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Double choc simultané d’offre et de demande, la crise provoquée par l’épidémie du Covid-19, d’abord sanitaire, devient économique. Entraînera-t-elle une situation d’inflation ou de déflation ? Les avis des économistes, bien que partagés, font ressortir un risque déflationniste à court terme et inflationniste à moyen terme si la croissance tarde à repartir. Explications.

un choc déflationniste à court terme

Selon un grand nombre d’économistes, les effets de la crise du Covid-19 seraient dans un premier temps déflationnistes.

les raisons d’un scénario déflationniste

La crise que nous vivons est inédite de par son origine mais également de par ses conséquences.  Au 18 avril, l’épidémie du Covid-19 a fait 153 090 victimes et infecté 2,19 millions de personnes dans le monde. La rapidité de diffusion du virus a amené la plupart des pays à imposer des mesures de confinement.

Ce confinement quasi simultané de millions de personnes dans le monde crée à la fois un choc d’offre, les moyens de production étant pour grande partie à l’arrêt et un choc de demande, les ménages réduisant de facto leurs achats.

A la mi-avril, 8,7 millions de personnes sont en chômage partiel en France et le nombre de chômeurs aux États-Unis a atteint un sommet historique de plus de 20 millions. Les entreprises sont en réduction d’activité et commencent à annoncer des baisses significatives de résultat. Le FMI estime la chute du PIB mondial en 2020 à 3 %, le projet de loi de finances rectificative prévoit un recul du PIB de 8 % en 2020 pour la France, sachant que ces chiffres dépendent de la durée du confinement.
 

 

Parallèlement, les ménages consomment nettement moins, soit par impossibilité soit par crainte de l’avenir.
Le livret A, témoin significatif du niveau d’épargne des Français, a doublé sa collecte entre février et mars 2020. Les versements sur les livrets A et LDD qui représentaient 1,54 milliards d’euros en février ont atteint 3,8 Milliards d’euros en mars (contre 2,52 milliards d’euros en mars 2019).

Baisse de l’offre et de la demande s’entretiennent dans une forme de cercle vicieux.  54 % du PIB de la France provient de la consommation des ménages. De manière évidente, la baisse de la consommation fait donc chuter la production.

Hormis en temps de guerre, les crises économiques que nous avons pu vivre précédemment proviennent en général soit d’un choc sur l’offre, soit sur la demande, rarement des deux simultanément. La crise actuelle a également pour particularité de toucher immédiatement tous les secteurs économiques, ce qui n’était pas le cas de la dernière crise de 2008 provenant en premier lieu du secteur financier.

Selon un grand nombre d’économistes, ce double choc sur l’offre et sur la demande devrait engendrer une baisse des prix des marchandises. Une réduction importante de la production industrielle ou de services telle que nous la vivons ne pourrait en effet susciter une hausse des prix que si la demande de ces mêmes biens et services restait stable. Or la demande se rétracte aussi fortement.

A ce jour, les chiffres mesurant l’inflation en France font ressortir une baisse des prix à la consommation en mars de l’ordre de 0,6 %. Sur douze mois, l’évolution des prix est toujours positive à + 0,6 % mais le rythme de l’inflation ralentit, le taux d’inflation sur un an en février étant de + 1,4 %.

Ce ralentissement de l’inflation sur un an est en premier lieu imputable à la forte baisse du prix de l’énergie.

Le coût des matières premières, tel le pétrole, s’effondre littéralement depuis le début de la crise. Même si des tensions politiques sont également à l’œuvre et que la crise n’en est pas la seule responsable, les cours du baril de pétrole restent à des niveaux historiquement bas en raison d’une chute drastique de la demande. Le cours du Brent qui a pu dépasser les 68 dollars début 2020 est tombé à 28 dollars le 17 avril. Les stocks de pétrole sont à leur maxima.

En savoir plus : INSEE – Inflation en mars 2020 

Le risque, si l’économie ne redémarre pas rapidement, est d’entrer dans une baisse généralisée des prix et dans une spirale déflationniste.

Le mouvement de baisse des prix, lorsqu’il s’installe, a tendance à devenir durable selon un phénomène bien décrit par les économistes : la baisse des prix fait baisser le chiffre d’affaires et les résultats des entreprises, ce qui a tendance à créer du chômage et faire baisser les salaires.
Cette diminution des salaires réduit la consommation des ménages, ce qui fait à son tour baisser les prix. Voyant les prix baisser, les consommateurs ont tendance à reporter à plus tard leurs achats et leurs investissements, espérant que les prix vont continuer à se réduire, ce qui entretient la chute de la production des entreprises et l’ensemble de la tendance baissière.

Source : Banque de France

La déflation a alors des conséquences sur :

  • La valeur de la monnaie: si les prix baissent, un euro prend logiquement de la valeur dans la mesure où il permet d’acheter une plus grande quantité de biens qu’auparavant.
    L’accroissement de la valeur de la monnaie peut gêner les exportations devenant plus chères. Dans la crise que nous vivons, tous les pays subissant le même choc, on peut théoriquement penser que cette augmentation de valeur des devises devrait avoir moins d’effets sur les exportations que lorsqu’elle ne concerne qu’un pays isolé. Il faut néanmoins tenir compte de la hiérarchie de valeur des devises : le dollar restant la valeur la plus utilisée, son augmentation aurait plus d’impact sur les exportations souvent libellées en dollars et en premier lieu celles des États-Unis.
  • La dette des entreprises, des États et des ménages: compte tenu de l’importance de l’endettement de l’ensemble des acteurs économiques depuis ces dernières années, la dette mondiale ayant dépassé les 253.000 milliards de dollars au troisième trimestre 2019, soit 322 % du PIB mondial, c’est certainement à ce niveau que la déflation serait la plus douloureuse.
    Selon le principe du nominalisme monétaire, les dettes sont libellées en monnaie constante. Ainsi, un crédit contracté pour un montant de 10.000 € par exemple doit se rembourser par le même montant de la même devise soit 10.000 €. Quid si la valeur d’un euro augmente et devient plus importante au jour du remboursement qu’au jour de l’emprunt ? C’est malheureusement ce qu’il se passe du fait de la déflation : lorsqu’on rembourse 10.000 €, on rembourse en fait une valeur beaucoup plus importante que celle que l’on a emprunté, même s’il s’agissait bien d’un montant nominal d’emprunt de 10.000 €.

    La déflation alourdit donc le remboursement et le poids de la dette.

  • Pour les épargnants, l’effet est inverse. Leur épargne pour le même montant prend de la valeur, ce qui ne les encourage pas non plus à consommer.

la déflation était-elle déjà là ?

La crise inédite que nous vivons est survenue alors que l’ensemble des économies des pays développés présentait une inflation relativement faible, de l’ordre de 1,4 % pour la zone euro en janvier 2020. Certains pays comme le Japon affichent des taux nettement plus faibles à + 0,69 % sur un an à janvier 2020, subissant même une tendance globale de déflation depuis 1999, avec une baisse des prix sur 12 mois dépassant – 2 % en 2010 par exemple.

Même si certains pays dits « émergents » présentaient quant à eux des taux d’hyperinflation, globalement, l’économie des pays occidentaux était en inflation très basse.

Pour certains économistes, ces pays commençaient même, avant la crise du coronavirus, à entrer en déflation, prenant ainsi le chemin du Japon. Ce n’est que par l’accroissement colossal de liquidités dans les circuits économiques, par l’action coordonnée des banques centrales suite aux crises de 2001 et 2008, que les taux d’inflation restent encore positifs.

Pourquoi l’injection de liquidités par les banques centrales crée une hausse des prix ?

Les banques centrales pour éviter les crises financières de 2001 et 2008 ont mis en place des programmes colossaux d’injection de liquidités dans l’économie, sous forme de baisse des taux d’intérêt directeurs et de rachat d’actifs aux banques (obligations d’État notamment), le fameux « QE » ou « quantitative easing ».

Le bilan de la Banque Centrale Européenne a ainsi plus que doublé de taille depuis 2008 pour s’élever à la fin de l’année dernière à 4.673 milliards d’euros, soit environ 39 % du PIB européen. Le bilan est du même ordre aux États-Unis où le total du bilan de la FED (Réserve Fédérale) dépasse 4.400 milliards de dollars fin 2019.

Dans les deux cas, baisse des taux d’intérêt ou « quantitative easing », il y a injection d’argent dans l’économie. Les entreprises et les ménages peuvent emprunter à des taux plus bas et donc davantage, ce qui pousse l’investissement et la consommation. La demande s’accroissant par rapport à l’offre, les prix prennent une tendance haussière.

La baisse des taux affaiblit également la valeur de la devise et renchérit les importations. On parle alors d’inflation importée.

Politique monétaire et inflation. Source : CFPB

Compte tenu du montant colossal d’injection de liquidités par les banques centrales, il devient étonnant et préoccupant pour certains économistes que l’inflation ne redémarre pas.

Quelles peuvent être les raisons de l’absence d’inflation ?

  • La première raison semble être que les liquidités injectées par les banques centrales n’entrent pas efficacement dans le circuit économique. Les banques centrales injectent indirectement des liquidités dans l’économie. La baisse des taux directeurs et le « quantitative easing » s’adressent d’abord aux banques qui vont pouvoir prêter sur une base de taux plus faible et diffuser ainsi la liquidité dans le circuit économique.

    Mais une partie de ces liquidités peuvent être conservées par les différents acteurs économiques : les banques par exemple ne prêtent pas à leur tour la totalité des liquidités qu’elles peuvent recevoir et doivent satisfaire par ailleurs une contrainte de constitution de fonds propres en face de leur octroi de crédit. Beaucoup de banques à la même période accumulent des réserves auprès des banques centrales.

    Les entreprises ne réinvestissent pas nécessairement dans les outils de production et on a vu nombre de sociétés cotées en Bourse procéder au rachat de leurs propres actions.

    Les ménages ont eux-mêmes eu tendance à épargner. Beaucoup d’investissements ont également eu lieu dans l’immobilier, favorisés par la baisse des taux. Or l’évolution des prix de l’immobilier n’entre pas dans le calcul des taux d’inflation.

    Néanmoins, toute injection de liquidités dans le circuit économique subit nécessairement des déperditions et cet effet n’explique certainement pas tout.

  • Une autre explication réside dans l’émergence pendant cette période de deux phénomènes :
    • Une concurrence internationale accrue rendue possible par une production de marchandises et de services, y compris des produits sophistiqués et technologiques, à des coûts de revient et à des prix de vente nettement plus faibles qu’auparavant. S’y ajoute une distribution élargie de ces produits par le développement de la vente en ligne.
    • Des ruptures technologiques importantes, créant des gains de productivité que nous avons encore du mal à mesurer et par là une baisse des prix. Ces gains de productivité sont dus à un processus permanent de création de nouvelles technologies, que Schumpeter a en son temps théorisé sous le nom de « destruction créatrice ».

Tout est alors question d’équilibre : si la politique de création monétaire, aussi importante soit elle, est fortement compensée par la déflation économique, les taux d’inflation restent faibles.

comment sortir de la déflation ?

La spirale déflationniste est particulièrement crainte par les économistes car il est très difficile de la rompre et de reprendre le chemin d’une croissance économique.

Pour favoriser l’augmentation des prix, il paraît logique d’inciter la demande, notamment des ménages. Celle-ci devenant plus importante que l’offre devrait entraîner l’augmentation des prix. Cette incitation à la demande peut être pratiquée par les politiques fiscales et budgétaires des États.

Mais depuis les travaux de Milton Friedman et le développement des théories monétaristes, le moyen le plus utilisé pour lutter contre la déflation est aujourd’hui l’outil monétaire. Les banques centrales interviennent pour créer une masse importante de monnaie en circulation, par la baisse des taux comme nous l’avons vu, ou par rachat d’obligations.

Milton Friedman pensait même en 1969 à une distribution de monnaie par les banques centrales directement aux ménages, sans contrepartie, imageant cette action par l’intervention d’un hélicoptère, le fameux « hélicoptère monnaie » remis au goût du jour du fait de la crise.

En savoir plus : Economie.gouv.fr – Milton Friedman

Devant la crise du Covid-19 et ses conséquences économiques, les États envisagent maintenant de recourir à cette politique de distribution directe de liquidités aux agents économiques. Même si « l’hélicoptère monnaie » est pratiqué par les États qui s’endettent et non par les banques centrales comme dans la théorie de Friedman, les effets sont proches dans la mesure où les banques centrales peuvent racheter à terme les dettes des États.
On retrouve dans ce cas une situation de création monétaire directement distribuée aux consommateurs et sans contrepartie si les États ne remboursent pas.

Au total, entre nouvel assouplissement des politiques monétaires des banques centrales et politiques budgétaires d’aides aux agents économiques, plus de 6.000 milliards de dollars aux États-Unis et 2.770 milliards d’euros pour l’Union Européenne viennent d’être injectés dans l’économie pour répondre à la crise du coronavirus.

Seront-ils suffisants pour relancer la croissance ?

Certains économistes, adeptes de la Nouvelle Théorie Monétaire, préconisent déjà depuis plusieurs années le développement de l’endettement et de la création monétaire pour soutenir l’économie. Cette politique maintenant les taux bas, voire négatifs, le poids et la question de l’endettement deviennent moins préoccupants.

Force est de constater qu’à ce jour cet endettement grandissant ne permet pas de relancer véritablement la croissance. Le permettra-t-il après la crise ? Risquons-nous de connaître la même situation que le Japon qui a du mal à sortir de la déflation depuis presque vingt ans, malgré l’endettement croissant de son économie ?

Pour certains économistes, c’est peut-être tout le contraire. Ces plans massifs de création de liquidités et d’endettement pourraient devenir contre-productifs, si la croissance ne reprenait pas rapidement, et finir par relancer une trop forte inflation voire aboutir à une hyperinflation

vers un risque d’inflation à moyen terme ?

Trop de liquidités dans l’économie alors que le taux de croissance reste faible voire négatif peut en effet susciter une hausse des prix.

une spirale inflationniste : pourquoi ?

Comme nous l’avons vu, les politiques de création monétaire et d’endettement ont par nature pour objectif d’accroître l’inflation et par là la croissance.

Que se passerait-il si elles étaient utilisées trop intensivement ? Si la croissance ne redémarrait pas ? Ou si la taille de cette création monétaire était sans commune mesure avec les possibilités de reprise de l’économie ?

En toute logique, dans une telle situation, si la quantité de monnaie en circulation devient trop importante par rapport à sa contrepartie, la production de biens et de services, la valeur de la monnaie s’affaiblit.

Cette diminution de valeur de la monnaie crée alors la hausse des prix puisque pour acheter un bien il faut plus de monnaie qu’auparavant.

Milton Friedman l’expliquait lui-même : créer plus de monnaie que la production réelle de biens et de services fait perdre de la valeur à la monnaie.

Une spirale inflationniste peut alors s’enclencher, finalement par effet inverse du cercle vicieux de la déflation. La hausse des prix fait perdre du pouvoir d’achat au ménage. Cette situation suscite une hausse des salaires qui elle-même réduit les marges des entreprises et les poussent à augmenter leurs prix. Les prix augmentent alors toujours plus vite que les salaires créant une perte de pouvoir d’achat.

Source : Banque de France

inflation : quelles conséquences ?

Une trop forte inflation a des effets :

  • Sur la dette des états, des entreprises ou des ménages : comme nous l’avons vu précédemment, le principe du nominalisme monétaire fait que 10.000 € empruntés se remboursent par 10.000 € également. Néanmoins, si la valeur de la monnaie a diminué, la valeur de ces 10.000 € lors du remboursement est moins importante que lors de l’emprunt.
    L’inflation allège donc le poids de la dette. C’est quelque part un moyen de faire décroître l’endettement de manière indolore, nonobstant les autres conséquences économiques de l’inflation.
  • Sur l’épargne : l’effet est alors inverse. L’épargne des agents économiques perd de la valeur si elle est rémunérée à taux fixe et ne suit pas l’inflation. Or c’est le cas d’une grande partie de l’épargne des ménages qui se dévalorise en cas de forte inflation.
  • Sur le pouvoir d’achat du fait de la baisse de la valeur de la monnaie. Avec la même quantité nominale de monnaie, on achète moins de biens.
    Par ses effets de baisse du pouvoir d’achat et de la valeur de l’épargne, l’inflation crée une forme de ponction de richesse, une forme « d’impôt invisible ».
  • Sur la devise : la monnaie perdant de sa valeur, les exportations sont relancées mais le coût des importations s’accroît créant alors de l’inflation importée. Si l’inflation devient véritablement galopante, les consommateurs et entreprises n’ont plus confiance dans la devise nationale et cherchent rapidement à l’échanger voire à se faire payer directement en devise étrangère plus forte et plus stable.
    Ceci est le cas de pays dits « émergents » subissant une hyperinflation comme l’Argentine dans les années 1990 ou le Venezuela actuellement avec un taux d’inflation de 9.586 % en décembre 2019.

Nous sommes bien sûr loin de la situation de ces pays mais les effets de la spirale inflationniste peuvent vite s’enclencher et restent redoutés par les pays dits développés qui ont aussi connu ces situations dans leur histoire, tel que l’Allemagne.

quels remèdes à l’inflation ?

Plusieurs solutions permettent de réduire l’inflation :

  • Agir sur l’offre et la demande : les pays les plus touchés par l’hyperinflation ont souvent agi directement sur l’offre et la demande en bloquant l’évolution des prix.
    Des pays comme le Venezuela, par exemple, ont imposé un contrôle strict des prix et des salaires. Ces politiques sont cependant rarement efficaces. En agissant directement sur la variable prix, le risque est grand de réduire la création de valeur économique. Les entreprises ne peuvent plus accroître leur chiffre d’affaires alors que leurs coûts continuent en général à augmenter, même si les salaires sont contrôlés. La maîtrise des prix et des coûts salariaux peut difficilement se faire de manière symétrique. D’autres coûts restent croissants comme les matières nécessairement importées et les marges des entreprises sont facilement érodées.

    Des actions, non pas de blocage des prix, mais de désindexation des salaires sur les prix ont de leur côté été menées avec succès en France au début des années 1980, couplées à une politique monétaire plus restrictive.

  • Agir par la politique de change en réévaluant la monnaie : le coût des importations se réduit ainsi que l’inflation importée. Certains pays ont indexé leur monnaie sur une valeur refuge comme l’or ou une devise forte, d’autres sont allés jusqu’à changer de monnaie et adopter une devise étrangère comme le dollar. Tel fut le cas de l’Équateur en 2000.
    Ce type d’action est cependant difficilement envisageable pour les pays dits développés qui affaibliraient grandement leur légitimité économique et, dans tous les cas, compliqué à mettre en œuvre en Europe.
  • Agir par la politique monétaire : il s’agit alors de réduire la quantité de monnaie en circulation. Dans les années 1970, les banques centrales ont mené ce type d’action par une augmentation forte des taux d’intérêt. Le crédit devenant plus cher, la quantité de monnaie en circulation se réduit. Cet outil monétaire a été efficace.

Cette politique de restriction monétaire serait-elle néanmoins envisageable aujourd‘hui ?  Le contexte est différent de lors des précédents usages de cet outil. Les États sont aujourd’hui terriblement endettés et de manière considérable depuis la crise du Covid-19.
Dès lors, une augmentation des taux d’intérêt est-elle possible et soutenable pour le paiement de la dette ? Qu’adviendrait-il si un État avait des difficultés à rembourser sa dette ?

La première réponse serait une nouvelle action des banques centrales qui rachèteraient la dette d’État non remboursable par ce dernier. Mais nous repartons alors vers une politique de création monétaire engendrant à nouveau de l’inflation.

Une autre réponse serait d’allonger la durée de remboursement de cette dette. Peut-on aller jusqu’à la rendre perpétuelle ? Pourrait-on enfin effacer une partie de la dette comme nous avons déjà pu le faire dans l’histoire récente pour la Grèce par exemple ?
Non-remboursement ou effacement de la dette, le créancier est nécessairement perdant. Il s’agira des banques et par ricochet de l’ensemble des acteurs économiques, y compris internationaux puisque la dette d’État est loin d’être domestique dans de nombreux pays.

Dans tous les cas, l’effacement ou le non-remboursement de la dette aboutit à une destruction de monnaie mais aussi, malheureusement, de valeur.

Les économistes s’accordent en général à considérer l’inflation comme un mal plus facilement « soignable » que la déflation. Leurs positions diffèrent actuellement compte tenu de l’importance de l’endettement mondial. Les marges de manœuvre de la politique monétaire sont aujourd’hui réduites.

Qu’elles apparaissent à court ou moyen terme, aucune des deux spirales, inflationnistes ou déflationnistes n’est souhaitable. Aucune ne permet une situation de reprise durable de la croissance.
Inflation et déflation ne peuvent cependant pas être considérées de la même manière et comme deux maladies économiques d’effet strictement inverse. L’inflation reste inhérente à tout processus de croissance, ce n’est pas le cas de la déflation dont l’effet est immédiatement néfaste.
Mais seul un taux d’inflation dit raisonnable que les économistes situent entre 2 et 3 % par an permet une croissance saine.

 

Les politiques monétaires et budgétaires de réponse à la crise du coronavirus permettront-elles d’atteindre ce subtil équilibre ? Et surtout seront-elles la réponse suffisante ?
Dans le type de crise que nous vivons, la reprise économique dépend fortement de la confiance des acteurs économiques dans l’efficacité de nos systèmes de santé pour combattre le virus, de la confiance dans les États mais aussi dans les entreprises et les individus, de la confiance dans nos solidarités, dans nos capacités et nos possibilités d’agir et surtout de la confiance dans l’avenir

Auteurs
Anne Brouard

Formateur intervenant au CFPB pour le CESB CGP, diplôme RNCP Niveau 7, spécialisé en gestion de patrimoine.