Le présent d’usage : donation ou simple générosité ?
Cadeau réalisé lors d’une circonstance spécifique, le présent d’usage s’apparente à la donation sans en être une. La distinction avec le don manuel est quelquefois ténue mais les conséquences civiles et fiscales peuvent être lourdes.
Les fêtes de Noël, les étrennes du jour de l’an, sont des circonstances propices à la générosité et à ce que l’on nomme en droit patrimonial le présent d’usage. Principalement décrit par la jurisprudence et la doctrine administrative, le présent d’usage se définit par comparaison avec la donation.
Pouvoir le distinguer de l’acte de donation est essentiel : le présent d’usage, à la différence du don manuel, n’entre pas civilement dans la succession et n’est pas imposable aux droits de mutation. La distinction entre présent d’usage ou don manuel revêt donc un enjeu important.
qu’est-ce que le présent d’usage ?
Objet juridique non véritablement identifié par le Code civil, il faut se tourner vers la jurisprudence et la doctrine administrative pour appréhender la notion de présent d’usage.
absence d’une définition précise du code civil
Le Code civil ne définit pas le présent d’usage. Il en fait simplement référence dans son article 852, se contentant, sans exhaustivité, d’en préciser quelques règles :
«… les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant.
Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ».
Serait-il une aumône, un bienfait, un cadeau, un don, une offrande, un souvenir de famille… ?
Quant au terme « usage », il se définit en droit comme une pratique, un comportement habituel de la vie sociale ou familiale sans qu’il soit établi par une loi ou qu’il ait une portée juridique (J.L. Aubert, introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, A. Colin, 2002, n° 117 ss).
Mais toujours pas de définition précise du présent d’usage…
Il faut recourir à la jurisprudence civile et à la doctrine pour mieux délimiter ce qu’est le présent d’usage.
le présent d’usage : une notion précisée par la jurisprudence civile et la doctrine administrative
La Cour de cassation le définit comme « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à l’usage, et n’excédant pas une certaine valeur. » (Cass. 1e civ., arrêt du 6 décembre 1988, n° 87-15083)
Pour la doctrine administrative : « La qualification de présent d’usage pour un cadeau… résulte… au plan civil comme au plan fiscal, d’un examen de circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis. »
D’autre part, « l’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges de fond. » (RES n° 2013/05 (ENR) du 3 avril 2013 BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n° 260).
La jurisprudence civile et l’administration fiscale s’en tiennent ainsi aux « circonstances concrètes » dans leurs tentatives de qualification.
Dès lors, définir le présent d’usage et en circonscrire le régime requiert de mettre en regard ses points communs et ses différences avec la donation et plus particulièrement le don manuel.
présent d’usage et don manuel : les points communs
Présent d’usage et donation se ressemblent fortement en ce qu’ils sont tous deux réalisés par un disposant ayant une intention libérale en faveur d’une personne.
Le présent d’usage peut être particulièrement comparé au don manuel puisqu’il porte sur le même type d’objet et se réalise de la même manière.
un disposant et une intention libérale
On parle de disposant pour le présent d’usage, de donateur pour une donation ou un don manuel. Dans les deux cas, le lien de parenté entre ce dernier et le bénéficiaire de la libéralité est indifférent. Il est possible de faire un cadeau ou de réaliser un don manuel à qui l’on veut, membre de la famille ou tierce personne.
Le lien de parenté éventuel entre disposant et bénéficiaire revêt de l’importance uniquement dans le cas de la donation, pour des raisons civiles et fiscales.
Le don manuel par exemple, s’il est réalisé sur une part successorale, sera imputé sur la réserve héréditaire de l’héritier bénéficiaire.
Fiscalement, le don manuel peut bénéficier d’abattement et exonération selon le lien de parenté (CGI, art. 757, 790 B).
Le présent d’usage comme le don manuel sont des libéralités au sens de l’article 893 du Code civil. « …une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne. »
Le présent d’usage est d’ailleurs présenté à la section du Code civil relative au rapport des libéralités.
La libéralité procède d’une intention libérale du disposant et implique un appauvrissement du disposant et corrélativement un enrichissement du gratifié.
Nous allons voir que cette notion d’appauvrissement qui semble commune au présent d’usage et à la donation est aussi ce qui les différencie. Si l’appauvrissement du disposant est significatif, nous sommes alors en présence d’une donation au sens de l’article 894 du Code civil et non plus d’un présent d’usage.
présent d’usage et don manuel se réalisent de la même manière
Le présent d’usage se rapproche plus particulièrement du don manuel en ce qu’ils portent tous les deux sur le même type d’objet : tous les biens ou droits meubles, corporels ou incorporels.
Un bien immobilier ne peut être transmis sous forme d’un présent d’usage ou d’un don manuel. Son transfert de propriété nécessite un formalisme obligatoire et l’intervention d’un notaire.
Des biens meubles régis par des règles spécifiques
La bague de fiançailles
En principe, la bague de fiançailles est considérée comme une donation en faveur du mariage. Elle doit donc être restituée si le mariage n’a pas lieu suivant en cela le principe de l’article 1088 du Code civil : « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas. »
Par exception, si la bague est de faible valeur, elle constitue un présent d’usage et peut être conservée.
Elle devra néanmoins être restituée à la famille propriétaire s’il s’agit d’un bijou de famille. On considère dans ce cas qu’elle a fait l’objet d’un simple prêt à usage (Cass. 1e civ. 20 juin 1961 et 23 mars 1983).
En cas de rupture fautive du donateur, ou en cas de décès du donateur, la bague peut être conservée par le donataire (CA Paris, 3 décembre 1976 et CA Amiens, 2 mars 1979).
Les souvenirs et bijoux de famille
Ils ne sont pas définis par le Code civil mais une fois de plus par la jurisprudence.
Ce sont des biens meubles tels que albums de photos, archives familiales, armes de guerre, biens ou données numériques, bijoux, correspondances, diplômes, manuscrits, médailles, meubles meublants, œuvres d’art, portraits de famille ou d’ancêtres, titres de noblesse …
Ces biens doivent témoigner de l’histoire familiale, être par exemple « en rapport direct » avec la mémoire d’une personne remarquable de la famille (Cass. 2ème civ., 29 mars 1995, n° 93-18.769). Leur valeur affective, symbolique et collective prime leur valeur pécuniaire.
Les souvenirs de famille ont la particularité de rester en indivision (sauf accord entre les membres de la famille), sans relever pour autant du droit commun de l’indivision (C.civ. art. 815 et ss).
Cette « copropriété indivise familiale » échappe à la dévolution légale et au partage (Cass.1e civ. 21 février 1978, n° 76-10.561, Cass. 1e civ. 29 novembre 1994, n° 92-21.993).
Les souvenirs de famille sont remis à titre de dépôt au membre de la famille jugé le plus apte à les conserver. Ce dernier ne peut donc en disposer puisqu’à son tour, il devra le transmettre à la personne la plus qualifiée pour le conserver.
Cette transmission n’est donc pas une libéralité (Cass. 1e civ. 30 octobre 2007 n° 05-14.258) mais peut s’apparenter à un prêt à usage (C.civ. art 1875 ss) puisque l’attributaire du ou des biens va pouvoir en user sans en être le propriétaire à charge de le restituer à la fin du prêt ( Cass. Civ. 1e, 23 mars 1983). Il peut s’agir également d’un mélange de don manuel et de prêt à usage (cas par exemple des époux de La Rochefoucauld faisant un don manuel à leur fils à charge de prêt à son épouse (Cass. Civ. 1e, 20 juin 1961, Bull.civ. I n° 326)).
Le présent d’usage et le don manuel s’effectuent de manière similaire, par tradition réelle, c’est-à-dire par la remise matérielle de la chose entre les mains du bénéficiaire.
Tout comme le don manuel, le présent d’usage ne requiert aucun contrat ni acte spécifique. Tous deux viennent ainsi en contradiction avec l’article 931 du Code civil : « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats… ».
Le présent d’usage comme le don manuel correspondent à une pratique qui ne trouve pas son fondement dans la loi. Une fois de plus, c’est la jurisprudence qui admet leur validité juridique.
Le don manuel fait néanmoins l’objet d’un formalisme administratif visant à le déclarer fiscalement et lui donner date certaine (Cerfa 2735).
Le don manuel a en effet pour particularité d’être régi par les règles civiles des donations et des successions et d’être imposable aux droits de mutation, contrairement au présent d’usage.
qu’est-ce qui différencie le présent d’usage de la donation ?
Présent d’usage et donation ont des caractéristiques propres qui permettent de les distinguer, mais la frontière reste soumise à l’appréciation de fait de l’administration et de la jurisprudence.
Présent d’usage et donation ont un traitement civil et fiscal radicalement opposé : non rapportable à la succession et non imposable fiscalement, on comprend que le présent d’usage puisse être recherché dans certaines stratégies patrimoniales.
le présent d’usage : une circonstance spécifique et une proportionnalité raisonnable par rapport au patrimoine
Deux critères principaux permettent de distinguer présent d’usage et donation :
- Le présent d’usage est réalisé à l’occasion d’un évènement particulier
- Sa valeur par rapport au patrimoine du disposant
Circonstances et évènements nécessaires au présent d’usage
La particularité du présent d’usage est de n’être effectué qu’à l’occasion d’événement particulier pour lequel l’usage suppose un cadeau : anniversaire, baptêmes, départ en retraite, fêtes, mariage, naissance, obtention d’un diplôme…
Le don manuel peut être réalisé à tout moment, une circonstance spécifique n’est pas nécessaire.
La jurisprudence adopte ainsi la qualification de don manuel et non de présent d’usage dans les cas suivants :
- Une femme donne à son fils et à sa belle-fille seize chèques dans les seize mois précédant son décès : il ne s’agit pas de présents d’usage mais de dons manuels taxables par voie de rappel fiscal à sa succession, car le présent d’usage a nécessairement un caractère occasionnel (TGI Strasbourg 22 octobre 2009 n° 08-3878).
- De la même manière, un père qui donne deux chèques de 20.000 € et 10.000 € à son fils sans que soit précisée la circonstance de leur remise et de leur usage, réalise un don manuel (rapportable à la succession) et non un présent d’usage (Cass. 1e civ.25 septembre 2013 n° 12-176556)
- Un lien affectif existant entre le donateur et le donataire n’est pas non plus suffisant pour caractériser un présent d’usage (Cass. 1e civ., 10 octobre 2012, n° 11-19394, CA Lyon, 23 octobre 2012 n° 11-03538).
Le présent d’usage réalisé entre époux ne suit pas la règle des exceptions à l’irrévocabilité des donations entre époux.
Pour rappel, les donations entre époux de biens présents pendant le mariage, consenties après le 1er janvier 2005, sont révocables dans des conditions spécifiques prévues par les articles 953 à 958 du code civil : inexécution des conditions de la donation, ingratitude.
Le présent d’usage entre époux échappe à ces exceptions et reste irrévocable.
Exemples
Sacha Guitry avait offert un bracelet de diamants à l’une de ses épouses à l’occasion de leur anniversaire de mariage. Ils se séparent et le divorce est prononcé aux torts exclusifs de madame. Le donateur revendique alors le bracelet, suite à la dissolution du mariage, et sur le fondement de l’ingratitude de son ex-épouse. La révocation est refusée. Il est estimé qu’il n’y a pas là donation, mais, étant donné la fortune du donateur, un présent d’usage (Cass.1e civ. 30 décembre 1952).
A l’occasion de l’anniversaire de naissance de son épouse, un mari offre à cette dernière une voiture de grosse cylindrée. Il souhaite par la suite révoquer ce qu’il estime être un don manuel et se voir restituer le bien. Compte tenu des revenus du mari, la Cour de cassation estime qu’il s’agit d’un présent d’usage et qu’il a donc un caractère irrévocable (Cass. 1e civ. 15 octobre 1963).
Quelle proportion de patrimoine pour le présent d’usage ?
Il n’existe aucune règle précise de proportionnalité du présent d’usage par rapport aux revenus et au patrimoine du bienfaiteur.
Le Code civil précise que « Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant » (C.civ. art. 852, al. 2).
Les juges font très rarement référence aux seuls revenus du donateur mais ont confirmé la qualification de présent d’usage lorsque les sommes données n’excèdent pas 2 à 3 % du patrimoine du donateur ( CA Orléans, 11 octobre 2007, n° 06-3246, CA Bordeaux, 1er mars 2011, n° 09-03.692, CA Paris, 14 sept. 2007, n° 05-13.630, CA Douai, 3 mars 2011, n° 09-08.468).
Une réponse ministérielle récente du 31 décembre 2019 rappelle que la qualification de présent d’usage ne suit aucune règle chiffrée de proportion avec le patrimoine ou les revenus du gratifiants. Elle s’apprécie « au cas par cas » selon les situations de fait et relève du « pouvoir souverain du juge du fonds » (R.M. Le Meur, JOAN 31 décembre 2019, p. 11532, n° 22066).
Exemples
L’administration fiscale estime que les sommes que versent des parents sur un plan d’épargne-logement ouvert au nom de leurs enfants constituent des présents d’usage (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n°250).
Une réponse ministérielle le confirme également : « … pour les sommes versées par des parents sur un plan d’épargne-logement ouvert au nom de leur enfant, il est admis que ce placement financier puisse être qualifié de présent d’usage… » en précisant cependant que « cette qualification reste une question de fait qui, en cas de litige, relève de la compétence du juge judiciaire. » (RM Chartier, AN 12 janvier 2006 n° 63526).
Se pose alors la question des montants versés et de leur fréquence. Pour mémoire, le montant maximal de versement sur un plan d’épargne logement est de 61.200 Euros et ses modalités de versement peuvent ne pas être qu’occasionnelles et circonstancielles !
En 1975, un père donne à sa fille Alix, à l’occasion du mariage de cette dernière, huit aquarelles de Pierre-Joseph Redouté d’une valeur d’environ 70.000 francs. Il décède la même année. En 1985, Alix vend sept aquarelles pour un montant de 5.620.000 Francs. En 1993, une des cohéritières demande à ce que ces présents d’usage soient rapportés à la succession en estimant qu’il s’agit d’un don manuel. La Cour de cassation juge qu’il faut se placer à la date à laquelle le don a été consenti, en tenant compte du patrimoine du donateur à la même époque. Compte tenu de la valeur des aquarelles à cette date et de la fortune du donateur à la même date, la Cour de cassation juge qu’il s’agit bien d’un présent d’usage et en conclut qu’il n’est pas rapportable à la succession et qu’il ne peut donc être soumis aux droits de succession (Cass.1e civ. 10 mai 1995, n° 93-15.187).
Une mère de famille offre pour Noël 100.000 francs à chacun de ses enfants et à leur famille composée elle-même de plusieurs enfants. La justice considère, au vu du patrimoine de la donatrice (8.200.000 francs), qu’il s’agit de présents d’usage (CA Paris, 11 avril 2002 n° 01-3791).
La valeur du présent d’usage, sa soi-disant « modicité », sont donc toute relatives. Les décisions d’espèce, rendues en considération des circonstances particulières entourant le cadeau, en témoignent.
L’appréciation de la proportionnalité par rapport au patrimoine est donc une « question de fait » (RES n° 2013/05 (ENR) du 3 avril 2013).
La frontière entre le présent d’usage et le don manuel reste soumise à l’appréciation de l’administration fiscale et de la jurisprudence.
distinction entre présent d’usage et donation : des conséquences civiles et fiscales
Lorsqu’il est qualifié comme tel, le présent d’usage n’est pas considéré comme une donation. Par conséquent, il ne fait pas l’objet d’un rapport civil ou fiscal à la succession. Il n’est pas imposable aux droits de donation.
Civilement, le présent d’usage n’entre pas dans la succession
Le présent d’usage n’est pas rapportable à la succession du donateur sauf « volonté contraire du défunt » qui peut, par testament, stipuler la restitution du présent d’usage à la masse partageable entre cohéritiers ( C.civ., art. 843 ss, art. 852, al. 1).
Exemple
Deux chèques de 750 € donnés deux années de suite par une mère à sa fille à une date proche des fêtes de Noël sont des présents d’usage non rapportables à la succession (Cass. 1e civ. 23 mai 2012 n° 11.15-302).
Le présent d’usage n’est pas non plus considéré comme une libéralité réductible. Il ne peut lui être appliquée l’action en réduction des libéralités excessives (C.civ. art. 918 ss).
Le présent d’usage n’entre pas dans le calcul de la réserve héréditaire.
Le présent d’usage n’est pas imposable
Le mécanisme du rappel fiscal qui consiste à tenir compte des donations antérieurement consenties par le défunt à ses futurs héritiers ou légataires pour le calcul des droits de succession ne s’applique pas aux présents d’usage (CGI, art. 784).
Exemple
La remise de deux chèques de 7.500 € à chacun de ses légataires universels à l’occasion des fêtes par un homme dont le patrimoine est conséquent constitue un présent d’usage et non un don manuel taxable par voie de rappel fiscal à la succession (CA Orléans, 11 octobre 2007 n° 06/3246).
Contrairement au don manuel, le présent d’usage n’est pas assujetti aux droits de donation (CGI, art. 757, 790 B et BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n° 250).
Afin de constituer la preuve que la gratification est faite dans l’esprit d’un présent d’usage, il est conseillé de conserver un écrit circonstanciel du disposant précisant les lieux, date, circonstance, événement, motif, objet du présent d’usage, ainsi que la ou les personnes gratifiées.
La qualification de présent d’usage peut être également recherchée afin d’optimiser une libéralité en faveur d’un membre de la famille ou d’un tiers, compte tenu de ses avantages civils et fiscaux.
Cette stratégie a néanmoins des limites :
- Un héritier se considérant lésé par un présent d’usage jugé trop important peut tenter d’obtenir sa requalification en don manuel rapportable à la succession.
- Fiscalement, l’administration peut requalifier un présent d’usage qui serait considéré comme un don manuel afin de le soumettre aux droits de donation.
En matière de prescription fiscale, le droit de reprise de l’administration, et notamment la possibilité pour celle-ci de requalifier le présent d’usage en don manuel, s’exerce à partir du jour du fait générateur de l’impôt, donc du jour du décès, jusqu’au 31 décembre de la sixième année qui suit ce fait générateur (LPF, art. 186) si le bénéficiaire est l’un des héritiers du disposant.
Si le bénéficiaire est un tiers non-héritier, il n’y a pas de prescription. L’administration fiscale reste toujours en droit d’interroger le gratifié sur l’origine des fonds ou biens meubles reçus.
Une pratique du présent d’usage dans une pure stratégie d’optimisation patrimoniale peut être lourde de conséquences en cas de requalification en donation.
Le présent d’usage est avant tout un témoignage personnel d’affection familiale ou amicale. Nul ne se soucie de savoir, quand il offre une œuvre d’art, si elle vaudra plusieurs milliers d’euros dans quelques années, si l’argent offert servira à rembourser une dette ou si le colifichet savamment choisi sera revendu quelques jours après…
Le présent d’usage n’a pas pour objectif de privilégier une personne ou de transmettre à moindre coût, mais de manifester, matériellement, des sentiments familiaux ou amicaux.
Il doit être considéré comme tel et non comme un moyen de donner en éludant les règles civiles et fiscales. Le conseiller patrimonial se doit de le rappeler.
Sources :
Articles de loi
- C.civ. art. 843
- C.civ art.852
- C.civ. art.893
- C.civ. art.918
- C.civ. art.931
- C.civ. art.953 à 958
- C.civ. art.1088
- C.civ. art.1875
- CGI art.757
- CGI art.779
- CGI art.784
- CGI art.790 A
- CGI art.790 B
- LPF art.186
Jurisprudence
- Cass.1e civ. 30 décembre 1952
- Cass. 1e civ. 15 octobre 1963
- Cass. 1e civ. 21 février 1978, n° 76-10.561
- Cass. 1e civ. 20 juin 1961 et 23 mars 1983
- Cass. 1e civ., arrêt du 6 décembre 1988, n° 87-15083
- Cass. 1e civ. 29 novembre 1994, n° 92-21.993
- Cass. 2ème civ., 29 mars 1995, n° 93-18.769
- Cass.1e civ. 10 mai 1995, n° 93-15.187
- Cass.1e civ. 12 novembre 1998 n° 96-20.236
- Cass. Com., 29 janvier 2002, n° 98-14252
- Cass. 1e civ. 30 octobre 2007 n° 05-14.258
- Cass. 1e civ. 23 mai 2012 n° 11.15-302
- Cass. 1e civ., 10 octobre 2012, n° 11-19394
- Cass. 1e civ.25 septembre 2013 n° 12-176556
- CA Paris, 3 décembre 1976
- CA Amiens, 2 mars 1979
- CA Paris, 11 avril 2002 n° 01-3791
- CA Orléans, 11 octobre 2007 n° 06/3246
- CA Agen, 13 janvier 2009, n° 08/00810
- CA Lyon, 23 octobre 2012 n° 11-03538
- TGI Strasbourg 22 octobre 2009 n° 08-3878
- RESCRIT n° 2013/05 (ENR) du 3 avril 2013 BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n° 260 et 250
- R.M. Le Meur, JOAN 31 décembre 2019, p. 11532, n° 22066
Bibliographie
- BPAT F. Lefebvre, avril 2010
- J.Carbonnier, Le statut des bijoux dans le droit matrimonial, Defrénois, 1950
- G.Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2010
- J.L. Aubert, Introduction au droit et thème fondamentaux du droit civil, A. Colin, 2002
- P. Malaurie, Les successions, les libéralités, Defrénois, 2005
- F.Lefebvre, Mémento Successions et libéralités, 2021, n° 26170 à 26195
Auteurs
Anne Brouard et Jean-Guy Pécresse
Intervenants formateurs pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.