Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT
Le premier dispositif d’exit tax en France date de 1998, voté sous le gouvernement de Lionel Jospin et la présidence de Jacques Chirac. Il concernait les contribuables quittant fiscalement la France et détenant des participations supérieures à 25 % au capital de société. Il consistait principalement à lutter contre l’exil fiscal des contribuables entrepreneurs qui pouvaient être tentés de s’installer dans des pays comme la Suisse ou le Royaume-Uni, dans lesquels les plus-values de cession de titres étaient nettement moins imposées qu’en France.
Ce régime d’exit tax a été abrogé en 2005 car jugé dans ses principes de l’époque comme incompatible avec le droit communautaire.
Un nouveau dispositif d’exit tax a été réintroduit par la Loi de Finances pour 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un sursis de paiement pour les contribuables transférant leur domicile dans un État européen est introduit afin d’éviter une requalification au niveau européen.
La Loi de Finances pour 2013 est ensuite venue tempérer le dispositif d’exit tax sur les conditions de pourcentage de participation mais l’alourdir sur la durée minimale de détention nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition, passant de 8 à 15 ans.
En 2019, sous la présidence d’Emmanuel Macron, le régime d’exit tax a été considérablement assoupli afin de réduire les contraintes pesant sur les entrepreneurs s’installant à l’international et améliorer également l’attractivité de la France. La durée nécessaire pour bénéficier du dégrèvement de cette imposition est en effet passée de 15 ans à 2 ou 5 ans selon les conditions.
Récemment, mi-octobre 2022, l’Assemblée Nationale a voté un amendement visant à durcir l’exit tax et la ramener à sa version de 2013. Cet amendement a par la suite été rejeté et le régime d’exit tax reste donc celui en vigueur depuis 2019.
Cette longue saga n’est sans doute pas terminée, ce sujet étant politiquement sensible.
A l’heure actuelle, les contribuables « exilés » fiscaux peuvent être concernés par ces différents régimes d’exit tax, selon la date à laquelle ils ont quitté fiscalement la France. Explications !
- Exit tax : les principes
- Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement
Exit tax : les principes
Codifiée à l’article 167 bis du CGI, l’exit tax concerne principalement les actionnaires de société cotée ou non cotée et donc les entrepreneurs. Elle porte sur leurs plus-values de participation, latentes ou en report, et sur certaines créances.
Le transfert de domicile hors de France est le fait générateur de cette imposition mais d’autres conditions sont nécessaires, notamment la durée de domicile en France ainsi que le pourcentage ou la valeur de leur participation au capital de sociétés.
Exit tax : sur quelles plus-values ?
Lors du transfert de domicile hors de France et sous certaines conditions que nous allons voir ci-après, l’exit tax est due sur :
- les plus-values latentes sur titres, valeurs et droits sociaux. Cette imposition concerne aussi bien les actions et parts sociales que les obligations de sociétés françaises ou étrangères. Les SICAV et FCP sont également imposables depuis 2013. Les droits en usufruit ou en nue-propriété sur ces titres sont également soumis à cette imposition.
La plus-value latente, comme son nom l’indique, n’est pas encore réalisée. Elle correspond à la différence entre la valeur des titres concernés à la date du transfert hors de France (valeur estimée pour les titres non cotés, derniers cours de Bourse ou moyenne des 30 derniers cours pour les titres cotés) et leur valeur d’acquisition. - les créances de complément de prix (complément de prix dû lors d’une cession de titres par exemple, clause dite d’earn-out).
- les plus-values de cession ou d’échanges de titres bénéficiant d’un régime de report d’imposition.
Il s’agit des plus-values d’apport de titres à des sociétés contrôlées par l’apporteur (article 150-O B ter du CGI), des plus-values d’apport en société d’une créance née d’une clause de complément de prix (article 150-0 B bis du CGI), des plus-values de cession réalisées avant le 01/01/2006 par certains salariés et dirigeants avec réinvestissement du prix de cession dans une société nouvelle non cotée (article 150-O C du CGI) et des plus-values d’échange de titres réalisées avant le 01/01/2000 résultant de certaines opérations de restructuration (article 160, I ter du CGI).
- les titres détenus au sein d’unités de compte de contrats d’assurance-vie ou dans un PEA (Plan d’Epargne en Actions).
- les sociétés à l’IR à prépondérance immobilière non cotées (par exemple SCI, Société Civile Immobilière, ou SCPI, Société Civile de Placement Immobilier). Depuis 2019, les sociétés à l’IS à prépondérance immobilière doivent être déclarées à l’exit tax, avec dégrèvement possible si, lors de la cession, la plus-value est imposée en France selon le régime des non-résidents.
- les sociétés cotées à prépondérance immobilière lorsque le contribuable en détient, directement ou pas, plus de 10 % du capital. Les sociétés foncières cotées (SIIC, Société d’Investissement Immobilier Cotée) dont l’actionnaire détiendrait moins de 10 % du capital sont donc imposables.
- les fonds de placement immobilier.
Exit tax : qui est redevable ?
Les conditions d’imposition sont différentes selon la date de transfert du domicile fiscal hors de France.
Les contribuables ayant quitté fiscalement la France entre 2011 et 2013
Lorsque le transfert du domicile fiscal hors de France a eu lieu avant le 1er janvier 2014, l’exit tax est due si le contribuable :
- a été domicilié fiscalement en France pendant au moins 6 ans sur les 10 dernières années précédant le transfert à l’étranger.
- détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latentes à la date du transfert et que ces titres représentent directement ou indirectement au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d’une société, ou une ou plusieurs participations au sein de sociétés d’une valeur supérieure à 1,3 millions d’Euros.
Le délai pour bénéficier du dégrèvement étant de 15 ans dans ce régime, certains contribuables peuvent encore relever de ce dispositif d’exit tax.
Les contribuables ayant quitté fiscalement la France depuis 2014
Depuis le 1er janvier 2014, le transfert fiscal hors de France engendre l’imposition à l’exit tax si le contribuable a été domicilié en France au moins 6 ans sur les 10 dernières années et s’il détient des titres, valeurs et droits sociaux en plus-value latente à la date du transfert et que ces titres correspondent à :
- une participation directe ou indirecte d’au moins 50 % au capital d’une société. Cette condition est donc assouplie comparativement au 1 % de participation déclenchant l’imposition à l’exit tax dans le régime précédent.
- une ou plusieurs participations dont la valeur excède 800.000 €. On note ici un durcissement sur la condition de valorisation qui était auparavant de 1,3 millions d’euros.
Les créances correspondant à des clauses de complément de prix lors de cession de participation par exemple sont imposables à l’exit tax dès lors que leur détenteur a été domicilié fiscalement en France au moins 6 ans sur les 10 dernière années précédant le transfert. Aucune autre condition de participation n’est nécessaire.
Les plus-values en report sont imposables à l’exit tax lors du transfert hors de France quelle que soit la durée de résidence en France et sans autre condition.
Exit tax : le calcul d’imposition
Les plus-values latentes et les créances soumises à l’exit tax sont imposables soit :
- au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,2 % pour les prélèvements sociaux).
- au barème progressif de l’IR sur option globale.
Pour les titres, droits et valeurs mobilières, la plus-value latente imposable est évaluée entre la date du transfert et la date d’acquisition des titres puis est éventuellement déduite des abattements applicables en matière d’imposition sur plus-value, c’est-à-dire :
- de l’abattement pour durée de détention en cas de choix pour l’intégration au barème de l’IR et acquisition des titres avant le 01/01/2018.
- de l’abattement fixe pour dirigeant partant à la retraite si ce dernier a fait valoir ses droits à la retraite avant la date du transfert hors de France et qu’il cède ses titres dans les deux ans suivant son départ à la retraite (trois ans pour les dirigeants ayant fait valoir leur droit à la retraite entre le 01/01/2019 et le 31/12/2021).
Les moins-values réalisées entre le 1er janvier de l’année du transfert et la date du transfert, ainsi que les moins-values reportables des années précédentes, ne peuvent pas s’imputer sur la plus-value latente.
Si certains titres soumis à l’exit tax sont en moins-values latentes, ces dernières ne peuvent s’imputer sur les plus-values latentes des autres titres concernés, ni sur les plus-values de l’année qui seraient issues d’une cession.
Concernant les créances issues d’un complément de prix, elles sont imposables sur leur valeur réelle à la date du transfert.
Les plus-values en report sont imposées à l’exit tax dans les mêmes conditions que l’imposition de ces plus-values lors de la survenance d’un des évènements mettant fin au report.
L’imposition à l’exit tax est néanmoins atténuée par deux mécanismes : le sursis d’imposition et la possibilité de dégrèvement.
Exit tax : sursis d’imposition et conditions de dégrèvement
Selon le pays dans lequel le contribuable transfert son domicile fiscal, un sursis d’imposition à l’exit tax peut-être autorisé d’office ou demandé avec constitution de garantie.
Des situations et délais spécifiques permettent par ailleurs d’obtenir un dégrèvement de cette imposition, voire dans certains cas une restitution.
Un sursis d’imposition à l’exit tax : dans quelles situations ?
Il est possible de bénéficier d’un sursis d’imposition « automatique » de l’exit tax permettant de ne pas avoir à la payer immédiatement.
Depuis 2019, ce sursis automatique s’applique dans le cas d’un transfert de domicile fiscal :
- dans un pays de l’Union Européenne ou vers la Norvège, l’Islande et le Liechtenstien.
- dans un pays de l’Espace Economique Européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale et une convention mutuelle de recouvrement et que cet État n’est pas considéré comme « non coopératif » (ETNC, État Non Coopératif).
Si le transfert de domicile s’effectue vers un autre pays, le sursis ne peut intervenir qu’à la demande du contribuable et nécessite la constitution de garantie (égale à 30 % des plus-values et créances imposables) et la désignation d’un représentant fiscal en France.
Dans les situations relativement fréquentes de transfert du domicile fiscal dans un pays de l’UE, l’exit tax n’est donc pas à payer immédiatement et bénéficie automatiquement d’un sursis.
Dans tous les cas, le sursis prend fin :
- Pour les plus-values, en cas de :
- cession (hors échange ou apport sous conditions), rachat, remboursement ou annulation des titres concernés
- donation des titres si le donateur est domicilié fiscalement dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions mentionnées précédemment, sauf s’il est possible de démontrer que cette donation n’a pas été faite dans un but principalement fiscal.
- Pour les créances de complément de prix, en cas de :
- perception du complément de prix
- apport ou cession de cette créance
- donation de la créance lorsque le donateur est domicilié dans un des Etats mentionnés précédemment pour les plus-values.
- Pour les plus-values en report, en cas de :
- cession, rachat, remboursement, annulation des titres reçus lors de l’apport ou de l’échange ou des titres apportés (dans le cadre de l’apport en report de l’article 150-O B ter du CGI).
- Donation des titres ou décès du détenteur (dans le cadre d’un report des articles 92 B decies, 160,I ter ou des articles 160-II et 150-O C et 150-O B bis du CGI).
De manière générale, le sursis d’imposition tombe également si le contribuable ne réalise pas ses obligations déclaratives propres à l’exit tax.
L’exit tax devient exigible l’année au cours de laquelle survient l’un de ces évènements mettant fin au report.
Il est possible par ailleurs de bénéficier dans certaines conditions d’un dégrèvement de l’exit tax.
Un dégrèvement de l’exit tax : dans quelles conditions ?
Qu’un sursis de paiement ait pu être obtenu ou pas, le contribuable soumis à l’exit tax peut bénéficier d’un dégrèvement de cette imposition dans les conditions suivantes :
- Pour les plus-values latentes : à l’expiration d’un délai minimal calculé à partir du transfert du domicile fiscal hors de France.
Ce délai, initialement de 8 ans pour les transferts initiés entre 2011 et 2013 (inclus), a ensuite été rallongé à 15 ans pour les transferts opérés entre 2014 et 2018 (inclus).
Pour les transferts ayant eu lieu depuis le 01/01/2019, le délai pour obtenir le dégrèvement a été considérablement raccourci à :- 2 ans pour les participations d’une valeur globale inférieure à 2,57 millions d’euros à la date du transfert.
- 5 ans pour les participations excédant cette valeur.
Ainsi, les délais pour bénéficier du dégrèvement diffèrent suivant la date de transfert du domicile hors de France :
Source : JUST DEEP CONTENT
- Dans tous les cas d’imposition (plus-values latentes, créances de complément de prix, plus-values en report) :
- le jour où le contribuable redevient résident fiscal français, si la plus-value n’a pas été réalisée ou la créance perçue.
- si le détenteur réalise une donation de ses titres ou créances de complément de prix soumis à l’exit tax. Si le donateur est domicilié dans un État dit ETNC ou un État tiers à l’UE n’ayant pas signé les conventions précédemment mentionnées, il sera nécessaire de prouver que cette donation n’est pas faite dans le but principal d’éluder l’impôt.
- en cas de décès.
Le dégrèvement est accordé d’office si l’un de ces évènements survient. Si l’exit tax avait déjà été acquittée, cette imposition fait l’objet d’une restitution.
Depuis 2014, ces situations de dégrèvement concernent à la fois l’IR et les prélèvements sociaux.
Auteur
Ingénieur patrimonial et fondateur de JUST DEEP CONTENT, agence de contenu spécialisé en gestion de patrimoine, Intervenante-formatrice pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine, diplôme RNCP Niveau 7