €, non remboursé et toujours existant au passif de la SCI en faveur de la succession de Monsieur T.

La valeur de la totalité des parts de la SCI correspond à l’actif net réévalué soit :

Actif : bien immobilier pour 360.000 €
Passif : compte-courant pour 300.000 €
Actif net : 60.000 €

Valeur des parts de SCI détenues par Monsieur T et entrant dans la masse successorale imposable : 1.200 € (60.000 € x 2 %).

La valeur des parts détenues par les enfants est passée de 2.450 € chacun lors de la donation à 29.400 € (60.000 € x 49 %) pour chaque enfant. Une plus-value de 26.950 € est transmise à chaque enfant sans droits de succession (53.900 € au total).

Les enfants sont néanmoins redevables des droits de succession sur la valeur du compte-courant de 300.000 €, correspondant à la valeur d’acquisition du bien.

L’apport en compte-courant permet donc d’optimiser fiscalement la transmission uniquement sur la plus-value acquise sur le bien depuis son entrée dans la SCI.

Il est à noter que dans la pratique, Monsieur T réalisera plutôt une donation de 98 % du capital de la SCI en nue-propriété uniquement en conservant l’usufruit, afin de percevoir les revenus de la SCI sa vie durant. Cette donation en nue-propriété aura également pour effet de réduire la base imposable de la donation, mais ce n’est pas ici l’objectif principal puisque la donation porte déjà sur un capital relativement faible.

Si le compte-courant n’est pas totalement amorti lors du décès, la transmission n’est donc pas assurée économiquement (nécessité de rembourser le compte-courant aux héritiers créanciers) et l’opération n’aura eu d’effet fiscal que sur la plus-value acquise sur le bien entre son acquisition par la SCI et le décès de l’associé souhaitant transmettre.

Or dans la pratique, le compte-courant constitué pour l’acquisition du bien par la SCI ne se rembourse pas régulièrement dans le temps, soit parce que les ressources de la SCI ne le permettent pas (loyers nets de charges insuffisants) soit parce que les associés ne le souhaitent pas.

Les associés peuvent décider… » par la phrase suivante « L’associé « prêteur » peut ne pas exiger le remboursement du compte-courant. A son décès, il arrive alors que, sciemment ou non, ce compte-courant soit « oublié », jusqu’à ne pas le rappeler dans la succession.

La SCI étant une forme sociale dans laquelle la tenue de compte est conseillée mais pas obligatoire, rares sont les sociétés civiles pour lesquelles un bilan et compte de résultat détaillés ont été tenus.

Lors de la succession de l’associé détenteur du compte-courant, il est alors tout simplement « omis » d’inclure dans la masse successorale la valeur de ce compte-courant correspondant, rappelons-le, au prix d’acquisition du bien de la SCI si aucun remboursement n’a eu lieu.

Seules les parts sociales détenues par l’associé ayant fait l’apport en compte-courant et décédé, en l’occurrence les parts du père dans notre exemple, vont figurer dans l’actif successoral. Or le capital social de la SCI est détenu principalement par les enfants depuis la donation en leur faveur. L’apport en compte-courant a évité, comme nous l’avons vu, toute accroissement de ce capital et toute dilution. La valeur des parts sociales du père, même calculée sur la valeur de marché du bien immobilier détenu par la SCI, est donc relativement faible, comme nous l’avons vu dans l’exemple chiffré précédent. L’imposition successorale est donc significativement réduite.

Nous appelons néanmoins à la plus grande vigilance sur ce type de pratique. Exclure la valeur du compte-courant de l’actif successoral taxable, c’est omettre de déclarer dans la masse successorale imposable la valeur d’acquisition même du bien immobilier par la SCI, dans l’hypothèse où le compte-courant n’a jamais fait l’objet de remboursement.

En cas de contrôle, il y aurait réintégration de cette valeur aux droits de mutation à titre gratuit augmenté des sanctions afférentes.

Une opération de création de SCI avec un capital faible, suivie d’une donation de ce capital puis de l’acquisition d’un bien immobilier par la SCI dont la valeur est connue via les droits d’enregistrement, peut attirer l’attention de l’administration fiscale. Cette situation interroge nécessairement sur les modalités de financement de l’acquisition du bien par la SCI et de l’éventuelle existence d’un compte-courant d’associé, et ceci d’autant plus si le décès intervient peu après.

sci et emprunt bancaire : une condition nécessaire mais pas suffisante

Pour assurer la transmission et l’optimiser, la SCI à faible capital doit nécessairement s’accompagner d’un passif afin de ne pas accroître le capital. Le compte-courant d’associé n’étant pas l’outil idoine en termes économique et fiscal comme nous l’avons vu, seul l’emprunt bancaire peut donner toute son efficacité à l’opération.

Encore faut-il que ce financement bancaire soit adapté et utilisé dans un schéma approprié.

crédit et sci : principe de la transmission de valeur et optimisation fiscale

Lorsque le financement du bien se réalise par emprunt bancaire au nom de la SCI, il est possible de combiner :

  • l’avantage de la donation sur un capital faible : la valeur taxable de la donation et les droits de mutation sont ainsi réduits.

    En comparaison, donner un bien détenu en direct ainsi que le crédit immobilier d’acquisition de ce bien est également réalisable. Il nécessite néanmoins l’accord de l’établissement prêteur et la modification éventuelle des garanties. Le transfert de la charge de la dette en faveur du donataire doit figurer à l’acte. Le montant du crédit restant dû doit être inférieur à la valeur du bien donné pour que l’opération s’analyse fiscalement comme une donation (dans le cas où les valeurs sont identiques, l’opération pourrait être considérée comme une vente).Les droits de donation se calculent alors sur la valeur du bien, diminuée du capital restant dû sur le crédit (article 776 Bis du CGI ; BOI-ENR-DMTG-20-30-10 130), ce qui fiscalement apporte les mêmes avantages que la transmission des parts de SCI au capital faible.

  • l’absence d’une dilution de capital lors de l’acquisition et également de création d’un passif au nom de l’associé donateur qui serait imposable aux droits de succession.
  • un accroissement dans le temps de la valeur des parts données par deux mécanismes :
    • au fur et à mesure du remboursement du crédit, la diminution de la valeur du passif accroît mathématiquement la valeur de l’actif net donc la valeur des parts.
    • lors de l’augmentation de la valeur du bien sur le marché immobilier : la plus-value acquise par le bien entre sa date d’acquisition par la SCI et le décès du père, associé minoritaire, est transmise aux enfants, associés majoritaires, sans droits de succession, de la même manière que dans le cas du compte-courant.
  • une transmission de plus-value immédiate en cas de décès de l’associé ayant souhaité transmettre si le prêt bancaire est assuré sur sa tête. L’assurance emprunteur permet alors le remboursement du passif et la valeur des parts sociales des enfants associés majoritaires s’accroît alors proportionnellement.

Le financement bancaire doit donc être réfléchi lors de sa mise en place et convenir au projet patrimonial.

nécessité d’un financement adapté à l’opération

L’emprunt bancaire doit être approprié aux objectifs poursuivis, afin de donner toute son efficacité à l’utilisation de la SCI :

 

  • Il est tout d’abord préférable de procéder à la donation des parts sociales avant la demande d’emprunt. Dans le cas inverse (emprunt de la SCI préexistant à la donation des parts), les conditions de solvabilité du crédit changent puisque les associés ne sont plus les mêmes et il serait nécessaire d’obtenir l’accord de la banque.Cet ordre des opérations, donation puis emprunt, est également important pour des raisons fiscales comme nous le verrons plus loin, pour éviter, dans certains schémas, une requalification en abus de droit.
  • Si l’emprunt est réalisé au nom de la SCI, la banque tient alors compte des capacités d’emprunt des associés.
    La surface financière et les ressources des enfants étant souvent plus faibles une caution de l’associé donateur est alors exigée.
  • L’emprunt peut être réalisé au nom des associés personnes physiques et non de la SCI : il faudra alors être vigilant aux proportions d’emprunt de chaque associé. Cela suppose également que chaque associé réalise un apport en capital ou en compte-courant.Nous avons vu que ces deux opérations annihilent ou minimisent l’effet de transmission et d’optimisation lorsqu’elles sont réalisées par le donateur.Dans cette situation, on pourrait penser que ce sont les enfants associés qui contractent personnellement le crédit, auquel cas leur apport en capital accroît leurs parts personnelles, celui en compte-courant crée une créance leur revenant et les effets de transmission sont bien assurés. Néanmoins, s’agissant des enfants, la banque peut être plus frileuse à leur octroyer un crédit s’ils n’ont pas les revenus ni l’assise financière suffisants. Une caution du parent donateur peut permettre de fournir les garanties nécessaires.Par contre, si la banque contraint à ce que le donateur emprunte davantage compte tenu de ses capacités financières, les inconvénients préalablement décrits d’apport en capital ou en compte-courant se répètent.
  • Si la mensualité du crédit excède celles des revenus perçus par la SCI sur le bien : les associés devront apporter des fonds à la SCI pour équilibrer sa trésorerie.Ceci se traduit ici aussi par la création de compte-courant au nom de ces associés.Si cet apport est réalisé par le parent associé souhaitant transmettre le bien, ce compte-courant à son nom s’accroît avec le temps et on retrouve les inconvénients précédemment cités : inclusion dans la masse successorale en cas de décès et imposition aux droits de succession, compte-courant restant à rembourser à d’éventuels autres héritiers s’il y en a.
  • Les assurances-décès accroissent l’efficacité de la transmission si elles sont réfléchies et adaptées : si la SCI emprunte, la banque exige une assurance-décès sur la tête des associés personne physique.Il y a alors intérêt à ce que l’associé souhaitant transmettre soit le principal assuré. En cas de décès, l’emprunt est alors remboursé et les parts des autres associés s’accroissent d’autant, ce qui constitue un effet de levier significatif dans la transmission.

L’indemnité de remboursement d’emprunt en cas de décès de l’associé assuré est-elle imposable pour la SCI ?

Si la SCI est à l’IR, elle est fiscalement transparente. Le régime des revenus fonciers prévoit que les indemnités accordées pour l’acquisition, la construction ou reconstruction de locaux imposables ne constituent pas des recettes imposables au sens de l’article 29 du CGI (BOI-RFPI-BASE-10-20 150). Le remboursement du capital de l’emprunt par l’assurance-décès emprunteur n’est donc pas imposable à l’IR.

Il en est différemment si la SCI est à l’IS. Les indemnités versées par la compagnie d’assurance-décès constitue un profit exceptionnel imposable.

vendre un bien à la sci : les risques de l’obo (owner buy out) immobilier

Ce schéma consiste à vendre un bien immobilier à une SCI tout en y étant associé.

Le vendeur du bien étant également au capital de la personne morale acquéreur, l’opération peut alors s’assimiler à une vente à soi-même ou OBO (Owner Buy Out) immobilier.

Ce type d’opération doit être manié avec précaution car il peut être requalifié sur le fondement de l’abus de droit.

Ce risque est par ailleurs élargi avec la nouvelle notion dite de mini-abus de droit.

Le risque d’abus de droit peut porter sur :

  • la fictivité des opérations (abus de droit dit par simulation) : l’administration considère que le schéma mis en place n’a pas d’existence réelle. Tel serait le cas si la SCI n’a pas de réelle activité ou n’existe pas réellement.Il est alors important de pouvoir démontrer le contraire par la tenue d’une comptabilité, des assemblées générales, par l’ouverture d’un compte bancaire spécifique et distinct de celui des associés, par l’existence d’une pluralité d’associés prenant part dans les décisions d’assemblée.La SCI doit avoir une réelle activité d’exploitation et une autonomie financière.Se pose ici la question du financement par compte-courant d’associé.Comme nous l’avons vu, cet apport ne permet pas d’optimiser la transmission successorale. Il a également pour inconvénient de faire dépendre la SCI d’un financement personnel de l’associé vendeur du bien. L’apport en compte-courant de cet associé finance l’acquisition du bien sans qu’il n’y ait eu réellement mouvement de fonds puisque l’associé apporte le prix nécessaire en compte-courant et le récupère en suivant à titre personnel par la cession du bien.

    Les conditions de remboursement de ce compte-courant sont par ailleurs fixées librement et souvent de manière souple (paiement d’intérêt uniquement, souvent très faibles voire inexistants). La SCI ne se finance donc pas nécessairement dans des conditions réelles de marché.

    Le recours à un emprunt bancaire, outre ses effets sur la transmission successorale, contribue davantage à prouver l’autonomie financière de la SCI.

    La fictivité peut également porter sur la vente en elle-même. Il est ici plus facile de contrer cette appréciation si le paiement du prix a bien eu lieu et d’autant plus que la cession est nécessairement réalisée par acte notarié.

    Il est néanmoins important de rester vigilant sur le prix du bien cédé. Celui-ci doit correspondre à la valeur du marché pour éviter toute requalification fiscale pour dissimulation de prix.

  • la fraude à la loi : c’est à ce niveau qu’entre en considération la notion d’objectif exclusivement fiscal (abus de droit – Article L64 LPF) ou principalement fiscal (mini-abus de droit – Article L64 A LPF) de l’opération.La fraude à la loi est caractérisée par une application littérale des textes de loi à l’encontre de l’intention du législateur et par la poursuite d’un objectif exclusivement fiscal (Article L64 LPF) ou principalement fiscal (Article L64 A LPF).La jurisprudence concernant la notion d’abus de droit « classique » et l’objectif exclusivement fiscal n’est pas systématiquement en défaveur de l’OBO immobilier mais il reste nécessaire que l’opération permette de poursuivre un objectif patrimonial solide et réel.Ainsi, le schéma consistant à faire racheter un bien immobilier de jouissance (résidence principale ou résidence secondaire) par une SCI détenue majoritairement par le vendeur afin de pouvoir constater un déficit foncier a été clairement requalifié en abus de droit (CE, 8 février 2019, n°407641).Cette opération vise en effet à faire racheter par la SCI détenue par le vendeur une résidence principale ou secondaire, de faire réaliser des travaux par exemple sur ce bien par la SCI et de conclure un bail entre l’associé-vendeur et la SCI afin que celle-ci puisse constater des revenus fonciers. La SCI va alors pouvoir déduire les charges immobilières et créer un éventuel déficit foncier sur ce bien de jouissance.

    Or ce type de bien, non imposable par principe au titre des revenus, ne permet pas non plus de déduire fiscalement les charges afférentes (article 15, II du CGI). L’opération d’OBO précédement décrite a donc clairement pour objectif de contourner cette loi.

    Lorsque l’OBO porte sur un bien locatif, ce risque spécifique est écarté mais il reste cependant indispensable que l’opération soit menée dans un objectif véritablement patrimonial, autre que fiscal.

    L’objectif patrimonial naturellement recherché est celui de la transmission du patrimoine et sa préparation.

    Les faits devront néanmoins prouvés la recherche de cet objectif patrimonial.

    Il est alors important que le capital soit également détenu par les enfants lors de l’acquisition par la SCI du bien (et pas l’inverse, acquisition par la SCI puis donation du capital aux enfants).

    Cette détention devra être significative afin de poursuivre l’intention de transmission mais aussi de prouver que le vendeur du bien immobilier se déssaisit réellement de ce bien et n’en garde pas la totale maîtrise.

    La rédaction des statuts est sur ce point importante : qui a les pouvoirs sur le bien ? qui peut le vendre, le donner en garantie… ? Mais aussi qui est gérant et dispose des pouvoirs d’administration du bien ?

    Si le vendeur du bien peut disposer des pouvoirs de disposition sur le bien via la SCI et s’il est seul gérant pour les actes d’exploitation, l’objectif patrimonial de transmission est affaibli.

    Si la décision de vente du bien détenu en SCI nécessite un vote en assemblée générale et que les enfants détiennent une part significative du capital ou si les enfants sont désignés comme co-gérants ou gérants, l’objectif patrimonial de transmission est renforcé.

    La justification de la vente plutôt qu’un apport à la SCI est également importante. Le remploi du prix de cession du bien doit avoir un intérêt patrimonial pour le vendeur. Il peut s’agir d’un nouvel investissement immobilier ou d’une autre diversification patrimoniale favorable à sa situation personnelle.

    Ceci suppose que le vendeur ait bien perçu le prix de vente dès la cession afin de réaliser ces nouveaux investissements.

    Le financement de l’opération par compte-courant d’associé au nom du vendeur ne permet pas cette perception de fonds immédiate et de nouvelles acquisitions patrimoniales à titre personnel. En cela, l’apport en compte-courant fragilise la poursuite de l’objectif patrimonial.

Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure dite de mini-abus de droit, applicable pour les opérations réalisées depuis le 01/01/2020, il convient d’être d’autant plus vigilant sur ces opérations.

Ce nouvel abus de droit est en effet constaté si l’objectif poursuivi est « principalement » fiscal et non plus « exclusivement ». Les preuves de la poursuite d’un objectif patrimonial doivent donc être significativement renforcées.

Compte tenu de la création récente de cette nouvelle notion d’abus de droit, nous ne disposons pas d’un recul suffisant pour en apprécier la jurisprudence.

L’appréciation de chaque opération reste dans tous les cas à la discrétion de l’inspecteur des impôts puis du juge.

L’administration fiscale invite à l’utilisation de la procédure du rescrit fiscal permettant d’interroger les services fiscaux sur le schéma envisagé avant sa mise en place. L’administration va alors se prononcer et donner son avis sur l’opération projetée. Si la réponse est positive, le contribuable est alors protégé contre une remise en cause du schéma.

 

 

La SCI n’est donc pas en elle-même un support de détention défiscalisant et ce serait une erreur, voire un risque fiscal aux vues de l’extension de la notion d’abus de droit, de la considérer de la sorte.

La SCI est avant tout un outil d’organisation du patrimoine permettant de répondre aux objectifs personnels, telles l’acquisition et la détention de biens à plusieurs personnes, ou familiaux, notamment la souplesse de transmission et la gestion du patrimoine immobilier.

Le conseiller en gestion de patrimoine doit donc être vigilant, savoir détecter les situations où la SCI n’est pas nécessaire et celles où elle apporte une véritable valeur ajoutée patrimoniale.

Auteur
 Anne Brouard 

Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7, Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisée en gestion de patrimoine

Vente d’un bien immobilier en SCI : comment procéder ? Quelle fiscalité ?

Vente d’un bien immobilier en SCI : comment procéder ? Quelle fiscalité ?

Temps de lecture estimé : 8 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Avant de vendre un bien en SCI, il est indispensable de connaître les règles civiles (la SCI peut-elle vendre ? Qui prend la décision ?) et l’imposition selon le régime IR ou IS.

Lorsqu’un bien immobilier est détenu par une SCI (Société Civile Immobilière), il est possible de le vendre de deux manières :

  • Vente du bien lui-même par la SCI. C’est alors la SCI personne morale qui procède à la cession. L’acquéreur devient propriétaire du bien mais ne sera pas associé de la SCI.
  • Vente des parts de la SCI par les associés. Cette méthode est en pratique moins utilisée car elle contraint les possibilités de cession. En général, les acquéreurs sont intéressés par le bien lui-même mais ne souhaitent pas devenir associés de la SCI. Cette modalité de cession peut néanmoins avoir son intérêt.

Par ailleurs, ces modes de cession n’ont pas le même impact selon le statut de la SCI : IR (Impôt sur le Revenu) ou IS (Impôt sur les Sociétés).

Il est indispensable de connaître ces deux situations et leurs conséquences civiles et fiscales.

Nous nous attacherons dans ce premier article au cas de la vente du bien immobilier par la SCI. Nous aborderons dans un article suivant la cession par vente des parts de la SCI.

Lorsque la SCI, personne morale vend le bien immobilier, plusieurs questions se posent : la SCI a-t-elle le droit de vendre le bien immobilier ? Qui prend la décision et peut engager la SCI dans la vente, les associés, le gérant ? Quelles sont les conséquences fiscales en matière de plus-value ?

 

SOMMAIRE

  • SCI et vente du bien immobilier : qui décide ?
  • Vente du bien immobilier par la SCI : quelle fiscalité ?

SCI et vente du bien immobilier : qui décide ?

 

Pour vendre le bien immobilier, la SCI doit tout d’abord en avoir la possibilité. Celle-ci dépend de la définition de son objet social.

Si l’objet social se limite à la gestion des biens immobiliers mais ne prévoient pas explicitement la vente, sauf à modifier les statuts, il est impossible de vendre le bien et l’acte de cession pourrait être annulé. La Cour de cassation en a décidé ainsi dans un arrêt de 2010 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mais 2010, 09-12.778).

Si l’objet dans les statuts permet la vente, la SCI doit par ailleurs être investie du pouvoir de cession soit par les associés, soit par le gérant, selon ce qui est défini dans les statuts :

  • En règle générale, les statuts prévoient que la vente d’un bien par la SCI doit être décidée par l’assemblée générale des associés. Le gérant va alors soumettre cette décision à l’AGO (Assemblée Générale Ordinaire) annuelle ou convoquer une AGE (Assemblée Générale Extraordinaire) si cela ne peut attendre. Les modalités du vote (quorum et majorité nécessaire pour l’approbation) sont également définis par les statuts. En général, compte tenu de l’importance de la décision, les statuts requièrent l’unanimité des voix.
  • Les statuts peuvent prévoir que la décision de vente revienne au gérant, sans décision des associés en assemblée générale. Cette situation est plus rare mais peut avoir été mise en place dans une SCI familiale par exemple, afin qu’un parent gérant puisse décider de la cession librement sans avoir à requérir l’approbation des enfants associés.

 

Attention :

Si le gérant prend seul la décision de vente d’un bien immobilier détenu par la SCI alors que les statuts ne lui confèrent pas ce pouvoir, la vente n’est pas annulée et reste opposable aux tiers. Le gérant engage néanmoins sa responsabilité à l’égard des associés et peut être poursuivi pour faute de gestion.

 

Vente du bien immobilier par la SCI : quelle fiscalité ?

 

La fiscalité sur la plus-value de cession du bien immobilier diffère selon le régime fiscal de la SCI : IR ou IS.

 

SCI à l’IR et vente du bien immobilier

Lorsque la SCI relève de l’IR, la SCI est dite transparente fiscalement et la plus-value est imposable selon le régime dit de la plus-value immobilière des particuliers (article 150 U du CGI et articles 150 V à 150 VH du CGI).

La vente du bien détenu par la SCI est imposée dans ce cas comme une vente du bien détenu en direct.

La plus-value correspond à la différence entre :

  • le prix de cession (après déduction des frais de cession, commission de vente, diagnostics, TVA si la SCI est assujettie)
  • et le prix d’acquisition du bien, celui s’entendant du prix figurant dans l’acte authentique en cas d’acquisition à titre onéreux ou de la valeur ayant servi de base au calcul des droits d’enregistrement en cas de mutation à titre gratuit. Si le bien a été apporté à la SCI, le prix d’acquisition correspondra à la valeur d’apport.

Le prix d’acquisition est revalorisé des frais d’acquisition (frais réels ou forfait de 7,5 % du prix du bien) et des frais de travaux (réels ou forfait de 15 % du prix d’acquisition) à condition que le bien soit détenu depuis au moins 5 ans et que les travaux n’aient pas donné lieu à une déduction sur les revenus fonciers.

La plus-value bénéficie d’abattement au-delà de la 5ème année de détention, au titre de l’IR et des prélèvements sociaux, permettant une exonération totale à l’IR au terme de 22 ans de détention et aux prélèvements sociaux après 30 ans.

La durée de détention débute à la date d’acquisition du bien par la SCI.

La plus-value nette d’abattement est imposée :

  • au taux de 19 % au titre de l’IR
  • au taux de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux

Une « surtaxe » de 2 % à 6 % est également applicable si le montant de la plus-value nette excède 50.000 €.

Chaque associé est redevable de l’impôt sur plus-value ainsi calculé selon sa quote-part dans le capital.

La plus-value relevant du régime des particuliers, il est également possible de bénéficier des cas d’exonération, notamment :

  • Exonération en cas de cession de la résidence principale d’un des associés au jour de la cession.
  • Exonération si le prix de cession du bien est inférieur ou égal à 15.000 €.
  • Exonération de la première cession d’un bien autre que la résidence principale des associés et à condition que ces derniers n’aient pas été propriétaire de leur résidence principale dans les 4 dernières années et qu’ils réemploient le prix de cession à l’acquisition de leur résidence principale dans les 24 mois suivant la cession.
  • Exonération en cas de départ en maison de retraite à condition que le bien ayant constitué la résidence principale soit resté inoccupé, de non-imposition à l’IFI et d’un revenu fiscal de référence inférieur à une certaine limite, au titre de l’avant dernière année précédant la cession.
  • Exonération en cas d’expropriation sous condition de réemploi de l’indemnité d’expropriation dans l’acquisition ou la construction d’un bien dans un délai de 12 mois.

 

SCI à l’IS et vente du bien immobilier

Lorsque la SCI est imposée à l’IS, la plus-value de cession du bien relève du régime des plus-values professionnelles.

La plus-value est alors la différence entre :

  • le prix de cession
  • et la VNC ou Valeur Nette Comptable du bien : c’est-à-dire le prix d’acquisition du bien par la SCI diminué des amortissements pratiqués depuis l’inscription au bilan.

La plus-value ainsi calculée est imposée au taux de l’IS (taux normal de 25 % ou taux réduit de 15 % sous conditions et si le bénéfice est inférieur à 42.500 €).

Lorsque la SCI est à l’IS, la plus-value ne peut donc pas bénéficier des régimes d’exonération des particuliers (résidence principale, abattement pour durée de détention …).

De manière générale, le régime des plus-professionnelles est plus défavorable que celui des plus-values immobilières des particuliers.

On retrouve ici l’une des limites de l’intérêt de l’IS pour les SCI. La SCI à l’IS a l’avantage de permettre des déductions plus importantes pendant l’exploitation du bien (par les amortissements notamment) et donc une imposition moins lourde pendant la détention immobilière. Par contre, lors de la vente du bien, l’imposition sur plus-value est nettement plus lourde que dans le cadre de l’IR.

Il est à noter que dans le cadre de la location meublée, la SCI relève nécessairement de l’IS et ne peut opter pour l’IR. La vente d’un bien loué en meublé au sein d’une SCI sera donc nécessairement imposée selon le régime des plus-values professionnelles.

 

Exemple :

La SCI Immo relève de l’IS. Elle a acheté un bien en janvier 2010 pour 800.000 € et l’amortit à hauteur de 40.000 € par an.

Elle vend ce bien début 2023 pour une valeur de 1.200.000 €.

La plus-value est une plus-value professionnelle et se calcule de la manière suivante :

Prix de cession : 1.200.000 €

Prix d’acquisition : VNC soit prix d’achat moins les amortissements pratiqués = 800.000 € – (40.000 € x 13 ans) = 280.000 €

Plus-value imposable à l’IS : 1.200.000 € – 280.000 € = 920.000 €

Imposition à l’IS : 920.000 € x 25 % = 230.000 €

La déduction des amortissements a donc un impact important sur la plus-value et l’absence d’abattement pour durée de détention également.

A titre de comparaison, si la SCI relève de l’IR, l’imposition serait la suivante :

Prix de cession : 1.200.000 €

Prix d’acquisition revalorisé des frais et travaux : 800.000 € + (800.000 € x 7,5 %) + (800.000 € x 15 %) = 980.000 €

Plus-value avant abattement : 220.000 €

Plus-value imposable à l’IR après abattement pour durée de détention (13 ans soit 48 %) : 220.000 € – (220.000 € x 48 %) = 114.400 €

IR = 114.400 € x 19 % = 21.736 €

Plus-value imposable aux prélèvements sociaux après abattement pour durée de détention (13 ans, soit 13,2 %) : 220.000 € – (220.000 € x 13,2 %) = 190.960 €

Prélèvements sociaux : 190.960 € x 17,2 % = 32.845 €

Imposition totale sur la plus-value : 54.581 €, à comparer à une imposition de 230.000 € si la SCI est à l’IS.

 

Vendre un bien en SCI nécessite donc de bien respecter les règles civiles (vérification de la possibilité de cession dans l’objet social, des modalités de prises de décision, gérant ou associés) et au besoin d’adapter les statuts au préalable.

Fiscalement, l’imposition de la plus-value de cession dans le cadre du régime de l’IS est significativement plus lourde. Le choix du régime fiscal est donc déterminant et il est certain qu’il vaut mieux vendre sous le régime de l’IR dans l’état actuel de la législation.

Même s’il est possible de changer de régime fiscal en cours de vie de la société (hors cas de location meublée en SCI), il existe des conditions spécifiques au passage à l’IR, notamment de délais. Depuis la Loi de Finances pour 2019, une SCI à l’IS peut faire le choix de l’IR dans les 5 ans suivant son option pour l’IS. Au-delà le choix de l’IS devient définitif.

Par ailleurs, le changement de régime fiscal pour l’IR a des conséquences fiscales importantes, notamment l’imposition des plus-values latentes, sans possibilité de bénéficier de régime d’atténuation (les conditions de ce régime ne pouvant être satisfaites dans le cas du passage à l’IR de la SCI immobilière). Si ce choix est opéré peu de temps après l’acquisition du bien, la plus-value latente peut être faible mais si le bien est détenu depuis longtemps, cette plus-value peut être conséquente. Les perspectives de cession et les modalités fiscales devront donc être envisagées le plus en amont possible. 

 

Auteur

Anne Brouard

Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7

Loi Pacte : principales mesures concernant les sociétés

Loi Pacte : principales mesures concernant les sociétés

Temps de lecture estimé : 7 min
L’article Loi Pacte : principales mesures concernant le patrimoine des particuliers détaillait les principales dispositions concernant la gestion de patrimoine privé (Assurance-vie, PEA, PER).

La loi Pacte a également apporté des modifications importantes à la vie des sociétés dont le chef d’entreprise et ses conseils doivent être informés et que nous vous présentons ci-après.

création d’un nouvel outil de gestion des sociétés : « le fonds de pérennité »

La loi PACTE instaure un nouvel instrument stable de détention et de transmission du capital de sociétés opérationnelles : le « fonds de pérennité ».

La philosophie présidant à la création du fonds de pérennité par le législateur

Adaptation en droit français des modèles étrangers des fondations d’actionnaires qui ont vocation à assurer la pérennité d’une entreprise.

Un fonds de pérennité a vocation à devenir un actionnaire inamovible de la ou des sociétés opérationnelles dont des actions ou parts lui sont apportées, en concourant à leur stabilité économique.

Conditions nécessaires à la constitution et au fonctionnement d’un fonds de pérennité

La constitution du fonds s’effectue par l’apport à titre gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou détenant directement ou indirectement des participations dans une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité (société holding).

  • Cet apport est réalisé par un ou plusieurs « fondateurs » de leur vivant. Sous certaines conditions, un fonds de pérennité peut toutefois être constitué par legs.
  • Civilement, cet apport à titre gratuit est une libéralité soumise, sauf stipulations contraires, aux règles de droit commun : prise en compte de cet apport pour le calcul de la réserve héréditaire du fondateur, éventuelle action en réduction des héritiers réservataires…
  • Fiscalement, cet apport est soumis aux droits de mutation à titre gratuit entre non parents (60 %). Toutefois, et pour favoriser la création de fonds de pérennité, des mesures d’exonération partielle sont prévues (cf. infra – Pacte Dutreil).

Les titres apportés au fonds sont en principe inaliénables.

Le fonds de pérennité a comme objectif de contribuer à la pérennité de la société opérationnelle via la gestion des titres apportés, l’exercice des droits qui y sont attachés et l’utilisation de ses ressources. Le cas échéant, l’objet du fonds peut également être de réaliser ou financer des oeuvres ou des missions d’intérêt général.

  • Les titres ou parts apportés constituent la dotation du fonds de pérennité, qui peut être complétée par des biens et droits de toute nature également apportés à titre gratuit et de manière irrévocable. Les revenus et produits de sa dotation (dividendes notamment), les produits des activités autorisées par les statuts ainsi que les produits des rétributions pour service rendu constituent les ressources du fonds.

Le fonds doit avoir des statuts prévoyant notamment les modalités de son fonctionnement, ainsi qu’un objet définissant le cadre de son intervention et l’utilisation des moyens dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Le fonds est déclaré à la préfecture et les statuts sont déposés à cette occasion. Le fonds jouit de la personnalité morale.

Le fonds de pérennité est géré par un conseil d’administration. Les statuts prévoient également la création d’un comité de gestion dont le rôle est d’assurer le suivi constant de la ou des sociétés dont les titres ou parts ont été apportés au fonds. Il est notamment chargé d’émettre des recommandations sur les modalités de gestion de la dotation.

  • La loi prévoit également certaines obligations de contrôle (publication de comptes, nomination d’un commissaire aux comptes dans certaines structurations, etc.).
    La dissolution du fonds s’effectue soit selon les dispositions statutaires, soit judiciairement notamment lorsque l’autorité administrative constate des dysfonctionnements graves de nature à compromettre la pérennité du fonds.

La dissolution entraîne la liquidation du fonds.

  • Afin de ne pas utiliser le fonds de pérennité ainsi dissout comme un vecteur de libéralité d’une société, la loi prévoit que l’actif net est obligatoirement transféré à un bénéficiaire désigné par les statuts. Cette transmission est imposée aux droits de mutation à titre gratuit entre non parents, soit 60 %.

Possibilité de bénéficier du pacte Dutreil Transmission sur les titres ou parts apportés au fonds

En cas d’apport de titres éligibles à un fonds de pérennité, les droits de mutation à titre gratuit sont ceux dus entre non parents (60 %).

Afin de favoriser l’apport de titres ou parts de sociétés éligibles à un fonds de pérennité, le législateur a prévu la possibilité pour l’apporteur-fondateur de bénéficier du régime favorable du Dutreil transmission sur les actifs apportés (sous les conditions et obligations de droit commun de ce dispositif).

Pour bénéficier du régime, cet apport ne peut s’effectuer qu’en pleine propriété. L’apporteur n’est alors fiscalisé que sur 25 % des titres ou parts apportés au fonds.

  • Par ailleurs, lorsque l’apporteur a moins de 70 ans, il peut également bénéficier d’une réduction sur les droits de mutation à titre gratuit de 50 %.

En application de ce régime, l’apport de titres à un fonds de pérennité sous le bénéfice du pacte Dutreil Transmission est soumis à une pression fiscale de :

  • 15% pour les apporteurs âgés de plus de 70 ans ;
  • 7,5% pour les apporteurs âgés de moins de 70 ans.

Nous sommes en attente du décret d’application nécessaire pour préciser les modalités de constitution et de fonctionnement du fonds.

mesures diverses

Parmi les très nombreuses mesures instaurées par la loi PACTE, citons notamment :

Le relèvement des seuils de certification légale des comptes sociaux

La loi PACTE prévoit une uniformisation des seuils d’intervention d’un commissaire aux comptes (CAC) pour toutes les sociétés commerciales.

La désignation d’un CAC est désormais obligatoire en cas de dépassement de 2 des 3 seuils suivants à la clôture d’un exercice :

  • Total bilan de 4 M€
  • CAHT de 8 M€
  • 50 salariés en moyenne.

Les sociétés ne dépassant par au moins 2 de ces 3 seuils seront ainsi dispensés de désigner un CAC. Une désignation volontaire demeure notamment possible.

  • S’agissant des sociétés civiles, il est rappelé qu’il n’existe pas d’obligation légale de certification des comptes, sauf exceptions très spécifiques.

A titre d’exemple, pour une société qui clôture son exercice au 31 décembre 2019, le 1er exercice concerné par cette réforme sera l’exercice 2019.

Elargissement des possibilités d’octroi d’avance en compte courant d’associés

La loi PACTE reforme les règles relatives au monopole bancaire et assouplit les conditions d’octroi d’avances en compte courant consenties à titre habituel aux sociétés civiles, aux SARL et aux sociétés par actions. Jusqu’à présent, ces avances étaient possibles sous deux conditions :

  • Lorsqu’elles étaient consenties par des associés qui détenaient au moins 5 % du capital social ;
  • Lorsqu’elles étaient consenties par certains mandataires sociaux (limitativement énumérés à savoir les gérants, administrateurs, membres du directoire ou du conseil de surveillance), aux sociétés dont ils étaient mandataires (sans obligation de détention capitalistique).

Afin de faciliter le financement des entreprises, la loi PACTE supprime la condition de détention minimum du capital pour les associés de sociétés civiles, de SARL et de sociétés par actions. Elle intègre également dans la liste des mandataires sociaux pouvant consentir des avances en compte courant, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués et les présidents.

« Intérêt social », « raison d’être » et « sociétés à mission » : intégration des enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion des sociétés

LA NOTION « D’INTERET SOCIAL » CODIFIÉE

La loi PACTE intègre dans le Code civil le fait que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Le fait que la société ait un intérêt social autonome, distinct de celui de ses associés, est désormais inscrit dans la loi (notion jurisprudentielle auparavant).

POSSIBILITÉ D’INTÉGRER UNE « RAISON D’ETRE » DES SOCIÉTÉS

Introduite par le rapport Notat-Sénard sur l’entreprise (« L’entreprise, objet d’intérêt collectif »), la notion de « raison d’être » des sociétés a été insérée dans le Code civil.

La « raison d’être » est un ensemble de principes dont la société se dote et pour lesquels elle affecte des moyens pour y parvenir.

Cette notion se distingue de celle « d’objet social ». Elle permet de définir « l’ambition » de la société, c’est-à-dire un but vers lequel elle doit tendre, distinct de son but lucratif, et qui est l’expression de ce qui est indispensable pour remplir son objet social.

La « raison d’être » peut être insérée dans les statuts ou être extra statutaire, ce qui n’emporte en principe pas les mêmes conséquences en cas de manquement.

LA « SOCIÉTÉ A MISSION »

Une société (quelle que soit sa forme) pourra se prévaloir publiquement de la qualité de « société à mission », notamment lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • Elle définit dans ses statuts une « raison d’être », conformément aux nouvelles dispositions du Code civil (cf. supra).
  • Elle fixe, dans ses statuts, des objectifs sociaux et environnementaux à atteindre dans le cadre de son activité et dans le respect de sa « raison d’être ».
  • Elle doit prévoir statutairement les modalités de suivi du respect de ces objectifs, parmi lesquelles la mise en place d’un comité de mission (sauf exception) distinct des organes sociaux.

Ces objectifs sociaux et environnementaux sont également vérifiés par un organisme tiers indépendant.

En cas de non respect d’une des conditions susmentionnées (non exhaustives) ou en cas d’avis défavorable de l’organisme indépendant quant au respect des objectifs fixés par la société, la mention « société à mission » est supprimée de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société.

La mise en oeuvre de cette « société à mission » est subordonnée à la parution d’un décret.

En conclusion

La loi Pacte assouplissant les principaux supports de gestion de patrimoine des français comporte également des mesures significatives concernant les sociétés. L’accent est mis sur la pérennisation des PME-ETI, la définition d’une mission plus large que l’objet social permettant d’intégrer les objectifs sociétaux et environnementaux et l’assouplissement de certaines règles de contrôle de gestion (seuils d’intervention obligatoire des commissaires aux comptes). Ces mesures insufflent une philosophie nouvelle de la gestion des sociétés.

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Auteur
François Soubiran 

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.