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Divorce du chef d’Entreprise et patrimoine professionnel : comment procéder ?

Divorce du chef d’Entreprise et patrimoine professionnel : comment procéder ?

Temps de lecture estimé : 15 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

Valorisation, partage, désintéressement mais aussi organisation de la gouvernance et sortie du capital, le divorce du chef d’entreprise a des conséquences significatives sur le patrimoine professionnel, qu’il y ait accord des époux pour se séparer ou désaccords.

 

Le divorce nécessite un processus de maturation personnelle et familiale souvent long et douloureux.

Dès lors que l’entreprise constitue un élément significatif du patrimoine familial, les équilibres financiers de la rupture sont d’autant plus délicats à définir entre les époux qui ont pourtant objectivement un intérêt économique à gagner leur indépendance patrimoniale :

  • l’entrepreneur, pour capter seul le fruit de son travail,
  • le conjoint, pour ne plus subir l’aléa inhérent à l’entreprise et réaliser ses propres investissements.

Certaines séparations conduiront à une situation d’indivision sur l’entreprise, plus ou moins longue, par exemple en raison d’un désaccord persistant entre les époux ou parce que le désintéressement du conjoint n’est pas finançable.

Comment anticiper et gérer ces situations afin de préserver l’entreprise ?

en cas d’accord des époux, comment valoriser l’entreprise et indemniser le conjoint ?

Permettre la sortie du conjoint d de l’outil professionnel est toujours délicat, peu importe le régime matrimonial du chef d’entreprise.

En présence d’époux communs en biens, toute acquisition réalisée à titre onéreux en cours d’union confère en principe un caractère commun au bien ainsi acquis, en vertu de l’article 1401 du Code civil.

Ainsi, un époux qui créé sa société pendant le mariage, voit celle-ci entrer, au moins en valeur, dans l’actif de communauté (à moins d’avoir souscrit au capital à l’aide de fonds propres et d’avoir procédé à une déclaration de remploi (article 1434 du Code civil)).

Le conjoint commun en biens peut avoir renoncé à prendre la qualité d’associé (article 1832-2 du Code civil) mais ne se verrait pas pour autant privé de la moitié de la valeur des parts. C’est la fameuse distinction entre le titre et la finance.

En présence d’époux séparés de biens ou d’entreprise qualifiée de bien propre sous un régime communautaire, les parts sociales restent la propriété personnelle de l’entrepreneur mais la valeur de l’entreprise est néanmoins bien souvent au centre des discussions pour déterminer le montant de la prestation compensatoire due par l’entrepreneur.

Les sujets de valorisation de l’entreprise et de désintéressement du conjoint devront donc être systématiquement abordés lors d’un divorce, sur un terrain émotionnel des époux compliqué et avec toujours en toile de fond le sujet de la pérennité de l’entreprise.

comment valoriser l’entreprise lors du divorce ?

Dans le cadre d’une procédure de divorce, la valorisation financière de la société peut susciter de vifs débats entre les époux, leurs intérêts économiques étant objectivement divergents.

En général, l’entrepreneur accepte difficilement de devoir des comptes à son conjoint et de partager, même en valeur, le fruit de son travail. Il peut avoir tendance à mettre en avant les difficultés d’exploitation rencontrées et avoir la tentation de ne pas révéler tout le potentiel de l’entreprise.

L’époux non entrepreneur, quant à lui, a tendance à surévaluer l’entreprise, parfois par ignorance, ou au regard de son activité passée et de ses projections positives futures, manière peut-être de saluer les performances entrepreneuriales de son conjoint.

La transmission de l’entreprise en nue-propriété aux enfants peut parfois constituer un moyen de contournement des difficultés entre les époux et d’apaiser les tensions à ce titre. Les époux s’inscrivent alors dans une dynamique commune de gratification de leurs enfants.

Dans tous les cas, la valorisation de l’entreprise doit être basée sur une étude objective, ce qui requiert une phase d’analyse économique mais également des états financiers historiques de la société sur trois ou quatre exercices, suivant des méthodes d’évaluation spécifiques.

Les différentes méthodes d’évaluation de l’entreprise

Les professionnels du chiffre recourent à plusieurs méthodes d’évaluation :

  • Approche patrimoniale: il est retenu l’actif net (total de l’actif moins les dettes), le cas échéant réévalué,
  • Approche dite des « Discounted Cash Flows ou DCF »: il s’agit de déterminer les flux de trésorerie futurs de l’activité et de les actualiser. Cela nécessite de prendre en compte un plan d’affaires prévisionnel et des flux de trésorerie mais également un taux d’actualisation qui détermine grandement la valorisation,
  • Approche dite des « comparables transactionnels »: on retient les multiples de valorisation de certains ratios tels l’excédent brut d’exploitation, le résultat d’exploitation et le résultat net, au regard des transactions avérées d’entreprises situées dans le même secteur économique, de même taille et de mêmes lieux géographiques d’activité.

Cet exercice permet de déterminer la valeur des titres de l’entreprise mais elle ne constitue pas nécessairement un prix. Le prix est pour l’essentiel fonction de l’intérêt des parties et sera fixé à l’aboutissement d’une transaction.

Problème particulier des comptes courants

La question du remboursement des comptes courants d’associés peut poser difficulté. L’entrepreneur pourrait devoir prélever, au moment de la liquidation du régime matrimonial, dans la trésorerie de son entreprise la moitié de la valeur desdits comptes pour dédommager son conjoint.

Ce remboursement peut mettre à mal les équilibres financiers de l’entreprise et partant la santé de l’outil professionnel.

A supposer que l’apport en compte courant n’ait pas été conclu en fraude de ses droits, le conjoint de l’entrepreneur se retrouvera en grande difficulté pour appréhender ces sommes pourtant communes.

Quelle est la date d’évaluation retenue : dissolution du mariage, jouissance divise, date du partage ?

Si c’est à la date de dissolution du régime matrimonial que la consistance des patrimoines propres et commun des époux doit être déterminée, c’est à la date de jouissance divise que ceux-ci doivent être évalués.

Cette date doit être fixée à la date la plus proche du partage en vue d’éviter des iniquités entre les époux.

La valorisation peut-elle être remise en cause ?

Dans le cas d’un divorce par consentement mutuel, en l’absence de contrôle opéré par le juge sur la convention de divorce, celle-ci est soumise au droit commun des contrats.

En conséquence les époux peuvent engager une action en nullité relative à l’encontre de la convention pour vice de consentement (erreur, dol…) dans un délai de cinq ans (article 2224 du Code civil).

Par ailleurs, en cas de sous-valorisation, une action en complément de part pourrait être initiée par l’ex-époux lésé de plus d’un quart. L’article 889 du Code civil dispose en effet : « Lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature. Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage. L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage ».

En vue de sécuriser l’opération, le recours à des avis de valeur rendus par des professionnels du chiffre s’avère ainsi opportun.  Cette expertise peut être de surcroît produite à l’administration fiscale en cas de redressement pour insuffisance de valorisation.

comment désintéresser le conjoint ?

Le partage entre les ex-époux est générateur d’un droit de partage de 1,8 % (passant à 1,3 % à compter du 1er janvier 2022). Cette imposition freine souvent la réalisation de l’opération et conduit de facto au maintien d’une indivision.

Le droit de partage étant un droit d’acte, il n’est dû que lorsque le partage et ses modalités sont précisés par écrit, quelle que soit la forme et la nature de l’acte concerné.

En présence de titres sociaux non négociables (parts sociales), il semble difficile, sous réserve des particularités propres à chaque situation, d’éviter un tel partage et l’acquittement du droit corrélatif si les deux époux souhaitent prendre leur indépendance. En effet, la mise à jour des statuts auprès du greffe du Tribunal de commerce compétent exige la formalisation d’un écrit et sa publication : procès-verbal d’assemblée générale, acte de partage …

En présence de titres sociaux négociables en revanche (actions), un partage verbal pourra parfois être envisagé entre les ex-époux, sous réserve naturellement d’une excellente entente et de liens de confiance entre les ex-conjoints. La mise à jour du registre des titres et des fiches d’actionnaires résultera alors d’un simple ordre de virement pris par le dirigeant et non signé par les deux ex-époux, en principe non générateur du droit de partage.

Le partage est-il nécessairement conforme aux droits théoriques des époux ?

Dans l’hypothèse d’estimations plus ou moins fantaisistes occultant un partage inégal, l’époux désavantagé pourrait se retourner plus tard contre le rédacteur de la convention, en sus de tenter une remise en cause de celle-ci.

Aussi, un partage causé entre les époux, même inégal, est sans nul doute préférable à un partage égalitaire de façade, établi lors du divorce sur la base de valeurs contestables. De la même manière, l’égalité à tout prix conduisant les époux à convenir artificiellement d’une prestation compensatoire est à proscrire.

Expliquer dans l’état liquidatif les raisons qui ont conduit à diminuer la soulte de partage participera à éviter le risque de requalification en libéralité, tant du point de vue civil que fiscal. Ainsi, préciser que le patrimoine commun n’a été constitué qu’au moyen de la seule activité professionnelle de l’époux entrepreneur serait de nature à justifier qu’une partie plus importante de la communauté revienne à celui-ci, en diminuant le montant de la soulte de partage dû à son conjoint. Permettre l’allocation d’actifs sécurisés au conjoint versus des actifs risqués à l’entrepreneur pourrait, également et au nom de l’équité, participer à justifier d’allocations inégales entre les époux.

Une fois le quantum défini, reste à étudier les moyens de dédommagement du conjoint de l’entrepreneur.

Les moyens de dédommager financièrement le conjoint

En vue de désintéresser son conjoint, l’entrepreneur peut procéder à une sortie de trésorerie existante de la société (financement interne) ou encore se tourner vers un établissement prêteur (financement externe).

Recours à un financement interne : distribution de dividendes ou réduction de capital

L’entrepreneur peut rendre une partie de son patrimoine professionnel liquide en vue de désintéresser son conjoint, en décidant d’une distribution de dividendes.

Les distributions de dividendes font l’objet d’un prélèvement forfaitaire unique ou « flat tax » de 30 % composé de :

  • 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu,
  • 17,20 % au titre des prélèvements sociaux.

Les associés peuvent cependant opter pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Dans ce cas, les dividendes sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et s’ajoutent aux autres revenus de son foyer fiscal.

Le revenu net à déclarer doit alors être calculé de la façon suivante :

  • application d’un abattement de 40 % sur le montant des dividendes bruts (et autres distributions), sous certaines conditions (distribution décidée en assemblée générale, société française ou ayant son siège social en Union européenne ou dans un État ayant conclu avec la France un accord en vue d’éviter les doubles impositions)
  • déduction de la CSG à hauteur de 6,8 % sur les revenus imposables de l’année suivante

L’entrepreneur peut également procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes par annulation de certains de ses titres en vue de recueillir leur contre-valeur.

De la même manière que pour une distribution de dividendes, le régime fiscal est celui de la « flat tax », avec possibilité d’opter pour le régime réel.

Une différence se situe néanmoins au niveau de l’assiette de l’impôt. Contrairement aux dividendes où l’assiette de taxation portera sur le montant des dividendes distribués, l’assiette en matière de réduction de capital correspond à la plus-value (prix de cession déduction faite du prix d’acquisition). Le prix d’acquisition s’entend du prix pour lequel les titres sont entrés dans le patrimoine du cédant, diminué de certaines charges et majoré des frais d’acquisition.

Dans certains cas, l’opération de réduction de capital peut s’avérer plus vertueuse fiscalement qu’une simple distribution de dividendes.  Néanmoins, en présence d’autres associés, cette opération pourrait réduire la participation au capital de l’entrepreneur et avoir un effet de dilution non souhaité. La réduction de capital pourrait de surcroit, et dans certaines circonstances, être qualifiée d’abusive.

En vue d’éviter ce risque, l’entrepreneur devra prendre soin de justifier ce choix d’opération pour des raisons autres que fiscales, et ceci d’autant plus depuis l’entrée en vigueur de la notion de nouvel abus de droit fiscal (article L64 A LPF).  Il devra veiller également à ne pas la renouveler trop souvent.

La sortie de trésorerie a des conséquences économiques pour l’entreprise, jusqu’à risquer de remettre en cause dans certains cas sa bonne santé. Aussi, l’entrepreneur peut n’avoir alors d’autres choix que de se tourner vers un financement externe.

Recours à un financement externe : emprunt bancaire de l’entreprise ou via un LBO (Leverage Buy Out)

En vue de dégager les liquidités nécessaires, l’entrepreneur peut se tourner vers ses partenaires bancaires, soit en souscrivant un prêt en direct, soit en faisant emprunter une société constituée ad hoc à laquelle serait vendue l’entreprise.

Financement bancaire par l’entrepreneur

L’entrepreneur peut souscrire un prêt à titre personnel auprès d’un établissement bancaire de son choix en vue de financer les sommes dues à son conjoint au titre de la liquidation et du partage du régime matrimonial.

L’offre de prêt émise pourrait l’être sous condition du prononcé du divorce. Une fois le divorce prononcé, la date de consistance tant active que passive serait arrêtée à la date de dissolution du régime matrimonial, laquelle serait antérieure à la date de souscription dudit prêt.

Le conjoint de l’entrepreneur ne serait ainsi de son côté aucunement engagé par la dette ainsi souscrite.

Reste que la banque pourrait, en fonction des circonstances, ne pas souhaiter apporter son concours à l’entrepreneur, préférant prêter à une société plutôt qu’à une personne physique, ou l’entrepreneur pourrait avoir lui-même intérêt à emprunter via une société.

Restructuration du groupe en vue de la souscription d’un prêt par la société cessionnaire de l’entreprise

Le patrimoine acquis peut être un outil de financement dans le cadre d’un LBO (Leveraged buy-out).

En effet, le LBO permet à l’entrepreneur d’obtenir des liquidités en vendant son entreprise à une société qu’il aura lui-même constituée, à une date postérieure à la date de dissolution convenue par les époux. Le LBO permettrait donc d’externaliser les sommes dues au conjoint en le faisant supporter par une personne morale distincte.

Toutefois, la banque qui finance l’opération ne consentira vraisemblablement un prêt que si l’entreprise acquise par la société produit des revenus, ou si le vendeur obtient le concours de plusieurs associés pour renforcer la capacité de remboursement de la société ainsi constituée.

Comme toute vente, le LBO impose au vendeur diverses charges qu’il devra intégrer dans sa simulation pour déterminer le bénéfice réel de l’opération, notamment le cout de l’impôt sur les plus-values générée par la cession.

De son côté, la société qui acquiert le bien doit payer les frais de vente, les droits d’enregistrement et les couts de constitution des garanties demandées par la banque. Le montant cumulé de ces dépenses doit être pris en compte pour calculer la rentabilité et l’intérêt global de l’opération.

Si la faisabilité économique de l’opération est écartée par l’entrepreneur, restera à ce dernier la nécessité de devoir composer avec son conjoint au sein de l’entreprise.

en cas de désaccord des époux, comment assurer la gestion et la pérennité de l’entreprise ?

Quelle que soit la raison de l’indivision persistante sur l’entreprise, il est indispensable de sécuriser l’entrepreneur, ses associés et ses partenaires sur la gestion de l’entreprise tant que le partage entre époux n’est pas intervenu.

Il n’est pas inutile non plus de tenter de trouver des voies de sortie du conjoint pour faire cesser l’indivision, si les relations entre ex-époux sont trop difficiles.

sécurisation de la gouvernance en cas de divorce

D’un point de vue de la gouvernance, on ne saurait trop conseiller à l’entrepreneur qui sent son couple vaciller de se tourner très rapidement vers ses conseils afin d’envisager :

  • une révision des statuts visant à sécuriser notamment son poste de dirigeant (et sa rémunération…), l’entrée éventuelle de tiers dans l’entreprise (clauses d’agrément, préemption…), les conditions de prise de décisions en assemblée générale (majorité, minorité de blocage…)
  • la signature d’un pacte d’actionnaires afin d’acter par exemple les conditions de sortie des associés en cas de séparation (formule de calcul permettant de déterminer la valeur des titres)
  • la dilution du conjoint par la réalisation d’une augmentation de capital permettant à l’entrepreneur d’être majoritaire et de continuer à pouvoir ainsi piloter l’entreprise pour la préserver d’éventuels conflits à venir.

En tout état de cause, la situation reste particulièrement délicate si les époux sont mariés sous un régime de communauté. Ils demeurent communs en biens tant que le divorce n’est pas prononcé et se trouvent en indivision dès le prononcé du divorce.

Deux questions se posent pendant la période d’indivision : celle de la gouvernance en cas de défaillance de l’entrepreneur et celle de l’organisation des relations entre les ex-époux au sein de l’entreprise pendant l’indivision.

Sécurisation de la gouvernance en cas de défaillance de l’entrepreneur

Il n’est pas inutile de prévoir la sécurisation de la gouvernance de l’entreprise en cas d’incapacité ou de décès prématuré de l’entrepreneur dès que la décision de divorce est actée, particulièrement s’il s’annonce houleux.

Ceci peut être le moment pour l’entrepreneur de revoir ses dispositions testamentaires afin notamment de supprimer s’il l’estime opportun :

  • toute transmission successorale au profit de son conjoint tant que le divorce n’est pas prononcé,
  • le droit à la jouissance légale de l’autre parent sur les biens des enfants mineurs avant les 16 ans de ces derniers,
  • la possibilité pour l’autre parent d’administrer les biens de ses enfants mineurs.

Il est également opportun pour l’entrepreneur de réfléchir à la conclusion de mandats de protection future (cas de son incapacité) et à effet posthume (cas de son décès prématuré), a minima sur les titres de son entreprise.

Par ces mandats, il peut confier à des tiers de confiance la mission d’administrer ses titres (voter en assemblées générales) s’il n’était plus en état de le faire.

En cas de mandat notarié, l’entrepreneur peut confier à ce ou ces tiers de confiance le pouvoir de disposer de ses titres (les apporter à une holding ou les vendre notamment) pour le cas de son incapacité.

Ces mandats permettent notamment aux tiers de confiance en cas de défaillance de l’entrepreneur (incapacité ou décès) :

  • de réunir immédiatement une assemblée générale pour nommer un nouveau dirigeant
  • de procéder à des distributions de dividendes si nécessaire (financement du train de vie du dirigeant ou acquittement de droits de succession notamment)
  • et d’éviter en tout état de cause la désignation d’un tuteur, notamment du conjoint (cas de l’incapacité de l’entrepreneur) ou une gestion de l’entreprise par l’indivision des héritiers (cas du décès de l’entrepreneur).

A tout le moins, ces mandats permettent d’éviter, en cas d’incapacité de l’entrepreneur, toute tentative du conjoint de se voir autorisé par le juge à voter à sa place en assemblée générale sur le fondement des articles 217 et 219 du Code civil. Ces votes pourraient en effet avoir pour objet de se faire nommer nouveau dirigeant ou de procéder à des distributions de dividendes intempestives.

Gestion des titres au cours de l’indivision post-conjugale

Si les titres étaient communs et en l’absence de partage entre les ex-époux, ces derniers se trouvent alors en indivision sur chaque titre. Une distinction doit être ici opérée entre les titres sociaux négociables (actions) et non négociables (parts sociales).

Pour les actions, l’accord des deux ex-conjoints sera requis en cas de cession et le droit de vote s’exercera d’un commun accord entre eux, par application des règles de l’indivision (articles 815-3 et suivants du Code civil). La cession des actions par l’un des indivisaires serait alors inopposable à l’autre.

La perception de dividendes est source de difficultés dans la mesure où il existe une incertitude sur le fait de savoir si une telle opération nécessite un vote des deux indivisaires (ce qui paraît être le cas en présence d’une participation majoritaire) ou si un tel formalisme n’est pas nécessaire (ce qui semble être le cas pour une participation minoritaire qui subirait une décision des majoritaires).

En présence de relations conflictuelles entre les ex-conjoints, il sera opportun de recueillir l’accord des deux pour déterminer le sens du vote à retenir.

En pratique, les statuts prévoient quasi-systématiquement la désignation d’un mandataire commun des indivisaires (choisi parmi eux ou en dehors) pour éviter autant que faire se peut à la société de subir la mésentente entre associés.

La signature d’une convention d’indivision entre les ex-conjoints pourrait avoir du sens. En cas de désaccord persistant, c’est un mandataire judiciaire qui doit être nommé.

Pour les parts sociales, la situation de l’entrepreneur est plus confortable pendant l’indivision post-communautaire puisqu’il a le droit de disposer seul des titres indivis, grâce à la distinction opérée entre le titre et la finance (Cour de cassation, 7 octobre 2015, n°14-22.224).

C’est ici la valeur des parts sociales qui est commune, tandis que la qualité d’associé appartient à un seul conjoint (sous réserve naturellement que l’autre n’ait pas revendiqué la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales souscrites par son conjoint au moyen de biens communs au cours de l’union).

C’est en outre l’époux qui a la qualité d’associé qui peut prétendre aux dividendes, le paiement réalisé au profit du conjoint n’étant pas libératoire pour la société.

organisation de la sortie du conjoint après le divorce

En l’absence d’accord entre les ex-époux, la sortie forcée du conjoint peut être organisée, à l’initiative de l’un ou de l’autre des ex-époux.

Le choix des conditions de sortie forcée dépend naturellement de la situation particulière de l’entreprise et des ex-conjoints, mais il est possible de présenter ici plusieurs pistes de réflexion d’ordre général.

Un mécanisme d’isolement du conjoint des actifs de l’entreprise

La sauvegarde de l’entreprise peut dans certains cas être organisée grâce à l’interposition sociétaire :

  • une holding a été préalablement constituée afin de préserver la gestion opérationnelle de l’entreprise de la mésentente entre associés de la holding
  • ou la holding est créée post-divorce par apport de titres de l’entrepreneur.

Cette dernière hypothèse suppose naturellement que :

  • les titres apportés appartiennent en biens propres ou personnels à l’entrepreneur
  • le conjoint soit également titulaire de titres de la société concernée
  • l’entrepreneur dispose dans la société au sein de laquelle il est associé avec son conjoint d’une majorité suffisamment large.

L’apport par l’entrepreneur de ses titres à une société holding lui permet à moyen ou long terme, par réduction de capital de la filiale, d’appréhender des actifs dans sa holding et d’isoler le conjoint dans la filiale.

Le retrait du conjoint par recours à la voie judiciaire

Si les tentatives d’organisation des relations des ex-conjoints n’ont pas fonctionné, il reste possible de recourir à la voie judiciaire pour forcer la sortie du conjoint.

Il est important de rappeler que le conjoint a un réel intérêt personnel et financier à voir acter sa sortie de l’entreprise. L’objectif n’est donc pas ici de flouer ses droits mais de protéger l’entreprise de la mésentente persistante de ses associés.

Bien que cette option relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, la mésentente entre associés est justement un cas possible de dissolution de l’entreprise (article 1844-7 du Code civil). Cette possibilité ne sera naturellement pas satisfaisante pour le dirigeant, mais peut offrir une piste de sortie au conjoint.

Le retrait pour juste motifs pourra constituer une piste à explorer également si l’entrepreneur rechigne à acter la sortie du conjoint. Il convient toutefois, pour que cette voie puisse être menée à son terme, que la mésentente entre associés, si c’est là le cas évoqué pour justifier du retrait, paralyse réellement le bon fonctionnement de la société.

La Cour de cassation (Cass. Civ. 3, 11 février 2014, 13-11.197) a par ailleurs admis le retrait forcé d’un associé en raison de la disparition entre les ex-époux de tout affectio societatis, suite à leur divorce et à une mésentente persistante entre eux. Il est important de préciser que cette décision a été rendue à propos d’une société civile propriétaire d’un bien immobilier qui ne générait aucun revenu, ce bien étant occupé par l’un des ex-époux.

Si les tentatives de séparation, de désintéressement du conjoint ou de coexistence pacifique au sein de l’entreprise s’avèrent infructueuses, la plus sage option pour repartir de l’avant consiste peut-être in fine à la vente.

Il convient alors de tenter de trouver un chemin de cohésion entre les ex-époux, au moins pendant les négociations avec l’acquéreur. A défaut, les cédants seront à la merci d’un acquéreur habile à détecter leurs désaccords pour négocier le prix.

 

 

 

Si le souhait de l’entrepreneur est de pérenniser son activité, il aura donc tout intérêt à anticiper les risques de séparation de son couple au plus tôt, et même dès son mariage, l’engagement amoureux ne s’affranchissant pas de toute réflexion patrimoniale. Confronté à son divorce, il réalise parfois trop tard l’importance de son régime matrimonial.

Le chef d’entreprise devra en tout état de cause s’entourer de professionnels qualifiés qui sauront le conseiller pendant cette période de rupture pour préserver son patrimoine et ses actifs professionnels.

 

Auteurs
Cécile Peyroux et Christel Tessier

Notaires

Cécile Peyroux est intervenant formateur à L’ESBanque pour le CESB Expert en Gestion de Patrimoine

Réforme du divorce en 2021 : les clés pour une séparation sereine et maîtrisée

Réforme du divorce en 2021 : les clés pour une séparation sereine et maîtrisée

Temps de lecture estimé : 12 min

Rédaction Web : JUST DEEP CONTENT

La réforme du divorce, initiée en 2017 pour les procédures amiables, se poursuit en 2021 concernant les divorces contentieux. Point et conseils pour anticiper ces situations de rupture volontaire.

 

Pragmatisme et simplification, le législateur est au diapason des couples en instance de séparation. La loi a en effet pleinement consacré le droit à la séparation en contractualisant le divorce. Cette déjudiciarisation du divorce permet de désencombrer les tribunaux et accélérer la mise en œuvre de la séparation, à une époque où les couples se font et se défont beaucoup plus rapidement qu’il y a 40 ans. Véritable baromètre de notre société, le dispositif législatif est désormais empreint de souplesse.

Le législateur, le juge et les professionnels du droit se doivent d’intervenir en interaction bienveillante pour acter la séparation et participer à un règlement rapide, dédramatisé et efficace de la rupture.

Le centre de gravité du divorce s’est déplacé du juge, garant d’un équilibre entre les parties et de l’intérêt de la famille, vers le couple.

La séparation ne doit pas pour autant être appréhendée par ses acteurs comme une simple formalité, sans expertise ni conseils.

Si les procédures permettant d’acter la séparation du couple sont dans leurs subtilités l’affaire des professionnels, il n’est toutefois pas inutile de faire un point sur les différentes voies de divorce possibles et leurs modalités depuis le 1er janvier 2021, avant d’aborder les fondamentaux permettant de sécuriser le processus de rupture et d’y insuffler de la sérénité.

quelle réforme du divorce depuis le 1er janvier 2021 ?

L’article 229 du Code civil vise quatre cas de divorce qui peuvent être scindés en deux catégories : le divorce amiable et les divorces contentieux.

La distinction tient au fait de savoir si les époux sont en total accord sur le principe et les conditions du divorce (divorce « amiable ») ou s’ils ont des points de désaccord (divorce « contentieux »).

Rappel des différentes formes de divorce

Le divorce « amiable » (divorce par consentement mutuel – Articles 229-1 à 232 du code civil) :

Le divorce par consentement mutuel a été intégralement déjudiciarisé, excepté en présence d’enfants mineurs qui demandent à être entendus par le juge ou si l’un des époux est incapable (articles 229-2 et 230 du code civil). Dans ces deux hypothèses, le juge demeure garant de l’intérêt des parties vulnérables et doit en conséquence intervenir et homologuer la convention de divorce.

Ce type de divorce implique un accord des deux époux sur le principe du divorce et toutes les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales (partage des biens, prestation compensatoire…).

La procédure non contentieuse est considérablement simplifiée depuis peu, permettant le prononcé du divorce en quelques semaines (loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 modifiant la loi du 11 février 1975) :

  • Choix par chacun des époux d’un avocat personnel,
  • Rédaction d’une convention de divorce détaillant les points patrimoniaux et extrapatrimoniaux liés à la séparation et contenant quelques mentions obligatoires (article 229-3 du code civil),
  • Etablissement d’un état liquidatif, le cas échéant,
  • Envoi par courrier recommandé de la convention aux deux époux,
  • Signature de l’état liquidatif,
  • Signature de la convention par chaque époux sous forme d’un acte sous signature privée contresignée par les avocats, après délai de réflexion de 15 jours,
  • Dépôt de la convention au rang des minutes du notaire dans les 7 jours de la signature de la convention, aux termes duquel le divorce est prononcé.

Les divorces « contentieux » :

Les divorces dits « contentieux » sont au nombre de trois : le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (autrement dénommé « divorce accepté »), le divorce pour faute et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (« divorce accepté » – Articles 233 et 234 du Code civil)

Les époux sont ici d’accord sur le fait de divorcer, mais sont en désaccord sur tout ou partie des conséquences patrimoniales ou extrapatrimoniales de la séparation (garde des enfants, partage des biens …).

Le divorce pour faute (Articles 242 à 246 du Code civil) :

En dépit du récent effort législatif de dédramatisation du divorce, impliquant la dissociation des causes de la désunion de leurs conséquences patrimoniales, le divorce pour faute perdure. Dans ce type de divorce, l’un des époux manifeste son intention de divorce en raison d’une violation grave ou renouvelée des devoirs liés au mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal (Articles 237 et 238 du Code civil) :

Ouvrant la voie à une vraie liberté de divorcer, ce type de divorce permet de mettre fin au lien conjugal lorsque la cessation de la communauté de vie entre les époux est avérée.

divorces contentieux : modification de la procédure depuis le 1er janvier 2021

Une nouvelle réforme du divorce est entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Les requêtes en divorces contentieux déposées depuis cette date ne nécessitent plus de phase de conciliation et débutent directement par une audience dite « d’orientation et prise de mesures provisoires ».

Suppression de la phase de conciliation des divorces contentieux

Les divorces contentieux impliquent toujours l’intervention du juge mais la phase de conciliation a été supprimée.

Cette étape avait pour but de tenter d’éviter la séparation et a minima de fixer les mesures provisoires jusqu’au jugement de divorce.

La suppression de l’étape de conciliation réduira la durée de la procédure contentieuse de divorce, relativement longue (plus de deux ans en moyenne en 2018).

L’autre avancée concerne également la date de la première audience, connue dès l’assignation. Pour les requêtes engagées depuis le 1er janvier, la procédure débute donc directement par la phase d’assignation, délivrée à la demande d’un époux ou bien des deux époux par requête conjointe.

Cette requête doit contenir notamment une proposition de règlement des intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux ainsi qu’un état actualisé du patrimoine des époux. L’objectif est ici d’offrir au juge une vision immédiate et claire de la situation et des points à trancher.

Création de l’audience d’orientation et prise de mesures provisoires

Il se tient une seule audience dite d’orientation, au terme de laquelle le juge examine les accords et les désaccords entre les parties et décide d’une mise en état judiciaire ou conventionnelle.

Cette étape permet aux parties d’échanger leurs conclusions et d’y répondre. Elle peut prendre la forme judiciaire et est alors assurée par le juge. Elle peut être également conventionnelle. Les époux signent alors une convention de procédure participative aux fins de mise en état et échangent de manière autonome pendant une période donnée, assistés par leur avocat.

Au cours de cette audience, le juge prononce également les mesures provisoires, permettant d’organiser la vie des époux et de la famille jusqu’au jugement de divorce (article 254 du Code civil). Ces mesures peuvent concerner les modalités de résidence des époux, d’occupation du logement familial, la fixation d’une pension alimentaire, de prise en charge provisoire de certaines dettes entre époux …

Le divorce peut également être prononcé sans audience à la demande des deux époux. A défaut, une audience de plaidoiries sera tenue.

Source : Ministère de la Justice – Réforme du divorce : Une procédure plus simple et plus rapide – Janvier 2021

divorce pour altération définitive du lien du mariage : délai de séparation réduit à 1 an

La loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, implique une résidence séparée des époux pendant 1 an et non plus 2 ans.

Ces changements témoignent de la recherche d’une plus grande souplesse des procédures et de réduction de leur délai.

Peu importe le type de divorce, il convient de bien anticiper la séparation eu égard à ses importantes conséquences patrimoniales.

focus sur les points à anticiper

Le divorce par consentement mutuel, sans intervention du juge, est certainement la voie à conseiller.
Il est néanmoins indispensable de s’entourer des conseils qualifiés et de s’assurer d’une bonne coordination entre eux. Certains points à enjeux demandent une attention spécifique, tels la date de dissolution du mariage à retenir, la valorisation des actifs, le périmètre du partage ainsi que le mode de règlement de la prestation compensatoire.

un divorce sans juge mais pas sans professionnels

Si la tendance est de favoriser les divorces dits contractuels, il reste indispensable de s’entourer de professionnels du droit qui sauront se coordonner.

Le divorce sans juge ?

L’orientation actuelle est à la contractualisation du divorce. Opter pour le divorce par consentement mutuel permet de gagner en célérité et de limiter les coûts.

Faut-il pour autant laisser le divorce entre les mains d’époux non professionnels du droit, dont les intérêts deviennent divergents par l’effet même du divorce ?

Même non judiciaire et en présence de patrimoines très lisibles et facilement partageables, le divorce peut prendre quelques mois.

L’entente initiale peut se fissurer, d’autant que l’enjeu pour les futurs ex-époux est celui d’une projection dans leur vie d’après, notamment d’un point de vue économique et fiscal (acquisition d’une nouvelle résidence principale, expatriation, nouvelle union, nouveaux enfants…).

Le divorce contractuel implique l’absence d’arbitre et parfois des négociations non rythmées par l’intervention du juge. D’où la nécessité de faire intervenir des conseils avisés.  La situation est également complexe lorsqu’il s’agit du divorce du chef d’entreprise.

Des conseils bien choisis

Le nouveau divorce gracieux impose à chaque époux de choisir son propre avocat pour garantir un consentement libre et éclairé.

L’option pour un avocat qui renseigne de manière claire et complète sur les conséquences civiles et fiscales du divorce, et non uniquement sur l’aspect procédural du divorce, est primordial. Entre fermeté et souplesse, l’avocat choisi devra savoir trouver le « mauvais » arrangement pour éviter le « bon » procès.

L’intervention d’un notaire commun est également importante pour trancher des points de droit patrimonial qui relèvent davantage traditionnellement de sa compétence.

La complémentarité des conseils, si elle a un coût, peut en réalité s’avérer pertinente et source, in fine, d’économies.

Des interactions positives entre les professionnels

En cas de divorce par consentement mutuel, le notaire devra déposer au rang de ses minutes la convention de divorce établie par les avocats.

Ce dépôt confèrera force exécutoire et date certaine à la convention et le divorce sera alors prononcé.

Un contrôle formel s’impose au notaire qui doit s’assurer, à peine de nullité, que les mentions obligatoires de l’article 229- 3 du Code civil figurent bien dans la convention.

Il est donc déterminant de faire suivre au notaire le projet de convention, avant signature par les époux, afin d’éviter de devoir réinitier la procédure en cas d’irrégularités.

La bonne coordination des professionnels sur l’articulation des opérations, permet de privilégier un circuit court, c’est-à-dire la signature concomitante de l’état liquidatif lorsque celui-ci est établi par acte notarié d’une part et de la convention de divorce d’autre part, le même jour et en présence des époux.

Ceci évite également l’imprévisibilité d’une signature de l’état liquidatif indépendamment du prononcé du divorce.

la fixation d’une date pertinente de dissolution de l’union

Cette date est fondamentale, tout particulièrement en cas de régime matrimonial communautaire car elle fixe la consistance des patrimoines propres et commun des époux.

Tous les biens acquis par les époux postérieurement à cette date sont exclus de la masse commune et appartiennent exclusivement à l’époux acquéreur.

L’article 262-1 du Code Civil dispose que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

  • lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel conventionnel : à la date du dépôt notarié de la convention sous seing privé contresignée par les époux, à moins que cette convention n’en stipule autrement
  • lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute: à la date de la demande en divorce (assignation ou demande conjointe) par suite de l’entrée en vigueur le 1er janvier 2021 de la réforme du 23 mars 2019.

Ainsi, l’un des époux qui entendrait acquérir un bien au cours de la procédure de divorce, aurait sans doute intérêt à fixer la date de dissolution de l’union avant l’acquisition. En effet, si le divorce était prononcé et définitif, le bien acquis serait alors sa propriété exclusive. A défaut, le bien acquis appartiendrait à la communauté.

Reste à en convaincre son époux, qui sera peut-être sensible aux arguments avancés s’il se trouve dans une même configuration d’acquisition ou si la consistance de son patrimoine risque d’évoluer à brève échéance.

Ainsi et par exemple, l’époux qui détiendrait des stock-options aurait tout intérêt à fixer une date de dissolution antérieure à la levée des stocks. La Cour de Cassation a en effet jugé (Cass. Civ. I, 9 juillet 2014) que l’exercice de ces droits d’option entre dans la communauté lorsque l’option est levée durant le mariage.

un état liquidatif exhaustif mais un partage circonscrit au strict nécessaire

L’acte liquidatif établi dans le cadre du divorce par consentement mutuel des époux doit être complet.

Il n’est donc pas possible d’exclure les comptes bancaires communs avant la dissolution du régime ou le prix de vente d’un bien immobilier commun.

A défaut, une réouverture du dossier après divorce serait possible et les peines du recel pourraient trouver à s’appliquer en cas de distraction frauduleuse de l’un des époux.

Pas de liquidation en revanche requise si le bien immobilier détenu en indivision par des époux séparés de biens était vendu avant la date de dissolution retenue entre les époux.

Un époux marié sous un régime séparatiste aura donc tout intérêt à vendre les biens indivis avant la date de dissolution retenue.

En revanche, pour l’époux commun en bien : impossible de faire échapper le bien commun ou son prix à la liquidation.

Une solution néanmoins : donner aux enfants avant la date de dissolution permettrait de réduire l’assiette des biens soumis à liquidation tout en anticipant une transmission à sa descendance.

Là encore, les conseils devront anticiper ces questions.

Si le régime matrimonial doit être liquidé de manière exhaustive, il est parfaitement possible de ne partager que partiellement les biens communs devenus indivis. En effet, un maintien en indivision est envisageable le temps de la vente de ces biens avec renvoi au dispositif légal ou à une convention d’indivision préparée par un notaire ou avocat.

Lors de la vente du bien, la répartition du prix entre les deux ex-époux ne sera pas soumise au droit de partage si le partage est uniquement verbal (Réponse Valter (JOAN du 22 janvier 2013, n° 9548), BOFIP (BOI-ENR-PTG 10-10, n° 65)).

Droit de partage réduit en 2021 puis 2022

Le droit de partage est assis sur l’actif net partager. Plus l’assiette est restreinte, plus l’impôt généré l’est également. Le taux fixé initialement à 2,5 % a été fixé par la loi de finance pour 2020, à 1,8 % depuis le 1er janvier 2021. Il passera à 1,1 % au 1er janvier 2022.

une réflexion « tactique » en matière de prestation compensatoire

L’article 270 alinéa 2 du Code civil enseigne que « la prestation compensatoire est destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».

Les parties doivent s’accorder, à défaut de relais judiciaire, sur l’existence même de la prestation compensatoire et fixer son quantum.

La fiscalité étant protéiforme en fonction de la nature des biens donnés et le délai de remise, une analyse approfondie sera requise pour optimiser l’opération pour son débiteur.

Privilégier la remise de biens propres permettra d’éviter un droit de partage, lequel ne s’applique qu’à la délivrance de biens indivis ou communs.

Une remise d’une somme d’argent propre permettra de contourner le sujet des plus-values applicable à la remise de biens immobiliers ou de titres sociaux propres.

Si la prestation compensatoire est versée sur moins de 12 mois ou si un bien est attribué en nature : une réduction d’impôt égale à 25 % des sommes versées dans la limite de 30 500 € (soit au total 7625 €) est applicable.

Au-delà de 12 mois, une déduction du montant de la prestation compensatoire des revenus est possible.

Une réflexion autour de la mise en place d’une prestation compensatoire mixte peut également être menée : en capital versé immédiatement pour partie et pour autre partie sur une durée supérieure à 12 mois.

une valorisation adaptée à la date de jouissance divise

Les valeurs portées dans l’état liquidatif doivent être des valeurs de marché, c’est-à-dire fixées par le jeu de l’offre et de la demande.

En cas de sous-valorisation, une action en complément de part pourrait être initiée par l’ex-époux lésé de plus d’un quart. De surcroît, l’administration fiscale serait susceptible de redresser en cas d’insuffisance de valorisation durant le délai de reprise.

En vue de sécuriser l’opération, il est recommandé de recourir à des avis de valeur rendus par des professionnels de l’immobilier ou du chiffre pour expertiser les biens immobiliers et titres sociaux.

Un partage inégal et causé entre les époux sera sans nul doute préférable à un partage égalitaire de façade, établi sur la base de valeurs contestables.

L’attribution des biens opérés dans le cadre du partage n’est pas génératrice de l’impôt de plus-value en cas de vente ultérieure, car qualifiée d’opération intercalaire : l’époux attributaire sera considéré comme propriétaire du bien à sa valeur d’entrée dans le patrimoine commun ou indivis.

L’impréparation et le manque d’accompagnement pré et post divorce peuvent s’avérer désastreux et envenimer une situation humainement difficile. La séparation peut en effet prendre des aspects fortement conflictuels pendant la période de divorce. Les professionnels du conseil (avocats, notaires, conseils en gestion de patrimoine…) ont plus que jamais leur rôle à jouer pour apporter clairvoyance aux époux dans ces situations.

Auteurs
Cécile Peyroux et Christel Tessier

Notaires

Cécile Peyroux est intervenant formateur à L’ESBanque pour le CESB EGP

Sources :