La prise en charge par la SARL des cotisations sociales dues sur les dividendes du gérant majoritaire et leur déductibilité sont maintenant possibles. Pour autant, l’imposition de la distribution reste lourde et l’arbitrage rémunération / dividendes dépend de l’objectif patrimonial poursuivi. Analyse.
la nouvelle déductibilité des cotisations sociales sur dividendes des sarl
Depuis le 3 septembre dernier et la publication officielle de la réponse ministérielle Frassa (RM Frassa n° 12909 JO Sénat 03/09/2020), les SARL peuvent prendre en charge le paiement des cotisations sociales sur les dividendes du gérant majoritaire. Dans quels cas ces cotisations sont-elles dues et quel est ce nouveau mécanisme de paiement et de déductibilité ?
les cas d’imposition des dividendes aux cotisations sociales
En toute logique, les dividendes, à la différence des salaires ou rémunérations du dirigeant, ne sont pas soumis aux cotisations sociales mais aux prélèvements sociaux (taux de 17,2%, en sus de l’IR (Impôt sur le Revenu)).
Depuis 2013, les cotisations et contributions sociales sont néanmoins dues dans les cas suivants (article L131-6 du code de la sécurité sociale) :
- Distribution de dividendes des SARL (Société à Responsabilité Limitée), EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité limitée), SNC (Société en Nom Collectif) soumises à l’IS.
- En faveur de l’associé gérant majoritaire de SARL, associé unique d’EURL ou associé de SNC, relevant du régime des TNS (Travailleurs Non Salariés), ainsi que son conjoint, partenaire de pacs (pacte civil de solidarité) ou ses enfants mineurs non émancipés.
- Sur la part des dividendes distribués qui dépasse 10 % du capital social et des primes d’émission détenus par l’associé, son conjoint, partenaire de pacs et enfant mineur.
Ces cotisations sociales relèvent du régime du SSI (Sécurité Sociale des Indépendants). Les taux de cotisation sont de l’ordre de 30 % à 45 % selon les professions et les niveaux de revenus.
La base imposable aux cotisations sociales a longtemps donné lieu à controverse.
Selon l’article L131-6 du code de la sécurité sociale, les cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants non agricoles sont calculées sur l’assiette nette correspondant à celle de l’impôt sur le revenu.
Si l’associé opte pour l’imposition au PFU (prélèvement forfaitaire unique), la totalité du dividende est imposable au taux fixe d’impôt sur le revenu de 12,8 % et par conséquent les cotisations sociales sont dues sur la même base.
Par contre, si l’associé opte pour l’intégration du dividende au barème de l’IR, la base imposable bénéficie d’un abattement de 40 %. Les cotisations sociales devraient alors être calculées sur le montant du dividende net de l’abattement de 40 %.
Or dans sa circulaire de 2014, suivant en cela celle de l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale), le RSI (Régime Sociale des Indépendants devenu Sécurité Sociale des Indépendants SSI) ne retenait pas cette méthode d’imposition et calculait les cotisations sur le montant total distribué quelle que soit le choix d’imposition et la base imposable à l’impôt sur le revenu.
Un jugement récent de juin 2020 a débouté l’administration sociale à ce sujet et permet donc un calcul des cotisations sur une base réduite de 40 % dans le cas d’une option d’imposition des dividendes au barème de l’IR.
A noter
Les intérêts des comptes-courants d’associés sont également soumis aux cotisations sociales dans les mêmes cas que les dividendes, pour leur part supérieure à 10 % des sommes versées en compte-courant.
prise en charge possible par la sarl et déductibilité
Les cotisations sociales dues sur les dividendes sont à payer personnellement par l’associé-gérant bénéficiaire.
Les montants peuvent être lourds (taux de 30 % à 45 % dans le régime SSI) et de nature à dissuader la distribution lorsqu’elle est soumise à cotisations.
Depuis 2013, le régime de la SARL est d’ailleurs souvent délaissé pour cette raison, au profit de celui de la SAS (Société par Action Simplifiée) qui ne présente pas ces contraintes.
Ce régime d’imposition sociale des dividendes vient néanmoins de connaître un relatif assouplissement.
Une récente réponse ministérielle (RM Frassa n° 12909 JO Sénat 03/09/2020) officialise la prise en charge des cotisations par la SARL, qui avait déjà été confirmée par un arrêt de Cour de Cassation de 2015 (n° 13-22709 du 20 janvier 2015).
La société peut régler les cotisations sociales incombant normalement au gérant de SARL si cette prise en charge est prévue par les statuts ou approuvée en assemblée générale (articles L. 223-18 et L. 223-19 du Code de Commerce).
Ce paiement par la société est considéré comme une rémunération en faveur du gérant :
- déductible du bénéfice imposable de la SARL à l’IS (Impôt sur les sociétés ; taux de 28 % en 2020 au-delà de 38.120 € de bénéfice imposable, 15 % en deçà, pour les sociétés de moins de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires).
- imposable au nom de l’associé à l’IR au titre des rémunérations de gérance majoritaire (article 62 du CGI) : le montant perçu bénéficie d’un abattement de 10 % (plafonné à 12.627 € pour les revenus 2019) avant d’être imposé au barème de l’IR.
Déductibilité d’un côté, imposition de l’autre, cette récente disposition offre-t-elle un avantage particulier en faveur de la distribution de dividendes ?
un nouvel intérêt à distribuer en sarl ?
L’intérêt fiscal de la prise en charge du paiement des cotisations sociales par la SARL dépend du taux d’impôt sur le revenu du gérant majoritaire. Au-delà, l’impact sur l’arbitrage rémunération / dividendes est faible, ce choix restant guidé par les objectifs de préparation de la retraite.
conséquences immédiates pour les dividendes soumis à cotisations sociales
Si la SARL prend en charge les cotisations sociales sur les dividendes, ce paiement est déductible du bénéfice imposable à l’IS.
L’économie fiscale est alors égale au montant des cotisations sociales payées par la SARL par le taux de l’IS.
Parallèlement, ce paiement constitue une rémunération imposable pour le gérant au barème de l’IR après abattement de 10 % (plafonné à 12.627 € pour les revenus 2019).
Prenons un exemple chiffré
Monsieur A. est le gérant majoritaire de la SARL BCD. Il détient 60 % du capital social. Ce dernier est de 1.000 €.
Il perçoit en septembre 2020 un dividende de 20.000 €.
Pour la part du dividende supérieur à 10 % du capital social détenu, les cotisations sociales sont dues, soit :
- un montant de dividendes de 19.940 € soumis à cotisations sociales
(20.000 – ((1.000 x 60%) x 10 %) = 19.940
- et des cotisations sociales de l’ordre de 8.973 € en retenant un taux de 45 %.
Si la SARL prend en charge ces cotisations, elle peut déduire ce paiement du bénéfice imposable à l’IS, soit une économie d’impôt de 2.512 € si le taux d’IS est de 28 %.
8.973 x 28 %= 2.512
Monsieur A. est imposable à l’IR sur ce paiement de cotisations considéré comme une rémunération de gérance majoritaire (article 62 du CGI).
La base imposable à l’IR est de 8.075 € (8.973 – (10 % x 8.973)).
L’IR dû est fonction du taux marginal d’imposition de Monsieur A.
Si ce taux d’IR est de 30 %, l’IR est de 2.422 € (8.075 x 30 %).
La prise en charge des cotisations par la SARL offre dans ce cas une faible économie fiscale de 90 €.
Cette économie d’impôt est bien sûr fonction du différentiel de taux entre l’IS et le taux marginal d’IR du gérant bénéficiaire de la distribution.
L’économie fiscale n’apparaît que si le taux d’IR est inférieur au taux d’IS. En 2020, dès lors que le bénéfice imposable est supérieur à 38.120 €, le taux d’IS est de 28 %. Seuls les gérants imposés aux tranches d’imposition sur le revenu de 14 % ou moins peuvent bénéficier d’un différentiel de taux significatif.
Les dividendes venant le plus souvent en sus d’une rémunération annuelle, il est rare que le taux marginal d’IR soit aussi bas et inférieur à 30 %.
Le taux d’IS devant passer à 25 % en 2022, l’économie fiscale éventuelle en sera également amoindrie.
Dès lors, la prise en charge du paiement des cotisations par la SARL a un intérêt avant tout économique, l’associé bénéficiaire n’ayant pas besoin de ponctionner sur ses revenus pour régler les cotisations. Mais le paiement réalisé par la SARL reste une charge et ce que le gérant ne règle pas à titre personnel est réglé par son patrimoine professionnel.
Au-delà de cet avantage relatif, cette nouvelle disposition modifie-t-elle les choix entre rémunération et distribution de dividendes en SARL ?
quel impact sur l’arbitrage rémunération / dividendes en sarl ?
Le fameux arbitrage salaire / dividende ou plus exactement rémunération de gérant / dividendes pour les SARL consiste tout d’abord à comparer l’imposition globale (IR, prélèvements sociaux et cotisations sociales) dans chaque cas.
Il faut ensuite tenir compte des avantages et inconvénients de chaque hypothèse : les cotisations sociales permettent une couverture sociale et de retraite, leur absence suppose de privilégier une assurance personnelle et une préparation de la retraite par capitalisation.
Dans le cas de la SARL, cet arbitrage rémunération / dividendes est plus complexe puisqu’il faut tenir compte d’une hypothèse supplémentaire de dividendes imposables ou pas aux cotisations sociales.
Il faut donc envisager trois cas :
- la rémunération du gérant imposable à l’IR (article 62 du CGI) et aux cotisations sociales.
- les dividendes inférieurs à 10 % du capital social détenu et donc non soumis aux cotisations sociales mais aux prélèvements sociaux à 17,2 %. Ces dividendes sont également imposables à l’IR (barème de l’IR ou taux de prélèvement forfaitaire de 12,8 %)
- la part de dividendes supérieure à 10 % du capital social détenu et donc imposable aux cotisations sociales ainsi qu’à l’IR.
Le tableau suivant synthétise la comparaison en prenant pour hypothèses :
- Un montant versé par la SARL au gérant majoritaire de 100
- Un taux marginal d’IR de 30 % ; un taux d’IS de 28 % ; un taux de cotisations sociales au régime SSI de 45 %
- Nous ne tenons pas compte de la CSG déductible et non déductible
Rémunération de gérance majoritaire (article 62 du CGI) | Distribution de dividendes < 10 % du capital social | Part de dividendes > 10 % du capital social | |||
---|---|---|---|---|---|
Somme à verser au gérant avant IS | 100 | 139 | 139 | 139 | 139 |
IS sur le versement réalisé | 0 | 39 | 39 | 39 | 39 |
Somme versée au gérant | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
IR | 27 | Option PFU (*) | Option barème IR : | Option PFU (*) | Option barème IR : |
Cotisations sociales SSI | 45 | 0 | 0 | 45 | 27 |
Paiement des cotisations sociales par la SARL | Déduction à l’IS : | NA | NA | Déduction à l’IS : | Déduction à l’IS : |
Paiement des cotisations sociales par la SARL | Déduction à l’IS : | NA | NA | Imposition à l’IR : | Imposition à l’IR : |
Prélèvements sociaux à 17,2 % | 0 | 17,2 | 17,2 | 0 | 0 |
Total des impositions (IS, IR, cotisations sociales, prélèvements sociaux) | 59,4 | 69 | 74,2 | 96,35 | 83,73 |
(*) PFU : Prélèvement forfaitaire unique
(**) : imposition à l’IR sur la rémunération brute (rémunération versée + cotisations sociales) moins les cotisations sociales payées par la SARL hors CSG non déductible.
NA : non applicable
On constate :
- Sans surprise, la nouvelle possibilité de prise en charge des cotisations sur dividendes par la SARL n’a que peu d’impact.
- Concernant les cotisations et contributions sociales, le taux des prélèvements sociaux de 17,2 % étant nettement inférieur au taux des cotisations sociales (30 % à 45%), l’option la moins coûteuse est la distribution de dividendes lorsqu’elle reste inférieure à 10 % du capital social.
- Par contre, en termes d’imposition totale, les dividendes sont globalement plus imposés que la rémunération en raison de l’IS, que ces dividendes donnent lieu à cotisations sociales ou pas.
Ne vaut-il pas mieux dans ce cas percevoir une rémunération de gérance subissant une pression fiscale et sociale moindre et permettant de cotiser davantage ?
La question est alors, dans la SARL comme dans les autres sociétés à l’IS, de privilégier ou pas les régimes sociaux pour la préparation de la retraite.
La possibilité de prise en charge par la SARL des cotisations sociales sur les dividendes ne modifie donc pas en profondeur la fiscalité globale de la distribution.
La question de fond reste l’arbitrage rémunération / dividendes et au-delà celle du mode de préparation de la retraite : répartition ou capitalisation ?
Le rôle du conseiller patrimonial est essentiel pour guider le chef d’entreprise dans ces choix.
Auteur
Anne Brouard
Formateur intervenant à L’ESBanque pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.
Je ne crois pas que soit évoqué quelque part la question des cotisations sur la prise en charge des cotisations, qui est pourtant bien, selon la réponse ministerielle, “un élément de rémunération”.
Cette question aurait-elle vocation à anéantir l’intérêt du montage évoqué ? Merci
Bonjour,
Il me semble que dans votre exemple très bien présenté et éloquent pour déterminer le choix entre dividendes et RG, il manque un aspect non négligeable.
Pour distribuer 100 en dividendes l’IS a été payé. A l’inverse il faut à mon sens majoré la RG brute du montant de l’IS ainsi économisé, la somme globale passe en charge donc 139 me parait plus logique que 100 pour un comparatif à coût global équivalent pour l’entreprise.
De fait votre démonstration est encore plus pertinente. N’est ce pas ?
Bonjour,
J’ai une interrogation concernant votre exemple et le fait de considérer ce paiement de cotisations sociales comme une rémunération de gérance majoritaire. Je vise cela : la base imposable à l’IR est de 8.075 € ((19740 x 45%) – (10 % x (19740 x 45%))
En pratique, la rémunération déclarée sur la 2042 est égale à la rémunération nette de gérance, augmentée de la CSG/CDRS non déductible.
Selon vous, il faudrait déclarer la totalité du montant (8075 €) en rémunération (en plus de la rémunération habituelle). ça me semble surprenant.
Ainsi, comment distinguez-vous les cotisations sociales “classiques” basées sur la rémunération TNS annuelle, de celles calculées sur ces dividendes soumis à cotisations sociales ?
Merci.
Cdt,
Le ministre précise que la prise en charge des charges sociales par la société constitue un avantage en sa faveur. La somme correspondante doit donc, corrélativement, être soumise à l’impôt sur le revenu au nom du Gérant.
Cependant, même si le ministre ne l’indique pas dans sa réponse, il est rappelé que, en vertu de l’article 62 du CGI, les cotisations sociales obligatoires des Gérants sont déductibles de leur revenu imposable (à l’exception de la part de CSG non déductible et de la CRDS).
Au final donc, c’est le même principe que pour les cotisations sur la rémunération, seule ces deux contributions, la part de CSG non déductible et la CRDS, prises en charge par votre société, doivent être ajoutées à votre revenu imposable.
Donc si je comprends bien, votre exemple est erroné puisque vous imposez à l’IR : 45 de cotisations (-10%frais). Alors que ce ne sont que les CSG/CRDS non déductible qui auraient dû être imposés.
Cependant, vous totalisez les impôts payés par la société et par le dirigeant en les rapportant à ce que reçoit le dirigeant avant impôts.
Ne faudrait-il pas les rapporter aux flux sortants de la sociétés (c.a.d. CS comprises)?
Bravo pour ce remarquable exposé!
Précision concernant “(dans le respect de certains plafonds pour les régimes obligatoires complémentaires d’assurance-vieillesse (article 154 Bis II 1°),”
L’article 154 Bis concerne les cotisations facultatives. Il aurait fallu écrire, à mon sens, pour les régimes facultatifs complémentaires……….
Bonjour
Sauf erreur de ma part les cotisations sociales ajoutées en avantage en natures sont ensuite déductible en tant que frais réels. Ce qui les neutralise.
En toute logique et même si la Réponse Ministérielle Frassa ne le précise pas, les dispositions de l’article 62 du CGI et par conséquent des articles 83 et 154 Bis du CGI devraient s’appliquer. Les cotisations sociales aux régimes obligatoires sont alors déductibles (dans le respect de certains plafonds pour les régimes obligatoires complémentaires d’assurance-vieillesse (article 154 Bis II 1°), que le gérant choisisse l’option pour les frais professionnels réels ou la déduction de 10 % (article 83 du CGI 3° , la déduction forfaitaire de 10 % se calculant sur le revenu net de déduction des cotisations sociales).
La CSG pour sa part non déductible et la CRDS restent néanmoins non-déductibles de la rémunération du gérant.
Cette déduction des cotisations sociales neutralisent effectivement l’imposition de l’avantage en nature correspondant mais ne crée pas de déduction sur la rémunération financière réellement perçue par le gérant, à la différence de la situation où les charges sociales sur dividendes ne sont pas prises en charge par la société (situation dans laquelle les cotisations sociales sont déductibles sans ajout à ce titre d’avantages en nature imposable). Le paiement des cotisations sociales sur dividendes par le gérant sans accroissement de sa rémunération, si elle optimise l’effet de déduction fiscale, lui est néanmoins économiquement défavorable.
Bonjour,
je ne comprends pas cette phrase : “les cotisations sociales ajoutées en avantage en natures sont ensuite déductible en tant que frais réels. Ce qui les neutralise.”
Pourriez-vous expliquer ?