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Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Les clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux permettent de définir un régime matrimonial sur mesure. Le point dans ce premier article sur les clauses d’aménagement des régimes communautaires pendant le mariage.

 

Le mariage est le statut conjugal qui offre la plus grande liberté contractuelle au couple.

Cette liberté permet aussi bien de choisir un régime matrimonial que de décider de son contenu (C.civ. art. 1387).

Les clauses d’aménagement des régimes matrimoniaux consistent pour l’essentiel en des modifications apportées au régime de communauté légale (C.civ. art. 1497) et permettent aux futurs époux comme aux couples déjà mariés de choisir les règles qui s’appliqueront à leurs biens et dettes, présents et à venir, pendant le mariage et à sa dissolution.

Ces conventions matrimoniales sont qualifiées d’« avantages » qui peuvent être définis soit, comme « l’enrichissement que le fonctionnement d’un régime conventionnel procure à un conjoint, en comparaison de la situation patrimonial qui eut été la sienne sous le régime légal » (Bernard Vareille) soit, comme le traitement préférentiel accordé à un époux bénéficiaire en tant que copartageant (C.civ. art 1527, al.1).

Ces clauses ne constituent pas des donations, elles échappent donc au régime des libéralités (C.civ. art. 1527, al.1).

Elles ont pour objectifs :

  • d’améliorer la protection du conjoint survivant par un traitement préférentiel
  • d’augmenter les pouvoirs d’administration et de disposition des époux
  • de procurer un gain supplémentaire au conjoint survivant par rapport à ce que lui offrent ses droits successoraux légaux
  • d’éviter les conflits en cas de divorce
  • de permettre la modulation des émoluments entre les copartageants.

A noter :

Une proposition de loi (N° 1961) relative à la révocation des avantages matrimoniaux a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2024.

Jusqu’à présent, l’époux ayant attenté à la vie de son conjoint ou s’étant rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves, conservait le bénéfice de l’avantage matrimonial.

Dorénavant, la demande en révocation de l’avantage matrimonial sera possible dans ces deux cas.

Les clauses d’aménagements peuvent concerner :

Afin d’étudier l’ensemble de ces possibilités, nous aborderons l’étude de ces clauses en deux articles successifs.

Ce premier article est d’abord consacré aux clauses d’aménagement du régime communautaire produisant leurs effets pendant le mariage.

SOMMAIRE

  • Les clauses modifiant la composition de la communauté
  • Clause modificative de la gestion de la communauté : la clause d’administration conjointe

 

Les clauses modifiant la composition de la communauté

Ces clauses permettent d’aménager les modes et proportions de détention des biens en modifiant le statut d’un ou de plusieurs biens afin qu’il(s) entre(nt) en communauté.

 

La clause d’apport à la communauté

Validée par la jurisprudence, la clause d’apport à la communauté permet à l’un des époux de faire entrer un ou des biens meubles ou immeubles, présents ou futurs, qui lui sont ou seront propres en communauté (Cass.1ère civ. 21 janvier 1992, n° 90-14.459).

L’apport en communauté peut être de l’universalité des biens, d’une catégorie de biens ou de tels biens déterminés.

La charge du passif s’étend corrélativement à l’ensemble de la communauté en cas d’apport de l’universalité des biens ou correspond aux dettes attachées aux biens apportés.

Elle est stipulée :

  • à titre gratuit c’est-à-dire sans contrepartie pécuniaire, ce qui est le cas le plus fréquent.
  • à titre onéreux à charge dans ce cas de récompense par la communauté.

 

Exemples :

Un couple est marié sous le régime de la communauté légale.

L’époux apporte à la communauté, gratuitement, la propriété d’un bien immeuble qui lui est propre, d’une valeur de 500.000 €. Quels en sont les avantages ?

  • Son épouse devient immédiatement propriétaire pour moitié du bien, soit 250.000 €.
  • Aucun droit de donation n’est dû en vertu de l’article 1527 du Code civil« Les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle… ne sont point regardés comme des donations.» (civ. art. 1527, al.1). S’agissant d’un bien immobilier, l’apport à la communauté de biens immobiliers est néanmoins soumis à la taxe de publicité foncière.
  • L’épouse a le pouvoir d’administrer seule ce bien (civ. art. 1421). Elle peut, par exemple, mettre le bien en location (à l’exception du logement familial).
  • L’apport étant fait à titre gratuit, l’épouse bénéficie d’un avantage matrimonial qui prend ici effet au cours du mariage.
  • Dans cet exemple, le conjoint survivant, déjà attributaire de la moitié du bien en pleine propriété, peut recueillir un quart supplémentaire en pleine propriété dans le cadre de la dévolution légale, ce qui porte ses droits de propriété sur le bien aux ¾ de sa valeur. Sans apport à la communauté, il ne recueillerait en pleine propriété qu’un quart de la valeur du bien (civ. art 757).
  • Le bien, devenu propriété commune aux deux époux, peut être transmis aux enfants sous le bénéfice de deux fois l’abattement de 100.000 €.

 

D’autres applications de cette clause sont possibles :

  • Un immeuble peut être apporté à la communauté afin que l’emprunt qui a permis son financement soit remboursé par les deniers communs.
  • Un terrain sera apporté à la communauté afin d’y édifier le logement de la famille qui sera commun.

Cette clause permet donc aussi bien d’améliorer la situation successorale du survivant des époux, de renforcer l’égalité patrimoniale entre époux et d’anticiper la transmission aux descendants en bénéficiant d’une fiscalité plus favorable.

 

La communauté de meubles et d’acquêts

Régime légal instauré par le Code civil en 1804, il se justifiait à l’époque par le fait que les biens meubles étaient considérés comme ayant moins de valeur que les biens immobiliers (« res mobilis, res vilis » : chose meuble, chose sans valeur).

C’est pourquoi, les liens du sang primant et le conjoint étant évincé de la plupart des successions, les biens fonciers demeurés propres, devaient revenir aux descendants. 

La communauté de meubles et d’acquêts (C.civ. art. 1498 ss.) comprend :

  • Tous les acquêts de communauté: les biens qu’acquièrent les époux pendant le mariage meubles ou immeubles. Y compris les immeubles acquis entre le contrat de mariage et la célébration du mariage.
  • Tous les biens meubles sans distinction d’origine, de date ou d’acquisition.

Restent des biens propres :

  • Les biens immeubles acquis avant le mariage par donation, succession ou acte à titre onéreux.
  • les biens meubles stipulés propres par le donateur ou le testateur.
  • les biens meubles ou immeubles acquis en subrogation d’un bien propre.
  • les biens dits propres par nature, même acquis pendant le mariage : tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne (civ. art. 1404).

Le passif est constitué du passif commun dans la communauté légale et du passif afférent à l’ensemble des meubles communs.

Les opérations d’administration et de liquidation sont les mêmes que celles régissant la communauté légale.

Exemple :

Ce régime peut permettre à des époux disposant de biens meubles de valeur (actifs financiers, œuvres d’art, objets de collection) d’établir un certain équilibre entre leurs patrimoines respectifs ou d’enrichir un conjoint moins bien loti.

 

La communauté universelle

Dans ce régime (C.civ. art. 1526), les époux mettent en commun l’intégralité de leurs biens, meubles et immeubles, présents et futurs, qu’ils aient été acquis avant le mariage ou après, à titre gratuit ou à titre onéreux.

Ceci s’applique également aux droits indivis qu’a pu recueillir un époux par succession (Cass. 1ère civ. 2 avril 2008).

Corrélativement, toutes les dettes présentes et futures sont communes tant au plan de l’obligation à la dette qu’à celui de sa contribution. Ce régime est ainsi à déconseiller à des époux exerçant une profession « risquée », tel le chef d’entreprise (Cass. 1ère civ. 3 octobre 2018, D.2018.1968).

Les biens propres par nature (C.civ. art. 1404) ne tombent pas en communauté sauf volonté contraire des époux.

Un donateur ou un testateur peut aussi donner ou léguer sous condition que le bien n’entre pas en communauté.

A la dissolution du régime par décès de l’un des époux, la communauté doit être liquidée et partagée dans les conditions habituelles d’une communauté.

Au même titre que l’apport à la communauté et la communauté de meubles et acquêts, l’adoption du régime de la communauté universelle génère un avantage matrimonial unilatéral ou réciproque au profit du ou des époux apporteurs de biens à la communauté (Cass. 1ère civ. 19 octobre 1983, n° 82-12.046).

A ce régime matrimonial est très souvent adjointe une clause d’attribution intégrale de la communauté que nous aborderons dans un second article.

 

Clause modificative de la gestion de la communauté : la clause d’administration conjointe

Dite de « main commune », cette clause (C.civ. art. 1503) prévoit que les époux accompliront sous leurs signatures conjointes, les actes d’administration et de disposition. Seuls les actes conservatoires peuvent être effectués séparément par chaque époux.

Seules les dettes nées des actes accomplis par les deux époux en vertu de la clause « emportent de plein droit solidarité des obligations » engendrées (C.civ. art. 1503, al.2).

En pratique, elle est très peu utilisée car contraignant les époux à accomplir ensemble tous les actes d’administration et de disposition.

Il est à noter que la clause de représentation mutuelle, les époux se donnant réciproquement le pouvoir d’administrer la communauté, est interdite.

 

L’ensemble de ces clauses, prévues à l’origine du contrat de mariage ou rajoutées par la suite lors d’une modification du régime matrimonial, vise à modifier la constitution ou la gestion de la communauté pendant la durée du mariage.

 

Nous verrons dans notre prochain article quelles sont les clauses produisant leurs effets non pas pendant le mariage, mais lors de la dissolution de la communauté au décès d’un des époux ou en cas de divorce. Nous étudierons également quelles sont les clauses modificatives des régimes séparatistes.

 

Auteur

Jean-Guy Pécresse  

Conseil en gestion de patrimoine – Intervenant formateur pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.